Ruth Rose, professeure de sciences économiques Université du Québec à Montréal
CONFÉDÉRATION DES ORGANISMES DE PERSONNES HANDICAPÉES DU QUÉBEC (COPHAN)
Formation offerte par les Services aux collectivités Université du Québec à Montréal le 26 novembre 2002
Un REVENU DE BASE vise à assurer les besoins essentiels d'une personne parce qu'elle n'occupe pas un emploi rémunérateur à temps plein. Il ne tient pas compte des dépenses additionnelles nécessaires pour compenser la limitation.
Après avoir discuté du contexte politique actuel, contexte qui rend difficile la mise sur pied de programmes convenables, nous examinerons la genèse historique des programmes de sécurité du revenu, ainsi que les philosophies qui les sous-tendent (critères d'admissibilité, façon de déterminer les montants, traitement fiscal, etc.). Ces programmes comprennent :
Comme nous allons le voir dans la revue historique, au Canada la conception des régimes de sécurité du revenu a toujours été liée de près à la question de l'aptitude au travail et le maintien d'une incitation au travail pour les personnes jugées aptes. Cette façon de poser la question renvoie nécessairement à la problématique du chômage. Dans les sociétés qui maintiennent le
plein emploi, il est possible d'établir des programmes de sécurité du revenu dont les montants sont relativement généreux et où les critères d'admissibilité ne ressemblent pas à un bourbier visant à exclure le plus de monde possible et à contrôler le moindre geste des bénéficiaires. Il est également possible de créer des programmes de soutien à l'intégration en emploi qui répondent réellement aux besoins des bénéficiaires, même quand ces personnes ont une limitation fonctionnelle.
Y a-t-il des exemples de sociétés de plein emploi et peut-on démontrer que leurs régimes de sécurité du revenu pour les personnes ayant une limitation fonctionnelle sont meilleurs dans ces sociétés?
Malheureusement, il n'en existe à peu près plus de nos jours parce que la mondialisation et l'hégémonie de l'idéologie néo-libérale ont beaucoup affaibli à la fois la capacité des gouvernements d'intervenir dans l'économie afin d'assurer le plein emploi et le pouvoir des syndicats pour défendre les intérêts des travailleuses et travailleurs et donc pour assurer un revenu convenable aux personnes en emploi. Toutefois, les pays Scandinaves et certains autres pays européens ont développé des modèles intéressants, surtout dans les années 1960 à 1985. Nous pourrons nous inspirer de ces modèles afin de formuler nos revendications au Québec et au Canada. On peut également noter que durant certaines périodes historiques au Canada, notamment entre 1965 et 1980, période de consolidation de l'État-providence, nos programmes
de sécurité du revenu ont été beaucoup améliorés. Il y a donc espoir que nous puissions recréer un contexte politique qui permettrait d'aller de l'avant, au lieu de régresser comme nous l'avons fait ces dernières années.
Ceci étant dit, nous allons voir qu'historiquement et encore aujourd'hui, tous les débats sur la sécurité du revenu - qu'il s'agit de l'aide sociale, de l'assurance-chômage, de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles, etc. - sont colorés par la question de l'aptitude au travail et le souci de forcer les gens à retourner sur le marché du travail le plus rapidement possible. Même les régimes de retraite, destinés aux personnes qui ont déjà fait leur contribution en termes de travail et qui sont plus ou moins aptes à travailler, sont remis en question à cause de leurs coûts élevés et du fait que dans une économie caractérisée par un niveau élevé de chômage et des salaires qui se détériorent, il n'y a pas assez de personnes au travail pour les financer.
Pour donner un côté positif, considérons le fait qu'au cours des dernières années, la situation de l'emploi s'est améliorée au Canada, entre autres parce qu'il y a moins de jeunes personnes et que les entreprises en ont besoin et parce qu'il y a eu certaines améliorations de la structure industrielle, notamment au Québec. On peut également espérer que les scandales récents dans les marchés boursiers et chez les grandes compagnies; ainsi que la radicalisation de certains pays du tiers monde, vont créer un climat politique plus propice à la solidarité sociale, au développement durable et à une meilleure répartition des revenus et des richesses.
Dans ce texte trois types de régimes de sécurité du revenu seront examinés: les assurances publiques et privées, les programmes d'assistance et les régimes universels. Nous verrons également que des mesures fiscales vont plutôt de pair avec la notion d'assurance et l'idée que chacun se protège lui-même.
Avant les années 1930, les personnes pauvres et les victimes du chômage ou d'autres sinistres devaient dépendre de la charité privée ou religieuse ou d'une aide municipale. Cette forme d'aide, généralement en espèces (nourriture, charbon, vieux vêtements, etc.), dépendait toujours du bon vouloir du donneur et était presque toujours assortie de jugements moraux quant à la paresse des hommes ou à la capacité d'une femme de trouver et de garder un homme pourvoyeur. On se permettait également de contrôler la vertu des femmes puisqu'elles devaient obtenir une lettre du curé avant de recevoir de l'aide. Rejetant l'humiliation qui accompagnait la charité, le mouvement ouvrier réclamait plutôt des régimes d'assurance.
Une assurance suppose que les personnes couvertes, et leur employeur le cas échéant, cotisent à un fonds. Les personnes victimes du risque couvert reçoivent des prestations de droit, sous forme monétaire - et non pas comme de la charité. Les indemnités sont généralement proportionnelles au revenu perdu, quoique certains régimes, surtout les premiers, accordent un taux de remplacement plus élevé aux travailleurs à faible salaire. Dans certains cas, la durée ou le montant des prestations est aussi fonction de la durée des cotisations.
Dès le 19e siècle, divers guildes et organismes ouvriers ont créé des mutuelles d'assurance -donc, des assurances privées - afin de partager entre eux les risques de maladie, d'invalidité, de mort (rentes de veuve et d'orphelin) et, quelquefois, de chômage. Toutefois, seuls les travailleurs les mieux payés étaient en mesure de se donner de tels plans. Contrairement à un régime public, les régimes privés doivent être solvables; les primes doivent donc être proportionnelles au risque du groupe particulier couvert. Si un grand nombre de personnes sont frappées en même temps, le régime d'assurance peut faire faillite, laissant pour compte les sinistrés.
Le premier maillon de notre filet de sécurité du revenu moderne a été tissé en 1909 lorsque le Québec a adopté la Loi sur les accidents du travail, modelée sur une loi britannique mise en place en 1897. L'Ontario a suivi en 1914 et les autres provinces pas longtemps après.
L'objectif de ce genre de loi était, certes, d'indemniser tous les travailleurs blessés sur les lieux du travail, même lorsque l'on ne pouvait pas démontrer une négligence de la part de l'employeur. Mais il visait aussi à protéger les employeurs contre des poursuites et à réduire les coûts des procédures juridiques dans la matière. Même aujourd'hui, la générosité relative de ces régimes et le fait que les victimes des accidents du travail ou des maladies professionnelles passent avant les autres lorsqu'il s'agit de programmes de réhabilitation découlent directement du fait que l'on considère que l'employeur demeure responsable des dangers en milieu de travail. C'est aussi pour cette raison que toutes les primes sont payées par l'employeur, que le taux de cotisation est fonction du taux d'accidents et que l'assurance est accompagnée de mesures de prévention. L'empressement à assurer des thérapies appropriées et à réhabiliter la personne le plus rapidement possible visent à réduire les coûts du régime pour les employeurs.
