Table des matières

Avant-propos

En cette Année internationale de l'alphabétisation, le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ) vous présente les quatre premiers documents pédagogiques de sa toute nouvelle série: "Un visa pour l'alpha pop". Cette série s'adresse avant tout aux animatrices et animateurs en alphabétisation et comprend les titres suivants:

  1. Animation et alphabétisation: guide pratique
  2. Les personnes analphabètes et l'apprentissage
  3. Approches et méthodes en alphabétisation
  4. Comment créer...du matériel pédagogique

Ces publications constituent le résultat tangible de l'imposant programme de perfectionnement des animatrices et animateurs des groupes populaires expérimenté pour la première fois en 1989-1990 par le RGPAQ. Ces quatre sessions de perfectionnement ont circulé à travers le Québec et ont obtenu un franc succès. Nous souhaitons que ces documents contribuent à faire rayonner encore plus largement le contenu de ces sessions.

Ces documents ont été conçus pour être utilisés dans le travail quotidien des animatrices et des animateurs; ils tentent de coller le contenu théorique à la réalité et aux pratiques d'un groupe populaire en alphabétisation. Nous espérons qu'ils sauront stimuler et enrichir le travail des animatrices et animateurs des groupes populaires œuvrant en alphabétisation.

Le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec tient à remercier le formateur et les formatrices auteures de ces ouvrages, les membres du Comité de coordination et les membres du Comité pédagogique du RGPAQ, l'équipe de production des documents ainsi que les animatrices qui ont participé aux sessions de perfectionnement pour leur contribution essentielle et pour l'investissement d'énergie et de temps que tous et toutes ont consacré sans relâche à l'ensemble de cet ambitieux projet. Nous tenons à souligner la participation financière du Secrétariat national à l'alphabétisation du Secrétariat d'État du gouvernement fédéral sans laquelle ce projet n'aurait pu être réalisé.

Francine Pelletier
Coordonnatrice du programme de perfectionnement
des animatrices du RGPAQ

[Voir l'image pleine grandeur] Illustration d'un personnage avec un crayon dans la main.

Comment créer...

Une session de perfectionnement des animatrices en alphabétisation intitulée «Création de matériel pédagogique», voilà quelque chose de très vaste et de très vague. Quelques questions simples vont nous permettre de dégager des pistes possibles pour l'aborder:

Comment créer? La question ainsi posée suggère une démarche, un processus, des méthodes de travail qui favorisent la création.

Quel genre de matériel pédagogique? Les choses commencent à se compliquer car il est impossible de créer du matériel pédagogique sans tenir compte des approches utilisées en alphabétisation (scolarisante, thématique et conscientisante) et des méthodes d'apprentissage de la lecture (syllabique, globale, mixte et phonétique).

Pour qui? Cette question réfère aux différents types de clientèles et de niveaux que l'on retrouve dans les groupes d'alphabétisation ou dans l'atelier d'alphabétisation.

[Voir l'image pleine grandeur] Illustration d'un personnage masculin qui dessine un personnage féminin sur un mur.

Sur quel sujet? Cette fois nous entrons dans le contenu. S'agit-il de créer du matériel didactique, c'est-à-dire d'imaginer des outils pour apprendre telle notion mathématique ou telle règle de grammaire précise? S'agit-il de construire du matériel pédagogique, c'est-à-dire des mises en situation qui favorisent le développement de l'apprenant-e en tant que personne (son autonomie, la collaboration...) ainsi que ses habiletés mentales fondamentales (analyser, associer, synthétiser...).

[Voir l'image pleine grandeur] Personnage masculin qui termine un dessin d'un personnage féminin sur un mur.

Nous aurions pu, avec profit, consacrer les cinq journées de chacune des sessions de perfectionnement du Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ) à créer de cinq à dix activités pédagogiques ou didactiques adaptées aux besoins immédiats des animatrices et animateurs présent-e-s, c'est-à-dire conformes à leurs approches, à leurs méthodes et à leurs clientèles. Cependant, il nous a semblé plus profitable, à moyen et à long terme, de tenter de répondre à la première question ainsi reformulée:

«Comment procéder pour créer du matériel pédagogique ou didactique en utilisant les techniques de créativité?»

C'était choisir d'offrir aux animatrices en alphabétisation l'occasion de prendre conscience et de développer leur potentiel créateur, et de se familiariser avec des méthodes de travail applicables à la création d'outils pédagogiques.

La démarche d'apprentissage de ces méthodes a été faite à partir de problèmes concrets apportés par les animatrices et animateurs participant à la session de formation de sorte qu'elles et ils ont pu trouver des idées pour créer du matériel pratique.

S'il est impensable de reproduire, dans ce document, la dynamique de la démarche d'apprentissage de groupe faite en cinq jours, il est possible cependant de transmettre les notions théoriques et pratiques qui sous-tendent le processus de création et les techniques de créativité et de donner une idée des résultats obtenus.

Dans la première partie, il sera question de la créativité, du processus créateur et des habiletés à développer. La seconde partie sera consacrée aux techniques de créativité et aux principes qui les sous-tendent. Quelques exemples permettront d'illustrer la démarche. Enfin, une troisième partie traitera des suites à donner à une telle session de perfectionnement.

[Voir l'image pleine grandeur] Personnage masculin qui danse avec le personnage féminin qu'il a dessiné sur le mur.

Le processus créateur

[Voir l'image pleine grandeur] Proverbe chinois : Ce qui peut être enseigné ne vaut pas la peine d'être appris.

Depuis une dizaine d'années, le terme «créativité» a été utilisé à tort et à travers; c'est devenu un mot fourre-tout qu'on utilise n'importe comment et à propos de n'importe quoi: art, psychologie, dynamique de groupe, gestion des ressources humaines, publicité, linguistique... C'est un concept à la mode que l'on présente comme la panacée universelle. Chose certaine, la créativité est beaucoup plus qu'un ensemble de techniques propres à développer l'imagination productive. B. Demory écrit:

[Voir l'image pleine grandeur] Deux personnages qui dansent ensemble.

«Avec une stupeur effrayée, ceux-là même qui se plaignaient du manque de créativité de leurs collaborateurs, de leurs confrères, de leurs élèves, découvrent que rendre aux gens leur dimension créatrice, c'est prendre le risque de les transformer profondément et d'en faire de dangereux individus qui posent et se posent des questions, remettent les choses et les systèmes en cause et n'acceptent plus pour intangibles les situations et les dogmes. Bref, la créativité en fait des contestataires du présent et des ordres établis.

...Elle permet à la créativité de situer son véritable champ d'action: non pas un outil neutre et indolore se limitant à la création de produits et de slogans, mais instrument de changement en profondeur de l'existant individuel et collectif.1»

Deux conceptions de la créativité

Mais tentons de cerner un peu mieux ce qu'est la créativité. Les nombreuses théories et convictions peuvent se réduire en gros à deux conceptions, l'une indissociable de la notion de changement et l'autre étroitement liée à la production d'idées nouvelles et valables.

Créativité et changement

Dans une perspective globale de la personne, la créativité peut être définie comme la capacité innée de l'individu de changer, de s'adapter à son environnement. C'est donc une façon de vivre et non une façon d'être.

L'être humain est animé par un ensemble de besoins qui déterminent et orientent ses comportements; c'est dire que sans ces besoins, il n'y aurait pas d'action.

Certains de ces besoins sont fondamentaux, c'est-à-dire qu'ils sont essentiellement les mêmes chez tous les êtres humains, peu importe leur sexe, leur milieu, leur race et leur culture. Abraham Maslow a fort bien résumé ces besoins et en a établi la hiérarchie:2

Besoin d'actualisation
Besoin de réalisation
Besoin d'aimer et d'être aimé
Besoin de sécurité
Besoins physiques fondamentaux

[Voir l'image pleine grandeur] Hiérarchie des besoins selon Abraham Maslow.

À ces besoins fondamentaux viennent s'ajouter des besoins acquis au sein de la famille et de la société d'origine.

Pour parvenir à satisfaire ses besoins, l'être humain va essayer toutes sortes de comportements pour trouver des moyens efficaces d'y répondre. Michel Fustier écrit:

«Depuis qu'il existe, l'Homme a été un créateur. S'il ne l'avait pas été, il ramperait encore au fond des cavernes. Mais il n'y a pas tellement longtemps qu'il en a pris conscience. Jusque là, Dieu seul était vraiment créateur et si l'homme créait, c'était sans oser le savoir. Il n'était que le «conservateur» du «musée» terrestre, avec tout ce que ces deux mots peuvent impliquer d'immobilité.3»

C'est ainsi que l'homme a fait certaines découvertes qui ont profondément transformé sa réalité. Pour n'en citer que quelques-unes:

la domestication du feu
le transport sur roues
le moulin à vent
le collier de traction du cheval
l'imprimerie
la machine à vapeur
la vaccination
la relativité

Cette recherche de solutions n'a pas de fin: le monde est en constante mutation et les réponses doivent donc nécessairement changer en fonction de l'évolution de la personne et de sa réalité extérieure. Michel Fustier poursuit en ces termes:

«Ce n'est que du XIXe siècle que datent les premières affirmations de l'évolution. Et cent ans plus tard, de nombreux esprits n'avaient pas encore admis que le monde puisse être ainsi marqué du signe du changement..., cependant que toutes choses continuaient à couler comme un immense fleuve, lentement d'abord, puis de plus en plus vite, du passé vers l'avenir.4»

Seuls de vrais fainéants peuvent faire des inventions pour économiser le temps.

Gunter Grass

Amenez le changement, les conservateurs sont ennuyeux.

Tout un chacun

C'est ainsi que les événements de la vie personnelle, professionnelle et les changements de société exigent des individus des adaptations continues et des changements importants de leurs comportements. Par exemple, un changement de revenus, une sécheresse, une maladie, une crise économique, l'urbanisation, une guerre, une mode auront une influence directe sur notre façon de nous alimenter. De même, les besoins et surtout les façons de les satisfaire évoluent de la naissance à la mort. Ainsi un enfant qui a faim commence par crier, ensuite il montrera du doigt, puis il demandera à manger, et il finira par se servir lui-même.

C'est dire que la capacité innée de changer est à la base même de la survie physique et mentale de l'être humain. ? l'âge de sept ans, l'enfant a déjà accompli l'essentiel de ses apprentissages: sa perception est au point, sa motricité est harmonieuse, il sait communiquer efficacement et tenir compte des autres et l'essentiel de ses structures mentales est en place. Et tout cela, il l'a fait sans qu'il soit nécessaire de lui dire qu'il est temps pour lui de marcher ou de parler. Il n'a fait que répondre à son besoin inné d'actualiser son potentiel humain. ? l'opposé, la maladie mentale, elle, résulte fondamentalement d'une incapacité de s'adapter adéquatement, incapacité qui se traduit par une rigidité du comportement.

?tre créateur, c'est donc être capable de changer. Fort bien, direz-vous, mais comment se fait-il qu'il y ait si peu de personnes créatrices? La société joue un rôle primordial, autant dans la reconnaissance des besoins que dans le choix des moyens pour les satisfaire. L'éducation transmise par la famille et l'école valorise certains besoins, et en crée même de toutes pièces. Mais elle va aussi en combattre d'autres et même en nier totalement certains. De plus, elle nous inculque très tôt tout un ensemble de réponses toutes faites, des façons socialement acceptables de satisfaire nos besoins.

Nous avons conscience d'être en face d'un monde qui meurt et nous avons du mal à en imaginer un autre.

André Malraux

C'est ainsi que l'individu sorti du moule familial et scolaire ne sait plus vraiment quels sont ses vrais besoins et sa vie quotidienne devient une succession de comportements plus ou moins stéréotypés: métro-boulot-dodo.

