Table des matières

Avant-propos

«L'évaluation en alpha populaire doit adopter une approche qui corresponde à la philosophie de l'éducation populaire: lire l'écrit, écrire le social, s'inscrire dans le monde.»

Franklin Midy

L'Évaluation des apprentissages en alpha populaire par Franklin Midy constitue le sixième document de la série «Un visa pour l'alpha pop». Il représente le résultat d'une série de quatre sessions de formation, offertes au cours des deux dernières années, dans le cadre du Programme de formation des animatrices et animateurs en alphabétisation du RGPAQ - programme réalisé en collaboration avec le Service aux collectivités de l'UQAM.

Cette publication se veut un soutien pour la formation et l'auto-formation, qui vise à rendre largement accessible le contenu théorique et pratique de ces sessions. Elle entend combler un besoin clairement exprimé depuis plusieurs années d'outils d'évaluation des apprentissages en alphabétisation populaire. On y trouvera donc des réponses aux quoi, quand et comment évaluer, de même que des exemples de matériel permettant d'évaluer les apprentissages.

Ainsi, ce document constitue à la fois, un guide pratique et un outil de réflexion sur l'évaluation. Nous voudrions plus particulièrement souligner l'approche proposée par Franklin Midy. Celui-ci insiste sur la nécessité d'aborder l'évaluation de telle manière que les pratiques dans ce domaine correspondent à la philosophie même de l'alphabétisation populaire et de l'éducation populaire. Nous souhaitons que la publication de ce visa contribue à la promotion et au développement de pratiques d'évaluation qui évolueront dans ce sens.

Ginette Richard
au nom du comité de pédagogie

Introduction

Évaluer en alpha populaire

Il faut aussi évaluer en alpha. Comme on évalue habituellement à l'école. Comme on évalue couramment dans tout organisme de formation où sont enseignées des notions. Toute acquisition de savoir, tout apprentissage encadré, organisé, planifié, assisté, gagne à être périodiquement évalué. C'est le cas de l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul. L'évaluation à l'école, plutôt sommative et normative, vise surtout à contrôler ou à vérifier les acquisitions, en vue du classement ou de la certification. La longue expérience reliée à ce type d'évaluation a donné lieu à une somme remarquable de connaissances et d'instruments (savoir, techniques, tests).

L'évaluation en alpha populaire, par contre, se propose avant tout d'aider ou de faciliter l'apprentissage. Plus que dans tout autre domaine de formation, l'animatrice ou l'animateur en alpha populaire est plutôt une ressource facilitatrice d'apprentissage qu'une source de connaissances à transmettre. L'évaluation dans cette perspective devient essentiellement une démarche pédagogique destinée à tirer profit au maximum des possibilités d'assistance de cette ressource au service de l'apprentissage. Elle permet, bien sûr, de vérifier si l'apprentissage visé a eu lieu ou est en voie de réalisation. Elle aide à dépister à temps les insuffisances de l'enseignement ou les difficultés passagères de l'apprentissage, ou bien encore les déficiences ou les inconvénients des conditions d'apprentissage. L'évaluation en alpha populaire ne peut être que formative ou orientatrice. Elle est, en principe, plus attendue en alpha qu'elle ne l'est à l'école, pour diverses raisons, propres à ce champ d'action culturelle.

D'abord, les obstacles à l'apprentissage ou les difficultés d'apprendre sont nombreux pour les adultes analphabètes: le goût de «revenir à la petite école» ou d'y entrer à un âge avancé est faible au départ, les progrès de l'apprentissage souvent lents au début. Quant à la motivation d'apprendre, elle n'est pas d'emblée élevée et soutenue; l'évaluation peut servir à la nourrir et à l'entretenir.

De plus, en alpha populaire, l'apprentissage des notions sert des objectifs pratiques reliés aux exigences de la vie quotidienne: apprendre pour répondre à des besoins sociaux bien définis. Il doit habiliter la personne apprenante à maîtriser les situations concrètes qu'elle est en train de vivre, à faire face efficacement aux contraintes de son environnement social. L'acquisition d'un savoir en alpha populaire doit déboucher sur le savoir-faire: les acquisitions notionnelles doivent pouvoir être transférées dans les domaines de la vie quotidienne. L'évaluation permet de garder en mémoire cette préoccupation du transfert des acquis.

Plus fondamentalement, l'alpha populaire vise la croissance personnelle des personnes analphabètes, le développement de leur créativité et de leur participation sociale. Au-delà du savoir ou du savoir-faire qu'elle cherche à partager et à développer, elle s'attache surtout à promouvoir la prise de conscience de soi et la prise en charge collective. Plus que simple intervention éducative correctrice, elle se présente et se pratique comme action culturelle libératrice. L'évaluation, dans cette perspective, peut devenir une occasion de prise de conscience individuelle et de prise en charge collective, servir comme outil de promotion de l'idée de la croissance de l'être, en permettant à la personne analphabète de faire de sa démarche d'apprentissage une pratique réfléchie d'accomplissement de soi et d'engagement social.

Bref, l'évaluation en alpha populaire est utile, voire nécessaire. Elle renseigne sur le déroulement du processus d'apprentissage, maintient et renforce la motivation à apprendre, garde à l'ordre du jour la question du transfert des acquis, rappelle constamment l'importance de l'accomplissement de soi des personnes analphabètes et de leur implication sociale.

Toutefois, malgré son importance pour l'alpha populaire, l'évaluation de l'apprentissage est longtemps restée une pratique peu répandue dans les organismes d'alpha. Aujourd'hui encore, les connaissances en cette matière apparaissent partielles et dispersées; il existe peu d'outils appropriés; la formation des animatrices dans le domaine était jusqu'alors laissée à l'initiative personnelle. Situation plutôt paradoxale, et problème à résoudre: en principe reconnue nécessaire en alpha, l'évaluation est peu développée comme pratique. Le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ) a décidé depuis peu de faire face au problème et d'en faire sa préoccupation.

Ce «visa pour l'alpha pop» traduit bien cette préoccupation: guide pour l'évaluation des apprentissages, mémoire des sessions de perfectionnement de 1990-1992!

Ce visa en évaluation des apprentissages comprend un long développement central précédé d'un prologue et suivi d'un épilogue. Le corps du texte présente une méthodologie de l'évaluation en début et en cours de formation. Un prologue introduit cette partie centrale et tente de sensibiliser animatrices et animateurs à l'importance et à l'utilité de l'évaluation en alpha populaire, tandis qu'un épilogue tourne la page de ce visa en évaluation, en tentant d'examiner tout le dispositif relié à l'acte d'évaluer.

Ce guide d'évaluation s'intéresse avant tout aux apprentissages d'ordre cognitif, aux acquisitions notionnelles en lecture et en écriture, en calcul et en français. Il correspond donc surtout au domaine du savoir. Mais le champ visé par l'alpha pop est vaste; il couvre aussi le domaine du savoir-faire et du savoir-être, des habiletés et des attitudes. C'est de façon voulue que ce guide en évaluation considère à peine les apprentissages relatifs à ces domaines, leur évaluation faisant déjà en général l'objet d'une grande attention de la part des animatrices et animateurs d'alpha populaire.

Prologue: Justification de l'évaluation en alpha populaire

Problèmes et orientations

Préoccupation et pratiques

L'évaluation des apprentissages en alpha est une préoccupation récente: des organismes d'alpha produisent des guides d'évaluation à l'intention des groupes d'alpha1; les animatrices et animateurs d'alpha élaborent et expérimentent des outils d'évaluation2; des recherches sont entreprises sur les pratiques et les outils d'évaluation en alpha3; des sessions de perfectionnement en évaluation des apprentissages en alpha4 sont offertes. La pratique d'évaluation se répand progressivement; en tout cas, son importance est reconnue aujourd'hui.

Une question, toutefois, demeure: quelle place accorder à l'évaluation dans le processus d'apprentissage? Comment en faire un instrument de pédagogie, un outil d'enseignement facilitateur et un outil d'apprentissage performant, mieux soutenu et mieux orienté?

On peut affirmer qu'en alpha populaire, tout le monde fait de l'évaluation, sous une forme ou sous une autre. Il s'agit surtout, apparemment d'évaluation «intuitive» ou «informelle», comme en témoignent les indications fournies par les participantes et participants des sessions de formation du RGPAQ. Mais lui donne-t-on toute la place qu'elle mérite au cœur même du processus d'apprentissage? La réponse à cette question ne va pas de soi, à bien examiner la pratique actuelle d'évaluation en alpha.

Problèmes d'évaluation

Notons quelques problèmes de conception que semble connaître une certaine pratique d'évaluation:

  1. L'évaluation serait conçue comme une activité d'abord au service de «l'enseignant»: elle servirait à le sécuriser face aux lenteurs ou aux difficultés d'apprentissage des personnes apprenantes. «Comment évaluer, demande-t-on, si une personne a maîtrisé une notion?» «Quand doit-on passer à l'enseignement d'une autre notion?» L'attention ici serait accordée d'abord à l'enseignement et non à l'apprentissage; la préoccupation concernerait avant tout la vérification de ce qui est appris plutôt que l'aide à l'apprentissage.
  2. L'évaluation serait conçue comme un moyen de tester et de mesurer les acquis des personnes apprenantes avant d'être un outil de facilitation de leur apprentissage. La notation est l'expression de cette conception implicite. L'effet direct d'une telle démarche, c'est de laisser l'impression aux participantes et participants que l'évaluation les juge et décide de la valeur de leur capacité intellectuelle, alors qu'elle devrait avant tout les informer sur le déroulement de leur apprentissage avec ses moments de progression, de piétinement, voire de recul.
  3. L'évaluation serait conçue comme un acte étranger à la pédagogie, plutôt perçue comme un acte administratif de contrôle que comme une démarche pédagogique destinée à faciliter l'apprentissage. En ce sens, elle serait facultative. On la pratiquerait à l'occasion, de façon souvent informelle, parfois avec des outils inadéquats produits au hasard, sans toujours se demander en quoi et comment elle va servir l'apprentissage en cours. L'inconvénient d'une telle approche, c'est de faire apparaître l'évaluation comme une charge additionnelle pour «l'enseignant» et une épreuve injustifiée pour la personne apprenante. La perception de l'évaluation comme sanction négative risquerait d'être renforcée dans ce cas.
  4. Un dernier problème à souligner: l'évaluation porterait surtout sur le savoir ou les acquis notionnels, comme si la finalité de l'alphabétisation populaire était l'acquisition de notions de base. Conformément à cette conception spontanée de l'alpha, l'évaluation paraît s'intéresser principalement à l'individu, négligeant quelque peu la dimension de groupe.
    Mais si le but de l'alpha populaire est la croissance personnelle et l'implication sociale de la personne analphabète dans un contexte social donné, on voit difficilement comment l'évaluation pourrait être peu attentive au savoir-être et au savoir-faire qui résultent de la démarche d'apprentissage. Serait très limitative une évaluation qui ne prendrait pas pour objet l'ensemble articulé des apprentissages et qui ne considérerait pas la personne apprenante comme intégrée dans un groupe de formation et située dans un environnement social. On aurait là affaire à une évaluation abstraite sur des apprenantes et apprenants hors-contexte.

Pistes nouvelles de réflexion

1. Pour une évaluation intégrée au processus d'apprentissage.

Conçue comme un outil pédagogique de facilitation de l'apprentissage, de régulation de l'enseignement, d'accompagnement de la démarche de formation. Dans ce sens, l'évaluation est une dimension de la méthode pédagogique: une démarche d'évaluation redouble et renforce la démarche d'apprentissage. Elle est présente tout au long du cheminement de la personne apprenante, au début, au cours et à la fin de la formation.

Une telle approche de l'évaluation est plus en accord avec la conception de la formatrice comme guide, facilitatrice, animatrice. Elle exige par contre des conditions bien précises:

  • avoir au départ des objectifs de formation bien définis et distribués en une suite d'objectifs intermédiaires à atteindre;
  • bien définir les contenus des ateliers, préparer le matériel didactique, prévoir différents outils d'évaluation correspondant aux divers objectifs d'apprentissage;
  • être prêt à évaluer aussi souvent que l'exige le progrès de la participante ou du participant dans son apprentissage;
  • adopter une approche de l'apprentissage qui soit en résonance avec l'orientation de l'évaluation intégrée. Telle est l'approche du Mastery Learning5, qui correspond d'ailleurs à la conception du RGPAQ sur l'alpha populaire.

LE MOT DU RGPAQ SUR L'APPRENTISSAGE EN ALPHA6
Dans sa dimension pédagogique

L'alphabétisation populaire favorise la maîtrise des outils essentiels que sont la lecture, l'écriture et le calcul et vise le développement des connaissances générales: fonctionnelles, politiques, sociales, personnelles. Elle fait de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture un outil d'expression sociale, de prise de parole, de pouvoir sur son milieu et son environnement, un moyen de développer la confiance en soi et une appropriation du langage écrit.

2. Pour une évaluation participative

Conjointement prise en charge par l'animatrice, la participante ou le participant et le groupe de formation. Évaluation de l'enseignement et de l'apprentissage, évaluation de la relation pédagogique et du contexte d'apprentissage.

L'auto-évaluation assistée est une forme de réalisation de l'évaluation participative. Certains aspects de l'objet à évaluer ne peuvent l'être que par les personnes directement concernées. La participante ou le participant est plus à même d'évaluer ses besoins et ses motifs de formation, ses expériences antérieures et ses nouvelles"habiletés pratiques. Et le groupe d'apprentissage est plus à même d'évaluer collectivement le travail d'éducation populaire qui se réalise en son sein: pratique démocratique, entraide mutuelle, résolution des problèmes du groupe, implication sociale...

LE MOT DU RGPAQ7

L'alphabétisation populaire est une approche collective à l'intérieur de laquelle l'individu est intégré à une démarche de groupe, ce qui permet de développer un sentiment d'appartenance, de réaliser des projets et d'avancer des revendications.

3. Pour une évaluation globale et pratique

Intéressée au contexte ou à l'environnement de la formation, aux divers types d'apprentissages qui résultent de la formation, à l'impact de la formation et aux effets des apprentissages sur la vie quotidienne des participantes et participants.

Cette évaluation globale et pratique

  • portera sur le savoir, le savoir-faire et le savoir-être;
  • s'intéressera au transfert des acquis dans la vie quotidienne;
  • prendra pour objets l'individu et le groupe de participantes et participants, le contexte d'apprentissage et le contexte de vie.

LE MOT DU RGPAQ8

L'alphabétisation populaire favorise une prise de conscience et une connaissance critique du vécu des participantes, des groupes ainsi que des différentes réalités de la société.

Elle suscite une prise en charge collective du milieu afin d'améliorer les conditions de vie de la population et vise donc, à court, moyen et long terme, la gestion par les participants et participantes de leur espace social culturel, politique et économique.

Pourquoi évaluer en alpha?

Raisons d'évaluer

Il y a plus d'une bonne raison qui milite en faveur de l'évaluation en alpha populaire. Entre autres raisons, on évalue:

  • Pour apprendre à connaître les participantes et participants avec leurs besoins et leurs attentes, leurs aptitudes et leurs habiletés, leurs connaissances et leurs expériences. Ces informations aident à mieux définir avec eux les objectifs et les stratégies de formation.
  • Pour vérifier et s'assurer que les objectifs de formation sont atteignantes et en voie de l'être. Sinon, on procède aux ajustements nécessaires.
  • Pour dépister, cerner éventuellement les lacunes ou les déficiences de l'enseignement, et les corriger s'il y a lieu.
  • Pour examiner le processus d'apprentissage, dépister les difficultés, diagnostiquer les problèmes. Cela permet d'apporter un feed-back utile pour la régulation de l'enseignement et de l'apprentissage, de chercher et de trouver les corrections jugées nécessaires.
  • Pour savoir quand les objectifs visés sont atteints et pouvoir mieux contrôler la progression de l'apprentissage.