La première guerre mondiale a laissé un grand nombre d'anciens combattants blessés ou malades et incapables de travailler. Dans d'autres cas, la mort d'un soldat laissait une veuve et des enfants sans revenu. Le gouvernement a donc instauré un régime de pensions pour les anciens combattants et leurs survivants. Strictement parlant, il ne s'agit pas d'un régime d'assurance, mais il est assimilable à une assurance privée où l'employeur (le ministère canadien de la Défense) assume entièrement le coût d'un régime d'indemnisation des accidents «de travail».
Pour les bénéficiaires, il comporte un revenu stable, leur revenant de droit et non pas sous forme de charité. Ce régime existe toujours aujourd'hui.
Le Canada n'a pas connu de régime public d'assurance, autre que ceux pour les accidents du travail, avant l'adoption de la Loi sur l'assurance-chômage en 1940.2 Cette loi est un élément clé de l'État-providence qui a ses racines dans la Grande Dépression des années 1930 et elle est inspirée de la théorie keynésienne qui a dominé les politiques publiques jusqu'au milieu des années 1970. Visant à assurer le maintien partiel du revenu des ouvriers en période de chômage élevé, elle sert aussi à maintenir la demande de consommation et à stimuler l'économie. Elle reconnaissait, pour la première fois, que le chômage n'est pas la faute des chômeurs individuels mais résulte d'une faille dans le fonctionnement d'une économie industrialisée.
Les réformes adoptées dans les années 1970 étendaient ce principe pour reconnaître que certaines régions subissent des taux de chômage plus élevés parce que leur structure industrielle, basée sur l'exploitation des ressources naturelles, est davantage sujette à des fluctuations saisonnières et conjoncturelles. Le régime d'assurance-chômage, à cette époque, visait explicitement à effectuer un transfert des personnes et des secteurs industriels connaissant une stabilité d'emploi à ceux qui oeuvrent dans des domaines plus volatiles. Cette dimension s'est beaucoup érodée depuis 1989. Le fait que le gouvernement défrayait jusqu'à 50% des coûts en période de récession reflétait aussi une reconnaissance du caractère social du chômage. Le gouvernement a retiré son financement en 1989, suite à la signature de l'Accord de libre échange sous la pression des États-Unis, pays où on pousse jusqu'au bout la notion néolibérale que seuls les entreprises et les employés sont responsables du chômage.
Contrairement à la LATMP, l'assurance-chômage est financée à 58,3% (depuis 1970) par les employeurs et à 42,7% par les employés. Cette répartition inégale reconnaît, d'une part, que les employeurs sont partiellement responsables du chômage en ce sens qu'ils pourraient mieux étaler leur production au cours de l'année et du cycle. D'autre part, elle vise à mieux soutenir la demande de consommation en transférant davantage d'argent des corporations riches vers les chômeurs à faible revenu.
Le Régime de rentes du Québec et le Régime de pensions du Canada (RRQ/RPC), créés en 1966, représentent le troisième type d'assurance publique ou sociale. Alors que des programmes de retraite assistanciels et universels étaient déjà en place depuis longtemps, le RRQ/RPC reconnaît que la plupart des travailleurs ne sont pas capables d'épargner suffisamment pour maintenir leur niveau de vie après la retraite, même en investissant dans des régimes privés de pension.
L'obligation de la part de l'employeur de payer la moitié des primes représente une forme de salaire reporté. Ce régime offre également une rente d'invalidité aux personnes ayant exercé un emploi rémunéré pendant un certain temps mais qui ne sont pas admissibles à une prestation de la LATMP ou de l'assurance-automobile.3
Contrairement à la plupart des régimes publics ou semi-publics4 européens, le RRQ/RPC n'a jamais été très généreux, remplaçant moins que 25% du revenu d'avant la retraite et ayant un maximum de gains admissibles (MGA) relativement faible. C'était une concession à l'égard des milieux financiers qui voulaient que les gens continuent d'investir dans des régimes privés de pension et dans les Régimes enregistrés d'épargne retraite (REER). En fait, depuis 1919 les gens ont le droit de déduire de leur revenu imposable leurs cotisations à un régime d'employeur. Depuis 1957, ils peuvent déduire leurs cotisations à un REER. Le manque de générosité du RRQ/RPC et le fait qu'il est conçu comme un complément à la Pension de la sécurité de la vieillesse au moment de la retraite explique pourquoi il est si mal adapté pour offrir un revenu de base aux personnes invalides qui représentent une part significative des personnes ayant une limitation fonctionnelle.
Pour être admissible à une rente d'invalidité avant l'âge de 60 ans, il faut être «atteint d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée», c'est-à-dire être «régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunérateur». Toutefois, une personne âgée de 60 ans et plus est considérée comme invalide si elle est «régulièrement incapable d'exercer l'occupation habituelle rémunérée qu'elle détient au moment où elle cesse de travailler en raison de son invalidité.»5 Il faut également avoir cotisé pour l'un des groupes d'années suivants6 :
Avant le 1er juillet 1993, la personne était aussi admissible si elle avait cotisé pendant au moins 10 ans ou pendant au moins le tiers de sa période cotisable et au moins cinq ans.
Une personne reconnue comme invalide peut continuer de recevoir la rente d'invalidité jusqu'à son 65e anniversaire. Toutefois, si elle est devenue invalide après le 1er janvier 1999, lorsqu'elle prendra sa retraite, sa rente sera réduite de 0,5% pour chaque mois (6% par année) pendant lequel elle a reçu une rente d'invalidité entre l'âge de 60 et 65 ans.
Au cours des 30 dernières années, le Québec a aussi créé un régime public d'assurance-automobile (1978), le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels (IVAC) (1972) et la Loi visant à favoriser le civisme (LVFC) (1977). Les deux derniers ne sont pas vraiment des régimes d'assurance parce qu'ils ne sont pas financés par des cotisations mais plutôt par les fonds généraux de l'État. Ils représentent une forme de solidarité sociale au sens pur.
L'assurance-automobile, qui dans d'autres provinces, pays ou états, peut être assumée par des plans privés, vise à assurer que le revenu de toute personne soit protégé en cas d'accident d'automobile, que la personne soit responsable ou non de l'accident. Elle est financée par les cotisations des personnes détentrices d'un permis de conduire ou propriétaires d'un véhicule. Par ce biais, l'État force les utilisateurs des véhicules automobiles à assumer les coûts des accidents au lieu d'avoir à le faire lui-même. Tout comme dans le cas des accidents et maladies du travail, il y a une notion de faute dans le cas des accidents d'automobile. Le régime public vise aussi à éliminer le coût des poursuites judiciaires, mais il doit, en conséquence, être relativement généreux. En effet, comme la LATMP, ce régime remplace 90% du revenu net et paie la plupart des coûts médicaux et des services nécessaires pour réhabiliter la personne ou pour compenser les coûts des limitations qui ont résulté de l'accident.