C'est une personne qu'on a «coincée», qui a appris à avoir peur du changement, qui se méfie d'elle-même et des autres alors qu'elle est capable d'évoluer, de trouver des solutions, de se questionner, de remettre en cause les systèmes. Pas étonnant que certains affirment, et j'en suis, qu'après 20 ans de méséducation, il faille autant de temps pour la remettre en question et faire le tri de ce qui mérite d'être gardé.

Fort heureusement, le moule n'est pas parfait et l'être humain, trop puissant. Les personnes créatives sont celles qui ont su préserver cette capacité de changement. Elles sont conscientes de ce qui se passe en elles (besoins) et autour d'elles afin de donner la réponse la plus adéquate possible dans le moment présent. ?tre créateur, c'est prendre le risque de changer dans le sens de notre accomplissement personnel.

Pourquoi remettre à demain... à vous de jouer!

[Voir l'image pleine grandeur] Personnage féminin avec un personnage enfant.

Exercice - Le regard neuf

Efforcez-vous de regarder votre intérieur et vos habitudes de vie d'un œil neuf, comme le ferait un inconnu. Dans votre aménagement, que peut-on modifier ou même supprimer? La disposition des pièces? L'emplacement des meubles? L'utilité des meubles?

Ouvrez votre garde-robe: qu'est-ce qui vous frappe? Les couleurs? Quels vêtements devraient être donnés?

Examinez votre emploi du temps: comment est-il divisé? Quels sont les temps forts?

Analysez vos moments de détente: les moyens? La fréquence? Les partenaires? La satisfaction?

Passez ainsi en revue tous les aspects de votre vie, sans oublier vos relations interpersonnelles. Puis essayez de tirer de cette réflexion des idées de changement et mettez-les en application. Donnez-vous un échéancier. Rompez avec vos vieilles habitudes. Rien n'est immuable.

Que ferez-vous aujourd'hui? Que changerez-vous demain? Et cette semaine...? Et la semaine prochaine...?

Créativité et idées nouvelles

Dans une perspective plus fonctionnelle, la créativité est une aptitude de l'individu à produire des idées nouvelles en combinant et (ou) en organisant des éléments déjà existants. Sous cet angle, la créativité est une facette du processus intellectuel. Chaque individu dispose de deux façons de saisir la réalité, un processus convergent et un processus divergent.

L'intelligence convergente, c'est la fonction structurante et organisatrice du processus intellectuel. C'est le raisonnement linéaire, la logique de type mathématique. C'est la capacité de fonctionner dans le monde tel qu'il est, de résoudre les problèmes par la logique et de trouver la réponse qui semble, dans ce contexte, contenue dans la question même. Michel Fustier décrit l'élève convergent de la façon suivante:

«Le convergent a un champ de conscience étroit, c'est un fort en thème, rapide, sûr, fidèle, doué d'une forte mémoire et d'une solide capacité de raisonnement, aimé des maîtres et poussé par eux aux premières places de la société... Mais le convergent n'est pas un créateur, c'est un conservateur.5»

La logique mène à tout à condition d'en sortir.

Alphonse Allais

L'intelligence divergente est la fonction intuitive et imaginative du processus intellectuel. Elle a pour rôle de produire des idées nouvelles et inhabituelles, c'est l'aptitude à reconstruire un monde différent de celui qui est proposé, c'est revivre de l'intérieur les enseignements proposés pour les adapter à soi-même. C'est la capacité de trouver des idées nouvelles par association, par analogie, à travers le rêve fantastique et l'imagerie mentale. L'élève qui fait preuve de créativité est celui qui dérange le professeur parce qu'il le déroute par ses questions et ses réponses inhabituelles et qu'il est souvent dans la lune. Michel Fustier en parle dans les termes suivants:

«Le divergent a un champ de connaissances plus large, c'est un écolier distrait, lent, original, incertain, qui répugne à apprendre par coeur, hésitant devant la logique, mal aimé de ses maîtres qui ne trouvent pas en lui une image assez fidèle et souvent écarté par eux de la sélection qui conduit au pouvoir; on n'a pas le temps de diverger quand on prépare un concours. Et pourtant, c'est le divergent qui est créateur et qui pourrait accoucher de ce monde qui demande à naître.6»

De toute évidence, le système scolaire a fait et fait encore appel, sauf exceptions, essentiellement à notre intelligence convergente et il est permis de se questionner sur bon nombre d'échecs scolaires étiquetés «manque d'intelligence», «manque d'intérêt», etc. Quel aurait été le résultat d'une pédagogie faisant appel aux aptitudes divergentes de ces élèves? Et que dire des pratiques actuelles en alphabétisation, quelle approche favorisent-elles? Nous reviendrons sur les applications pédagogiques de ces notions en alphabétisation dans la troisième partie.

Ces deux formes d'intelligence coexistent, se complètent et régissent des moments différents du processus intellectuel. Même s'il est impossible de faire la part de l'éducation, il semble bien cependant que certaines personnes manifestent plus d'aptitudes convergentes alors que d'autres ont plus de facilités dans la divergence. Tout-e pédagogue lucide doit nécessairement faire face à cette réalité. C'est maintenant le temps d'une pause...

L'homme raisonnable s'adapte au monde. L'homme déraisonnable essaye d'adapter le monde à lui-même. Par conséquent, tout progrès dépend de l'homme qui n'est pas raisonnable.

Bernard Shaw

[Voir l'image pleine grandeur] Deux personnages qui imaginent que l'un d'eux peut marcher au plafond.

Exercice - Le trompe-l'œil

Vous devez trouver la signification de chacun des dessins suivants dans ces deux pages. Chaque dessin complète un mot ou une expression familière. Par exemple, le dessin ci-contre signifie «trompe-l'œil». Comme vous le voyez, c'est simple. Et compliqué. N'est-ce pas?

[Voir l'image pleine grandeur] Exercice - Le trompe-l'oeil.

[Voir l'image pleine grandeur] Exercice - Le trompe-l'oeil.

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Voir le solutionnaire

Dessins tirés de la revue "La magie des jeux", numéro 5- mai 1983, numéro 7 - juillet-août 1983, numéro 11- décembre 1983 et reproduit avec l'autorisation des "Magazines Publicor inc" "Magazines Publicor inc./ Tous droits réservés. "

Quelques caractéristiques de la créativité

À ce point de notre exposé, nous pouvons discerner plusieurs notions importantes qui constituent les postulats de toute approche visant à développer la créativité. Ce sont:

  • chacun-e de nous possède une aptitude à créer;
  • la création implique une notion de combinaison, de réorganisation d'éléments existants;
  • la création fait largement appel à l'inconscient;
  • la créativité est le préalable à un processus que l'on appelle «création»;
  • la création implique une idée de nouveauté et d'originalité.

Nous ne développerons ici que trois de ces postulats, les autres étant traités plus loin.

Chaque être est créatif [...]

Chaque être est créatif... il suffit qu'il s'en rende compte

Ce n'est pas un don du ciel ou d'une quelconque fée, mais bien une aptitude dont le siège semble être l'hémisphère droit du cerveau. Encore trop souvent, la créativité est considérée comme le privilège de l'artiste ou de quelques très grands savants du calibre de Pasteur et d'Einstein. Et pourtant, la créativité peut se manifester dans tous les secteurs de l'activité humaine et l'individu, à tout moment, peut faire appel à son imagination afin de trouver des solutions nouvelles aux problèmes qu'il ou elle rencontre. Un très bel exemple de cette créativité méconnue est celle du «patenteux». Il poursuit le même processus que le savant pour trouver des solutions efficaces à ses problèmes quotidiens, à la différence qu'il le fait avec très peu de moyens. Bernard Demory écrit:

«Voici donc un postulat fondamental (une utopie diront certains): chacun possède en lui, quel que soit son niveau intellectuel, social, quel que soit son âge, les ressources nécessaires pour accéder à cette dimension créatrice et ce, dans les domaines les plus divers,7»

L'irrationnel fait partie intégrante de tout processus créateur.

A. Koesler

La création est un processus

Contrairement au mythe, la création n'est pas une inspiration qui frappe le créateur comme un coup de foudre. C'est un processus qui se déroule dans le temps et en quatre étapes:

  • la préparation
  • l'incubation
  • l'illumination
  • l'élaboration

La préparation consiste à s'imprégner du problème, à analyser la situation sous tous ses angles, à recueillir les faits et informations pertinentes afin de s'orienter vers une solution. Cette phase peut être longue et donne lieu à la formulation des premières solutions possibles, qui ne sont pas nécessairement enthousiasmantes.

L'incubation est la période la plus difficile à vivre. L'individu a l'impression de ne plus rien comprendre au problème, la situation la plus simple devient d'une complexité et d'une ambiguïté infinie. C'est le cul-de-sac, le brouillard, l'absence de solution et le blocage des idées.

On doit alors prendre le temps de s'éloigner du problème, de faire l'école buissonnière, de se laisser stimuler par d'autres sources. Il faut permettre aux processus irrationnels et à l'inconscient d'entrer en action et ceci, le plus souvent à notre insu, pour qu'ils nous apportent du matériel nouveau à organiser. Le plus difficile est de tolérer l'ambiguïté provoquée par des situations non fermées, non résolues. Mais la solution créative est à ce prix.

Avant de pouvoir résoudre les problèmes, il faut vivre en leur compagnie.

Anonyme

L'illumination, comme son nom l'indique, c'est la lumière qui s'allume, l'«eureka», l'«insight»; c'est l'association magique qui se produit souvent au moment où on s'y attend le moins. ? ce stade, la solution prend la forme d'un «si», c'est une hypothèse; il s'agit très rarement d'une idée finie.

Quand une idée prend corps, c'est une révolution.

Péguy

La dernière phase du processus correspond à l'élaboration. Une idée naissante est toujours fragile, incomplète; il faut la préciser, l'articuler et l'élaborer clairement. Il faut l'amener à son terme pour pouvoir ensuite la vérifier.

Nous avons vu que les deux formes d'intelligence se complètent. C'est ainsi que l'intelligence convergente va permettre d'amorcer la phase «préparation». Mais au fur et à mesure que l'individu s'éloigne de la situation, le processus intuitif, non rationnel, prend la relève pour les étapes suivantes. Ce n'est qu'à la fin de l'étape de l'élaboration que le rationnel retrouve sa place pour vérifier et évaluer l'idée trouvée. Cela ne veut pas dire que le rationnel ne tente pas de montrer le bout de son nez un peu partout!

? ceux et celles qui désirent poursuivre leur réflexion sur le processus créateur, je recommande vivement le Cri d'Archimède8, un ouvrage très riche et facile à lire, où Arthur Koestler met en évidence un certain nombre de processus communs à tous les types de création.

L'inconscient ou la part du diable

Si l'importance de l'inconscient n'est plus mise en doute depuis Freud, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il sent un peu le soufre, le sexe et la pathologie. C'est un bouillonnement confus, véritable chaudron de sorcière, qui se produit en nous à notre insu.

En réalité, il s'agit d'un formidable réservoir d'images, de désirs, de souvenirs, de pensées secrètes, de mythes accumulés sans même que nous en ayons conscience. Et tous ne sont pas morbides et frappés du sceau de l'interdit -bien loin de là. Nos rêves nous donnent une petite idée de ce bouillonnement et la pensée délivrée de la «raison raisonnante» vagabonde librement, joue, croise et décroise avec enchantement tout un matériel auquel elle n'aurait jamais pu avoir accès à l'état de veille. Arthur Koesler écrit:

«L'insistance (des chercheurs), virtuellement unanimes, sur les intuitions spontanées, les orientations inconscientes, les brusques sauts d'imagination qu'ils ne savent expliquer, suggère que, dans la découverte scientifique, le rôle des processus intellectuels strictement rationnels a été nettement surestimé depuis le siècle des Lumières; et que, contrairement à nos préjugés cartésiens, la 'pleine conscience', comme dit Einstein, 'est un cas limite'9

Et avec Bernard Demory, je conclus que:

«Le 'créateur' est sans doute celui qui exploite, mieux qu'un autre, cette mine qu'il possède en lui en réussissant à supprimer les barrières qu'opposent les conformismes intellectuels, sociaux, scientifiques, etc. du moment où il vit. Il découvre de nouvelles relations jusqu'alors invisibles à tous.10»

[Voir l'image pleine grandeur] Personnage diablotin.