En deux mots, l'évaluation est une aide à l'apprentissage. Les divers acteurs impliqués dans le processus de formation y trouvent leur profit: elle aide participantes et participants à avoir prise sur leur apprentissage; elle aide animateurs et animatrices à ajuster objectifs, méthodes et stratégies de formation; elle aide le groupe à actualiser son potentiel et ses objectifs; elle aide le regroupement des groupes d'alpha à mieux contribuer à l'élaboration des contenus de formation.

Avantages de l'évaluation

La personne apprenante

  • fait périodiquement le point sur ses apprentissages en cours et suit de près son cheminement d'apprenant;
  • prend les mesures de réajustement qui dépendent d'elle (temps, efforts, participation, objectifs personnels, stratégies) pour répondre aux exigences de la formation;
  • prend en charge sa propre formation avec l'assistance de la formatrice devenue pour elle une animatrice-facilitatrice;
  • change sa conception du rapport maître-élève et établit avec l'animatrice-facilitatrice une relation d'aide dynamique;
  • maintient et renforce sa motivation d'apprendre.

L'animatrice d'alpha

  • apprécie l'effet de son action, effet facilitateur ou non motivant;
  • juge de la justesse de son intervention (objectifs, contenus, méthodes, stratégies) et prend les mesures de réajustement ou de correction nécessaires;
  • constate les progrès ou les déficiences de la participante ou du participant, identifie ses problèmes et ses difficultés et décide de mesures de reprise ou de renforcement;
  • découvre à mesure les exigences de l'intervention en alpha et augmente l'efficacité de son action éducative;
  • favorise le progrès chez la personne apprenante et renforce sa propre motivation d'enseignante-facilitatrice d'apprentissage.

L'atelier d'alpha

  • renforce les relations d'entraide et l'esprit d'équipe déjà en honneur au sein des ateliers d'alpha;
  • les membres du groupe se soutiennent mutuellement, en se stimulant et en se motivant davantage;
  • l'atelier devient, de par les pratiques d'entraide au niveau même des apprentissages, un groupe de formation dynamique, caractérisé par une nouvelle relation triangulaire animatrice-groupe de formation-participante ou participant. Le groupe en formation devient aussi facilitateur de l'apprentissage de chacun, donc groupe de formation. La relation triangulaire nouvelle remplace la relation bipolaire hiérarchique maître-élève.

L'organisme d'alpha

  • est à même de recueillir auprès de l'ensemble des ateliers d'alpha les informations utiles sur les objectifs, les contenus, les méthodes et les stratégies de formation;
  • dispose des informations nécessaires pour mieux comprendre la dynamique et les conditions de l'apprentissage en alpha populaire;
  • possède les informations qui permettent de décider des ajustements, des corrections ou des renforcements nécessaires.

MEMO 1
Établissez vous-mêmes pour vous-mêmes les bonnes raisons qui justifient la pratique d'évaluation en alpha. Indiquez les avantages qu'on peut en tirer pour aider l'apprentissage.
Fixez la stratégie que vous allez suivre pour sensibiliser et intéresser les participantes et participants à la question de l'évaluation des apprentissages.

Méthodologie de l'évaluation des apprentissages en alpha populaire

Chapitre 1 – Évaluation à l'accueil

Les groupes d'alpha font face dès le départ à la nécessité d'évaluer. Ils servent une catégorie de personnes qui ont des acquis divers, des besoins variés, des attentes différentes, bref qui appellent une «formation sur mesure» ajustée aux besoins et aux possibilités de chacun. Comment déterminer le niveau actuel de leurs acquisitions notionnelles de base, et donc le point de départ de leur apprentissage dans le domaine du savoir? Voici posée d'emblée la question de l'évaluation en début de formation. Dans le langage courant des groupes d'alpha populaire, on parle d'évaluation à l'accueil.

Qu'entend-on par évaluation à l'accueil? Qu'évalue-t-on en début de formation? Quels sont les outils et techniques possibles à utiliser? À quoi sert cette évaluation? Voilà autant de questions soulevées par la nécessité d'évaluer les participantes et participants qui s'inscrivent à un groupe d'alpha populaire.

La proposition générale qui suit est une tentative de réponse critique à ces questions. Proposition d'une démarche idéale, dont on peut s'inspirer, mais qui n'a pas du tout la prétention de vouloir ou de pouvoir s'appliquer en tout et partout, Il s'agit plus de suggérer une philosophie que de prescrire une recette.

1. Mise au point

En parlant d'évaluation à l'accueil, on se réfère en principe à deux activités différentes et distinctes: il y a l'activité de l'accueil et il y a l'activité d'évaluation qui a lieu lors de l'accueil. Pourtant, certaines modalités d'accueil donnent parfois l'impression que les deux activités sont confondues, ou plus précisément que l'activité d'accueil se perd dans l'activité d'évaluation: les personnes «recrutées» pour l'alpha sont accueillies au groupe d'alpha pour se voir soumises à un test d'évaluation et de classification.

Tout se passe comme si l'accueil se réduisait à une sorte de démarche d'admission déguisée. Il semble être à l'image des procédures d'admission dans les systèmes scolaires. Une telle démarche pourrait avoir pour effet de réanimer chez les personnes «recrutées pour l'alpha» l'image négative qu'elles ont déjà de l'école et les porter à percevoir le groupe d'alpha à travers cette image négative de l'école. À cause de cette confusion initiale, elles pourraient entrer à reculons au groupe d'alpha, réticentes et moins motivées.

De l'apparente confusion des deux activités (accueil et évaluation) pourrait ressortir une certaine idée de l'accueil, confuse à son tour:

  • L'accueil serait un prétexte au test: les personnes recrutées pour l'alpha sont invitées au groupe d'alpha pour subir un test d'évaluation. L'évaluation, dans ce cas, aurait eu lieu; mais l'accueil n'apparaîtrait que comme une opération publicitaire pour amener les candidats et candidates à l'alpha jusqu'au test. L'accueil n'aurait pas d'objectif propre; il ne serait pas une dimension particulière du projet d'éducation populaire.
  • L'accueil se réduirait à une convocation-épreuve avec la «formatrice» ou le «formateur», au lieu d'être avant tout une rencontre-échanges avec le groupe d'apprenants et apprenantes en formation. Les personnes recrutées pour l'alpha pourraient avoir l'impression de revenir à l'école, d'être convoquées au bureau de la maîtresse d'école pour subir un examen d'entrée, avant de se soumettre à la formation pour recevoir en partage un certain savoir. Et de devoir faire face au risque suivant: voir se raviver en elles l'image de l'école sélective et l'idée de l'échec associée à cette école. Tout en ayant l'impression - inconvénient non négligeable - d'être reléguées à une école pauvre, une école de pauvres ou d'exclus.

Pour éviter ces effets négatifs engendrés par la confusion entre les deux moments de l'accueil et de l'évaluation, il convient de distinguer clairement les deux activités, de bien définir les objectifs spécifiques visés par chacune et d'aménager des moments distincts pour les réaliser.

A. L'activité accueil

L'accueil proprement dit peut être considéré comme un moment et une modalité d'intégration des nouveaux venus dans le groupe existant des participantes et participants. Les premières visites des personnes analphabètes au groupe d'alpha sont vécues comme un accueil par l'animatrice et par le groupe, au sein d'un groupe de formation, plutôt que comme un écueil, un obstacle à franchir avant d'entrer dans le cercle des élus de l'école. L'accueil serait vécu comme une preuve de son acceptation dans un groupe d'appartenance, au lieu d'être subi comme une épreuve initiatique préparant l'entrée en formation.

Selon cette perspective, l'accueil deviendrait l'affaire collective de tous les intéressés, de l'animatrice-guide, des personnes apprenantes-invitées et du groupe des apprenantes et apprenants-hôtes. Chaque partie y apporterait sa contribution spécifique pour faire de la rencontre élargie l'occasion de produire ensemble un projet collectif de formation.

B. L'activité évaluation

L'évaluation à l'accueil recouvre en fait deux activités distinctes: une activité d'enquête et une activité d'évaluation proprement dite.

  • Enquête-cueillette d'informations pertinentes pour l'évaluation pondérée des acquisitions à venir, comme les informations sur les caractéristiques personnelles des apprenantes et apprenants et sur leur motivation. Également enquête-cueillette d'informations utiles pour la détermination du programme et des contenus de «formation sur mesure», telles les informations sur les besoins et la demande de formation des personnes apprenantes.
  • Évaluation des habiletés et des aptitudes des personnes apprenantes à leur entrée au groupe d'alpha, en vue de la répartition de ces dernières dans les niveaux de formation appropriés. On peut évaluer dans ce sens le niveau des acquis en lecture, écriture et calcul. On peut également évaluer le degré de maîtrise de la langue parlée. Cette évaluation ne vise pas tant à classer les nouveaux venus selon des niveaux distincts de formation, mais à découvrir avec eux le bon point de départ de leur «formation sur mesure» et les centres d'intérêt commun possibles pour une éducation de groupe.

Compte tenu de ces deux activités distinctes, utiles l'une et l'autre pour la mise en œuvre de la formation, il conviendrait de parler plutôt désormais d'enquête-évaluation à l'accueil.

Ce que nous appelons «évaluation à l'accueil» recouvre, en somme, trois activités distinctes ayant chacune ses objectifs propres. Parlons plutôt dans ce cas de l'étape du début de formation.

2. Problématique de l'accueil

Résumons. L'accueil-évaluation peut être perçu et vécu comme

  • Accueil par l'animatrice, sous forme de confrontation-épreuve avec en arrière-fond l'image du maître-juge et de l'école sélective, ou bien accueil par le groupe au sein d'un groupe d'entraide dans le cadre d'une fête d'accueil.
  • Accueil pour la personne nouvellement arrivée, obligée de subir une épreuve d'entrée, ou bien accueil de cette personne sous forme de fête célébrant son arrivée au sein d'un groupe d'appartenance.
  • Accueil dans une institution scolaire où prédomine l'éducation bancaire et l'évaluation-sanction, ou bien accueil dans un groupe de formation et d'entraide où prédomine l'éducation conscientisante9 et l'évaluation-orientation.

Disons qu'en alpha populaire, il y aurait avantage à réaliser cette étape d'accueil-évaluation à travers trois activités distinctes et trois moments différents.

Le pré-accueil par l'animatrice

C'est le moment de la rencontre d'une nouvelle participante et d'une animatrice, du «Ce que j'aimerais savoir» de la première et du «Ce que je voudrais t'aider à apprendre» de la seconde. Moment de mise au jour et de rencontre de besoins d'apprendre et de raisons d'enseigner.

L'animatrice reçoit la personne nouvelle, lui présente le groupe d'alpha avec ses animateurs et animatrices, le groupe de participantes et participants, les objectifs de formation, les contenus d'apprentissage, etc. Elle s'informe, de son côté, sur les besoins et attentes de son invitée, sur ses expériences et ses connaissances, sur ses habiletés et ses aptitudes. Elle l'invitera à la fin à participer à la fête-rencontre avec le groupe de participantes et participants, selon son goût et son savoir-faire.

Tout cela se fera sur le mode de la conversation, sans formalité aucune, pour ne pas nuire à la spontanéité de la rencontre. À l'animatrice de noter, après la rencontre, dans le dossier désigné de la personne apprenante, les informations qu'elle juge utiles pour la suite de la «formation sur mesure». Une fiche d'information peut être utilement produite à cette fin. Cette fiche servirait à conserver les remarques de l'animatrice sur la rencontre et sur la personne apprenante (voir un modèle de fiche d'information).

Accueil par le groupe de participantes et participants

Moment d'insertion dans le groupe déjà en formation. Accueil dans un groupe d'entraide. Il s'agit d'une rencontre d'échange dans le cadre d'une rencontre sociale où le jeu et la fête peuvent trouver leur place. La participation multiforme de chacun est souhaitée et encouragée. La personne nouvellement arrivée fait ainsi l'expérience de la vie et du travail de groupe, avant de s'engager dans l'aventure solitaire de l'apprentissage de notions. Il se peut que cela ait des effets positifs sur sa motivation à apprendre. Mais on peut affirmer avec plus d'assurance que la rencontre de groupe atteint d'autres objectifs positifs. Elle facilite l'intégration du nouveau ou de la nouvelle dans le groupe qu'elle renforce ainsi d'année en année; elle informe sur son aptitude à fonctionner en groupe et sur d'autres qualités (débrouillardise, leadership, talent de dramaturge, etc.); elle permet à chacune et chacun de se mettre en valeur par d'autres qualités et aptitudes que la compétence en lecture et en écriture.

Ici également, il est préférable de ne pas rompre la spontanéité de la rencontre de groupe par des techniques d'enquête actives. Mieux vaut recourir à l'observation participante et recueillir ensuite sur une grille d'observation (voir un modèle de la grille d'observation) du groupe les remarques jugées utiles pour la formation.

Post-accueil par la personne apprenante assistée de l'animatrice

Moment d'enquête sur les caractéristiques personnelles de la personne nouvellement arrivée, sur ses acquis et ses expériences, ses besoins et ses attentes, sa motivation et ses objectifs personnels de formation. Également moment d'auto-évaluation assistée des habiletés et des aptitudes. Enfin, moment de possible évaluation formelle, s'il y a lieu, du degré de maîtrise des acquis en lecture, en écriture et en calcul.

Divers types d'outils sont nécessaires pour réaliser ces activités: fiche d'identification personnelle pour la cueillette d'informations sur la personne qui s'inscrit, mais aussi pour diagnostiquer sa capacité en lecture et en écriture (voir cette fiche). Fiche d'inscription pour l'évaluation formelle du degré de maîtrise en lecture et en écriture, pour l'auto-évaluation assistée des besoins et de la demande de formation, pour la cueillette d'informations additionnelles sur les expériences et les attentes de la future participante ou du futur participant. Textes-tests pour l'évaluation mesurée des acquis en lecture et en écriture.

Qu'il s'agisse de la fiche d'identification, de la fiche d'inscription ou des textes-tests, ils doivent être utilisés comme dans une situation ordinaire d'apprentissage. En aucun cas, il ne faudrait donner l'impression qu'on est en période d'«examen» ou de test.

3. Techniques d'enquête [...]

Techniques d'enquête et outils d'évaluation en début de formation

A. Pré-accueil par l'animatrice

Technique d'enquête
Conversation avec l'animateur ou l'animatrice Outil d'enquête: Fiche d'information sur la personne qui vient s'inscrire (voir le modèle)

Objectifs et objets de l'enquête

  • informations sur les antécédents scolaires et les expériences pratiques de la personne apprenante;
  • informations sur ses raisons d'inscription au groupe d'alpha et sur sa motivation;
  • informations sur le niveau de connaissance de la langue parlée ou l'aptitude à s'exprimer oralement;
  • informations sur les besoins et les attentes de la personne apprenante;
  • informations sur les difficultés constatées de la personne apprenante;
  • informations sur le niveau de formation supposé de la personne apprenante;
  • établissement d'une relation d'aide et de confiance entre animatrice et personne apprenante.