Comme l'IVAC, toutefois, l'assurance-automobile prévoit des indemnisations pour les personnes qui n'avaient pas un emploi rémunéré avant l'accident si elles étaient capables de travailler ou, dans le cas des enfants et des personnes aux études, étaient présumés l'être éventuellement. Le niveau de revenu indemnisé est fixé normalement selon le métier ou les études de la personne. Dans le cas d'un jeune, il est basé sur «la rémunération moyenne des travailleurs du Québec (31 735 $ par année en 2002)».7 Toute personne, capable ou non de travailler, est admissible à un montant fixe (non récurrent) pour «les inconvénients comme la perte de jouissance de la vie, la souffrance psychique et la douleur» (maximum 184 756 $), ainsi qu'au remboursement des divers frais médicaux, de réadaptation ou de soutien à domicile.
L'assurance-automobile représente donc un croisement entre un régime public d'assurance et un régime de solidarité sociale.
Certains personnes salariées, surtout celles qui travaillent pour une grande entreprise ou dans les secteurs public ou parapublic ou qui sont syndiquées, bénéficient d'un régime privé d'assurance-salaire à long terme offert par leur employeur. Si elles deviennent incapables de travailler, quelle que soit la raison (et qu'elles n'aient pas atteint l'âge de la retraite), elles bénéficient d'une assurance-salaire jusqu'à ce qu'elles puissent réintégrer le travail ou qu'elles prennent leur retraite. Les régimes sont très variables. Un bon régime remplacerait 90% du salaire net, comme la LATMP. La plupart sont intégrés au RRQ en ce sens que la personne doit d'abord demander la rente d'invalidité du RRQ et le régime privé paie la différence seulement, même si la demande auprès du RRQ est rejetée.
Un programme d'assistance vise à assurer un revenu minimum aux ménages pauvres, c'est-à-dire à ceux qui n'ont pas suffisamment de ressources (revenus ou actifs) pour combler leurs besoins essentiels. D'autres programmes d'assistance offrent un supplément au-delà du minimum ou défraient des dépenses spécifiques (frais de garde, aide juridique ou logement, par exemple). Tout programme d'assistance a un test de revenu et, dans certains cas, un test d'actifs. Ceci signifie que si le revenu du ménage - parce qu'il s'agit presque toujours du revenu de la famille et non pas de l'individu - dépasse le seuil fixé, la prestation est réduite en fonction des excédents de revenu. Contrairement à un régime d'assurance qui vise à prévenir la pauvreté, il faut déjà être très pauvre avant de recevoir de l'aide. Les programmes d'assistance peuvent devenir des «trappes de pauvreté» parce que la récupération de la prestation fait en sorte qu'il faut gagner jusqu'à deux fois le montant reçu avant que le niveau de vie soit amélioré.
De plus, les programmes d'assistance imposent généralement des contrôles assez serrés sur la vie privée, pour s'assurer que la personne ne dispose pas de ressources autres que celles déclarées, et qu'elle n'ait pas de conjoint ou de parent qui puisse assumer ses besoins essentiels à la place de l'État. Certains programmes, comme l'aide sociale, sont stigmatisants, alors que d'autres, comme le Supplément de revenu garanti pour les personnes âgées, ne le sont pas.
Comme nous allons le voir, ces programmes ont été conçus d'abord pour les personnes jugées inaptes au travail, soit les personnes âgées, les aveugles, les invalides et les mères monoparentales. Lorsqu'ils ont été étendus aux personnes considérées aptes au travail, ils ont été assortis de l'obligation de chercher un emploi, de suivre une formation ou de participer à un programme d'intégration au travail.
Le premier programme systématique d'assistance relevait de la Loi sur les pensions de vieillesse adoptée en 1927. Dans ce cadre, le gouvernement fédéral offrait de financer 50% du coût des programmes provinciaux de pensions (20$ par mois) pour les personnes âgées de 70 ans et plus ayant des revenus inférieurs à 365$ par an. Les provinces de l'ouest ont accepté l'offre relativement vite. Cependant, malgré le fait que le fédéral a haussé sa contribution à 75% en 1931, le Québec et les provinces maritimes ont attendu jusqu'en 1936 pour appliquer ce programme. Les autochtones en étaient exclus.
Certains anciens combattants qui ne pouvaient pas démontrer une invalidité résultant de la guerre et qui n'étaient pas admissibles à la pension d'ancien combattant (125$ par mois), avaient néanmoins de la difficulté à trouver ou à garder un emploi parce qu'ils souffraient «d'invalidité, de dépression ou d'épuisement». En 1930, la Loi sur les allocations aux anciens combattants leur a accordé une allocation d'un maximum de 40$ pour un couple ou de 20$ pour une personne seule dès l'âge de 60 ans. Comme dans le cas des pensions de vieillesse, les bénéficiaires étaient assujettis à un test de ressources.
En 1937, la Loi sur les pensions de vieillesse a été amendée pour inclure les aveugles de 40 ans ou plus. La pension de 20 $ par mois était réduit de 1 $ pour chaque 1 $ gagné (plutôt que de 67¢ pour les personnes âgées et encore moins pour les anciens combattants). Rien n'était prévu pour les soins médicaux ou les mesures de réadaptation et d'intégration au marché du travail.
En 1951, le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur la sécurité de vieillesse qui donnait une pension universelle de 40$ par mois à toute personne âgée d'au moins 70 ans, indépendamment de ses autres ressources et à la seule condition d'avoir résidé au Canada pendant les 20 années précédant la demande. Ce programme était entièrement administré et financé par le gouvernement fédéral.
En même temps, la Loi sur l'assistance-vieillesse prévoyait le partage des frais de programmes provinciaux qui offraient une pension de 40 $ par mois aux personnes âgées de 65 à 69 ans dans le besoin. La même année, une Loi sur les aveugles prévoyait le même genre de programme pour les aveugles de 18 à 64 ans. En 1954, la Loi sur les invalides intégrait les individus âgés de 18 à 64 ans frappés d'invalidité totale et permanente. Toutefois, Guest (1993, p. 204) affirme que seulement le tiers des personnes invalides n'ayant pas d'autres revenus ont effectivement reçu des prestations.
En 1966, la Loi sur la sécurité de vieillesse a été amendée pour réduire l'âge d'admissibilité à la pension universelle de 70 ans à 65 ans progressivement sur les cinq prochaines années. En même temps, on a créé le Supplément de revenu garanti (SRG) pour compléter le revenu des personnes de 65 ans et plus qui n'avaient pas suffisamment d'autres ressources. Au départ, ce régime devait être temporaire, visant les personnes qui n'étaient pas admissibles au RRQ/RPC (lequel entrait en vigueur progressivement entre 1967 et 1976). Cependant, bon nombre de personnes âgées, surtout des femmes, comptent sur ce programme encore aujourd'hui.
Par contre, la situation des aveugles et des invalides âgés de 18 à 64 ans devait relever du nouveau Régime d'assistance publique du Canada, traité dans la prochaine section.
