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La Terre était vieille, très vieille. Elle avait servi de refuge à des millions de formes de vie. Mais jamais encore on n'avait vu une telle espèce. À la fois si faible et si forte, elle avait quelque chose de sublime.
Gala gravit péniblement la colline. Il fait chaud, mais elle a froid. Elle marche depuis des heures et son corps est tellement lourd. Mais elle continue. Dans sa tribu, les femmes accouchent seules.
Gala s'agrippe à une branche et commence à pousser. Après des heures d'effort, son dos se brise et son corps se déchire. La douleur est terrible, mais elle ne dit pas un mot. Elle pousse une dernière fois. Dans sa tribu, les femmes accouchent debout.
Gala coupe le cordon ombilical avec ses dents. Vite, elle serre son bébé contre son sein. Elle est épuisée, mais elle se force à manger le placenta. Dans sa tribu, les femmes ne gaspillent pas la nourriture.
Gala regarde la plaine qui s'étend à ses pieds. Elle caresse le dos de sa fille. Elle devine qu'un jour la vie sera meilleure pour les siens. Dans sa tribu, les femmes savent que l'avenir leur appartient.
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Cléo est dans les champs et elle a chaud. Le soleil brûle sa peau et lui fait mal aux yeux. Mais elle ne s'en plaint pas, Il est vrai qu'elle ne connaît pas autre chose. Elle a grandi et elle mourra dans ces champs.
Comme sa mère et la mère de sa mère, Cléo vit près du fleuve. Le travail est dur. Avec son mari et ses enfants, elle est dehors dès le lever du soleil. Toute la journée, il faut labourer, semer, récolter. Quand le soleil se couche, tout le monde est épuisé.
La terre est riche au bord du fleuve. Les gens mangent à leur faim. Pourtant, certaines années, le niveau de l'eau baisse. Alors, c'est la famine. Seuls les plus forts subsistent. Cléo a perdu deux enfants à cause de la famine. Mais, cette année, l'eau est haute; la terre sera généreuse.
Cléo regarde son mari et ses enfants. Elle est en paix avec elle-même. Elle a la certitude de faire son devoir.
Toutefois, certains soirs, quand ses paupières se font trop lourdes, elle rêve. Elle imagine un pays d'abondance où coulent le miel et le lait, un pays où les enfants ne meurent pas de faim. Puis, elle s'endort.
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La lune se voile et le soleil se lève. Çà et là, quelques couleurs commencent à s'étirer, Je sors. Les promenades sont douces quand les nuits s'éteignent.
De pas en pas, de minute en minute, j'avance avec la journée. Je savoure le plaisir du promeneur solitaire. Tout à coup, une odeur de boulangerie, J'irais bien tenir compagnie à quelques miches et brioches.
La porte s'ouvre. Un sourire exquis m'invite. J'entre. Le pain est si frais qu'il en est chaud. «Divin!» Mon hôtesse me comprend à demi-mot et sort une bouteille. Le vin est frais et nous échauffe. La sieste s'annonce agréable.
Au dernier baiser, l'après-midi est déjà bien avancé. Je resterais bien, mais je ne le peux pas. Ce soir, je chante!
La fête est en l'honneur de Dyonisos, le dieu de l'ivresse. L'ambiance est au plaisir. Dès les premières notes de lyre, c'est le délire, Pendant toute la soirée, on s'étourdit de vin et de chansons. Quand la fête se termine, plus personne ne tient sur ses jambes.
La lune se dévoile. Je regarde le ciel. I! y a plein d'étoiles qui tournent et tournent et tournent..
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La grande place est chaude, brûlante. Jamais de mémoire d'homme on n'a vu un soleil aussi lourd. L'ennemi est dans la ville. La colère monte mais s'étouffe aussitôt. Il fait vraiment trop chaud.
Maria regarde les soldats. Elle pense à son mari et à ses fils qui ne reviendront plus. Sa peine est immense. Désormais, elle est seule pour s'occuper de ses filles. Elle serre les dents mais baisse les yeux.
Victor regarde les soldats. Ils pillent et volent tout le monde. Tous les marchands de la ville sont ruinés. Victor se demande s'il aura le courage de tout recommencer. Il serre les poings mais baisse les épaules.
Rodrigue regarde les soldats. Ils ont tué tous ceux qui résistaient. Ils sont devenus les maîtres de la ville. Rodrigue se sent impuissant. Il serre une arme mais baisse les bras.
Les grandes chaleurs ont fini par passer. Le soleil est beaucoup moins lourd sur la place. L'ennemi est toujours dans la ville... mais on s'est habitué.
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La place est grande et pleine de soleil. Je suis au milieu d'une foule immense. Nous sommes tous venus entendre le roi. Quand il fait chaud, le temps est souvent à la parole.
C'est le général du roi qui fait le premier discours. Il explique qu'il est là pour défendre le peuple. Les ennemis sont partout. Sans lui, il n'y aurait pas de sécurité dans les rues. La foule applaudit. Je pense aux soldats et à leurs armes. Je ne suis pas tout à fait rassuré.