Les principaux freins [...]

Les principaux freins à l'imagination et à l'invention

Entre l'enfant curieux, inventif, spontané, passionné, tout au plaisir du jeu, et l'adulte affecté, conventionnel, incapable de s'évader de son cadre de pensée, de ses interdits et de ses préjugés, écrasé d'ennui et de responsabilités, que s'est-il passé?

En simplifiant beaucoup (il y a des enfants qui s'ennuient et des adultes qui ont du plaisir!), on peut dire que cette dégradation est due au système social dans lequel nous vivons. Celui-ci met tout en oeuvre pour brider notre imagination, freiner notre spontanéité et nous inciter à nous conformer au modèle, au moule du parfait citoyen qui, bien entendu, n'existe pas; si l'on gratte la surface, nous sommes tous des déviants, ne serait-ce que dans nos fantasmes et nos rêves. Depuis le 17e siècle, l'imagination est devenue, selon Pascal, «la folle du logis», cette «maîtresse d'erreurs et de faussetés, et d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours»... «cette superpuissance ennemie de la raison».

De façon plus spécifique, quels sont les principaux freins à la créativité?

L'éducation

En tout premier lieu, comme vous le savez, il y a l'éducation. Elle favorise l'ordre et la discipline plutôt que la spontanéité et l'imagination, l'obéissance et la soumission plutôt que le doute et la remise en question. La pédagogie est centrée sur l'acquisition des connaissances plutôt que sur le développement des habiletés mentales, sur la reproduction du savoir pré-établi plutôt que sur la découverte. Elle fait appel à nos habiletés convergentes et ignore nos processus divergents. L'élève est amené à s'adapter, à se conformer à tout point de vue, et «il y arrivera mais dans quel état», disait Camus. Il y a d'heureuses exceptions, mais il faut les chercher longtemps.

[Voir l'image pleine grandeur] Personnage qui joue au bowling.

La connaissance et l'expérience

Votre grand-père avait certainement raison (il y a cent ans)...

Le même anonyme

Autre frein important à la créativité: la connaissance et l'expérience. Dans un contexte créateur, la richesse des connaissances et des expériences est un atout important. Puisque créer, c'est associer des éléments connus, plus il y a de savoir et d'expérience, plus il y a un matériel riche et varié à associer, et plus on a de chances de trouver des solutions nouvelles. De ce fait, nous pouvons affirmer que l'adulte est plus créateur que l'enfant.

Cependant, dans un contexte non créateur, la connaissance et l'expérience vont au contraire nous pousser à réutiliser des solutions qui ont été efficaces dans le passé, et si quelqu'un propose une idée différente ou nouvelle, le couperet tombe; vous connaissez ces phrases mortelles:

[Voir l'image pleine grandeur] Plusieurs personnages qui ont des propos négatifs.

Rien que le fait qu'une idée soit nouvelle doit nous inciter à nous en préoccuper.

Michelle Saunier

Qui d'entre nous n'a jamais écrasé un enfant ou toute autre personne sous le bloc de son savoir? Je n'oublierai jamais la fois où j'ai démontré par A + B à ma fille qu'il était impossible qu'elle ait vu un orignal dans le verger, puisqu'il n'y en avait pas dans la région. Or, une semaine plus tard, j'apprenais qu'il y avait une opération de repeuplement et qu'on avait effectivement établi quelques couples dans le coin. Quand je l'ai dit à ma fille, elle a eu la gentillesse d'en sourire avec moi et j'ai dû attendre cinq ans avant de voir un de ces fameux orignaux!

La connaissance peut être aussi un frein dans la recherche de solutions. Plus on connaît une situation sous toutes ses facettes, plus on l'a analysée en profondeur, moins on semble capable de prendre le recul nécessaire pour la remettre en question, la regarder d'un œil neuf afin de trouver des solutions. Vous avez tous fait l'expérience de vous acharner à résoudre un problème et ce, sans succès, et d'y revenir après une nuit de sommeil ou quelques jours plus tard pour voir la solution vous sauter immédiatement aux yeux. À regarder les choses de trop près, tout finit par s'embrouiller.

De plus, ce que nous apprenons nous forme et nous déforme dans une certaine mesure. C'est ainsi qu'un médecin perçoit la réalité différemment d'un politicien, d'un menuisier ou d'un psychologue. Chacun-e porte des lunettes qui biaisent sa perception en sélectionnant les informations qui correspondent à la formation reçue.

[Voir l'image pleine grandeur] Personnage qui rit.

L'esprit de critique

Mentionnons comme autre frein l'esprit de critique, qui consiste à systématiquement démolir les idées qui naissent sans même chercher à considérer ce qu'elles peuvent contenir d'intéressant. Imaginer, c'est concevoir ce qui n'est pas et une idée nouvelle reste fragile, floue et peut être facilement disloquée, démantelée, annihilée par la critique. Cette fermeture aux idées nouvelles des autres entraîne chez l'individu une censure de ses propres idées, par crainte de voir ce qu'il ou elle dit réduit en pièces.

Ces freins se traduisent par toute une panoplie de peurs qui font partie, bien malgré nous, de notre héritage familial et culturel:

[Voir l'image pleine grandeur] Personnages freinés par leurs peurs.

Il ne s'agit que d'un résumé très succinct et les personnes qui désirent mieux comprendre ces mécanismes et ces freins à la créativité peuvent consulter «La créativité en pratique et en action» de Bernard Demory.

Si laisser parler son imagination consiste à se laisser aller à l'aventure, à partir en exploration, le moins que l'on puisse dire, c'est que notre éducation a coupé les ailes à notre imagination et endormi notre potentiel créateur. Ce qui fait dire à H. Laborit:

«Tout se passe comme si l'homme avait peur de lui-même et s'il n'osait exprimer ouvertement ce qu'il sait être.11»

et à Bernard Demory d'ajouter:

«Alors on se réfugie, se dissimule dans des habits coupés d'avance. En particulier, on supprime tout ce qui est affectif pour se limiter au strict rationnel.12»

Mais tout ceci n'est qu'un constat et non une condamnation à mort. Il est possible de se libérer de ce carcan mental et de ces freins. Un atelier de créativité est un moyen et non une recette; ce n'est que le premier pas à la recherche de soi-même et de l'enfant qui nous habite. Le groupe devient un instrument précieux pour amener l'individu à prendre conscience de ses freins et à les faire sauter et, par là, à prendre contact avec sa dimension créatrice et à développer ses habiletés.

Exercice - Mes aptitudes

Je vous propose de réfléchir quelques minutes sur ce qui freine votre imagination en faisant le test suivant, qui ne prétend d'ailleurs à aucune rigueur scientifique. Il vous permettra seulement, si vous y répondez avec sincérité, de prendre conscience des choses à améliorer quant aux principales attitudes favorables à la créativité.

Remplissez les cases en utilisant les chiffres suivants:

3 = très bon
2 = bon
1 = moyen
0 = mauvais

Lorsque vous aurez fait ce test, demandez à une personne qui vous connaît bien (parent-e, collègue, ami-e, etc.) de remplir la même grille en vous notant, vous. Pendant ce temps, vous pourrez la noter, elle. Ensuite, comparez les notes que vous vous êtes attribuées et celles que l'autre vous a données. Vous aurez peut-être des surprises...

[Voir l'image pleine grandeur] Exercice - Mes aptitudes

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Les facteurs ou les aptitudes à développer

S'il est possible de réactiver notre potentiel créateur, il est également possible à plus court terme de développer notre intelligence divergente, c'est-à-dire les aptitudes qui correspondent à la créativité productrice d'idées nouvelles. Je n'ai retenu que les plus importantes et les plus utiles à l'intervention pédagogique:

la fluidité
la flexibilité
l'originalité
l'élaboration

Afin de mieux comprendre les notions qui vont suivre, je vous invite à faire l'exercice suivant:

Exercice - L'île

Vous êtes sur une île déserte. ? part les arbres et autres ressources de la nature, vous n'avez découvert en l'explorant qu'une quantité énorme, illimitée de trombones

Vous imaginez tout ce que vous pouvez faire avec ces trombones. Travaillez rapidement et pendant 15 minutes. Les règles du jeu sont très simples:

  • toutes les idées sont bonnes, même les plus farfelues;
  • ne censurez pas vos idées;
  • soyez le plus original possible;
  • n'élaborez pas vos idées, c'est la quantité qui compte;
  • laissez aller votre spontanéité.

Faites une première tentative individuelle et, par la suite, reprenez l'exercice avec trois ou quatre personnes proches en utilisant des élastiques. Vous constaterez probablement, lors du deuxième exercice:

  • que vous avez eu, personnellement, plus d'idées;
  • que l'exercice a été beaucoup plus riche par le nombre de réponses, mais aussi par la variété et l'originalité des idées émises.

Nous en verrons les raisons dans la seconde partie de ce document.

La fluidité

C'est la capacité de produire beaucoup d'idées; l'accent est mis sur la quantité d'éléments produits. Il peut s'agir de mots, d'associations, d'expressions et d'idées. Par exemple:

  • trouver le plus de mots possible commençant par «fri» ou finissant par «iste», ou encore commençant par «c» et finissant par «ion»;
  • tout ce qu'évoque pour moi telle image ou tel mot;
  • tous les titres possibles pour un journal sur l'alphabétisation;
  • de quoi parle un livre ayant pour titre «Pourquoi le prisonnier chante-t-il?», ou encore «Le pouceux galactique».

Dans l'exercice de l'île, la fluidité renvoie au nombre d'idées produites. Ces idées sont produites par l'individu à partir de ses connaissances et de son expérience. Cependant, dès qu'il y a plusieurs personnes, les idées peuvent venir par association avec les idées des autres. Les idées produites dans le cadre d'un groupe sont toujours plus nombreuses que la somme des idées que pourrait séparément produire chacun-e des participant-e-s.

La flexibilité

La flexibilité correspond à la variété des idées. Elle traduit le nombre de catégories, de classes identifiables dans les idées émises. Plus une personne est flexible mentalement, plus elle explore d'avenues différentes, et donc plus ses associations seront riches. Revenons à l'exercice de l'île et des trombones. Dans le premier exemple ci-dessous, le lien logique entre les réponses est très visible, alors que dans le second, chaque idée est indépendante, du moins en apparence.

  1. outils de jardin -> râteau -> peigne
    bracelet -> bague -> chaîne -> boucles d'oreilles
    sculpture
    aiguilles -> broche à cuire le poisson -> aiguilles à tricoter
  2. les attacher et faire des garnitures de porte
    un cure-dent
    un hameçon
    un crayon
    fondre pour faire des assiettes
    une corde à linge jouer au petit poucet
    une brosse pour se gratter le dos

Dans le premier exemple, on distingue quatre catégories d'idées, alors que dans le second, il y en a huit.

L'originalité

C'est la capacité de produire des idées nouvelles, inhabituelles, rares - dans un contexte social et culturel précis. En effet, dessiner un igloo à partir d'un demi cercle devrait être fréquent chez les Inuit, mais risque fort de s'avérer inhabituel chez les Africains! Et une idée originale ne le reste pas nécessairement très longtemps; pensez au phénomène Elvis Presley et à la vague hippie qui ont bouleversé leurs contemporains alors que la musique rock et la liberté vestimentaire ne dérangent plus grand monde de nos jours. De plus, il y a des degrés dans l'originalité. Il est plus créateur d'imaginer la théorie de la relativité ou la technique du cubisme que d'améliorer la voiture de l'année ou d'inventer la brosse à dents électrique. Pour un éducateur, la seule définition valable de la créativité est celle qui compare l'individu à lui ou elle-même. Chaque fois que l'apprenant-e découvre quelque chose sur lui ou elle-même ou sur l'environnement, chaque fois que cette personne adopte un nouveau comportement, elle affirme son originalité.