En 1989, la Pension de la sécurité de vieillesse (PSV) a perdu son caractère universel puisque les personnes dont le revenu individuel dépasse 56 968 $ en 2002 doivent rembourser une partie, ou la totalité, de cette pension. Cependant, cette mesure affecte environ 5% seulement des personnes âgées. On peut donc parler d'une mesure quasi-universelle. Il ne faut pas oublier, toutefois, qu'il y a eu deux tentatives sérieuses de convertir la PSV en régime d'assistance, la première, en 1985, par Michael Wilson et Brian Mulroney et la deuxième, en 1996, par Paul Martin et Jean Chrétien. Une telle politique visait à exclure un grand nombre de ménages de la classe moyenne. Ces tentatives ont échoué en partie à cause de l'opposition de la population (syndicats, associations de personnes âgées et de femmes en tête), mais surtout parce que les milieux financiers comprenaient que de telles mesures décourageraient l'investissement dans des régimes enregistrés d'épargne retraite (REER) et des régimes privés de pensions. En effet, pour chaque 1 $ reçu de ces régimes, les gouvernements auraient enlevé jusqu'à 70¢ sous forme soit d'impôts, soit de réduction de la prestation accordée. Par contre, l'argent retiré d'un compte d'épargne non enregistré n'est pas imposable et n'est pas considéré comme un revenu.
Aujourd'hui, il existe un revenu minimum garanti pour les personnes âgées de 65 ans et plus. Pour une personne sans conjoint (ou dont le conjoint est trop jeune pour être admissible à la PSV ou à l'Allocation au conjoint), ce revenu de base est de 11 625$ par année. Il est composé de la PSV (5 312 $ par an ou 442,66 $ par mois) et du SRG (6 313 $ par an ou 526,08 $ par mois). Pour un couple, le montant est de 18 848 $ par année, soit deux fois la PSV plus un SRG de 8 224 $.
Le SRG est réduit de 50% des revenus qui viennent d'une source autre que la PSV. Par exemple, si la personne reçoit 6 000 $ de la Régie des rentes du Québec, on réduira son SRG de la moitié de cette somme, soit 3 000 $. Si elle recevait 11 625 $ sans la rente du Québec, son nouveau revenu sera de seulement 14 625$ et non pas de 17 625 $. De plus, la rente du RRQ et la plupart des autres revenus sont assujettis à l'imposition.
Pour obtenir le plein montant de la PSV, il faut avoir résidé au Canada pendant 40 ans après l'âge de 18 ans. Les personnes qui ne rencontrent pas cette exigence reçoivent un montant proportionnel à leur période de résidence puisqu'elles risquent d'être admissibles à des régimes similaires dans les pays où elles ont résidé. Toutefois, si elles ne reçoivent rien, on leur accorde un complément au SRG, de façon à leur donner le même minimum qu'aux autres. Donc, le tandem PSV-SRG représente un réel revenu minimum garanti pour les personnes âgées.
L'Allocation au conjoint représente une première brèche pour offrir un revenu minimum aux personnes âgées de 60 à 64 ans, mais seulement pour les veuves et veufs et les conjointes ou conjoints des personnes admissibles à la PSV. Aux veuves et veufs, ce programme offre un revenu minimum de 10 404 $ par année (867.02 $ par mois), soit moins que ce que reçoivent les personnes seules de 65 ans, mais plus que ce qu'offre l'aide sociale. Aux conjointes ou conjoints, il offre le même montant que si la personne avait 65 ans, donc 18 848 $ au couple. Toutefois, lorsque le ou la bénéficiaire reçoit des revenus d'autres sources, l'Allocation au conjoint est récupérée à un taux de 75% (au lieu du taux de 50% prévu pour le SRG).
Outre les programmes pour les personnes âgées, les aveugles et les invalides déjà discutés, le premier programme de dernier recours au Québec était l'assistance aux mères nécessiteuses, créée en 1936 et modelée sur un programme adopté par la Colombie-Britannique en 1920. On peut bien deviner qu'une «mère nécessiteuse» était une femme monoparentale. Les familles où le père était invalide étaient également admissibles et représentaient 26,9% des ménages prestataires en 1945 et 38,5% en 1960. Parmi les monoparentales, seules les veuves ou les femmes abandonnées recevaient des prestations et, encore, fallait-il que leurs «bonnes moeurs» soit attestées par le curé ou un autre notable. De plus, les montants étaient peu généreux : 40 $ par mois en 1939, mais seulement 27,50 $ en 1940 pour une femme ayant deux enfants. On donnait aussi peu que 1$ par enfant additionnel. Les mères n'ayant qu'un seul enfant sont devenus admissibles en 1940 mais ne recevaient que 25$ par mois8. Souvent les municipalités donnaient de l'aide additionnelle. Notons aussi, qu'à l'époque, on considérait que les mères de famille ne devaient pas occuper un emploi et que l'objectif du programme était d'assurer les soins aux enfants et non pas d'aider les femmes.
Un deuxième programme majeur était l'assistance-chômage, un programme fédérai voté en 1956 qui visait à financer 50% des frais des programmes provinciaux. Malgré le libellé visant les chômeurs non admissibles à l'assurance-chômage ou ayant épuisé leurs prestations, ce programme était ouvert à toute personne indigente qui ne recevait pas de prestations d'un des autres programmes existants. Il pouvait même compléter les prestations d'un de ces autres programmes si ces derniers étaient inférieurs au montant offert par l'assistance-chômage. Les montants accordés étaient basés sur une évaluation des besoins spécifiques de chaque ménage, mais demeuraient très faibles, inférieurs aux prestations d'assurance-chômage et, afin de maintenir l'incitation au travail, au revenu associé à un emploi au salaire minimum. Le Québec a signé une entente avec le gouvernement fédéral en 1959 seulement. C'était le premier programme permanent et statutaire auquel étaient admissibles les personnes jugées aptes au travail.
En 1966, le RAPC a remplacé tous les programmes d'assistance fédéraux existants à l'exception de ceux destinés aux personnes âgées (qui étaient couvertes par les programmes spécifiques décrits plus haut). Le RAPC offrait de financer les programmes provinciaux d'aide sociale et la plupart des services sociaux. En ce qui concerne l'assistance générale, soit les prestations d'aide sociale, il y avait quatre conditions à ce financement9 :
La première condition mettait fin aux programmes catégoriels et, dans certaines provinces, au jugement préalable quant à l'aptitude au travail de certains groupes (aveugles, invalides, monoparentales, en particulier). En 1970, le Québec a adopté une nouvelle Loi sur l'aide sociale qui incarnait cette vision de l'aide sociale. Toutefois, il a maintenu la distinction apte-inapte en ce qui concerne les jeunes de moins de 30 ans n'ayant pas d'enfants : les jeunes considérés comme aptes au travail recevaient des prestations inférieures des deux-tiers à celles accordées aux autres personnes. D'autres provinces ont également maintenu cette distinction. En Ontario, par exemple, les personnes jugées aptes au travail recevaient des prestations moindres et relevaient des municipalités qui devaient financer une partie des frais et qui avaient donc un motif pour les réintégrer au travail le plus rapidement possible. Les familles monoparentales et celles dont le père était invalide, ainsi que les personnes handicapées, relevaient de programmes administrés directement par la province.
Notons que le RAPC finançait également 50% des frais de la plupart des services et équipements destinés aux personnes démunies ou qui risquaient de l'être sans l'aide fournie. On mentionne en particulier, les chaises roulantes, la modification des logements, les services de maintien à domicile «pour aider les personnes âgées ou handicapées à mener une vie autonome dans leur collectivité», les services de réadaptation. Rappelons que c'est aussi à cette époque que le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur les soins médicaux en vertu de laquelle, il finançait la moitié des frais des programmes provinciaux d'assurance médicale.