Modèle - Fiche d'information sur la personne apprenante

[Voir l'image pleine grandeur]Modèle de fiche d'information sur la personne apprenante

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B. Accueil dans le groupe:

Technique d'enquête
Observation participante: échanges dans le groupe, participation au groupe, dynamique de groupe

Outil d'enquête
Grille d'observation du groupe (voir le modèle)

Objectifs et objets de l'enquête

  • informations sur l'accueil fait aux nouveaux et nouvelles
  • informations sur la capacité de fonctionner en groupe des nouvelles et nouveaux participants (savoir-être)
  • informations sur l'entraide dans le groupe
  • informations sur leurs habiletés (savoir-faire)
  • informations sur la participation aux activités du groupe
  • renforcement de la dynamique de groupe

C. Évaluation post-accueil [...]

Évaluation post-accueil par la nouvelle participante ou le nouveau participant

Techniques d'évaluation
Auto-évaluation assistée, évaluation instrumentée des acquis

Outils d'évaluation

Objectifs et objets d'évaluation

  • informations sur les caractéristiques personnelles de la personne nouvellement arrivée et sur ses coordonnées essentielles;
  • informations sur les besoins et la demande de formation de la personne apprenante ainsi que sur sa motivation et le lien établi entre la demande de formation et la qualification requise par telles ou telles tâches ordinaires;
  • diagnostic sur sa capacité de remplir un formulaire;
  • vérification du degré de maîtrise en lecture, en écriture, en calcul, en français;
  • répartition des nouvelles et nouveaux participants dans les niveaux appropriés de formation.

Modèle - Grille d'observation du groupe

[Voir l'image pleine grandeur]Modèle de grille d'observation du groupe

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Modèle – Fiche d'identification

[Voir l'image pleine grandeur]Modèle de fiche d'identification

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Modèle - Fiche d'inscription

[Voir l'image pleine grandeur]Modèle de fiche d'inscription - Partie 1

[Voir l'image pleine grandeur]Modèle de fiche d'inscription - Partie 2

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Exemple – Test pour évaluer les acquis en lecture et en écriture

[Voir l'image pleine grandeur]Exemple de test pour évaluer les acquis en lecture et en écriture - Partie 1

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[Voir l'image pleine grandeur]Exemple de test pour évaluer les acquis en lecture et en écriture - Partie 2

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MEMO 2
Rassemblez et examinez les outils d'évaluation que vous utilisez à l'accueil. Améliorez-les et complétez-les, s'il y a lieu.
Prévoyez comment vous allez vous y prendre pour à la fois accueillir les nouvelles et nouveaux
participants et recueillir les informations utiles sur leurs acquis et leur situation, leurs expériences et leurs attentes.

Chapitre 2 – L'évaluation des apprentissages [...]

L'évaluation des apprentissages en cours de formation

À quoi doit servir finalement le «visa pour l'alpha» en évaluation? Il veut aider les animateurs et animatrices d'alpha à apprendre à évaluer les apprentissages en cours de formation. C'est un outil d'auto-formation en évaluation.

L'atteinte de cet objectif terminal de formation passe par la réalisation d'une série d'apprentissages intermédiaires. Il convient de faire voir la progression vers l'apprentissage terminal, en marquant les balises successives qui y conduisent. En procédant ainsi, nous mettons en pratique le principe de l'analyse des apprentissages dont il sera plus loin question (chapitre 3). Nous verrons qu'il est pédagogiquement utile d'analyser les apprentissages impliqués par tout savoir que l'on veut aider à acquérir et de visualiser dès le départ pour les participantes et participants la progression vers ce savoir visé.

Je rends visible ci-après la progression vers le «savoir évaluer les apprentissages en cours de formation».

[Voir l'image pleine grandeur]Les différentes étapes de 0 à 6 de la progression vers le savoir évaluer les apprentissages en cours de formation

0: Ne pas savoir évaluer
1: Savoir ce qu'est l'évaluation
2: Savoir analyser les apprentissages
3: Savoir mesurer les apprentissages
4: Savoir juger les acquisitions
5: Savoir décider des ajustements
6: Savoir évaluer

L'objectif terminal «savoir évaluer» est fractionné en objectifs intermédiaires qu'il faut préalablement atteindre avant et afin d'arriver au but. Nous distinguons ici cinq objectifs intermédiaires qui pourraient être fractionnés à leur tour en objectifs plus restreints. Nous tentons de visualiser à la page suivante la progression de ces objectifs intermédiaires et les apprentissages spécifiques qui sont visés à chaque étape.

Apprendre et savoir comment évaluer en cours de formation

QUE SAIS-JE ?

1. Savoir ce qu'est l'évaluation

  • Connaître les principes et rôles de l'évaluation;
  • Connaître les types d'évaluation;
  • Connaître le processus général de l'évaluation;
  • Savoir quoi et quand évaluer;
  • S'entendre sur l'approche caractéristique de l'alpha populaire.

2. Savoir analyser les apprentissages

  • Savoir fixer des objectifs de formation bien définis;
  • Être informé sur les exigences de la pédagogie par objectifs.

3. Savoir comment «mesurer» les apprentissages en cours de formation

  • Connaître la panoplie d'outils d'évaluation;
  • Pouvoir choisir ou produire des outils de mesure appropriés;
  • Savoir obtenir une «mesure» des acquisitions en cours par catégories de tâches.

4. Savoir «juger» ou apprécier les acquisitions en cours

  • Jugement feed-back informatif;
  • Jugement par profils de performance;
  • Jugement contextué.

5. Savoir quelle décision prendre

  • Portant sur les difficultés de l'apprentissage;
  • Portant sur les insuffisances de l'enseignement;
  • Portant sur les conditions d'enseignement;
  • Portant sur la situation des participantes et participants

Analyse des apprentissages impliqués dans ce savoir

QUE FAIS-JE ?

1. Établir la démarche évaluative

  • Choisir une approche évaluative qui soit en résonance avec la philosophie de l'alpha populaire;
  • Choisir le type d'évaluation approprié à l'alpha populaire;
  • Préciser quoi évaluer et qui évalue;
  • Fixer quand évaluer.

2. Fractionner les objectifs d'apprentissage

  • Préciser les objectifs de l'évaluation;
  • Établir la chaîne des apprentissages intermédiaires conduisant à l'objectif terminal.

3. Entreprendre la «mesure» des acquisitions en cours

  • Choisir l'outil d'évaluation approprié;
  • Déterminer des profils de performances;
  • Fixer un seuil de réussite;
  • Établir les résultats obtenus par catégories de tâches.

4. Produire un jugement-appréciation équilibré

  • Juger en tenant compte des facteurs internes et externes;
  • Communiquer un jugement factuel et rapide.

5. Prendre la décision pédagogique convenable

  • Reprendre ou consolider l'apprentissage;
  • Recourir à d'autres stratégies d'enseignement;
  • Faire appel à l'entraide mutuelle;
  • Donner une plus grande attention et un meilleur encadrement aux personnes en difficulté.

Comment une animatrice d'alpha peut-elle savoir si ou bien quand une notion est déjà acquise ou est en voie de l'être? Comment peut-elle s'assurer que l'apprentissage a eu lieu? Peut-elle savoir dans quelle mesure la notion est acquise? Pour répondre à ces questions, l'animatrice doit évaluer l'apprentissage en cours.

Avant de présenter la notion et la démarche d'évaluation, il est bon d'établir quelle approche évaluative correspond à l'alpha populaire.

Alpha populaire et approche évaluative humaniste

Il existe une conception de l'alphabétisation qui réduit cette dernière à un simple programme de formation de base en lecture, en écriture et en calcul, avant tout destiné à préparer des «adultes analphabètes» à entrer sur le marché du travail, à fonctionner dans la société et à s'y adapter. Alphabétisation à fonction adaptatrice, servant d'abord à socialiser des individus auparavant mis en marge de la société. Alphabétisation quasi scolarisante, plus proche de ce que Paulo Freire appelle l'éducation bancaire que de l'action culturelle créatrice10.

L'éducation créatrice, par contre, dans la perspective de P. Freire, pourrait être considérée avant tout comme une entreprise où enseignante et enseigné contribuent à l'épanouissement de chacun, s'aident réciproquement à développer leur capacité d'agir sur les situations vécues et sur la société, élaborant de nouvelles représentations, nourrissant de nouvelles préoccupations, assumant de nouveaux rôles, devenant des acteurs sociaux participant à la vie sociale. Une telle éducation vise avant tout à libérer le potentiel créateur des personnes apprenantes au niveau individuel et social.

Dans un programme d'alpha populaire, la croissance ou la réalisation de soi, comprise à la fois comme développement personnel et engagement social, ne peut être considérée comme un effet marginal heureux mais inattendu. C'est un effet central indispensable à l'atteinte des objectifs d'ordre cognitif. L'expérience montre que les personnes apprenantes défavorisées éprouvent beaucoup de difficultés à apprendre aussi longtemps qu'elles n'ont pas repris confiance en elles-mêmes11. Un rôle important des animatrices est précisément de les aider à prendre conscience de leur valeur personnelle et sociale, de leur capacité à agir sur la société et à beaucoup apprendre. C'est en ce sens que la relation pédagogique devient une relation d'aide, et que l'évaluation elle-même, conçue comme une dimension de la pédagogie, peut se pratiquer comme une aide à la valorisation de soi et à l'apprentissage.

L'évaluation en alpha populaire peut et doit être un moyen et une occasion de nourrir la motivation à apprendre des participantes et participants, de renforcer leur confiance en eux-mêmes et leur conscience sociale. La réussite des tests n'est pas d'emblée une réussite humaine et sociale, si elle n'est pas accompagnée de l'accroissement de la confiance en soi et de la participation sociale consciente. L'évaluation en alpha populaire doit adopter une approche qui corresponde à la philosophie de l'éducation populaire: lire l'écrit, écrire le social, s'inscrire dans le monde.

1. Définition et rôle de l'évaluation

Qu'est-ce donc qu'évaluer un apprentissage? Il s'agit de déterminer si et dans quelle mesure un ou des objectifs d'apprentissage sont atteints par un programme d'éducation mis en œuvre dans le cadre d'une relation pédagogique. Plus précisément, l'évaluation en alpha est le processus par lequel on peut apprécier le degré de réalisation d'objectifs éducatifs poursuivis par des participants et des participantes assistés d'animateurs ou d'animatrices.

L'évaluation d'un apprentissage en cours requiert une pédagogie par objectifs. Il est plus utile en alpha d'évaluer l'apprentissage en cours plutôt que des acquis supposément fixés.

Parler de l'utilité de l'évaluation pose déjà la question de son rôle essentiel. Toute évaluation planifiée conduit à une forme de décision relative à ce qui est évalué. On évalue un fait, une action, une entreprise, un programme pour décider quoi faire, une fois constaté l'état ou la valeur de ce qui est évalué. On évalue en vue d'une décision.

L'évaluation peut viser, en début de formation, à diagnostiquer l'état des connaissances ou des habiletés, dans le but d'établir le programme de formation et de définir les stratégies d'enseignement. Ou bien elle peut chercher à estimer, en situation d'apprentissage, le degré d'acquisition d'une notion avec l'intention expresse de faciliter le processus d'apprentissage. Ou bien encore elle peut se proposer de faire la somme et d'établir la valeur des acquis au terme d'une période de formation, dans le but de délivrer un certificat aux participants et participantes.

Disons-le autrement. En début de formation, il est utile de faire une évaluation-diagnostic pour préciser les objectifs d'apprentissage et les stratégies d'enseignement. En cours de formation, des évaluations orientatrices sont requises si l'on veut pouvoir réguler le processus d'apprentissage. En fin de formation, il se peut dans certains cas que soit souhaitable une évaluation sommative destinée à certifier la valeur des acquis ou la compétence des participantes et participants.

2. Types d'évaluation

Dans la pratique courante, on distingue plusieurs types d'évaluation, les critères de distinction étant nombreux. Pour nos besoins de clarification des objectifs de l'évaluation en alpha, nous retiendrons deux critères, le but et l'optique.

Selon le but, l'évaluation est sommative ou formative.

L'évaluation sommative arrive à la fin d'un processus de formation. Elle porte un jugement global sur le rendement des personnes apprenantes et elle se propose d'attribuer un grade, un certificat ou une attestation de compétence mesurée. Elle est effectuée dans une optique administrative et s'adresse aux organismes de gestion et de financement du programme de formation.

Notons qu'en alpha populaire, l'évaluation à but de certification n'est ni une pratique courante ni une pratique souhaitable. Notons aussi que l'alpha populaire, qui pratique la pédagogie par objectifs, peut avoir l'équivalent d'une évaluation sommative, en faisant une évaluation au terme de chaque séquence de formation portant sur un objectif intermédiaire.

L'évaluation formative (qui serait mieux désignée par l'expression évaluation orientatrice12), intervient au contraire tout au long du processus d'apprentissage, dans le but explicite de le réguler et de l'orienter. Elle cherche à savoir dans quelle mesure un objectif d'apprentissage est atteint et débouche sur des suggestions d'amélioration de l'interaction enseignant-enseigné, animatrice-participante.

L'évaluation formative en alpha populaire n'est pas seulement pédagogiquement utile; elle doit être une dimension essentielle de la pédagogie, une stratégie d'enseignement recherchée. Avec ce type d'évaluation, la préoccupation est proprement pédagogique. L'évaluation formative est faite pour les participantes et les participants, elle s'adresse à eux.

Selon l'optique, l'évaluation est normative ou critériée.

L'évaluation normative juge à partir d'une norme générale. À l'école, c'est la moyenne du groupe qui sert de norme générale. Les résultats des «élèves», dans ce cas, sont comparés entre eux sur la base de cette norme. Traditionnellement, l'évaluation normative sert à classer et à sélectionner, développant et nourrissant l'esprit de compétition. Elle est associée à l'évaluation sommative.

L'évaluation normative n'est pas indiquée en alpha populaire. Elle y est toutefois présente d'une certaine façon à travers la pratique non critiquée de la notation.

L'évaluation critériée, en revanche, peut être facilement adaptable à une alpha populaire pratiquant la pédagogie par objectifs. Ce type d'évaluation cherche à apprécier les résultats obtenus en fonction de critères choisis de réussite. Elle ne compare pas les personnes apprenantes entre elles pour les classer les unes par rapport aux autres. Elle confronte plutôt les performances réalisées de chacune aux critères de réussite fixés pour chaque objectif d'apprentissage. L'évaluation critériée vise à ce que le maximum de personnes atteignent le maximum d'objectifs, chacune à son rythme propre, selon ses acquis et ses expériences antérieures, compte tenu de sa situation existentielle particulière. Elle est associée à l'évaluation formative.

Concluons cette présentation partielle de la typologie de l'évaluation en faisant remarquer qu'on peut croiser les types d'évaluation ci-dessus décrits. On a alors affaire à une évaluation sommative normative ou à une évaluation formative critériée13. L'école recourt habituellement à l'évaluation sommative normative. L'alpha populaire doit plutôt opter pour l'évaluation formative critériée. Mais encore faut-il nuancer et préciser cette assertion.

L'évaluation critériée permet sans doute d'éviter les inconvénients de l'évaluation approximative par le système des notes, ou de l'évaluation comparative quantifiée au moyen de tests objectifs. Mais ce type d'évaluation relève du paradigme classique décisionnel et certificatoire: mesure-jugement-décision. Ce modèle classique prétend pouvoir mesurer objectivement «l'intelligence» des «étudiants», juger leur capacité ou aptitude intellectuelle, et décider de leur classement ou de la certification de leur compétence acquise. Il peut être utilisé en alpha populaire, moyennant quelques «ajustements».

Dans le cadre de l'alpha populaire, la «mesure» s'entend dans un sens large. Il s'agit plus d'observation précise que de mesure proprement dite impliquant la quantification. Il ne s'agit pas non plus de «jugement» classificatoire, mais plutôt de feed-back informatif à la participante ou au participant en vue de l'auto-correction. Il en est de même de la «décision»; elle n'est pas nécessaire. L'important, c'est que la personne apprenante comprenne ses erreurs, ses difficultés ou ses insuffisances pour qu'elle puisse les corriger ou les surmonter.