Voyons quelques réponses peu fréquentes dans l'exercice de l'île: en faire une montagne pour skier, un tapis de fakir, les manger en salade, en faire une cotte de maille ou un pare-balles, s'en servir comme unité de mesure de poids: «Je voudrais 50 trombones de petits pois...»

Je trouve d'abord, je cherche ensuite.

Pablo Picasso

L'élaboration

C'est la capacité de compléter, d'améliorer, de pousser une idée ou un concept jusqu'à ce que l'individu soit satisfait, ait le sentiment d'un travail fini. L'élaboration rejoint la capacité de faire des transformations, de prendre un système existant et d'y introduire des changements. C'est la faculté de développer, d'enrichir les idées. Le déploiement de cette capacité s'accompagne d'un certain effort de concentration afin d'aller au bout de l'imaginaire. C'est une forme de persévérance qui ne signifie pas que l'on tombe dans la rigidité ou dans le perfectionnisme. C'est souvent «100 fois sur le métier, remettre son ouvrage».

Si vous avez fait l'exercice de l'île, vous avez pu constater qu'il touche aux trois premières caractéristiques (fluidité - flexibilité - originalité). Elles ne sont pas toujours faciles à isoler. C'est pourquoi, dans ce genre d'exercice, il est recommandé de produire beaucoup d'idées. C'est à travers la quantité qu'il est possible d'atteindre la variété et l'originalité. Habituellement, au début de la recherche, apparaissent les associations les plus simples et les plus communes. Une fois libéré de ces associations évidentes, le cerveau va chercher d'autres angles, de nouvelles avenues pour trouver des idées plus inhabituelles, farfelues, amusantes et originales. Tout se passe comme s'il fallait libérer, purger les circuits neurologiques des idées toutes faites, pour que le cerveau, avec toutes les ressources de l'inconscient, de l'intuition, puisse produire de nouvelles associations.

Produisez plus d'idées qu'il ne vous est nécessaire.

Les techniques de créativité

[Voir l'image pleine grandeur] Gaston Bachelard : Qu'est-ce que l'homme? Dans sa noblesse intellectuelle c'est un être qui invente.

Qu'est-ce qu'une technique de créativité? Les techniques sont nées de l'observation du processus créateur qu'elles tentent de reproduire. Ce sont des aides à la création, des moyens d'ouverture et d'aération mentale, des outils pour voir la réalité de multiples façons.

Michel Fustier écrit:

«Si l'on tient pour exactes ces descriptions du mécanisme de l'invention, les méthodes de créativité ne sont autre chose que la stimulation ou l'accélération de cette exploration intérieure qui permet, au cours d'une investigation dont nul ne peut mesurer la durée ni prévoir le résultat, de rencontrer l'idée heureuse qui servira de réponse au problème.13»

Elles impliquent un entraînement, une pratique régulière, afin que la personne puisse modifier ses approches mentales, penser autrement et utiliser des ressources insoupçonnées d'elle-même.

«Les techniques ont ce but principal: amener à saisir les problèmes dans toutes leurs dimensions, ouvrir de façon démesurée le champ de l'esprit, faire exploser ce qu'on nomme la réalité (objective et froide) en d'autres réalités, mouvantes, contradictoires, chaleureuses, infiniment riches.14»

Ce faisant, l'individu, avec l'aide du groupe, découvre que sa propre réalité qu'il ou elle croyait connaître est, en fait, terre inconnue. Il va lui falloir redécouvrir, par des chemins détournés, les trésors qu'elle recèle. ? condition qu'il ou elle ait l'âme à l'exploration...

Ce sont des techniques de groupe. Le groupe offre le soutien essentiel à l'exploration des blocages et la complicité nécessaire à l'expression de la créativité. Il agit comme un révélateur de la réalité individuelle et collective. De plus, par l'interaction des idées, il provoque une démultiplication des associations, et donc des chances de trouver des solutions. Cependant, on peut utiliser les techniques à un niveau individuel. Mais surtout, il est important de transposer l'esprit qui les anime dans nos démarches personnelles de découverte.

Utilisées dans de bonnes conditions, les techniques de créativité donnent d'excellents résultats dans la majorité des cas. Cependant, il ne s'agit pas de recettes. Un remue-méninges (brainstorming) bien mené n'aboutit pas nécessairement à une solution et deux excursions qui font appel à l'analogie débouchent inévitablement à des endroits différents. Ce n'est pas comme dans les sciences, où les mêmes causes vont produire les mêmes effets.

Encore une fois, ces techniques ne sont pas tant un outil de travail qu'un instrument de transformation des individus, d'actualisation de leur potentiel créateur.

Trois principes fondamentaux

L'exploration du processus créateur et des démarches d'invention a permis d'isoler trois principes fondamentaux que nous allons retrouver, sous diverses formes, dans toutes les techniques:

  • la séparation du processus de production du processus d'évaluation des idées;
  • l'éloignement du problème et les détours qui permettent d'aboutir à des idées nouvelles;
  • la découverte naît de la bi-sociation.

Imaginer d'abord, évaluer ensuite

Le débat sur ce qu'on appelle les «techniques» de créativité remonte à Osborn et à la démarche du «remue-méninges». Trouvant que les réunions de travail de son agence de publicité donnaient des résultats décevants, il s'est interrogé et a fait certaines constatations. Comme lui, vous savez pour avoir assisté à des réunions traditionnelles que:

  • une idée nouvelle, parce que dérangeante, est habituellement mal accueillie;
  • une idée nouvelle va souvent à l'encontre de nos opinions, nos croyances et nos valeurs;
  • une idée nouvelle, dans sa première expression, est vague, souvent paradoxale, toujours incomplète, «ne ressemble à rien»;
  • la compétition entre les personnes se traduit par une concurrence entre les idées.

Enfin et surtout, Osborn a pris conscience qu'il y avait mélange entre deux processus: celui de la production des idées et celui de l'évaluation des idées. En d'autres termes, il y a mélange de l'approche divergente qui consiste à produire un maximum d'idées, et l'approche convergente, qui cherche une réponse unique. Cet amalgame ralentit et peut même bloquer la production des idées. Ce sont deux processus différents qui font appel à des opérations différentes.

Dans une réunion traditionnelle, aussitôt qu'une idée est émise, on passe à son examen. Si elle est jugée bonne, elle est retenue et la recherche d'idées cesse. On ne cherche pas d'autres solutions, peut-être meilleures. Si l'idée n'est pas acceptée, le groupe repart à la recherche d'une autre idée qui, à son tour, sera évaluée, et ainsi de suite. Ce passage continu d'un processus de production à un processus d'évaluation est en soi épuisant mentalement. Mais aussi, il est très démobilisant pour les participant-e-s qui voient leurs idées refusées. Enfin, il est improductif, car il ne permet pas d'interaction féconde entre les idées émises.

À partir de ces observations, Osborn va définir la démarche du «brainstorming», la méthode du jugement différé. Il développera également des préceptes sur lesquels nous reviendrons un peu plus loin. Et maintenant, je vous propose l'exercice suivant:

Exercice - Mes constats

Au cours des prochains jours, observez: les discussions de famille, les réunions de travail auxquelles vous participez, vos groupes de participant-e-s. Voici quelques questions qui vous aideront à démarrer. Observez votre comportement, mais aussi celui des autres:

  • Quel est l'accueil réservé aux idées des autres, à vos idées?
  • Quelle est la qualité de l'écoute?
  • Y a-t-il des jugements de votre part, de la part des autres?
  • Quels effets cette attitude de jugement a-t-elle sur vous?
  • Avez-vous hésité ou renoncé à dire ce que vous pensiez?
  • Y a-t-il jeu de ping pong entre la production et l'évaluation des idées?
  • Vos idées ont-elles la même couleur que vos valeurs et vos croyances?
  • Comment vous sentez-vous lorsque votre idée est rejetée?
  • Vous sentez-vous propriétaire-concepteur de vos idées?
  • Sentez-vous la compétition entre les personnes par idées interposées?
  • Êtes-vous influencé-e par les idées des autres?
  • Y a-t-il des personnes silencieuses alors que d'autres parlent trop?
  • Y a-t-il des manifestations d'humour? De quel genre?
  • Quel est le poids d'une idée ou d'un argument lorsqu'ils sont avancés par une personne en autorité (directeur, professeur, parent)?
  • Que se passe-t-il au niveau de l'expression lorsqu'il y a une personne qui détient de l'autorité?

Vous risquez d'avoir des surprises!...

L'école buissonnière

Pas d'expérience? Vous pouvez en toute quiétude oublier cette phrase.

Le second principe découle de la constatation suivante: presque toutes les idées nouvelles et les découvertes se font par association avec des objets ou des événements qui n'ont rien à voir avec la préoccupation du chercheur.

C'est en voyant tomber une pomme que Newton découvre la loi de l'attraction universelle.

Le velcro a été inventé à la suite d'une promenade dans un champ infesté de petites bardanes ou piquants qu'on appelle «les amoureux» au Québec, à cause de la difficulté de les séparer, j'imagine. Quand on a fini de les décoller de nos vêtements, ils s'accrochent à nos doigts!

Helmolz disait: «Aussi loin que s'étende mon expérience, elles (les idées heureuses) ne se présentent jamais à un cerveau fatigué et jamais à la table de travail». Essentiellement, les techniques de créativité provoquent des démarches d'éloignement par association ou par analogie afin de trouver du matériel nouveau qu'au retour on va associer à la question de départ. Il s'agit alors de transposer cette moisson d'idées dans le cadre du problème, afin de lui apporter des réponses nouvelles.

[Voir l'image pleine grandeur] Personnage qui se repose sous un pommier.

L'art de conjuguer

La bi-sociation, c'est la mise en relation de faits, d'idées, de produits, de concepts qui appartiennent à des domaines différents. C'est rapprocher des univers jusque-là étrangers.

C'est ainsi que Gutenberg, quatre siècles après les Chinois, a inventé l'imprimerie en bi-sociant les formes à imprimer, les cartes à jouer, le sceau à cacheter et le pressoir à raisin. De même, la brosse «pick-up» est le résultat du rapprochement de la brosse à habit traditionnelle à poils avec un rouleau de papier adhésif.

Ce processus de mise en relation se fait par tâtonnements, par essais et erreurs, au hasard des éléments trouvés dans la démarche d'éloignement. Ce qui explique que certaines démarches ne permettent pas de trouver des associations fécondes et que le problème posé reste sans solution nouvelle.

De plus, il est important de comprendre que les idées recueillies par association ou analogie ne sont jamais (ou très rarement) applicables telles quelles au problème posé. Au contraire, il va falloir forcer l'association entre les deux, forcer la réponse à s'adapter à la question. Le terme anglais «force fit» décrit très bien l'opération. En jouai, nous dirons «faire fiter de force». Il s'agit d'extraire les idées de solution et, ensuite, de tenir compte des contraintes de la réalité. En français, on appelle cette étape «le retour à la réalité», mais je lui préfère l'expression «croisement forcé» des idées. Si cette étape est manquée, le problème risque de rester sans solution concrète, réalisable. Elle est primordiale et demande un effort mental soutenu et intense. C'est le moment privilégié du «si».

Ces principes fondamentaux que nous venons de voir déterminent la forme de la démarche dans toutes les techniques de créativité.

Devinez par intuition les éléments qui vous manquent.

Exercice – Qui va là?