À partir de 1985, en signant des ententes avec les provinces, le gouvernement fédéral a accepté de financer la moitié de divers programmes visant «l'amélioration de l'aptitude au travail des assistés sociaux». Ces programmes comprenaient la formation générale et professionnelle, divers stages et subventions salariales, l'achat d'outils de travail, des indemnités pour les frais de garde ou de transport. Cette approche était une réponse directe au problème de l'accroissement du nombre de prestataires de l'aide sociale suite à la récession du début des années 1980.10
En 1988, le Québec a remplacé sa loi de l'aide sociale par la Loi sur la sécurité du revenu. Cette nouvelle loi a créé des barèmes différenciés selon le degré d'aptitude au travail. En 1998 la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale a remplacé cette loi, mais sans changer grande chose. Ci-dessous sont indiqués les cinq barèmes de la loi de 1988 ainsi que leur libellé actuel en vertu de la loi de 1998.
Aujourd'hui, pour ce volet, on ajoute au barème de base un montant de 239 $ par mois pour une personne seule (330$ dans le cas d'un couple) pour des «contraintes sévères à l'emploi».
Aujourd'hui, on ajoute au barème de base un montant de 109 $ par mois (188 $ dans le cas d'un couple) pour «contraintes temporaires à l'emploi».
Ce barème est disparu au début des années 1990.
Aujourd'hui, ce barème représente le barème de base de l'assistance-emploi. Il est fixé à 515 $ par mois (6 180 $ par année) pour une personne seule et à 797 $ par mois (9 564 $ par année) pour un couple.
Aujourd'hui, on ajoute au barème de base une «allocation d'aide à l'emploi» qui est toutefois inférieure de beaucoup à ce que recevaient les personnes participant à une mesure au début des années 1990.
Notons que lors de la réforme de 1988, le Québec se sentait obligé de faire des estimations des besoins essentiels des différents types de ménages. Il justifiait les barèmes inférieurs pour les catégories «disponible» et «non participant» par le prétexte qu'il s'agissait de «besoins à court terme» : ces personnes ne devaient pas rester prestataires très longtemps et n'avaient donc pas besoin d'acheter des vêtements, des meubles ou des loisirs. Aux personnes considérées comme «non disponibles», on accordait un montant additionnel très modeste pour l'habillement, ce qui devait correspondre aux «besoins à moyen terme». Aux personnes «disponibles» ou «participantes», on accordait de l'argent pour le transport afin qu'elles puissent chercher un emploi ou se rendre à leur emploi, ou leur lieu de formation ou de stage. Entre 1993 et 2001, ces montants n'étaient pas indexés au coût de la vie, sauf le barème de soutien financier ou de «contraintes sévères à l'emploi». Donc, le gouvernement ne prétend plus fournir l'ensemble des besoins aux prestataires du programme de dernier recours.
Au cours des années 1990, le nombre de prestataires de l'aide sociale continuait de grimper. En effet, les mesures d'employabilité et de soutien aux personnes «aptes au travail», qui devaient être au coeur de la réforme, n'ont pas eu les effets escomptés dans le contexte de la récession du début de la décennie. De plus, le gouvernement fédéral, cherchant à réduire son déficit persistant, a commencé à couper ses transferts aux provinces de façon unilatérale. Des sabrages majeurs et répétés dans le régime d'assurance-chômage ont également augmenté de beaucoup le nombre de personnes devant recourir à l'aide sociale. Notons, en passant, que les dépenses de programmes du gouvernement fédéral12 avaient diminué de façon systématique depuis l'arrivée au pouvoir de Brian Mulroney en 1984. Les déficits fédéraux n'étaient donc pas causés par des dépenses extravagantes - malgré la rhétorique à cet effet de la part du gouvernement et des milieux d'affaires - mais bien par des taux d'intérêt excessivement élevés et par la persistance du chômage.13
Dans ce contexte, le gouvernement péquiste a introduit toute une série de coupures dans le régime de sécurité du revenu en plus de désindexer son régime fiscal et les allocations familiales. Parmi les coupures, notons l'abolition du barème de disponibilité. De plus, les montants supplémentaires accordés aux personnes participant à des mesures d'employabilité ont été coupés.
Finalement, en 1996 (effectif en janvier 1997), le gouvernement fédéral a mis fin au RAPC, en même temps qu'il a imposé des réductions majeures additionnelles dans l'ensemble de ses transferts aux provinces pour la santé, l'enseignement supérieur, l'aide sociale et les services sociaux (dont les services de garde). La fin du RAPC signifiait que les provinces n'étaient plus obligées de baser leurs prestations d'aide sociale sur une estimation des besoins des ménages et qu'elles pouvaient exclure certaines personnes de ce programme (ce qu'a fait l'Alberta).
Le Québec en a profité pour introduire de nouvelles coupures. Par ailleurs, il a cherché à renforcer l'incitation au travail en étendant certains bénéfices spéciaux à des personnes qui viennent de quitter l'aide sociale ou qui travaillent à faible salaire. C'est dans ce contexte qu'a été créé le régime d'assurance-médicaments. Ce régime vise, entre autres, à s'assurer qu'une personne ayant besoin de médicaments coûteux, mais autrement capable de gagner sa vie, puisse rester au travail au lieu de recourir à l'aide sociale simplement pour se faire payer ces médicaments. En soi, cet objectif est louable et la création de l'assurance-médicaments représente un réel progrès vers l'accès universel à ce besoin essentiel. Cependant, sa création a créé l'obligation pour les personnes assistées sociales et les personnes âgées les plus démunies de payer une partie des coûts des médicaments qui étaient autrefois gratuits. De même, certains médicaments fournis gratuitement auparavant par les hôpitaux ou des programmes spéciaux (liés aux SIDA, par exemple) doivent désormais être payés soit par le régime d'assurance-médicaments (avec une contribution de la part du bénéficiaire) soit par le régime privé de la personne.
En 1998, la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale est venue confirmer toutes les modifications imposées dans la Loi sur la sécurité du revenu, ainsi que le nouveau contexte permis par la disparition du RAPC. L'accent est désonnais clairement sur le retour au travail avec des pénalités importantes pour les personnes qui ne cherchent pas activement à réintégrer le marché du travail ou qui ne réussissent pas à le faire. Nous reviendrons, dans la section IV, aux mécanismes prévus, notamment en ce qui concerne les personnes ayant une limitation fonctionnelle.
Le programme de prêts et bourses a été créé afin de rendre l'enseignement supérieur accessible à toutes les résidentes et résidents du Québec. Lorsque le RAPC existait (avant 1997), la province devait maintenir ce programme distinct des programmes de retour aux études liés à l'aide sociale. Dans le cas des personnes sans revenus qui suivaient des cours de niveau secondaire général ou professionnel, la province avait intérêt à les exclure du programme de prêts-bourses parce qu'elles étaient admissibles à l'aide sociale et le fédéral payait 50% de leurs prestations. Par ailleurs, le fédéral n'acceptait pas de payer des prestations d'aide sociale aux personnes inscrites à des programmes d'enseignement supérieur. La seule exception entre 1984 et 1998 était les responsables de famille monoparentale qui avait le droit de suivre jusqu'à trois sessions au niveau collégial tout en recevant de l'aide sociale.