Il faut donc en alpha populaire une évaluation orientatrice ou formative, qui donne un feed-back à la participante ou au participant sous forme d'informations utiles pour son apprentissage. Une bonne démarche pédagogique consiste à fournir au bon moment des informations pertinentes aux personnes apprenantes. Pour l'évaluation des apprentissages en alpha, on n'a pas tant besoin d'informations sur la personne apprenante; il s'agit avant tout d'avoir des informations utiles pour elle.

L'évaluation orientatrice gagne à être complétée par une autoévaluation assistée qui aide la personne apprenante à prendre conscience de ses objectifs d'apprentissage, des principales étapes à traverser et des efforts à fournir pour y arriver, ainsi que des critères d'une performance réussie.

Bref, en alpha populaire, évaluation orientatrice critériée et auto-évaluation correctrice.

3. Conditions de l'évaluation formative critériée

  1. Expliciter et préciser au départ les objectifs cibles d'enseignement et d'apprentissage. Ainsi se trouvent précisés au préalable les objets de l'évaluation.
  2. Clarifier à l'avance les performances attendues que ces objectifs sous-tendent, et se rendre ainsi capable d'évaluer le transfert des acquis dans la vie quotidienne.
  3. Baliser la progression qui conduit à la maîtrise des objectifs visés, c'est-à-dire déterminer la suite des objectifs intermédiaires à évaluer jusqu'à l'objectif terminal.
  4. Préciser à l'avance les modalités de l'évaluation et déterminer les parts respectives de l'évaluation et de l'auto-évaluation.
  5. Être prêt à évaluer aussi souvent que l'exige la progression des apprentissages.

Il convient de bien préciser et de bien délimiter les objectifs à atteindre. Qu'ils ne soient ni vagues, ni lointains, ni généraux. Aussi faut-il fractionner les objectifs terminaux en objectifs intermédiaires atteignables. Cela permet de cheminer avec les participantes et participants, de les accompagner en leur donnant régulièrement des feed-back correctifs et de maintenir ainsi toujours élevée leur motivation à apprendre.

4. Démarche d'évaluation

L'évaluation, a-t-on déjà fait remarquer, n'est pas un acte isolé. C'est plus un processus qui implique un certain nombre d'actes éducatifs. Le dernier acte posé consiste dans l'aide pédagogique concrète que l'animatrice fournit à la participante ou au participant pour l'amélioration ou la facilitation de l'apprentissage. Indiquons ici seulement les principales étapes du processus d'évaluation:

  1. Clarifier les objectifs de formation et les performances attendues que ces objectifs sous-tendent.
  2. Baliser la progression de l'apprentissage jusqu'à la maîtrise des objectifs terminaux de la formation.
  3. Préciser les apprentissages à évaluer à chaque moment ou suivant les balises établies; déterminer également qui fera les évaluations définies.
  4. Choisir les outils d'évaluation appropriés en fonction des objectifs à évaluer et des objectifs immédiats de l'évaluation (simple vérification pédagogique ou appréciation mesurée).
  5. Établir des critères ou des seuils de réussite, conformément aux exigences de l'évaluation critériée. Le seuil de réussite est déterminé en fonction du degré de difficulté des notions ou des techniques enseignées, en fonction aussi du temps déjà consacré à l'apprentissage.
  6. «Mesurer» les acquisitions à évaluer ou les performances des personnes apprenantes. La «mesure» obtenue ou les résultats du test ne sont que des informations utiles pour le jugement évaluatif.
  7. «Juger» ou apprécier le niveau d'acquisition des notions ou des techniques enseignées, à partir des informations fournies par la mesure des tests. Mais pour équilibrer ou pondérer le «jugement», il faut aussi prendre en compte les informations supplémentaires recueillies au moment de l'accueil ou à d'autres moments de la formation. Il faut également, pour un jugement situé, contextué, tenir compte de la situation particulière de la personne apprenante au moment du test, des caractéristiques particulières de l'outil d'évaluation ainsi que des conditions de l'enseignement.
  8. Qualifier le jugement, soit selon la qualité de l'exécution, soit selon la démarche d'exécution.
  9. Communiquer le jugement aux participantes et participants. L'évaluation, avons-nous déjà vu, est faite pour eux, pour les aider dans leur apprentissage; elle est faite pour leur fournir des informations utiles sur la progression ou les difficultés de leur apprentissage. Il faut donc leur communiquer rapidement le jugement sous forme d'informations factuelles.
  10. Décider des modalités de régulation de l'enseignement et de l'apprentissage, en choisissant les moyens appropriés pour corriger les insuffisances ou faciliter l'apprentissage.

Noter qu'il s'agit là de la démarche générale d'évaluation. Il n'est pas dit que pour chaque évaluation particulière, il faille passer à travers toutes les étapes ci-dessus indiquées. Tout dépendra du moment et des objectifs précis de l'évaluation.

5. Quoi évaluer?

a. Il s'agit, bien sûr, d'évaluer l'apprentissage lui-même et la démarche des participantes et participants;

b. Mais il faut, pour une évaluation mesurée et pondérée, prendre en compte les facteurs d'influence internes, tels que:

  • les contenus d'apprentissage plus ou moins ajustés aux attentes des participantes et participants;
  • les objectifs de formation répondant plus ou moins aux besoins des participantes et participants;
  • la motivation des participantes et participants, plus ou moins grande;
  • la relation pédagogique, plus ou moins stimulante;
  • les ressources pédagogiques, plus ou moins aptes à faciliter l'apprentissage;
  • les méthodes et les stratégies d'enseignement, plus ou moins motivantes.

c. Il faut aussi prendre en compte les facteurs externes qui peuvent conditionner l'apprentissage, surtout dans le cas d'adultes analphabètes, tels que la situation socio-économique et les caractéristiques personnelles des participantes et participants, le contexte ou l'environnement immédiat de l'apprentissage.

6. Quand évaluer?

Y a-t-il des moments particuliers du processus d'apprentissage qui conviennent plus pour l'évaluation? En théorie, l'évaluation est déjà partie intégrante du processus d'apprentissage. Elle règle la transition d'une acquisition à une autre. L'évaluation assure avec l'orientation les articulations du processus d'apprentissage. C'est un aspect complémentaire de la démarche que fait l'individu pour apprendre, un élément d'articulation du processus d'apprentissage. On pourrait parler dans ce cas d'évaluation structurelle.

À un autre niveau, comme pratique jaugeant ou soupesant le degré d'acquisition d'une notion en train d'être apprise, une certaine évaluation spontanée accompagne toujours l'activité d'enseignement. Quelle animatrice ne pose pas souvent la question: «Comprenez-vous?» Quel animateur ne reprend pas souvent ses «explications» ou ses «démonstrations» devant les «Je ne comprends pas» de tel ou tel participant? Quelle animatrice ne fait pas souvent des révisions ou n'aide pas les participantes et participants à corriger leurs exercices? En fait, enseigner, c'est sans cesse évaluer l'apprentissage en cours. Il s'agit là d'évaluation naturelle, allant de soi, plutôt non consciente.

À un troisième niveau, l'évaluation devient une démarche consciente de bilan des apprentissages, intégrée au processus d'enseignement mais distincte comme activité spécifique d'appréciation de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire. Il s'agit, à ce niveau, d'une évaluation informelle, souvent générale ou globale, faite par les participantes et participants assistés de l'animatrice. Donc auto-évaluation assistée, portant plus sur le degré de satisfaction de la personne apprenante quant à ses apprentissages que sur le degré de maîtrise des notions enseignées.

C'est ce troisième niveau d'évaluation dont les sessions de perfectionnement du RGPAQ de 1990 avaient souligné l'utilité et l'importance:

Favoriser l'évaluation interne, c'est-à-dire la découverte, par les participantes et participants, des critères nécessaires à l'évaluation de leur conduite. C'est une découverte qui se fait avec l'aide de l'animatrice ou de l'animateur. C'est favoriser du même coup l'auto-évaluation si le climat de classe est confortable, sûr.14

L'évaluation... s'avère particulièrement utile pour aider le groupe à faire le point après une période plus ou moins longue de travail - à la fin d'une rencontre, à la mi-session à la fin d'une session, etc. - et de là, à relancer le travail du groupe vers une autre étape. L'évaluation répond à différents objectifs: donner un sens au travail, mesurer l'ampleur du travail accompli, constater l'évolution des relations dans le groupe ou apporter des ajustements à l'organisation.15

On peut enfin entreprendre une évaluation formelle et systématique des acquisitions en cours. Il s'agit dans ce cas d'une démarche planifiée et instrumentée, planifiée à l'intérieur d'un plan d'évaluation et menée avec des outils de mesure.

Ce niveau d'évaluation plus formelle, plus réfléchie, requiert une certaine compétence de la part de ceux et celles qui veulent y recourir. Contrairement aux autres niveaux d'évaluation qui peuvent être réalisés à tout moment, l'évaluation formelle et planifiée se pratique à des moments choisis.

Une fois distingués ces différents niveaux d'évaluation, nous pouvons maintenant revenir à la question de départ: «Quand évaluer?»

On se rend compte, à la lumière de ce qui vient d'être précisé, que la réponse à cette question ne peut être donnée globalement dans l'absolu. Elle dépend du niveau d'évaluation en question. L'évaluation structurelle est inhérente au processus d'apprentissage, inconsciente, et toujours présente. L'évaluation naturelle, plus ou moins explicite, accompagne l'activité d'enseignement et suit le rythme de l'apprentissage. L'évaluation informelle, explicite et consciente, est entreprise chaque fois que l'animatrice ou le groupe de formation éprouve le besoin de faire le point sur les progrès des acquisitions ou le cheminement du groupe. L'évaluation formelle, enfin, est une démarche planifiée et instrumentée; on y recourt pour vérifier dans quelle mesure un objectif intermédiaire ou terminal est réalisé ou atteint.

La précision étant faite, on peut répondre en général qu'il est bon d'évaluer à l'accueil, en début de formation, en cours de formation et en fin de formation. Le niveau d'évaluation à retenir à chacun de ces trois moments spéciaux dépendra de l'état des acquisitions et des aspects des apprentissages à évaluer.

Niveaux d'évaluation

1. Évaluation structurelle, comme dimension essentielle de la démarche d'enseignement.

Toute animatrice juge du progrès des apprentissages en cours et sur cette base prend les décisions appropriées d'avancer, de réviser ou de consolider.

2. Évaluation naturelle, comme pratique spontanée de vérification des acquisitions en cours.

Toute animatrice vérifie au moins par des questions, des exercices ou des révisions si les apprentissages sont en cours ou pas.

3. Évaluation informelle, comme pratique explicite - du groupe ou de l'animatrice - pour vérifier le degré de satisfaction du groupe relativement à son cheminement et au progrès des apprentissages.

Toute bonne animatrice devrait pouvoir permettre au groupe de faire le point sur ses acquisitions et sur son cheminement.

4. Évaluation formelle, comme démarche planifiée et instrumentée visant à mesurer le degré de maîtrise par les participantes et participants des notions enseignées.

Souvent utilisée par l'institution scolaire pour «tester» les connaissances acquises par les personnes apprenantes et juger de leur valeur, l'évaluation formelle peut devenir un outil pédagogique pour réguler l'enseignement et l'apprentissage.

MEMO 3
Déterminez les objectifs d'apprentissage à atteindre, d'ordre cognitif, affectif, fonctionnel social
Précisez les stratégies et les pratiques à utiliser pour y arriver.

Chapitre 3 – L'analyse des apprentissages

En principe, ce qu'il y a à apprendre en alpha va de soi pour tout le monde. Ne s'agit-il pas d'apprendre à lire, à écrire, à calculer, à communiquer...? Mais c'est apparemment moins évident dans la pratique. En effet, qu'est-ce que lire, écrire, calculer, communiquer? La réponse théorique à ces questions ne va pas de soi. Mais surtout la question pratique est de savoir comment baliser les apprentissages qui conduisent à ces savoirs. L'analyse des apprentissages permet de répondre à cette dernière question.

Analyser les apprentissages: définition

C'est d'abord une démarche pédagogique qui offre les avantages suivants:

  1. Elle invite l'animatrice à préciser dès le départ où elle veut aller et par où elle veut passer pour y arriver. Elle lui conseille de définir exactement l'objectif terminal à atteindre et de tracer au départ l'itinéraire ou la progression de l'apprentissage.
  2. Elle permet aux participantes et participants d'être eux-mêmes informés dès le départ sur le terme et le trajet de leur voyage de formation et de pouvoir ainsi s'engager dans l'aventure.
  3. Elle dégage ou fait ressortir, en marquant les balises de la progression pédagogique, les objets et les moments possibles d'évaluation, de vérification et de régulation des acquisitions en cours.

L'analyse des apprentissages est également une technique de balisage des apprentissages ou de marquage de la progression pédagogique. La structure d'une telle analyse présente les éléments suivants:

  1. un point de départ (PD) défini par l'état actuel des acquis et des expériences de la participante ou du participant;
  2. un objectif terminal (OT) qui est le savoir ou le savoir-faire visé dont il faut favoriser l'apprentissage;
  3. des balises ou des objectifs pédagogiques intermédiaires (OI) qui conduisent jusqu'à l'apprentissage de l'objectif terminal;
  4. la progression pédagogique (PP) ou les séquences successives d'apprentissages intermédiaires conduisant jusqu'à l'objectif terminal.

[Voir l'image pleine grandeur]Schéma déterminant la position des éléments PD OT OI et PP

Analyser les apprentissages: démarche

1. Préciser les objectifs terminaux de la formation qui sont d'ordre notionnel, technique ou pratique (savoir et savoir-faire). Plus précisément, il convient d'établir:

  • les savoirs ou savoir-faire à acquérir: par exemple, savoir lire ou savoir faire sa déclaration d'impôt;
  • les compétences ou les habiletés impliquées par ces savoirs ou savoir-faire: par exemple, être capable de lire et de comprendre son journal de quartier ou de répondre à un formulaire ou un questionnaire;
  • les performances qui traduisent ces habiletés: par exemple, réussir à transmettre à d'autres les informations ou les messages contenus dans un journal qu'on vient de lire ou réussir à fournir toutes les informations requises par le formulaire de déclaration d'impôt.

Les objectifs terminaux de formation seront précisés concrètement et non abstraitement, à partir de l'état des acquis, des besoins et des attentes de la participante ou du participant, à partir également des exigences de qualification requises par le milieu pour remplir efficacement telle ou telle fonction donnée, pour accomplir telle ou telle tâche déterminée. Les informations relatives à ces points ont été déjà recueillies au début à l'accueil (grâce aux diverses fiches d'information, d'identification ou d'inscription) ou ont été obtenues par des tests évaluation.