Un petit jeu amusant, mais un peu... casse-pieds

On dit que l'empreinte du pied est aussi unique que l'empreinte digitale... Si vous prenez cette affirmation au pied de la lettre, vous devriez être en mesure (sans trop faire des pieds et des mains) de nommer chacun des personnages qui a mis le pied sur cette page. Alors, vous mettez le pied à l'étrier?

[Voir l'image pleine grandeur] Exercice - Qui va là?

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Exercice tiré de la revue "La magie des jeux", numéro 5- mai 1983 et reproduit avec l'autorisation des "Magazines Publicor inc.", "Magazine Publicor inc. / Tous droits réservés. "

Les règles du jeu

À la suite de ses observations sur le travail de groupe, Osborn a énoncé quatre préceptes qui assurent un climat favorable à l'expression du potentiel créateur.

Ne pas critiquer

Critiquer, discuter une idée, c'est l'évaluer. Il propose de différer le jugement. Pendant la période de production des idées, aucun jugement ne peut être porté. Il s'agit d'éliminer les commentaires verbaux et non verbaux, qu'ils soient positifs ou négatifs, sur les idées ou sur les personnes. Cette règle du jeu:

  • permet de maintenir une certaine vitesse de fonctionnement, la production d'une plus grande quantité d'idées, puisqu'on ne perd plus de temps à faire des allers et retours entre imaginer et évaluer. Les possibilités d'associations entre les idées seront d'autant plus riches;
  • elle veut dire aussi que les idées émises sont acceptées avec la même sympathie et qu'elles sont toutes bonnes. Il est impossible, à ce stade de la démarche, de savoir quelles sont les idées les plus utiles. Les plus farfelues sont souvent les plus stimulantes, et celles qui risquent de donner naissance aux solutions les plus originales;
  • elle signifie enfin qu'on accueille nos propres idées avec sympathie. Que d'idées sont étouffées par peur de choquer, de déplaire, mais surtout d'être jugé-e, de paraître stupide ou puéril-e. On finit par se taire, ou ne dire que ce que l'on sait acceptable par les autres. Mais il y a plus. Non seulement nous filtrons les idées que nous allons communiquer au groupe, mais nous censurons nos pensées, idées qualifiées d'irrecevables à nos propres yeux en regard de modèles de tout ordre liés à nos valeurs et à nos croyances (religion, sexualité, politique, etc.). Le juge cette fois est intérieur. Chacun se censure, souvent de façon inconsciente, avec pour résultat la mise sous contrôle de l'imagination.

Il s'agit donc d'accueillir avec sympathie tant les idées des autres que les nôtres, même si elles sont farfelues ou si elles nous font peur.

Une idée originale est souvent la pierre angulaire d'un bon résultat.

L'imagination libérée

Il s'agit de redonner les pleins pouvoirs à notre imagination. Nous avons vu comment l'école et la société nous ont appris à nous en méfier et «à tourner sept fois la langue dans la bouche» avant de parler. C'est en travaillant à lever nos freins que nous réussissons progressivement à retrouver notre spontanéité et notre imagination, que nous parvenons à nous exprimer librement, sans contraintes extérieures ni intérieures. Ce sont les idées bizarres, farfelues, irrationnelles, paradoxales qui font jaillir la nouveauté, et non pas celles qui sont sages, banales et rassurantes. C'est s'offrir le plaisir et la détente de suivre notre fantaisie sur les sentiers mystérieux et imprévisibles de l'imagination.

[Voir l'image pleine grandeur] Personnage masculin qui tient des ballons sur lesquels est installé un personnage féminin.

Il n'y a jamais trop d'idées

L'objectif est de trouver le plus possible de réponses à un problème. La quantité des idées produites est importante à plusieurs titres.

D'abord, il s'agit de lutter contre la fâcheuse tendance à s'arrêter à la première idée qui semble apporter une solution convenable. En continuant, d'autres idées viennent s'ajouter et se combiner entre elles, et risquent aussi de produire une ou des solutions encore plus riches.

Ensuite, et même si ce n'est pas toujours le cas, les meilleures idées arrivent plutôt vers la fin de la recherche. Les premières associations sont souvent les plus logiques, assez banales, s'éloignant peu du connu. Il est important cependant de sortir ces premières idées pour libérer les circuits, pour vider «son cimetière d'idées», afin de faire place à de nouvelles associations plus prometteuses.

Enfin, certaines idées inutilisables séparément peuvent devenir fort intéressantes en combinaison avec d'autres. Parfois aussi, elles viennent enrichir une idée principale.

Exercice - Le coup de crayon

[Voir l'image pleine grandeur]

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Faire du pouce sur les idées

Une idée créative donne naissance à beaucoup d'autres.

C'est faire du pouce sur les idées des autres, c'est-à-dire s'en emparer pour les enrichir à notre guise, les combiner avec d'autres pour en trouver des nouvelles. Les idées appartiennent à tout le monde et chacun-e les utilise à sa guise (à bas les droits d'auteur!). Voici quelques exemples de mécanismes:

  • L'association d'idée: la cafetière qui me fait penser à la vapeur, qui me fait penser à la locomotive, qui me fait penser aux vacances, etc.
  • L'association visuelle: Cette fois, c'est une ligne, une forme qui peut servir de déclencheur. Y a-t-il longtemps que vous n'avez pas pris le temps d'interpréter les nuages?

[Voir l'image pleine grandeur] Personnages qui ont différentes idées en tête.

  • L'association phonétique: elle est à l'origine de jeux de mots de toutes sortes. Aussi, un croc-en-jambe peut me faire penser à un croque-mort, un croque-monsieur ou un croque-mitaine. Mais aussi à un «croque aux jambes», un nom de chien qui ferait sérieusement peur aux voleurs!
  • Des rencontres insolites, entre deux termes, deux idées, dont surgit quelque chose de nouveau, et c'est la pomme de Newton.
  • Les hasards: tout ce qui se passe autour de nous devient source d'idées: c'est la tache d'encre qui sert de point de départ à un dessin; c'est le sucre qui brûle qui nous fait inventer le caramel; c'est le mot «fête» dans un groupe qui fait surgir chez un-e participant-e, une idée qu'il ou elle ne formulait pas jusqu'ici; c'est le bruit du train qui donne le rythme à une pièce musicale.

L'animateur ou l'animatrice verra à faire respecter ces règles du jeu sans lesquelles toute excursion risque de devenir une recherche plus ou moins frustrante pour les participant-e-s, et peu productive quant aux résultats. Une excursion est une démarche de recherche d'idées ou de résolution de problèmes. C'est plus poétique et surtout, cela traduit bien l'aspect dynamique, imprévisible et ludique de ces voyages au pays de notre fantaisie.

Contemplez votre environnement; il camoufle des milliers d'idées.

Quelques techniques

Il ne saurait être question de faire une description détaillée des techniques, faute de place, mais surtout parce que la seule façon de les aborder utilement, c'est de les vivre. Ce sont des outils remarquables, mais qui demandent la création d'un climat favorable à l'éclosion des idées, un très bon animateur ou une très bonne animatrice, ainsi qu'une adhésion rigoureuse aux règles du jeu, en particulier le «ne critiquez pas» si difficile à faire respecter. La meilleure technique du monde est vouée à l'échec ou du moins à des résultats médiocres si les participant-e-s n'ont pas l'imagination en éveil et si l'animateur ou l'animatrice ne maîtrise pas son rôle. Il faut un entraînement préalable dans les deux cas.

Donc, cette description de techniques n'a pas pour but de vous permettre de les utiliser, mais d'illustrer la mise en application des principes et des règles du jeu qui pourraient s'avérer fort utiles en pédagogie, comme nous le verrons dans la troisième partie. D'autres exercices viendront compléter cette démonstration, et ils seraient beaucoup plus intéressants si vous les pratiquiez en groupe. Pourquoi ne pas proposer ces jeux la prochaine fois que vous recevrez des ami-e-s?

Les quelques techniques décrites ici correspondent aux grandes familles ou approches de base, à partir desquelles chacun-e sera libre de broder et d'imaginer pour construire ses propres outils d'application pédagogique.

Le remue-méninges

C'est une démarche élémentaire conçue pour permettre, comme nous l'avons vu, la libre expression des idées et la libre association des idées en appliquant le premier principe et, bien entendu, les règles du jeu.

Le déroulement

La formulation du problème
Elle doit être claire, sans mots ambigus, et concise.

Les faits
Les informations nécessaires à la compréhension du problème et les balises: forme, prix, temps, matériel, etc.

La recherche des idées de solution
Produire le plus d'idées possible, aussi farfelues soient-elles, sans discussion ni évaluation.

Évaluation et choix
Chaque idée est examinée de façon à en identifier les aspects intéressants. La solution retenue est finalisée en fonction des contraintes de la réalité. Elle est souvent le résultat de plusieurs idées. Il peut y avoir plus d'une solution retenue.

Le remue-méninges s'adapte bien à des problèmes simples et strictement définis: chercher des noms, des moyens de promotion, de diversification de produits, etc. Cette technique peut être également utilisée pour faire un premier déblayage sur un problème complexe afin d'identifier les pistes les plus prometteuses pour des excursions subséquentes (remue-méninges ou autres techniques).

Voici un exemple tiré d'un atelier où les animateurs et animatrices en alphabétisation des groupes populaires se demandaient: comment faire pour que le groupe acquière un certain sens des responsabilités face à l'absentéisme? Voici une partie des 49 idées de solution trouvées:

  1. Faire une conférence sur le sujet.
  2. Les participant-e-s notent les présences.
  3. On expulse les absent-e-s.
  4. On ne s'occupe pas de faire récupérer le temps perdu.
  5. On récompense les absent-e-s.
  6. On fait tirer cinq dollars comme prix de présence au cours.
  7. Les absent-e-s expliquent les raisons de leur absence au groupe (oralement).
  8. Le ou la professeur-e s'absente plusieurs fois de suite sans avertir.
  9. L'absent-e fait le ménage du local au retour.
  10. Il ou elle donne un compte rendu écrit de ce qu'il ou elle a fait.
  11. Le groupe va rendre une visite à l'absent-e.
  12. L'absent-e paye la traite.
  13. On organise une fête pour souligner son retour.
  14. On fait un procès de groupe (jeu de rôles).
  15. L'absent-e embrasse tout le monde au retour.
  16. On lui demande de se présenter pieds nus dans la classe à son retour.
  17. On organise un droit de parole sur l'absentéisme.
  18. On demande aux participant-e-s d'élaborer leur propre code disciplinaire.
  19. On demande à l'absent-e de faire la vaisselle pendant une semaine chez un-e participant-e.
  20. On fait un tatouage progressif (jeu du pendu).
  21. On organise une mise en situation où l'on attend quelqu'un qui ne vient pas.
  22. On organise les participant-e-s par équipes de deux afin de développer la solidarité.
  23. Un-e participant-e plus avancé-e se charge du rattrapage.
  24. On attribue à chaque participant-e une responsabilité spécifique.
  25. Les participant-e-s disent comment ils ou elles se sentent quand il y a un-e absent-e.

Comme on le voit, les idées sont variées, réalistes, un peu farfelues, pédagogiques, punitives... Le groupe a élaboré deux pistes de solution:

  • un droit de parole (idées 1, 7, 14, 17, 21 et 25), afin de sensibiliser tout le monde aux implications de l'absentéisme sur la vie de groupe et sur l'apprentissage;
  • un contrat élaboré et géré par les participant-e-s (idées 2, 18, 22 et 23), afin de développer leur sens des responsabilités - avec des procédures prévues avant, pendant et après l'absence.

Le concassage

Ne vous fiez pas à votre expérience.