Depuis la fin du RAPC et depuis que le Québec a obtenu le rapatriement des programmes de formation de la main-d'oeuvre liés à l'assurance-chômage, il a plus de flexibilité. De plus, les évaluations sont arrivées à la conclusion que les programmes de retour aux études des années 1980 et du début des années 1990 avaient un taux de réussite plutôt faible. Par exemple, dans les programmes d'avant 1988, seulement 27% des participantes et participants ont obtenu un diplôme de niveau secondaire, quoique environ la moitié ont augmenté leur niveau de scolarité. Entre 1987 et 1991, le taux d'abandon était de 75% dans les programmes d'alphabétisation, de 68% au secondaire général et de 45% au secondaire professionnel. Les stages en milieu de travail, par contre, réussissaient mieux à aider les bénéficiaires de l'aide sociale à trouver et à garder un emploi et à quitter l'aide sociale.14
Dans sa refonte de la sécurité du revenu au cours des années 1990, le gouvernement du Québec a appliqué une logique de nivellement vers le bas : selon lui, il est injuste que certaines personnes doivent s'endetter pour acquérir une éducation alors que d'autres peuvent étudier en recevant des prestations d'aide sociale qui n'ont pas à être remboursées. À partir de 1994, il a donc décidé que les personnes qui veulent suivre une formation professionnelle de niveau secondaire doivent recourir au programme de prêts-bourses, ce qui implique s'endetter. Par contre, les responsables de famille monoparentale et certaines autres clientèles ayant des difficultés particulières peuvent encore étudier tout en recevant des prestations d'aide sociale.
Les montants alloués pour la subsistance aux personnes admissibles au programme de prêts-bourses sont calqués sur les prestations d'aide sociale.15 Lorsque la personne est aux études ou au travail, elle a droit à 165 $ par semaine (8 580 $ par année), soit à peu près le même montant qu'une personne participant à une mesure d'employabilité. Quand la personne n'est ni aux études, ni au travail, elle a droit à 117$ par semaine (6 084 $ par année), soit à peu près le même montant que le barème de base à l'assistance-emploi. À ces chiffres, on ajoute les frais de scolarité ainsi qu'un montant pour les livres et le matériel scolaire (325$ par session au niveau universitaire pour la plupart des disciplines) et les frais de transport dans certains cas. L'étudiante ou l'étudiant doit contribuer au moins 1 280 $ par année à ces frais. Ce montant, ainsi que 50% des gains qui dépassent ce montant, sont soustraits du total admissible. Dans le cas des jeunes considérés encore à la charge de leurs parents, ceux-ci doivent contribuer en fonction de leur revenu et du nombre d'autres personnes à charge. Pour être considéré comme indépendant des parents, une personne doit être mariée, avoir un enfant, avoir gagné sa vie seule pendant au moins deux ans ou avoir obtenu un diplôme de premier cycle. Si l'étudiante ou l'étudiant est marié ou a un enfant et un conjoint de fait, le conjoint doit aussi contribuer. Une fois, le montant admissible déterminé, une partie est accordée sous forme de prêt : maximum de 2 005 $ pour la plupart des cours de niveau secondaire et collégial, 2 460$ au 1er cycle universitaire et 3 255$ au 2e et 3e cycles universitaires. Le reste est attribué sous forme de bourse.
Une personne «atteinte d'une déficience fonctionnelle majeure» reçoit l'ensemble du montant sous forme de bourse et elle est admissible même si elle étudie à temps partiel. À la formation professionnelle de niveau secondaire ou au collégial, elle doit suivre des cours totalisant au moins 76 heures par trimestre. Au 1er cycle de niveau universitaire, elle doit suivre au moins 6 unités (normalement deux cours). De plus, on n'exige pas de contribution minimale de sa part.
On indique aussi qu'elle :
«peut bénéficier d'un programme d'allocation qui lui permet d'obtenir le remboursement d'aides techniques et de services spéciaux visant à compenser les effets de sa déficience. Les dépenses admises ont trait à l'acquisition de ressources matérielles adaptées et à l'utilisation de services spécialisés et de transport adapté. »
Un régime universel est un programme auquel a droit toute personne ou toute personne appartenant à une catégorie particulière de la population (enfants, personnes âgées, personnes handicapées, par exemple), indépendamment de son revenu ou du fait d'avoir cotisé au régime. Un régime universel fournit ce que la société considère comme un besoin essentiel et représente un droit de citoyenneté. Il représente donc une forme de solidarité sociale et intergénérationnelle.
En ce qui concerne le revenu de base, il n'existe à peu près plus de régimes universels. Rappelons, toutefois, que la Pension de la sécurité de la vieillesse était universelle jusqu'en 1989 et que, même aujourd'hui, elle est quasi universelle. Les allocations familiales fédérales jusqu'en 1989 et les allocations familiales du Québec jusqu'en 1997 étaient aussi universelles. Aujourd'hui, tous ces programmes ont un test de revenu et sont ciblés, plus ou moins étroitement, vers des personnes ou des familles à faible revenu.
Le seul régime de revenu qui demeure universel est l'allocation du Québec pour enfant handicapé, fixé à 119,22 $ par mois en 2002. Toutefois, ce montant n'a pas été indexé au coût de la vie depuis 1993 et a donc perdu 17% de sa valeur. S'il avait été indexé, il aurait été d'environ 140 $ par mois en 2002. Notons, toutefois, que cette allocation ne vise pas à couvrir les besoins essentiels d'ordre général de l'enfant mais plutôt à compenser les dépenses additionnelles nécessaires pour en prendre soin ou pour acheter le matériel dont il a besoin.
Par ailleurs, l'assurance-santé, l'assurance-hospitalisation, l'éducation primaire et secondaire et une bonne partie de l'enseignement supérieur demeurent universelles au Canada. Il existe également un certain nombre d'autres services et équipements (appareils auditifs, par exemple) qui sont fournis gratuitement à toute personne qui en a besoin.
Les diverses réponses à cette question découlent directement des buts et des origines historiques des divers régimes, tels que nous venons de les décrire. On peut généraliser de la façon suivante :
D'un autre côté, cette préoccupation a amené le gouvernement à rendre accessibles certains bénéfices aux personnes qui travaillent. Par exemple, le régime d'assurance-médicaments est désormais obligatoire pour toute personne qui n'est pas couverte par un régime privé et la contribution du bénéficiaire est fonction de son revenu. De même, les personnes qui viennent de quitter l'aide sociale demeurent admissibles aux besoins spéciaux pendant six mois dans la plupart des cas. Dans le cas des personnes présentant des «contraintes sévères à l'emploi», elles et les membres de leur famille demeurent admissibles pendant 48 mois dans la mesure où leurs gains sont inférieurs à 1 500$ par mois.
Les prestations du régime d'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles et de l'assurance-automobile ne sont pas imposables alors que celles de l'assurance-chômage et du Régime de rentes du Québec, beaucoup moins généreuses, le sont. Les prestations de l'aide sociale sont imposables au Québec depuis 1988, mais pas au fédéral. La PSV est imposable, mais pas le SRG. Le traitement fiscal des prestations de divers régimes d'assurance collective (assurances privées fournies généralement par les employeurs) est très variable. Pourquoi tous ces traitements différents?