2. Définir des objectifs pédagogiques qui balisent la progression des participantes et participants. Nous faisons ici référence à la pédagogie par objectifs. Il s'agit de tracer le cheminement possible de la personne apprenante, d'établir les séquences successives d'apprentissage nécessaires à l'atteinte de l'objectif terminal. Dans ce but pédagogique de facilitation de l'apprentissage, on prendra soin de:

  • établir des objectifs limités, restreints, fractionnés, ni lointains ni vastes, rapidement atteignables. Ce sont des objectifs-relais qui conduisent l'un après l'autre jusqu'à l'objectif terminal. En cheminant ainsi de relais en relais, la personne apprenante ne se décourage pas et est à même d'apprécier, voire de visualiser le progrès qu'elle réalise au fur et à mesure. Prenons l'exemple de l'objectif apprendre à lire:

[Voir l'image pleine grandeur]Objectifs-relais qui conduisent l'un après l'autre jusqu'à l'objectif terminal : apprendre à lire

0: Ne sait pas lire
1: Lire, écrire, former des mots familiers
2: Lire, écrire, former des phrases simples
3: Lire, écrire, composer des textes simples
4: Lire son journal, lire et écrire un texte ordinaire
X: …
10: Sait lire

  • établir des objectifs réalistes susceptibles d'être rencontrés dans la langue parlée et dans la vie courante, comme un mot connu, son nom propre ou le nom de sa rue, une expression courante ou une phrase familière, son adresse personnelle ou sa date de naissance. On peut ainsi apprendre à lire et à écrire, en s'exerçant à lire et à écrire les éléments de langue ci-dessus mentionnés. On n'apprend pas des lettres ou des syllabes pour elles-mêmes, mais on apprend à les discriminer et à les utiliser pour lire et écrire des mots existants; on apprend à se servir des mots courants de la langue pour lire et écrire des phrases courantes; on apprend à lire et à écrire un texte ordinaire à partir de phrases familières.
3. Fractionner encore, si nécessaire, les objectifs pédagogiques intermédiaires, de façon à faciliter leur acquisition. Relier tous les objectifs intermédiaires dans une chaîne logique d'apprentissages successifs. Prenons le même exemple de l'objectif apprendre à lire:

[Voir l'image pleine grandeur]Objectifs pédagogiques intermédiaires reliés dans une chaîne logique d'apprentissage

4. Préciser les objectifs qui pourront faire l'objet d'une évaluation au cours de la formation. Théoriquement, chaque objectif pédagogique devrait donner lieu à une évaluation formelle ou informelle, car c'est grâce à cette évaluation que pourra être assurée en temps opportun la transition ou la progression d'un objectif à l'autre. L'évaluation doit permettre de vérifier le degré d'acquisition des notions à chacune des balises. Et rendre possible la régulation des apprentissages.

On pourrait, par exemple, choisir de faire une évaluation des balises 2, 4, 6...

Rappelons pour finir le principe de l'analyse des apprentissages.

«La régulation continue des apprentissages n'a de sens que si les objectifs ultimes de la démarche d'enseignement et d'apprentissage sont clairement explicités et que si la poursuite de ces objectifs peut être l'objet d'une progression balisée par de multiples points de repères.»

G. Scallon, p. 58

Prenons un autre exemple, celui de l'objectif apprendre à parler le français courant.

[Voir l'image pleine grandeur]Les différentes étapes de l'objectif apprendre et parler le français courant

A: Non francophone
1: Écoute et compréhension du langage courant
2: Vocabulaire du langage courant
3: Orthographe du vocabulaire ordinaire
4: Expression et conversation dans la langue
X: Grammaire de la langue ordinairement
B: Vers B

Et maintenant, faites-le vous-mêmes. Exercez-vous en faisant l'analyse des apprentissages mentionnés à la page suivante.

Exemples d'apprentissages à analyser

[Voir l'image pleine grandeur]Grille proposant des xemples d'apprentissage à analyser

MÉMO 4

Indiquez au départ les objectifs terminaux d'apprentissage de votre atelier dans le domaine du savoir et faites-en l'analyse.

Fixez à l'avance les moments privilégiés d'évaluation (après quelles balises de la progression pédagogique?)

Chapitre 4 – Outils et techniques d'évaluation

L'évaluation des apprentissages peut être formelle ou informelle, instrumentée ou approximative, réalisée par des tests écrits systématiquement construits ou par des exercices élaborés au hasard. Si l'évaluation informelle n'a pratiquement pas d'exigences particulières, l'évaluation formelle, par contre, implique certaines conditions:

  • Des informations pertinentes qu'on peut recueillir par des fiches d'information, des grilles d'observation ou des outils d'évaluation.
  • Des outils de mesure des acquisitions. Remarquons que les tests n'évaluent pas directement et immédiatement les apprentissages; ils fournissent seulement des informations pour une mesure du degré d'acquisition d'une notion ou d'une technique. En ce sens, la note est seulement une information pour l'évaluation.
  • Une appréciation pondérée des résultats des tests, ou l'évaluation proprement dite, à partir de l'ensemble des informations disponibles sur chaque participante et participant.

Compte tenu de ces exigences, il faut, pour pouvoir produire une évaluation formelle, être en mesure de recueillir les informations utiles pour l'appréciation des performances constatées, être informé sur les divers outils ou techniques d'évaluation possibles, être capable d'élaborer des tests d'évaluation pour ses besoins propres et obtenir une mesure différenciée des acquisitions des participantes et participants.

1. Outils et techniques d'évaluation

Les outils et techniques d'évaluation sont nombreux et divers: questions orales, questionnaires écrits, grilles d'observation, tests, exercices, discussions de groupe, etc. Ils sont différents, suivant qu'ils servent à évaluer des connaissances (savoir), des habiletés (savoir-faire) ou des comportements (savoir-être), suivant que l'on veut se contenter d'une évaluation approximative ou que l'on vise une évaluation plus précise, plus rigoureuse. Mentionnons ici les plus couramment utilisés.

  • Questions orales ponctuelles. Technique servant à vérifier si ce qui est enseigné est compris, si les explications fournies sont bien saisies, si l'apprentissage visé est bien engagé. Couramment utilisée par tous les «éducateurs» ou «éducatrices», elle permet de déceler à temps les difficultés de l'apprentissage ou les insuffisances de l'enseignement.
    Les questions ponctuelles peuvent s'adresser au groupe en général ou à tel participant en particulier. Il faut aussi être attentif aux questions posées à l'animatrice: elles peuvent être considérées comme un feed-back informatif sur la marche aisée ou malaisée de la personne apprenante dans son apprentissage. Qu'elles viennent de l'animatrice ou qu'elles viennent de l'apprenant, les questions orales servent essentiellement à obtenir ou à fournir des informations à chaud sur les progrès ou les piétinements dans l'apprentissage.
  • Questions écrites et tests à correction objective. Techniques habituellement utilisées en éducation, pour vérifier et faciliter soit la maîtrise de l'orthographe de mots (dictée), soit la compréhension de textes, soit l'acquisition de connaissances particulières. Elles sont utilisées tantôt comme stratégie d'enseignement et d'apprentissage, tantôt comme moyen d'évaluation; elles peuvent servir soit comme exercices d'apprentissage ou comme tests de vérification d'acquisitions.

Les questions doivent être courtes et précises, surtout en alpha, et appeler des réponses brèves et précises. Quant aux textes mutilés, ils doivent être complétés, soit à partir du vocabulaire propre de la participante ou du participant, soit à partir d'un choix de réponses proposées.

Mentionnons:

Il existe diverses techniques d'association:

[Voir l'image pleine grandeur]Les diverses techniques d'association : Mot et image; Mot et définition; Messages et symboles

Question à réponse brève – Exemple 1

[Voir l'image pleine grandeur]Exemple 1 question à réponse brève

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Question à réponse brève – Exemple 2

[Voir l'image pleine grandeur]Exemple 2  question à réponse brève

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Question à choix de réponses – Exemple 3

[Voir l'image pleine grandeur]Exemple 3 question à choix de réponses

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Texte mutilé à compléter – Exemple 4

[Voir l'image pleine grandeur]Exemple 4  texte mutilé à compléter

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Texte mutilé à compléter – Exemple 5

[Voir l'image pleine grandeur]Exemple 5 texte mutilé à compléter

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Question à appariement – Exemple 6

[Voir l'image pleine grandeur]Exemple 6 question à appariement

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Épreuves de raisonnement et de créativité

  • création de mots à partir de syllabes données
  • construction de phrases à partir de situations imaginées
  • mise en ordre de phrases dont les éléments ont été interchangés
  • composition de texte ou imagination d'une histoire
  • dialogue de bande dessinée à compléter
  • jeu de mots cachés ou de mots croisés, jeu de «scrabble», etc.
  • problèmes raisonnés pour évaluer la capacité de faire des liens logiques
  • La discussion de groupe, conçue comme situation d'apprentissage où les participantes et participants doivent chercher et donner une réponse à un problème posé. Elle permet d'observer l'aptitude à exprimer clairement des idées, à respecter les règles du jeu de la communication sociale, à développer un raisonnement logique, à exprimer un jugement critique, à faire montre d'attitude démocratique, etc.16
  • L'observation de la participante ou du participant en action ou au travail. Cette technique permet d'observer et de constater des habitudes de travail, des comportements, des difficultés d'apprentissage. Elle permet surtout de recueillir des informations utiles sur le savoir-être et le savoir-faire. Une grille d'observation pré-établie favorise la cueillette rapide des informations désirées.
  • L'auto-évaluation assistée. On aide la participante ou le participant à s'auto-évaluer en lui fournissant pour cela des grilles d'appréciation détaillées de ses apprentissages. Cette autoévaluation peut porter sur son investissement en temps et en efforts dans sa propre formation, sur ses apprentissages d'ordre cognitif, affectif, fonctionnel et social. Il faudrait entreprendre cette auto-évaluation en référence aux objectifs de la participante ou du participant tels qu'exprimés en début de formation et dans le sens du transfert des acquis dans la vie quotidienne: que puis-je faire maintenant dans le quotidien que je ne pouvais pas faire avant ma participation au centre d'alpha? Quelle répercussion ma formation a-t-elle sur ma croissance personnelle et sur mon implication sociale?

Test sur la créativité – Exemple de la bande dessinée

[Voir l'image pleine grandeur]Exemple de la bande dessinée comme test de créativité

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Test sur la créativité – exemple du mot caché

[Voir l'image pleine grandeur]Exemple du mot caché

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Test sur la créativité – Exemple des mots croisés

[Voir l'image pleine grandeur]Exemple des mots croisés

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Test sur l'aptitude au raisonnement – Exemple des problèmes raisonnés

[Voir l'image pleine grandeur]Exemple des problèmes raisonnés

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2. «Mesure» des acquisitions

Rappelons que la «mesure» en alpha est entendue dans le sens d'appréciation rigoureuse et non de quantification. La mesure est obtenue par le recours à l'un ou l'autre outil d'appréciation du savoir.

L'animatrice peut soit construire un outil d'évaluation sur mesure, soit en sélectionner un dans une banque d'outils disponibles. Elle peut aussi adapter en instruments d'évaluation, moyennant des questions appropriées, nombre de questionnaires, de formulaires ou de textes d'avis généraux couramment utilisés dans la vie quotidienne.

Pour obtenir une appréciation aussi rigoureuse que possible, il convient de produire des outils rigoureux selon des règles de construction précises. C'est à ce prix qu'on peut mieux guider les participantes et participants dans leur démarche d'apprentissage. Autrement dit, pour être en mesure de donner un feed-back utile qui puisse aider l'apprentissage, l'outil d'évaluation doit être construit selon une structure particulière. Cette structuration particulière se fait en fonction de deux caractéristiques fondamentales:

  1. Le degré de précision du contenu de l'épreuve: on doit savoir exactement ce qui est objet de vérification et ce qui va être mesuré. L'analyse des apprentissages est indispensable pour parvenir à cette précision.
  2. Le fractionnement du score total en sous-scores: cette opération permet d'établir des profils de réussite ou de performance. Une épreuve est en effet constituée par un ensemble de tâches de même nature (sujets ou pronoms relatifs, par exemple, addition ou soustraction), mais de degrés de difficulté divers (additions avec ou sans retenue, par exemple, un ou plusieurs sujets). Il convient dans ce cas, compte tenu des divers degrés de difficulté des tâches à remplir, de partager l'épreuve en sous-ensembles ou en sous-domaines de tâches, lesquels sous-domaines sont à leur tour repartagés en sous-catégories de tâches de même degré de difficulté.
  3. Il faudrait à ces deux caractéristiques fondamentales une autre condition: le choix de plus de deux tâches par sous-catégories: la réussite ou l'échec dans le cas d'une ou de deux tâches peut n'être statistiquement que l'effet du hasard.

Exemple d'un outil de mesure à examiner à la lumière des règles de construction ci-devant exposées

Examinons maintenant, à la lumière de ces règles de construction, l'exemple de l'épreuve suivante consistant à additionner deux nombres. Elle a été proposée comme pré-test à l'accueil par l'équipe de LA JARNIGOINE. Pour simplifier la tâche, identifions par un numéro chacune des quinze additions de l'épreuve.

Pré-test

[Voir l'image pleine grandeur]Pré-test consistant à additioner deux nombres

Règle 1) II s'agit d'une épreuve en addition. Plus précisément, on veut vérifier la capacité des participantes et des participants à faire des additions simples ou complexes. L'épreuve en question ici est constituée de 15 additions ou de 15 tâches.

Règle 2) Nous pouvons d'abord partager cette épreuve en deux sous-ensembles ou sous-domaines, suivant qu'il s'agit d'additions sans retenue ou d'additions avec retenue, sachant d'expérience que les additions avec retenue sont relativement plus difficiles que les additions sans retenue. Nous obtenons par ce premier partage deux sous-domaines:

(A) Le sous-domaine A regroupe les additions sans retenue ou les tâches numérotées 1, 2, 3, 4, 5.

(B) Le sous-domaine B regroupe les additions à retenue ou les tâches numérotées 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15.

Nous pouvons ensuite partager les sous-domaines A et B en catégories de tâches, suivant qu'il s'agit d'additions d'unités, de dizaines ou de centaines. Nous obtenons trois catégories par sous-domaine:

  • La catégorie A1 regroupe les additions d'unités sans retenue (1, 2, 3) et la catégorie correspondante Bl regroupe les additions d'unités avec retenue (6, 7, 8);
  • La catégorie A2 regroupe les additions de dizaines sans retenue (4, 5) et la catégorie correspondante B2 regroupe les additions de dizaines avec retenue (9, 10, 11, 12, 13);
  • La catégorie A3 d'additions de centaines sans retenue ne comprend aucune tâche et la catégorie correspondante B3 regroupe les additions de centaines avec retenue (14, 15).

Règle 3) Appliquons la troisième règle, pour produire un outil plus rigoureux. Il faut compléter A2 et B3, faire correspondre un A3 à B3; on peut aussi délester B2, la logique choisie ici étant d'avoir trois tâches par catégorie. D'où la structure suivante:

[Voir l'image pleine grandeur]Les sous-domaines A et B et les additions qui y correspondent

Aux numéros vides 16, 17, 18, 19, 20, qui représentent les tâches manquantes, faisons correspondre des additions appropriées:

[Voir l'image pleine grandeur]Série d'additions

Selon la logique suivante, pour ce qui regarde le sous-domaine B3:

  • le numéro 14 opère avec retenue au niveau des unités;
  • le numéro 15 opère avec retenue au niveau des unités et des centaines;
  • faisons donc que le numéro 20 opère avec retenue aux trois niveaux, unités, dizaines, centaines.

N.B. La même logique est appliquée pour le délestage de B2: on conserve trois tâches sur cinq.

Nous avons en fin de compte l'épreuve-addition suivante, qui permet de vérifier la capacité des participantes et participants à additionner deux nombres avec et sans retenue, qui sont d'abord des unités, puis des dizaines et enfin des centaines. Elle est construite en conformité avec les règles de construction d'outils de mesure rigoureux.

[Voir l'image pleine grandeur]Séries d'additions.