Dans un remue-méninges classique, il arrive que le groupe, après avoir jeté les idées qui viennent spontanément, ait de la difficulté à produire des idées farfelues et tourne en rond dans des sentiers battus. Le concassage a l'avantage d'offrir un moyen de jongler avec le problème posé et de le regarder sous tous ses angles, dé l'attaquer de toutes parts, de le casser, de le faire éclater afin d'y trouver le plus de réponses possible. Il s'agit d'envisager systématiquement un objet, un système, un concept, sous des angles inhabituels, de lui faire subir une série de transformations: l'agrandir, le réduire, l'associer, l'inverser, etc.

Quelques exemples vont vous permettre de mieux comprendre. Un jour qu'Alphonse Allais se promène, il se met à pleuvoir; il se réfugie alors sous les arcades de la rue Rivoli. Pendant que l'averse fait rage, il se met à penser qu'on devrait obliger tous les propriétaires à construire des maisons avec des arcades, ou encore, à tendre des toiles devant leur boutique afin de protéger les piétons de la pluie. (Et voici l'intuition par diminution.) Pourquoi, se dit-il, chaque personne n'aurait-elle pas sa petite toile au bout d'un bâton pour se protéger de la pluie? Cette idée améliorée deviendra le parapluie. Mais continuons à jouer avec cette idée de parapluie.

En l'agrandissant:

il y aurait de la place pour deux;
on aurait un dôme et la ville serait au sec;
on aurait le parapluie défensif de Reagan sur les États-Unis.

En le réduisant:

lui mettre un manche télescopique;
le rendre pliable (c'est déjà fait).

En le modifiant:

le rendre transparent pour mieux voir;
le poser sur les épaules afin d'avoir les mains libres (sacs, enfants, chiens...) ou pour ceux qui n'ont pas de bras;
prévoir des toiles amovibles afin de pouvoir les assortir à nos vêtements ou à nos humeurs;
ajouter des poches pour y ranger des affaires;
prévoir un manche chauffant pour l'hiver;
lui donner la forme d'une baleine pour abriter une famille (pour une famille chinoise, ce serait un dragon);
le rendre gonflable (c.f. veste de sécurité en avion), donc facile à ranger;
inventer le parapluie gonflable et jetable en plastique;
prévoir un manche blanc pour les aveugles.

En combinant:

avec un porteur pour avoir les mains libres;
avec un klaxon ou clochette pour la sécurité;
avec de la musique sur la pluie pour nous la faire apprécier;
avec un distributeur de parapluies jetables;
avec un mécanisme d'auto-destruction écologique.

En l'inversant pour trouver l'anti-parapluie:

Il protège du soleil plutôt que de la pluie;
il devient un entonnoir en évacuant l'eau par le centre;
il devient une épuisette, car il reçoit l'eau à l'intérieur dans une toile qui laisse passer l'eau;
c'est une voile, c'est lui qui nous tire plutôt que l'inverse.

Voici pour terminer quelques exemples d'objets connus:

  • Les rasoirs et briquets jetables par diminution de la durée de l'usage;
  • Le container ou conteneur provient de l'agrandissement de la valise;
  • La brosse «pick-up» provient d'un changement de procédé technique;
  • Le lecteur à cassettes est une réduction du magnétophone;
  • Le sac auquel on ajoute ou enlève des étages selon les besoins;
  • La valise avec des roulettes;
  • Etc.

Et maintenant, c'est à votre tour.

Exercice - Concassage

En partant d'un objet auquel vous faites subir un concassage. essayez de trouver:

  • des améliorations du genre du parapluie gonflable et jetable;
  • des objets nouveaux: le parapluie-dome, un cendrier de verre qui devient un stade ou une piscine transparente.

[Voir l'image pleine grandeur] Personnage féminin qui est protégé par un parapluie tandis que le personnage masculin est sous la pluie.

Exercice - Le coup d'œil

Voici un jeu de devinettes qui se rapproche de la partie de cache-cache. Les 24 cases représentent des choses familières, mais vues en coupe ou sous un angle inhabituel. Dans certains cas, il ne s'agit que d'une partie d'un objet. Devinez ce que ces dessins représentent. Agrandissez, diminuez, associez. Il y a plus d'une réponse possible, et beaucoup de place pour l'humour.

Si vous jouez avec d'autres, utilisez des papiers numérotés de 1 à 24 que l'on tire au sort.

Exemples:

  • La sieste d'un ver de terre.
  • Des yeux de grenouille vus d'en haut.
  • Une table avec quatre assiettes.
  • Un pianiste qui sort de la salle de concert.
  • Une goutte en formation.

[Voir l'image pleine grandeur] Exercice - Le coup d'oeil.

[Voir l'image pleine grandeur]

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Voyons maintenant quelques méthodes bi-sociatives ou combinatoires, c'est-à-dire qui mettent en relation des faits, des idées, des produits, des concepts appartenant à des domaines différents.

L'association simple [...]

L'association simple ou les mots inducteurs

Cette méthode s'appuie sur les trois principes (voir les trois principes fondamentaux), et elle consiste à opérer un éloignement en utilisant des mots inducteurs qui sont des termes qui servent de point de départ à une association d'idées. Ces mots peuvent être choisis au hasard ou dans des listes dont les mots ont été sélectionnés pour leur richesse évocatrice: table, noir, étoile, aimer, volute, parfum, libérer, etc. Ils vont nous faire faire un détour plus ou moins large dans l'espoir de réaliser des associations insolites et originales, qui vont elles-mêmes engendrer des solutions nouvelles. Le mot inducteur n'est pas pris au pied de la lettre, mais au contraire, on recherche le maximum d'associations de toutes sortes et de connotations. Par exemple, le mot clé.

froideur

or

tourner

trou

porte

bonheur

s'évader

paradis

coffre-fort

sagesse

secret

serrure

cadenas

mystère

prison

dissimuler

cathédrale

claie à fromage

clé-mentines

clé-bard

clé de sol

clé anglaise

trousseau de clés

etc.

Si la question de départ visait à trouver des nouveaux thèmes pour voyages de groupe, l'idée de prison et d'évasion me donnent l'idée de faire revivre aux voyageurs l'aventure de Papillon: visiter Cayenne et le bagne et suivre l'itinéraire de son évasion.

Le déroulement

  • formulation du problème;
  • choix d'un mot inducteur et élaboration des associations;
  • mise en relation avec le problème (voir "L'Art de conjuguer");
  • évaluation des idées et choix d'une ou plusieurs solutions qui seront finalisées.

L'association forcée

C'est la même chose que la méthode précédente, sauf qu'il y a deux ou trois mots inducteurs au lieu d'un seul.

Feu Voiture Gagner

Chaleur

Brûlure

Feu sacré

Bois

Incendie

Amour

De la rampe

Fusion

Etc.

Confort

Vitesse

Sport

Retour

D'enfants

D'infirme

Accident

Bouchon

Etc.

Argent

Ligne d'arrivée

Récompense

Trophée

Pouvoir

Effort

Solitude

Volonté

Etc.

L'exercice consiste à trouver de nouvelles solutions en associant un mot de chaque colonne au problème posé. C'est plus difficile, mais cela peut donner des résultats intéressants.

L'approche analogique

C'est une approche fort appréciée des poètes:

Belle comme le jour
Douce comme un agneau
Blonde comme les blés
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Heureuse comme...

Elle permet de saisir les relations évidentes ou secrètes qui existent entre les phénomènes très éloignés, puis d'utiliser ces ressemblances pour en tirer des idées et, de là, des solutions. Elle permet d'établir un système de relations permettant de passer d'un univers à un autre, afin d'y recueillir toutes les possibilités qui s'y trouvent.

Cette approche est plus complexe et commande deux types d'opérations:

  • une opération d'éloignement, qui consiste à aller voir dans d'autres domaines ce qui nous fait penser au problème, ce qui lui ressemble ou pourrait lui ressembler. Par exemple: qu'est-ce qui se ferme et s'ouvre: un diaphragme, une main, une bouche, un coucher et lever de soleil, une paupière, une fleur;
  • une opération de croisement, qui vise à extraire des analogies trouvées les idées de solution. Par exemple: si je cherchais un système pour remplacer les portes et les fenêtres de nos maisons, qu'est-ce que je pourrais tirer de ces analogies: par exemple, fleur ou diaphragme = fenêtre qui s'ouvrirait avec la luminosité extérieure.

L'animation d'une excursion analogique n'est pas facile, car la démarche est plus complexe, et l'éloignement analogique peut sembler délirant pour une personne de l'extérieur. C'est te propre de cette technique de nous éloigner très très loin du problème vers des régions insolites, comme dans un rêve éveillé, et c'est à l'animateur ou l'animatrice d'aider le groupe à passer du plaisir de l'imagination aux contraintes du problème.

Pour aller où tu ne sais pas, va par où tu ne sais pas.

Saint Jean de la Croix

Bien entendu, la recherche et la découverte ne vont pas sans un certain désordre.

Hermann Kahn

Le déroulement

  • la formulation du problème;
  • sa reformulation: il s'agit de le redéfinir en termes plus généraux, plus abstraits (non pas fenêtres et portes, mais système d'ouverture-fermeture);
  • première recherche d'idées ou purge;
  • recherche des analogies;
  • décodage des analogies les plus prometteuses;
  • croisement des idées obtenues avec le problème. C'est en fait une seconde recherche d'idées.

Il existe plusieurs sortes d'analogies:

  • L'analogie directe: il s'agit d'identifier ce qu'on peut mettre en relation avec le problème posé dans le monde animal, végétal, minéral, mécanique, musical, etc.
  • L'analogie symbolique: cette fois, ce sont les fantasmes, les symboles, les mythes et les légendes qui sont utilisés comme sources d'inspiration.
  • L'analogie personnelle: elle permet au groupe de s'identifier verbalement au problème lui-même. Le participant ou la participante se bi-socie avec lui et devient la poussière pourchassée par l'aspirateur, la plante qui a soif, etc. Cette démarche ressemble au psycho-drame; il s'agit de faire corps avec le problème.

L'approche analogique, selon tous les auteurs, est le domaine privilégié de la créativité, mais elle demande, comme technique, un entraînement continu. Cependant, elle peut se révéler un outil très riche en pédagogie quand on l'utilise à bon escient: jeu de rôle, écriture, rêves éveillés, etc.

Exercice - Les transpositions

Pour vous familiariser avec la démarche analogique, voici un certain nombre d'objets appartenant à votre univers quotidien: lampe de chevet, marteau, batteur à œuf, aspirateur, etc. Le jeu consiste à trouver à quoi ils vous font penser dans les domaines suivants: animal, végétal, minéral, géologique, historique, musical. Par exemple, un moulin à café:

animal: les dents d'un requin
végétal: le lierre qui s'accroche et détruit la pierre
minéral: un galet roulé, usé par la mer
historique: une armée envahissant un pays

Changer les règles du jeu

Si on y regarde de près, on s'aperçoit que toutes nos pensées, nos actions, nos affections, etc. sont régies par des lois, des ordres, des interdits, des croyances, etc., donc par un ensemble de règles du jeu social. Au niveau mental, cela oblige nos pensées à s'exercer à l'intérieur des limites fixées par ces règles. Lorsque Galilée a osé enseigner que ce n'était pas le soleil qui tournait autour de la Terre, mais bien l'inverse, il a dû renoncer à sa thèse sous peine d'être excommunié par l'Église. Pensez aux classes sociales en Inde...

Il devient impensable d'oser remettre en cause une règle; c'est prendre le risque de se faire taxer de fauteur de troubles, d'anarchiste. Ces règles que nous avons intériorisées deviennent de puissants freins au changement, alors qu'au contraire, elles devraient être essentiellement relatives et modifiables selon le temps et les circonstances. Le changement des règles du jeu est donc plus qu'une technique, c'est une mise en pratique d'une conversion mentale profonde.

Par exemple, que se passerait-il s'il y avait rotation des personnes dans tous les postes d'un lieu de travail?

Que se passerait-il si les élèves décidaient de l'information et des connaissances dont ils ont besoin?

