Robot ou rebelle : 1er colloque populaire sur la télématique

TABLE DES MATIÈRES

1er colloque populaire sur la télématique

Guide de discussion pour les pistes de revendications et moyens d'actions

Collection de positions syndicales et de groupes de femmes en europe et ici

Énoncé de politique : le changement technologique

La micro-electronique au service de la collectivité

Colloque "robot ou rebelle"

L'éducation et la nouvelle technologie un choix de société? (Version préliminaire)

Problématique générale : négocions le «virage technologique»

Télématique et mass-medias: les noces d'argent

Videotron: l'empire de la câblodistribution au québec - une étude de cas

La télévision et la vie privée : la télématique affecte-t-elle nos droits et libertés?

L'informatisation du travail : faut-il des robots industriels au québec?

Notes

1er COLLOQUE POPULAIRE SUR LA TÉLÉMATIQUE

UNE RÉVOLUTION QUI NOUS ECHAPPE...

Connaître "leur" révolution...

Connaître ses applications..

Connaître ses conséquences sur nos vies...

L'INFORMATIQUE

C'est le traitement automatique de l'information au moyen de l'ordinateur.

L'ORDINATEUR

C'est une machine à traiter l'information par des moyens électroniques et avec des programmes enregistrés. Un ordinateur comprend deux parties: l'une visible, appelée le matériel ("hardware" ou quincaillerie, c'est-à-dire l'ensemble d'appareils, de circuits, etc.) et l'autre qui l'est moins, appelée le logiciel qui est l'ensemble des programmes (suites d'ordres à exécuter). C'est le "software" ou "matière grise".

LES MICROPROCESSEURS (chips ou puces)

Le microprocesseur n'est pas un ordinateur; c'est un élément de l'ordinateur. C'est une pièce de silicium, pas plus grosse qu'un ongle, composée de circuits intégrés de grande complexité à faible dimension, capables d'assumer à eux seuls une grande quantité de fonctions de calcul et de mémoire pour lesquelles on doit habituellement utiliser tout un ordinateur. Cette invention est à l'origine de la baisse actuelle des coûts et du volume des ordinateurs (microordinateurs).

ORDINATEURS - GROS, MINI OU MICRO

LA TÉLÉMATIQUE

C'est le mariage entre les réseaux de transmission, l'ordinateur et l'audio-visuel. Cette intégration a donné naissance à plusieurs produits dont le plus important est le vidéotex (Télidon au Canada). Avec ce système, l'usager peut, de son domicile ou de son bureau, entrer en contact avec divers contenus de banques de données. Ces informations apparaissent sur un écran de télévision ou de terminal. La liaison avec les ordinateurs centraux se fait par le téléphone ou le câble.

AU FOYER

SERVICES D'INFORMATION À DOMICILE

TRAVAIL À DOMICILE

Avec les coûts relativement abordables des mini-ordinateurs, on peut prévoir un développement assez important du travail à domicile. À l'aide du terminal, la personne pourra, par exemple,, entrer des données qui seront intégrées à l'ordinateur central.

Les pouvoirs publics et privés peuvent, grâce à l'informatique, rassembler un nombre infini d'informations sur les individus, de l'état civil jusqu'aux opinions politiques et religieuses.

QUELLE UTILISATION FAITON DE CES LISTES?

DES LOIS EXISTENT POUR LIMITER LA PORTÉE DE CES FICHIERS. SONT-ELLES EFFICACES? SONT-ELLES APPLIQUÉES?

L'accès immédiat et facile à une multitude d'informations et de connaissances scientifiques, techniques, professionnelles et culturelles, constitue en soi un progrès-remarquable. Le contrôle de ces banques de données représente cependant un enjeu majeur car, actuellement, les principaux fournisseurs d'informations se retrouvent chez les monopoles de la presse et de l'édition.

QUI VA CONTRÔLER LE TYPE D'INFORMATIONS FOURNIES PAR CES FABRIQUANTS DE BANQUES DE DONNÉES?

COMMENT LES ORGANISMES POPULAIRES ET SYNDICAUX POURRONT-ILS ALIMENTER CES BANQUES DE DONNÉES?

QUI VA POUVOIR SE PAYER UN ORDINATEUR DOMESTIQUE OU S'ABONNER AUX SERVICES D'INFORMATION À

DOMICILE?

EST-IL POSSIBLE DE DÉVELOPPER DES RÉSEAUX TÉLÉMATIQUE COMMUNAUTAIRES D'ÉCHANGE D'INFORMATIONS ENTRE DES USAGER(E(S?

Le travail à domicile présente des avantages, mais aussi des inconvénients, dont l'isolement des individus.

EST-IL UN MOYEN SUBTIL DE RETOURNER LES FEMMES À LA MAISON POUR S'OCCUPER DES TÂCHES MÉNAGÈRES? DE DÉMANTELER LES SYNDICATS? D'AUGMENTER LE TRAVAIL À TEMPS PARTIEL ET À FORFAIT?

LA BUREAUTIQUE

C'est l'application de l'informatique aux travaux de bureau afin, notamment, de traiter les messages et les textes d'une manière automatisée. Le mot recouvre un ensemble hétéroclite de techniques et de méthodes dont le domaine d'application est loin de se limiter au bureau; par exemple, le traitement de textes qui concerne aussi bien le monde de l'édition ou de la documentation que le monde du bureau.

AU BUREAU, DANS LES BANQUES, DANS LES COMMERCES

LA MACHINE À TRAITEMENT DE TEXTES PERMET

LE COURRIER ÉLECTRONIQUE

Plusieurs machines de traitement de textes ou terminaux peuvent être interconnectés ou reliés à des réseaux de communication locaux ou internationaux: le courrier circule alors sous forme électronique.

LES PAIEMENTS ÉLECTRONIQUES

Ce système vise à remplacer la monnaie et les chèques par des systèmes automatisés telles les cartes à mémoire qui prennent la

forme de cartes en plastique.

Contrairement à la carte de crédit, le compte du client est débité immédiatement. L'argent circule donc plus vite.

LA ROBOTIQUE

C'est l'ensemble des techniques destinées à effectuerdes travaux en se substituant à l'homme ou à la femme:

Les robots sont programmables: on. peut leur confier des tâches diverses. Ils se caractérisent par leur automaticité (aptitude à reproduire des mouvements sans' intervention humaine), leur versatilité (aptitude à effectuer des actions diversifiées), leur auto-adaptativité (aptitude à tenir compte du milieu extérieur) sans compter des caractéristiques de force, de souplesse et de dextérité...

A L'USINE

LA MACHINE OUTIL À COMMANDE NUMÉRIQUE (MOCN)

Il s'agit de tours, de machines à fraiser, à aléser, à usiner, où les indications de fonctionnement sont contenues dans une bande perforée ou magnétique: position des pièces et des couteaux, vitesse de rotation, etc.

LES ROBOTS

Ces machines sont officiellement destinées à remplacer là personne dans les tâches répétitives peu qualifiées ou dangereuses. Quelques grands domaines d'application:

  1. les milieux hostiles (nucléaire, espace, milieu sous-marin, militaire)
  2. dans l'industrie (manutention, alimentation de machines, tri de la production, soudure, peinture, etc.)

CONCEPTION ASSISTÉE PAR ORDINATEUR

Il s'agit de l'informatisation du travail de conception scientifique et technique: dessin industriel, architecture, conception de systèmes informatiques et de microprocesseurs.

L'ENSEIGNEMENT ASSISTÉ PAR ORDINATEUR

Le terme désigne les applications utilisant l'ordinateur dans un but didactique. Il doit être distingué de l'enseignement programmé sur ordinateur qui n'en constitue qu'une partie. Ainsi la consultation de banques de données dans le cadre de l'activité d'un cours universitaire peut être une forme d'enseignement assisté par ordinateur mais ne constitue pas un enseignement programmé.

L'ORDINATEUR À L'ÉCOLE

L'ordinateur est d'abord utilisé dans la gestion du système scolaire (notes); aussi, dans les écoles pour l'initiation et l'enseignement de l'informatique et de l'électronique. Il peut encore être un outil pour compléter l'enseignement d'une matière et pour effectuer des exercices de diversification des connaissances acquises. À l'école ou à la maison, l'adulte ou l'enfant pourra accéder, grâce à l'ordinateur, à des banques de cours et de données.

Pour identifier les choix possibles

les modalitités de contrôle...

... parce qu'il est de plus en plus urgent de définir "notre" progrès, d'amorcer le débat pour agir dans nos milieux

EST-CE QUE LE TRAVAIL SERA SIMPLIFIÉ ET FACILITÉ OU DÉQUALIFIÉ ET MONOTONE?

EST-CE QUE LES CHARGES DE TRAVAIL VONT AUGMENTER?

LES CONSÉQUENCES NÉFASTES SUR LA SANTÉ (STRESS, TROUBLES DE VISION) PEUVENT-ELLES ÊTRE ÉVITÉES?

LES PROGRAMMES DE RECYCLAGE VONT-ILS PERMETTRE LE MAINTIEN DE NOS EMPLOIS? LES FEMMES Y AURONT-ELLES UN ACCÈS

QUEL SERA LE RÔLE DES ENSEIGNANTES DANS L'ÉLABORATION DES PROGRAMMES ET DES DIDACTICIELS?

COLLOQUE POPULAIRE SUR LA TÉLÉMATIQUE

C'est à nous de décide du type de société qui naîtra de la télématique!

Parce que les choix technologiques concernent toute la société, ils doivent être largement débattus!

VENDREDI, 18 FÉVRIER:

SAMEDI, 19 FÉVRIER:

5:00 à 7:00 hres INSCRIPTION (salle Marie-Gérin-Lajoie)

9:30 à 12:30 hres

ATELIERS

ateliers thématiques:

l'éducation et les nouvelles technologies l'information de demain

la télématique et la vie quotidienne ou privée

l'informatisation du bureau et de l'usine

Des dossiers sur chacun de ces thèmes seront disponibles sur place

ateliers sur l'ensemble des thèmes

7:30 hres OUVERTURE par M. Guy Bourgeault, président de l'ICEA

8:00 hres

Panel-débat

"La maîtrise démocratique des changements

technologiques est-elle possible dans le cadre des

stratégies actuelles de développement économique?"

INVITÉ(E)S: . .

Suzanne Bélanger (CLSC Centre-ville, condition féminine - CSN)

Jocelyne Lamoureux (Ligue des droits et libertés)

D*Arcy Martm -(Métallos Unis d'Amérique -

Toronto) Gérard Métayer (Auteur de "Futurs en

"tique"")

Un représentant, du ministère, des Communications du Québec

ANIMATRICE: LÉA COUSINEAU

14:30 à 15:30 hres

RETOUR EN ATELIER POUR SYNTHÈSE ET PROPOSITIONS

15:30 à 16:30 hres CONFÉRENCIER:

ARMAND MATTELART

16:30 hres PLÉNIÈRE (salle Alfred Laliberté)

Les perspectives de revendications et d'actions qui se sont dégagées de l'ensemble des ateliers.

9:30 hres ÉCHANGE entre les panélistes et les

participantes

Des démonstrations d'appareils et des visionnements de documents vidéo sont prévus sur place.

$10. CONTRIBUTION VOLONTAIRE (FRAIS DE DOCUMENTATION)

LE COLLOQUE EST OUVERT AU GRAND PUBLIC RENSEIGNEMENTS: 842-2766

L'ICEA tient à remercier tout particulièrement de leur collaboration les personnes qui ont accepté de préparer les dossiers que vous trouverez à l'intérieur de cette pochette.

CHRISTIANE FABIANI

"Un choix de société?"

CLAUDE MARTIN

"Télématique et mass-médias:

les noces d'argent"

JEAN-GUY LACROIX Anne Filion Carole Laflamme Robert Pilon

"Vidéotron: l'empire de la câblodistribution au Québec. Une étude de cas."

LIGUE DES DROITS ET LIBERTES Gaétan Nadeau

"La télématique affecte-t-elle nos droits et libertés?"

CHARLES HALARY

"Faut-il des robots industriels au Québec?"

Nous remercions aussi la CSN et la FTQ de nous avoir fourni gratuitement

"Les puces qui piquent nos jobs"

"Les écrans cathodiques"

GUIDE DE DISCUSSION POUR LES PISTES DE REVENDICATIONS ET MOYENS D'ACTIONS

EXEMPLES:

Revendications de niveau très général

démocratiser les choix technologiques

démocratiser l'accès aux banques de données

exiger des études sérieuses

demander aux médias de sensibiliser la population aux conséquences pas uniquement positives. Actuellement ils se font les promoteurs.

Au niveau des droits et libertés

voir document p. 13

Aussi reprendre revendications pour une législation qui protégerait les fichiers personnels montés par les entreprises privées.

Au niveau des médias

Revendication sur l'accès aux banques de données et aussi sur la possibilité pour les groupes d'alimenter les banques de données.

Au niveau de l'éducation

Voir dossier "Un choix de société" pp. 29-30-31

Au niveau du travail

Guide 2e feuille extrait du document "Les puces qui piquent nos jobs.

Revendiquer des politiques de plein emploi

MOYENS D'ACTIONS EXEMPLES

COLLECTION DE POSITIONS SYNDICALES ET DE GROUPES DE FEMMES EN EUROPE ET ICI

POURQUOI NÉGOCIER LA TECHNOLOGIE ?

Pendant les périodes de croissance, le progrès technique en lui-même n'a pas été objet de négociation : les revendications syndicales ont porté essentiellement sur l'aménagement et le partage des bénéfices de ce progrès, en essayant d'en limiter les inconvénients. Ceci a donné lieu à trois grandes catégories de négociations :

Ce n'est pas pour autant que l'enjeu de la technique est resté absent des luttes ouvrières : les casseurs de machines de Lyon et Manchester sont entrés dans l'Histoire. Marx disait déjà qu'il était possible d'écrire toute l'histoire des technologies comme une histoire des moyens de domination sur la classe ouvrière ...

Aujourd'hui, avec la crise, le mythe du progrès technique créateur de progrès social s'effrite peu à peu. Une nouvelle attitude apparaît chez les travailleurs chez les chômeurs : un mélange de crainte et d'espoir, dont le dosage varie selon la formation, la profession, le milieu culturel. Les gens veulent au moins comprendre sinon tenter de maîtriserl'évolution technologique.

Tout au long de la première partie de ce dossier, on a vu pourquoi il n'est plus possible de limiter le champ des négociations aux seules conséquences des technologies, sans agir sur leur conception et sur leur développement. D'ailleurs, depuis deux ou trois ans, on assiste à des initiatives spectaculaires de divers syndicats européens pour associer les travailleurs à la négociation des modalités-mêmes des changements technologiques qui les concernent (voir le tableau synoptique du chap. 5.3.B, 1ère partie du dossier).

Dans cette optique, le progrès technologique n'est ni neutre, ni fatal, ni à sens unique : il est l'enjeu d'un rapport de forces et donc bien l'objet d'une négociation. Bien sûr, il ne faut pas s'arrêter à une logique binaire simpliste : oui ou non, blanc ou noir, acceptation ou refus. Il s'agit plutôt de montrer la multiplicité des choix, de révéler les stratégies et les tactiques sous-jacentes, de souligner l'intérêt de tous à "réussir" l'innovation, bref de (re)conquérir la maîtrise sur le travail.

Des questions concrètes se posent alors : que négocier ? comment et dans quel ordre ?

ACCORDS SUR LES TECHNOLOGIES NOUVELLES EN GRANDE-BRETAGNE « Checklist » à l'usage dos négociateurs établi par les T.U.C. 1

GRILLE D'ANALYSE DE L'UCC-CFDT SUR LES CONSÉQUENCES DU SYSTÈME D'ORGANISATION MIS EN PLACE À L'OCCASION D'UN CHANGEMENT TECHNOLOGIQUE DANS UNE ENTREPRISE


NOTES





ÉNONCÉ DE POLITIQUE : LE CHANGEMENT TECHNOLOGIQUE

MÉTALLURGISTES UNIS D'AMÉRIQUE

Bureau National

55 Eglinton Ave. E.

Toronto, Ontario

Au moment de la réouverture d'une convention pour un changement technologique, on peut négocier d'autres modifications, par exemple, une semaine de travail à temps réduit à plein salaire pour répartir les frais.

Le programme législatif

Parallèlement à nos propositions à la table de négociation, il est essentiel que notre syndicat établisse et diffuse des politiques claires et globales visant à une action législative sur les questions de micro-électronique et de changement technologique. On doit reconnaître qu'il sera difficile d'obtenir et de mettre en application, uniquement par la négociation collective, la protection dont nous avons besoin. Le patronat résistera à nos propositions avec une force toute particulière parce que nous essaierons de pénétrer dans un domaine qui affectera, de façon fondamentale, la position concurrentielle des entreprises syndiquées face aux entreprises non syndiquées.

La "révolution micro-électronique" ayant un champ d'application très vaste, il existe un net besoin de politique sociale afin de soumettre le changement technologique à des lois générales. En même temps, toute protection inscrite dans la loi doit reconnaître que les travailleurs directement concernés sont les mieux placés pour représenter l'intérêt public dans ce domaine. Notre proposition de politique tient compte des deux aspects du problème: elle accorde un mandat au niveau législatif et utilise les qualifications et les connaissances directes des travailleurs pour mener à bien ce mandat. La proposition se compose de trois parties: une charte des droits des travailleurs dans le domaine du changement technologique; un train de normes définissant les investissements de fonds publics dans la nouvelle technologie, afin d'assurer que ces droits soient respectés; et des dispositions assurant la sécurité d'emploi.

I. Une charte des droits dans le domaine du changement technologique

Nous proposons que les droits suivants, applicables à tous les travailleurs, soient stipulés dans la loi:

II. Les critères d'un financement public

Afin d'assurer que les employeurs respecteront ces droits et que les employés les exerceront réellement, il faut donner à la politique publique le pouvoir de réglementer le système, et prévoir les moyens nécessaires afin de s'assurer que la participation des travailleurs soit réelle.

La force la plus puissante que la politique publique puisse avoir est, de toute évidence, l'argent des gouvernements. Cette aide financière au changement technologique revêt des formes très différentes, tant directes qu'indirectes.

Les gouvernements provinciaux et fédéral accordent, par exemple, des subventions et des prêts aux entreprises qui veulent adopter un changement technologique. Mais la source la plus courante d'aide financière au changement technologique est, sans conteste, le système fiscal appliqué aux entreprises. Parmi les dispositions les plus connues, il y a le crédit d'impôt à l'investissement, et l'amortissement accéléré des biens corporels, la dernière étant de loin la plus importante. L'amortissement accéléré permet aux entreprises qui investissent d'"amortir" des biens aux fins d'impôts (et donc de déduire leur prix d'achat de leur revenu imposable) beaucoup plus rapidement que ne le justifierait leur détérioration physique réelle. Etant donné que le changement technologique est presque invariablement accompagné d'investissements, l'adjonction de conditions à l'aide à l'investissement, sous toutes ses formes, assure un pouvoir idéal.

Nous proposons donc que:

Toutes les formes d'aide financière publique à l'investissement, y compris, mais sans s'y restreindre, des subventions, des prêts, des crédits d'impôt fiscaux ou des allocations d'amortissement soient réservées aux investissements faits conformément aux droits des employés à un avis, à la prise de connaissance des renseignements, à la participation et l'approbation, et que l'observation de ces points soit certifiée par un accord à cet effet, signé par l'employeur et le syndicat.

Après avoir établi ces droits, ainsi qu'un mécanisme de mise en application, on doit reconnaître qu'un domaine aussi complexe que celui-ci impose un énorme fardeau aux employés et à leurs représentants. Les employés et leurs représentants doivent avoir à leur disposition des ressources leur permettant une participation effective et à part entière au processus de changement technologique. Afin d'assurer cette participation, nous proposons que:

Un montant égal à 10 p. 100 du coût total de l'investissement soit fourni par l'entreprise aux représentants des employés pour leur permettre de participer au processus du changement technologique; et que

Ces fonds soient considérés comme des frais d'exploitation déductibles de l'impôt.

III. La sécurité d'emploi

Même en nous prémunissant d'une charte des droits et en assortissent de conditions les subventions gouvernementales accordées pour un changement technologique, nous ne pouvons éviter qu'un changement technologique déplace des travailleurs. Des mesures garantissant la sécurité d'emploi seront toujours indispensables et elles devront s'apparenter à celles généralement applicables dans les cas de mises à pied:

  1. Une large définition du changement technologique afin d'assurer que l'application des mesures de protection soit déclenchée dans tous les cas où elles seront nécessaires.
  2. Une réouverture obligatoire de la convention collective, au choix du syndicat, lorsqu'une convention collective est en vigueur.
  3. Une garantie de sécurité d'emploi et de maintien du salaire pour tous les travailleurs affectés, pendant une période minimale de deux ans, avec le choix d'un montant comptant, à la place de la garantie, si l'employé le désire, sans perte de ses droits contractuels, comme des droits de rappel.
  4. Le recyclage obligatoire de tous les travailleurs affectés, au frais de l'employeur et à plein salaire.
  5. Le droit à un embauchage préférentiel aux autres établissements de l'employeur, pour tous les employés déplacés.
  6. Une indemnité de licenciement correspondant à deux semaines de salaire par année de service, sous réserve que l'indemnité ne soit pas inférieure à six mois de salaire, s'ajoutant à toute garantie de sécurité d'emploi ou à toute période de recyclage assurée par l'entreprise.
  7. Des amendements aux lois provinciales et fédérales sur les régimes de retraite pour assurer légalement une option spéciale de retraite anticipée non réduite aux travailleurs déplacés par un changement technologique, lorsque le total de l'âge d'un travailleur et de ses années de service dépasse 70.
  8. Des amendements au régime de pensions du Canada ou au régime de rentes du Québec; à la sécurité de la vieillesse et au revenu garanti pour permettre aux travailleurs âgés de plus de cinquante ans, déplacés par un changement technologique, de recevoir leur pleine pension sur la même base que les travailleurs invalides, ces retraites correspondant au niveau recommandé dans l'énoncé de politique des Métallos sur les retraites.

LES RESSOURCES DU BUREAU NATIONAL DES MÉTALLOS

Pour nous assurer que nos membres soient capables d'adopter des mesures efficaces face au changement technologique, il faut que nous continuions à développer, au bureau national, les moyens nécessaires pour analyser et évaluer les propositions patronales de changement technologique, afin de pouvoir aider les permanents et les syndicats locaux lorsqu'ils en auront besoin.

LES PERSPECTIVES D'AVENIR

Le changement technologique n'est pas un phénomène nouveau pour les travailleurs. Depuis le tout début de l'organisation de la production dans les usines, qu'elles soient dirigées par un propriétaire individuel ou par une entreprise, les changements dé produits et de techniques de production, ainsi que d'introduction de nouveaux types d'équipement de production ont affecté tant les vies des travailleurs individuels que la nature du travail lui-même.

Même si la technologie peut produire des changements qualitatifs du travail, son effet le plus profond est de réduire la somme de travail nécessaire, en changeant les besoins de qualifications et en réduisant la. main-d'oeuvre. En fait, c'est justement la réduction de la somme de travail, rendue possible par le changement technologique, qui crée l'incitation économique à adopter ce changement. La réduction de la main-d'oeuvre n'est pas un effet secondaire du changement technologique; elle est la motivation du changement technologique.

LE CHANGEMENT TECHNOLOGIQUE ET LE TRAVAIL

Les mots "changement technologique" évoquent peut-être l'image de nouveautés agréables et utiles: calculatrices de poche, stéréos haute fidélité, moteurs d'automobile à rendement accru, etc.

Par ailleurs, le changement technologique peut améliorer la qualité de la vie au travail, surtout en supprimant les tâches dangereuses.

L'avantage ou le désavantage du changement technologique ne dépend pas tant de la nouveauté elle-même que de son mode d'utilisation. Voilà pourquoi les syndicats canadiens doivent agir sans tarder. La nouvelle technologie ne doit être introduite qu'en vertu d'une stratégie nationale tenant compte à la fois des effets sociaux et économiques et répartissant en toute équité les avantages et les coûts associés au changement.

À l'usine de l'International Harvester" d'Hamilton, un robot effectue le travail de six Métallos. A Port Alberni (C.-B.), "MacMillan Bloedel" a construit une nouvelle scierie automatisée qui tire de chaque bille 10% de bois de charpente de plus tout en employant quarante (40) travailleurs de moins. Chez les téléphonistes, l'installation de standards informatisés diminue les emplois de 40%. Déjà la fermeture des bureaux de Bell Canada dans les petites villes du Québec et du nord de l'Ontario a privé deux cents (200) membres du STCC de travail. Dans les bureaux, les magasins et les banques, les emplois tombent ou deviennent à temps partiel à mesure que le nombre de machines de traitement des mots, de guichets automatisés et de lecteurs optiques augmente.

Le changement technologique occupe de plus en plus de place dans l'économie canadienne. Ce n'est pas là un phénomène nouveau. Depuis vingt-cinq (25) ans, il a eu un effet marqué sur le taux de création d'emplois. De plus en plus l'industrie canadienne est axée sur le capital, c'est-à-dire qu'elle dépend davantage des machines que de la main-d'oeuvre.

Ainsi que les tableaux annexés en font foi, cette tendance s'est manifestée entre autres dans les industries forestière et minière, qui employaient quatre (4) fois de plus de travailleurs il y a vingt-cinq (25) ans. La même tendance existe dans la fabrication où, par rapport à 1956, on relève 60% d'emplois de moins par million de dollars investis. Nous la constatons même dans la construction, le domaine financier et les services, où on aurait pu croire que l'emploi d'une abondante main-d'oeuvre continuerait.

Le rythme des investissements s'est énormément accéléré au cours des années 70, comme on peut le voir au Tableau 2. Si les investissements gardent la même allure qu'au cours de la deuxième moitié de cette décennie, d'ici 1985 nous aurons perdu 2.7 millions d'emplois, ou 30% de notre main-d'oeuvre non agricole actuelle. Pis encore, cette estimation se révélera peut-être trop réservée en raison du volume d'investissements prévus dans la nouvelle technologie.

Pour les Canadiens, cela revient donc à dire qu'en plus de créer de nouvelles industries pour fournir du travail à une main-d'oeuvre grandissante, nous aurons aussi 2.7 millions d'emplois à remplacer. Ce serait là une tâche fantastique pour n'importe quel pays; mais, pour une économie encline à la récession comme la nôtre, ce pourrait être impossible.

Une question vient automatiquement à l'esprit: pourquoi ne pas planifier les emplois susceptibles d'être remplacés par la nouvelle technologie?

Le gouvernement et l'industrie nous disent que le changement technologique est inévitable si nous voulons que l'industrie canadienne demeure compétitive sur les marchés mondiaux et que notre économie ne soit pas désavantagée.

Sans doute est-il important d'assurer une économie forte, diversifiée et compétitive, mais il ne faut pas user de ces arguments pour masquer l'introduction de politiques destructrices qui mineraient, plutôt que de l'augmenter, la force de l'économie canadienne.

Chaque fois qu'un changement technologique est projeté, nous devons poser quatre (4) questions fondamentales:

  1. Comment les avantages en seront-ils partagés entre les travailleurs, l'employeur et la collectivité?
  2. Comment les travailleurs conséquemment délogés seront-ils recyclés et repris par leur employeur actuel ou un autre?
  3. Comment de nouveaux emplois seront-ils créés pour les nouveaux venus sur le marché du travail?
  4. Comment ce changement accroîtrait-il la force et l'autonomie de l'économie canadienne?

La micro-électronique au service de la collectivité

A. La technologie: une réaction en chaîne

  1. Afin d'améliorer le rythme d'accroissement de la productivité et les aptitudes de l'industrie canadienne à faire face à la concurrence internationale, et par conséquent, de favoriser la création d'emplois dans toutes les régions du Canada, nous recommandons que le gouvernement du Canada et les autorités provinciales donnent plus d'envergure à leurs programmes d'aide technique et fiscale qui sont axés sur la croissance des industries de haute technologie et encouragent et facilitent l'introduction de la micro-électronique dans le secteur privé, particulièrement dans les petites et moyennes entreprises.
  2. Pour assurer un partage équitable, entre tous les Canadiens, des avantages économiques et sociaux qu'offre la micro-électronique, nous recommandons que le gouvernement fédéral continue d'adopter des mesures d'incitations fiscales, de dégrèvement d'impôt, etc. afin
    1. de stimuler la recherche, le développement et l'innovation dans les industries de haute technologie;
    2. de stimuler le développement et la croissance d'une industrie du logiciel au Canada;
    3. de donner la préférence aux entreprises spécialisées en matériel et en logiciel informatiques qui appartiennent à des Canadiens et qui sont contrôlées au Canada par des Canadiens;
    4. d'offrir plus d'aide aux PME du secteur de la micro-électronique qui sont disposées à s'installer dans des collectivités économiquement défavorisées dans tout le Canada.
  3. Nous recommandons également que le gouvernement fédéral établisse et finance un organisme indépendant, le Centre canadien de la technologie, du travail, et des besoins humains prioritaires, qui ferait rapport annuellement au Parlement du Canada. Cet organisme serait administré par des représentants des syndicats, de l'industrie, du gouvernement, du système d'éducation et des travailleurs bénévoles, y compris de groupes d'intérêts particuliers, par exemple des organisations féminines. Le mandat de ce Centre consisterait entre autres à

B. La micro-électronique et l'emploi

4. Afin de contribuer à l'établissement de prévisions plus exactes de l'offre et de la demande de main-d'oeuvre à la suite de l'implantation de la micro-électronique dans l'économie, et de formuler à cet égard des politiques pertinentes en matière d'instruction et de formation, nous recommandons que Statistique Canada recueille et publie régulièrement, le plus tôt possible après leur établissement, des données précises sur la population active ventilées selon le sexe, le secteur économique et la région:

C. Les relations industrielles

5. Afin que la diffusion de la technologie micro-électronique dans tous les secteurs de l'économie et dans toutes les régions du Canada se fasse sans heurt et en toute équité, le groupe de travail estime qu'il est essentiel d'établir un cadre législatif mieux adapté aux problèmes contemporains en matière de relations industrielles, qui assurerait et favoriserait une plus grande collaboration entre les employeurs et les travailleurs. Même si nous laissons à d'autres le soin de donner une forme à ce cadre, que nous jugeons essentiel, nous n'en avons pas moins une vision très claire de ce qu'il devrait être. A cette fin, le groupe d'étude fait les recommandations suivantes:

6. La définition de "l'évolution technologique" dans le Code canadien du travail devrait être modifiée de façon à se lire ainsi:

Grâce à cette nouvelle définition, la discussion et la planification débuteront dès le moment où l'employeur propose l'introduction de nouveau matériel ou dès que le travail est exécuté de façon différente, en raison précisément de l'utilisation de nouveau matériel, quelle que soit l'éventualité qui se présente la première.

7. Etant donné que la Partie III du Code canadien du travail assure un minimum de protection

aux travailleurs syndiqués et non syndiqués, et parce que nous estimons que le mécanisme dès négociations collectives peut se révéler inadéquat a l'égard des dispositions à prendre en vue d'un changement technologique, nous recommandons que toute une série de nouvelles dispositions soient intégrées à cette Partie du Code. Selon le plan législatif que nous envisageons, tous les employeurs qui comptent 50 employés ou plus seraient tenus d'établir un mécanisme permanent de consultation et de discussion avec leurs employés, ou avec les personnes qui les représentent, au sujet des changements technologiques prévus. Les dispositions suivantes feraient partie intégrante de notre plan:

Cette disposition quant à l'arbitrage pourrait s'inspirer de celle que l'on retrouve actuellement à la Partie III du Code canadien du travail dans le cas de congédiements injustes. Toutefois, la mesure que nous recommandons serait plus rationnelle à l'égard des conflits relatifs aux changements technologiques.

8. La composition, les fonctions et les pouvoirs des comités mixtes de la technologie devraient être clairement définis dans le Code canadien du travail. Ces comités devraient, entre autres, se charger de

9. Les dispositions actuelles de la Partie V du Code canadien du travail, qui ont trait au changement technologique, devraient être révisées en profondeur, en fonction des dispositions minimales qui doivent être intégrées à la Partie III.

D. La qualité du travail et du milieu de travail

La santé et la sécurité

10. La définition de la santé et de la sécurité au travail donnée à la Partie IV du Code canadien du travail devrait être reformulée conformément à la définition prévue dans la Convention concernant la sécurité, la santé des travailleurs et le milieu de travail (1981) de l'Organisation internationale du travail, appuyée par le Canada. La nouvelle définition se lirait ainsi:

"... le terme "santé", en relation avec le travail, ne vise pas seulement l'absence de maladie ou d'infirmité; il inclut aussi les éléments physiques et mentaux affectant la santé directement liés à la sécurité et à l'hygiène du travail".

11. Etant donné que les questions liées à la santé et à la sécurité des travailleurs qui utilisent du matériel micro-électronique, particulièrement des terminaux d'écran de visualisation (TEV), sont nombreuses et complexes, nous recommandons que le gouvernement du Canada et les autorités provinciales

12. Entre temps, jusqu'à ce que ces normes ergonomiques soient adoptées par les autorités législatives compétentes, le groupe de travail suggère que les employeurs acceptent les lignes directrices suivantes au sujet des TEV:

13. Que l'on ajoute à la Partie IV du Code canadien du travail une clause prévoyant la création obligatoire de comités permanents de la santé et de la sécurité dans les entreprises qui comptent plus de 50 employés.

14.

15. Comme la micro-électronique favorise de nouvelles formes de travail et de nouvelles structures du milieu de travail, les divers paliers de gouvernement devraient prendre des mesures pour veiller à ce que les travailleurs à mi-temps aient droit, proportionnellement, aux mêmes avantages sociaux que les travailleurs à plein temps, et que les personnes qui travaillent à la maison soient protégées par des normes de travail adéquates.

Les femmes et le travail

16. Même si les femmes constituent actuellement plus de quarante pour cent (40%) de la population active au Canada, les deux tiers d'entre elles se retrouvent confinées à des emplois directement menacés d'extinction en raison du but que l'on se fixe par le biais de l'utilisation de matériel micro-électronique, soit l'amélioration de l'efficacité et de la productivité. Ainsi, les problèmes disproportionnés auxquels elles doivent faire face à l'heure actuelle ne sont pas causés uniquement par la nouvelle technologie, mais également par la ségrégation et la discrimination dont elles sont victimes, sur le plan professionnel, en raison de leur sexe et de leur âge. Par conséquent, les recommandations du groupe de travail visant à atténuer les répercussions envisagées, vraisemblablement disproportionnées, de l'utilisation de la micro-électronique sur les femmes, doivent également aborder la question plus vaste de l'emploi des femmes en général.

En outre, le groupe d'étude estime que la réorganisation du milieu de travail, nécessitée par l'introduction de la micro-électronique, offre aux Canadiens une occasion unique d'adopter et de mettre en oeuvre les principes de l'égalité des sexes et de l'égalité des chances en matière d'emploi au sein de la population active.

En se fondant sur ces deux concepts, et en raison de la crainte que les femmes soient encore plus désavantagées en raison de l'utilisation de la (nouvelle technologie, le groupe de travail recommande que les employeurs des secteurs public et privé s'intéressent immédiatement aux questions suivantes:

le renforcement des politiques progressistes de recrutement, de formation et de promotion par une législation appropriée, afin de veiller à ce que les femmes ne subissent pas de façon disproportionnée les effets de l'évolution technologique;
l'accord aux femmes de places spéciales dans les programmes de rattrapage scolaire, de formation, de recyclage et d'apprentissage. Les nouvelles venues sur le marché du travail et les femmes plus âgées qui y reviennent ont en effet besoin d'une aide particulière.

Le groupe d'étude présente également les recommandations suivantes:

17. Que des horaires de travail et de formation d'un genre nouveau soient adoptés afin que les femmes ne soient pas défavorisées en raison de leurs responsabilités familiales.