La structuration méthodique des outils d'évaluation permet non seulement d'établir des catégories de tâches, mais aussi de préciser par catégorie de tâches le degré de maîtrise des objectifs d'apprentissage. Elle rend ainsi possible la constitution de profils de performance ou de réussite et la constitution de profils de scores ou le fractionnement du score total en sous-scores. Les objectifs pédagogiques sont traduits en objectifs opérationnels: par exemple, réussir une addition de deux nombres impliquant des dizaines ou des centaines, avec retenue ou sans retenue. La constitution de profils de performance et de profils de scores permet à son tour de découvrir les points forts et les points faibles de chaque participante ou participant, de donner à chacun d'eux un feed-back informatif personnalisé sur l'état de son apprentissage. Elle permet enfin de prendre sur place les mesures pédagogiques appropriées de correction ou de consolidation.

L'exemple de l'épreuve-addition ci-dessus rapporté a donné lieu à la constitution de six profils de performance différents: deux profils de réussite d'additions avec et sans retenue opérant sur des unités, deux profils de réussite avec des opérations sur des dizaines et deux profils de réussite avec des opérations sur des centaines.

Exemples de constitution de profils de performance:

1- Dictée de mots

Imaginons l'exercice suivant qui combine dictée et question à réponse brève: écrivez les jours de la semaine et les mois de l'année. Vous écrivez également au singulier les mots «jour», «semaine», «mois», «année».

Pour ce qui est de la dictée, nous aurions les mots suivants dont il faudrait vérifier l'orthographe:

  1. dimanche, lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi
  2. janvier, février, mars, avril, mai, juin, juillet, août, septembre, octobre, novembre, décembre
  3. jour, semaine, mois, année

En tenant compte du degré de difficulté de ces mots, on pourrait partager cet ensemble de mots à orthographier en quatre sous-domaines (selon une appréciation très relative, subjective).

1234

lundi
mardi
mercredi
samedi
dimanche
jour
avril
vendredi
novembre
décembre
septembre
octobre
mars
mai
semaine
juin
juillet
août
jeudi
janvier
février
année
mois

Seuil de réussite

7/7

5/6

3/4

4/6

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2- Épreuve de l'accord du participe passé avec «être»*

(sujet: non commun seul ou avec un autre nom commun)

Pour chacune des phrases suivantes, écris dans la colonne de droite le participe passé employé avec «être» en le faisant accorder.

[Voir l'image pleine grandeur]Épreuve de l'accord du participe passé avec «être».

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Détermination du niveau seuil

[Voir l'image pleine grandeur]Détermination du niveau seuil.

* Tiré de G. Scallon, op. Cit.

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3- Épreuve des pronoms relatifs*

[Voir l'image pleine grandeur]Épreuve des pronoms relatifs.

*Tiré de G. Scallon. op. cit., t. 2, p. 25.

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4- Détermination de profils de scores dans le cas de l'épreuve sur la recherche du sujet du verbe*

Les vingt phrases ci-dessous constituent une épreuve visant à vérifier si les élèves sont capables de déterminer un mot ou un groupe de mots sujets du verbe17. Dans chaque phrase, le verbe a été souligné pour éviter toute ambiguïté et aussi pour réduire la difficulté à la seule détermination du sujet.

Pour chaque phrase, l'élève devait écrire le ou les mots sujet(s). On trouvera ci-dessous (à la droite de chaque phrase) les réponses codées de trois élèves: A, B et C. Le code «1» indique une bonne réponse complète (c'est-à-dire contenant tous les mots sujets et seulement ces mots). Le code «0» indique une mauvaise réponse ou une réponse incomplète.

En premier lieu, on demande de constituer les profils de réussite de chaque élève en utilisant ces codes; en second lieu, on demande de transformer ces profils de réussite en profils interprétés à l'aide des seuils de performance suggérés. Il s'agit en quelque sorte de remplacer les sous-scores de chaque profil par la lettre «M» là où le score est égal ou supérieur au seuil indiqué.

[Voir l'image pleine grandeur]

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3. Détermination d'un seuil de réussite

La constitution de profils de performance rend possible la détermination d'un seuil de réussite. Il s'agit du niveau acceptable à atteindre dans l'accomplissement d'une tâche pour que l'on considère réussi l'apprentissage impliqué et attesté par la réalisation de cette tâche. Huit mots bien écrits sur dix par exemple indiqueraient que tel participant maîtrise l'orthographe de mots de même degré de difficulté. Mais dans le cas de mots plus faciles à écrire, on pourrait déterminer que le seuil de réussite se situe au niveau maximum 10 sur 10. On détermine donc des seuils de réussite différents pour les diverses catégories de tâches.

C'est ce principe qui est à la base du fractionnement du score total en sous-scores différenciés. Chaque catégorie de tâches donne lieu à une performance spécifique. On est à même d'apprécier quels objectifs intermédiaires sont atteints et quels autres objectifs intermédiaires ne sont pas encore atteints. On est alors en mesure d'aider la participante ou le participant à réaliser les apprentissages qui ne sont pas encore faits, tout en lui donnant un feed-back positif sur ses performances: la personne est ainsi encouragée par le fait de voir qu'elle a déjà fait bien du chemin et incitée à entreprendre le reste du chemin à faire.

Il faut le rappeler ici: l'important en évaluation formative, c'est de vérifier si la personne apprenante a atteint un objectif donné et dans quelle mesure elle l'atteint. Sa position dans le groupe ou par rapport aux autres importe peu; qu'elle soit au-dessus ou en-dessous de la moyenne de groupe n'a aucune importance pédagogique. La seule question qui importe, c'est de savoir si elle a atteint l'objectif d'apprentissage ou est en voie de l'atteindre. La réponse est donnée par sa position par rapport au seuil de réussite. La note dans ce cas n'a aucune importance, ni aucune signification d'ailleurs. Tout au plus est-elle une information éventuellement utile pour l'évaluation.

Que faire alors devant la demande de note? Le modèle de l'école demeure prégnant même chez les personnes analphabètes. Une question intéressante à résoudre par le groupe d'alpha lui-même avec l'assistance de l'animatrice.

Comment déterminer le seuil de réussite? Il s'établit avant tout en fonction du degré de difficulté de l'épreuve ou des tâches. La détermination de ce niveau dépend aussi évidemment de l'avancement de l'apprentissage, du degré de consolidation ou du caractère plus ou moins récent des acquisitions à vérifier. Il faudrait s'attendre à ce qu'une participante ou un participant, par exemple, réussisse mieux une épreuve qui porte sur des acquisitions déjà intégrées qu'une autre épreuve portant sur des notions fraîchement apprises.

On pourrait accepter que le seuil de réussite corresponde minimalement à deux bonnes réponses sur trois, ou à trois bonnes réponses sur quatre.

Résumons le chapitre sur les outils et techniques d'évaluation par le tableau synthèse suivant, qui fait correspondre matériel d'évaluation, objet d'évaluation et technique d'évaluation.

Objets et techniques d'évaluation

Types de matérielCe qui est évaluéÉvaluation

1. Matériel d'observation

- comportements, attitudes
- motivation, participation
- niveau de communication
- transfert des acquis
- grilles d'observation

- observation du participant ou de la participante au travail
- analyse des questions posées
- questions ponctuelles
- observation participante
- grilles d'observation

2. Matériel d'animation

- besoins, acquis antérieurs
- lien établi entre les besoins et le choix des objectifs d'apprentissage
- réalisation des activités
- ensemble de la démarche

- auto-appréciation
- appréciation de groupe
- conversation, entrevue, entretien

3. Matériel de mesure

- acquisition de notions ou de techniques
- intégration des acquisitions
- transfert des acquis

- association
- questions à choix de réponses
- espace à combler
- interrogation écrite...
- test

MEMO 5
Choisissez à l'avance les apprentissages qui mériteraient de faire l'objet d'évaluation.
Au moment de préparer les tests d'évaluation, précisez pour vous-mêmes ce que vous cherchez à mesurer.

Chapitre 5 – Apprécier, juger les apprentissages

1. L'acte d'évaluation

Il est bon de le préciser, évaluer les apprentissages ne se réduit pas à constater et à mesurer les performances des participantes et participants. Le recours à des outils d'évaluation rigoureux donne lieu immédiatement à une mesure des performances, et non à l'évaluation proprement dite de l'apprentissage. La mesure des performances n'est qu'une information utile pour l'évaluation des apprentissages. Un type d'information, d'ailleurs, à relativiser, car elle est obtenue dans les conditions spéciales d'un test.

L'acte d'évaluation s'opère à travers la comparaison entre ce qui est constaté et ce qui devrait être atteint, entre les performances constatées sous la forme d'une mesure ou d'un score et les apprentissages visés qu'exprimerait un seuil quantitatif de réussite. L'évaluation des apprentissages consiste dans l'appréciation rigoureuse des performances constatées en comparaison avec les apprentissages attendus: dans quelle mesure ce qui est correspond de façon satisfaisante à ce qui devrait être? À travers la réponse à cette question se réalise l'acte d'évaluation.

L'acte d'évaluation comprend les composantes suivantes:

a) la constatation de ce qui est, à partir d'un score obtenu, d'un geste posé ou d'un comportement observé;

b) la présentation de ce qui devrait être en tant que modèle de référence;

c) la comparaison entre ce qui est et ce qui devrait être, suivie d'un jugement (maîtrise/non maîtrise; satisfaisant/non satisfaisant).

Composantes de l'acte d'évaluation18

[Voir l'image pleine grandeur]Composantes de l'acte d'évaluation.

2. Qualifier le jugement

La réponse à la question de la correspondance ou de la non-correspondance entre le ce qui est et le ce qui devrait être établit si l'apprentissage a lieu ou n'a pas encore lieu ou est en voie de réalisation. C'est un jugement sur l'état des apprentissages, sur leur maîtrise, leur non-maîtrise ou leur progression. Un tel jugement s'établit en fonction du seuil de réussite et des conditions particulières de l'apprentissage, de l'enseignement ou de l'évaluation.

Le jugement se fait d'abord à la lumière du «seuil de réussite» ou, mieux, du seuil d'acquisition préalablement fixé. Les scores atteints sont ou bien au niveau, ou bien en-deça ou bien au-delà du seuil. En-deça du seuil d'acquisition, on juge que l'apprentissage n'est pas encore réalisé ou est en voie de l'être; au-delà ou au niveau du seuil, on juge qu'il y a maîtrise ou que l'apprentissage est fait, qu'il y a acquisition de la notion enseignée.

Mais il convient de porter un jugement encore plus précis et plus serré sur la valeur des acquisitions. Il ne s'agit pas seulement de juger si les objectifs d'apprentissage sont atteints, mais s'ils le sont de façon satisfaisante. Ce jugement qualifié n'est possible qu'à la lumière de toutes les informations disponibles sur les conditions particulières qui entourent le processus d'apprentissage et d'évaluation. Informations relatives à la qualité et la pertinence de l'outil d'évaluation, aux conditions de l'enseignement et à la situation vécue de la personne apprenante. Ce sont là autant de facteurs qui peuvent influer sur les résultats des tests et qui méritent par conséquent d'être pris en compte pour un jugement rigoureux et pondéré sur l'état des apprentissages.

Quant à la manière de qualifier ce jugement, il existe de nombreuses classifications dont nous reproduisons quatre exemples ci-après.

Exemples de classification de l'état des apprentissages*

Exemple A

  • On juge que la personne apprenante dépasse de beaucoup le seuil de réussite: état d'excellence.
  • On juge que la personne atteint le seuil de réussite: état de réussite.
  • On juge que la personne réussit une bonne partie de la tâche sans pour autant atteindre le seuil de réussite: état d'apprentissage.
  • On juge que la personne rencontre plusieurs problèmes reliés ou non à l'objectif visé et ne réussit qu'une partie de la tâche: état de problème.
  • On juge que la personne ne réussit rien ou presque rien par rapport à l'objectif visé, quelle que soit la tâche à exécuter: état indéterminé.

JugementLisePaulÉricAnne

...accomplit la tâche de façon satisfaisante

a) État d'excellence

b) État de réussite

...n'accomplit pas la tâche de façon satisfaisante

c) État d'apprentissage

d) État de problème

e) État indéterminé

Source: Éléments de docimologie, fascicule 3, l'Évaluation formative, Gouvernement du Québec, 1987.
* Tiré de Alpha communautaire chez les Franco-Ontariens, Évaluation, op. cit.

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Exemple B

  • On juge que la personne apprenante ne réussit pas à réaliser la tâche évaluée: objectif non atteint.
  • On juge que la personne ne réussit pas complètement la tâche évaluée, mais qu'elle manifeste des progrès quant à sa maîtrise: objectif en progrès.
  • On juge que la personne réussit la tâche proposée: objectif atteint.
  • On juge que la personne continue de réussir la tâche après une période donnée: objectif maintenu.

Objectif: Être capable d'effectuer des transactions monétaires

Objectifs intermédiairesNon atteintEn progrèsAtteintMaintenu

Rendre la monnaie exacte

Changer un gros billet en petites coupures

Calculer l'intérêt sur un achat à crédit

Calculer les mensualités d'un emprunt

Calculer le revenu mensuel à partir d'un taux horaire

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Exemple C

Grille d'analyse de l'habileté à produire un message clair

[Voir l'image pleine grandeur]Grille d'analyse de l'habileté à produire un message clair.

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Exemple D

Évaluation

[Voir l'image pleine grandeur]Évaluation (Grille).

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3. Pondérer le jugement évaluatif

Les seuls résultats des tests ne suffisent pas pour porter un jugement assuré et nuancé. Il faut aussi prendre en compte les facteurs qui sont susceptibles d'influencer ces résultats.

D'abord, l'outil d'évaluation lui-même ou le test. Il peut ne pas être un bon outil, bien construit. Il risque dans ce cas de prêter à confusion; ce qui est demandé n'est pas compris par exemple. Il peut ne pas être un outil pertinent capable de mesurer vraiment ce qu'on veut mesurer, compte tenu des caractéristiques de la personne apprenante ou de l'état actuel de ses acquisitions. Il arrive que ce soit le seuil de réussite que l'on ait fixé à un niveau non approprié. Ou bien encore les consignes données peuvent être en cause, par manque de clarté, ou prêter à confusion.

De même, la situation d'évaluation ou le climat d'évaluation peut aussi, dans le cas de certains participants ou participantes , influencer leurs performances et leur rendement aux tests, du seul fait qu'ils perçoivent l'évaluation comme une épreuve difficile à subir. Cette possibilité deviendrait probabilité en cas de mise en place d'un dispositif d'évaluation trop visible, qui ne manquerait pas de créer une situation exceptionnelle potentiellement stressante. Il faudra veiller à ce que l'on passe presque insensiblement de la situation d'apprentissage à la situation d'évaluation. Nous y reviendrons dans l'épilogue.

Exemple d'un outil d'évaluation à questionner

Voici un outil d'évaluation qui a été construit par une animatrice d'alpha ayant participé à la session de formation d'hiver 1991. Cet outil d'évaluation a été construit pour évaluer l'aptitude d'un groupe de participantes et de participants à conjuguer les verbes. Les résultats obtenus à ce test sont ici rapportés ainsi que l'évaluation faite par l'animatrice.

[Voir l'image pleine grandeur]Verbes à conjuguer.

Examen critique
D'après vous, que veut-on ici évaluer?
Que peut-on penser de l'outil d'évaluation lui-même?

Nota bene
Attention à la qualité de l'outil d'évaluation. En choisir ou en construire un bon, qui évalue ce qu'on veut évaluer et pas autre chose, qui appelle la ou les seules réponses que vous attendez et non d'autres réponses possibles mais non prévues. L'outil d'évaluation doit être précis.

Voici deux exemples d'outils d'évaluation en partie non précis. Le premier est tiré d'un test préparé par un groupe d'alpha de la région de Montréal: il s'agit d'un exercice sur la «révision des sons» où on demande d'écrire le son manquant à 15 mots choisis. Sur ces 15 mots au son manquant, 4 font problème, qui sont:

[Voir l'image pleine grandeur]Écris le son qui manque.