Même les choses sûres ne sont que des hypothèses. Ne leur faites pas trop confiance.

Exercice - Qu'arriverait-il si...

Laissez aller votre imagination. Déduisez ce qui arriverait si les propositions suivantes se réalisaient:

  • Un médicament a été mis au point, il empêche de vieillir tant et aussi longtemps qu'on le prend.
  • La chirurgie vient de mettre au point une opération qui abolit les souvenirs désagréables.
  • On a découvert sur Saturne une construction qui ressemble à la Tour de Babel.
  • Un laboratoire vient de mettre au point une pilule qui permet de changer de sexe à volonté. L'effet dure un an.

Exercice - Les règles du jeu

Essayez de découvrir les règles du jeu, ouvertes ou cachées, qui régissent vos relations avec:

  • votre conjoint-e;
  • vos enfants;
  • vos collègues de travail;
  • les participant-e-s de votre atelier.

Une fois que vous aurez identifié ces règles, cherchez-en d'autres et imaginez les conséquences. Peut-être trouverez-vous matière à réflexion.

Pour la suite...

[Voir l'image pleine grandeur] Albert Einstein : L'imagination est plus importante que la connaissance.

Dans cette troisième partie, il sera question des applications possibles des connaissances acquises et des expériences vécues dans un atelier, et ceci, selon trois points de vue: celui de la pédagogie, celui de l'animatrice ou l'animateur en alphabétisation et celui des techniques.

Créativité et pédagogie

Comme je ne suis pas praticienne en alphabétisation, dans ces quelques pages, j'aimerais soulever des questions, ouvrir des pistes de réflexion et de recherche.

Nous avons vu que l'être dispose de deux façons de saisir, de comprendre la réalité et d'agir sur elle, et que ces deux processus coexistent et se complètent.

La toute première question que l'on peut se poser concerne les apprenant-e-s en alphabétisation. Il serait très important de savoir comment se situent les apprenant-e-s par rapport à ces deux démarches. Il est fort probable qu'un certain nombre d'échecs scolaires soient attribuables à une pédagogie qui a fait uniquement appel aux aptitudes convergentes des élèves. C'est essentiellement par l'observation que l'animatrice ou l'animateur en alphabétisation devra tenter de cerner les habiletés des participant-e-s de son groupe, plus particulièrement lorsqu'il ou elle les met dans des situations faisant appel à leur processus divergent.

Une seconde question peut être formulée de la façon suivante: comment développer cette aptitude intuitive non rationnelle à saisir la réalité? L'école, en développant essentiellement les habiletés convergentes, a fait de nous des «unijambistes» intellectuels et il est logique d'assumer qu'il y a nécessité de rattrapage au niveau du processus divergent et des aptitudes qui caractérisent la créativité. Il s'agit donc d'imaginer des situations et du matériel pédagogique faisant appel à ces habiletés fondamentales.

La fluidité
  • ou la capacité de produire en quantité des mots, des phrases, des questions, des réponses, des utilisations, etc.
  • ou la capacité de faire des liens, des relations, de produire des synonymes, des analogies, des ressemblances, des différences, etc.
La flexibilité
  • la souplesse de la pensée ou la capacité de produire une grande variété de considérations sur les attributs, les caractéristiques d'une situation;
  • la polyvalence des comportements ou la variété de stratégies de solution, la capacité de faire des détours, la liberté de changement, etc.

L'originalité

  • ou la capacité de produire des idées différentes, inhabituelles;
  • ou la capacité d'amorcer des comportements nouveaux, de changer, etc.

L'élaboration

  • ou la capacité d'améliorer, de compléter, de pousser jusqu'au bout une idée, une solution ou un travail.

Il y a une autre question qui va de soi: comment mettre en place des stratégies d'apprentissage faisant appel aux deux processus intellectuels? C'est avec cette question que nous rejoignons l'objectif premier de la session de formation, à savoir la création de matériel pédagogique. Allons-nous inventer des outils qui font appel à l'une ou l'autre de ces approches, ou allons-nous créer des outils mixtes (différentes étapes)? Allons-nous mettre au point du matériel adapté à telle approche en alphabétisation plutôt qu'à telle autre, à telle méthode plutôt qu'à telle autre? Tous ces choix doivent se faire avant d'entreprendre une quelconque démarche de création, individuellement ou en groupe, en mettant en pratique les principes qui animent les techniques ou en entreprenant une véritable excursion.

Ne vous fiez pas à votre expérience.

Une dernière question, qui est fondamentale: comment faire pour instaurer un climat d'atelier qui favorise non seulement la créativité, mais aussi la communication et l'apprentissage? Comment instaurer un climat de confiance dans le groupe-atelier, de sorte que chacun-e puisse s'exprimer avec la certitude d'être écouté-e avec attention et sympathie, d'être accepté-e avec ses différences? L'engagement profond des participant-e-s dans leur propre formation n'est possible qu'à cette condition, et ceci est d'autant plus vrai pour des adultes. Les meilleures stratégies et les meilleurs outils risquent de donner des résultats décevants si le climat n'est pas favorable. Tous les enseignants et toutes les enseignantes reconnaissent l'importance de ce facteur, mais on en reste beaucoup trop souvent au niveau des mots. Le climat qui existe, qu'il soit bon ou mauvais, est le résultat d'un ensemble de facteurs: l'organisation et l'atmosphère du centre et de l'atelier, les choix pédagogiques de l'animateur ou de l'animatrice et la dynamique du groupe de participant-e-s. Bien sûr, l'animatrice ou l'animateur en alphabétisation y a pris une grande part, même si c'est à son insu.

Nous avons vu plus tôt les principaux facteurs qui favorisent la créativité ainsi que les nombreux freins qui nous ont été inculqués à travers nos expériences familiales et scolaires. André Paré parle longuement du climat de créativité et de ses composantes:

«Cela veut dire, en fait, que l'éducateur va privilégier toutes les situations qui feront appel à ces composantes, et qu'il va tenter d'éliminer celles qui sont susceptibles de les entraver.15»

Très globalement, l'animatrice ou l'animateur devra faire en sorte que les freins et les peurs ne puissent gêner le fonctionnement de l'individu. Encore une fois, c'est le même climat qui favorise la créativité, l'apprentissage et la communication. Voici un résumé très succinct des principales composantes:

Favoriser l'autonomie et l'indépendance, c'est-à-dire faire en sorte que l'apprenant-e puisse décider lui ou elle-même ce qui lui convient le mieux, compte tenu de ses intérêts, de ses besoins et du milieu où il ou elle vit. Le rôle très important de l'animatrice consiste à l'aider à prendre ses décisions et l'initiative de sa formation, à assumer les conséquences de ses décisions. Elle doit également s'assurer qu'il ou elle aille jusqu'au bout de sa démarche. Elle l'aide à surmonter les difficultés qu'il ou elle rencontre dans la réalisation des objectifs de formation qu'il ou elle s'est fixés.

Favoriser l'originalité, c'est-à-dire la découverte de réponses personnelles par les apprenant-e-s. C'est apprendre à les puiser à l'intérieur de soi plutôt qu'à l'extérieur. C'est rechercher la nouveauté et la différence et s'assurer qu'elles soient acceptées par le groupe.

Oubliez le jugement des autres, jugez par vous-même.

Favoriser la curiosité, c'est-à-dire se poser des questions à propos de tout, se laisser surprendre, regarder d'un œil nouveau, fouiller, explorer, améliorer, etc. C'est le «mécontentement constructif» d'Osbom.

Développer la tolérance à l'ambiguïté, c'est-à-dire accepter d'être dans le doute, l'incertitude, le «je ne sais pas». C'est savoir attendre, ne pas forcer les réponses immédiates, automatiques et sécurisantes. C'est s'engager dans l'inconnu.

Favoriser l'évaluation interne, c'est-à-dire la découverte, par les partici-pant-e-s, des critères nécessaires à l'évaluation de leur conduite. C'est une découverte qui se fait avec l'aide de l'animatrice ou l'animateur. C'est favoriser du même coup l'auto-évaluation si le climat de classe est confortable, sûr.

Favoriser le jugement différé, c'est-à-dire accepter toutes les idées, quelles qu'elles soient, sans les juger ni positivement ni négativement, afin de permettre leur élaboration, leur amélioration.

Favoriser l'incubation, c'est-à-dire donner le temps à la pensée préconsciente de faire son travail, et ceci non seulement dans la recherche d'idées, mais aussi dans l'apprentissage notionnel. Prévoir des temps d'incubation, car tout apprentissage implique l'établissement de nouveaux liens et la réorganisation des connaissances.

Favoriser l'imagination, l'intuition, la fantaisie et l'humour. C'est dépasser les frontières du connu, du réel. C'est mettre l'inconnu en images. C'est faire place à la fantaisie. André Paré écrit:

«L'imagination est aussi importante que tout le monde rationnel et on doit comprendre qu'en définitive, elle est la source de toute créativité. Le monde intérieur est une réalité tout aussi importante que les événements et les êtres qui nous entourent.16»

Le succès est le fait d'une série d'échecs qu'on dépasse.

Robert Merle

C'est aussi savoir jouer avec les images, les sons, les mots, les idées, les concepts, rire des situations et de soi-même.

Favoriser le travail fini, c'est-à-dire l'élaboration de l'idée, du travail poussé le plus loin possible. C'est développer le goût du travail bien fait et mené à son terme en fonction des possibilités de chacun-e. C'est un effort qui permet le dépassement plutôt que la facilité et la stagnation.

Cette réflexion sur la pédagogie aura permis d'ouvrir des pistes de réflexion et de recherche. Les réponses dépendront des groupes d'animateurs et d'animatrices et des pratiques pédagogiques qu'ils privilégient. Mais de façon tout aussi importante, la concrétisation des réponses dépendra de chaque animatrice ou animateur:

  • de sa personnalité;
  • de sa capacité de changement;
  • de son expérience de vie et d'enseignement;
  • etc.

Ceux qui désirent poursuivre cette réflexion peuvent consulter le livre d'André Paré: «Créativité et pédagogie ouverte».

La créativité et l'animatrice

Il va de soi que les animateurs ou animatrices peuvent appliquer ces notions dans leur vie personnelle. Le recours régulier à la créativité et aux techniques qui la favorisent entraîne des changements notoires chez la personne. R. Demory écrit:

«Leur esprit s'ouvre aux autres et au monde qui seront perçus de plus en plus comme des êtres différents, donc intéressants à découvrir et à comprendre plutôt que comme des êtres dont il faut se méfier.17»

La relativité et la souplesse s'installent et la forme de pensée par associations et analogies permet à l'esprit d'opérer une véritable révolution, selon B. Demory:

«...au lieu de chercher les différences radicales entre les êtres et les situations, il (l'esprit) conduit à trouver les points de ressemblance et de contact, ce qui développe, de façon incontestable, l'aptitude à accueillir, à tolérer, à se rapprocher.18»

Une telle transformation des perceptions a des répercussions profondes dans la relation que l'animatrice entretient avec elle-même et les autres, dans ses comportements en société, en famille et dans sa classe. B. Demory résume ainsi:

«L'individu s'ouvre aux autres, à leurs idées, à leurs actions. Il se sent mieux avec lui-même, il se délie, se dénoue. Il perd son attitude passive pour devenir actif. Il veut changer les choses. Bref, en développant sa dimension créative, il s'épanouit lui-même.19»

Il devient évident qu'une animatrice ou un animateur qui désire favoriser le développement de la dimension créatrice des apprenant-e-s, l'instauration d'un climat de classe sûr, devra commencer par faire un cheminement personnel afin de développer ses habiletés. La meilleure façon, sinon la seule, de favoriser l'imagination, l'intuition et les fantaisies, c'est d'être capable de les utiliser soi-même dans ses fonctions d'éducateur et de leur donner droit de cité dans la classe.