18. Que des postes de transition soient créés, au besoin, pour aider les travailleurs, et particulièrement les femmes, qui occupent des postes de soutien administratif à accéder plus facilement aux postes qui offrent plus de possibilités de mobilité professionnelle et d'avancement.

19. Que, dans le cadre de la restructuration du milieu de travail, des mesures appropriées soient prises pour éviter

20. Que les femmes continuent de renforcer leur position au sein du marché du travail, et entre autres,

E. L'instruction et la formation

21. Le groupe de travail appuie fortement, dans leur esprit et dans leur intention, les recommandations du groupe de travail Allmand sur les perspectives de l'emploi dans les années 1980, et particulièrement celles qui ont trait aux effets de la micro-électronique sur la formation, l'emploi, l'instruction et le travail. Un grand nombre de ces recommandations sont reprises ici.

22. Le groupe de travail reconnaît que l'informatique et les techniques connexes constituent en soi d'importants outils de formation que la société peut apprendre a utiliser dans la plupart des milieux d'enseignement. Ils présentent un potentiel d'adaptation remarquable pour répondre aux besoins en matière d'instruction et de formation de personnes qui sont victimes de divers genres de handicaps, et pour les aider à accroître leurs possibilités de communication et d'autonomie. Nous recommandons aux autorités gouvernementales d'encourager la conception et la mise au point de programmes informatisés qui répondront aux besoins spéciaux en matière de formation des personnes socialement défavorisées ou handicapées.

23. Nous reconnaissons par ailleurs que les effets de la microélectronique sur la famille et les autres institutions sociales constituent des préoccupations importantes pour les membres de tous les regroupements de citoyens. Nous encourageons ces groupes à former un réseau canadien qui se chargerait d'élaborer de nouveaux concepts en matière d'éducation et d'adaptation sociale.

24. Les ministres fédéraux et provinciaux compétents devraient veiller à ce que les politiques et les programmes de formation au Canada mettent l'accent sur la flexibilité et l'adaptabilité aux changements, en promouvant une philosophie de la formation permanente et l'enseignement de compétences qui seront utilisées tout au long de la vie, comme des techniques de solution des problèmes et de prise de décisions, en revoyant

25. De surcroît, les autorités fédérales et provinciales devraient

26. Que le gouvernement fédéral établisse un régime enregistré d'épargne-éducation, afin d'inciter les Canadiens à prendre euxmêmes l'initiative de planifier leurs programmes d'étude et de formation, et d'en assurer le financement.

27. Que le gouvernement, les syndicats, les employeurs et les établissements d'enseignement considèrent les études en général, y compris la formation, le recyclage et l'accès aux études supérieures, comme autant d'éléments dont ils doivent partager les responsabilités. Cette responsabilité touche

28. Que les autorités scolaires compétentes tentent de s'assurer que l'on forme suffisamment de travailleurs dans le domaine de l'informatique et de la micro-électronique et de l'information, et

(a) qu'elles ajoutent de nouveaux cours aux programmes d'étude, pour familiariser les étudiants avec l'usage des ordinateurs;

(b) qu'elles sensibilisent davantage les étudiants au rôle de gouvernements, de l'industrie et des syndicats dans le développement et l'implantation des nouvelles technologies.

29. Que les autorités scolaires les maisons d'édition et les auteurs de matériel didactique travaille: en collaboration pour éliminer tout le matériel scolaire les stéréotypes fondés sur le sexe, afin supprimer les obstacles culture qui empêchent les femmes de diriger vers des emplois dans domaine de la haute technologie.

F. Le suivi

30.


COLLOQUE "ROBOT OU REBELLE"

GRILLE DE TRAVAIL POUR ANIMATEURS

9h00

Vidéo "L'invasion des ordinateurs"

9h40

Distribuer les résumés des dossiers

1. Présentation du but du travail en atelier et déroulement:

"Buts: Se sensibiliser aux phénomènes des nouvelles technologies

  • Les types d'usages;
  • Les conséquences concrètes;
  • Identifier les principaux enjeux;
  • Identifier des pistes de revendications et d'action.

Horaire

(1) Tour de table de présentation des participants

(2) Exposé de la personne-ressource

(3) Commentaires

(4) Questions d'information

(5) Débat -

Echanges de points de vue (problèmes, témoignages et expériences concrètes)

(6) Identification de pistes de revendications et d'action

(7) Synthèse du travail en atelier

2 Se trouver un/une secrétaire

3 Présenter: personne-ressource, commentateur et leur rôle

4 Tour de table de présentation des participants

l0h00

5 Exposé des personnes-ressources 10 minutes

6 Commentaires 5 minutes

10h20

7 Questions d'information. (Comment ça marche qu'est-ce que l'on peut faire avec Est-ce que l'on peut s'en servir à nos fins C'est quoi la bureautique, etc..)

10h40

/12h30

DISCUSSIONS

(10h40/llh40) Echanges de points de vue sur la question problèmes témoignages.

(L'animateur devra faire la synthèse des principaux problèmes identifiés et les points de vue divergents avec l'aide du Guide résumé des ateliers).

(Hh40/12h30) Pistes de revendications et d'action (Guide: Collection de positions syndicales et de groupes de femmes en Europe et ici

Indiquer liste de restaurants (prêts à recevoir des groupes).

14h30

/15h30

Synthèse et propositions

C'est vrai que le Québec est en retard sur l'utilisation de l'ordinateur à l'école mais il y a plus grave encore:

On achète des machines mais on a oublié les enseignant-e-s:

Sans politique d'ensemble dans ce domaine, le Québec va devenir une société de plus en plus colonisée économiquement et culturellement, et l'impact des nouvelles technologies risque d'être plus négatif que positif.

L'utilisation de l'ordinateur en enseignement (EAO) ne doit cependant pas être rejetée car elle représente un outil très valable d'éducation, de formation, de recyclage et de rattrapage. Toutefois, autant la conception que l'utilisation et l'implantation doivent être faites par les pédagogues et non leur être imposées.

Comme tout est encore à faire, il est encore possible pour les agents concernés (enseignant-e-s travailleurs/travailleuses, syndicats, éducateurs et éducatrices d'adultes) en s'organisant de négocier, de revendiquer et de participer à l'élaboration d'une politique d'ensemble.

Voir pistes de travail aux pages 28 à 31.

COLLOQUE "ROBOT OU REBELLE" : TÉLÉMATIQUE ET EDUCATION

Points saillants du dossier

Si l'on se base sur les déclarations des ministres et sur ce que rapporte les médias, la question de l'informatique à l'école se ramène à deux dimensions au Québec.

  1. Le nombre d'ordinateurs dans les écoles et le retard du Québec sur ce plan;
  2. La pénurie de spécialistes en informatique.

Le problème est cependant beaucoup plus complexe. En fait le système d'enseignement constitue un des pivots importants du processus général d'informatisation de la société. Car à l'école est dévolu le rôle de:

Pour que l'école réponde à l'ensemble de ces défis qui engagent l'ave nir de notre société, il faut faire des choix politiques cohérents en concertation avec les principaux agents concernés. On est loin au Que bec d'une telle politique; la seule décision annoncée consiste à dote les écoles de deux ordinateurs.

PRESENCES(SUITES)

L'ÉDUCATION ET LA NOUVELLE TECHNOLOGIE UN CHOIX DE SOCIÉTÉ? (Version préliminaire)

INTRODUCTION

Séminaire après colloque, émission après émission, rares sont les semaines, pour ne pas dire les jours (si l'on compte les articles dans les quotidiens) où l'on ne parle pas de télématique et plus précisément de télématique et de microtechnologie en éducation.

Le processus d'informatisation de la société dépend nécessairement en grande partie du système d'enseignement. L'émergence de nouvelles disciplines, la transformation même des emplois, engendrent de nouveaux besoins de formation et de recyclage. A l'école est aussi dévolu le rôle très important d'initier les jeunes et les adultes à l'utilisation de l'ordinateur comme outil d'action et d'apprentissage.

Or, lorsque l'on parle de l'implantation de la microtechnologie, il ne s'agit plus simplement d'un changement de techniques mais plutôt d'un changement global de société et, s'il n'est pas question de refuser complètement cette nouvelle technologie, il nous faut toutefois préparer les conditions qui permettront aux individus et à la collectivité la maîtrise complète de ces changements.

Actuellement, ce sont les multinationales étrangères qui, par le biais de l'industrie privée proposent (ou imposent?) ces changements technologiques et il faut bien admettre que le Québec, à cause de ses structures industrielles particulières n'a aucune chance de se mesurer d'égal à égal à ces multinationales.

S'il est difficile pour le Québec d'espérer rivaliser avec les Etats-Unis et le Japon sur le plan du développement de l'industrie du matériel informatique, il est toutefois impérieux pour l'avenir de notre société que la définition du contenu et le contenu même que véhiculeront ces nouvelles technologies, ainsi que la façon dont elles seront implantées et utilisées (en particulier dans le domaine de l'éducation) soient le résultat de la réflexion et des volontés qui auront été exprimées ici et ce, non pas uniquement par les experts techniques, économiques et politiques mais par l'ensemble des acteurs sociaux.

AUCUNE POLITIQUE POUR MAITRISER LA TECHNOLOGIE

Actuellement, on assiste au Québec à une implantation incohérente de la technologie micro-électronique qui ne tient aucun compte des conséquences sociales et culturelles pour la population en général. Cette implantation est surtout visible dans le secteur de la bureautique alors que dans le secteur industriel on la confond encore avec la mécanisation du travail au lieu de l'identifier clairement comme robotique.

Aucune planification publique précise n'a prévu jusqu'à maintenant la mise en oeuvre de programmes de recyclage des travailleuses et travailleurs touché-e-s par ces changements technologiques. Pour l'instant les grandes boîtes assurent elles-mêmes le recyclage de leurs employé-e-s et la PME recrute du personnel formé surtout par le secteur de l'enseignement privé.

Les conclusions du Rapport Jean (février 1982) en matière de formation professionnelle pour les adultes dans le domaine de la microtechnologie restent malheureusement encore vraies:

Toutefois, depuis la parution de ce rapport (mais sans rapport avec lui) on a assisté à une certaine sensibilisation au MEQ. Un semblant d'ébauche de politique semble en cours si on se fie aux déclarations faites au Devoir le 28 décembre 1982 par le ministre à la Science et technologie, monsieur Gilbert Paquette.

Le fédéral qui intervient de plus en plus en matière de formation professionnelle a décidé de consacrer la plus grande partie des budgets de formation aux disciplines dites "de pointe". Ces décisions ne découlent cependant aucunement d'une politique d'ensemble de formation et de recyclage des adultes adaptée aux transformations technologiques.

LE ROLE DES ENSEIGNANTS?

Dans le corps enseignant du Québec il n'y a, pour l'instant, que relativement peu d'enseignant-e-s réellement sensibilisé-e-s à l'implantation de ces nouvelles technologies et en même temps capables de les utiliser. Certain-e-s, se référant à l'expérience des techniques audiovisuelles, superbement loupée à cause du manque d'information et de formation, sont porté-e-s à bouder ce processus. D'autres s'inquiètent surtout du réaménagement de là charge de travail et de la suppression de postes découlant de ces nouvelles technologies. Une certaine résistance aux changements est certainement compréhensible de la part des enseignant-e-s qui, depuis 25 ans, ont dû s'adapter à une succession ininterrompue de réformes et de nouvelles techniques d'enseignement. Enfin, d'autres sont tellement fasciné-e-s par ce nouvel outil qu'ils et elles ont investi argent personnel et temps de loisir pour apprendre à le manipuler. Puis,souvent par des moyens non académiques, ils et elles ont réussi à faire entrer un micro-ordinateur dans leur établissement où, à force d'opiniâtreté et d'enthousiasme, ils et elles ont intéressé d'autres professeurs et... et les choses en sont restées là.

Puisque il n'existe aucune politique syndicale d'ensemble (CEQ-CSNFTQ) sur le sujet (ce qui est grave), il est donc urgent que les syndicats dans l'enseignement s'impliquent dans ce dossier et participent à l'élaboration de nouvelles politiques en matière d'éducation et d'informatique. Les enjeux de ce dossier dépassent très largement le nombre d'ordinateurs que l'on installera dans les écoles...; ils sont à la fois politiques, économiques, culturels, sociaux et syndicaux, c'est ce que nous tenterons de démontrer dans ce document.

Ce "virage technologique" comme se plaît à l'appeler le gouvernement va être tellement déterminant et lourd de conséquences pour tous les aspects futurs de la vie de tout un chacun qu'il doit absolument être négocié quand au rythme de son implantation et au type d'utilisation que l'on veut en faire.

ÉDUCATION ET MICROTECHNOLOGIE A L'ETRANGER ET AU CANADA

Si l'utilisation de la microtechnologie en enseignement est relativement récente et peu répandue au Québec, d'autres pays l'utilisent déjà depuis plusieurs années. Chaque pays a procédé de façon différente et jusqu'à maintenant les diverses expériences n'ont pas encore fait l'objet d'un bilan sérieux. La France a sans doute été le premier pays à tenter une implantation générale sur tout son territoire alors qu'aux Etats-Unis chaque Etat a choisi son temps et ses moyens comme c'est d'ailleurs le cas dans les provinces canadiennes.

EN FRANCE,l'expérience a commencé en 1970 par l'équipement en miniordinateurs de 58 lycées. Cette expérience a été interrompue six ans plus tard. On ne dresse aucun bilan. Deux ans après avec l'apparition des micro-ordinateurs (moins chers à l'achat) on repart l'expérience "10,000 micros".

A notre connaissance, on n'utilise aucun cours magistral programmé mais on se sert de l'ordinateur en EAO (enseignement assisté par ordinateur) en particulier en grammaire, langues et sciences.

L'enseignement de l'informatique est maintenant obligatoire en France au secondaire à partir de la quatrième (qui correspond à notre Secondaire III) à raison d'lh30 par semaine ce qui en fait une discipline de base.

AUX ETATS-UNISc'est aussi l'EAO qui représente la forme d'utilisation la plus répandue de la microtechnologie en éducation.

On l'emploie beaucoup plus au secondaire qu'au primaire où il sert cependant à l'enseignement de l'arithmétique, de la grammaire et de la lecture. Au secondaire, une recherche publiée en '76 par l'Institute for Research rapporte qu'en 1975, 22% des écoles secondaires utilisaient l'ordinateur pour des travaux reliés à l'acquisition des connaissances.

Parallèlement l'industrie privée crée plusieurs grands réseaux accessibles aux enseignant-e-s dont les plus connus sont:

A souligner que l'implantation de l'EAO aux USA est tellement générale qu'il existe des colonies de vacances "informatique", des centres de familiarisation à l'informatique dans les bibliothèques publiques et même des camions-remorques itinérants qui vont d'une école à l'autre et invitent élèves et professeurs à se familiariser avec les micro-ordinateurs.

AU CANADA

L'Ontario est certainement la province canadienne où on utilise le plus largement le micro-ordinateur en éducation: 72% des écoles en possèdent un. L'objectif du MEO (ministère de l'Education de l'Ontario) est d'en avoir 40,000 d'ici deux ans. Il vient de voter à cette fin un budget de 2$ millions.

Pour assurer une certaine homogénéité dans tout le système d'éducation, le MEO et l'industrie privée ont mis au point un Castor bionique (interface) qui peut s'adapter à n'importe quel type d'ordinateur. La mise en place de cet interface est en train de se faire.

En 10e année, on enseigne à tous les élèves les principes de traitement de données en informatique. Ces cours se poursuivent en 11e et 12e années. Cet enseignement s'avère tellement bon que l'université Waterloo a dû reformuler ses cours d'informatique parce que les étudiants qui arrivaient du secondaire avaient une connaissance et une pratique de l'ordinateur qui rendaient les cours universitaires dépassés.

Cinq autres provinces utilisent aussi assez largement le micro-ordinateur en enseignement. Certaines, comme la Colombie-Britannique, se servent de didacticiels américains (entente avec le Minnesota Educational Computing Consortium). D'autres (Saskatchewan et Alberta) commencent les cours d'initiation à l'informatique en 10e année alors que le gouvernement du Nouveau-Brunswick (qui possède déjà 500 ordinateurs pour les écoles) vient de débloquer un million de dollars pour l'achat de nouveau matériel.

QUELQUES CONSTATATIONS

Ce qui ressort de ce très bref inventaire c'est que la nécessaire mise en place de périodes d'expérimentation ne peut en aucun cas tenir lieu de politique.

En France, le ministère de l'Education nationale a assuré la formation des professeurs destinés à l'enseignement de l'informatique en préalable à toute expérience (que ce soit celle des "58 lycées" ou des "10,000 micros").

Cette préoccupation semble aussi être celle de l'Ontario où un programme de formation des enseignant-e-s à l'utilisation de l'ordinateur commencera à être diffusé sur le réseau de TV Ontario et de l'Alberta où deux cours pour la formation en informatique des enseignant-e-s et des administrateurs/administratrices en fonction sont donnés à l'université de Calgary alors que des ateliers d'initiation sont donnés à Edmonton.

En France encore, (seul pays où l'État ait autant pris les choses en main) le ministère de l'Education nationale a créé un Langage Spécial pour l'Education (LSE) (dont le Castor bionique de l'Ontario pourrait être un vague cousin) et une bibliothèque de didacticiels. Les deux

grands syndicats nationaux d'enseignant-e-s français-es,le SNES (Syndicat national des enseignants du second degré classique, moderne et technique) et la FEN (Fédération de l'éducation nationale), répondent oui à l'implantation de la microtechnologie mais demandent fermement que l'Education nationale garde l'entière maîtrise de la production, du stockage et de la gestion des logiciels et banques de données à fins éducatives afin d'éviter tout bricolage pédagogique.

Les enseignant-e-s français-es souhaitent d'ailleurs très fortement la création d'un Certificat d'aptitude professionnelle en enseignement supérieur (CAPES) et d'une Agrégation en informatique.

Aux États-Unis, c'est l'industrie privée qui impose sa loi et les enseignant-e-s dans l'ensemble se disent très insatisfait-e-s du contenu des didacticiels dont ils disposent.

En Ontario les syndicats d'enseignant-e-s sont consultés sur les politiques d'implantation et d'utilisation de la microtechnologie en éducation.

De ces expériences d'utilisation de l'informatique en éducation réalisées ailleurs on peut conclure qu'il existe au moins 3 conditions préalables à l'implantation des nouvelles technologies dans l'enseignement:

De plus, on constate qu'en général on s'oriente surtout vers l'utilisation de l'ordinateur en EAO et non pour la transmission de cours magistraux programmés.

PORTRAIT ACTUEL AU QUÉBEC

Au Québec on est à la fois loin et proche de ce qui se fait ailleurs. Loin dans le sens où il existe très peu de choses concrètes dans ce domaine. On n'arrive même pas à trouver de façon certaine le nombre de micro-ordinateurs utilisés dans les écoles: suivant certains, il y en aurait 388 dont seulement 120 du côté francophone, suivant d'autres 600, répartis de la façon suivante: 90 du côté francophone et 510 du côté anglophone.

Proche parce qu'ici aussi on semble s'orienter vers l'utilisation du micro-ordinateur en EAO soit pour de la simulation, soit pour des exercices répétitifs plutôt que vers des cours magistraux programmés. On semble aussi vouloir faire de l'enseignement de l'informatique un enseignement de base.

RATTRAPER LE RETARD A TOUT PRIX ?

Le ministre à la Science et Technologie, Gilbert Paquette, annonçait fin décembre '82 dans Le Devoir plusieurs projets de son ministère:

Le recyclage des professeurs ne paraît poser aucun problème particulier au ministre qui pense l'université du Québec outillée pour le faire. Or, pas plus à l'UQAM que dans les autres universités on ne dispose d'un programme de formation des maîtres en informatique. Tout au plus, le département des Sciences de l'Education offre-t-il, à la demande de certains modules, deux cours intitulés "Enseignement automatisé". Ce département comme celui de la faculté de l'Education de McGill fait aussi des démonstrations sur demande dans les écoles. McGill assure en plus la formation des enseignant-e-s des écoles anglophones qui en font la demande.

L'université de Montréal est en train de mettre sur pied un projet de développement de l'informatique dans lequel le recyclage des professeurs est prévu mais il n'y a rien de concret actuellement.

A l'UQAM le département des Sciences de l'Education offrira en 1984 un certificat pour l'utilisation pédagogique de l'ordinateur.

Jusqu'à présent la seule formation dont disposent les enseignant-e-s est le cours de Télé-Université "L'informatique c'est pas sorcier".

Quelques privilégiés (une trentaine de professeurs en tout) ont suivi des cours intensifs donnés par le Service de l'éducation des adultes du Cégep de Chicoutimi. Ces professeurs enseignaient les Techniques commerciales et de secrétariat au secondaire. Ils ont suivi un cours d'initiation au traitement de textes et certains un cours d'initiation au traitement de données. Leurs cours étaient payés par leurs commissions scolaires pour certain-e-s et par l'université du Québec à Chicoutimi et les fonds de perfectionnement pour d'autres.

LES EXPERIENCES EN COURS AU QUÉBEC

Au primaire

Actuellement il n'existe pratiquement rien au Québec au niveau primaire. Des quelques expériences, signalons l'une réussie à l'École Père Vimont qui utilisait le micro-ordinateur en EAO. D'après son responsable, Denis Courtemanche, les élèves qui avaient obtenu 20% lors de pré-tests sans utilisation de l'ordinateur ont atteint 80% en utilisant l'ordinateur pour des tests équivalents.

Au secondaire

C'est dans les cours Sec. IV et V que l'on trouve la principale introduction à l'ordinateur et à la programmation. Ce cours "ILP" est expérimental depuis ... 10 ans !

On trouve aussi beaucoup d'informatique en laboratoire de maths à partir de Sec. III et si l'on ajoute une vingtaine d'utilisations en activités para-scolaires (jeux) et quelques essais de modules de récupération ou de simulation illustrative on a fait le tour de ce qui est offert aux étudiant-e-s.

A Mille-Iles un groupe de professeurs a mis sur pied en collaboration avec la DGME (Direction générale des moyens d'enseignement) un laboratoire de télématique où l'on crée des pages en utilisant le système Télidon et un Apple II. Il s'agit dans l'ensemble d'apprendre aux élèves non seulement à utiliser le micro-ordinateur en interactif (question/réponse) mais aussi à monter leurs propres programmes en apprenant la logique de fonctionnement de l'appareil. Plusieurs petits didacticiels ont été créés dans cette école (Didacticiel sur le coeur en biologie) mais leur diffusion est très restreinte (le labo) car même s'il s'agit de télématique, le système n'est pas relié à un grand réseau.

En tout, une centaine d'enseignant-e-s au primaire et au secondaire sont impliqué-e-s dans un type d'enseignement qui, de près ou de loin, a à faire avec la microtechnologie. Environ un millier d'autres (venant presque tous du secteur mathématiques) ont suivi les cours PERMAMA (perfectionnement des maîtres en mathématiques),en LOGO (langage primaire en informatique). Cette formation est très restreinte.

Du côté anglophone, l'implantation de la microtechnologie est beaucoup plus avancée. C'est ainsi que dans la région de Montréal, 26 écoles primaires assurent déjà à leurs élèves une introduction au micro-ordinateur avec le langage LOGO et leur offrent diverses autres activités comme des jeux ou de la simulation.

Au Secondaire on utilise très largement le micro-ordinateur (toujours avec un langage LOGO) en mathématiques et géométrie et pour des exercices en mathématiques et sciences. D'autre part, on offre à tous les étudiant-e-s un apprentissage des langages informatiques en Basic, Cobol et Fortran.

Enseignement professionnel

Au niveau collégial, il existe peu de cours assistés par ordinateur. Chaque collège possède cependant des mini ou des micro-ordinateurs (pas en grand nombre malheureusement) mais ils sont la plupart du temps surchargés par la gestion du dossier étudiant (horaires individuels, présences/absences, bulletins cumulatifs, etc..) et par l'enseignement de l'informatique.

Cet enseignement a trois grandes orientations:

Ces cours,signalons-le,ne sont pas donnés sur du matériel très moderne. Déjà, en tout cas d'après le rapport d'un comité ad hoc "Gestion informatisée au service des programmes, niveau collégial" du MEQ, cet enseignement n'est plus adéquat. Ce rapport recommande la modification des cours existants, l'introduction d'un nouveau cours en informatique beaucoup plus tôt et destiné à tous et à toutes les étudiant-e-s ainsi que le déblocage de fonds pour l'achat du matériel nécessaire.

Chose plus grave, l'enseignement de certaines techniques professionnelles (par exemple: techniques de secrétariat et techniques infirmières, domaines réservés aux femmes) que l'on espère, semble-t-il, ramener au Secondaire,risque d'entraîner une réduction de la formation générale et par voie de conséquence une déqualification du métier.

A signaler au passage que, pour le moment, la plupart des expériences ont lieu dans la région de Montréal où se trouve la plus forte concentration de "quincaillerie" informatique et que ces expériences rejoignent beaucoup plus de garçons que de filles. Cela s'explique par le moindre nombre de filles dans les disciplines scientifiques dès le postsecondaire, diminution qui s'accentue quand on regarde le domaine spécifique du bacc en informatique. A l'UQAM on trouvait 20% d'étudiantes à l'automne '80, 18% à l'automne '81 et 21% à l'automne '82 avec une seule prof enseignante sur 16. Pourtant, selon le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu du Canada, 500,000 emplois (on ne sait pas sur quoi est basé ce chiffre magique) demandant une formation en mathématiques et en sciences et ayant tous un rapport avec la microtechnologie, se seront développés au Canada d'ici 1990.2

L'éducation des adultes

Le secteur de l'éducation des adultes est le plus directement et aussi le plus immédiatement touché puisque il lui faut répondre dans l'immédiat aux besoins de recyclage et de formation des travailleurs et travailleuses atteint-e-s par les changements technologiques.

Malheureusement il ne dispose ni des ressources matérielles ni des ressources humaines pour répondre à ses besoins. Toutes les analyses canadiennes portant sur la révolution micro-électronique mettent l'accent sur l'importance de développer des programmes adéquats de formation et de recyclage pour être en mesure de faire face aux mutations technologiques.

"C'est un effort de recyclage qui permettrait de remédier au chômage structurel de la plupart des travailleurs. Les programmes pertinents qui coûteront des milliards de dollars exigeront un réaménagement des priorités de l'administration. En définitive, il est fort possible que le pays doive consacrer jusqu'à 5% de son PNB à un effort constant de recyclage et de transfert de la main-d'oeuvre".3

On assiste actuellement à une explosion de la demande de recyclage en informatique de la part des adultes. Cependant, les structures actuelles d'éducation des adultes sont loin d'être en mesure de répondre à ces besoins. De plus, les cours que l'on trouve en éducation des adultes tant ceux qui correspondent au secondaire que ceux du niveau collégial sont essentiellement des cours de spécialité et des cours de langages informatiques. Voici donc une liste très rapide de ces cours disponibles:

Au niveau secondaire et collégial:

système d'entrée des données, opération de terminal, traitement de texte, l'électrotechnique et l'informatique

(Voir Annexe II pour plus de détails)

Actuellement, le recyclage de la main-d'oeuvre est principalement assuré par les entreprises qui s'adressent tantôt aux fabricants tantôt aux collèges privés. Ces derniers semblent d'ailleurs avoir réagi plus rapidement que le secteur public et ils y ont vu un marché intéressant.

Pour occuper ce marché ils ont improvisé, souvent très rapidement, des cours en traitement de texte. Ces cours, dans la majorité des cas, forment une main-d'oeuvre captive par un recyclage souvent limité à un simple entraînement à utiliser une machine sans permettre aucune autonomie ni aucun contrôle sur le contenu même du travail.

Cette réalité contraste avec les énoncés de principe que l'on trouve dans les documents officiels, déclarations qui affirment la nécessité d'une formation polyvalente solide pour être en mesure de s'adapter à une société en continuel changement. 4

"... contrairement aux discours les plus courants, la PME n'exige pas des technicien-ne-s qu'elle engage un haut degré de spécialisation; elle a besoin d'un personnel technique polyvalent, capable de s'adapter à des situations variées, autrement dit, d'un personnel technique qui aurait, au sortir des institutions scolaires, une solide formation de base".

Ces constatations expliquent sans doute l'hypothèse du rapport Pitre (Comité industriel du comité pédagogique du programme informatique) qui souhaite la création d'un cours en "administratique" comprenant 60% d'informatique et 40% d'administration, afin de répondre aux besoins de la PME.

Seules trois universités (UQAM, Concordia et Université de Montréal) offrent des certificats en informatique à l'éducation permanente. Les autres universités, sauf Sherbrooke qui n'offre qu'un premier degré et McGill qui va jusqu'au doctorat,offrent toutes des bacc et une maîtrise en informatique.

Il semblerait donc qu'au moment où tout le monde s'accorde à dire que les ordinateurs vont envahir les écoles et le monde du travail, les programmes de formation professionnelle doivent presque tous être révisés pour faire face aux nouvelles réalités du travail d'une part et que, d'autre part, on ait oublié les principaux acteurs et actrices de la mise en oeuvre de ces projets: les enseignant-e-s. En effet, il n'y a actuellement aucune politique ou stratégie cohérente de recyclage des enseignant-e-s.

LES GRANDES QUESTIONS POSÉES PAR LA MICROTECHNOLOGIE EN MILIEU ÉDUCATIF

Après avoir fait ce tour d'horizon sur l'état d'informatisation de notre système d'enseignement, nous allons maintenant analyser plus en profondeur comment l'informatique va modifier l'organisation et le contenu même de l'enseignement. L'analyse de l'impact de la microtechnologie dans l'enseignement est complexe puisque l'informatique est à la fois un outil d'enseignement, une matière à enseigner. Par ailleurs, la microtechnologie en transformant la nature des emplois en général, amène à réviser l'ensemble des programmes de formation professionnelle.

Actuellement, il n'existe nulle part une évaluation réelle de l'enseignement DE et PAR les nouvelles technologies. Or, une technologie qu'elle soit de pointe ou pas, est et restera une technique. Seuls son développement, son utilisation et tout son processus d'implantation peuvent en faire un outil positif ou négatif. Pour le moment, ce sont les grands fabricants qui imposent les règles d'utilisation. Il faut donc craindre leur mainmise sur les contenus d'enseignement.

Déjà familiarisé avec l'informatique outil de gestion administrative, le corps enseignant va donc devoir réagir au phénomène de la microtechnologie dans des secteurs différents et pourtant étroitement imbriqués.

L'émergence de nouvelles disciplines à enseigner semble logiquement devoir être abordée la première puisque d'une part les professeurs qui enseignent en informatique sont les premier-e-s touché-e-s par ce chamboulement et que, de leur enseignement dépend,en partie, la façon dont les travailleurs et travailleuses seront recyclé-e-s et les étudiant-e-s préparé-e-s au monde du travail.

L'ENSEIGNEMENT DE L'INFORMATIQUE

Jusqu'à maintenant, l'informatique n'a pas été enseignée en tant que discipline distincte comme le sont par exemple la grammaire ou la biologie. On l'a d'abord rattachée aux mathématiques puis on en a plus ou moins fait un complément d'autres disciplines (ex. sociologie) pour permettre aux étudiant-e-s de faire des statistiques ou des recherches en utilisant l'ordinateur.

Lorsque l'on parle ici de la discipline informatique, il s'agit essentiellement de considérer l'informatique comme une matière distincte que l'on doit enseigner au même titre que l'histoire, la géographie ou la langue maternelle dès le début des études. Enseignement qui sera poursuivi tout au long de la scolarité du primaire au secondaire puis au collégial et enfin, si l'étudiant-e veut se spécialiser, à l'université.

Choix d'appareils et de contenu

Ceci implique évidemment une uniformisation du langage employé dans cette discipline, ou l'utilisation d'un interface (le même dans tout le système d'éducation) de façon à ce qu'un-e étudiant-e qui change d'école ne soit pas obligé-e de recommencer à zéro chaque fois.

Que va-t-il se passer si, comme le disait le ministre à la Science et Technologie, Gilbert Paquette,5 chaque commission scolaire achète d'abord son ou ses micro-ordinateurs sans qu'il y ait aucun consensus sur le type d'appareils et le langage à choisir?

Cela implique-t-il que le ministère de l'Éducation mettrait sur pied des cours différents permettant l'accès à n'importe quel type d'appareils ou qu'il fabriquerait de concert avec l'industrie privée (comme en Ontario) un interface qui assurerait l'homogénéité du système d'éducation québécois? ou encore qu'il envisage d'adopter le Castor bionique ontarien...

D'autre part, l'évolution très rapide de toute la microtechnologie signifie que cet enseignement doit rester très souple et doit pouvoir s'adapter à toute nouvelle découverte. Cela implique aussi, en termes de matériel, qu'il faut tenir compte de l'obsolescence (désuétude planifiée) de celui-ci. Si ces conditions ne sont pas respectées, l'école risque très vite d'être dépassée et tout ce qui s'appelle recyclage et formation professionnelle complètement inutile sur le marché du travail.

Questions sans réponse pour l'instant mais très importantes car chaque machine implique un type de fonctionnement différent, un langage différent et donc une logique de pensée différente. Faute de concertation entre le ministère de l'Education, celui de la Science et Technologie et le corps enseignant, on va se faire imposer par les fabricants de matériels un mode de pensée pédagogique.

Quels métiers en informatique?

Que va-t-il enfin se passer dans le domaine de la formation professionnelle, là où, à cause de la rapidité d'implantation des nouvelles technologies dans le monde du travail, il faut réagir très vite? Là où, en ce moment même, les enseignant-e-s sont directement impliqué-e-s dans l'enseignement des nouvelles technologies et complètement isolé-e-s car ils et elles n'ont d'autre alternative que subir ne pouvant négocier quoi que ce soit puisque le dialogue n'est même pas engagé? Situation urgente si l'on veut éviter que, dans l'attente d'une réforme globale du système d'enseignement, ce secteur ne soit "colonisé", par l'industrie privée.

En éducation des adultes, si l'on examine les documents du ministère de l'Emploi et de l'Immigration du Canada "Les compétences de demain", "Carrières Canada" et le document 4 "Professions dans l'informatique", on voit que les cours offerts mènent à deux groupes de professions:

le premier groupe s'occupant de l'exploitation, le second de l'implantation des systèmes. Un troisième groupe se formant à partir des deux autres: celui des spécialistes en formation. (A signaler que tous ces métiers sont présentés au masculin dans les brochures gouvernementales).

Si l'on compare ces données au "Guide Source" qui donne une liste provisoire et une description complète des professions désignées d'importance nationale et dans lesquelles il y a pénurie de main-d'oeuvre, on s'aperçoit que seules CINQ professions sur CINQUANTE demandent, dans leur description,une pratique de l'informatique!

Les universités actuellement ne sont pas en mesure de former les ingénieurs et informaticien-ne-s spécialisé-e-s dont ont besoin les industries de l'informatique. On doit faire venir les grands spécialistes de l'étranger ou ce qui se fait le plus souvent, on envoie du personnel d'ici se former à l'étranger.

Les professeurs destinés à enseigner cette nouvelle discipline doivent eux aussi aller chercher leur formation à l'étranger, en France ou aux États-Unis ou encore chez les grands fabricants et d'une manière plus ou moins autodidacte. De plus en admettant que le Québec dispose de gens suffisamment compétents pour assurer cette formation, débloquera-t-il les budgets suffisants et nécessaires pour que cette formation soit assurée avec des conditions maximales de réussite?

L'absence des femmes

Autre facteur alarmant dans un domaine où les femmes sont particulièrement visées: il y a très peu de femmes actuellement ayant les qualifications nécessaires pour enseigner l'informatique et tout aussi peu en cours d'études. Or, si l'on veut bien se souvenir

QUE tous les documents du fédéral touchant les professions de l'informatique sont rédigés avec la plus grande constance au masculin;

QUE le secteur industriel de produits électroniques au Québec est de plus en plus informatisé et ne générera pas assez d'emplois pour compenser les pertes provoquées par la robotisation6 et que, de plus, ce marché est déjà très bien occupé par les Américains et les Japonais;

QUE les offres d'emplois pour le secteur de la microtechnologie touchent surtout les spécialistes (ingénieurs de systèmes, programmeurs-analystes, créateurs de logiciels) et les technicien-ne-s de service;7

QUE, malgré une liste d'attente de deux ans pour le cours de programmateur-analyste donné par Main-d'oeuvre Canada, seulement 43% des finissants du cours '80-'81 ont trouvé un emploi connexe après six mois;

Dans ces conditions, il faut alors se demander ce que deviendront tous ceux et celles qui se spécialiseront en informatique... et aussi qui, des hommes ou des femmes, l'on choisira de spécialiser.