Puis le grand prêtre du roi monte sur l'estrade. Il explique que le bonheur n'est pas de ce monde, Seuls ceux qui souffrent seront sauvés. Il ne sert à rien de se révolter contre le destin. La foule applaudit. Je pense aux enfants qui meurent de faim et de froid. Je ne suis pas vraiment convaincu,
Enfin, le roi lui-même monte à la tribune. Il explique que les gens sont comme des enfants. Il leur faut un roi pour les guider. Sans lui, ils ne seraient rien. La foule applaudit. Je pense aux richesses du roi et à la misère du peuple. J'ai un doute.
Je me demande ce que serait la vie sans rois, sans généraux et sans prêtres.
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Jeanne est couchée, mais elle ne dort pas. Elle pleure doucement dans son lit. Demain, elle entre au couvent. Ses draps sont chauds, mais elle frissonne. Elle vient tout juste d'avoir quinze ans.
Au petit matin, sa mère vient l'aider à se préparer, Elle est triste elle aussi. Elle voudrait garder sa fille. Mais, dans sa famille, on ne discute pas les décisions du père.
Jeanne se regarde pour la dernière fois dans le miroir. Elle se trouve belle malgré ses yeux rougis. Mais, à quoi bon? Plus jamais elle ne pourra se voir dans le regard d'un homme. Elle repose le miroir.
Sa mère commence à lui couper les cheveux. Au couvent, les règles sont strictes; on ne tolère aucune frivolité. Pour Jeanne, chaque boucle qui tombe, c'est un peu un rêve, un espoir ou un désir qui disparaît. À la fin, il ne lui reste que la résignation. Pour elle désormais, l'avenir sera fait de prières et de silence.
Son père la conduit au couvent. Pas un mot pendant le trajet. Jeanne voudrait lui parler, l'embrasser. Mais elle comprend que, pour lui, elle n'existe déjà plus.
Arrivée à destination, Jeanne franchit la porte du couvent et... sort de la vie.
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Jour 1
Au village tout le monde est curieux. Une grande barque est arrivée. Des hommes en sont descendus. Ils sont habillés d'une drôle de façon. Ils ont l'air gentils, mais ils me font un peu peur, Ils ont de drôles d'objets dans leurs mains. Les plus vieux pensent que ce sont des armes,
Jour 12
Les étrangers parlent une langue que je ne comprends pas, Ils ont construit une grande maison entourée de clôtures. Quand ils se promènent dans le village, ils nous regardent d'une façon étrange. Ils me donnent la chair de poule.
Jour 15
Deux jeunes filles ont disparu la nuit dernière. Les gens pensent qu'elles se sont fait attaquer par des bêtes sauvages. Mais moi je trouve que les étrangers sont bizarres. Ils rient entre eux quand ils nous croisent.
Jour 17
Ce matin, les étrangers ont battu un jeune homme. Le chef est allé dans la grande maison pour leur demander de s'en aller. Il n'est pas revenu. Tout le monde a peur.
Jour 18
Il fait nuit. J'entends des cris. Que se passe-t-il? Les étrangers entrent chez moi et...
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Ce matin, le cheval est mort. Sans lui, la chasse devient presque impossible. Jonathan n'ose pas regarder sa femme et ses enfants. Il a peur des reproches qu'il devine dans leurs yeux. Chaque respiration lui serre la gorge. Tout est de sa faute. C'est lui qui les a conduits dans cet enfer. Il baisse la tête.
Marie serre sa fille contre elle. Elle ne peut s'empêcher de regarder son mari. Elle voudrait bien le prendre dans ses bras, lui rappeler la misère, la faim, les frustrations. Mais elle ne sait pas comment. Il a l'air si abattu. Elle serre un peu plus sa fille contre elle.
Richard a beaucoup de peine. Il aimait bien le cheval. En même temps, il voudrait bien dire à son père de ne pas s'en faire, qu'il est assez grand pour l'aider, Mais il n'y arrive pas. Il refoule une larme,
La petite Diane aime bien se serrer contre sa maman. Pourtant, elle ne comprend pas. D'habitude, maman lui parle et papa est drôle avec son gros rire, Mais ce soir, personne ne dit rien. Que se passe-t-il? Elle devine que ce n'est pas le temps de pleurnicher. Elle ferme les yeux et elle essaie de dormir. Peut-être que ce sera plus drôle demain.
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Leurs yeux se troublent. Bleus, verts, gris, rouges, les couleurs n'ont plus d'importance. Leurs regards se voilent. Ténèbres et lumières brûlent dans la fumée. Les éclairs fusent, Pauline rougit.
Leurs nez frémissent. Les narines cherchent le subtil parfum de l'autre. Même l'usine à l'haleine la plus acide n'arrive pas à effacer cette odeur troublante. Quand elle leur frappe le coeur, leurs poumons tremblent. Pauline transpire.
Leurs mains se trouvent. Trop sèches ou trop moites, elles dérapent. Elles ont beaucoup de mal à se rattraper avant de dérailler. Mais leurs doigts se crispent et repartent par monts et par vaux. Pauline frissonne.