Le deuxième exemple est tiré d'un test produit par une participante à la session de perfectionnement sur l'évaluation à l'hiver 1991. Il s'agit d'un autre exercice sur les sons. Sur les 12 mots à compléter, 8 font problème.

  • Détectez vous-mêmes ces problèmes.
  • Comment aurait-on pu les éviter?

[Voir l'image pleine grandeur]Remplis les espaces avec le son approprié.

Remarquez que ces deux exercices pourraient mieux servir à tester la créativité chez les participantes et participants. Il s'agirait alors de former le plus de mots possible à partir de ces ensembles structurés de lettres incomplets.

Nota bene
Attention à la clarté et à la précision des consignes. Elles ne doivent pas constituer une difficulté de plus pour les participantes et participants, en étant équivoques ou en prêtant à confusion.

Les consignes suivantes, par exemple, demeurent imprécises et ambiguës:

lire les syllabes simples dans épicerie, magasin...
lire les syllabes inversées dans hôpital, justice...
lire les syllabes complexes dans travail, pratique...

Est-il précis de dire qu'on lit des lettres (a, b, c) ou des syllabes (be, ce, de)? Il serait plus correct de demander de distinguer, de discriminer. Car lire, c'est prendre information d'un texte écrit, c'est le comprendre. Il n'y a pas vraiment lecture au sens profond du mot sans compréhension du message écrit. Voilà pourquoi on fait une distinction entre lire et déchiffrer (lecture sans compréhension). Voilà pourquoi on parle d'analphabètes fonctionnels (qui lisent sans comprendre). En ce sens, alphabétiser consiste à aider des personnes analphabètes à lire et à comprendre ce qu'elles lisent.

Nota bene
Il convient donc d'utiliser des exercices ou des tests qui soient adéquats, qui correspondent à la définition de lire. Il faut aider les participantes et participants à distinguer ou à discriminer des lettres ou des syllabes à l'intérieur de mots connus, et plutôt dans des phrases simples.

Rappelons que pour une personne apprenante analphabète, il est relativement plus difficile de lire des mots isolés que des mots intégrés dans des phrases: le cerveau restitue plus aisément le sens de mots mis en contexte. Dans ce sens, il est plus indiqué de proposer des mots à lire à l'intérieur de phrases simples et brèves. L'objectif terminal en lecture n'est-il pas d'apprendre à lire les écrits courants de tous les jours?

Si jamais on veut isoler des syllabes qu'on donnerait à lire, que ces syllabes soient des mots ou des parties de mots connus. Pensons aux pronoms, aux articles, à certaines prépositions et à tous les mots d'une seule syllabe. En voici quelques exemples:

Mots-syllabesSyllabes de motsPhrases avec des mots-syllabes
ma, ta, sa
me, te, se
moi, toi, soi
mon, ton, son
malade, salade, table
dame, date, tasse
moitié, soigner, toile
monde, sonde, tondre
Je pose ma main sur la table

Dis- moi ton nom
et la date de ta fête
le, la, les
de, du, des
ne, ni, non
en, sur, sous

mâle, lave, lessive
étude, duvet, dessin
Anne, niveler, inonder
ensuite, surmener, en-dessous

Anne fait un dessin
Madame Dupont fait sa lessive
tas, pas
blé, clé
dos, gros
du, nu
Tasser
assemblée, clérical
dossier, grossier
individu, numéro

Un tas de bois mort

Il fait le gros dos
Cet individu est un numéro

Continuez vous-même l'exercice

[Voir l'image pleine grandeur]Continuez vous-même l'exercice.

Il faut aussi considérer les conditions d'enseignement et d'apprentissage. Des objectifs d'apprentissage mal définis ou mal ciblés, des contenus de formation vagues et lointains, des méthodes d'enseignement peu animées ou peu stimulantes, une relation pédagogique peu facilitatrice, ce sont là autant de conditions qui sont susceptibles d'influencer les résultats ou les performances des participantes et participants. Il y a lieu de considérer aussi l'assiduité et la régularité de ces derniers aux séances d'alpha ainsi que le temps consacré jusque-là à l'apprentissage: le moment choisi pour l'évaluation peut avoir été fixé trop tôt.

Il y a enfin la situation de la participante ou du participant à considérer: ses caractéristiques propres et sa situation singulière, son rythme personnel d'apprentissage et son itinéraire de formation, ses performances habituelles et son état particulier au moment de l'évaluation, ses responsabilités courantes et sa disponibilité du moment, etc. La prise en compte de tous ces facteurs et de toutes ces particularités permet d'affiner le jugement évaluatif, de donner un feed-back informatif plus pertinent et de prendre les mesures de correction les plus appropriées (cf. le tableau de profils de jugement ci-après).

En somme, les conditions qui peuvent influencer les performances des participantes et participants sont nombreuses. L'apprentissage lui-même dépend d'une multitude de facteurs (voir ci-après une illustration de la causalité multiple).

Tenir compte de l'histoire des performances des participantes et participants*

Profils de jugement – Maîtrise/Non-maîtrise...

[Voir l'image pleine grandeur]Profils de jugement – Maîtrise/Non-maîtrise...

* Exemple tiré de G. Scallon, op. cit., t. 2, p. 53

Tenir compte parfois des performances antérieures pour une évaluation plus exacte

Le tableau précédent présente l'appréciation (maîtrise (M), non-maîtrise (NM) des résultats obtenus par plusieurs participantes et participants (Al, A2, A3, A4, A5, A6...) à plusieurs tests successifs destinés à vérifier une suite d'apprentissages (RI, R2, R3, R4, R5, R6...).

Choisissons trois résultats de trois personnes à trois moments différents de la progression pédagogique, soit:

  1. le résultat NM de la personne Al au repère R5
  2. le résultat NM de la personne A3 au repère R6
  3. le résultat NM de la personne A6 au repère R4

Évaluation

A6 n'a pas réussi la balise R4:

a) il est le seul de son groupe à l'avoir manquée (lecture verticale);
b) en général, «il manque son coup» (lecture horizontale);
c) il lui faut une aide spéciale et une attention spéciale: il doit s'agir de difficultés d'apprentissage.

Al n'a pas réussi la balise R5:

a) c'est la seule personne avec une autre à l'avoir manquée (lecture verticale);
b) en général, elle ne manque jamais son coup (lecture horizontale);
c) il doit s'agir d'un faux pas accidentel, dû à quelque cause exceptionnelle.

A3 n'a pas réussi la balise R6:

a) quelle appréciation pédagogique en faites-vous?

Tenir compte pour le jugement évaluatif d'ensemble des facteurs divers susceptibles d'influencer la qualité, le rythme et le niveau des acquisitions:

Causalité multiple

[Voir l'image pleine grandeur]Illustration : Causalité multiple.

4. Communiquer l'appréciation

L'état des apprentissages une fois établi, on doit communiquer rapidement l'appréciation à la personne apprenante. Nous avons dès le départ admis que l'évaluation était une dimension de la pédagogie et qu'elle devait servir ou aider l'apprentissage. Si le jugement évaluatif n'est pas communiqué, l'évaluation ne peut remplir sa fonction pédagogique d'aide.

Ce qui est communiqué n'est pas un «jugement» de la participante ou du participant, mais plutôt une appréciation détaillée de l'état de son apprentissage par catégories de tâches selon les profils de performances; il s'agit d'un feed-back informatif circonstancié, qui tient compte des caractéristiques de cette personne et des conditions dans lesquelles a lieu l'évaluation (voir tout ce qui vient d'être souligné à propos de la pondération du jugement évaluatif).

Il faut préciser pour chaque catégorie de tâches en quoi la performance constatée est ou non satisfaisante par rapport au seuil de réussite, dans quelle mesure l'apprentissage visé au départ est réalisé, ce qui mérite d'être consolidé ou repris, ce qu'il faut surveiller et qui exige un effort supplémentaire. Il est bon aussi de chercher avec la personne intéressée ce qui a pu influencer la progression de son apprentissage positivement ou négativement.

C'est à ce compte que l'évaluation peut être perçue comme une aide réelle par la participante ou le participant.

MEMO 6
Précisez pour vous-mêmes les facteurs divers dont il faudrait à l'occasion tenir compte pour un jugement évaluatif pondéré des apprentissages.
On peut distinguer différentes façons de classer l'état des apprentissages. Notez les différences entre ces modes de classification à partir des exemples de classification ci-devant rapportés.

Chapitre 6 – La décision pédagogique [...]

La décision pédagogique reliée au jugement évaluatif

L'acte d'évaluation s'achève par un jugement qualifié sur l'état de l'apprentissage. Jugement de maîtrise ou de non-maîtrise à la lumière du seuil de réussite; jugement de satisfaction ou de non-satisfaction à la lumière de l'ensemble des informations disponibles. Le jugement d'évaluation est communiqué aux intéressés en vue de décisions rapides appropriées. C'est à ce compte que l'évaluation peut devenir une aide immédiate à l'apprentissage.

  • En cas d'apprentissage satisfaisant, on va de l'avant, on passe aux objectifs suivants prévus par l'analyse et le balisage des apprentissages. On n'oubliera pas de prendre des mesures de renforcement là où l'exige tel ou tel aspect de l'apprentissage.
    Il est courant dans un atelier d'alpha que tous les participants et participantes ne progressent pas au même rythme. L'objectif d'apprentissage sera donc atteint par certains et ne le sera pas par d'autres. Dans ce cas, tous les intéressés pourront décider d'un commun accord que les participantes ou participants qui ont atteint l'objectif de façon satisfaisante vont aider les autres à compléter leur apprentissage. Cette forme d'entraide est bénéfique et pour le groupe et pour ces animateurs ou animatrices occasionnels: elle renforce à la fois la dynamique de groupe et l'apprentissage déjà réalisé.
  • En cas d'apprentissage non réalisé, pour tout le groupe ou une partie importante des participantes et participants, les décisions concerneront l'organisation des activités d'alpha, ou la relation pédagogique, ou les stratégies d'enseignement, ou les méthodes de travail, ou la situation singulière de chaque personne apprenante. Selon les agents en cause, elles peuvent porter soit sur l'animatrice, soit sur le groupe en formation, soit sur la participante ou le participant.

La participante ou le participant
Il s'agit de l'aider à prendre en charge son apprentissage:

  • l'aider à compléter son apprentissage;
  • l'aider à combler ses lacunes, quitte à revenir momentanément en arrière;
  • l'encourager et le stimuler à entreprendre les efforts nécessaires devant les lenteurs de l'apprentissage;
  • le ou la motiver devant les difficultés d'apprentissage;
  • le ou la soutenir dans les moments d'épreuve passagers.

L'animatrice
Il s'agit d'assumer en tout la fonction de facilitatrice d'apprentissage:

  • revoir ses méthodes et ses stratégies d'enseignement, dans le sens de motiver la participante ou le participant et de faciliter l'apprentissage;
  • réexaminer la relation pédagogique pour la rendre stimulante, favorable au dialogue et à la créativité.

L'atelier de formation
Il s'agit de créer en son sein une dynamique de groupe et un climat d'entraide où une personne aide l'autre à aller à son rythme, où les participantes et participants s'encouragent et se soutiennent mutuellement:

  • éviter la compétition au sein du groupe;
  • éviter d'exprimer son impatience devant les lenteurs ou les difficultés des autres;
  • favoriser un climat d'encouragement mutuel.

Bilan de la formation

Quand prend fin la formation en alpha populaire? À première vue, la réponse paraît simple: la formation est terminée quand les objectifs d'alphabétisation sont atteints. Il suffit d'entreprendre une évaluation-bilan pour l'établir. Mais à y regarder de plus près, la réponse se révèle moins évidente, plus problématique.

Problèmes

Un premier problème surgit quand on veut spécifier ou préciser les objectifs d'alpha qui sont atteints. Nous avons admis au départ que les apprentissages en alpha populaire concernent à la fois le savoir, le savoir-faire et le savoir-être. En parlant d'objectifs atteints, s'agit-il tout ensemble de ces trois types d'apprentissage? Oui, en principe! Dans les faits, on est en général porté à n'entendre que les acquisitions d'ordre cognitif en lecture, en écriture, en calcul: la formation des participantes et participants passe pour être terminée quand on a jugé qu'ils et elles ont appris à lire, à écrire, à calculer. Mais n'avons-nous pas posé au début que la finalité de l'alpha pop était la croissance personnelle des participantes et participants et leur engagement dans le changement social? Dans cette perspective, les objectifs d'alpha ne peuvent être considérés en voie de réalisation que si le processus de croissance personnelle et d'engagement social est bien amorcé, que si les apprentissages dans les domaines du savoir-faire et du savoir-être sont évidents.

Mais les apprentissages dans les trois domaines du savoir, du savoir-faire et du savoir-être ne se développent pas nécessairement au même rythme. Comment dans ce cas déterminer le moment de la fin de la formation? Voilà posé en principe un second problème. Premier cas: il arrive dans la pratique que certaines personnes veuillent prolonger leur participation dans un groupe d'alpha, alors que l'animateur ou l'animatrice juge qu'elles ont terminé leur apprentissage en lecture, en écriture et en calcul. Ces personnes peuvent de leur côté vouloir continuer dans le groupe leur expérience positive de rencontre sociale et de croissance personnelle. Que faire dans un cas pareil? Ne pourrait-on pas intégrer ces personnes comme bénévoles à un titre ou à un autre à la vie et à l'organisation du groupe d'alpha? Pourquoi ne pas voir cette participation bénévole comme l'une des formes de leur engagement social?

Le second cas concerne les personnes en difficultés d'apprentissage très prononcées. Ces personnes exigeraient beaucoup plus de temps et d'attention qu'on n'en peut donner pour compléter leurs apprentissages. Que faire au-delà du temps maximum allouable?

Il ne semble pas y avoir de solution toute faite à ces problèmes pratiques. On doit toutefois reconnaître que le groupe d'alpha a ses contraintes et ses limites: il n'a pas les moyens ni les ressources nécessaires pour tout offrir à tout le monde. Certains services éducatifs et certains objectifs de formation personnels ne peuvent être obtenus et réalisés que dans d'autres centres spécialement équipés à cet effet. Il faudrait toutefois accepter que la décision de les réorienter ailleurs soit prise avec les personnes concernées, dans le cadre d'une évaluation-bilan de la formation.

Évaluation-bilan en fin de formation

L'évaluation-bilan en fin de formation vise à établir le niveau des apprentissages au terme d'un programme d'alpha et à aider éventuellement à orienter vers d'autres lieux ou d'autres niveaux d'apprentissage. Des participantes ou participants expriment parfois le désir ou l'intention de poursuivre leur formation au niveau secondaire.

L'évaluation-bilan portera sur les trois types d'apprentissage (savoir, savoir-faire et savoir-être). Elle sera entreprise conjointement par l'animatrice ou l'animateur et par la personne apprenante concernée.

Évaluation du savoir par l'animatrice ou l'animateur

  • Bilan des acquisitions d'ordre cognitif (connaissances): établir aussi exactement que possible ce que sait le participant ou la participante, grâce à une évaluation formelle, en comparaison avec les acquis du départ.
  • Bilan de la formation générale en tenant compte des objectifs de formation fixés au départ, des habiletés initiales et des habiletés actuelles des participantes et participants en référence aux exigences de la vie quotidienne.