Quelles que soient les réponses aux questions qui peuvent se poser, l'informatique peut cependant devenir un outil intéressant d'enseignement, à condition cependant de respecter certaines conditions (nous y reviendrons plus loin).

L'INFORMATIQUE, OUTIL D'ENSEIGNEMENT

Dans un avenir très rapproché, l'ordinateur risque d'être utilisé dans l'enseignement au même titre que le livre ou le cahier d'exercices. L'ordinateur, semble-t-il, va moins servir à transmettre des cours qu'à faciliter aux étudiant-e-s l'apprentissage autonome des principes et règles de base inhérents à chaque matière. Le ministère de l'Education retient cinq grands types d'usages possibles de l'ordinateur dans l'enseignement:8

1.Exercices (drill and practice)

L'ordinateur sert de répétiteur. "L'enseignant le programme avec une série d'exercices que la machine répétera et corrigera jusqu'à ce que l'étudiant maîtrise l'habilité afférente".

2.Mode tutoriel

Dans ce cas, "l'ordinateur présente lui-même le contenu d'apprentissage. Cette utilisation s'apparente à l'enseignement programmé".

3.La simulation

L'ordinateur sert ici de simulateur "par exemple, en génétique on peut simuler l'évolution des populations dans un temps donné en fonction de certaines variables. L'étudiant pourra, par ce biais, être amené à découvrir les lois de Mendel".

4.Jeux éducatifs

Tout ce qui est matériel didactique servant de renforcement pour l'acquisition de connaissances ou d'habiletés.

5.Tableau électronique

L'ordinateur sert ici de tableau animé permettant à l'enseignant de mieux illustrer la dynamique de certains concepts abstraits. Exemple: un programme montrant des ondes en mouvement.

Des avantages mais...

Pour les étudiants

Il semble que la motivation des étudiant-e-s soit meilleurs. Ils et elles n'ont plus à se préoccuper de faire plusieurs fois la même erreur puisque "seul leur ordinateur le sait". Ils et elles vont à leur propre rythme et apprennent par déduction et expérimentation au lieu de mémoriser.

"Je ne sais, bien sûr, pas comment les élèves me perçoivent exactement. Mais ce qui est sûr, c'est que leur comportement n'est pas le même pendant un cours traditionnel et une séance ici (en laboratoire de télématique). En salle d'informatique, ils sont beaucoup plus actifs, ils travaillent à leur rythme de façon infiniment plus personnelle".9

La relation enseignant-e/élève va se transformer en une relation à trois dans laquelle intervient le micro-ordinateur. Il faut se demander quelles seront les conséquences entre humains de la relation que chacun d'eux aura avec une machine (aux États-Unis certains enfants traitent l'ordinateur de maison comme un membre de la famille allant même jusqu'à embrasser l'écran du terminal avant d'aller se coucher!).

Il y a cependant des aspects négatifs dont un, des plus importants, selon des enseignants belges, est que

"L'EAO risque de renforcer certains aspects traditionnels de l'enseignement que la plupart des pédagogues sont d'accord pour condamner: passivité devant le savoir magistral, absence d'esprit critique, consommation de produits pédagogiques "prêt à porter".10

Pour l'éducation des adultes

C'est dans le domaine de l'éducation que la microtechnologie et la télématique peuvent rendre les plus grands services. Si idéalement, chacun pouvait disposer chez soi d'un micro-ordinateur relié à différentes banques de cours et de données, le recyclage et l'éducat ion permanente deviendraient réalité au plein sens du terme.

Malheureusement on en est loin encore et pour longtemps. Même si le prix des micro-ordinateurs baisse régulièrement, il en coûte au minimum 40$ par mois pour être branché sur un système et, à partir de là, on paie chaque information, un peu comme l'on paie les communications interurbaines quand on utilise le téléphone, mais beaucoup plus cher.

Pourtant, en utilisant toutes les possibilités de simulation d'un micro-ordinateur, l'éducation permanente répondrait certainement à de nombreux besoins de formation. Rien, actuellement, ne prouve que les gouvernements pensent à utiliser la microtechnologie pour la formation des adultes en-dehors de la formation donnée pour les métiers qui touchent de près à l'informatique.

Le manque de planification d'une part et la difficulté financière que représente l'achat personnel d'un micro-ordinateur vont sans aucun doute accentuer les différences entre ceux disposant de moyens financiers relativement importants leur permettant de se servir de la nouvelle technologie à la fois dans la vie privée et dans la vie professionnelle et les autres qui n'auront pas la possibilité d'utiliser l'ordinateur comme outil pour se perfectionner.

Pour les handicapé-e-s

De par sa possibilité de répéter inlassablement le même exercice ou la même question, le micro-ordinateur peut-être un outil privilégié pour les handicapé-e-s, à partir du moment où ceux-ci comprennent de quelle façon mettre le processus en marche.

Shirley McNaughton, membre du personnel du Ontario Crippled Children's Centre à Toronto, membre d'une équipe qui mène une recherche sur l'utilisation de l'ordinateur en éducation spéciale explique que le système des ordinateurs donne à l'enfant handicapé:

"L'occasion de faire ce que nous faisons; il est le prolongement de son corps et de son intelligence. C'est la dernière étape de notre enseignement, l'aider à communiquer de façon indépendante sur les plans professionnel, éducationnel et récréatif".11

A Paris, le Centre scientifique d'IBM aide les enfants sourds à apprendre à parler de façon compréhensible grâce à une combinaison de lecture sur les lèvres et d'indications fournies par un ordinateur. Dans un projet connexe, on étudie la possibilité d'aider les enfants sourds à parler en leur donnant des images visuelles des sons qu'ils émettent et de ceux qu'émettent leurs professeurs.12

Au Québec, la Commission scolaire de Port-Cartier utilise depuis plusieurs années des programmes d'informatique pour l'enseignement aux handicapé-e-s.

Modifications du rôle de l'enseignant-e

Si l'ordinateur ne risque pas à court terme de prendre la place des enseignant-e-s, il va cependant contribuer à transformer de façon majeure leur tâche. Le système d'enseignement basé sur la relation tutoriale va être complètement à repenser. En utilisant l'EAO, l'enseignant-e va déléguer une partie de ses activités pédagogiques à l'ordinateur par le biais d'un didacticiel.13

Si pour l'élève il ne s'agira que d'un apprentissage de plus à intégrer, pour l'enseignant-e par contre ce mode d'enseignement demandera une reformulation complète du cheminement de la pensée qui doit devenir très rigoureux, strict et précis car, ainsi que l'explique un pédagogue français :

"L'informatique modifie notre façon de représenter les phénomènes qu'ils soient physiques, économiques, linguistiques, biologiques ou autres... Elle intéresse pratiquement tous les domaines de la connaissance scientifique et littéraire. Mais l'usage de l'ordinateur impose un langage propre, une façon propre de poser les problèmes et de les résoudre, fort différente des procédés classiques. Etant donné la multiplicité des applications, les utilisateurs ne peuvent se contenter d'une informatique "transparente" presse-bouton, il leur faut comprendre et le plus souvent programmer eux-mêmes, donc devenir un peu des informaticiens, comme ils étaient souvent devenus un peu mathématiciens. Comme les mathématiques, l'informatique est devenue une discipline carrefour".14

En général les enseignant-e-s ne seront pas en mesure de créer eux-mêmes leur didacticiel, car il s'agit d'un travail très complexe qui exige d'être à la fois informaticien-ne et pédagogue (nous y reviendrons plus loin). Dans le meilleur des cas on va recruter les rédacteurs et rédactrices de didacticiels dans le corps enseignant (ce qui est loin d'être certain) et ainsi on va assister à une division du travail des enseignant-e-s en deux tâches distinctes: les créateurs et créatrices de didacticiels et les utilisateurs et utilisatrices enseignant-e-s. Ces dernier-e-s risquent de perdre un certain contrôle sur le contenu de l'enseignement. En effet si l'enseignant-e utilisateur ne maîtrise pas lui-même ou elle-même l'outil informatique, il ou elle va dépendre de la machine au lieu de pouvoir l'utiliser comme un complément à son enseignement.

Le rôle d'éducateur et d'éducatrice reste entier

Le rôle de l'enseignant-e, à condition qu'il ou qu'elle soit bien préparé-e, peut demeurer cependant très important. Le langage informatique étant très limité (deux cent cinquante termes à peu près) c'est à l'enseignant-e que reviendra la tâche ardue de transmettre à l'élève toute la gamme de nuances exprimée par un vocabulaire riche, pour éviter que son univers ne se rétrécisse à des oui-non, vrai ou faux, bon ou mauvais, réponses auxquelles se borne en général un micro-ordinateur même s'il le fait parfois de façon drôle. On peut prévoir que suite à l'appauvrissement de la langue découlera une pensée moins raffinée, moins nuancée, moins critique, moins créatrice et, à moyen terme, une logique très mécanique.

De plus c'est lui ou elle qui va recueillir toutes les critiques sur le contenu et l'utilisation du didacticiel tout en servant de personne-ressource à l'élève, à la fois pour les problèmes possibles de manipulation du système et pour des questions que l'élève pourrait se poser et qui n'ont pas été prévues par le créateur de didacticiels.

Déqualification

Déjà on assiste à des restructurations de programmes de formation en lien avec la réorganisation du travail qu'engendrent les changements technologiques. A la division accentuée du marché du travail entre deux types de tâches très distinctes: la conception et l'exécution, l'école va tendre à réorganiser ses programmes pour former des technicien-ne-s plus ou moins exécutant-e-s d'une part et d'autre part des personnes très hautement spécialisées et qualifiées. La réforme de l'enseignement professionnel proposée actuellement par le MEQ s'inscrit à notre avis dans cette perspective.

Le contenu des didacticiels: l'enjeu majeur

Le contenu du didacticiel est toutefois, et de beaucoup, plus important que la façon dont on va se servir de l'outil informatique. En effet, la façon dont sera conçu, créé et produit le didacticiel impliquera forcément une certaine réorientation de la pensée, un peu comme la façon de poser une question implique déjà une certaine réponse.

Les créateurs et créatrices de didacticiels utilisés en éducation doivent absolument être des pédagogues et non des informaticien-ne-s mais ces pédagogues doivent à la fois être excellents dans leur domaine, être bon informaticien-ne et se doubler d'un-e très bon-ne graphiste.

Elle-il doit être un-e bon-ne pédagogue pour concevoir son didacticiel avec tout le suivi pédagogique nécessaire et de façon à permettre à l'élève d'avoir accès à toutes les ressources du système utilisé. Si elle ou il ne le fait, ce pédagogue aura simplement résolu un problème informatique et l'élève qui aura utilisé ce système aura simplement coché des réponses sans rien avoir appris.

Elle-il doit être bon-ne informaticien-ne pour pouvoir bâtir son didacticiel dans un temps moyen (il faut 200 heures pour produire une heure de didacticiel), de façon cohérente et claire. Il lui faut aussi être bon-ne graphiste pour que les accords de couleurs et l'architecture de textes, d'espaces et de croquis soient harmonieux dans une page. Le grand danger c'est que pour le moment les enseignant-e-s n'ont pas la formation voulue pour créer de vrais didacticiels d'enseignement et que le marché de l'éducation est plus que tentant pour les fabricants.

L'industrialisation des didacticiels: une mainmise sur le système d'enseignement

Les grands fabricants sont ouverts à toutes les suggestions et prêts à bien des concessions (préliminaires) pour emporter le marché de l'éducation au Québec. AES, Control Data, Micom, IBM ont déjà entrepris un lobbying sérieux auprès du gouvernement.

Commodore aurait offert gratuitement au MEQ 600 didacticiels traduits en français par une firme de Sherbrooke. Des maisons d'édition québécoises créent un département d'édition électronique (Sogiciel, vient d'acheter les droits internationaux de publication en langue française des programmes de la Société Apple, Calif.). Sogiciel doit bientôt lancer sur le marché des programmes interactifs dont le contenu concerne plus particulièrement l'enseignement du français,des mathématiques et le développement de la réflexion. Ces programmes viennent des États-Unis et ont été traduits au Québec. D'autres entreprises, petites ou grosses (Logidisque, Computerre, ADP, Formic) se lancent dans la création de logiciels en français.

D'autre part, lors du dernier Salon du livre de Montréal, Sogiciel a lancé un concours de création d'un programme de valeur dans trois catégories; chacune dotée d'un prix de 500$ et, bien sûr, d'un contrat d'édition. Les trois catégories sont: l'utilitaire, le domaine des affaires et les jeux.

Actuellement le MEQ dispose d'un catalogue de didacticiels mais ne dispose d'aucune grille d'évaluation pour ces mêmes didacticiels. Enfin, il n'existe aucune prévision au Québec pour l'aide à la production de didacticiels bien que le sous-ministre à la Science et à la Technologie, Jean Provost croit que:

"le problème le plus aigu sera de doter ces appareils de programmes français, les didacticiels, qui sont pratiquement inexistants actuellement."15

L'absence de contrôle des enseignants et des pédagogues sur l'élaboration des didacticiels constitue une menace à la fois pour les enseignants et pour la culture québécoise, obligés de transmettre des contenus étrangers qui ne correspondent pas à notre culture; les enseignants vont se sentir de plus en plus aliénés par cette nouvelle technologie. De même il ne restera plus grand chose de la culture québécoise si l'école, à l'instar des médias, se laisse envahir par le modèle culturel américain ou peut-être de plus en plus Japonais.

CONCLUSION

Face aux nouvelles technologies, les enjeux ne résident donc pas surtout dans leur type d'application à l'école ou ailleurs mais bien davantage dans le sort réservé aux travailleurs et travailleuses en général et aux enseignant-e-s en particulier.

Que ces personnes soient:

l'implantation des nouvelles technologies quel que soit leur potentiel risque de tourner à la catastrophe si les premiers concernés ne sont pas impliqués dans l'élaboration des choix qui président à leur mise en place. Actuellement ces décisions se prennent en haut lieu et tout se passe comme si on voulait écarter systématiquement les syndicats et les enseignant-e-s de ces discussions. Rappelons que le gouvernement du Québec a carrément refusé de négocier la clause de changements technologiques (recyclage des enseignant-e-s) à la dernière table centrale de négociation.

Pistes de travail

En fait, l'implantation de la microtechnologie dans les écoles, collèges et universités signifie un tel bouleversement du système d'enseignement et prend une telle importance par rapport au marché du travail qu'il faut pratiquement reviser toutes les structures actuelles pour pouvoir négocier valablement et son contenu et son utilisation et les changements de tâches, d'horaires et de condition de travail qui en découleront.

Les grands points que nous avons pu identifier à travers ce dossier et qui devraient être étudiés avec un soin plus particulier, nous paraissent être:

Pour les enseignants

Mise en place de structures permettant une intervention et une participation réelles des enseignant-e-s dans la définition de tout ce qui a trait à ces nouvelles technologies (contenu, évaluation, implantation et diffusion). Dans ce domaine il faut faire vite puisque le MEQ affirme qu'en 1986 (dans trois ans) il y aura une implantation massive de microtechnologie dans les écoles du Québec. Faire vite ne voulant pas dire accepter n'importe quoi mais s'assurer dès maintenant de la présence et de l'efficacité des enseignant-e-s dans tous les mécanismes de décision.

Mettre en place des structures efficaces de formation et de recyclage des enseignant-e-s en les intégrant, quant aux coûts et à la décharge de tâche d'enseignant-e, dans une clause de changement technologique.

Etablir l'égalité des chances de recyclage et formation pour les enseignant-e-s comme préliminaire à toute négociation.

La création des didacticiels. L'élaboration par des pédagogues québécois de didacticiels et la participation des enseignant-e-s à l'élaboration d'une grille d'évaluation de l'ensemble des didacticiels disponibles constituent des conditions indispensables pour permettre une réelle maîtrise collective et individuelle du processus d'informatisation du système scolaire.

Maintien des postes existants pour permettre une utilisation valable de la nouvelle technologie (20 élèves par cours).

Définir très exactement la tâche et les horaires de travail ainsi que les grilles d'évaluation de la productivité de l'enseignant-e qui risquent d'être considérablement modifiés suite à l'implantation d'un nouveau système d'éducation.

Respect de la santé de l'utilisateur et de l'utilisatrice d'un terminal qu'il soit élève ou professeur (pas plus de quatre heures par jour devant l'écran).

En matière de formation professionnelle

Pour favoriser les travailleurs et travailleuses d'une plus grande autonomie, un meilleur contrôle sur le processus de travail et une plus grande capacité de s'adapter aux changements successifs, il faut assurer aux individus une formation de base la plus générale et polyvalente possible.

L'intention exprimée par le MEQ de ramener au secondaire VI et VII la majorité de cours de techniques actuellement donnés au Cégep nous apparaît aller à l'encontre du principe de la polyvalence qui semble par ailleurs faire consensus au niveau du discours officiel.

Pour l'éducation des adultes

Un rôle prioritaire pour l'éducation des adultes; outiller et préparer les adultes à maîtriser les nouvelles technologies et à participer aux décisions relativement aux choix et aux modes d'introduction de ces changements.

Le maintien des programmes de formationgénérale de base solide et polyvalente pour les adultes. Favoriser l'accès à ces programmes aux personnes peu qualifiées, déplacées par les changements technologiques.

L'accès prioritaire pour les femmes aux programmes de recyclage dans les specialisations de pointe et que, a cette fin, des mesures spéciales de rattrapage soient mise en place.

Que le recyclage aux nouvelles technologies ne soit pas limite à un simple entraînement à l'utilisation des appareils, mais comporte des explications sur la nature des changements, le fonctionnement des appareils, les transformations qui en découlent dans l'organisation du travail et les risques à la santé. Pour ce faire, les travailleurs et travailleuses doivent participer à l'élaboration de ces programmes.

Etant donné l'importance et l'ampleur que va prendre le recyclage dans le contexte des mutations technologiques, il apparaît que la formule des congés-éducation payes constitue un des moyens les plus efficaces pour assurer aux travailleurs et travailleuses un véritable accès aux programmes de recyclage, et une participation effective à l'élaboration de ces programmes.

Contenu de formation

Au-delà de l'aspect de la transmission des connaissances techniques en informatique et de l'utilisation de l'ordinateur en enseignement se pose tout le problème du contenu même de la formation. Il faut en effet s'interroger plus fondamentalement sur les choix de formation à privilégier en lien avec les choix de société.

ANNEXE I

AUTRES PROJETS AU CEGEP

A peu près partout on utilise l'ordinateur pour la correction de tests objectifs: tests de classement initial pour l'enseignement de l'anglais, langue seconde à Montmorency;système perfectionné de génération de questionnaires au hasard en sciences et mathématiques et correction de ces questionnaires à John Abbott;Laboratoire de mathématiques en interactif à Ahuntsic;Laboratoire en simulation avec traceur de courbes à Lionel Groulx et dans plusieurs autres collèges, etc...

Les Cégeps de Maisonneuve et de Saint-Jean-sur-Richelieu en collaboration avec la DGME et l'IUT (Institut universitaire de technologie de France) réalisent actuellement un didacticiel dont le but est de faciliter la compréhension des données à l'intérieur et à l'extérieur d'un microprocesseur dans un système de base (microprocesseurmémoire, entrées-sorties). D'autres projets sont en préparation dans divers autres Cégeps de la province:tantôt ils visent à la création de banques de données (Limoilou pour l'électrotechnique Alma pour l'agriculture),tantôt ils veulent expérimenter et évaluer une formation sur mesure (Gestion des ressources humaines à Valleyfield).

Deux autres projets,l'un avec une commission scolaire qui n'a pas encore été identifiée, la DGME et la DGP (Direction générale des programmes) veut constituer une banque de programmes de formation professionnelle et sociale, l'autre faite en collaboration entre la DGME et la DPP (Direction des politiques et plans) vise à constituer une banque pour l'information scolaire et professionnelle.

ANNEXE II

EXPERIENCES EN EDUCATION DES ADULTES

POUR LE NIVEAU COLLEGIAL on trouve des cours en:

Dans cette matière particulière,et pour répondre à un réel besoin d'autres cours ont cependant été organisés par les services d'éducation aux adultes de Hull, Châteauguay et Laval ainsi que par la Commission scolaire des Mille-Isles. D'autre part, la Commission scolaire de l'Outaouais a traduit le cours de traitement de texte donné par le Seneca College de Toronto.

A Québec, le Cégep de Limoilou donne aussi un cours en traitement de texte, tandis qu'au Cégep François-Xavier Garneau c'est un groupe de 16 membres du personnel qui a suivi un cours de traitement de texte.

Au Cégep de Chicoutimi existe un Programme de formation à l'éducation permanente autour de la micro-informatique. Ce cours s'adresse aux adultes mais 30 enseignant-e-s se sont inscrit-e-s à un cours intensif pour compléter leur formation. Enfin, au Cégep Lionel-Groulx à Montréal,on a mis sur pied un programme expérimental sur la Technologie des systèmes (électrotechnique).

PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE : NÉGOCIONS LE «VIRAGE TECHNOLOGIQUE»

par l'Institut canadien d'éducation des adultes.

 

L'ordinateur sauvera-t-il le monde du chaos, comme certains le prétendent? Les changements technologiques vont-ils contribuer à amoindrir le contrôle social, les injustices, les inégalités et les troubles personnels? Notre vie quotidienne et privée, repensée et réorganisée par les nouvelles technologies, le sera-telle en fonction de nos désirs et de nos besoins? Le travail salarié sera-t-il davantage libérateur? Le travail non-salarié serat-il plus respecté et reconnu à sa juste valeur? Le temps libre qu'on nous propose, sera-t-il autre chose que du chômage et du bien-être social camouflés? Les nouvelles technologies permettrontelles une plus grande démocratie? En un mot, aurons-nous une vie meilleure?

Avant de répondre un oui inconditionnel, il nous semble qu'il faille adopter, face aux nouvelles technologies, une attitude plus responsable. Il faut nous questionner sur la nature de ces changements, leurs causes, leurs applications, et cela, pour tenter de prévoir les conséquences sur nos vies.

Alors qu'en d'autres pays, on questionne de plus en plus les choix technologiques, le débat, ici, est à peine amorcé. Qui. plus est: on traite presque invariablement de retardataires ceux et celles qui s'interrogent sur les impacts éventuels de la nouvelle technologie.

Si les choix technologiques impliquent à ce point toute la société, n'est-il par urgent qu'ils sortent des officines de l'État et des producteurs? C'est pour créer cette place, ce lieu de débat, que nous organisons ce colloque sur les enjeux sociaux de la télématique.

TOUT EN MÊME TEMPS, PARTOUT À LA FOIS

Qu'y a-t-il de nouveau dans cette technologie qui puisse susciter à ce point les plus grands espoirs?

La grande nouveauté des micro-ordinateurs, c'est que leurs applications touchent non seulement notre travail au bureau, à l'usine ou à domicile, mais tout ce qui compose la trame de notre vie quotidienne: les loisirs, la culture, la santé, la justice, l'éducation, etc.. etc.

L'ordinateur met en cause toutes les facettes de notre vie, et c'est là la grande nouveauté de ce qu'on appelle la révolution télématique: elle touche tout, tout en même temps, partout à la fois.

Voilà un fait nouveau: parallèlement à la nature et à l'étendue des applications de la micro-électronique, c'est la rapidité et l'ubiquité du phénomène qui est à signaler; alors que la révolution industrielle avait mis 150 ans à s'implanter, cette révolution microélectronique en mettra tout au plus vingt... en imprégnant à peu près tout.

Quel "miracle" technique a permis cette sorte d'accélération de l'histoire? C'est, en gros, la réduction extrême de la taille et aussi des prix des ordinateurs, parallèlement à l'accroissement sans précédent de leur capacité d'effectuer des opérations complexes. La seconde guerre mondiale et la course aux armements donnèrent le coup d'envoi. L'invention subséquente des microprocesseurs, les puces, ou nouveaux "cerveaux" des ordinateurs, permet maintenant de traiter les informations au milliardième de seconde.16

APRES LES BRAS, LES CERVEAUX

Comme certains l'ont dit, on tend à s'approcher de la densité de connexion du cerveau humain, de sa capacité d'effectuer des opérations d'une grande complexité, tout en élargissant presque à l'infini sa rapidité et sa capacité de mémoire. C'est aussi dire, comme d'autres l'ont fait remarquer, que la machine qui avait déjà remplacé les bras, s'apprête maintenant à remplacer les cerveaux, voire les humains eux-mêmes .

De plus, l'interconnexion des ordinateurs à des technologies déjà connues, comme la télévision, le téléphone, le câble, les satellites, permet l'accès à distance d'une foule d'informations contenues dans les fabuleuses mémoires des ordinateurs, les banques de données, ces nouvelles bibliothèques, ces fichiers ou registres modernes.

La révolution micro-électronique, ce sont les calculatrices de poche, les jeux électroniques. Mais elle s'étend à des domaines aussi divers que: le calcul scientifique et technique, la gestion financière et administrative des entreprises et des institutions publiques, le contrôle et la planification des opérations militaires, la conception et le dessin technique, la création et le dessin artistiques, la médecine, la musique...

A l'usine, la machine-outil à commande numérique et les divers robots constituent d'autres applications de la micro-électronique. L'école est aussi touchée par cette révolution, et même la maison, notre dernier retranchement. Au domicile, on pourra, nous dit-on, travailler, étudier, magasiner, effectuer des transactions bancaires, réserver des billets de spectacles et tout cela, sans passer par l'intermédiaire des personnes: l'échange se fait entre l'utilisatrice ou l'utilisateur et l'appareil.

On le voit, il est extrêmement difficile de ne parler que des "possibilités" techniques et des promesses que cette révolution technologique comporte, tellement elle bouleversera nos habitudes de vie et de travail. Et c'est pour cela qu'il faut l'envisager d'un point de vue beaucoup plus large. Par exemple, à quels besoins, à quels intérêts correspond cette nouvelle révolution technologique? Voilà une question de toute première importance à se poser si on veut en arriver à déceler les enjeux et les impacts qu'auront ces changements sur chacune de nos vies.

L'ELECTRONIQUE POUR SE SORTIR DE LA CRISE

Née dans la foulée de la course aux armements et de la guerre technologique entre les grandes puissances, la stratégie industrielle actuelle, appelée aussi la "filière électronique", découle de la même logique que celle qui présida à la révolution industrielle du XIXe siècle: efficacité technique, performances accrues des machines. Il s'agit toujours, aujourd'hui comme hier, de restructurer l'entreprise pour la rendre plus efficace à des moments de crise économique: la réorganisation du travail qu'impliquent les nouvelles machines, permet de rehausser la productivité et les taux de profit, relançant ainsi l'économie dans une nouvelle ère de croissance.

L'implantation de la micro-électronique dans les bureaux, les banques, et les divers services n'a pas d'autres buts. Comme ce fut le cas au cours de la révolution industrielle précédente, des machines tendront de plus en plus à remplacer les personnes. La "filière électronique" n'a rien à voir avec les romans d'espionnage: c'est une stratégie industrielle pour "sortir" de la crise.

Cette révolution technologique répond donc à des besoins très précis, ceux de profits nouveaux à trouver, de marchés mondiaux à conquérir.

Alors que l'argent manque pour tout, les sources de capitaux engagés dans la filière électronique semblent intarissables.

Quelques chiffres seulement pour constater le taux de croissance extrêmement rapide de ces industries électroniques et informatiques.

Le marché mondial des semi-conducteurs (l'industrie des micro-plaquettes) double tous les cinq ans. Des 14$ milliards qu'il représente en ce moment, il atteindra 50$ milliards en 1990. L'industrie de l'électronique, basée sur les nouvelles technologies, atteindra, quant à elle, vraisemblablement 700$ milliards en 1990. C'est un marché qui sera dominé par les Américains et les Japonais17. On dit, à ce sujet, que le rythme de progression de l'industrie mondiale, (pays de l'OCDE) sera, au cours des années '80, de 40% supérieur à celui de l'industrie manufacturière.18

L'industrie du logiciel maintenant (les programmes d'ordinateur préfabriqués, les banques de données, etc...): on prévoit, à l'échelle mondiale, que cette industrie devrait se chiffrer à plus de 100$ milliards vers la fin de la présente décennie.19 Au Canada, les revenus provenant de la vente de logiciels atteindront 2.2$ milliards en 1990, comparativement à 253$ millions en 1980.

Et le Québec dans tout cela? "L'industrie électronique représente 2% de l'activité manufacturière totale du Québec". Elle est dominée par quelques grandes firmes canadiennes et étrangères. De plus, elle est très peu diversifiée: elle se concentre dans le secteur des équipements de télécommunication et, depuis peu, dans les équipements de bureau.20

Avant de se lancer la tête la première dans le "virage technologique" et d'y investir des sommes astronomiques, alors qu'on manque à peu près de tout et que les services à la population se voient de jour en jour coupés, le gouvernement du Québec se doit d'adopter une attitude plus responsable.

Ce gouvernement dit un jour qu'il mettra ses efforts dans le développement de la bureautique, le lendemain qu'il investira dans la biotechnologie, et la semaine suivante qu'il dotera chaque école de deux micro-ordinateurs...

Pour nous, ce virage technologique est trop important pour le laisser entre les mains des marchands, vendeurs, experts ou politiciens. Avant d'amorcer le "virage", les choix technologiques doivent être largement débattus. Et ce débat passe obligatoirement par l'analyse des impacts qu'aura cette révolution technologique: impact sur l'emploi, sur l'enseignement et le recyclage, sur la vie privée, sur les inégalités sociales et sur la démocratie même.

L'IMPACT SUR L'EMPLOI

L'impact de la micro-électronique sur l'emploi est au centre du débat sur les nouvelles technologies. L'analyse de ses effets positifs ou négatifs varie selon le point de vue où l'on se place et aussi selon la situation économique générale de chaque pays.

Du côté patronal et gouvernemental, on met généralement l'accent sur la création de nouveaux emplois et de nouvelles compétences. On insiste sur la nécessité d'effectuer rapidement le virage technologique afin de demeurer compétitif sur le marché international. Selon cette logique, le retard en ce domaine pourrait provoquer à moyen terme plus de chômage que la technologie micro-électronique pourrait en créer, puisque l'économie nationale dans son ensemble péricliterait.

Dans les pays industrialisés, à l'exception probablement du Japon, les syndicats s'appliquent, au contraire, à démontrer l'ampleur prévisible des pertes d'emplois occasionnées par l'introduction rapide et massive des nouvelles technologies.

C'est en Angleterre que le problème du chômage technologique se pose avec le plus d'acuité. Une étude réalisée par un syndicat des Trade Union Congres prévoit qu'en 1985, le taux de chômage dans ce pays sera de l'ordre de 15% et grimpera même à 29% en 1990. En Europe, les pertes d'emplois liées à la micro-électronique se produisent surtout dans le secteur de la production. A moyen terme, cependant, on prévoit que le secteur tertiaire, principalement, sera affecté.

Aux États-Unis et au Canada, les effets négatifs de l'informatisation du secteur tertiaire se posent de façon encore plus dramatique, puisque deux personnes sur trois travaillent dans ce domaine. Au Québec, 74% des employé-e-s de ce secteur sont des femmes (voir le texte de Suzanne Bélanger "Les puces qui piquent nos jobs"). Il n'est donc pas étonnant de constater qu'au Canada, ce sont surtout les femmes qui se sont mobilisées autour de cet enjeu.

La productivité du secteur tertiaire, qui a connu une croissance d'effectifs très rapide, est demeurée très basse, comparativement à celle de l'industrie. L'informatisation gagnera donc très rapidement le tertiaire; on prévoit même des gains de productivité de l'ordre de 50%. Si on tient compte de la réduction des budgets de l'État dans le domaine des services publics, il devient alors très difficile, surtout pour les femmes, d'avoir une vision optimiste des changements technologiques.

Durant les années '50 et '60, le chômage, engendré par l'automatisation, a été absorbé par le développement spectaculaire du secteur tertiaire; maintenant, quelles pourront être les solutions de rechange? On peut donc craindre, dans ces conditions, que les hommes politiques soient tentés de mettre en oeuvre un mouvement de retour des femmes à la maison, comme solution de facilité au chômage technologique. Déjà, dans le secteur tertiaire, on camoufle le chômage en transformant les postes permanents, occupés principalement par des femmes, en postes à temps partiel.

Malgré ces perspectives des plus inquiétantes, aucun syndicat au monde, à notre connaissance, ne s'est opposé globalement au processus d'informatisation, compte tenu du contexte déterminant de la concurrence internationale pour l'avenir économique de chaque pays. Les syndicats revendiquent plutôt le pouvoir de négocier l'introduction des changements technologiques, de la prise de décision jusqu'au choix des appareils.

LA NATURE DU TRAVAIL TRANSFORMEE

L'informatique n'a pas comme seule conséquence d'affecter le volume de l'emploi, mais aussi celui de transformer la nature même du travail. Pour beaucoup d'analystes, il s'agit là de l'impact le plus important.

Les nouvelles technologies de l'information se présentent d'abord et surtout comme un prolongement, ou un complément, du cerveau humain. C'est dire que les tâches liées à l'information, que ce soit dans les salles de rédaction, au bureau ou dans l'enseignement, subiront des modifications,importantes. De même, la micro-électronique et la robotique accéléreront considérablement l'automatisation du travail de production dans la grande industrie (voir le texte de Charles Halary "Faut-il des robots industriels au Québec"). On nous parle surtout, en ce moment, des nouveaux emplois très qualifiés qu'exigeront les nouvelles technologies: ingénieurs, analystes, programmeurs, informaticiens, électroniciens, etc.. et on nous porte à croire que la microtechnologie accroîtra la qualification et, par voie de conséquence, la qualité du travail.

Des études 21 sur la réorganisation du travail provoquée par la révolution informatique démontrent qu'il n'en va pas ainsi. Dans le secteur tertiaire, par exemple, on observe que l'informatique a tendance à diviser le travail en deux types de tâches très distinctes: celles qui relèvent de la conception (un petit nombre) et celles qui relèvent de l'exécution (la majorité). Dans ce dernier cas, la vitesse de frappe et d'exécution devient la seule qualité requise, puisque la machine à traitement de textes fait le reste: classement, mise en page, corrections de l'orthographe et des erreurs.

Dans le secteur secondaire, les machines-outils à commande numérique et les robots feront disparaître des métiers véritables, tels ceux de soudeur, peintre, tailleur, etc.. Ces gens de métier deviendront, pour la plupart, de simples surveillants ou ouvriers d'entretien.

Des paradoxes sont toutefois à noter. Dans l'industrie par exemple, on dit que la robotique élimine les tâches dangereuses et insalubres; par contre, dans les bureaux, le travail devant un écran comporte des risques très sérieux pour la santé.

Enfin, l'élimination des tâches répétitives et ennuyeuses qu'on nous promet pourrait être considérée comme un effet positif important, si le résultat n'était pas en même temps l'élimination de milliers de personnes du marché du travail et la naissance d'autres tâches encore plus répétitives et ennuyeuses.

L'ENSEIGNEMENT, PIVOT DU "VIRAGE"

La transformation des emplois et le développement de nouvelles disciplines provoqueront des mutations tout aussi majeures dans le système d'enseignement. Les adultes, actuellement en emploi, doivent, ou se recycler pour apprendre à travailler avec de nouvelles machines, ou carrément apprendre un nouveau métier. Les employé-e-s peu qualifié-e-s, déplacé-e-s par ces changements, pourront cependant difficilement accéder aux programmes de recyclage plus avancés qu'exigent les nouveaux emplois.