Leurs langues s'échappent. Elles ont tant de choses à se dire qu'elles glissent sur les mots. Elles arrivent tout de même à se faire comprendre. Il vient un moment où leurs intentions et leurs attentions deviennent claires. Pauline soupire.
Leurs oreilles s'entendent à peine. Le marteau s'en donne à coeur joie. Bientôt, pourtant, le tympan se détend. Il était temps; l'enclume n'en pouvait plus. Quand tout s'arrête, les oreilles baissent pavillon. Pauline s'endort.
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Le printemps, c'est la saison des grands dégels. C'est l'époque où les espoirs et les envies reprennent possession des corps comme une montée de sève.
Nadine a neuf ans et elle est heureuse. Pour elle, le printemps c'est le retour des grands plaisirs. C'est le temps des jeux et des courses, des promenades et des rigolades. C'est aussi le goût de la vanille et du chocolat, l'odeur des fleurs et du miel. Elle regarde dehors et tremble d'impatience,
Anne respire le printemps avec toute la force de ses trente-cinq ans. Pour elle, c'est la fin d'un trop long veuvage. Elle rêve de doux après-midi dans une barque, sous une ombrelle. Elle frissonne déjà à la pensée des regards masculins sur sa cheville dénudée, Elle se sent jeune et belle.
Eugénie a soixante-douze ans et elle est très malade. Elle sait qu'elle va mourir, mais elle est heureuse. Elle ne pensait pas survivre à l'hiver. Jamais elle n'a autant aimé les sons et les odeurs de la nature. C'est un peu comme si la vie entrait par la fenêtre. Le printemps, c'est la plus belle saison pour mourir.
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Fera-t-il doux ce soir? Je regarde les rues délavées par les néons et j'en doute, En fait, j'ai presque envie de ne pas sortir, Je tâte mes bourrelets et je soupire. Allez! il faut que me secoue.
Je marche sur un trottoir que je ne connais pas et qui s'en fout. Soudain, une affiche aux lèvres rouges comme un feu rouge. Je m'arrête, Tiens! un cinéma. Bof! il faut bien se faire plaisir de temps en temps. J'entre,
Des serments à grand déploiement. Des soupirs en gros plan. Des larmes en cinémascope, Quand le héros meurt finalement dans les bras de sa mère, je comprends que les affiches sont parfois trompeuses, Je sors,
Dehors, le ciel est noir, J'allume une cigarette. Je tousse. J'ai presque envie de rentrer. Ah! un petit bar... Pourquoi pas?
Une fille seule à une table. Je m'invite. La conversation tourne vite autour de ses grands yeux. Elle se met à rire. Comme je suis un peu naïf, je crois que je lui plais bien. Puis, sa petite amie arrive.
Je suis encore dehors et il fait toujours noir, Même les néons s'éteignent. J'ai envie d'une valium. Je crois bien que je vais rentrer.
*Erratum
Suite à un problème d'impression, il est impossible de répondre à la question 3.
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La vie est comme un grand feu. Certaines nuits, elle flambe dans un déferlement de lumière et de chaleur. Mais toujours elle finit par s'étouffer dans les braises du matin.
Émilie se réveille. C'est la nuit et la lune est pleine. Elle s'asseoit. Assez bizarrement, elle ne se sent pas fatiguée. En fait, elle ne s'est jamais sentie aussi bien. Elle caresse ses draps. Elle a l'impression étrange qu'ils frissonnent sous sa main, un peu comme la fourrure d'un petit chat.
Elle regarde par la fenêtre. La nuit est claire. Elle contemple la ville qui s'étend à ses pieds. Elle a toujours aimé cette vue. Mais ce soir, elle lui semble encore plus belle que d'habitude. Peut-être est-ce dû à la pleine lune?
Émilie contemple l'astre lunaire, Elle ressent une paix profonde, comme si elle venait de se nettoyer le corps et l'âme. Tout à coup, un détail insolite attire son attention. Mais, qui est donc cette femme étendue dans son lit? Alors, elle se reconnaît et elle comprend qu'elle est morte.
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Lettres en main est un groupe populaire d'alphabétisation qui intervient dans le quartier Rosemont à Montréal depuis 1982. L'objectif principal de l'organisme est de contribuer à abaisser le taux d'analphabétisme au Québec. Pour ce faire. Lettres en main offre des ateliers de lecture et d'écriture et défend les droits des personnes analphabètes. De plus, nous nous consacrons à la recherche, à la création et à la diffusion de matériel didactique novateur.
La réalisation clé ce document a été rendue -possible grâce au Secrétariat national a l'alphabétisation et à Emploi et Immigration Canada.
Idée originale
Lettres en main inc.
Illustrations
Conception et mise en page
Anne Côté
Gilles Doré
Anne Morin
Textes
Gilles Landry
Exercices
Conception
Lettres en main inc.
Réalisation
Gilles Doré
Collaboration
Jeanne Francke
Diane Labelle
Gilles Landry
Diane Mockle
Tous les participants de Lettres en main
Impression
Imprimerie Miro inc.
Diffusion
Lettres en main inc.
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5483, 12e avenue
Montréal (Qc) H1X 2Z8
(514) 729-3056
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