La règle de base est que tout revenu est imposable une seule fois :
Dans le cas des assurances collectives :16
L'exception à la règle générale est l'assurance pour les accidents du travail et des maladies professionnelles. Rappelons que son objectif principal est de protéger les employeurs contre les poursuites et que la protection des travailleurs est secondaire. Donc, les cotisations sont payées entièrement par l'employeur qui a le droit de les déduire. Par contre, cette contribution n'est pas calculée comme un revenu imposable pour l'employé et les prestations ne sont pas plus imposables. C'est un traitement de faveur.
Un des objectifs du régime fiscal est de taxer selon la capacité de payer. Par définition, les prestations d'assistance sont établies en fonction du revenu de la personne ou de sa famille et sont destinées aux personnes plus ou moins pauvres ayant donc une faible capacité de payer. Il n'est donc pas logique de les imposer et la plupart ne le sont pas. Parmi les programmes où les prestations ne sont pas imposables, on retrouve les suivants :
L'exception est l'aide sociale au Québec et cela depuis 1998 seulement. Pour les gens dont les seuls revenus proviennent de l'aide sociale, cette règle n'a pas d'incidence parce qu'ils ne paient pas d'impôt de toute façon. Par contre, le Québec a décidé qu'il était injuste que certaines personnes qui ont reçu des prestations d'aide sociale pendant une partie de l'année paient moins d'impôt que d'autres personnes qui ont le même revenu total mais qui l'ont gagné entièrement elles-mêmes. Prenons, comme exemple une personne qui a reçu 2 000 $ (4 mois de prestations) de l'aide sociale et a gagné 13 000 $ pour un revenu total de 15 000 $. Si les prestations d'aide sociale ne sont pas imposables, elle aura à payer seulement 113$ d'impôt au Québec, alors qu'une personne qui aurait gagné l'ensemble des 15 000 $ devra payer 433 $. Le Québec a, donc, décidé que les prestations d'aide sociale seront aussi imposables.
Par contre, les gains en capital et les dividendes bénéficient toujours d'un traitement fiscal de faveur. Pourquoi s'acharner sur une petite différence de cette nature chez les personnes qui vivent à la frontière de la misère quand il y a d'autres iniquités qui permettent aux mieux nantis d'économiser des milliers de dollars d'impôt.
Il n'y a pas de règle générale en ce qui concerne l'imposition des prestations universelles. La Pension de sécurité de vieillesse a toujours été imposable au fédéral et au Québec. Les allocations familiales fédérales universelles avant 1989 étaient imposables au fédéral par le parent qui réclamait l'exemption pour les enfants. Dans la perspective fédérale, l'imposition avait pour effet de réduire le montant net que recevaient les plus riches.
Par contre, Québec imposait les allocations fédérales mais pas les siennes (sauf exception) parce que selon son optique ces allocations visaient à combler partiellement les besoins de tous les enfants, quel que soit le revenu de leurs parents. On les voyait comme une mesure d'équité horizontale (entre familles avec enfants versus les personnes sans enfants) et non pas comme une mesure d'équité verticale (redistribution vers les plus pauvres).
Les prestations de l'indemnisation des victimes d'actes criminels (IVAC) et de la Loi visant à favoriser le civisme (LVFC) sont exonérées de l'impôt au Québec et au fédéral.
Sans entrer dans le détail de ces mesures, rappelons que la plupart prennent la forme soit d'une déduction (qui profite davantage aux contribuables les plus riches) soit d'un crédit d'impôt non remboursable, ce qui veut dire que les personnes les plus pauvres, celles dont le revenu de base proviennent de l'aide sociale, de la PSV et du SRG, des prêts et bourses, de la rente d'invalidité du RRQ ou qui travaillent à faible salaire, ne peuvent pas en profiter. Ce sont les personnes qui ont accès aux régimes d'indemnisation les plus généreux, ceux à qui on paie déjà la plupart des services et du matériel dont elles ont besoin, qui sont en mesure de profiter également de ces déductions fiscales.
Dans certains cas, notamment l'aide sociale et le programme de prêts et bourses, le fait d'être prestataire de ces programmes donne droit à une compensation pour un grand nombre de besoins spéciaux. Toutefois, ce n'est pas les cas pour les prestataires du RRQ ou pour les personnes âgées.
Les Contrats d'intégration au travail, mesure spéciale prévue pour les personnes ayant une limitation fonctionnelle majeure qui essaient de devenir indépendantes de l'assistance-emploi, prévoit également le remboursement d'un grand nombre de services ou de matériel nécessaires pour exercer un emploi si le salaire est inférieur à 1 500$ par mois. Les deux paliers de gouvernement ont aussi instauré récemment des crédits d'impôt remboursables pour les dépenses médicales, pour les personnes à faible revenu qui ont des gains de travail ou des bourses d'études ou de recherche d'au moins 2 500$.
La logique d'utiliser le régime fiscal pour aider seulement les personnes ayant des revenus suffisamment élevés pour payer des montants significatifs d'impôt relève d'une philosophie néolibérale voulant que l'on aide les personnes qui s'aident elles-mêmes. Elle crée toute une série d'iniquités vis-à-vis des personnes âgées et des personnes travaillant à faible salaire. Les mesures spécifiques visant ces catégories de personnes aident certaines, mais laisse toujours d'autres sans ressources. Il faudrait élargir soit le régime d'assurance-médicaments, soit le régime d'assurance-santé afin de rendre accessible l'ensemble du matériel et des services dont ont besoin les personnes ayant une limitation fonctionnelle pour intégrer pleinement la vie en société. Toute autre système est coûteux sur le plan administratif et sur le plan humain et laisse certaines catégories de personnes sans les ressources nécessaires.
Le tableau 1 à la page suivante présente une comparaison des divers régimes : 1) les divers volets du programme de soutien de revenu (aide sociale), 2) le programme de prêts et bourses, 3) les rentes d'invalidité et de retraite du RRQ, 4) le tandem PSV-SRG pour les personnes âgées, 5) l'assurance-chômage et 6) les assurances sociales qui remplacent 90% du revenu net (LATMP, assurance-automobile, IVAC et LVFC). Le tableau présente les formules pour calculer les prestations, les montants maximums accordé aux personnes seules et aux couples, le montant que recevrait une personne seule dont le revenu avant d'être admissible au programme était de 25 000 $, le traitement fiscal de ces prestations, les dispositions en ce qui concerne les «besoins spéciaux» et l'existence ou non d'un test d'actifs. Il indique, à titre de comparaison, le revenu net découlant d'un travail au salaire minimum et quelques mesures du seuil de pauvreté.