Le réseau public d'éducation des adultes n'est pas du tout en mesure, actuellement, de répondre à ces besoins (voir le texte de Christiane Fabiani). Les programmes de formation professionnelle sont pratiquement tous à reviser, alors que les programmes touchant les nouvelles disciplines sont carrément à développer. Quant aux étudiant-e-s elles et ils ne savent plus où donner de la tête. Les choix sont difficiles: s'orienter vers les disciplines techniques, pour avoir plus de chances de se trouver du travail, même si le goût fait défaut, ou bien choisir selon ses goûts et ses aptitudes et espérer que la chance sourira...

Le système d'enseignement constitue donc un pivot très important de la mise en oeuvre du "virage technologique". Faute d'industries électroniques au Québec, on devra miser sur les ressources humaines et les cerveaux pour développer notamment le marché du logiciel et des contenus. Mais encore une fois, on risque, dans cette aventure, de mettre sur le dos des enseignant-e-s une grande partie de la responsabilité de l'adaptation de notre société à ces changements.

Les enseignant-e-s, en effet, devront apprendre l'informatique en même temps qu'il leur faudra enseigner; ils devront aussi apprendre à utiliser l'ordinateur comme outil d'enseignement. On peut se demander comment ils pourront assumer ce défi, dans le contexte actuel, où leur tâche est considérablement augmentée et les budgets en éducation réduits à l'essentiel.

QUELLE SORTE DE TEMPS LIBRE?

Le recyclage peut permettre aux individus de garder leur emploi, cependant qu'il ne solutionne en rien le problème général de la diminution des emplois dans une société largement informatisée. Même si on parvient à éviter des mises à pied, on ne pourra certainement pas assister à une augmentation notable de l'embauche. Les femmes, qui devraient accaparer 65% de la croissance de la main-d'oeuvre dans les années '80, de même que les jeunes, continueront d'attendre encore longtemps avant de trouver un emploi rémunéré.

Pour permettre à davantage de personnes de travailler dans une société informatisée, il faudra sûrement réduire de façon notable le temps de travail, tout en maintenant un niveau de revenu compatible avec le coût de la vie. L'accroissement de la productivité pourra ainsi bénéficier à l'ensemble de la population.

Ce phénomène, toutefois, risque de bouleverser de façon considérable nos habitudes et notre façon de vivre. Le travail salarié ne sera peut-être plus, comme il l'est maintenant, au centre de notre existence. Le temps libéré pourrait nous permettre de nous exprimer sous d'autres formes, de cultiver de nouveaux talents, de nous adonner à des activités de groupe, des activités manuelles ou intellectuelles, selon nos goûts personnels. Bref, nous pourrions consommer moins et créer davantage.

Est-ce qu'on nous laissera la possibilité d'organiser nous-mêmes ou en groupe ce temps libre? Le danger d'isolement des individus dans une société informatisée, le contrôle électronique de nos vies privées, le développement de l'industrialisation des loisirs, sont autant d'indices qui nous portent à croire qu'on est peut-être en train de nous organiser...

La prolifération actuelle des équipements de loisirs, ordinateurs, jeux vidéo, télépayante, vidéo-cassettes et les services vidéotex d'information à domicile, sont autant de moyens d'occuper nos loisirs. Pour que la réduction du temps de travail débouche sur une véritable libération de l'énergie créatrice des individus, il nous faudra apprendre à maîtriser les nouveaux outils informatiques; sinon, ils pourront engendrer de nouvelles dépendances.

Il est à noter, à ce sujet, que l'offre de ces nouveaux services précèdent de beaucoup la demande sociale. Pour susciter ces besoins, on nous dit que, dans ce monde de plus en plus complexe, la capacité d'action sera directement proportionnelle au niveau de connaissance et d'information des individus. L'ordinateur, qui donnera accès à une quantité presque illimitée d'informations, se présente comme l'instrument indispensable de la réussite sociale. Mais encore là, les chances ne seront probablement pas égales pour tout le monde.

TRAVAILLER CHEZ SOI

L'utilisation généralisée des nouvelles techniques combinées de l'informatique et des télécommunications, au bureau comme à la maison, aura sans doute des effets importants sur les possibilités de développement des individus et sur la liberté des personnes, tout autant que sur les formes de participation à la vie collective.

Parmi les conséquences prévisibles ou appréhendées, certaines réjouissent et stimulent, d'autres posent questions et inquiètent. Dans le domaine du travail, par exemple, les nouvelles techniques font miroiter des possibilités plus grandes de travail à domicile. Les travailleurs et les travailleuses salariées qui auraient cette chance pourraient ainsi aménager leur temps de travail à leur convenance. Fini le neuf à cinq uniforme pour tout le monde. Finis les longs déplacements matin et soir vers les centres-villes congestionnés. Et, pour plusieurs, le travail s'effectuerait dans un environnement plus agréable et plus personnalisé. Sous cet aspect, les nouvelles technologies représenteraient un gain en termes de contrôle sur le processus de travail.

Mais ne risque-t-on pas de se retrouver terriblement seul dans ce paradis intimiste? Des traducteurs et traductrices à qui cette possibilité du travail à domicile est d'ores et déjà offerte, disent regretter ces occasions de contact et d'échange que constituaient les pauses-café et l'heure du dîner. Selon les résultats préliminaires d'une enquête,22 des employé-e-s du secteur public travaillant à domicile retournent parfois au bureau pour "voir du monde".

L'éclatement du milieu de travail et l'isolement consécutif des travailleurs et des travailleuses a pour conséquence la disparition des rencontres spontanées où chacun peut faire part de ses difficultés, discuter des problèmes rencontrés, où le sentiment d'appartenance à un groupe de travail et la solidarité peuvent se développer. Se retrouvant seul-e, chacun ou chacune peut croire que sa situation personnelle lui est tout à fait particulière. Faute d'occasion pour se constituer et se développer, la conscience commune des travailleurs et des travailleuses exerçant un même métier risque de se détériorer rapidement. Quelles en seront les conséquences sur la syndicalisation?

UN ISOLEMENT ACCRU?

Ajoutons que le travail à domicile pose un problème encore plus aigu aux femmes qui seront touchées par l'avènement de ces nouvelles technologies. Après avoir fait tant d'efforts pour "sortir de la maison", où elles n'étaient que trop cantonnées, elles y seront retournées. Et quels seront les effets sur la vie de couple, sur les rapports affectifs?

Le travail à domicile ne se généralisera pas, loin de là. Mais la question de l'isolement se posera pour ceux et celles qui travailleront dans un environnement de bureautique et de robotique. Les problèmes d'ennui de techniciens hautement qualifiés ayant à surveiller des machines sophistiquées ont déjà été soulignés par plussieurs sociologues du travail. Les contacts entre collègues et avec la clientèle risquent de diminuer considérablement dans les nouveaux services télématisés, comme dans les banques, les services d'information gouvernementaux, etc...

Cet isolement du travailleur et de la travailleuse, des simples citoyens, a pour corollaire la concentration grandissante du capital.

Dans le domaine des communications, on a déjà assisté à la concentration de la presse écrite et à celle des médias électroniques. Elle se poursuit à grands pas dans le domaine de l'informatique et des communications. Aux États-Unis, des consortium se constituent avec des intérêts dans l'édition, la câblodistribution, les satellites, la fabrication de hardware et de software. Le groupe Time Inc. est propriétaire de la deuxième plus grande compagnie de câblodistribution. Cox, Warner, mais aussi le New-York Times et le Times Mirror ont des intérêts importants dans la télédistribution. Cette concentration de la propriété est aussi importante en ce qui concerne les banques de données (voir le texte de Claude Martin "Télématique et mass-médias: les noces d'argent").

LE CONTROLE DES INDIVIDUS

Inquiétude quant aux effets de l'isolement. Inquiétude face aux nouvelles possibilités de contrôle aussi. Plusieurs pays se sont dotés de législations pour protéger la vie privée, plus ou moins sévères, appliquées de manière plus ou moins strictes. On reste sceptique, cependant, sur les possibilités de contrôler les utilisations des gigantesques banques d'informations mises en place par la police, l'armée, les différents ministères, mais aussi par l'entreprise privée (voir le texte de Gaétan Nadeau). L'individu se sent désarmé, impuissant.

Au Québec, la loi sur l'accès à l'information et sur la protection de la vie privée s'applique aux banques de données de l'administration gouvernementale. Les banques privées échappent à son emprise. Qu'y a-t-il comme information dans ces banques privées? Comment les consommateurs peuvent-ils s'en protéger? Ces inquiétudes ne sont pas vaines quand on songe, par exemple, à la liste noire des locataires dont l'existence nous a été révélée dernièrement.

Contrôle de la vie privée, mais contrôle du travail aussi. Les nouvelles technologies rendront désuets certains postes de supervision. On sera sans doute heureux de ne plus sentir qu'on a toujours quelqu'un derrière son dos. Mais l'informatique recèle des possibilités plus grandes et plus subtiles de contrôle de la performance. On peut facilement mesurer le nombre de touches frappées à la minute ou à l'heure et ce, à l'insu de la personne concernée. On peut aussi mesurer le pourcentage d'erreurs, etc..

UN INSTRUMENT D'APPRENTISSAGE

Il y a aussi un revers de la médaille, plus intéressant, plus stimulant. Si l'informatique permet le retour à un nouveau taylorisme, elle offre aussi à certain-e-s utilisateurs et utilisatrices la possibilité de contrôler eux-mêmes et elles-mêmes leur processus d'apprentissage ou de travail, de se l'approprier davantage. Dans le domaine de l'éducation par exemple, l'ordinateur peut devenir un puissant instrument d'apprentissage.

L'enseignement assisté par ordinateur offre une gamme étendue d'applications. On peut s'en servir pour faire mémoriser ou réviser des connaissances, par un simple processus de questions-réponses. Le programme peut être conçu pour s'adapter au niveau d'apprentissage de l'étudiant-e. On a beaucoup parlé de la grande patience de l'ordinateur, qui ne se met jamais en colère malgré les erreurs répétées de l'élève.

On peut aussi se servir de l'ordinateur d'une manière plus complexe pour faire de la simulation, par exemple. On connaît son grand succès dans l'entraînement des pilotes d'avion. On peut également simuler des phénomènes physiques, biologiques, astronomiques... Mais les plus grands effets de l'utilisation de l'ordinateur en éducation viendront sans doute de la généralisation de l'apprentissage de la programmation.

Certains langages sont spécialement conçus pour permettre à l'enfant "de faire des choses" et, ce faisant, d'extérioriser sa pensée. L'interaction avec la machine lui permet de découvrir progressivement ses "bugs", ses défauts de raisonnement ou d'instruction.

La diffusion en constante expansion de logiciels et de didacticiels les plus divers, ainsi que le couplage de l'ordinateur aux réseaux de communication favoriseront sans doute une plus grande accessibilité au savoir. Les connaissances actuellement concentrées dans les grandes universités et les grands centres de recherche pourront être accessibles un peu partout. Les régions éloignées, qui ne disposent pas de la richesse culturelle des grandes villes, pourront en bénéficier davantage.

Cette accessibilité, toutefois, entraînera peut-être une plus grande uniformisation des contenus d'apprentissage. Le marché de l'informatique, c'est bien connu, est dominé largement par les Américains et les Japonais. Les Québécois sauront-ils et pourront-ils y occuper une place leur permettant d'exprimer leur originalité culturelle?

LA DÉMOCRATIE ÉLÉCTRONIQUE

Le développement de la télématique pose également des questions quant à ses effets sur la vie démocratique. Certains prophètes nous annoncent pour bientôt la démocratie électronique.

Chaque famille, disposant d'un terminal branché sur le câble ou le réseau téléphonique pourra être consultée à tout moment sur les sujets les plus divers. On posera la question à la télé et chacun-e pourra donner son avis instantanément en appuyant sur telle ou telle touche de son clavier. Les résultats seront compilés par un ordinateur central et seront disponibles quelques minutes plus tard.

Les problèmes juridiques sont trop nombreux pour qu'on puisse ainsi voter dans un avenir prochain. Mais la multiplication éventuelle des sondages ne fait guère de doute. Quant on sait l'usage considérable qu'en font déjà nos gouvernants et l'entreprise privée, il y a de quoi s'inquiéter...

On présente par contre comme un progrès ces possibilités plus larges de consultation de la population. C'est réduire un peu vite la démocratie à l'expression du vote. Comment se constituera l'opinion publique dans ce contexte télématique? Y aura-t-il discussion publique? Sans discussion, sans confrontation, l'opinion publique se résumera encore davantage en une collection d'opinions individuelles. Les différents groupes sociaux auront-ils encore un rôle dans le processus de formation de l'opinion publique?

On peut craindre un amoindrissement du rôle médiateur des groupes d'appartenance et d'intérêt entre les individus et l'État. D'un côté, un État centralisé et bureaucratisé, de l'autre une masse d'individus isolés n'exprimant que des points de vue personnels, ne réussissant que difficilement à articuler un point de vue collectif.

Scénario pessimiste et caricatural sans doute. Les groupes sociaux ne disparaîtront pas; mais les tendances jouent dans le sens de la neutralisation de leur importance politique. Auront-ils, par exemple, le droit et les moyens d'alimenter, au même titre que l'État et la grande entreprise, les banques de données disponibles aux citoyens et aux citoyennes?

L'accès aux banques de données permettrait théoriquement aux citoyens et aux citoyennes d'être mieux informé-e-s. La proposition n'est juste que dans la mesure où tous et toutes y auraient un accès égal, disposant des mêmes capacités de traitement. Or, on sait bien que les grandes corporations et l'État disposent de ressources démesurées par rapport à celles des simples citoyens et citoyennes. Ce n'est pas tout d'avoir accès à une bibliothèque bien fournie. Encore faut-il savoir comment y trouver ce qu'on cherche, avoir le temps pour le faire et... pouvoir payer la facture.

 

L'INFORMATION, UN BIEN COUTEUX

L'information, en effet, en devenant un bien de plus en plus précieux, coûtera de plus en plus cher. En ce moment, on mystifie la population en ne parlant que de la baisse fabuleuse des coûts, sans mentionner le coût élevé que représentera l'usage des appareils. L'abonnement aux services vidéotex risque de coûter encore plus cher que la télépayante; de plus, on devra payer à la pièce chaque demande d'information scientifique. Enfin, peu nombreux seront les individus qui disposeront d'assez d'argent pour s'abonner à plusieurs banques de données documentaires.

Le système de vidéotex canadien Télidon, qui a été développé essentiellement à partir des fonds publics profitera à une minorité déjà favorisée au plan de l'information et du savoir (voir le texte de Claude Martin "Télématique et mass-médias: les noces d'argent"). Le fait que les investissements publics profitent ainsi à une minorité posent un problème d'équité assez sérieux. Cette politique s'inscrit dans le mouvement actuel de remise en question des services publics. L'accès à des services essentiels d'information et à une éducation de qualité dépendra de plus en plus de la capacité de payer des gens.

La fragmentation des publics épousera donc la séparation des classes sociales: l'information connaissance réservée aux gens aisés et l'information de nature commerciale pour le peuple. Ainsi l'écart risque de s'accentuer entre ceux et celles qui auront la possibilité d'utiliser ces outils pour accroître leur capacité d'agir, tandis que les autres ne devront compter que sur eux-mêmes. Le problème se pose d'ailleurs exactement dans les mêmes termes au niveau des relations entre les pays.

LE FOSSE NORD-SUD

Très peu de pays sont actuellement dans la course au plan de l'informatisation. Cette industrie est dominée par deux pays: les États-Unis et le Japon. En 1980, les firmes américaines contrôlaient 86% du marché informatique mondial 23. Au Canada, "72% des firmes électroniques les plus importantes sont complètement en mains étrangères".24

Cette domination américaine ne se limite pas au matériel (hardware) seulement, elle s'étend aussi au contenu (logiciel, software). La très grande majorité des banques de données documentaires accessibles au Québec sont américaines. Les Américains ont probablement compilé plus d'informations sur notre économie que n'en contiennent tous nos bureaux statistiques rassemblés. La constitution de banques de données coûte très cher, et il est souvent plus simple d'utiliser celles qui sont déjà montées. Le contrôle de ces extraordinaires outils de pouvoir que sont les banques de données renforcera l'hégémonie mondiale des grandes puissances.

Si la majorité des pays développés ont du mal à amorcer le virage technologique, on peut facilement imaginer la situation à laquelle font face la majorité des pays du Tiers-Monde. Ils seront probablement écartés à tout jamais de la course et condamnés à dépendre de plus en plus des pays industrialisés.

La situation économique de ces pays risque de se détériorer davantage, puisqu'il deviendra de moins en moins rentable, compte tenu de la hausse de la productivité, d'installer des industries dans ces pays. On assistera vraisemblablement à un retour des filiales des multinationales vers les pays industrialisés, accentuant ainsi le fossé Nord-Sud.

DÉMOCRATISER LES CHOIX TECHNOLOGIQUES

Laissées aux seuls jeux économiques de la concurrence et du profit, l'informatique et la télématique risquent de devenir davantage des outils de domination que de libération. L'émerveillement face à la technique commence de plus en plus à céder la place à l'inquiétude face à la manière dont ces changements s'introduisent en ce moment au Québec et au Canada. Sans débat, sans politique cohérente, les ordinateurs nous envahiront et modifieront les règles du jeu.

La révolution micro-électronique provoquera des bouleversements sans nombre dans l'ensemble de l'organisation sociale; mais, jusqu'à maintenant, les autorités ne s'attardent pas aux conséquences et ne prennent pas le temps d'impliquer les citoyens et les citoyennes dans l'élaboration d'une politique de développement.

Le gouvernement du Québec vient de refuser de négocier, avec les travailleuses et les travailleurs des secteurs public et parapublic, l'introduction des changements technologiques. Si cette technologie est aussi prometteuse qu'on nous le laisse entendre, il faut se demander pourquoi on refuse aux usagers et aux usagères le droit d'être consulté et d'intervenir dans l'élaboration et la mise en oeuvre des choix technologiques...

L'appel à la concertation que lance toujours ce gouvernement est déjà commencée: le rapport "Bâtir l'avenir" nous donne d'ailleurs un bon indice du genre de concertation et du genre de milieux qu'il entend consulter pour bâtir l'avenir du Québec: ce sont des industriels, des fonctionnaires et des universitaires. Nulle trace des syndicats, des groupes de femmes, des usagers et usagères des nouvelles technologies...

La concertation, la consultation dont parle ce gouvernement suivra probablement ce scénario: on nous consultera au moment où tout sera décidé, au moment où il faudra "vendre" la bureautique et les autres choix technologiques à tout le monde.

L'expérience nous démontre que si ces choix technologiques se font sans nous, il y a peu de chances qu'ils puissent correspondre à nos intérêts. La démocratisation des choix technologiques constitue la condition essentielle d'une plus grande démocratisation de l'avoir, du savoir et du pouvoir.

L'avenir de notre société dépendra, non pas de notre capacité à s'adapter à des changements imposés par d'autres, mais de notre pouvoir collectif de les maîtriser. Susciter un large débat public, réfléchir, analyser les conséquences sociales des mutations technologiques, interroger les choix politiques, proposer des solutions de rechange, c'est là le défi qu'il nous faut d'urgence assumer.

Ont collaboré à la rédaction de ce texte:

Gaétan Tremblay, Lina Trudel et Louise Toupin.

L'INFORMATION DEMAIN : TÉLÉMATIQUE ET MASS-MÉDIAS: LES NOCES D'ARGENT suivi d'une étude de cas VIDÉOTRON: L'EMPIRE DE LA CÂBLODISTRIBUTION AU QUÉBEC

TÉLÉMATIQUE ET MASS-MEDIAS: LES NOCES D'ARGENT

par: Claude Martin professeur au département d'Information et de Communication de l'Université Laval membre du Groupe de travail sur les communications de l'ICEA.

Le Journal de Montreal existera-t-il en l'an 2000? La télématique fera-t-elle disparaître les journaux comme l'imprimerie a remplacé les copistes du Moyen âge? Ces questions peuvent paraître farfelues mais la Commission royale d'enquête sur les quotidiens a jugé bon de leur accorder une attention particulière.25 La Commission constate que les systèmes de vidéotex peuvent, vers 1990, devenir des concurrents sérieux pour les journaux.

L'impact de la télématique sur les médias d'information prend donc forme. La télématique offre la possibilité de mettre sur pied un nouveau "média", le vidéotex, qui pourrait bien faire sa place au détriment des médias existant. Par ailleurs, l'informatique et les télécommunications transforment déjà, sous nos yeux, les médias "traditionnels". Rappelons-nous la publicité de La Presse où on voit la réceptionniste des annonces classées devant son écran cathodique. Elle n'a pas perdu son emploi à cause de l'ordinateur mais La Presse n'a plus besoin de commis pour porter à l'imprimerie les feuilles où elle notait les annonces.

I- UN NOUVEAU MEDIA, LE VIDEOTEX

Le vidéotex est sans doute le plus beau jouet des amateurs de télématique, certainement le plus visible. Son attrait réside dans le fait qu'il utilise un appareil présent dans tous les foyers, la télévision, à qui on confie une nouvelle tâche, transmettre des informations écrites.

En soi, cette technique n'a rien de révolutionnaire puisque les banques de données fonctionnent de façon similaire depuis plusieurs années. Pour avoir accès à une banque de données, il faut cependant disposer d'un terminal spécialisé et coûteux. Le vidéotex se présente plutôt comme un système de banque de données accessible au grand public. Et qui dit "grand public" dit "gros sous" à l'horizon.

Qu'est-ce qu'un vidéotex?

Les temps sont durs pour les fabriquants de dictionnaires: les nouveaux mots de la télématique changent de définition selon l'humeur des experts en "tique". Un document du ministère fédéral des Communications 26 propose de définir un système de vidéotex à partir de cinq éléments:

D'autres 27 utilisent le terme "télétexte" pour nommer la même réalité. Certains28 réservent le terme "télétexte" pour les systèmes qui utilisent les ondes des stations de télévision comme moyen de diffusion. Cette méthode limite considérablement le nombre de "pages" disponibles; les récepteurs doivent de plus attendre que l'information désirée soit diffusée pour l'afficher alors que le "vidéotex" permet d'aller chercher la "page" désirée sans attendre. Pour d'autres encore 29, le "télétexte" se caractérise par le fait que le récepteur ne peut envoyer de message à l'émetteur (quel que soit le moyen de transmission) alors que le "vidéotex" serait bidirectionnel. L'Académie française nous éclairera là-dessus dans quelques siècles.

Le fonctionnement du vidéotex doit être très simple puisqu'il s'adresse à un large public. En branchant le système, on obtient un "menu", une première "page" qui fait office de "table des matières". Chaque élément du menu porte un numéro qu'il suffit de demander par le clavier pour obtenir une page d'information. Il peut être nécessaire de passer par plusieurs menus avant d'arriver aux pages d'information désirées.

Les pages se présentent sous la forme d'images fixes en couleur; on pourrait cependant les animer. Lorsqu'il s'agit de textes,le nombre de lignes doit demeurer inférieur à 20 pour que les caractères soient lisibles. Le vidéotex ne se prête pas à la présentation de textes longs qui occuperaient plusieurs pages. Les nouvelles du vidéotex ressemblent aux manchettes des journaux: un titre, quelques lignes de texte et, parfois, une illustration 30 . A cette échelle, les articles du Journal de Montréal font figure de longues analyses.

La quincaillerie du vidéotex ouvre la porte à une foule de services nouveaux basés sur la capacité d'émettre un message à partir du domicile du client vers le centre de diffusion, un peu comme les abonnés du câble peuvent actuellement jouer avec l'ordinateur de Cablevision Nationale 31. On pourrait faire ses achats à domicile, effectuer certaines transactions bancaires, participer à un sondage, réserver une place au théâtre, laisser l'Hydro-Québec lire son compteur ou... télécommander le chauffage et l'eau chaude (brr!), permettre à la police de surveiller notre maison (brr!)... Le monde merveilleux de la télématique grâce au vidéotex!

Une concurrence internationale

Le vidéotex n'a pas encore dépassé le stade expérimental, sauf en Angleterre où un système fonctionne depuis 1979, à perte évidemment. Les gouvernements subventionnent généreusement ces essais puisque le "virage technologique" est à l'ordre du jour partout. Les gouvernements sont les premiers promoteurs du vidéotex, espérant gagner ainsi des avantages pour leurs entreprises.

Trois pays partent ainsi à la conquête du marché mondial: l'Angleterre, la France et le Canada. Le principal champ de bataille se trouve aux États-Unis qui représentent le plus gros marché potentiel pour le vidéotex. Chacun y va de ses victoires: une banque qui essaie le système français pour une compagnie de téléphone qui lorgne du côté de Télidon, le système canadien.

L'issue de la bataille peut laisser songeur. Advenant la victoire d'un système, rien ne force l'acheteur à se procurer les appareils dans le pays d'où le système origine. Un système vidéotex se distingue d'un autre par ses normes ou ses codes de formation des images; une fois ceux-ci connus, les appareils peuvent être produits n'importe où. Les entreprises du pays d'origine ne disposent tout au plus que de quelques mois d'avance sur leurs concurrents. Mieux (ou pire?), les systèmes actuellement incompatibles pourraient le devenir dans quelques années, ce qui effacerait l'avantage du pays "victorieux".

Télidon se distingue des deux principaux systèmes européens (Prestel en Angleterre, Antiope en France) par sa façon de définir les images à l'aide de formules mathématiques. Prestel et Antiope construisent l'image en déterminant le rôle de chaque point de l'écran. On dit que Télidon emploie une méthode "alphagéométrique" alors que les Européens préfèrent l' "alphamosaïque".

Télidon peut produire plus rapidement des images plus nettes. Mais la quincaillerie du récepteur coûte plus cher. Télidon serait la Cadillac des vidéotex, une caractéristique qui contredit peut-être le cinquième élément de la définition que nous avons vue plus haut. On pense généralement qu'un terminal Télidon coûtera environ 300 $ (excluant le téléviseur) et que l'abonnement au service pourrait varier entre 10$ et 30 $ par mois.

L'expérience britannique peut nous renseigner sur la clientèle possible du vidéotex. En 1980, le pays comptait 7,300 récepteurs vidéotex (branchés sur le téléphone) et 35,000 appareils Télétexte (via les ondes de la télévision). Plus de 5/6 des appareils vidéotex servent dans les entreprises. Le coût élevé des récepteurs a considérablement ralenti la vente des appareils et toutes les prévisions ont dû être jetées aux poubelles. Le "grand public" ne marche pas.

La France pensait faire les choses en grand. Aux prises avec son célèbre problème du bottin téléphonique toujours en retard, elle décide d'informatiser la production et de remplacer le bottin des usagers par un récepteur vidéotex (indépendant du téléviseur familial).

Il n'y aurait plus de problème de marché puisque les abonnés n'auront pas le choix entre le bottin et l'écran. Les diverses banques de données disposeraient ainsi d'un vaste auditoire et le tour serait joué. Malheureusement pour le vidéotex, la gauche a pris le pouvoir en France et elle a garanti la liberté de choix entre le bottin et l'écran. Les expériences continuent cependant.

Les promoteurs de Télidon

Télidon, le vidéotex canadien, est issu d'un système de transmission de graphiques produits pour l'armée canadienne à la fin des années '60. Le ministère des Communications reprend ensuite le projet (et son inventeur, Herbert G. Brown) pour en faire une "planche à dessin" informatisée. De là au vidéotex32, il n'y a qu'un pas qui est franchi en 1977 lorsque le ministère tente de reproduire au Canada les essais européens sur le vidéotex ; le système de Brown s'avère excellent. Il est présenté au public en 1978.

Le gouvernement fédéral continue par la suite de se faire le promoteur du vidéotex canadien nommé Télidon. Les heureux télématiciens peuvent se répartir un pactole de 40$ millions 33 pour les aider à nous faire entrer dans la "société de l'information".

En plus du ministère des Communications, divers organismes fédéraux s'impliquent dans Télidon. Le Conseil de la Radiodiffusion et des Télécommunications Canadiennes (C.R.T.C.) surveille les essais et doit mettre au point la réglementation du service. Radio-Canada tente sa chance du côté du Télétexte et Téléglobe Canada, responsable des télécommunications internationales au Canada, met au point un système Télidon d'envergure mondiale, rien de moins!

Pour le moment, Télidon a probablement d'abord bénéficié aux expert-e-s, professeur-e-s et chercheurs-es qui s'y intéressent. Mais l'industrie du vidéotex commence à prendre forme. Plusieurs entreprises y sont impliquées 34 , certaines pour une part importante de leurs activités. On peut, théoriquement, distinguer trois types de fonction selon les entreprises.

Un premier groupe comprend les entreprises capables de construire les appareils Télidon. Norpak Ltd 35 a été la première entreprise associée à Télidon. Elle fabrique les terminaux d'usager et les terminaux d'entrée des données. Il s'agit d'une petite entreprise (130 employés-ées en 1981) dont 40% des revenus proviennent du vidéotex. La propriété de Norpak se répartit entre ses cadres (Mark Norton président) et Noranda Mines 36 qui possède près de 25% des actions.

Electrohome Ltd 37 fabrique les téléviseurs modifiés utilisés jusqu'ici dans la majorité des expériences. Il s'agit d'une entreprise canadienne qui a jadis prospéré en produisant des téléviseurs et des appareils Hi-Fi. La compétition japonaise lui a porté un dur coup mais elle survit grâce à la bienveillance du gouvernement fédéral. Elle embauche 2,700 employés-ées et arrive au 242 rang pour ses ventes au Canada (en 1981). Le vidéotex ne représente qu'une petite partie de ses affaires. Electrohome est sous la coupe de la famille Pollak (49% des actions) du Gouvernement fédéral et de la Banque Royale.

Advenant le succès de Télidon, d'autres manufacturiers pourraient se mettre sur les rangs: Northern Telecom, filiale de Bell Canada, le plus gros manufacturier "télématique" au Canada (35,400 employésées), Mitel Corp., une vedette du "boom" des télécommunications (propriété de ses cadres, 4,200 employés-ées) et, pourquoi pas, A.E.S. Data, propriété du gouvernement fédéral, un des leader du traitement de textes dans le monde (172e au Canada pour ses ventes en 1981).

Nous venons de voir que Bell Canada a déjà un pied dans la porte en tant que fabricant potentiel des équipements. Bell chevauche aussi les deux autres fonctions d'un système vidéotex: celle de fournisseur d'information et celle de transmetteur. 38

Les fournisseurs d'information rassemblent les données à transmettre et ils les confient aux transmetteurs. Bell Canada réalise déjà, chez sa filiale Teledirect,une partie de ses annuaires à l'aide d'ordinateurs. Le cas des "pages jaunes" est intéressant puisque la liste des abonnés s'agrémente d'annonces plus ou moins grandes. Transmises par vidéotex, ces "pages jaunes" informatisées pourraient être mises à jour rapidement, ce qui constituerait une nouvelle concurrence pour les services des journaux quotidiens. Les "pages jaunes" imprimées ne peuvent jouer ce rôle à cause de leur délai de publication.

Pour le moment, une entreprise a réussi à se créer, avec l'aide du gouvernement fédéral, un "quasi-monopole" comme fournisseur d'information, une situation qui, selon les mots de la Commission Kent, ne se retrouve "nulle part ailleurs au monde" 39 . Cette entreprise, Infomart, compte déjà une centaine d'employés-ées et elle réalise les trois quarts de ses ventes dans le domaine du vidéotex. Elle a débuté comme relais des banques de données américaines au Canada et elle est aujourd'hui la principale source d'expertise privée pour les expériences de Télidon.

Infomart est la propriété conjointe de deux grandes entreprises de journaux du Canada anglais, Southam Inc. et Torstar Corp. Southam est le plus gros éditeur de quotidiens au Canada avec en 1980, 32.8% du tirage anglophone; The Gazette de Montréal lui appartient. Southam a aussi des intérêts dans les stations de radio et de télévision (jusqu'en Angleterre) et dans l'édition et les libraires (Coles). Torstar publie un des trois quotidiens de Toronto, possède des dizaines d'hebdomadaires et une célèbre maison d'édition, Harlequin, la spécialiste du roman à l'eau de rose.

Il manque à Infomart une banque de données canadienne sur l'actualité. Celle-ci a été créée à partir de la "morgue" (le centre de documentation) du Globe and Mail de Toronto, le plus prestigieux quotidien du Canada anglais. Elle est gérée par Info Globe, elle aussi une filiale du groupe Thomson Newspaper Ltd, qui contrôle 25.9% du tirage des quotidiens anglophones au Canada. La famille Thomson a des intérêts dans les médias, le tourisme et le pétrole britanniques. Au Canada, elle contrôle les magasins La Baie et Simpsons, deux des plus importants annonceurs pour les quotidiens.

Du côté francophone, Edimédia Inc., commence à s'affirmer comme fournisseur d'information. Il s'agit d'une filiale du groupe Unimédia de Jacques Francoeur qui publie, entre autres, Le Soleil et Le Quotidien. Edimédia a repris, avec Infomart, une expérience que menait Bell Canada avec Télidon sous le nom de Vista. Edimédia a aussi pris la succession de La Presse pour les manchettes du canal 14 d'Intervision. L'entreprise de Québec participe aussi à un projet de vidéotex "éducatif" avec l'Université du Québec, Télé-Université et Control Data Corp. des U.S.A.

On peut ajouter un certain nombre d'organismes à la liste précédente des fournisseurs d'information: Statistique Canada, Environnement Canada, plusieurs bibliothèques, des organismes volontaires, etc. De plus, bon nombre d'entreprises commerciales offriront des services par le vidéotex: magasins, banques, agences de voyage, etc Le risque est grand que ce soit Infomart et Edimédia qui, dans un système commercial, organisent l'accès des "fournisseurs" au système.

A moins que les "transporteurs" n'obtiennent ce rôle. Oublions les stations de télévisions qui ne peuvent offrir, en Télétexte, qu'un nombre limité de "pages". Le vidéotex peut fonctionner à partir du réseau téléphonique ou de la câblodistribution. Encore ici, les entreprises intéressées ne sont pas nombreuses:, Bell Canada, Québec-Téléphone, Vidéotron et Cable TV au Québec.40

Bell et Québec Téléphone participent à des expériences Télidon, alors que Vidéotron met au point un système complet de vidéotex, le Système d'information à domicile (S.I.D.). Dans ce système, le câblosélecteur de l'abonné devient un mini-terminal d'ordinateur, Vidéotron offre une série de services nouveaux et le client voit sa facture augmenter en proportion. Qui est le plus heureux? Le client évidemment...

Nous avons donc devant les yeux un cas intéressant: la mise sur pied d'un nouveau média. Ottawa et Québec y sont impliqués ainsi que quelques-unes des plus importantes entreprises de communication du Canada et en particulier celles qui ont provoqué la formation de la Commission royale d'enquête sur les quotidiens. Si le passé est garant de l'avenir, il va y avoir du monopole dans l'air.

Des questions à ne pas poser à Télidon

Une étude "sérieuse" a déjà prédit qu'il y aurait 70,000 abonnés de Télidon en 1979. De toute évidence, ils ne sont pas très visibles! De même que les 75,900 terminaux en 1983 selon une autre étude. La "troisième vague" est à marée basse pour le moment.

Il est encore permis de douter de la viabilité du vidéotex puisqu'aucun système n'arrive à faire ses frais actuellement. Mais l'intérêt des grandes entreprises pour ce projet indique que la situation pourrait changer et qu'une masse suffisante d'abonnés pourrait un jour être atteinte. Il faut comprendre ici une "masse suffisante pour que la publicité s'intéresse au vidéotex". Selon certains, 1990 serait une date réaliste pour atteindre ce point 41

D'ici là, les gouvernements devront décider d'un cadre réglementaire pour le vidéotex. Beaucoup d'observateurs se demandent si Ottawa va respecter ici le principe de séparation du pourvoyeur et du transmetteur d'information. Ce principe interdit à un transmetteur comme Bell Canada de contrôler le contenu des messages qu'il achemine. Dans le cas contraire, le transmetteur se trouve en conflit d'intérêt puisqu'il peut favoriser l'acheminement de ses messages au détriment des autres. Dans le cas du vidéotex, il faudrait interdire à Bell de diffuser les "pages jaunes" par un vidéotex téléphonique.