Auto-évaluation du savoir-faire et du savoir-être par la participante ou le participant

  • Bilan des apprentissages d'ordre affectif et pratique (attitudes et habiletés): faire ressortir tout ce que peut faire la personne apprenante après sa formation qu'elle ne pouvait faire auparavant; dégager également la nouvelle assurance et la nouvelle confiance en soi qui en résultent. La personne concernée réalise elle-même ce bilan sous la forme d'une auto-évaluation assistée.
  • Bilan du développement personnel (développement de l'autonomie personnelle, maîtrise de son environnement quotidien, nouvelle image positive de soi...). Est-on devenu plus autonome et plus fier de soi: savoir prendre des initiatives, savoir prendre une décision, savoir entrer en communication avec autrui, savoir gérer sa santé, sa maison, son budget; exercer ses droits, participer à la vie sociale...? Il est important de prêter attention à l'engagement ultérieur de la participante ou du participant dans la vie de la communauté; il pourrait s'agir là d'un résultat positif de l'éducation populaire.

Évaluations réunies

Mise en commun des évaluations de l'animatrice et de la personne apprenante, en vue d'une appréciation plus complète, plus nuancée et plus vraie des apprentissages, en vue également d'établir le niveau actuel des aptitudes et des habiletés comme nouveau point de départ possible pour de nouveaux apprentissages.

  • Appréciation du niveau des acquisitions notionnelles;
  • Appréciation des habiletés nouvelles;
  • Appréciation du développement personnel.

Après l'évaluation-diagnostic en début de formation et l'évaluation formative en cours de formation, l'évaluation-bilan en fin de formation boucle le processus d'évaluation des apprentissages en alpha populaire.

MEMO 7
L'évaluation, en alpha pop, doit établir une sorte de relation d'aide avec les participantes et participants: par quels actes pédagogiques pourrait s'exprimer cette relation d'aide?
Comment pourrait-on s'y prendre pour faire le bilan de la formation?

Épilogue: le dispositif entourant l'évaluation

Nous voici à la fin de notre démarche d'apprentissage dans le domaine de l'évaluation. Il a fallu tout d'abord se convaincre de l'utilité et des avantages de l'évaluation, avant de présenter la méthodologie de l'évaluation, il convient, pour finir, d'attirer l'attention sur quelques effets négatifs possibles de la pratique d'évaluation.

En réalisant une activité d'évaluation, nous prenons et nous mettons en place un ensemble de mesures et de moyens spécifiques qui constituent tout un dispositif relié à l'évaluation. Ce dispositif entourant l'activité d'évaluation peut parfois créer certains effets négatifs, soit directement sur les résultats de l'évaluation, soit indirectement sur l'apprentissage des participantes et participants: effet de stress, effet d'échec, effet de rejet de l'évaluation.

L'évaluation a donc aussi bien ses avantages pédagogiques que ses inconvénients. Il s'agit de savoir en tirer tout le profit possible et en éviter les inconvénients.

1. Éviter les inconvénients de l'évaluation

Diminuer la peur ou la réticence devant l'évaluation
Il faut pour cela sensibiliser les participantes et participants à l'utilité de l'évaluation pour l'apprentissage, les informer sur la démarche d'évaluation et sur la signification des résultats aux tests d'évaluation. Il faut également que les tests d'évaluation n'apparaissent pas comme une catégorie «d'examens» totalement différents des exercices pédagogiques courants. Pour y arriver, il suffit de procéder pour une évaluation comme on procède ordinairement pour un exercice.

Un même test, en effet, peut être utilisé, tantôt comme un exercice pédagogique et une stratégie d'enseignement, tantôt comme un moyen d'évaluation et une stratégie de régulation de l'apprentissage. Une dictée, par exemple, est un exercice d'entraînement en vue de la mémorisation de l'orthographe des mots; mais elle peut aussi être un moyen de vérifier la maîtrise de l'orthographe d'une certaine catégorie de mots. Il en est de même pour une addition ou pour la composition d'un texte: outil d'évaluation et/ou exercice d'apprentissage. Il n'est pas nécessaire de créer des moments spéciaux et séparés d'épreuve, avec le risque de stresser les personnes «examinées». Il suffît que l'animatrice ou l'animateur décide que tel exercice courant d'apprentissage sera considéré aussi comme un moyen d'évaluation des acquisitions en cours. Il n'y a pas de rupture: on passe insensiblement de l'activité d'enseignement à l'activité d'évaluation. Cela implique, bien sûr, que l'animatrice ou l'animateur ait pris l'habitude dans son enseignement de recourir à la stratégie des exercices écrits.

Diminuer et rendre le moins visible possible le dispositif relié à l'évaluation
On se réfère ici au rituel habituel de «l'examen»: création d'un climat spécial d'évaluation, présentation «exceptionnelle» de l'outil d'évaluation, présence «d'examinateurs» et de consignes «extraordinaires», condition «d'examiné» que la personne apprenante est insensiblement poussée à adopter... L'outil d'évaluation, en effet, se présente souvent sous un visage nouveau, sous la figure de «l'examen», sous une forme spéciale, sur du papier spécial, avec une ampleur spéciale, pour une durée spéciale (vu l'ampleur de l'épreuve), parfois porté par une animatrice spéciale: «l'examinatrice»; il y a la «copie du participant», il y a un ordre de passation des copies... De quoi frapper l'attention! De quoi inhiber aussi! De quoi stresser, en tout cas!

Comment éviter ce problème? Il suffit d'éviter de faire de l'évaluation un «événement» spécial; qu'elle reste une activité familière.

Éviter que l'outil d'évaluation ne prenne l'aspect martial de «contrôleur» et que l'évaluation ne prenne la forme d'une revue générale. Que cet outil se présente simplement sous la figure familière d'exercice pédagogique limité. Au lieu d'un seul «examen général» en un seul jour, proposez des exercices par objectifs d'apprentissage distribués sur plus d'un jour. Bref, que les tests pour évaluation formelle viennent en prolongement normal des exercices courants d'apprentissage.

Éviter aussi de créer un climat d'évaluation
Par le fait de choisir et de mettre à part pour évaluation des moments exceptionnels qui sortent de l'ordinaire, par le fait de créer, ne fût-ce que pour un court moment, une fonction spéciale «d'examinateur», par le fait encore de porter la participante ou le participant à se considérer comme un «examiné» et de multiplier les conseils ou les encouragements visant à le sécuriser, il faut que dans toutes ses activités au groupe d'alpha, la personne apprenante soit et se voie toujours en situation d'apprentissage.

2. Tirer tous les avantages marginaux de l'évaluation

Il n'est pas nécessaire de revenir ici sur la fonction centrale de l'évaluation: aider la participante ou le participant dans son apprentissage. Il est bon toutefois de souligner au moins deux avantages marginaux de cette activité pédagogique, reliés soit aux résultats des tests, soit à l'activité d'évaluation elle-même.

  • Les résultats obtenus par les participantes et participants aux différents tests sont des informations utiles pour les actes d'évaluation ultérieurs. Il est bon de constituer une banque de ces résultats, de façon à pouvoir établir pour chaque personne apprenante une sorte d'histoire des performances antérieures et à s'en servir pour mieux apprécier les performances ultérieures.
  • L'activité d'évaluation peut aussi devenir une occasion d'apprentissage pour les participantes et participants: ils peuvent apprendre ce qu'est l'évaluation des apprentissages et à quoi elle sert, apprendre à évaluer et à s'évaluer. Mais pour que soit saisie cette occasion, il faut que la pratique d'évaluation de l'animatrice ou de l'animateur soit explicitée aux personnes apprenantes, et que l'activité d'évaluation soit totalement intégrée au processus général d'enseignement et d'apprentissage.

Tentons d'illustrer pour finir le cycle que constitue une démarche d'évaluation formative.

[Voir l'image pleine grandeur]Cycle que constitue une démarche d'évaluation formative.

On évalue l'apprentissage en comparant les résultats obtenus avec les objectifs visés au départ. On prend soin de pondérer le jugement évaluatif en tenant compte des conditions données d'apprentissage ainsi que des méthodes et stratégies d'enseignement choisies. Le jugement évaluatif débouche sur une décision pédagogique propre à faciliter l'apprentissage en cours et consistant soit dans l'ajustement des méthodes et stratégies d'enseignement, soit dans une définition plus précise des objectifs d'apprentissage, soit dans l'amélioration des conditions d'apprentissage, ou encore dans une action concomitante sur tous ces éléments du système.

Bibliographie sélective

Abrecht, Roland, L'évaluation formative: une analyse critique, De Boeck-Wesmael, 1991.

Bentolila, Alain, Chevalier Brigitte, Falcoz-Vigne, Daniele, La lecture: apprentissage, évaluation, perfectionnement, F. Nathan, Paris, 1991.

Earston, Peter, L'éducation des adultes en Afrique Noire, Manuel d'auto-évaluation assistée, Théorie I, Paris, 1985.

Foucambert, Jean, Apprentissage et enseignement de la lecture, de la maternelle au CM2, OCDL, SERMAP, Paris, 1978. Surtout le chapitre sur "la manière d'être lecteur".

Fellez, Robert A., "Applying naturalistic evaluation in basic education" in Taylor Maurice C. et Draper, James A. (edit), Adult Literacy Perspectives, Culture Concepts Inc., Toronto, 1989.

Freire, Paulo, Pédagogie des opprimés, Maspero, Paris, 1974.

Scallon, Gérard, L'évaluation formative des apprentissages, 2 t., PUL, Québec, 1988.

Tousignant, Robert, Les principes de la mesure et de l'évaluation des apprentissages, 2e éd., Boucherville, Québec, 1990.

Alpha communautaire chez les Franco-Ontariens, Évaluation, cahier n° 6, Ministère de la Formation Professionnelle, Ontario, 1989.

Remerciements

J'ai tenté, en rédigeant ce guide d'évaluation, de refléter le plus possible, les préoccupations, les questions de nombreuses animatrices et animateurs d'alpha populaire. Ce «visa pour l'alpha pop» est en partie le fruit d'échanges et de collaborations avec eux. Plus précisément, il est le produit de multiples contributions, qu'il convient ici de signaler.

Nombre d'exercices proposés dans ce guide d'auto-formation ont été empruntés en tout ou en partie au matériel didactique de groupes d'alpha populaire, dont le Centre de lecture et d'écriture (CLÉ), le Centre des lettres et des mots (CLEM) et la Jarnigoine de Montréal, Atout-Lire de Québec ainsi que COMSEP de Trois-Rivières. Qu'ils en soient remerciés. Marquons aussi notre dette pour les emprunts d'exercices ou de schémas au livre de G. Scallon et au manuel franco-ontarien. Soulignons enfin la contribution omniprésente des participantes et participants des quatre sessions de perfectionnement; le guide d'auto-formation est le résultat des échanges avec eux; quelques-uns des tests d'évaluation qu'ils ont produits dans le cadre des sessions de perfectionnement ont été intégrés dans le guide d'auto-formation.

Il faut par ailleurs souligner la contribution multiforme de Berthe Lacharité, la responsable de formation au RGPAQ; elle s'est particulièrement dépensée dans la recherche, auprès des centres d'alpha populaire, de documents pertinents pour la rédaction du guide d'auto-formation. Inutile, bien sûr, de rappeler la contribution spéciale de l'équipe pédagogique du RGPAQ: c'est elle qui a révisé et arrêté la version finale du texte.

Pour finir, je dois tout particulièrement remercier Marlène Valcin qui a fait et refait plus d'une fois la saisie du texte et suggéré de nombreuses améliorations heureuses de la formulation.

Crédits

Coordination
Berthe Lacharité
Ginette Richard

Rédaction
Franklin Midy

Comité de pédagogie
Claudette Bérubé
Laurent Demers
Madeleine Jean
Claire Lachapelle
Lucie Latraverse
Mario Raymond

Saisie du texte
Michèle Marchand
Marlène Valcin

Correction du texte
Claudine Vivier

Relecture du texte
Claudette Bérubé
Roland Côté
Laurent Demers,
Carole Doré
Claire Lachapelle
Berthe Lacharité
Lucie Latraverse
Lise Leduc
Mario Raymond
Ginette Richard
Micheline Séguin.

Conception graphique
Pierre Lachance

Correction d'épreuves
Nicole Delva
Berthe Lacharité,
Ginette Richard
Micheline Séguin

Impression
Les publications La Maîtresse d'école inc.

Les opinions exprimées dans ce document sont celles de l'auteur et ne représentent pas nécessairement la position officielle du RGPAQ.

Publié par le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec(RGPAQ) et le Service aux collectivités de l'UQAM avec l'appui financier du Fonds de soutien des services aux collectivités du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. Le Secrétariat national à l'alphabétisation a contribué au financement du programme de perfectionnement.

On commande des exemplaires du document en s'adressant au:

Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec
5040, boulevard St-Laurent, app. 1
Montréal (Québec) H2T 1R7
Téléphone: (514) 277-9976
Télécopieur: (514) 277-2044


  • 1 Voir l'Évaluation, Alpha communautaire chez les Franco-ontariens, Ministère de la Formation professionnelle, Ontario, 1989.
  • 2 Voir différents tests et outils d'évaluation élaborés par les groupes d'alpha du Québec.
  • 3 Voir Desjardins, Jean-Yves, 'Les travaux en évaluation', ALPHA LIAISON, vol. 9, N° 11, mai 1989.
  • 4 Cf. la session de perfectionnement organisée par le Direction du développement de l'évaluation du MEQ et les sessions de formation en évaluation du RGPAQ en 1990-1992.
  • 5 Le Mastery Learning -pédagogie de la maîtrise- est une pratique qui vise à fournir à tous, à l'aide de moyens variés, la possibilité d'acquérir les compétences associées à des objectifs de formation. Cette approche repose sur le postulat que la plupart des personnes apprenantes d'un groupe sont aptes à réussir ou à atteindre un objectif donné, mais chacune à son rythme propre. Est-ce dans ce sens qu'on peut parler sans ambiguïté de formation sur mesure?
    Le Mastery Learning requiert une évaluation formative critériée. Il est particulièrement approprié à l'alpha populaire: l'évaluation formative critériée fournit la rétroaction nécessaire à l'amélioration continue du processus d'apprentissage, en établissant des diagnostics à différentes étapes de ce qui est acquis et de ce qu'il reste à acquérir.
  • 6 Voir Définition de l'alphabétisation populaire. Statuts et règlements, RGPAQ.
  • 7 Ibid.
  • 8 Ibid.
  • 9 Voir Paulo Freire et sa théorie de «l'éducation bancaire» opposée à «l'éducation libératrice» dans Pédagogie des opprimés. Maspéro, 1974.
  • 10 Voir P. Freire, op. cit.
  • 11 Voir RA. Felleny, du Montana State University, «Applying naturalistic evaluation in basic» in Adult Literacv Perspectives. 1989.
  • 12 Voir P. Easton. L'éducation des adultes en Afrique noire. Manuel d'auto-évaluation assistée. Paris, 1985.
  • 13 Il ne faut pas confondre d'une part évaluation sommative et évaluation normative et de l'autre évaluation formative et évaluation critériée. L'évaluation sommative peut être soit normative, soit critériée.
  • 14 Voir Michèle Dupuis, Les personnes analphabètes et l'apprentissage. Un visa pour l'alpha pop, RGPAQ, sept. 1990, pp. 59-61.
  • 15 Voir François Soucisse. Animation et alphabétisation: guide pratique. Un visa pour l'alpha-pop, RGPAQ, sept. 1990.
  • 16 Tout problème rencontré par le groupe peut faire l'objet d'une discussion de groupe en vue d'une solution collective. Que peuvent faire les groupes d'alpha, par exemple, contre les coupures de subvention à l'éducation populaire?
  • 17 Il s'agit du test diagnostique FR-AV-01 de la batterie de tests diagnostiques produite par l'A.I.E.S. (1979).
  • 18 G. Scallon, op. cit. p. 24, t. 1.