Les techniques de créativité

Cette série de sessions de perfectionnement du RGPAQ sur la création de matériel pédagogique se voulait un premier contact avec les techniques afin de comprendre les principes qui les régissent ainsi que les règles du jeu qui favorisent leur déroulement. Il a déjà été dit que ces connaissances et attitudes peuvent donner des résultats intéressants dans des démarches individuelles et en pédagogie. Cependant, leur pratique en groupe a beaucoup plus de chances d'être productrice d'idées nouvelles, à cause de l'interaction féconde entre les multiples idées des participant-e-s. Utilisées dans de bonnes conditions, elles peuvent donner d'excellents résultats, encore qu'il n'y ait rien de magique ni d'universel.

Cette première session de perfectionnement devrait être suivie d'un entraînement intensif par la mise en place d'un groupe de créativité pour les animatrices en alphabétisation qui désirent utiliser les techniques en groupe. Un premier objectif serait de permettre à tous et toutes de développer leur potentiel créateur. Quelle que soit l'efficacité des méthodes utilisées et la compétence de l'animateur ou de l'animatrice du groupe de créativité, la richesse des résultats dépend avant tout de la créativité et de la diversité des animateurs et animatrices y participant. Le second objectif serait précisément de permettre à certain-e-s participant-e-s de maîtriser les différentes techniques et d'apprivoiser le rôle très important de l'animateur ou l'animatrice d'excursion en créativité.

Et pourquoi ne pas rêver un peu? Il pourrait y avoir de tels groupes de travail dans différentes régions qui produiraient du matériel pédagogique en fonction des besoins des animateurs et animatrices participant au groupe et, pourquoi ne répondraient-ils pas à des demandes des animatrices et animateurs des autres centres d'alphabétisation? Dans la région de Montréal, un tel groupe composé d'animatrices en alphabétisation s'est constitué en février et a commencé à se réunir de façon régulière. Je leur souhaite des excursions profitables et une très longue vie! Si de tels groupes s'implantaient, pourquoi ne pas rêver d'un répertoire regroupant le matériel pédagogique ainsi créé? Il n'y a qu'un pas de l'utopie à la réalité!

Comme nous avons pu le voir, les applications de ces sessions de perfectionnement sont multiples. Elles engagent le participant ou la participante dans une remise en question tant sur le plan personnel que sur le plan pédagogique.

Organisez l'avenir, le présent est déjà passé.

Créer, c'est changer...

Elle sera très courte afin de donner encore plus d'importance à cette dernière réflexion. Le vrai sens de la créativité, c'est d'être avant tout un instrument de changement, c'est rendre à l'individu son autonomie de jugement et d'action. C'est l'aider à remettre en question et à secouer tous les carcans idéologiques et économiques qu'on lui présente comme des fatalités. C'est changer sa vision de lui ou d'elle-même et des autres, c'est changer ses comportements privés et sociaux.

[Voir l'image pleine grandeur] Il est également créatif de tout reprendre par le début!!!

Bibliographie

A. Maslow, Vers une psychologie de l'être, France, Fayard, 1972.

M. Fustier, Pratique de la créativité, Entreprise moderne d'édition, France, 1976.

A. Kœstler, Le cri d'Archimède, Calman-Levy, France.

B. Demory, La créativité en pratique et en action, Agence d'Arc Inc. (Les éditions), Chotard et Associés, Paris et l'Agence d'Arc, Montréal, 1984.

A. Paré, Créativité et pédagogie ouverte, Éditions NHP, Laval, 1977.

H. Laborit, L'homme imaginant.

Solutionnaire

[Voir l'image pleine grandeur] Solutionnaire

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Fiches

Si vous voulez aborder correctement un problème, il vous faut alors procéder comme un commandant de bord avant le décollage.

Vous trouverez ici un répertoire de base de questions. Choisissez celles qui vous semblent pouvoir convenir le mieux à votre premier problème.

Recherchez pour chaque question toutes les réponses possibles; il y en aura toujours davantage. Ajoutez de nouvelles questions, quand le besoin s'en fait sentir.

Quand?
Pourquoi?
Pourquoi pas?
Quoi?
Par quoi?
Quel genre?

Pas de quoi?
Pour faire quoi?
Pas avec qui?
Qui?
Pour qui?
Pour qui non?

Plus?
À quelle distance?
Pas à quelle distance?
Où?
Pas où?
Ailleurs?
Pas ailleurs?

Lequel?
Laquelle?
À qui?
À qui non?
Avec qui?
Pas d'où?

Pour quelle raison?
Pour quelle raison non?
De qui?
De qui non?
Comment?
Avec quelle force?

Par où?
Pour quoi?
Pas pour quoi?
D'où?
Plus difficile?
Plus facile?

Avec quoi?
Pas avec quoi?
Sur quoi?
Pas sur quoi?
De quoi?
Vers où?

Combien de temps?
Combien de temps non?
Plus souvent?
Pas plus souvent?
Moins?
Tout?

Plein?
Ensemble?
Seul?
Contre?
Dessus?
À travers?


Pas tout?
Important?
Pas important?
Avec quelle fréquence?
Combien?


La situation globale

Comment faire pour...?
La situation doit être concise et claire.
Pas de mots ambigus.

Les faits

L'expert donne les informations pertinentes pour comprendre la situation ainsi que les critères: coût, forme, matière, échéance, etc.

Ne pas tout dire pour ne pas égarer les participant-e-s. Seulement les faits vraiment pertinents. L'animateur ou l'animatrice peut mettre fin à cette étape.

La recherche des problèmes

Comment faire en sorte que...?
Comment faire pour...?

Faire analyser le problème sous toutes ses facettes, à partir de:

  • la situation globale?;
  • des faits;
  • d'une façon personnelle de percevoir le problème.

Si quelqu'un apporte une solution, la reformuler en problème: comment faire pour...?

Le choix d'un sous-problème

L'expert choisit une piste de travail. Il peut combiner deux problèmes et les reformuler en un seul.

Écrire le sous-problème dans sa formulation finale et le souligner.

La recherche des idées de solution

Le groupe émet toutes les idées possibles. Ne pas les discuter. Ni censure, ni auto-censure. Les idées farfelues sont les bienvenues.

Numéroter les idées.

L'expert peut participer au début.

Relire le sous-problème et les solutions trouvées lorsqu'il n'y a plus d'idées.

Si les idées farfelues ne viennent pas spontanément, en demander.

Les démarches d'éloignement

Il s'agit d'éloigner le groupe du problème à résoudre afin d'aller chercher du matériel (idées, perception) pour l'étape suivante.

L'animateur ou l'animatrice peut choisir:

  • l'association simple
  • l'association forcée
  • l'analogie personnelle
  • l'analogie directe (exemple)
  • la visualisation
  • l'analyse de phénomènes

Le retour à la réalité

C'est une seconde recherche d'idées. Il s'agit d'associer le sous-problème aux éléments trouvés lors de l'étape précédente afin de trouver de nouvelles idées ou d'améliorer les idées déjà trouvées.

Cette étape demande beaucoup de concentration. C'est un travail de groupe. Il y a un changement de rythme. L'animateur ou l'animatrice donne du temps pour réfléchir. Il ou elle recentre les participant-e-s sur le sous-problème et lorsqu'une première idée est avancée, demande à l'ensemble du groupe de l'améliorer avant de passer à l'évaluation par l'expert. Puis l'ensemble du groupe travaille sur une seconde idée de solution, etc. On ne discute pas, on se contente d'enrichir les idées émises.

L'évaluation

Elle est faite par l'expert.

Voici un résumé des règles que l'animateur ou l'animatrice devra faire strictement respecter pendant l'excursion. Cette fiche est un guide pour l'animateur ou l'animatrice, mais peut être aussi photocopiée pour que les participant-e-s puissent bien suivre ses consignes avant l'excursion.

Première règle: ne pas juger

  • Toutes les idées sont bonnes.
  • Elles sont toutes accueillies avec la même sympathie.
  • Ne pas juger, ni critiquer une idée.
  • Ne pas discuter une idée même pour l'améliorer.
  • Ne pas commenter ni positivement ni négativement.
  • Éviter tant les réactions verbales que non verbales.
  • Pas d'auto-censure.

Deuxième règle: produire le plus d'idées possible

  • La quantité d'idées produites est recherchée.
  • Donner libre cours à l'imagination.
  • Les idées farfelues sont bienvenues.
  • Dire une idée même si elle est incomplète.
  • Regarder les situations sous toutes leurs facettes.
  • Faire preuve de la plus grande originalité possible.

Troisième règle: faire du pouce sur les idées des autres

  • Les idées des autres sont faites pour être utilisées.
  • Améliorer et enrichir les idées.
  • Combiner les idées pour en trouver d'autres.
  • Dire le contraire d'une idée émise.
  • S'efforcer de faire des liens avec tout et rien.
  • Exploiter les images.
  • Trouver des ressemblances et des différences.

Remerciements

En premier lieu, je remercie le RGPAQ de m'avoir permis voire obliger d'affronter ma peur de l'écriture. J'étais terrorisée à l'idée d'entreprendre ce texte, convaincue que ce mode d'expression n'était pas dans mes cordes. À ma grande surprise, j'y ai trouvé du plaisir et même l'envie de récidiver.

Un grand merci à Franchie Pelletier. Grâce à son calme et à son support souriant, je ne me suis jamais sentie seule dans cette aventure. Elle a su entretenir ma confiance jusqu'à la fin.

Et enfin, je remercie mes chèvres qui ont su tolérer avec philosophie mes retards, distractions, oublis et autres inconvénients dûs à cette crise d'auteure.

Michelle Saunier

Crédits

Coordination du projet
Francine Pelletier

Rédaction
Michelle Saunier

Comité de pédagogie
Claudette Bérubé
Hélène Laferrière
Ken Landry
Mario Raymond
Pierre Simard

Saisie du texte
Danielle Boudreau

Correction du texte
Claudine Vivier

Relecture du texte
Comité de pédagogie

Conception graphique et illustrations
Pierre Lachance

Éditique
Lisa Tremblay

Correction d'épreuve
Louise Miller, Nicole Lachapelle, Pierre Simard

Impression
Imprimerie LEBONFON
Une division de Groupe Imprimeries Québécor inc.

Les opinions exprimées dans ce document sont celles de l'auteur-e et ne représentent pas nécessairement la position officielle du RGPAQ.

Publié par le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ). Septembre 1990.

On peut commander des exemplaires de ce document en s'adressant au:

Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ)
5040, boul. St-Laurent, app. 1
Montréal (Québec) H2T 1R7
Téléphone: (514) 277-9976


  • 1 Demory, B. La créativité en pratique et en action Agence d'Arc, Montréal, 1984, p. 15.
  • 2 Maslow, A. Vers une psychologie de l'être, Fayard, France, 1972, p. 275.
  • 3 Fustier, M., Pratique de la créativité. Entreprise moderne d'édition , France, p.6.
  • 4 Fustier, M., Ibid. p.6.
  • 5 Fustier, M., Ibid, p.24.
  • 6 Fustier, M., Ibid p. 24.
  • 7 Demory, B., Op. cit.. p.43
  • 8 Koestler, A., Le Cri d'Archimède. Calman-Levy, France.
  • 9 Koestler, A, Ibid.
  • 10 Demory, B., Op. cit.
  • 11 Laborit, H., L'homme imaginant.
  • 12 Demory, B., Op. cit.. p. 70.
  • 13 Fustier, M, Op. cit.. p. 31.
  • 14 Demoiy, B., Op. cit.. p. 142.
  • 15 Paré, A., Créativité et pédagogie ouverture. Éditions NHP, Laval, 1977, p. 294.
  • 16 Paré, A, Ibid, p. 307.
  • 17 Demory, B., Op. cit.. p. 248.
  • 18 Demory, B., Ibid, p. 248.
  • 19 Demory, B., Ibid, p. 249.