La question peut se poser autrement. Si Infomart gère le vidéotex canadien, y trouvera-t-on seulement ses banques de données et celles des gouvernements et des grandes entreprises? Quel sera le prix pour devenir un pourvoyeur d'information? L'exemple britannique montre que ce prix est élevé et que l'espace mémoire est limité, ce qui permet à l'"opérateur de système" de choisir ses sources d'information.

A l'autre bout de la lorgnette, le client ne recevra gratuitement que ce que la publicité ou les gouvernements paieront. Le reste devra faire ses frais. Le vidéotex ne sera pas non plus le plus démocratique des médias de ce point de vue.

Le contenu informatif risque fort de laisser à désirer. Il n'y a pas de place pour les grands dossiers de presse sur un écran de 20 lignes! Quelle sera la marge d'indépendance d'un journaliste chez Télidon? En Angleterre encore, on a constaté qu'il est inutile d'avoir deux services de nouvelles vidéotex: des messages si courts se ressemblent inévitablement.

En France, les propriétaires des journaux ont fait un énorme tapage autour des risques que représente pour eux le vidéotex: perte de lecteurs et surtout perte de publicité. Au Canada, nous avons résolu ce problème très simplement, en confiant le vidéotex aux grands barons de la presse. Peut-être entendrons-nous les plaintes des hebdomadaires privés de "petites annonces", à moins que ce ne soit celles de Québécor, devenu en 1990, propriétaire de tous les hebdos du Québec! 42

Les promoteurs de Télidon ont fait miroiter auprès de certains organismes communautaires les avantages d'une participation aux expériences en cours. On peut penser au projet "Agora" dont un volet s'adresse aux handicapés. Mais il s'agit d'expériences subventionnées qui ne pourraient probablement pas résister à une logique de marché.

Devrons-nous, dans ces conditions, investir nos énergies dans une bataille de "démocratisation" du vidéotex? Faut-il mettre sur pied un vidéotex étatique alors que les besoins en services publics sont criants ailleurs? Pouvons-nous nous contenter de regarder passer le train?

II LA TÉLÉMATIQUE DANS LES MEDIAS "TRADITIONNELS"

Les télécommunications et l'informatique ont considérablement modifié l'organisation et le contenu des médias "traditionnels" comme les journaux et la télévision. En 1955, les images d'une guerre lointaine parvenaient à nos écrans par le moyen du film; aujourd'hui, nous avons la guerre en direct dans nos salons. C'est ainsi que les Américains ont un jour constaté l'horreur du Viet-Nam.

Les journalistes sont passés à deux doigts de conserver pour la postérité une machine que toutes les secrétaires avaient abandonnée, la dactylo manuelle. Il n'y parviendront pas semble-t-il, puisque les écrans cathodiques ont envahi les salles de rédaction. Même Le Devoir y passe! C'est donc sérieux.

Que reste-t-il de nos journaux?

Il faut pénétrer dans les entrailles du journal pour retrouver les premières manifestations de l'informatisation de la presse écrite. La bataille principale a eu lieu dans l'imprimerie entre la photocomposeuse et la linotype, entre le patron et le typographe.

Les typographes ont organisé des syndicats parmi les premiers et les plus puissants 43 . Leur force provenait de la haute qualification requise pour l'opération des linotypes, ces machines qui permettent de produire, avec du plomb fondu, les lignes d'égale largeur qui forment la base des plaques d'imprimerie. Les typos en ont tiré des salaires et des conditions de travail supérieures à la moyenne.

L'ordinateur bouleverse cette organisation. Il n'est plus nécessaire de savoir espacer les lettres pour faire les colonnes, la machine le fait. Le plomb ne sert plus puisque la machine produit les colonnes par un procédé photographique. Il reste à prendre de la colle et des ciseaux pour monter une page qui deviendra une plaque par un autre procédé photographique.

Pourquoi alors ne pas demander aux journalistes de taper leurs articles à l'aide du même ordinateur devenu machine à traitement de textes pour profiter pleinement de toutes les économies de personnel ainsi rendues possibles. Le même procédé s'applique pour les petites annonces et il commence à s'introduire dans la conception de la publicité commerciale. 44

L'ordinateur permet un contrôle surprenant de la distribution du journal. Pour un quotidien livré à domicile comme Le Soleil, il serait possible de modifier le contenu du journal selon le profil socio-économique des lecteurs. Les routes des camelots suivent les divisions du recensement et l'ordinateur peut ainsi former les piles de journaux en y incluant les annonces du supermarché du quartier.

Les télécommunications ont grandi en même temps que les journaux à grand tirage: le télégraphe, le téléphone, les téléscripteurs et les bilinographes45 ont permis la couverture de l'actualité lointaine. Les transmissions se font maintenant par satellite. Les agences de nouvelles disposent de salles de rédaction électronique; les dépêches circulent sous la forme de "dialogues" entre les ordinateurs localisés sur différents continents46

A l'autre bout de la chaîne de fabrication du journal, le satellite sert cette fois de relais entre deux imprimeries chargées de produire le même journal. Le Globe and Mail de Toronto est ainsi imprimé simultanément dans plusieurs villes canadiennes; à Montréal, La Presse se charge de ce travail, ce qui explique l'apparition d'une antenne de réception satellite sur son toit.

L'International Herald Tribune nous offre peut-être une image du journal de demain. Il s'agit d'un quotidien fabriqué en anglais à Paris et distribué dans plus de cent pays. Il appartient, en majorité, à deux grands journaux américains, le New York Times, et le Washington Post. La rédaction est entièrement informatisée. Les articles proviennent, en bonne partie, des deux sociétésmères et les journalistes ne font en général qu'un travail de remise en forme et mise en page. L'impression se fait dans différentes villes, dont Hong-Kong, reliées à Paris par différents modes de télécommunication. Le journal n'a pas de presse et il confie le travail d'imprimerie à la sous-traitance.

Plus près de nous, on peut craindre que la chaîne Thomson ne fasse un jour disparaître plusieurs quotidiens qu'elle possède au Canada. Ceux-ci pourraient devenir de simples sections locales d'un Globe and Mail national réalisé en télé-impression. Une version moins visible du même procédé consisterait à alimenter les ordinateurs des petits quotidiens à partir de celui de Toronto. Ce "dialogue" se réalise déjà entre les agences de presse et les journaux. Sur une échelle moindre, le Journal de Montréal transmet ses articles au Journal de Québec par télécopie24; d'ici peu, si ce n'est déjà fait, les ordinateurs de ces deux publicationssoeurs seront branchés ensemble.

Les technologies télématiques permettent donc aux empires de la presse écrite de resserrer les maillons de leurs chaînes. On peut craindre qu'une certaine uniformisation de l'information en soit le prix. La situation n'est pas sans issue cependant. L'informatisation du journal a considérablement allégé les structures de production, ce qui peut permettre de démarrer un journal avec moins de capitaux (moins et non peut). On peut citer l'exemple du Matin de Paris, un quotidien de tendance socialiste qui réussit à survivre grâce à une infrastructure plus moderne que celle de ses concurrents. L'arrivée de la presse offset a eu un effet semblable.

Les cousines: télématique et télévision

La télématique et la télévision se rejoignent dans l'emploi de l'écran cathodique comme moyen de visualisation. Le téléviseur peut constituer un élément d'un terminal d'ordinateur domestique pendant que les câblodistributeurs peuvent, un jour, devenir des "autoroutes électroniques" où voyageront indifféremment les images de divertissement et les informations nécessaires au travail à domicile.

Les technologies télématiques font aussi partie du quotidien de la production télévisuelle. Les réseaux de télécommunication sont la base des réseaux de télévision; on ne peut penser un téléjournal sans une bonne ration d'images transmises par satellites. La réalisation des émissions dépend de plus en plus des ordinateurs qui permettent une panoplie d'effets visuels spectaculaires. Imaginez une soirée électorale sans ordinateur! (T.V.A. l'a fait!)

Le mouvement d'informatisation des salles de rédaction semble lent dans les médias électroniques. Il n'y a pas de typographes à mater dans les studios et les textes des nouvelles sont courts, ce qui enlève de l'intérêt à la chose. Les avantages de l'archivage et du traitement de textes demeurent cependant et RadioCanada aura des écrans à Montréal.

La multiplication du nombre et de la puissance des canaux de télécommunications fait disparaître le monopole des grands réseaux nationaux de télévision. Les auditeurs de Montréal peuvent syntoniser les canaux américains, la télévision française, les canaux des câblodistributeurs, la télévision payante et, bientôt, le vidéotex. Les ressources financières des grands réseaux dépendent de la publicité et une réduction de l'audience peut amener une réduction des sommes dépensées en publicité. Quelles seront les émissions dont le budget sera affecté? Le hockey ou les émissions d'affaires publiques?

Le travail des journalistes

L'informatisation a permis aux patrons de la presse écrite de mettre les typographes au, pas, de déqualifier le travail des ouvriers de l'imprimerie47 . Ce processus peut-il se répéter dans le cas des journalistes? Voyons les effets des nouvelles façons de produire la nouvelle.

Les journalistes disposent d'un système de traitement de textes pour rédiger leurs articles. Il s'agit là d'un avantage considérant la facilité avec laquelle on peut alors modifier un texte en cours d'écriture; certaines personnes peuvent cependant s'objecter à la froide logique de l'appareil ou à l'effort visuel qu'il commande.

La rédaction d'articles longs peut cependant devenir plus difficile avec le traitement de textes 48 : contrairement aux feuillets, les pages déjà écrites ne sont pas immédiatement visibles et il faut les rappeler de la mémoire; certains écrans ne présentent pas une page complète. Une certaine perte de cohérence peut en résulter.

Les risques de fautes de rédaction peuvent être augmentés, même si leur correction est plus facile. L'introduction de l'écran coïncide souvent avec la disparition des correcteurs d'épreuves à l'imprimerie. Les journalistes doivent alors corriger leurs propres erreurs, ce qui est plus difficile que de corriger celles d'une autre personne. On peut regarder Le Devoir de janvier 1983 pour voir un résultat du genre!

La fabrication de certaines nouvelles comme les "faits divers" pourrait devenir un exercice de remplissage des blancs si le journal disposait d'un certain nombre de modèles auxquels il suffit d'ajouter les circonstances précises. Une partie du travail de secrétariat se fait déjà selon cette méthode. 49

Nous avons déjà mentionné la possibilité d'inscrire directement les dépêches des agences dans les ordinateurs du journal. Les journalistes pourront (probablement) aussi disposer des informations contenues dans diverses banques de données, telle celle d'Info Globe. Il y a là un moyen pour monter rapidement un dossier sur un sujet. Mais les deux systèmes précédents peuvent confiner les journalistes dans une tâche de réécriture de textes produits par d'autres journalistes. De plus, comme les patrons répugnent à payer les déplacements et les frais d'enquête des journalistes qui constituent leurs dossiers en se rendant sur les lieux de la nouvelle, on peut craindre de leur donner un autre argument.

La fonction de "chef de pupitre" ne disparait pas avec l'ordinateur. Les journalistes doivent remettre leurs textes au "pupitre" qui peut les corriger, les rejeter, les accepter. Avec l'ordinateur, le "pupitre" appelle les textes sur son écran pour faire son travail. Rien de neuf donc, sauf la possibilité pour le "pupitre" d'observer les textes à mesure que les journalistes les écrivent, un regard pour le moins indiscret. Ce type de surveillance se pratique dans les tâches de bureau mais les journalistes semblent en être exempts, probablement à cause de la qualification nécessaire à l'exercice de ce métier.

Rien n'oblige en principe à fournir une copie imprimée de l'article qui vient d'être inscrit dans la mémoire de l'ordinateur, d'autant plus que les imprimantes coûtent cher. Comment alors établir les modifications faites par d'autres personnes que le journaliste?

Rien n'oblige non plus à ce que les terminaux soient dans la salle de rédaction. La section économique pourrait s'établir à la Bourse et transmettre ses textes à l'ordinateur de l'imprimerie. Les terminaux portatifs existent déjà et il suffit de les brancher sur un combiné téléphonique pour transmettre le texte en quelques instants. Quelle sera la solidarité syndicale de journalistes ainsi dispersés?

Malgré toutes ces réserves, il est probable que l'informatisation ne modifiera pas profondément la démarche journalistique (cueillette des informations et écriture) et le nombre de journalistes requis pour produire la nouvelle 50 . Des risques existent cependant et ils vont dans le sens d'un renforcement de l'autorité patronale. Après tout, ce sont eux qui prennent la décision.

III. DES ENJEUX RÉELS

Si nous répondons maintenant à notre question sur la survie du Journal de Montréal, il ne fait pas de doute que les médias "traditionnels" ne seront pas remplacés par le vidéotex. Les grandes chaînes de journaux ont déjà mis la main sur ce nouveau média et ils le feront servir à leurs fins. Personne ne songe d'ailleurs à transporter son écran vidéotex en se rendant au boulot en autobus!

La position du gouvernement canadien laisse songeur: il engouffre des millions dans Télidon sans avoir la certitude que le Canada profitera réellement d'une "victoire" de ce système sur les autres. Les subventions gouvernementales servent pour le moment à maintenir à flot certains promoteurs du vidéotex: Infomart, Norpak, Edimédia.

Les risques de monopolisation de ce nouveau média sont bien réels. Qui fera contrepoids aux grandes entreprises du vidéotex? N'y at-il pas lieu de créer un vidéotex d'État sur le modèle du chemin de fer et de la télévision d'État.51 Qui verra au contenu québécois du vidéotex? Infomart, Bell Canada ou le C.R.T.C?

Le vidéotex ne devrait pas se constituer en chasse gardée du pouvoir et des consommateurs les plus aisés. Les règles et les coûts d'accès au système comme pourvoyeurs ou consommateurs devraient garantir le pluralisme des contenus.

Dans les médias "traditionnels", les métiers de l'imprimerie ont déjà payé leur tribut au progrès. La fragmentation des auditoires de la télévision risque à terme de restreindre les ressources des grands réseaux et en particulier de Radio-Canada. La télématique facilite les transferts d'information à l'intérieur et entre les grands groupes de presse; la capacité de gestion de l'information des grands groupes s'en trouve donc renforcée ainsi que les risques pour la démocratie.

Les journalistes semblent pour le moment à l'abri des grands bouleversements, même si l'écran remplace la Remington. Il devient cependant un peu plus facile de confier la rédaction à des journalistes hors de la salle de rédaction alors que la tentation de travailler à son bureau en interrogeant l'écran peut devenir plus forte.

Les technologies nouvelles pourraient ouvrir certaines possibilités pour une information plus démocratique. La fabrication des journaux s'est allégée; le nombre de canaux électroniques augmente tellement vite que plusieurs, tels ceux du câble, ne sont que vaguement occupés par un contenu minimal. Comme il est difficile d'imaginer un renforcement des idées progressistes sans moyens de diffusion de ces idées, il faudra évaluer les possibilités des nouvelles technologies du point de vue des organisations qui aspirent à un changement de société.

En somme, les données fondamentales de la lutte pour l'information ne changent pas. L'information colle au pouvoir et vice-versa. Le système des mass-médias se développe en symbiose avec celui de la télématique. La rupture ne viendra pas des patrons de la presse. La vraie "révolution de l'information" n'est pas à l'ordre du jour à Bay Street.

VIDEOTRON: L'EMPIRE DE LA CÂBLODISTRIBUTION AU QUÉBEC - Une étude de cas

par: Jean-Guy Lacroix professeur au département de Sociologie de l'UQAM

ont collaboré: Anne Filion Carole Laflamme Robert Pilon

TABLE DES MATIERES

UNE ETUDE DE CAS

Il n'est pas une journée où nous n'entendons pas parler du développement de l'informatique, des micro-ordinateurs, de la transformation des communications... bref on nous informe que les nouveaux médias sont "à notre porte", on nous convainc qu'ils sont avantageux pour nous et qu'il ne faut pas manquer le train de l'histoire.

Au Québec, la firme Vidéotron est le promoteur du projet SID-Télidon qui est, sans doute, un des systèmes intégrés de nouveaux services de communication les plus complets.

Vidéotron (1979) Ltée c'est une société de gestion regroupant plusieurs compagnies oeuvrant dans le domaine de la câblodistribution et de la production pour cette distribution. Au début de l'année 1982 le groupe Vidéotron faisait état d'un actif de 123 millions et d'un chiffre d'affaires de plus de 75 millions de dollars. Ce groupe employait alors plus de 1,000 personnes et desservait plus de 600,000 foyers. Vidéotron occupait en 1982 la deuxième place parmi les 381 télédistributeurs canadiens et parmi les 5,221 entreprises oeuvrant dans ce domaine dans le monde elle se classait septième.52

Vidéotron c'est donc une entreprise très importante d'un secteur en pleine expansion. Vidéotron est en fait en position de monopole au Québec.

I- LE DÉVELOPPEMENT DE VIDÉOTRON

Historique du développement du monopole... Vidéotron

A- Une histoire de concentration de la propriété dans le secteur de la câblodistribution

Videotron Ltée naît en 1964 de Télécâble St-Michel53 avec la construction d'un roseau de télédistribution dans Montréal-Nord et à Laval. Puis, très rapidement la compagnie se développe en achetant des réseaux déjà en place mais aussi en en construisant d'autres. Ainsi, en 1966 elle achète le réseau de Mont-Laurier et construit ceux de Gatineau et de Pointe-Gatineau. L'année suivante elle construit le réseau de Buckingham. En 1969 Vidéotron achète le réseau de Beloeil/St-Bruno, l'agrandit et le modernise. La compagnie a alors environ 10,000 abonnés.54

Durant les années 1970 ce nombre sera porté à près de 100,000. En 1973, Vidéotron construit le réseau de St-Basile-le-Grand et celui de St-Jérôme en 1974. En 1975 est créée la compagnie Télécâble Vidéotron qui construit le réseau Rive-Sud de Montréal. En 1977, cette compagnie achète Télécâble de la Rive-Sud Inc. qui dessert Lévis et La Rive-Sud de Québec alors que Vidéotron Ltée agrandit son réseau de la Gatineau.

En 1978 Vidéotron Ltée et Télécâble Vidéotron se fusionnent en une seule compagnie, Télécâble Vidéotron Inc.. Cette dernière acquiert en 1979 Câblevision du Haut-Richelieu Ltée, ce qui porte le nombre d'abonnés à près de 100,000. Et, la même année est créée la Société . de gestion Vidéotron (1979) Ltée... Davis d'apprêté à manger Goliath.

En 1980 Vidéotron (1979) Ltée acquiert Câblevision Nationale Ltée et ses 310,000 abonnés.

En 1981 la filiale de Télécâble Vidéotron Ltée construit les réseaux de Joliette, Vaudreuil, Beauharnois, Repentigny, Charlemagne, L'Epiphanie, l'Assomption, St-Etienne de Lauzon, Breakyville, Melocheville, Mirabelle et Ste-Anne-des-Plaines. Pendant ce temps l'autre filiale Câblevision Nationale Ltée construit ceux de Val-Bélair, St-François Boisbriand et Fabreville. La compagnie a alors plus de 600,000 abonnés.55

B- Vidéotron le monopole de la câblodistribution au Québec

La concentration de la propriété dans le secteur de la câblodistribution se fait donc par l'achat et/ou la fusion d'entreprises opérant déjà dans le secteur mais aussi par la construction de nouveaux systèmes de distribution et l'agrandissement et la modernisation de ceux qui existent déjà.

Au fil des constructions, agrandissements et modernisations il y a donc développement d'un marché dans lequel le nombre d'abonnés de Vidéotron passe de 1966 à 1982 de 600 à 603,000. Grâce à l'acquisition de Câblevision Nationale, Vidéotron s'accaparait 50.6% des abonnes potentiels au Québec (9.5% du potentiel canadien)". A ce moment il ne restait au Québec qu'une seule autre entreprise de câblodistribution de taille importante, Cable-TV (cinquième au Canada) desservant l'ouest de Montréal et dont les 128,000 abonnés représentaient 16.5% des câblo-abonnés québécois7. De 1980 à 1981 le nombre de câbloabonnés de Vidéotron passe de 392,000 à 560,414 soit une augmentation de 53.8% de sorte que la part de cette compagnie dans les câbloabonnés québécois était en 1981 de 53.4%. Mais l'appétit de Vidéotron ne s'arrêta pas là. En effet en 1981 cette compagnie tenta d'acheter Cable-TV, ce fut cependant CFCF (propriété de Paul Pouliot) qui réalisa cet achat.56

Le tableau I montre clairement que la position de Vidéotron sur le marché québécois de la câblodistribution est très avantageuse, voire monopoliste. La part de câblo-abonnés de Vidéotron est de 53.4% mais cela ne représente qu'environ 40% du bassin potentiel de Vidéotron. Il reste donc beaucoup de place pour une expansion horizontale de Vidéotron dans son propre bassin. D'autant que ce bassin contient la plus grande partie des foyers québécois, c'est-à-dire la Vallée du St-Laurent de Montréal à Québec plus l'axe Sherbrooke/Cap-de-laMadeleine. Le plus important est toutefois de constater que, dans ce bassin encore inoccupé à 60% la compagnie Vidéotron est en train de se donner les principaux instruments pour approfondir son propre marché.

Dès 1974-75 Vidéotron vise le développement de la communication télébi-directionnelle qui permettra de rendre opérationnelle la télévision à la demande. Pour ce faire Vidéotron installe sur l'ensemble de son territoire des câbles capables de "transporter" au moins 27 canaux. La compagnie a d'ailleurs consacré plus de 20$ millions depuis 1980 pour porter à ce niveau le réseau de câbles de sa filiale Câblevision Nationale Ltée.

La compagnie travaille également à développer une nouvelle génération de câblosélecteur lequel sélecteur permettra de communiquer avec l'ordinateur central de la compagnie et de commander les services offerts par celle-ci. Vidéotron a, à cet effet obtenu un prêt de 10 millions de la banque Toronto-Dominion.

TABLEAU I ACCROISSEMENT DES CABLO-ABONNÉS VIDÉOTRON

Finalement et c'est là la clé de tout ce marché potentiel, la filiale Vidéotron Communications Ltée travaille au développement et à l'implantation du projet SID, Système d'information à domicile. SID, c'est un système intégré de communication mettant à la disposition des câbloabonnés l'accès à des banques de données et à toute une gamme de nouveaux services: télétexte à haute capacité, vidéotexte-Télidon, services de surveillance (feu-vol), jeux, service de télécommande de gestion de l'énergie (relevé des compteurs de gaz, eau, électricité), distribution de logiciels télégestion. Mais le projet SID c'est principalement pour le moment la télé à péage . Le projet SID-Télidon en est rendu à la phase de commercialisation et pour cette fin on l'a baptisé VIDACOM... les principales fonctions de ce système sont illustrées dans le graphique qui suit:

FONCTIONS DU SYSTEME VIDACOM

RÉSEAU DE DISTRIBUTION

De plus, il faut signaler que Vidéotron a développé un mode de relations avec d'autres câblodistributeurs qui permet à la compagnie d'étendre son emprise sur le secteur bien au-delà de sa propriété directe. En effet Vidéotron participe avec d'autres câblo-distributeurs à des consortiums industriels chargés d'assurer différents services. Vidéotron participe ainsi à Microbec (transport et réception par micro-ondes de signaux vidéo et audio), La Sette (distribution au Québec par la chaîne TVFQ 99 d'émissions de France provenant par satellite), et aux réseaux Inter-Vision assurant la distribution régionale de signaux de télévision. Ces réseaux devraient en 1984 rejoindre près de 90% de la population du Québec. Or, il s'avère que par sa taille, le nombre de ses abonnés, sa maîtrise technologique et ses capacités de revenus Vidéotron a un poids déterminant dans ces consortiums. Vidéotron exerce donc une influence, si ce n'est une certaine forme de contrôle, économique et technologique sur les autres câblodistributeurs du Québec.

C Un marché qui pourraitêtre très payant pour Vidéotron

En ne retenant que les revenus des abonnements à la télépayante, Vidéotron pourrait augmenter ses revenus d'environ 500,000$ par mois si la pénétration d'une seule chaîne se faisait à 10% (voir le Tableau II). Si cette pénétration, toujours d'une seule chaîne, était de 20% l'augmentation serait de 980,478$ par mois, 12$ millions par année et si la pénétration s'avérait identique à ce qu'elle est aux États-Unis soit 37.7%11 l'augmentation mensuelle des revenus serait de près de 2$ millions, plus exactement 1,848,192.90$. A ces revenus additionnels tirés de la télépayante il faudra ajouter ceux que l'entreprise tirera des abonnements et de l'utilisation des autres services du projet SID.

Ces quelques données montrent très clairement que l'entreprise Vidéotron a devant elle un marché qui ne pourra qu'augmenter, d'autant que la restructuration des activités socio-économiques qui s'amorce dans le cadre de la crise actuelle modifiera substantiellement les habitudes de consommation des divertissements et provoquera probablement une augmentation importante de services à domicile... L'avenir semble donc radieux pour Vidéotron mais ce sont les consommateurs qui en feront les frais comme le nombre le Tableau III.

TABLEAU II REVENU ADDITIONNEL TIRE DE LA TÉLÉPAYANTE PAR VIDEOTRON

Coût d'un abonnement à une chaîne et revenu pour Vidéotron

Pour les 603,000 abonnés de Vidéotron

une pénétration de

TABLEAU III COUT/S POUR LE CONSOMMATEUR DE/DES ABONNEMENT/S À LA TÉLÉPAYANTE

- Détail de la tarification (à chacun de ces coûts d'abonnements s'ajoute le coût du tarif de base de l'abonnement à Vidéotron soit 11.28$ plus taxe 12.41$ et de 30.00$ pour les frais d'établissement) .

First Choice (1) 15.95$ plus taxe - 17.38$

Premier Choix (2) 15.95$ " " - 17.38$

C-Channel (3) 14.50$ " " - 15.80$

TVEC (4) 15.95$ " " - 17.38$

4) Télévision de l'Est du Québec, chaîne régionale de langue franc.

- Coût/s pour l'usager (différents scénarios).

Chaîne Base Mensuel Annuel

1-1 chaîne ... Premier/First 17.38$ + 12.41$ 29.79$ -357.48$

2-2 chaînes... Premier & First 31.90$ + " 44.31$ -531.72$

La structure de propriété de Vidéotron

Cette structure est illustrée par le graphique 2. Les propriétaires directs, c'est-à-dire les détenteurs du capital-action avec droit de vote au Conseil d'administration, sont indiqués dans la partie supérieure du graphique alors que le système de filiale est présenté dans la partie inférieure.

Ces descriptions sont celles que le Groupe Vidéotron donne dans sa publication de 1982 "Le Groupe Vidéotron", page 2.

TABLEAU V: DESCRIPTION DES FONCTIONS DES FILIALES DE VIDEOTRON

1. VIDEOTRON (1979) LTEE Société de gestion (Holding)détenant des intérêts majoritaires dans plusieurs sociétés de câblodistribution ou de service, reliées à la câblodistribution.

2 CABLEVISION NATIONALE LTEE Télédistributeur, filiale à 100% du Groupe Vidéotron (1979).

3. VIDEOTRON COMMUNICATIONS LTEE Filiale à 100% du Groupe Vidéotron (1979) Ltée. Cette société est spécialisée dans la recherche et le développement de l'industrie de la câblodistribution et de ses services, présents et futurs.

4. TÉLÉCABLE VIDEOTRON LTEE Télédistributeur, filiale à 100% du Groupe Vidéotron (1979) Ltée.

5. SELECTORAMA LTEE Filiale à 100% du Groupe Vidéotron (1979) Ltée. Sélectorama est responsable de la mise en marché et de la gestion des services de télévision payante pour les télédistributeurs du Groupe.

6. INTER-VISION MONTREAL INC. INTER-VISION QUÉBEC INC. Consortium de télédistributeurs regroupés sur une base régionale, diffusant par micro-ondes la programmation qui est ensuite distribuée par les télédistributeurs à leurs abonnés. Câblevision Nationale Ltée et Télécâble Vidéotron Ltée détiennent la majorité des parts d1InterVision Montréal,Inter-Vision Québec, et sont des partenaires importants dans Inter-Vision des Cantons de l'Est et Inter-Vision de la Mauricie.

7. CABLESPEC INC. Consortium industriel chargé d'assurer la programmation diffusée par les réseaux d'Inter-Vision (Montréal) et d1Inter Vision (Québec), filiale à 100% d'Inter-Vision Montréal et InterVision Québec.

8 AGENCE DE LIVRAISON SELECTIVE (ALS) INC. Consortium industriel chargé de négocier la gestion et la distribution des réseaux nationaux de télévision payante pour la plupart des télédistributeurs du Québec.

9 LA SETTE La Société d'édition et de transcodage T.E. Ltée, assure la programmation et la diffusion au Québec de TVFQ 99, la télévision de France au Québec.

10. MICROBEC Consortium industriel de télédistributeurs, chargé de négocier et d'assurer le transport et la réception par micro-ondes de signaux vidéo et audio.

Au sujet des filiales du groupe Vidéotron il faut distinguer dans le réseau Inter-Vision les filiales Inter-Vision de Montréal et de Québec où la participation de Vidéotron s'élève à plus de 95% et les Inter-Visions régionales comme celle des Cantons de l'Est où cette participation est minoritaire. Vidéotron a également une participation partagée avec d'autres câblodistributeurs dans d'autres filiales. (Voir le Tableau VI).

TABLEAU VI - DEGRE DE PARTICIPATION DE VIDEOTRON DANS SES FILIALES INTER-VISIONS ET LA SETTE

Contrôle "quasi absolu"

  • Inter-Vision (Montréal) Inc. est en fait sous le contrôle quasi absolu de Vidéotron puisque le total de la participation majoritaire de sa filiale Câblevision Nationale (74.5%) et minoritaire de Télécâble Vidéotron (22.9%) s'élève à 97.4%.
  • Inter-Vision (Québec) Inc.= Câblevision Nationale (85.7%) et Télécâble Vidéotron (13.1%) donne à Vidéotron une participation totale de 98.8%.

Contrôle majoritaire

  • Inter-Vision des Cantons de l'Est. Dans ce cas, le groupe Vidéotron est l'actionnaire principal, mais sa participation à la propriété est minoritaire et s'effectue en association avec un certain nombre de petites entreprises régionales indépendantes. La participation à la propriété dans cette filiale est la suivante: Câblevision Nationale (36%), Câblestrie (19%), Télé-câble St-Hyacinthe (10%), autres petites entreprises détenant moins de 10% (35%).
  • La Sette est sous le contrôle majoritaire du Groupe Vidéotron par la participation de ses filiales Câblevision Nationale (43%) et Télécâble Vidéotron (10%) ce qui représente une participation de 53% pour Vidéotron. Participent également à La Sette, CableTV (15%) de même que plusieurs petites entreprises régionales (32%).

Ces données proviennent du Fichier Central des Entreprises du Québec, année 1982. 2 Ces données proviennent également du Fichier Central, année 1981.

Vidéotron c'est qui ?

A- Ceux qui possèdent

Le principal actionnaire du Groupe Vidéotron est André Chagnon Il est propriétaire de 60.7% des actions de la Société de gestion Vidéotron (1979) Ltée, soit 18.7% directement et 42% par l'intermédiaire de Sojecci, son holding personnel (Sojecci appartient en effet à 99% à André Chagnon, le reste est propriété de membres de sa famille). Il a commencé sa carrière comme technicien à la Commission des services électriques de la Ville de Montréal au début des années '50. On le retrouve en 1957 président de la Société ER Chagnon (électricité, éclairage de route, signalisation et canalisation souterraine). Plus tard, cette entreprise met sur pied une division de câblodistribution. Finalement, il se départit en 1966 des actifs de l'entreprise de construction et devient l'année suivante président de la Société de câblodistribution Vidéotron Ltée. Dès lors, Vidéotron connaîtra la croissance très rapide que nous avons déjà décrite.

Quatre cadres du Groupe Vidéotron, associés de longue date avec André Chagnon, possèdent 4.6% des actions de la compagnie. Ce sont: Roger Jauvin (2.1%), Jean-Charles Dagenais (1.3%), Guy Laflamme (0.6%) et Pierre Hébert (0.6%). Les trois premiers sont respectivement viceprésident exécutif, vice-président ingénierie et contrôleur alors que Pierre Hébert est vice-président du marketing et des ventes chez Câblevision Nationale et Télécâble Vidéotron.

La Société de financement d'entreprises Roynat Inc. possède 4.7% des actions de Vidéotron. Les actifs de Roynat sont détenus par de grandes entreprises de finance dont: la Banque Royale du Canada (41.5%), la Banque Nationale du Canada (34%), le Montreal Trust (13.5%), Canada Trust Company (10%). Il faut également signaler que le groupe Power Corporation de Paul Desmarais contrôle le Montreal Trust et possède 6% des actions de la Banque Nationale du Canada.

Par ailleurs 30% des actions du Canada Trust appartiennent à l'importante compagnie canadienne d'assurances ManuLife.

Enfin, la Caisse de dépôts et placements du Québec possède 30% des actions de Vidéotron (1979) Ltée. La Caisse est une société qui appartient à l'État québécois. Elle gère les cotisations versées par les citoyens du Québec à la Régie des rentes. Ses actifs s'élèvent à plus de 10 milliards et elle possède des blocs d'actions importants dans plusieurs grandes entreprises dont: le Canadien Pacifique, Alcan, Domtar, Provigo, Gaz Métro, Dominion Textile, le Trust général du Canada, Québec Téléphone, Papier Rolland, la Banque nationale du Canada et Power Corporation.

B- Ceux qui dirigent

Au Conseil d'administration de Vidéotron (1979) Ltée on retrouve d'abord et évidemment l'actionnaire majoritaire et principal de l'entreprise, André Chagnon.

La Caisse de dépôts semble représentée à ce conseil d'administration par les membres suivants: Denis Giroux, gérant de porte-feuilles à la Caisse; Jean-Marc Lafaille, de la Société Loto-Québec; et Michel Décary, du bureau d'avocats d'affaires Guy, Vaillancourt et Associés.

Roynat défend probablement ses intérêts au conseil d'administration par la présence à ce conseil de Gilles Nolet. Ce dernier était en 1980 vice-président de Roynat. En 1982 il siège au conseil d'administration de Volcano, société filiale de la SGF (Société générale de financement) elle-même contrôlée par l'État québécois.

Sont également au conseil d'administration de Vidéotron Louis-Philippe Savard et Laurent Picard. Le premier est vice-président des Coopérants, importante société québécoise d'assurances. Le second fut président de Radio-Canada et est aujourd'hui doyen de la faculté d'Administration de l'Université McGill, membre du conseil d'administration de Via Rail Canada, de Sidbec (sidérurgie contrôlée par l'État québécois) et d'Astral Bellevue Pathé une entreprise de production de films sous le contrôle des familles Greenberg et Bronfman.

Par ailleurs, du groupe des cadres propriétaires d'actions, seul Roger Jauvin est membre du conseil d'administration. Cette présence semble s'expliquer par son rôle-clé dans l'entreprise beaucoup plus que par son bloc (2.1%) d'actions. Jauvin semble en effet être à la fois le "penseur" et "l'agent de liaison" avec les États fédéral et provincial. Il a été membre du groupe de travail concernant le devenir de l'industrie de la câblodistribution, groupe formé par l'ACQ (Association des Câblodistributeurs québécois) et le MCQ (Ministère des Communications du Québec). Il fut également membre du groupe de travail DELTA, étude et prospective sur les télécommunications au Canada. Roger Jauvin est actuellement directeur du projet de recherche sur l'implantation du système Télidon dans les systèmes de câblodistribution.