Régime
|
Montants annuels accordés |
Imposable ou non?
|
Besoins spéciaux
|
Test d'actifs?
|
|||
Formule |
Personne seule |
Couple maximum
|
|||||
|
Maximum |
25 000$ (a) |
|||||
Loi sur le soutien du revenu |
gains exonérés |
|
|
|
|||
- Assistance emploi |
200 $/mois |
6180$ |
|
9 564$ |
Québec: oui |
Oui .certains |
Oui |
- Contraintes temporaires à l'emploi |
200 $/mois |
7 488$ |
|
11820$ |
Fédéral: non |
après 6,12 ou |
|
- Contraintes sévères à l'emploi |
100$/mois. |
9 048$ |
|
13 524$ |
|
24 mois |
|
Prêts-bourses (b) |
Prêt max. = 2 460$ Bourse max = 14 833$ |
8 580$ |
|
17160$ |
Prêts : non Bourses : ? |
Oui |
Non |
Régime de rentes du Québec |
Rev. max. ass.=39100$ |
|
|
sans égard à |
Oui |
Rien de prévu |
|
- Prestation d'invalidité maximum |
4 374$+ 18,75% revenu |
11472$ |
8 913$ |
la notion de |
|
|
Non |
- Prestation de retraite maximum |
25% revenu assurable |
9 465$ |
6 052$ |
conjoint |
|
|
|
Pension de sécurité de vieillesse + Supplément de revenu garanti - Féd. |
5 312 $ 6 313$ ou 4 112$ (c) |
11625$ |
14 651 (c) |
18 848$ |
PSV - Oui SRG - Non |
Rien de prévu |
Non |
Assurance-emploi - Fédéral |
55% rev. assurable (d) Rev. max. ass.=39 000$ |
20 625 $ 17 724 $net |
13 221$ 12 426$ net |
sans notion de conjoint |
Oui |
Rien de prévu |
Non |
Indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles Assurance-automobile Indemnis. victimes d'actes criminels Loi sur les actes de civisme |
90% du revenu assurable net Revenu maximum assurable = 52 500 $ |
47 250 $ en termes bruts 32 353 $ net |
22 500 $ en termes bruts 17 678 $nets |
sans égard à la notion de conjoint |
Non |
Priorité pour réhabilitation Tout couvert |
Non |
Travail au salaire minimum - brut |
40 heures/semaine |
14 560 $ |
|
|
Oui |
Non |
Non |
Après impôt |
52 semaines par année |
12 544$ net |
|
|
|
|
|
Seuil de faible revenu - brut |
Ville de 500 000+ |
19 245$ |
|
24 056 $ |
Oui |
|
|
Après impôt |
|
15 573$ net |
|
|
|
|
|
Les chiffres en caractères gras représentent des revenus nets de l'impôt et des cotisations aux régimes d'assurance-chômage et de rentes du Québec (lorsque la personne est tenue de cotiser à ces régimes). En plus de ces montants, la plupart des personnes auraient droit à des crédits d'impôt remboursables pour la TPS, la TVQ et l'impôt foncier.
Les chiffres en caractères ordinaires représentent des revenus bruts avant impôts, cotisations et crédits. Lorsqu'un seul chiffre est présenté dans une case, c'est parce que le revenu est tellement faible que, normalement, la personne n'aura pas d'impôts à payer. Nous n'avons pas calculé le revenu net dans le cas des couples parce que les impôts et cotisations peuvent dépendre de la répartition du revenu entre les deux personnes. Aucun des chiffres ne tient compte de la présence ou non d'enfants.
Comme on vient de le voir, historiquement les programmes de soutien de revenu ont été développés en fonction d'une préconception quant à l'aptitude ou l'inaptitude au travail des bénéficiaires. Ainsi, les premiers programmes d'assistance étaient destinés aux personnes âgées, aux aveugles, aux mères monoparentales et aux invalides, personnes considérées comme inaptes au travail. Le droit à un soutien de revenu pour les personnes jugées aptes au travail est venu beaucoup plus tard (fin des années 1950) et les montants étaient moins généreux. Par contre, entre 1970 et 1988 au Québec, la Loi de l'aide sociale ne faisait pas cette distinction, sauf en ce qui concerne les jeunes. Paradoxalement, c'était la promesse du parti Libéral d'éliminer la discrimination à l'égard des jeunes qui a servi de prétexte pour réintroduire le critère de l'aptitude du travail pour tout le monde.
Aujourd'hui, au Canada, le droit de recevoir des prestations d'aide sociale est de plus en plus conditionnel à la recherche active d'un emploi ou à la participation à des mesures d'employabilité. Rappelons qu'aux États-Unis, les personnes aptes au travail n'ont jamais été admissibles à l'aide sociale et que la définition de «l'inaptitude au travail» est de plus en plus étroite.
Au Québec, c'est seulement dans les années 1980 que les mères monoparentales ont été considérées comme aptes au travail et, même aujourd'hui, on les en exonère tant que leur plus jeune enfant a moins de 5 ans ou pendant la deuxième moitié d'une grossesse. Quant aux aveugles, aux «invalides» et aux autres personnes ayant une limitation fonctionnelle, le régime de soutien du revenu demeure ambivalent à leur égard. Notons également que cette ambivalence s'étend aux personnes âgées de 55 à 64 ans qui bénéficient d'un supplément à la prestation d'aide sociale. Certaines sont également admissibles à l'Allocation au conjoint du gouvernement fédéral.
La question de l'aptitude au travail demeure également présente dans les assurances basées sur la notion de faute - le LATMP, l'assurance-automobile, l'IVAC et le LVFC - mais d'une façon différente. Les victimes ont droit à la compensation, même si elles ont d'autres ressources. Par ailleurs, on cherche à les réhabiliter et à les renvoyer au travail le plus rapidement possible. Donc, les disputes quant à la durée et au degré de l'invalidité sont fréquentes puisque le régime paie une indemnité partielle lorsqu'on juge que la personne est capable d'exercer un emploi à temps partiel ou moins rémunérateur. Dans le cas de la prestation d'invalidité du RRQ, il n'existe pas de notion d'invalidité partielle et les prestations sont beaucoup moins généreuses. Néanmoins, il n'est pas facile de faire reconnaître l'invalidité.
Notons également que le fait que les prestations sont accordées seulement aux personnes n'ayant pas de revenu de travail constitue en soi un obstacle au retour au travail. En effet, à part certains montants exonérés, les gains font réduire la prestation accordée à un taux variant entre 65 % (aide sociale combinée au programme APPORT pour les personnes ayant des enfants à charge) à 100% dans le cas de la plupart des programmes. La perte de la compensation des besoins spéciaux peut faire augmenter ce taux à plus de 100%, ce qui explique pourquoi le gouvernement du Québec a décidé d'étendre le droit à certains de ces bénéfices aux personnes travaillant à faible salaire. Dans le cas du volet «contraintes sévères à l'emploi», les gains exonérés de la récupération sont moindres que dans les autres volets de l'aide sociale et l'effort nécessaire pour devenir financièrement autonome est donc plus grand.
On doit conclure que l'aptitude au travail demeure une question centrale pour les programmes de sécurité du revenu. C'est aussi le cas dans les autres pays avec lesquels je suis familière. Certaines personnes ayant une limitation fonctionnelle ne sont pas du tout capables de travailler. D'autres peuvent le faire à temps partiel et un grand nombre peuvent occuper un emploi à temps plein. Cependant, presque toutes ont besoin de mesures d'accommodement, d'abord pour acquérir la formation nécessaire pour exercer un emploi rémunérateur et conforme à leurs intérêts et talents, et ensuite pour occuper cet emploi.
La plupart des personnes ayant une limitation fonctionnelle requièrent, en plus d'un revenu de base comme les personnes sans limitation, un supplément de revenu, ainsi que des services et du matériel, afin de demeurer autonomes et de pouvoir fonctionner le plus normalement possible. Dans la conception actuelle des programmes de soutien du revenu, la reconnaissance de ces besoins additionnels devient souvent un empêchement pour exercer un emploi. Comment faudrait-il modifier ces régimes pour qu'ils répondent bien aux besoins des personnes ayant une limitation fonctionnelle?