II - EN ARRIERE DU PROPRIETAIRE OFFICIEL... D'AUTRES PROMOTEURS

Derrière M. André Chagnon et la société Sojecci (société familiale Chagnon) il y a d'autres promoteurs du développement du secteur en voie de structuration mais aussi de l'entreprise Vidéotron... il y a des promoteurs politiques... mais surtout des promoteurs qui exercent le pouvoir réel par le contrôle financier...

Les États fédéral et provincial

A- La querelle Ottawa-Québec pour l'autorité juridique sur le secteur

Les années 1970 ont entre autres été marquées par la querelle du câble. Cette querelle ne fut pas uniquement le prolongement des querelles des écoles, de la radio et de la télévision... elle fut aussi une bataille dont l'enjeu était économique.

Dès 1971 le Québec compte se donner les moyens de contrôler le secteur des communications culturelles dans lequel, selon l'affirmation du ministère des Communications du Québec, le câble occupe une place de choix12. Cependant en 1972, le gouvernement fédéral amenda sa loi du ministère des Communications afin d'élargir le champ d'action de la Régie des services publics... pour que dorénavant la juridiction de celle-ci comprenne l'ensemble des moyens de communication, y compris le câble13. En 1973, le ministère québécois des Communications signale que la loi 35, loi de la Régie des services publics, a été modifiée afin d'attribuer à cette Régie une compétence à l'égard des entreprises de communication relevant de sa juridiction .

Mais en 1977, et bien que les 3 juges québécois se soient montrés en désaccord, la Cour Suprême tranchait en faveur d'Ottawa affirmant que la compétence en matière de câblodistribution était exclusivement du ressort fédéral. Le Québec perdait ainsi une bataille dont l'enjeu politico-économique était de taille, le contrôle du développement de l'industrie du câble et de la télématique. Quant à la télépayante le Québec ne réussira à garder qu'une maigre partie du contrôle en forçant, par un règlement de la Régie des services publics du Québec, les câblodistributeurs à respecter la parité entre canaux de langue française et anglaise .

B- Interventions étatiques dans la recherche et l'implantation de la télématique...le projet SID-Télidon

Les interventions étatiques dans le développement et l'implantation de la télématique au Canada et au Québec sont à la fois directes et indirectes.

Le gouvernement du Québec a depuis 1979 investi 300,000$ en recherche pour le développement de la télédistribution. Mais c'est le gouvernement fédéral qui est intervenu le plus directement et le plus massivement. D'une part la mise au point du système Télidon, fer de lance de l'implantation de la télématique au Canada, a été effectué par le MCC (Ministère canadien des Communications). Et d'autre part depuis cette invention le gouvernement fédéral s'est fait le principal promoteur de la télématique en investissant massivement dans le perfectionnement et l'expérimentation du système Télidon. En 1980, le fédéral affirmait y avoir déjà consacré 12.6$ millions depuis 1978 et projeter d'investir encore 27.5$ millions dans les 2 années suivantes. Ottawa consacre cet argent à subventionner des projets d'application du système. C'est ainsi que Francis Fox annonçait en janvier 1982 que 9.5$ millions allaient être attribués à la réalisation de 52 projets dont 6 au Québec. Vidéotron a profité également de subventions pour le développement et l'implantation de Télidon. En mai 1979, le MCC s'associa à la compagnie en investissant 1,850,000$ million pour le développement de SID-Télidon.

Mais les interventions étatiques sont également indirectes par le biais d'organismes para-gouvernementaux. Ainsi, dès 1969, Vidéotron profite-t-elle de la collaboration de l'ONF dans la mise en place du projet Selecto-TV permettant la consultation de contenus spécialisés selon un modèle interactif d'auto-programmation. Et l'université de Montréal (l'École de Polytechnique) de même que l'UQAM collaborent avec Vidéotron depuis 1980 au développement et à l'implantation du système Télidon.

C Interventions et participation de membres du personnel politique au développement du secteur

Les membres du personnel politique de l'État autant dans sa dimension fédérale que provinciale interviennent à la fois directement en participant à l'administration de l'entreprise et indirectement par des interventions à l'occasion de demandes faites au CRTC en vue d'achats et/ou fusions d'entreprises du secteur.

Ainsi pouvons-nous constater que le développement de l'entreprise Vidéotron se fit avec la participation presque constante depuis 1971 de personnes liées, du moins de façon indirecte, à l'État provincial. Dès 1971, lorsque la Caisse de dépôt acquiert 30% de Câblevision Nationale (qui en 1980 deviendra une filiale de Vidéotron) on constate la présence au conseil d'administration d'un représentant de la Caisse, en 1978 c'était M. Jean Michel Paris alors directeur-général adjoint à la Caisse. A ce moment on note également la présence au conseil d'administration de Câblevision Nationale de M. Robert Després, ex-président de l'Université du Québec. En 1982, les représentants de la Caisse au conseil d'administration de Vidéotron sont au nombre de 3, comme nous l'avons vu antérieurement. De plus, nous y remarquons la présence de M. Louis Brunnel, directeur de l'École nationale d'Administration publique, constituante de l'Université du Québec. Louis Brunnel est également l'auteur du livre "Des machines et des hommes" , livre préfacé par M. Gérard Pelletier, ex-ministre libéral à Ottawa et maintenant ambassadeur canadien à Paris. Dans cette préface M. Pelletier souligne que la télé-information plonge ses racines jusqu'en 1940-50 avec des visionnaires comme M. Pierre Juneau bon ami de M. Pierre-Elliot Trudeau, ex-député libéral fédéral et aujourd'hui président de Radio-Canada.

Mais les interventions de membres du personnel politique et même de politiciens sont également très importantes dans le développement de l'entreprise et la structuration du secteur. Ainsi lorsque l'achat de Câblevision Nationale par Vidéotron fut accepté par le CRTC, il y eut devant le CRTC des interventions favorables à la transaction de la part des villes de Montréal et de Longueuil, de même de la part de M. Jacques Olivier, député libéral fédéral de Longueuil.

Finalement il faut rappeler que c'est en 1971 et suite à une directive du CRTC émise en 1969 et selon laquelle la participation étrangère au capital-action d'entreprises canadiennes de câblodistribution devait être réduite à un maximum de 20% que CBS Inc. des États-Unis et Evergreen Câblevision Ltd. de Colombie-Britannique alors propriétaires de Câblevision Nationale cédèrent 60% du capital-action à un consortium formé par la Caisse de dépôts (30%), la compagnie d'assurances la Laurentienne (20%) et d'autres assureurs (10%) . Ainsi pour l'industrie du câble comme ce fut le cas pour la télévision, la radio, les transports aériens et ferroviaires... l'État canadien se faisait le promoteur politique de la propriété économique canadienne au Canada.

D- Des interventions étatiques qui ont une incidence sur le financement de l'entreprise

Par la réglementation tarifaire... et l'attribution des licences

L'État fédéral intervient directement sur les conditions de rentabilité des entreprises de câblodistribution en réglementant les tarifs, en attribuant les licences d'exploitation de territoires et en approuvant ou refusant les achats et fusions d'entreprises opérant dans le secteur.

Ainsi en 1980 Vidéotron demande au CRTC de consentir à une hausse de 1.00$ de ses tarifs mensuels. L'organisme para-gouvernemental accepta cette demande alléguant que l'augmentation était justifiée compte-tenu des immobilisations nécessaires à l'amélioration de la qualité des services (porter les câbles à 27 canaux) et à augmenter le nombre de services offerts... cela voulait dire les nouveaux services caractéristiques de la télématique (entre autre le projet SID-Télidon) et les lignes capables de les "transporter". Autrement dit les hausses de tarifs consenties par le CRTC allaient financer une bonne part de l'implantation des nouveaux services, de la télématique dont le fédéral était/ est... par ailleurs... un des principaux promoteurs! Cette augmentation porta le prix de l'abonnement mensuel dans la région de Montréal de 6.75$ à 7.75$, soit une augmentation de 14.8%. En août 1982, le prix du même abonnement était de 9.75$ ce qui représentait une hausse de 25.8% depuis juillet 1980. Et, six mois plus tard, en décembre 1982 ce prix sera de 10.34$ (taxe non-incluse), soit une hausse de 6.05%. En deux ans et demi le tarif Vidéotron était donc passé de 6.75$ à 10.34$ soit une augmentation de 53.19% pour le consommateur.

S'il est évident que le CRTC a par la tarification une incidence directe sur les conditions de rentabilité, il n'est pas moins évident que cet organisme étatique joue un rôle-clé dans la structuration du secteur par sa capacité juridique d'attribuer les licences d'exploitation de territoires mais surtout par le rôle qu'il joue dans la concentration de la propriété dans le secteur. A ce titre la transaction de 1980 par laquelle Vidéotron (100,000 abonnés) achetait Câblevision

Nationale (310,000 abonnés) est très significative. En effet, le CRTC accepta cette transaction en précisant qu'il voyait d'importants avantages à l'augmentation de la concentration dans le domaine de la câblodistribution. L'organisme soulignait de plus que la transaction serait bénéfique pour l'ensemble du système de radiodiffusion et que la création d'une "(...) entité de cette importance au Québec (...) provoquera un effet d'entraînement et un leadership qui sera bénéfique pour le développement de ce secteur(...)"

Ce n'est pas que pour le Québec que le CRTC prit une telle décision avec les mêmes raisons. Cet organisme approuva également le 30 juillet 1980, en même temps que la transaction Vidéotron, l'acquisition par Canadian Cablesysterns Ltd de Toronto propriété du groupe Ted Rogers de Premier Communication Ltd. de Vancouver pour la somme de 86.5 millions de dollars formant ainsi la plus importante entreprise de câblodistribution au Canada (1,100,000 abonnés, soit 27% du marché canadien).

Par l'apport de capital à l'entreprise

La Caisse de dépôts et placements du Québec était depuis 1971 le principal actionnaire de Câblevision Nationale (30% du capitalaction) alors que Vidéotron (1979) Ltée acquiert cette compagnie pour la somme de 14$ millions. Des 10$ millions comptants nécessaires à cet achat 8$ millions furent "apportés" par la Caisse qui acheta pour cette somme 30% des actions de Vidéotron (1979) Ltée. Par cette opération André Chagnon se procurait donc 80% du financement nécessaire à l'acquisition de la plus importante compagnie de câblodistribution du Québec. Les 4$ millions restants furent/sont "financés" par la compagnie achetée puisque l'acquittement de la balance de vente se fera par versements semestriels de 500,000$ à compter du quarantedeuxième mois de la signature30. L'entente fut acceptée par le CRTC le 30 juillet 1980... cela implique donc que le remboursement de la balance de vente devrait commencer en janvier 1984! En retenant que la Caisse de dépôts était le principal actionnaire de la compagnie achetée il devient évident qu'elle supporte également, mais ici de façon indirecte, l'opération d'acquisition de Câblevision Nationale.

Le capital financier

Le capital financier manifeste sa présence dans l'entreprise Vidéotron par la participation de Roynat au capital-action (pourcentage de contrôle direct de 4.7%) et par le financement: de l'achat de Câblevision Nationale, des opérations de modernisation, du développement de. la nouvelle technologie et des opérations courantes.

Ainsi en 1980 dans l'acquisition de Câblevision Nationale pour 14$ millions, 2$ millions sont-ils fournis par la banque Toronto-Dominion31. Cette banque financera également les 10$ millions nécessaires pour le développement et la commercialisation d'un nouveau télésélecteur. Vingt autres millions seront avancés conjointement par les banques TorontoDominion et Nationale du Canada pour la modernisation du réseau de la filiale Câblevision Nationale. A ce vingt millions les mêmes banques ajoutèrent un crédit rotatif de 2$ millions. Finalement, les deux mêmes banques prêteront les 5$ millions nécessaires aux immobilisations des consortiums Inter-Vision de Montréal et de Québec.

C'est donc près de 39$ millions que le capital financier avance à Vidéotron en 1980-1981. De ces 39$ millions la plus grande partie est fournie par la banque Toronto-Dominion. On peut ainsi penser que le capital financier, particulièrement la banque Toronto-Dominion, a une position de contrôle dans l'entreprise Vidéotron.

Il semble donc que le grand capital via l'entreprise Vidéotron est un promoteur du développement du secteur et plus largement de la télématique, du moins de son implantation. Dès ses premiers pas ce secteur industriel nouveau est donc soumis à la puissance du capital financier...

CONCLUSION

Au Québec la compagnie Vidéotron est un des principaux promoteurs de la télématique surtout par son projet SIDTélidon lequel a depuis 1981 été expérimenté entre autre à Laval et qui devrait entrer en 1983 dans sa phase première d'implantation dans le grand public.

Nous avons vu que Vidéotron est au Québec en position de monopole de fait dans le marché de la câblodistribution et qu'avec l'introduction de la télépayante et celle des nouveaux services cette compagnie a devant elle un marché potentiellement très lucratif. Il ne faudrait toutefois pas penser que Vidéotron a les coudées franches. D'une part son développement horizontal au Québec semble avoir atteint un stade quasi limite qui forcera la compagnie à poursuivre son expansion à l'extérieur du Québec. D'autre part l'implantation de la télématique peut emprunter d'autres canaux, entre autres le téléphone et la fibre optique et là, Vidéotron a un adversaire de taille, Bell Canada et son projet Vista.

Derrière André Chagnon principal actionnaire de Vidéotron se profilent d'autres promoteurs. Nous avons en effet constaté que les États fédéral et provincial sont très actifs dans le développement, l'implantation et la "rentabilisation" de la télématique. D'autre part, le grand capital financier est également là. On peut même dire que dans le cas de Vidéotron qu'il est omniprésent surtout par le financement fourni par la banque Toronto-Dominion.

Télématique, projet SID-Télidon, télépayante, nouveaux services et développement de nouveaux secteurs industriels semblent donc inévitables, déjà en voie de réalisation. Mais dans ce processus, on oublie trop facilement ceux et celles qui paient... les consommateurs.

Il semble toutefois que pour les politiciens, banques et propriétaires ces gens n'aient qu'à ouvrir leur porte à la télématique... et payer. Comment les convaincra-t-on et/ou forcera-t-on à le faire? Seront-ils capables de le faire?

Jean-Guy Lacroix, sociologue UQAM janvier 1983

Ont également collaboré à ce texte: Anne Fi lion, Carole Laflamme et Robert Pilon.

RÉFÉRENCES

LA TÉLÉVISION ET LA VIE PRIVÉE : LA TÉLÉMATIQUE AFFECTE-T-ELLE NOS DROITS ET LIBERTÉS?

Par Gaétan Nadeau

Ligue des droits et libertés

Toute une quincaillerie a vu le jour ces dernières années, dans le secteur de la gestion des données et de l'administration bureaucratique. Même si toutes les retombées sont loin d'être connues, il reste que pour les organismes et les personnes préoccupées par la problématique des droits et libertés, un certain nombre d'interrogations attirent notre attention.

Le droit à l'intégrité de sa personne, aussi appelé droit à l'image, le droit d'accès à l'information publique, le droit d'accès et de contrôle des dossiers personnels, le respect de la vie privée, la progression des mesures discriminatoires et injustes, voilà nos préoccupations. L'électronique donne à ces thèmes un nouveau cadre de référence. Il en découle une problématique plus vaste, plus complexe.

Aujourd'hui, la problématique a pris l'ampleur de la révolution qu'elle transporte. Les difficultés au niveau du droit, autant naturel que scolastique, arrivent elles aussi en quantité industrielle. Les ordinateurs appellent la normalisation. Ils sont aussi d'une indiscrétion gênante. C'est une indiscrétion passive, mais tout de même présente. Ils atteignent le maximum de leur efficacité lorsqu'ils sont en état de concentration. Ce qu'ils avalent, ils ne le rejettent pas facilement et pas toujours dans le même état qu'à l'origine. Avec les mêmes données, les mêmes programmes, le même personnel, ils peuvent servir au pire comme au meilleur.

Le présent texte touchera deux points importants, susceptibles de porter atteinte à nos droits et libertés; les banques de données et les systèmes de paiements électroniques. Prenons ces deux secteurs comme témoins tout en spécifiant que pour la Ligue des droits et libertés, le dossier de l'électronique ne se limite pas à ces deux exemples.

En terminant cette introduction, signalons que la Ligue des droits et libertés tient à aborder ce sujet en dehors d'un cadre purement légaliste. La question légale est certes importante, mais il serait dangereux de s'y cantonner. Le risque de perdre la globalité du sujet est grand. La tentation de trouver, dans le droit, la pharmacopée universelle peut être une illusion coûteuse.

DÉFINITION

Pour bien comprendre la portée du débat, quelques lignes pour définir ce qu'est une banque de données ou fichier.

Commençons par le début: les données. Une donnée est une information. Dans le cas qui nous intéresse cette information porte sur un individu et lui est particulière ou personnelle. L'âge, l'adresse, l'appartenance politique, etc.. etc..., voilà autant de données.

Les banques de données désignent un endroit où on emmagasine ce genre données. On accumule par exemple tout ce qu'on peut savoir sur M. X ou Mme Y. Une banque de données peut fonctionner manuellement avec des dossiers manuscrits: c'était le cas jusqu'à l'arrivée des microprocesseurs. Depuis, comme il est devenu facile et économique de le faire, on a recours à l'informatique. Les banques de données prennent donc de l'ampleur et se diversifient. Tous les organismes ont leur banque.

ORIGINE

De la nécessité naît l'organe. Voilà qui explique de façon simple, mais vraie, l'arrivée des ordinateurs.

En Amérique du Nord, en 1880, apparaît la première machine utilisant et traitant des informations sur les personnes. Notons qu'à l'époque l'appareil avait pour fonction de résoudre un problème de quantité. Ce genre de machine fut utilisée pour des recensements. Ce qui comptait, c'était le total et non la particularité des informations recueillies.

Multiplication des utilisateurs

Les grandes entreprises, privées et publiques, comme Bell Canada et Hydro-Québec, mirent à profit les premières générations d'ordinateurs vraiment efficaces pour gérer une masse d'informations de plus en plus diversifiées.

Les relations avec les clients, au niveau de la facturation surtout, connurent l'entrée percutante de cette nouvelle technologie. Parallèlement, se formèrent d'importantes banques de données sur les individus.

Le microprocesseur

L'arrivée triomphale du micro-processeur eut un effet exponentiel. La capacité d'emmagasinage des informations semblait sans limite. D'année en année on réduisait l'espace nécessaire pour conserver les informations. On améliorait la fiabilité des mémoires, et, miracle des temps modernes, on réduisait les prix d'achat.

Facilité d'exploitation et envahissement

L'ordinateur est devenu accessible, facile d'exploitation, peu coûteux et très versatile. A l'orée des années '80, ce fut la curée. Le secteur tertiaire se mit à la tâche. On vit apparaître des ordinateurs dans les bureaux de médecins, les pharmacies et bien d'autres dispensateurs de biens et services.

Il y a des dossiers sur les emprunteurs, les électeurs, les traducteurs, les trappeurs, les victimes de viol, les faillites, les personnes aptes à chasser, des propriétaires d'automobile avec la couleur de leurs yeux, mais pas celle de leur voiture, etc..

Le secteur privé s'est mis de la partie. Pour quelques dollars, des compagnies se spécialisent dans l'accumulation d'informations sur vos habitudes de vie et votre moralité. Même plus, des milliers de dossiers personnels de Québécois ou de Canadiens sont tout bonnement aux ÉtatsUnis. American Express en compte 130,000 comme ça: le crédit Index 8,500; Diners Club 75,000; etc., etc..57

Il y a donc un problème d'éparpillement des données. Actuellement, aucune législation n'oblige un fournisseur d'informations à vous faire savoir qu'il existe un dossier sur votre personne. Pourtant, un dossier de crédit qui serait mal fondé, peut causer de graves préjudices à un individu. Ce dernier ne saura jamais pourquoi, mais toujours il sera hors du circuit du crédit.

Des compagnies privées comme Tenant-Check rêvent de mettre sur pied un réseau d'informations pan-canadien, traitant de la solvabilité, la propreté, la docilité des locataires. Cette banque de données est gérée au profit des propriétaires.

Les informations qu'on transmettra sur votre personne à travers tout le pays sont l'objet d'un traitement très subjectif, soit l'appréciation du propriétaire. On prend la peine d'indiquer si vous avez fait appel à la Régie du logement dans le passé. Pour certains propriétaires, cette seule information sera suffisante pour vous refuser le logement.

Dans le secteur des services sociaux, et gouvernementaux en général, on utilise les ordinateurs à toutes les sauces. Le gouvernement fédéral, à lui seul,contrôle 1500 banques de données. Au Québec, le nombre de banques de données utilisées par les services publics est inconnu. Même la commission Paré n'a pas été capable d'en faire une liste exhautive

Bientôt, les banques de données fédérales et provinciales seront l'objet d'une surveillance accrue. Chacun des parlements a voté une loi qui crée un organisme de surveillance chargé d'octroyer des permis d'opération et de contrôler la bonne utilisation des données. Les citoyens ont le droit de vérifier leurs dossiers et de les rectifier, si nécessaire. On informe la personne concernée des endroits où sont diffusées les informations qui la touchent.

Les interconnexions sont limitées. Mais le gouvernement peut tout de même autoriser certains transferts d'informations à caractère privé surtout au bénéfice de la police.

Technologie de pointe

Au Québec, la technologie de pointe dans le domaine du traitement des informations sur les individus est entre les mains des services de police. Le matériel le plus sophistiqué est utilisé pour emmagasiner le maximum d'informations sur la totalité de la population. On remarque la discrétion qui entoure cette banque de données, qu'on appelle pudiquement un index général.

Le contenu de. cette banque de données est obscur. Les mécanismes de contrôle sont quasi absents et bien aléatoires. On est loin de la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, (CJO du 25 janvier 1978) votée par le parlement français.58 En France, les fichiers de police ont été passés au peigne fin par la Commission informatique et liberté. Même le fichier antiterroriste a été expurgé et ses possibilités d'expansion limitées.

Quelques lignes pour souligner l'appétit prodigieux des services de police dans le domaine de la collecte des informations.

La Gendarmerie royale du Canada possède 22 millions de dossiers. La Sûreté du Québec 6 millions. On ne connaît pas les interconnexions présentement effectuées. Par contre, on sait que la Gendarmerie royale du Canada collabore avec des services de police étrangers et reçoit aussi des informations. Mais ces informations sont invérifiables. Elles sont pourtant utilisées, créant ainsi des situations injustes et portent atteinte gravement aux droits et libertés de particuliers. Le cas Regalado est un exemple parfait de cette situation.59

De plus, certaines informations sont transférées de service de police en service de police. Doit-on alors leur accorder une certaine crédibilité? Le plus souvent de telles informations s'apparentent à du ouï-dire, non présentable devant un tribunal qui se respecte. Les gouvernements ont réglé le problème en qualifiant ce genre d'informations de secrets d'État. Ainsi, de façon légale, ils ne sont pas obligés d'en voir tester la qualité par les tribunaux.

DEUX DETAILS: Avant de terminer cette description du monde des banques de données, rappelons qu'elles ne sont pas toutes informatisées, loin de là. C'est donc dire qu'une législation ne saurait se contenter d'être "informatique" sinon de larges pans du merveilleux monde des banques de données risquent de nous échapper.

Au Québec, une distinction s'est établie au niveau du statut juridique des banques de données. Les fichiers publics sont contrôlés, les fichiers privés sont laissés sans surveillance.

LES IMPACTS

C'est complet (ou presque)

Les banques de données, avec la miniaturisation qu'on leur connaît ont atteint leur vitesse de croisière. A toutes fins utiles, nous avons entre les mains un produit fini. On ne peut guère demander mieux. Pourtant, on nous annonce déjà l'arrivée de microcircuits à base de macromolécules biologiques ayant des propriétés de semiconducteurs. La capacité de stockage sera presque illimitée.60

C'est donc dire que les ordinateurs n'auront plus besoin d'un programmeur pour fournir leurs banques de données. Il faut comprendre aussi qu'ils seront capables de judicieuses déductions logiques qui leur permettront de livrer sur un individu plus d'informations brutes qu'il y en avait au départ. On obtiendra le même résultat qu'en recourant à l'interconnexion...

Problèmes en aval et en amont

Si le produit est en lui-même à son apogée, ou presque, il reste que des problèmes se présentent en aval et en amont. Les interconnexions, les effets de normalisation, les déformations d'informations, la sécurité, les flux transfrontières voilà des objets d'inquiétudes.

L'interconnexion

Les banques de données sont de plus en plus informatisées. Elles sont de consultation simple et rapide. Il est possible et très facile de relier plusieurs banques de données afin de multiplier la quantité d'informations sur un individu. Mais il n'y a pas que les banques et les caisses populaires qui possèdent des renseignements sur nos personnes. Il existe une multitude d'organismes publics, parapublics ou privés qui accumulent des informations de toutes sortes. De l'Assurance-chômage, jusqu'à nos ordonnances médicales, en passant par nos résultats académiques.

En faisant la tournée de toutes ces banques de données, on peut colliger toute la matière nécessaire à une connaissance approfondie d'un individu. Il en devient d'autant plus vulnérable. S'il y a développement des banques de données, ce sera sous l'angle des interconnexions. Pour l'industrie, c'est un marché complémentaire.

En France, en Belgique, aux États-Unis, au Canada, des voix se font entendre pour réclamer plus d'électronique, plus d'efficacité. Le respect des lois, l'efficacité administrative, le progrès de la société, voilà les lignes de force de ces discours.

Au Québec, c'est l'Aide sociale qui utilise sur une plus grande échelle les interconnexions. Par exemple: la Régie des rentes lui fournissait, jusqu'au mois de janvier '81, le bordereau de paie des allocations familiales du Québec, afin de permettre de faire les recherches d'adresse des débiteurs disparus.61 Autre exemple: un système d'échange de renseignements est en voie d'implantation entre l'Aide sociale et le ministère de la Justice. D'une part, l'Aide sociale communique l'identification des créanciers alimentaires bénéficiaires d'aide sociale; en retour, le ministère de la Justice informe l'Aide sociale du montant mensuel que le percepteur des pensions alimentaires a réussi à obtenir du débiteur.62

Voilà, la roue a commencé à tourner. Il faudrait voir les multiples applications de semblables interconnexions que peuvent faire le ministère du Revenu et les services de police.

Signalons que les interconnexions de banques de données privées ne sont pas interdites. On obtient comme résultat la vente de listes d'abonnés à une revue ou la vente de dossiers médicaux à des compagnies d'assurance.

Lorsque les paiements électroniques auront connu leur plein développement, inutile de tenter des cachotteries vis-à-vis le trésor public. Les petites fraudes, que l'on pourrait qualifier de misérabilistes, qui ont pour objet d'améliorer les revenus insuffisants de l'Aide sociale ou du chômage en sont à leurs dernières années.

SANS NUANCE ET NON-INTELLIGENT

En aval, il y a un problème de taille: c'est la normalisation des données. Pour obtenir un rendement acceptable d'un ordinateur, il faut lui fournir des informations aptes à être comparées. L'ordinateur ne mélange pas les carottes et les oranges.

Le gouvernement français a voulu informatiser le service de l'Aide sociale à l'enfance 63 . Il s'agissait d'aider les familles en difficulté pour leur permettre d'assumer la charge de leurs enfants. Mais voilà, le traitement des données est tellement long que le fichier n'est jamais à jour. Pire, le codage est entaché d'erreurs grossières. En effet, toutes les situations n'ont pas été prévues et il faut se rabattre sur la situation la plus "semblable".

La codification ne connaît que le oui ou le non. Le "peut-être" ou "je ne sais pas" sont bannis. Alors, quand un enfant est-il en danger? Qu'est-ce qu'un être en mauvaise santé? Qu'est-ce qu'avoir une mauvaise moralité? Les ordinateurs ne traitent pas d'aussi subtiles situations.

Le système est aussi rigide dans le temps. Un enfant peut être fiché toute sa vie comme ayant, par exemple, des parents alcooliques ou malades mentaux, ainsi qualifiés pour un incident sans suite.

Une des formes d'injustice la plus répandue et fort insidieuse c'est la déformation qu'il faut parfois donner aux informations pour qu'elles soient utilisables par l'ordinateur. Lorsqu'il faut juger de la moralité, de la santé ou du bien-être d'une personne, un regard global et critique est nécessaire. L'ordinateur, lui, ne tergiverse pas, les circonstances atténuantes n'ont aucune signification, il tranche les débats. Si votre cas est hors-norme, vous risquez fort de voir votre dossier rejeté et la décision finale retardée. De plus, les informations disponibles sur votre personne risquent à tout moment de devenir caduques. Si vous être alcoolique un jour, il n'est pas dit qu'il en sera ainsi toute votre vie. Pourtant l'ordinateur lui conserve cela en mémoire.

DEFORMATIONS ACCIDENTELLES

Les informations des banques de données électroniques sont sensibles à des altérations aussi accidentelles que nombreuses. Ce n'est pas pour rien que les tribunaux n'admettent pas en preuve des documents électroniques. C'est simplement parce qu'ils ne sont pas fiables. Les informations peuvent avoir été modifiées au moment de leur codification, c'est une erreur relativement fréquente.

Le temps peut altérer la nature des données. Un courant électrique instable peut entraîner des dommages aux informations contenues dans les banques de données. C'est bien connu, la présence d'un aimant près d'un ordinateur est catastrophique. Au moment du transport des informations, à cause d'une faiblesse du système de communication, on peut perdre, en totalité ou en partie, les informations transmises. La possibilité de vérifier les altérations volontaires est aussi assez réduite.

Finalement, on doit admettre que les fichiers électroniques, pour plus rapides de consultation qu'il sont, ne font pas le poids vis-à-vis les antiques fichiers manuels au niveau de la fiabilité. L'électronisation à tous crins nous plonge dans un monde d'incertitudes et d'instabilité.

LES FLUX INTERNATIONAUX

Les banques de données, il y en a de toutes sortes. Elles sont l'objet d'un important commerce international. Depuis quelques années, on se rend compte que les flux transfrontières augmentent régulièrement. De même, ces flux transfrontières suivent la géographie économique du monde moderne64. Les flux internationaux présentent deux problèmes. Premièrement, c'est une façon simple de contourner une loi quelque peu sévère. On s'installe de l'autre côté de la frontière et c'est fini. Deuxièmement, apparaît un déplacement, du nord vers le sud, d'informations traitées et coûteuses. Parallèlement, le sud fournit des informations de base (de la matière première) aux informaticiens du nord, qui leur font, avec ça, de très intéressantes études sur nombre de sujets.

Il y a donc des banques de données sur les peuples, autant que sur les individus. Elles sont devenues l'objet d'un commerce lucratif qui maintient et augmente la dépendance des pays en voie de développement.

Les États-Unis possèdent des satellites qui fournissent d'imposantes banques de données sur de nombreux sujets. Par exemple, les Américains sont informés de la date approximative de récoltes importantes et de la quantité disponible sur le marché. Automatiquement, on effectue une série de calculs qui indiqueront le chemin des investissements les plus rentables et la situation concurrentielle des pays à surveiller.

C'est à New-York que le ministre de l'Agriculture du Québec a trouvé une étude complète sur les effets du rapport Gilson sur l'agriculture québécoise. Cette étude recommande le déplacement de l'industrie agroalimentaire vers l'ouest d'ici 1990, afin de rentabiliser les investissements à venir.

Les banques de données sont devenues des armes stratégiques. Nous sommes à la limite de l'espionnage légalisé. Certaines banques de données sont alimentées par satellite. La cueillette des informations se fait donc avec ou sans le consentement du principal intéressé, au profit du détenteur de l'appareillage électronique. Le marché des informations traitées est certainement celui de l'avenir: il permettra une rentabilisation et une expansion des banques de données. Ce sera aussi un sujet de discorde internationale dont l'ampleur est encore insoupçonnée. Ce n'est pas pour rien que les États-Unis exigent des autres pays une libre circulation des informations et de la technologie. Aujourd'hui comme hier, le savoir, c'est le pouvoir.

UN CONTROLE DIFFICILE

La sécurité dans le domaine des banques de données doit s'envisager de deux façons: au niveau des utilisateurs et au niveau interne.

Le contrôle des utilisateurs directs des banques de données a fait l'objet de savantes recherches. A grands renforts de codes secrets, de segmentation du personnel et de systèmes sophistiqués de détection, on a fait le nécessaire pour donner à un terminal l'aspect d'un coffre-fort. Mais 60% des banques de données canadiennes sont laissées sans surveillance. Si les protocoles de protection existent, rien n'oblige le possesseur d'une banque de données à y recourir (sauf dans le cas des banques de données gouvernementales québécoises, seule exception).65 L'autre problème c'est la sécurité des banques de données vis-à-vis les vols, les transcriptions, les sabotages, les modifications.

Actuellement, les programmeurs ne sont pas soumis à un code de déontologie. Le secret professionnel n'est pas à l'ordre du jour non plus.66 Il peut sembler curieux que des informations que l'on tient pour confidentielles entre les mains d'un médecin deviennent anodines entre les mains d'un programmeur.

Le réseau de communication utilisé pour le transfert des données étant le même que celui du téléphone, il est soumis lui aussi à des ponctions électroniques illégales. L'écoute électronique va prendre une nouvelle dimension et un véritable essor. Les codes les plus compliqués ne parviennent pas à régler le problème, puisqu'un ordinateur qui code vaut bien un ordinateur qui décode. De plus, il va sans dire que le vol d'une banque de données électronique, se fait beaucoup plus facilement que celui d'une masse de documents manuscrits. Pour s'en convaincre, il suffit de voir ce que fait la Gendarmerie royale du Canada lorsqu'elle veut la liste de membres d'un parti politique, même officiellement reconnu.

Rien n'est plus obscur, en droit, que la propriété des informations personnelles. Elles n'ont aucun statut juridique, si ce n'est par le biais du droit à l' "image"67,notion de droit très floue. Pourtant, comble d'ironie, lorsque des informations personnelles sont entre les mains d'un commerçant d'informations, elles prennent une valeur commerciale, susceptible d'être protégée légalement.

NORMALISATION DE LA SOCIETE

Parmi les effets insidieux de la multiplication des fichiers, signalons qu'il faut voir celui de la normalisation des rapports dans une société. La distinction entre ce qui est normal et anormal devient une habitude. Puisque l'ordinateur exige des critères pour juger et qu'il est incapable de nuances, il crée des stratifications de population. Les pauvres auront un revenu inférieur à tel montant. Est qualifié d'alcoolique celui qui boit tant de quarante onces sur telle période. Représentent un risque de délinquance, les enfants de telle origine, sociale ou raciale, dont l'autorité parentale est assumée par une seule personne. Il n'y a pas de limite à ce genre de délimitations, c'est de l'essence même de l'invention. Pour résumer ce syndrome, rien de mieux que cet extrait d'une étude belge sur le sujet:

"Une particularité s'attache aux fichiers privés (et aux fichiers de police) à savoir l'apparition progressive d'une tendance. Celle de faire accepter par le plus grand nombre qu'il existe un "homo sociabilis" s'identifiant à des caractéristiques plus ou moins conformes à un modèle-type de vie en société, a un profil social moyen.

"Il y aurait l'individu conforme à ce modèle, considéré comme "normal", et tout écart par rapport au modèle serait l'indice d'une tendance à l'anormalité. Peut-être aussi l'indice d'une tendance à l'anormalité. Peut-être aussi l'indice de ce qu'il serait temps de faire intervenir l'un ou l'autre spécialiste de la prévention. .."68

Pour être plus précis dans les effets de la normalisation, regardons les effets dévastateurs des classements en milieu scolaire. Les voies dites allégées sont le plus sûr moyen qu'on a pu trouver, jusqu'à présent,pour empêcher la progression de l'apprentissage chez l'individu.

CONCLUSION

Le développement de la technologie, et surtout la rapidité de son expansion affectent directement nos droits et libertés. La normalisation des rapports sociaux, l'utilisation massive, incontrôlée et abusive de l'électronique par les services de police, les interconnexions illimitées et dangereuses, le manque de fiabilité des informations traitées par électronique, la difficulté réelle et insoluble d'assurer la sécurité des informations recueillies, la dispersion et l'anonymat des propriétaires de banques de données, voilà autant de points d'inquiétude qui justifient grandement l'attention que porte la Ligue des droits et libertés à ce dossier et la nécessité pour les groupes populaires, entre autres, d'être vigilants devant ces changements. Les associations de consommateurs doivent s'impliquer pour informer leurs membres des menaces qui planent sur leur liberté.

Nous devrions refuser de répondre à des questionnaires qui sont inutiles ou trop curieux. La réflexion doit se poursuivre pour trouver les solutions les plus pratiques et réalistes vis-à-vis l'interconnexion et les flux interfrontières.

Ceux qui domineront le monde demain sont les mêmes qui sauront s'accaparer les informations sur les individus ou les peuples, les traiter et les utiliser selon leurs intérêts. C'est une mécanique qui laisse peu de place à l'indécision et ne pardonne pas le retard technologique.

Mais pour les organismes populaires et syndicaux, le dilemme est cornélien. Collaborer pour assurer notre avenir collectif ou laisser à d'autres le loisir de nous contrôler.

LES SYSTEMES DE PAIEMENTS ELECTRONIQUES

INTRODUCTION

Les systèmes de paiements électroniques s'inscrivent dans un processus de rentabilisation et d'efficience. Malheureusement, ces inventions, aussi ingénieuses soient-elles, portent atteintes à nos droits et libertés.

En plus d'être de parfaits délateurs, les systèmes de paiements électroniques affaiblissent le pouvoir de négociation du consommateur vis-à-vis son institution bancaire. La liberté de choix des modes de paiements devient limitée, même la liberté de changer d'institutions bancaire tend à disparaître. Contre toute attente, le service diminue. Les systèmes de paiements électroniques se présentent aussi comme des leviers de commande pour la gestion de l'économie, contrôle du travail au noir,des fraudes fiscales, des programmes de gel des salaires, des épargnes, voilà autant de domaines où ils peuvent aider.

L'histoire de l'implantation des systèmes de paiements électroniques est intimement liée à des nécessités de marketing. C'est un cheminement logique qu'il nous faut d'abord mettre à jour; il devient alors possible de saisir les conséquences de cette vague d'électronique.

LES SYSTEMES DE PAIEMENTS ELECTRONIQUES : STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT

Un cheminement à comprendre

L'implantation des systèmes de paiements électroniques n'est pas chose facile. Même si toute la technologie est disponible pour introduire une foule de gadgets, l'industrie doit procéder par étapes. Cette prudence est justifiée par plusieurs facteurs: l'accoutumance du consommateur, la peur d'investir dans une technologie appelée à être dépassée, l'exploration, par la pratique, des problèmes de droit. Mais dans la chronologie des faits, on remarque une dominante, un souci d'apprivoisement des consommateurs.

Les opérations bancaires, les gestes quotidiens que nous posons pour effectuer des paiements ont été décortiqués en séquences. Chacun d'eux est aujourd'hui l'objet d'une érosion calculée. Il faut faire disparaître le recours à la preuve scripturale (chèques, bordereaux, signatures), la représentation physique du dollar et transférer la responsabilité de la comptabilité de la banque au client.

Les systèmes de paiements électroniques sont multiples. Ils comprennent l'intercaisse, les paiements pré-autorisés, les dépots électroniques directs, les guichets automatiques, les cartes de débit, les cartes à mémoire, les facturations et paiements directs. Mise à part les cartes à mémoire qu'un certain retard technologique rend introuvable au Canada, toutes les autres facettes des systèmes de paiements électroniques y trouvent actuellement leur application pratique.

Carte de crédit

Prenons pour point de départ la carte de crédit. Certes la carte de crédit n'a pas été mise sur le marché dans le cadre d'une stratégie de développement des systèmes de paiements électroniques. Elle a cependant permis un certain nombre de "progrès". L'argent liquide fait place à une carte de plastique. En quelques années on s'y est fait. Les cartes de crédit ont entraîné la création de réseaux "off line"69 avant la lettre. Par contre, avec l'apparition de législations assez sévères sur le crédit, les cartes n'ont plus l'attrait qu'elles avaient pour les compagnies émettrices. A vrai dire, elles ne sont plus rentables.70

Il est devenu nécessaire de faire disparaître ce dinosaure des modes de paiements. Les banques et les caisses se donnent quelques années pour le faire. Par contre, on profitera de sa forme physique pour introduire un nouveau concept: la carte débit. Du même coup, on attache quelques fils avec l'électronique, mais ce n'est pas un système de paiements électronique, la carte débit est une mutation. Elle aura la longévité nécessaire à l'adaptation du consommateur. (Explications plus amples, plus loin).

Intercaisse

Voilà le premier vrai système de paiements électroniques. Plus spécifiquement un système de transfert de fonds. L'institution financière perd son identité comme réalité physique. Le client peut disposer ou retirer de l'argent n'importe où.

C'était l'étape nécessaire avant les guichets automatiques. D'une part, le guichet automatique est greffé sur l'intercaisse, il utilise son réseau. D'autre part, il était risqué d'introduire ces deux nouveautés dans une seule étape. On a donc commencé par l'intercaisse qui, par la présence toujours nécessaire de la caissière, a fait admettre au consommateur l'utilité de l'électronique sans qu'il se sente bousculé, puisqu'il y avait encore un intermédiaire pour humaniser les rapports.

Disparition des livrets

Coup de théâtre dans certaines caisses populaires: les livrets disparaissent. Ils sont remplacés par un relevé mensuel, forcément en retard sur la réalité. L'accès à votre compte se réduit à deux petits numéros. Du coup, on élimine une opération qui nécessitait la présence d'une personne: la mise à jour du livret. Dorénavant, c'est le consommateur qui doit s'organiser avec sa comptabilité.

Il devient évident, par la force des choses, que le consommateur n'a plus rien qui le rattache au comptoir. Il est mur pour le guichet automatique. Alors qu'on nous présente les systèmes de paiements électroniques comme des facilités et une amélioration du service, la réalité est toute autre. Le consommateur doit assumer lui-même plusieurs tâches qui relevaient auparavant de son institution bancaire.

Créditmatique

Le créditmatique est une bizarre d'invention dont l'essence a échappé pendant un certain temps aux associations de consommateurs. Dans le milieu des affaires, aucun geste n'est inutile ou gratuit. Le créditmatique est une charnière pour faire le transfert entre les cartes de crédit bientôt désuètes, les cartes de débit et, par la suite, les cartes à mémoire.

Le créditmatique permet de rapprocher et confondre deux opérations autrefois distinctes soit: le crédit et l'administration courante de nos affaires. Bien qu'il soit rassurant de savoir que les découverts sont à toute fin utile impossibles, il faut voir à quel prix.

Paiements pré-autorisés

Les paiements pré-autorisés ne sont pas issus de la révolution électronique. Avec l'arrivée de l'électronique, il a été possible de donner beaucoup d'envergure à ce système de paiement. C'est une formule qui permet, à l'avance, pour une période fixe ou indéterminée, au commerçant de débiter votre compte instantanément. On réduit ainsi les frais inhérents à la facturation, ainsi que les frais découlant de l'utilisation des chèques.

L'autre étape consistera à faire admettre au consommateur qu'il n'y a aucun inconvénient à permettre aux créanciers de se payer automatiquement sans délai. Par exemple, le téléphone et l'électricité seraient déjà payés au moment où vous recevriez votre état de compte, qui ne serait d'ailleurs distribué qu'à des fins d'information.

Les paiements pré-autorisés inaugurent l'ère de la disparition de la signature. En effet, le créancier n'a pas à présenter de preuve écrite de votre consentement. Votre numéro de folio est suffisant. Cette situation a d'ailleurs été dénoncée par les associations de consommateurs.71

Le système des paiements pré-autorisés est une avenue simple, pratique et très efficace pour réaliser une fraude gigantesque. Un peu d'organisation et c'est fait. Mais, pour l'heure, la riposte est impossible, à moins que les banques abandonnent l'objectif de la disparition des signatures, afin de revenir à un système plus traditionnel de traitement "à la mitaine".

Dépôts électroniques directs

C'est une application de l'électronique promise à un bel essor. Il s'agit simplement de transférer, directement dans votre compte, l'argent qui vous est dû. Que ce soit votre paie ou votre chèque des rentes du Québec, on vous fera parvenir le tout sous forme d'ondes ou sur bande magnétique. Plus besoin de se déplacer, plus de problèmes avec les postes, plus de retards.

Par contre, l'insaisissabilité de certaines prestations n'est plus garantie. Le consommateur devra être rusé, en ouvrant un compte spécial pour chacun de ses chèques insaisissables, dans diverses institutions bancaires. Pour un temps, ce subterfuge pourra fonctionner.72 Le dépôt électronique fait disparaître le support scriptural qui accompagnait auparavant ces divers paiements. C'est une autre habitude de créée.

Les cartes de débit

C'est une importante étape vers un système électronique intégré. La carte de débit sera implantée en 1983, du moins s'il n'en tient qu'aux caisses populaires. La carte de crédit disparaîtra au profit de cette carte. Ainsi, vous n'utiliserez non plus l'argent de la banque ou de la caisse, mais le vôtre. En cas de besoin, on vous avancera des sommes, mais les intérêts seront payables à la première minute.

La carte de débit implique la concentration de vos épargnes au même endroit. Vous serez lié, pour l'ensemble de vos opérations bancaires, à une seule institution. La possibilité d'effectuer ses paiements au comptant existera toujours, mais une série de mesures incitatives, pour ne pas dire coercitives, auront tôt fait de réduire le nombre de consommateurs au conservatisme trop ancré.

En principe, la carte de débit peut-être utilisée comme carte de paiement universelle. A l'heure actuelle on ne peut penser à un système instantané et très répandu, par manque d'infrastructure. Mais on a tout ce qu'il faut pour instaurer un système de paiement en partie électronique. Il reste à savoir si le jeu en vaut la chandelle en regard des développements futurs, mais pas très lointains, qui pourraient entraîner une refonte en profondeur du système.

Carte à mémoire

Pour l'heure, le summun dans le domaine des paiements électroniques c'est la carte à mémoire73. Cette carte contient sa propre puce. Cette dernière retient comme donnée un montant d'argent initial valable pour un mois. Elle effectue graduellement les débits à inscrire au fur et à mesure des achats.

Les marchands possèdent un petit appareil électronique qui enregistre sur disquette les transactions. En allant porter ses enregistrements, le commerçant se voit immédiatement crédité des sommes inscrites. Il n'y a pas de risques de pertes, puisque la carte ne donne pas plus d'argent que ce qu'il y a dans le compte.

Bien sûr, il est possible d'utiliser sa carte et de payer comptant ou par chèque à d'autres occasions. Ce qui semble laisser une relative liberté et le découvert est toujours possible. Mais le gérant verra vite à rectifier les choses en réduisant simplement le montant que contient votre carte mensuelle, jusqu'à ce qu'un équilibre "s'établisse".

Ajoutons qu'il n'est pas possible d'avoir deux cartes de paiements de deux institutions bancaires. Seule la banque ou la caisse qui reçoit votre paie et qui peut savoir quel est votre rythme de consommation peut l'émettre. La carte peut être combinée à un créditmatique, mais jamais au-delà de ce que l'ordinateur jugera comme étant à votre portée.

SYSTEMES DE PAIEMENTS ELECTRONIQUES: IMPACTS

Même si leur implantation est loin d'être chose faite, on peut déjà ressentir les impacts des systèmes de paiements électroniques. Beaucoup plus que dans le domaine des banques de données, c'est le vide absolu quant au droit applicable.

Les institutions bancaires se sont données le mot pour obscurcir le tableau légal. Leurs préoccupations vont entièrement à l'implantation des nouveaux systèmes électroniques. Lorsqu'elles estimeront avoir atteint le point de non-retour, elles accepteront de bonne grâce de discuter de droit. Ainsi elles figeront, de façon légale, des situations qui les favorisent. Pour le moment, elles achètent littéralement la paix en prenant à leur charge les pertes encourues suite à des erreurs ou des pannes d'informatique.

Epuration et stagnation de la concurrence?

On ne saurait dire pour le moment, quel impact aura l'arrivée des systèmes de paiements électroniques sur l'état de la concurrence dans le domaine bancaire. L'expérience française apporte quelques éclaircissements mais bien fragmentaires.

Une des caractéristiques du système des cartes à mémoire, c'est de geler l'état des relations entre le client et sa banque. Il n'y a qu'une banque qui vous donne une carte à mémoire. L'institution exige en échange le dépôt de vos épargnes et la connaissance de vos revenus .

Plus on avance dans la chaîne de l'électronique et plus il est difficile de s'en défaire. Avec un chèque ou de l'argent, on peut toujours aller le déposer ailleurs. Mais lorsque la paie est expédiée directement par électronique, il faut faire certaines démarches pour informer le patron que dorénavant votre salaire ne doit plus être enregistré sur la bande magnétique destinée au Crédit Lyonnais1 mais bien au Crédit agricole2. Vous devez rapporter au Crédit Lyonnais votre carte à mémoire et en demander une au Crédit agricole. Le Crédit agricole vous demandera de bien vouloir faire transférer chez-lui vos paiements préInstitution bancaire française

autorisés pour le loyer, le téléphone, le gaz, l'électricité, les assurances. Vous devez contacter tout ce beau monde pour qu'on modifie en conséquence les informations contenues à votre dossier. Après, le Crédit agricole décidera de la somme d'argent que contiendra votre carte à mémoire.

On peut donc penser que le marché des services bancaires se stabilisera. C'est un développement un peu normal, si on considère qu'une part du déplacement du marché était due à la mobilité de la clientèle. Ce phénomène avec l'Inter-caisse ou les guichets automatiques n'a plus sa place.

Au Canada, le problème du retard technologique de certaines institutions bancaires et l'incompatibilité des technologies retenues par celles qui vont de l'avant se sont attirés l'attention du gouvernement. Suite à de savantes études,74 le principe de la collaboration a été retenu. Il y aura une chambre de compensation centrale qui, usant d'électronique, rendra à César ce qui lui appartient. C'est, en fait, le même principe que les chambres de compensations actuelles, mais avec un personnel plus versé dans les bits que les chèques.

Les petites institutions financières, peu outillées et n'offrant pas tous les services liés ou en concomitance avec les cartes à mémoire sont vouées à une modification de leurs activités ou à la disparition.

L'arrivée sur le marché de nouveaux prétendants est très hypothétique. Il faudrait vaincre les réticences des consommateurs dont les affaires sont déjà lourdement engagées ailleurs. Il faudra aussi investir beaucoup dans l'appareillage avec sur les bras une saturation du marché en ce qui a trait aux emplacements de guichets automatiques. De plus, il n'est pas dit que la cordiale bonne entente qui semble caractériser les rapports entre les banques va se maintenir. Le système "on line" reste un idéal à atteindre et, à ce moment-là, ce sera une nouvelle curée qui laissera sur le pavé quelques belligérants.

Resserrement des épargnes

Le phénomène le plus marqué sera probablement au niveau du contrôle des épargnes par les banques et les caisses. La carte débit ou la carte à mémoire sont, dans une certaine mesure, des fictions. Même si elles ont une valeur équivalente à vos épargnes, il est évident que vous ne la dépenserez pas tout de suite. En attendant, l'argent profite dans votre compte. Après l'intérêt quotidien ce sera l'intérêt horodatal si on me permet le néologisme.

Comme les cartes de crédit auront terminé leur règne, c'est votre épargne qui financera vos achats, en premier lieu. Le problème actuel des épargnes stagnantes, faute de marché pour le crédit, risque de trouver, en partie, son remède. N'oublions pas qu'une institution de dépôt ne peut vivre que dans la mesure où elle trouve autant d'emprunteurs que d'épargnants. Une caisse bourrée d'épargnes, mais sans débouché, est aussi menacée qu'une caisse aux prises avec un excès de mauvaises créances.

Il y a quelques années, le projet, à peine mûri, de l'ex-ministre Joron visant la nationalisation des épargnes fit scandale. Les chambres de commerce s'empressèrent de réclamer le statu quo à grand renfort de discours sur les libertés individuelles. Pourtant, en cette période de crise, les mesures gouvernementales pour forcer la sortie de l'épargne et maintenir le flot de crédit, pour plus subtiles qu'elles soient, n'en sont pas moins présentes. Corvée-habitation serait ce qu'on pourrait appeler une technique douce. Par contre, les restrictions fiscales sévères pour ceux et celles qui n'utilisent pas à brève échéance leurs plans d'épargne-logement démontrent une volonté plus ferme et dirigiste.

La carte-débit s'inscrit dans cet arsenal de moyens de contrôle de l'épargne. C'est encore un système bien imparfait, mais il va soulager grandement les caisses aux prises avec des épargnes stagnantes qui refusent de sortir. Curieusement, on ne trouve aucune Chambre de commerce pour dénoncer ce contrôle.

Dans ce cadre, c'est la disparition des cartes de crédit qui va donner aux banques et caisses le pouvoir de négociation qui leur manque vis-à-vis leurs clients. Pour le moment les consommateurs l'utilisent trop.

Resserrement de l'accès au crédit

A cause de l'effet normatif des ordinateurs, on doit s'attendre à un resserrement du crédit. N'oublions pas non plus que la capacité d'être bien informé de l'état véritable du budget d'une famille entraînera elle aussi un resserrement du crédit. L'ordinateur connaissant l'état de vos revenus et votre train de vie, il aura vite fait de calculer la marge de crédit qu'on peut, sans risque, vous consentir.

Il ne suffit pas de proposer ou envisager des compressions budgétaires pour obtenir une concession de l'ordinateur, il faut que ces compressions se traduisent par une baisse des dépenses à certains points du budget. Que voulez-vous, c'est la norme... L'ordinateur dressera une barrière de logique que les moins fortunés auront de la difficulté à franchir. Pourtant, le crédit pour cette couche de la population est aujourd'hui une réalité, même plus, de façon générale, le taux de délinquance est inférieur dans ces classes de la société.

Résurgence des compagnies de finance

Il faut envisager leur retour sur le marché, pour fournir aux pauvres le crédit qu'ils réclament. Une économie parallèle, horsnorme, sans informatique va se développer.

Pour notre société c'est un retour en arrière inacceptable. Avec des taux d'intérêt qui frisent le 40% et des méthodes de récupération qui se rapprochent du banditisme, le retour des compagnies de finance n'a rien pour vous réjouir.

Impact sur les emplois traditionnels: MOINS de services

La caissière traditionnelle est une espèce en voie d'extinction. Ses tâches consistent à manipuler de l'argent, maintenir à jour les livrets des clients, compulser des chèques. L'électronique va permettre de faire disparaître toutes ces tâches.

Par contre, le consommateur se voit confronté a la nécessité de tenir une comptabilité quotidienne. La caisse ne le fera plus pour lui, si ce n'est une fois par mois, avec un certain décalage. Bien sûr, l'électronique peut venir en aide au consommateur par le biais des ordinateurs domestiques qui, dans l'ensemble, surclassent le gérant de caisse moyenne, mais il est étonnant de voir que l'électronique n'améliore pas le service mais le fait disparaître.

Y aura-t-il une perte nette d'emplois? La réponse à cette question ne vient pas facilement. Pour le moment c'est loin d'être sur. Mais lorsque ces systèmes seront rodés il est bien évident que l'objectif est de diminuer le personnel.

Atteinte à la vie privée

La concentration des informations économiques sur un individu ne peut que le rendre dépendant. La situation sera encore pire lorsque ses avoirs seront concentrés entre les puces d'un banquier.

Le recours à la carte à mémoire indique l'endroit où vous étiez, le genre d'achat que vous avez fait, la quantité d'alcool que vous avez consommé, le type de chambre que vous avez retenue pour assurer la tranquillité de nos nuits et, miracle de l'informatique, le nombre de petits déjeuners que vous avez commandés. Il faut préciser que ce n'est là rien de nouveau, puisque la situation est la même si on utilise comme seul moyen de paiement une carte de crédit. La différence c'est que la carte de crédit c'est facultatif.

Ces renseignements sur vos habitudes d'achat peuvent être vendus à des compagnies publicitaires qui sont intéressées à savoir quels endroits fréquentent les femmes de 30 à 35 ans, les fins de semaine, ce qu'elles consomment. L'échantillonnage est pratiquement inépuisable dans ce secteur. Pire, on peut refiler à une filiale les noms et adresses des clients ayant les moyens d'augmenter leur portefeuille d'assurances ou d'investir dans un quelconque plan d'épargne. Pensons à ce qu'auraient fait les Caisses d'entraide avec une telle possibilité.

Des renseignements d'ordre économique sont utilisés par la police pour évaluer ses chances de recruter des informateurs dans des milieux qui pourtant ne se livrent à aucune activité criminelle75.

Nouvelle criminalité

La plus importante fraude connue à ce jour est le fait d'un assureur-informaticien. Ayant créé de toute pièce une population fictive, il revendait à des confrères des contrats d'assurance inexistants. Deux cent millions de dollars changèrent ainsi de main.

On dit souvent que la meilleure fraude c'est celle qu'on ne connaît pas. L'ordinateur se prête bien à ce jeu. Les criminels vont devoir se recycler. Les vols de banques rapporteront de moins en moins. Pour obtenir l'argent d'autrui il faudra être plus raffiné. La police avoue son impuissance. En voici les raisons: manque de compétences techniques, difficulté à trouver des traces du malfaiteur, impossibilité de présenter certaines pièces au tribunal, absence de législation pour qualifier les crimes donc pour intenter une poursuite. On ne peut voler une banque de données (son contenu) puisque le code criminel ne prévoit pas que ce soit là un crime.

Un nouveau droit à inventer

Les juristes vont devoir se mettre à l'oeuvre pour trouver une parade à cette criminalité naissante. Le plus difficile sera de donner un statut juridique aux informations contenues dans les banques de données. Il faudra voir aussi à ce que la tentation de l'efficacité ne fasse pas apparaître des affaiblissements du droit de la preuve. Il ne faudrait pas, par exemple, que faute de mieux on accepte comme preuve des documents électroniques. La fiabilité de telles pièces à conviction est trop précaire.

A défaut de pouvoir réorganiser le droit rapidement, il faudrait au moins éclaircir certaines notions. Par exemple, celle de la responsabilité des banques et caisses vis-à-vis la sécurité des épargnes. Les banques et caisses n'acceptent pas de voir leur responsabilité engagée plus avant dans ce domaine. Elles veulent conserver l'état actuel du droit alors qu'il faut prouver une faute de la défenderesse et de ses préposés. L'institution peut opposer une preuve générale de diligence raisonnable et c'est fini.

Un certain point de vue serait à l'effet de tenir les institutions de dépôt à une règle de responsabilité stricte (une responsabilité de fait, quelque soient les événements) que seule une preuve de force majeure (tremblement de terre, incendie, émeute, etc..) et non une preuve de diligence raisonnable (prétendre par exemple qu'on a fait son possible pour éviter l'incident) pourrait permettre de renverser.76

La preuve de négligence devient très difficile à faire lorsqu'il est question d'électronique. On conçoit mal que le consommateur soit tenu à faire de telles preuves, si complexes. De plus, les erreurs sont généralement à répétition et coûteuses au bout de la ligne. Le gouvernement fédéral, sous la pression de la Gendarmerie royale du Canada, a mis sur pied un comité d'étude qui tentera d'adopter le code criminel à cette nouvelle réalité. Mais il faudra inventer et tailler dans le neuf.

CONCLUSION

Les systèmes de paiements électroniques nous entraînent dans une spirale de dégradation de nos droits et libertés. Les effets corrosifs de ces nouveautés électroniques ne sont pas toujours très visibles. Les citoyens et citoyennes devront faire preuve de beaucoup de sens critique. La théorie du mieux-être par le progrès se nourrit aux sources de la naïveté.

L'imperméabilité des cercles intimes où se prennent les décisions est un écueil à la démocratisation des débats entourant l'arrivée de ces nouvelles technologies. Même plus, les gouvernements sont exclus du débat. Les systèmes de paiements électroniques sont la chasse gardée des nouveaux chevaliers de l'industrie issus, quant à eux, du secteur tertiaire de l'économie.

L'actuelle absence totale d'un droit applicable, la possible disparition de la liberté de choix du consommateur vis-à-vis son institution bancaire ou son mode de paiement, le contrôle, indirect mais efficace des épargnes, le resserrement de l'accès au crédit, l'élimination du marché du crédit des moins fortunés, le transfert de certaines tâches manuelles du banquier au client, la concentration et l'absence de contrôle des informations sur les individus, la possible disparition de certaines garanties de qualité quant à la preuve présentable devant les tribunaux; voilà autant de points qui justifient une bonne dose d'inquiétude.

Les citoyens et les groupes populaires se doivent de provoquer les débats et pousser l'expertise. La télématique, sur sa lancée actuelle, nous pousse vers une société refroidie, compartimentée et contrôlée.

Pourtant nous ne sommes pas démunis. Nous avons entre les mains la seule institution bancaire régie par une assemblée générale démocratique. Il peut sembler curieux que des changements si profonds et si vastes n'aient jamais fait l'objet d'une consultation des sociétaires. Là comme ailleurs, les absents ont toujours tort.

Quant aux gouvernements, il serait plus que temps pour eux, de se rendre compte de l'importance des développements qui se produisent. Pour l'heure, une commission d'enquête serait peut-être la meilleure formule pour à la fois cerner les véritables enjeux et éviter d'avoir à colmater les brèches plus tard. Nous sommes encore à l'ère du préventif vu le peu d'investissements effectués pour l'établissement des véritables systèmes de paiements électroniques intégrés.

Gaétan Nadeau janvier 1983.

L'lNFORMATISATION DU TRAVAIL : FAUT-IL DES ROBOTS INDUSTRIELS AU QUÉBEC?

par Charles Halary, Groupe de recherche et d'étude sur la technique et la société (GRETS), département de sociologie (UQAM)

I. INTRODUCTION

POUR UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE DE ROBOTISATION

L'extension de la robotique dans une société ne peut constituer un phénomène isolé. Elle jouera un rôle décisif d'ici la fin du siècle pour l'avenir de la société québécoise. Le choix est simple: ou bien le Québec protège des usines archaïques derrière un tarif douanier dissuasif et se concentre dans les matières premières, ou bien en mettant en place rapidement une politique industrielle favorisant en même temps l'automatisation, la participation active des syndicats aux décisions et un recyclage massif de la main-d'oeuvre, le Québec peut se doter d'un secteur manufacturier moderne. La Suède, avait ainsi en 1977-78 avec ses lois sur la co-détermination et le milieu de travail, largement favorisé l'automatisation de son industrie en y associant les syndicats. L'introduction des automatismes industriels est une des constantes de notre civilisation fondée sur l'extension du machinisme. Elle a remis en cause aussi bien l'entreprise isolée que le marché du travail dans son ensemble. Comme on le constate tant au Japon qu'en Suède, les deux sociétés industrielles les plus exemplaires, l'automatisation entraîne une diminution des emplois non qualifiés et de l'apprentissage sur le tas. Désormais ce sont des institutions spécifiques qui forment les employé-e-s pour la production et le niveau technique de connaissances a tendance à augmenter. Dans ce cadre l'enjeu-clef de l'automatisation est la formation d'une main-d'oeuvre dans un réseau de haute qualité et la maîtrise de l'objet technique, de la machine elle-même. Des conflits ne peuvent manquer de surgir dans cette période de transition. Outre ceux traditionnels aux sociétés industrielles divisées en classes, ceux qui ne manqueront pas de survenir au Québec seront marqués par la dépendance extérieure totale en ce qui concerne la machinerie. Or, il n'est • tout simplement pas envisageable de construire une société libre et autonome sans maîtriser les machines, les moyens de production. Il est devenu parfaitement inutile de nationaliser des objets dont le mode d'emploi et les méthodes de construction sont détenus par des intelligences extérieures. Par conséquent posséder la capacité de créer les moyens de production, c'est en même temps se garantir les moyens de l'autogestion. De ce fait, la culture technique est un mode inévitable d'appropriation des sociétés. Dans le cas de la robotique comme dans bien d'autres, il n'y a pas de personnels au Québec capable de maîtriser ce nouvel outillage. Maîtriser ne veut pas dire simplement opérer, mais également être capable de comprendre les principes de la machine, de la réparer et de pouvoir même en concevoir de nouvelles et de les réaliser. Deux revendications majeures peuvent intégrer le mouvement syndical à cette dynamique:

  1. La suppression de postes de travail pénible, dangereux ou même simplement monotone permettrait d'étendre l'utilisation des robots. Il a été ainsi prouvé qu'en Suède et au Japon de nombreux robots ont été installés à la suite de revendications syndicales touchant la sécurité et la santé au travail. De plus la suppression progressive du travail de nuit pourrait être souhaitable avec l'introduction de nouveaux automatismes industriels.

Ces suppressions de postes ne peuvent être vues que comme la résultante d'une évolution progressive dans le cadre d'une politique diversifiée de recyclage. Un travailleur dans un poste dangereux n'a généralement que le chômage comme alternative. Des mesures spécifiques d'automatisation devraient d'abord concerner ces postes et le recyclage, d'abord ces travailleurs et travailleuses. Les secteurs automatisés de la production voient leur taux d'accidentés du travail diminuer de manière spectaculaire. L'introduction des robots dans la soudure, la peinture, le service de presses, le transport d'objets lourds ou à haute température a permis d'obtenir un tel résultat.

  1. L'extension des institutions de formation technologique destinées à maîtriser les machines automatiques permettra de diriger les jeunes travailleurs vers les nouveaux emplois créés par les robots. Dans les entreprises une politique spécifique de recyclage doit toucher en premier lieu les travailleurs et travailleuses qui ne peuvent encore être concerné-e-s par des mesures de retraite anticipée. Créer un centre d'excellence en matière de robotique industrielle permettra de former des enseignants, des chercheurs et de ce fait favoriser la mise au point d'une machinerie produite et comprise au Québec. Par ce moyen des modifications pourront rapidement être apportées aux moyens de production en fonction de leur utilisation spécifique. Il paraît en effet difficile de faire état de revendications sur des changements de pièces d'un robot pour motifs de sécurité si le lieu de production de ces machines se situe à l'autre bout du monde.

L'amélioration des conditions de travail en industrie nécessité une analyse des machines qui y sont utilisées. En effet, il n'y a plus beaucoup de travail industriel qui ne dépende pas d'une ou plusieurs machines. On constate ainsi que de nombreuses revendications syndicales concernent non pas tant les gestes du travailleur et de la travailleuse que le comportement de la machine (cadences plus lentes, écran cathodique plus lisible, avertisseurs sonores et lumineux pour des machines en mouvement...).

Le développement de la robotique dans les manufactures et en général pour la production en discontinu peut être l'occasion non seulement de négocier le virage technologique mais de garantir que celui-ci se fera dans le bon sens et ne restera ni un discours idéologique vide de contenu, ni un moyen d'accroître l'autoritarisme dans l'entreprise.

Voici donc un dossier d'informations sur les nouvelles technologies de production manufacturière qui traitera plus particulièrement des aspects les plus récents de la robotique.

II LES DIVERSES FACETTES DE L'AUTOMATISATION INDUSTRIELLE

Le monde industriel connaît depuis dix ans une réorganisation de ses habitudes de travail par l'extension de l'électronique aux moyens de production. En voici très brièvement les principales caractéristiques:

  1. L'extension des machines-outils à commande numérique;
  2. L'apparition de la conception assistée par ordinateur (CAO);
  3. L'extension des automatismes dans la production à flux continu;
  4. L'apparition de robots dans la production en discontinu.

Chacune de ces caractéristiques de l'automatisation industrielle sera étudiée en fonction de sa définition technique, des transformations dans les habitudes de travail, de la modification de l'organisation du travail dans l'entreprise, de ses effets sur l'emploi et la formation professionnelle.

1) L'EXTENSION DES MACHINES-OUTILS A COMMANDE NUMERIQUE (MOCN)

a) définition technique

La machine-outil est utilisée depuis le 18ième siècle pour fabriquer des pièces standardisées (horlogerie, fusils). Elle effectue des opérations d'alésage, de fraisage, de perçage et de taraudage du métal ainsi que des opérations de presse, de pliage, de poinçonnage... Reliée à une source d'énergie (vapeur, électricité, moteur à explosion) elle est mise en oeuvre par un opérateur-régleur qui suit un plan de travail élaboré par le bureau des méthodes.

b) transformation

La commande numérique d'une machine-outil peut s'effectuer par la programmation des différentes étapes du plan de travail sur un support de papier perforé ou une bande magnétique. Il n'y a plus de plan de travail à côté de la pièce à réaliser. La commande numérique peut se faire de manière rigide par câble ou bien par un micro-ordinateur qui permet la modification d'une opération en cours.

c) organisation du travail

L'opérateur-régleur devient opérateur surveillant la machine-outil. Il n'a plus à suivre le plan de travail élaboré par le bureau des méthodes. Son travail consiste à mettre en marche la machine-outil, à introduire le programme, à modifier ou à suggérer des modifications à celui-ci, à vérifier le bon déroulement de l'opération d'usinage, à arrêter l'opération en cas de mauvais fonctionnement. On constate une grande amélioration de la précision des pièces usinées et une augmentation de la productivité. L'opérateur-surveillant se charge de plusieurs machines-outils à commande numérique alors que l'opérateurrégleur était spécialisé sur un type de machine (fraiseur, tourneur...). La commande numérique limite donc le contrôle de l'ouvrier opérateur sur le rythme d'exécution des pièces, rend la correction des erreurs de programmation plus complexe mais permet une certaine polyvalence de l'opérateur qui sera apte à contrôler la production de plusieurs types de machines-outils.

La hiérarchie de l'entreprise est ainsi réorganisée: le rôle des superviseurs diminue considérablement car le contrôle est effectué a priori dans le bureau de programmation. Il y a donc une diminution du poids relatif de l'atelier de production par rapport au bureau de conception et de programmation. Le travail sur ces machines-outils peut être fait en équipes (2 x 8) et l'entretien effectué la nuit. Les entreprises qui construisent les machines-outils à commande numérique assurent souvent la formation des opérateurs-régleurs et fournissent le logiciel d'utilisation au bureau des méthodes. On constate de ce fait une tendance importante à intégrer les activités de production de MOCN au sein de grands groupes industriels qui en sont les principaux utilisateurs .

d) le nombre d'emploi

Il est à peu près impossible de mesurer au niveau macro-économique les effets des MOCN sur l'emploi. Apparues au début des années '40 dans l'aéronautique les MOCN se sont développées dans 'les années '50 • en Amérique du Nord et dans les années '60 en Europe et au Japon.

La fabrication de MOCN est devenue aujourd'hui une industrie vitale. D'ailleurs c'est une industrie qui est la première à Utiliser sa propre production. Les secteurs où son emploi est généralisé sont l'aéronautique, l'automobile, l'armement et une multitude diversifiée d'entreprises de métallurgie. Les plus importants constructeurs de MOCN sont l'Allemagne Fédérale, les États-Unis, l'URSS, le Japon, l'Italie et la Grande-Bretagne. La diminution des coûts de production des MOCN permet leur utilisation par les PME. Il est possible d'affirmer que les pays qui ne produisent pas de MOCN comme le Canada voient les emplois qualifiés se créer à l'extérieur. Les MOCN conviennent pour des productions de petites et moyennes séries (entre 50 et 1000 unités) . En dessous les machines-outils classiques sont plus rentables, au-dessus les machines-transferts (ensemble de machines-outils coordonnées par un système de transmission) conviennent mieux. Le Canada est très mal placé sur le marché des MOCN car il importe 90% de sa consommation (1979), ce qui le place derrière le Brésil, la Roumanie ou même la Corée du Sud... La faiblesse du secteur industriel au Canada et encore davantage au Québec en est la cause. Dans ce contexte l'importation de MOCN se traduit certainement par une perte d'emploi.

e) la formation professionnelle

La mise en opération d'une MOCN est relativement simple et n'exige pas une longue période d'entraînement. Le travail qualifié est réservé à la programmation ou bien au bureau des études. Au Québec, le secteur aéronautique surtout et celui du matériel de transport constituent les seules concentrations industrielles significatives qui emploient des MOCN. La nouvelle génération de MOCN avec ordinateur de commande nécessitera des opérateurs initiés à la programmation informatique.

2) L'APPARITION DE LA CONCEPTION ASSISTEE PAR ORDINATEURS (CAO)

a) définition technique

Le dessin industriel se prête parfaitement à l'utilisation des ordinateurs. L'activité essentielle des bureaux d'études est le dessin industriel. Celui-ci permet la transmission des ordres de conception vers les ateliers de production. Dans un premier temps l'ordinateur a permis d'accélérer la finition des dessins au niveau des méthodes de calcul. Ensuite il peut exécuter directement des dessins avec des tables traçantes automatisées. A l'heure actuelle une schématisation formelle élémentaire est réalisée sur écran cathodique. La CAO est un phénomène très nouveau.

b) transformations

La généralisation des tables traçantes permet de supprimer les tâches d'exécution des plans au moyen de la règle et du crayon à mine. La mise sur écran cathodique des plans permet un avis immédiat de l'atelier de production sur la conception et élimine ainsi de nombreuses causes d'erreurs. Le travail le plus complexe, celui de conception, est grandement accéléré. Le goulot d'étranglement est la mise au point de logiciels spécifiques à chaque tâche industrielle. Ainsi plusieurs centaines de personnes, doivent travailler plusieurs années pour mettre au point un logiciel dans l'aéronautique. La CAO est certainement le coeur des actuelles transformations industrielles.

c) organisation du travail

La CAO tend à supprimer le bureau des méthodes popularisé par Taylor. Dans la réalisation des micro-processeurs on constate ainsi une intégration de la conception et de l'exécution. Les firmes de composants électroniques ne sont pas organisées sur le mode taylorien. La CAO est encore jeune et n'a commencé à pénétrer que faiblement dans l'industrie. Il s'agit surtout de l'aéronautique de l'automobile et de la construction navale. La CAO peut bouleverser les méthodes d'organisation du travail en architecture, urbanisme et celle de modélistes de l'habillement. Les progrès de la CAO dépendent de la diminution des coûts du matériel électronique et surtout de la mise au point de logiciels spécialisés.

Les bureaux d'études où s'effectue la conception de projets sont divisés en deux groupes de personnes: les concepteurs ingénieurs ou architectes d'une part, et de l'autre les dessinateurs, eux-mêmes se regroupant en plusieurs catégories. La hiérarchie du travail est modifiée par l'adjonction de nouvelles catégories d'ingénieurs en informatique et la disparition en bas de l'échelle des décalqueurs, au profit d'opérateurs d'entrée des données sur l'ordinateur. La CAO a donc pour effet de diversifier les catégories professionnelles des bureaux d'études. La CAO couplée avec la MOCN permet d'envisager une intégration tout à fait nouvelle des personnels dans l'entreprise. Elle inaugure une division du travail dans le domaine de la fabrication des dessins. Celle-ci s'automatise et permet donc la suppression du bureau des méthodes de fabrication dont les fonctions sont prises en charges par l'ordinateur.

La CAO aura donc des effets particulièrement importants dans les grandes entreprises et permet la création d'un marché des logiciels. Il est donc fort probable que dans le cadre des économies de marché capitaliste se développe une forte instabilité des secteurs de conception industrielle. De multiples entreprises vont apparaître, entrer en concurrence, se faire racheter par des capitaux provenant d'autres secteurs ou se concentrer entre elles.

La possibilité de créer une société de service informatique dans le domaine industriel ne nécessite aucune immobilisation en capital fixe et se trouve ainsi à la portée des cadres les plus créatifs (cas de la Silicon Valley en Californie). Le phénomène de multiplication des entreprises de génie informatique est bien connu en Californie et commence à se répandre dans les sociétés capitalistes. La notion même d'entreprise est alors à redéfinir. La déconcentration spatiale des activités de production est rendue possible. Les bureaux d'études de CAO peuvent ainsi être établis n'importe où. Les systèmes de production n'auront plus de logique spatiale verticale. La CAO favorisera l'éclatement de l'espace industriel traditionnel.

d) le nombre d'emplois

Là encore il est difficile de faire une évaluation macro-économique. Chose certaine les dessinateurs traditionnels de l'industrie n'ont pas d'avenir. Ils sont généralement les premiers à être recyclés à la CAO (ex: aérospatiale). La CAO restant coûteuse à cause des logiciels, elle ne s'étendra aux PMI que lentement. Cependant les gains de productivité par la réduction des délais d'étude, permettent de rentabiliser la CAO et donc de maintenir le niveau d'emplois par l'augmentation des débouchés. Evidemment, les emplois se créeront dans de nouvelles catégories professionnelles. La CAO crée de nouveaux secteurs industriels en rendant réalisable des projets qui auraient demandé des dizaines d'années de calculs. Les nouveaux micro-processeurs (VLSI) sont l'exemple le plus récent. La diminution du coût du matériel électronique sera le facteur essentiel de la diffusion de ce procédé. Les effets sur l'emploi dépendent de la répartition géographique de la CAO. Les données ne sont pas regroupées à l'échelle mondiale (on estimait à 1000 les systèmes CAO en 1980). Cependant les États-Unis dominent ce secteur suivis du Japon et de la France. Le Canada est très en retard et n'a pas de programme de CAO d'envergure. En termes quantitatifs, les effets sur l'emploi risquent de frapper les bureaux de méthodes des grandes entreprises de construction automobile, navale, aéronautique et électronique.

e) la formation professionnelle

La CAO nécessite avant tout une bonne connaissance professionnelle dans un métier donné. Elle n'est qu'une technique certes très développée mais qui ne remplace pas la conception en tant que telle. La CAO sera certainement enseignée dans les grandes écoles d'ingénieurs et de techniciens.

3) L'EXTENSION DES AUTOMATISMES DANS LA PRODUCTION A FLUX CONTINU

C'est de la chimie industrielle qui se développe dès la fin du 19e siècle en Allemagne que naissent les automatismes dans la production à flux continu. Ces automatismes se modèlent sur les réactions physico-chimiques de matières solides Comme le charbon et le calcaire ou liquides comme le pétrole. Pierre Naville, en France, dans ses ouvrages, L'automation et le travail humain (1961) et Vers l'automatisme social (1963) a décrit avec précision les techniques de ce secteur industriel. Depuis lors rien de nouveau n'a été effectué et la majeure partie des travaux contemporains ne font au mieux que répéter sans le citer les travaux de ce précurseur. La prise en charge du processus de production, de maintenance et de réparation est de plus en plus l'oeuvre d'un ordinateur central de gestion de la production.

a) définition technique

L'industrie pétrolière constitue le modèle de ce secteur. Elle a la première généralisée les principes de l'automatisme mécanique et électrique. Aujourd'hui le contrôle des réactions chimiques peut s'adapter à la diversité des matières premières et augmenter le rendement. Il est également possible de modifier les agents de cette réaction en cours de déroulement. L'automatisme dans la production à flux continu nécessite de regrouper trois aspects techniques (recueillir l'information sur le matériel transformé, l'analyser et envoyer des ordres de modification du processus).

L'informatique permet de centraliser les informations sur l'état physico-chimique d'un produit, d'analyser la globalité du processus et de donner des solutions immédiates. L'industrie du pétrole n'est pas un gigantesque assemblage de tuyaux opéré par une armée de manipulateurs de manettes et de valves comme au début du siècle. C'est un processus de production complètement intégré qui tient compte des éléments physico-chimiques mais aussi bien en aval qu'en amont. Cette définition technique permet de comprendre facilement pourquoi les multiétatiques du pétrole (Exxon, Shell, BP, Gulf, CFP Total...) sont les plus puissantes firmes du capitalisme industriel contemporain. Leur avantage provient non pas tant du pétrole que de la façon dont elles le traitent. On constate que l'industrie métallurgique en plus généralement de traitement industriel des ressources minérales se modèle sur l'industrie chimique et pétro-chimique. Une part de plus en plus grande des produits alimentaires, surtout les liquides, tend à être réorganisée de cette manière.

b) transformations

Le secteur connaît les modifications internes les moins importantes. Son principal problème est de trouver de nouvelles technologies qui permettent d'utiliser des matières premières jusqu'à alors trop coûteuses à transformer. Il serait à la limite possible de considérer l'industrie de la production à flux continu comme ressemblant à celle du transport. L'analogie est frappante avec la marine (un pétrolier par exemple) et une raffinerie. L'un comme l'autre ont des équipages dont la principale préoccupation est la sécurité de leur environnement et la monotonie sans rythme de la journée de travail.

Les progrès dans l'automatisation des tâches de manutention de certains produits permettront de limiter le travail non qualifié dans les centrales de production d'électricité. Cependant la production en flux continu n'engendrera pas de nouvelles catégories professionnelles dans les années '80, ni de nouvelles technologies d'importance universelle.

c) organisation du travail

Serge Mallet dès 1963 a noté que ce type d'industrie, particulièrement dans le domaine chimique et pétrochimique a connu un accroissement de la qualification de son personnel (cf. son ouvrage La nouvelle classe ouvrière). L'organisation du travail dans ce type d'industrie est d'abord déterminée par la logique des processus physico-chimiques.

La proportion de travailleurs non qualifiés tend à baisser mais de manière très inégale. Elle est faible dans le pétrole mais assez élevée dans l'alimentation (industrie de la bière, par exemple). De plus une partie des tâches d'entretien et de maintenance est soustraitée. Les effets sur l'organisation du travail des sociétés de ce genre, modifiée par l'informatisation de la production, sont variables. Tout d'abord la généralisation du travail posté en équipes est favorisée par l'automatisation. Ensuite l'intervention dans la production est surtout importante au démarrage et à la sortie du cycle. Les problèmes de manutention se situent à ce niveau.

d) le nombre d'emplois

Le secteur est très hétérogène et ne se prête pas à une analyse en terme de main-d'oeuvre. La hausse de productivité entraînée par l'informatisation est généralement suivie par une diversification de la production. L'industrie pétrolière et celle de l'alimentation se situent aux deux extrêmes de ce secteur. Dans cette dernière on ne doit retenir que les industries comme celles de la bière et non l'abattage des animaux qui relèvent de processus en discontinu. Il n'y a pas de bouleversements majeurs dans ce secteur au niveau des emplois du fait des technologies nouvelles.

e) formation professionnelle

Des ingénieurs et techniciens en analyse de systèmes constituent la principale demande d'emploi du secteur dans le domaine industriel.

4) L'APPARITION DES ROBOTS DANS LA PRODUCTION EN DISCONTINU

a) définition technique

Un robot est un manipulateur industriel guidé par un programme informatique. Il se caractérise par (.1) une articulation mécanique entre 3 et 6 degrés de libertés, (2) une source d'énergie électrique, pneumatique ou hydraulique, (3) une extrémité agissante plus ou moins polyvalente, (4) un asservissement à un programme d'ordinateur guidé éventuellement par des capteurs plus ou moins raffinés. Le robot est donc programmable et reprogrammable.

b) transformations

Le robot industriel actuel s'est développé dans les années '70; il doit sa popularité aux progrès dans le domaine de la miniaturisation de l'électronique, les micro-processeurs. Ces robots ont remplacé des machines automatiques lourdes construites en fonction d'une production spécifique. Les robots peuvent être reprogrammés très souvent en fonction d'une nouvelle production alors que les machines automatiques traditionnelles doivent être envoyées à la casse. Dans ce cas, il est en effet nécessaire de construire une machinerie spécifique à chaque type de production. Les robots ne travaillent pas de manière plus rapide que les êtres humains ni avec une précision accrue cependant ils sont évidemment infatigables. On retrouve les robots surtout dans l'industrie automobile, l'aéronautique et la construction électrique. Dans ces secteurs, ils sont employés à des tâches moyennement qualifiées: soudure, peinture; ou très qualifiées: usinage de précision de pièces stratégiques comme les ailettes de réacteurs en aviation. Bientôt ils seront introduits dans l'assemblage de petits objets.

c) organisation du travail

Dans une première phase il y a généralisation du travail posté en équipe, suppression des tâches dangereuses et un rôle plus important des responsables de la CAO qui planifient l'organisation du travail. Le robot fait partie d'un système de production qui incorpore l'organisation du travail dans son programme. Les robots sont introduits dans des productions de grande série mais par leur souplesse permettent la fabrication de divers modèles de voiture sur une même chaîne d'assemblage.

d) nombre d'emplois

Il n'y a pas suppression totale des soudeurs et peintres mais ceuxci voient leur nombre diminuer considérablement dans les entreprises à chaîne de montage. Cependant celles-ci ne concernent que 2 à 4% de la population active dans les sociétés industrialisées. Le problème de l'emploi se posera avec les robots introduits dans les opérations d'assemblage particulièrement dans la construction électrique.

e) formation professionnelle

Des spécialistes en robotique informatisée vont être demandés en grand nombre d'ici 1990 dans les sociétés industrialisées mais beaucoup moins au Québec car il n'y a que peu d'industries de chaîne de montage. Seule l'aéronautique sera touchée de manière significative.

II LA ROBOTIQUE

1) DE LA ROBOTIQUE -VERS L'ATELIER FLEXIBLE

La robotique est un sujet de plus en plus discuté dans les manufactures et les industries. Il ne s'agit plus de science-fiction mais d'une réalité qu'il faut connaître en détails pour être en mesure de la comprendre afin d'allier l'efficacité des méthodes de production à l'amélioration des conditions de travail.

Le terme robot actuellement employé pour désigner une machine industrielle a dans nos esprits une tout autre image. Beaucoup sont allés voir "Star Wars" au cinéma et peuvent être attirés par les séries télévisées "The Six Million Dollar Man" ou "The Bionic Woman". Nombreux ont été les fanatiques de science-fiction et de bandes dessinées racontant des histoires de robots. Le terme robot nous inquiète un peu car il signifie créature artificielle, généralement de métal et de plastique, qui peut remplacer un être humain. Dans le monde industriel, le robot est l'équivalent économique de l'esclave. L'industrie métallurgique a emprunté ce mot à la littérature fantastique. C'est le dramaturge tchèque Carel Çapek qui en 1920 a utilisé ce mot dans une pièce de théâtre intitulée Les robots universels de Rossum. En tchèque le mot "robot" a un sens bien précis, il veut dire travail forcé (robota). Cette pièce de théâtre avait des implications politiques évidentes. Elle met ainsi en scène des ingénieurs et des cadres d'une entreprise qui veulent résoudre tous les problèmes, de l'humanité en construisant par millions des robots à l'image des êtres humains en les chargeant d'effectuer tous les travaux de production pénibles et ingrats. Mais les robots finissent par se révolter pour gouverner le monde contre leurs exploiteurs humains.

A cette époque l'identification entre robots et prolétaires apparaît évidente. Les années '20 et '30 sont en effet marquées en Europe et en Amérique du Nord par de grandes mobilisations prolétariennes dirigées contre les ingénieurs, les cadres et les bourgeois en général. Cette interprétation menaçante pour l'ordre établi se transforme au début des années MO aux États-Unis sous l'impulsion du romancier de sciencefiction et vulgarisateur scientifique Isaac Asimov. Dans ses écrits publiés en français sous les titres Les robots et Un défilé de robots, cet auteur présente sous un jour favorable la construction de créatures artificielles. C'est lui qui invente le terme robotique.

Au cours des années '50 des ingénieurs industriels marginaux mettent sur pied aux États-Unis des sociétés de construction de robots. La plus célèbre d'entre elles est dirigée par un ami d'Isaac Asimov, Joseph Engelberger. Elle s'appelle Unimation et était en 1982 la première firme dans le monde dans le domaine de la robotique industrielle. Son siège est à Danbury au Connecticut.

Les robots produits par cette société n'ont aucun rapport avec ceux des romans d'Isaac Asimov ou de la pièce de Carel Çapek. Il s'agit de puissantes pièces de métal montées sur un support rotatif et dont l'énergie motrice est pneumatique, hydraulique ou électrique.

LA PREMIÈRE USINE SANS HOMME DE TSUKUBA

Ce genre de robots permettra d'accélérer l'automatisation des productions manufacturières. Ce sont de nouvelles machines qui s'ajoutant à celles déjà installées vont permettre la naissance d'une forme d'atelier industriel capable de produire des objets très diversifiées en un minimum de temps: l'ATELIER FLEXIBLE

En théorie l'atelier flexible est une petite manufacture où l'intervention humaine est réduite à la surveillance, au réglage et à la réparation.

"Un atelier automatisé flexible est un atelier piloté en temps réel par un ordinateur: son objectif est d'optimiser l'utilisation des machines, de réduire au maximum les encours et d'accélérer le passage des pièces à travers l'atelier" Rapport Lasfargues (1982).

Il n'existe pas encore d'ateliers flexibles au Québec car ceux-ci ont d'abord été introduits dans des usines de fabrication de machinesoutils ou de moteurs mais il est très possible de prévoir leur apparition dans le domaine de l'industrie aérospatiale.

L'atelier flexible est particulièrement utile aux productions de pièces en moyenne série (de 50 à 1000 exemplaires). En-deçà les machines-outils classiques sont encore compétitives et au-delà les automatismes rigides sont plus rentables.

L'ordinateur peut également aider à là conception des pièces. Un ingénieur peut ainsi concevoir une pièce sur un terminal graphique à

écran cathodique relié à un ordinateur doté d'un logiciel de dessin industriel en trois dimensions. Une fois ce travail intellectuel terminé, il suffit de donner un ordre à une machine-outil à commande numérique pour que la pièce soit réalisée. Ces opérations relèvent encore de l'expérimentation.

La conception assistée par ordinateur (CAO) est de plus en plus étroitement liée à la robotique et rapproche les procédés de la manufacture de ceux de la production de l'électricité et des industries en continu (chimie, pétrole). La production manufacturière ressemble de plus en plus à un flux de marchandises rythmé par un ordinateur.

2) LA NAISSANCE DE LA ROBOTIQUE

L'ordinateur est le moteur de ces changements dans l'industrie. Une branche méconnue de l'informatique ne fait pas que traiter des textes ou des informations financières ou administratives mais porte sur la fabrication des biens matériels. La robotique est la reproduction artificielle de mouvements diversifiés et complexes que seule la main humaine pourrait réaliser. Dès le 18e siècle la commande numérique était inventée par des gens comme Vaucanson pour automatiser des métiers à tisser. Il s'agissait déjà de cartes perforées. Celles-ci couramment utilisées dans les ordinateurs permettaient avec la 2e guerre mondiale de guider le mouvement des machines-outils. Ce principe n'était donc pas neuf et avait déjà été largement utilisé dans la reproduction de la musique par exemple (piano-mécanique, orgue de barbarie...)Le code des machines a été ensuite porté sur des bandes magnétiques et aujourd'hui sur des petits disques et des mémoires internes d'ordinateurs. La robotique est le stade le plus perfectionné de systèmes capables de réagir en temps réel à une opération de manutention. Elle est le résultat de l'alliance de la mécanique des télémanipulateurs et de la micro-électronique. Elle utilise des programmes conservés sous forme d'impulsions électromagnétiques qui reproduisent les mouvements effectués dans un travail précis.

L'origine des télémanipulateurs et des microprocesseurs est hélas militaire. Les télémanipulateurs proviennent de la métallurgie des métaux radio-actifs comme le plutonium et l'uranium 235. En effet un opérateur ne peut ni toucher, ni se trouver à proximité de ces métaux aux radiations mortelles. Des ingénieurs mécaniciens ont ainsi développé des bras mécaniques avec plusieurs articulations pour manipuler avec précision et transformer ces objets radio-actifs pour construire des bombes atomiques.

Les microprocesseurs proviennent de la nécessité de miniaturiser les appareils électroniques chargés de faire exploser et de guider ces bombes. L'industrie de l'armement aujourd'hui comme hier est à l'avantgarde du progrès technologique. Il en est ainsi depuis l'utilisation du métal et l'on doit noter que les premières machines-outils au 18e siècle ont d'abord servi à fabriquer des fusils.

Ce sont cependant les États-Unis qui ont les premiers songé à utiliser des robots dans des, applications industrielles civiles. La firme Unimation, récemment rachetée par Westinghouse avait construit les premiers robots de ce genre au début des années '60. Les premières applications concernaient la manipulation du métal à haute température introduit dans des presses automatiques. Il s'agissait de travail dangereux ou pénible. Cependant les États-Unis qui sont à l'origine de l'invention des robots n'ont pas étendu leur usage à des fins civiles. C'est un problème important qui nécessite une explication car aujourd'hui ce sont le Japon et la Suède qui jouent un rôle dirigeant dans l'évolution de la robotique.

Les relations de travail aussi bien au Japon qu'en Scandinavie donnent au mouvement syndical un poids social décisif dans l'évolution de l'économie. Si la Suède est traditionnellement perçue comme un pays sociale-démocrate fortement syndiqué, l'image du Japon présentée dans les médias est parfois inexacte. Beaucoup de gens pensent que le mouvement syndical est soit absent soit soumis au patronat. C'est faux. Tout d'abord, contrairement à l'Amérique du Nord, les droits syndicaux sont reconnus dans la constitution de l'État japonais. Ensuite le taux de syndicalisation est de 36%, enfin le principal syndicat (SOHYO 4.5 millions de membres en 1980) est d'obédience socialiste .

Le syndicalisme japonais n'est ni fondé sur le métier, ni sur l'industrie mais sur l'entreprise. Ce syndicalisme a de plus d'incontestables traditions radicales. Ainsi de 1946 à 1959 le parti communiste à travers le Sanbetsu dominait le mouvement ouvrier japonais. La récente politique d'intégration du mouvement syndical à une stratégie internationale d'expansion économique industrielle a provoqué en conséquence l'affaiblissement du parti communiste au profit du parti socialiste aujourd'hui principale force politique d'opposition. Cette intégration des syndicats aux décisions s'est surtout effectuée dans les grandes entreprises en expansion comme celle de la métallurgie, de la construction électrique et électronique. Ce sont ces entreprises qui ont eu l'initiative d'introduire des robots pour respecter une législation sur la sécurité ordonnant le service automatique des presses. Dans ce cadre il est peu surprenant que les robots n'aient pas provoqué de mise à pied.

LES GRANDES SOCIETES DE PRODUCTION DE ROBOTS

UNIMATION

Etats-Unis

ASEA

Suède

KAWASAKI

Japon

FUJITSU-FANUC

Japon

TRALLFA

Norvège

KUKA

Allemagne

CINCINNATI MILACRON

Etats-Unis

RENAULT ACMA

France

FIAT-COMAU

Italie

3) LE MARCHE MONDIAL DES ROBOTS

Trois grands compétiteurs s'affrontent sur le marché mondial de la robotique: les États-Unis, l'Europe occidentale et le Japon. Dans chacune de ces régions du monde, cette concurrence s'accompagne de liens organiques entre des sociétés de nationalité distincte.

Cette représentation de l'espace de production et d'utilisation des robots montre un espace déjà hiérarchisé. Surtout les pays où le développement des forces robotiques atteint le degré le plus efficace (Japon, États-Unis et à un degré moindre Suède) font peser sur les autres économies (France, Grande-Bretagne, Allemagne et autres pays européens) une 'contrainte extérieure" dont le déficit de la balance commerciale est le symptôme le plus net. Au centre de la production et de la diffusion des robots, on se trouve confronté à des stratégies de contrôle des innovations.

Si les entreprises américaines ont gardé longtemps le monopole du leadership technologique en robotique (1960-1975), elles sont massivement concurrencées par des entreprises japonaises (1975-1982). Globalement, sous l'impulsion du M.I.T.I., les constructeurs japonais ont organisé la maîtrise du marché intérieur avant d'intensifier leurs efforts à l'exportation.

Grosso modo, la pression des industries dominantes s'exerce à trois niveaux. D'abord par l'acquisition de l'outil de production en série des robots (cf. la construction de systèmes de production flexibles composé de machines (machine-outil, robot) produisant des machines analogues et fonctionnant 24 h par jour dont 16h de façon autonome). Ensuite par une extension des domaines d'application essentiellement l'assemblage de petits objets, de composants divers). Enfin et surtout par un développement des stratégies d'alliance ou du relais avec des entreprises étrangères dont la plupart sont européennes.

Nombreux et en accroissement rapide depuis 1980, les accords ont surtout le contenu de la représentation commerciale et rarement celui de la production sous licence. Pour la France, on dénombre déjà une dizaine d'accords de représentation de constructeurs de robots japonais. Bien plus, des pourparlers de rapprochement existent entre Unimation (le premier mondial), Kawasaki (le premier japonais) déjà associés et l'entreprise suédoise ASEA (le premier européen). Au cas où cette "trilatérale robotique " viendrait à se constituer, elle représenterait à elle seule 30% de la capacité de production mondiale, soit plus de 2000 unités/an. Globalement, il y a dans cette évolution un risque concurrentiel majeur pour les constructeurs européens et en l'occurrence français. L'appropriation du pouvoir de production robotique est devenu un véritable enjeu stratégique.

SOURCE: Joël Le Quément, "La science des robots", Science et vie, numéro spécial, mars 1982.

Les robots qui sont ou seront installés au Québec proviennent de ces trois régions. Du fait de sa relative proximité ceux de la société Unimation sont les plus nombreux mais on doit noter également la présence du Suédois ASEA.

Voilà cependant la situation dans les trois sociétés:

a) États-Unis

Unimation et Cincinnati Milacron se partagent à égalité plus des deux tiers du marché (70%). Une trentaine de sociétés se partagent le reste du marché. En tout d'après une définition restrictive il y aurait 3500 robots installés dans l'industrie. Le chiffre de vente des sociétés américaines de robots doit se situer en 1981 vers 150$-175$ millions, ce qui est nettement inférieur au chiffre d'affaire des jeux électroniques qui atteignait 3.5$ milliards... Pourtant la production est en constante augmentation avec 1500 unités produites comme base en 1981 et un taux d'expansion de 40 à 50%. Il n'y aura cependant pas d'effets économiques majeurs au niveau global de la société américaine avant une dizaine d'années au moins.

b) Le Japon

L'association japonaise de robotique estime à 500$ millions le marché intérieur du robot en 1981 et suppose un décuplement d'ici dix ans. Mais la définition japonaise du robot est plus large que celle des Américains. En fait on peut raisonnablement penser que le rapport est de 2 à 1 en faveur du Japon et que le nombre de robots "véritables" installés en 1981 est de 6000 et non de 70,000 comme certains l'affirment. Les deux principaux constructeurs de robots n'occupent que moins de 40% du marché intérieur. Il s'agit de Kawasaki et de Fujitsu. Près de 70 sociétés se partagent l'autre partie. Le taux d'expansion de l'industrie de la robotique est très élevé car les Japonais ont pris l'initiative de robotiser leur production de robots.

c) L'Europe occidentale

Comme le marché européen est inégalement unifié la collecte des chiffres est encore plus difficile. On peut estimer le nombre de robots en Europe à 4100 qui se répartissent de la manière suivante:


REPARTITION DES ROBOTS

EN EUROPE OCCIDENTALE (1980)

Suède

1200

Allemagne fédérale

1100

Italie

400

France

200

Royaume-Uni

400

Autres

800

TOTAL

4100

Le marché de la robotique en Europe est déjà sérieusement occupé par Unimation et certaines sociétés japonaises. Comme il n'y a pas de politique européenne d'investissement industriel il est impossible d'évaluer avec sérieux le taux d'expansion de ce secteur de manière globale. Les principales sociétés européennes sont:

Suède - ASEA

Allemagne - KUKA, REIS, VOLKSWAGEN

Italie - COMAU, PRAGMA, DEA

France - RENAULT, LANGUEPIN, SCIAKY, SCEMI

Norvège - TRALLFA

Royaume-Uni - HALL AUTOMATION

4) UTILISATION DES ROBOTS DANS L'INDUSTRIE

Un fait est certain: les robots n'ont pas engendré la crise économique occidentale et ne peuvent être la cause des taux de chômage qui oscillent autour de 10%. A l'inverse, une société qui robotise rapidement son appareil de production, comme le Japon, connaît un taux de chômage proche du plein emploi (3% en 1981). Depuis l'invention des métiers à tisser automatiques au 18e siècle, la population active industrielle n'a pas cessé de connaître des bouleversements dans les procédés de fabrication. L'automatisation des manufactures et de l'agriculture a permis un considérable développement des services collectifs et personnels parallèlement à la lente mais continuelle baisse du nombre d'heures de travail par année dans les sociétés occidentales.

Si les robots n'ont pas déclenché la crise économique actuelle, ils peuvent s'insérer dans une stratégie de sortie de crise. Les motivations habituellement énoncées pour justifier l'introduction des robots dans les entreprises industrielles permettent de le comprendre:

a) La rentabilité

La production manufacturière en s'automatisant tend à diminuer le nombre d'emplois, mais inversement la croissance du marché engendré par la baisse de la valeur unitaire des marchandises provoque un effet de stimulation de l'expansion d'autres activités économiques. L'introduction des robots suit ce schéma sur un mode très pragmatique. En effet les modèles économétriques universitaires qui tentent de mesurer l'impact de la technologie sur la rentabilité sont accueillis avec réserve au sein des directions d'entreprises car ils sont fondés sur des théories globales contradictoires et généralement irréfutables. Par ailleurs les promesses mirifiques des constructeurs de nouvelles machines ne se réalisent pas toujours une fois le contrat de vente paraphé. Le problème essentiel des manufacturiers est de savoir sur quelle période l'investissement dans un nouveau procédé de fabrication sera amorti. Pour réaliser un amortissement le plus rapidement possible, il sera donc nécessaire de diminuer les coûts directs de production et de hausser la productivité horaire. En ce domaine des estimations globales sont très difficiles à calculer car les entreprises sont très jalouses de leur comptabilité individuelle où la discrétion leur semble naturelle mais aussi car elles ne sont pas toujours capables de les effectuer elles-mêmes avec certitude, surtout lors de la phase d'introduction de nouvelles techniques de production.

La période du capitalisme de risque étant depuis longtemps dépassée les entreprises exigent une assurance de rentabilité avant de se lancer dans l'achat d'un nouvel équipement. A cet effet les constructeurs de robots déploient depuis quelques temps une énergie considérable pour démontrer la rentabilité de ce choix. Ils demandent aux États, par une politique concertée d'incitations de convaincre,les éventuels acheteurs de passer aux actes. Cependant pour le moment aucune certitude globale n'en découle si ce n'est que les machines les plus simples ("pick and place") sont les plus diffusées et paraissent de ce fait s'avérer les plus profitables.

b) Gestion de la main-d'oeuvre

La décision de robotiser ne découle pas seulement d'une stricte analyse comptable. Une tentative d'approche multicritères incorpore également les problèmes de gestion de la main-d'oeuvre que sont les grèves, l'absentéisme, le contrôle sur le procès de travail et le "turn-over".

Une nouvelle technologie employée dans une manufacture peut fort bien être coûteuse, ne pas augmenter la productivité horaire mais supprimer des dysfonctionnements majeurs pour l'entrepreneur dans ses relations avec la main-d'oeuvre.

Une nouvelle technologie peut être ainsi partie intégrante d'une stratégie de résolution des conflits. A l'inverse une recherche brutale de la diminution des coûts directs de production par l'introduction de nouvelles technologies peut engendrer le même genre de conflit. Ce problème est abordé dans un premier temps au travers de l'approche économique classique par la majeure partie des analystes. Cependant la question fondamentale réside surtout dans la détermination des tâches réalisables dans un proche avenir par les robots afin de définir assez précisément les sections de la force de travail qui seront directement affectées.

c) Les tâches robotisables

Ces tâches peuvent se distinguer par leur complexité:

- manutention, alimentation de machines, tri de la production

Dans ce cas les robots ne se distinguent pas beaucoup des automatismes classiques. La main-d'oeuvre concernée est faiblement qualifiée. Là où on la trouve à bon marché ce genre de robots se développe lentement. Dans les pays du centre ce type de robotisation peut faire partie d'une politique visant à freiner l'immigration venant du Tiers-Monde ou encore faire revenir des industries préalablement délocalisées en Asie du Sud-Est ou en Amérique Latine. La généralisation des robots de première génération est un phénomène peu spectaculaire mais aux incidences sociales globales les plus importantes dans le contexte actuel.

- usinage, soudure, peinture, moulage

II s'agit ici des goulots d'étranglement de la production automatisée pré-robotique. La main-d'oeuvre concernée possède une certaine qualification étroitement spécialisée. Les robots sont généralement accueillis favorablement par les syndicats qui y voient un moyen pour éliminer les tâches dangereuses. Alors que les tâches de manutention, d'alimentation des machines et de triage élémentaire peuvent assez aisément être robotisées; une évaluation plus prudente doit s'effectuer pour cette deuxième catégorie d'opérations. Voici une évaluation des tâches actuellement robotisable d'un point de vue strictement technique. Cependant ces pourcentages n'indiquent pas les conséquences des variables économique et sociale. Il ne s'agit donc pas ici de taux potentiels de pertes d'emploi.

TÂCHES INDUSTRIELLES ROBOTISABLES

Occupations

Robot Niveau I

(robot programmable)

Robot Niveau II

(robot programmable avec capteurs et feedback)

Peinture industrielle

45%

66%

Soudure et découpe

30%

50%

Machines-outils classiques

20%

50%

Machines-outils numériques

20%

50%

Fraisage

15%

66%

Tourneurs

15%

50%

Opérations abrasives et ébavurage

15%

50%

Surfaçage

15%

50%

Opérations diverses de traitement du métal avec machines

15%

30%

Electroplastie

20%

50%

Fonderie

10%

45%

Palettisation

15%

45%

Inspection

10%

33%

Polissage

20%

33%

Assemblage

10%

30%

Le transfert des capacités de travail humain aux machines s'effectue de deux manières: soit par le calcul point par point de l'opération à réaliser (geste simple de manutention), soit par l'enregistrement sur bande magnétique des gestes d'un excellent ouvrier (gestes complexes du peintre) et la répétition par un robot guidé par la bande magnétique ("play-back"). Il n'y a cependant pas au sens propre un transfert de l'expérience ouvrière à la machine. Celle-ci travaille de manière différente de l'ouvrier et nécessite une modification des instruments,des méthodes d'opération et des matières premières. L'expérience ouvrière est entièrement fondée sur des réponses efficaces à des situations exceptionnelles. Dans le cas des machines c'est la panne... Ainsi, et pour longtemps une opération de production prise de manière isolée sera toujours accomplie par le travail manuel d'employé-e-s très qualifié-e-s (les Rolls Royce seront toujours fabriquées de cette manière et leur qualité ne fait aucun doute), c'est dans la production en série pour des objets de consommation de masse que les robots sont et seront utilisés en premier lieu. Il n'est pas question de penser construire des mécaniques aussi complexes que la main humaine et même avec des microprocesseurs réussir à les animer de manière efficace.

5) LES POLITIQUES GOUVERNEMENTALES

Le développement de la robotique n'est pas du seul ressort de l'entreprise privée. L'État joue un rôle de coordination dans ce domaine comme dans les autres. Les politiques gouvernementales sont donc essentielles pour enclencher un processus de robotisation. Voici quelques exemples significatifs tout d'abord pris à l'extérieur: Japon, ÉtatsUnis, France pour mieux illustrer l'attitude adoptée à Ottawa et à Québec.

a) le rôle du MITI au Japon

L'État par l'intermédiaire du ministère de l'Industrie et du Commerce extérieur a planifié le développement technologique introduit dans la production en fonction d'objectifs précis de conquête de créneaux sur le marché mondial. Le Japon a tout d'abord massivement acheté des licences pour exploiter sur place des brevets étrangers. Ainsi en 1982 le Japon est encore largement déficitaire et doit payer des droits importants en particulier aux États-Unis. Dans ce cadre en 1967 Kawasaki et Dainichi-Kiko ont importé des robots américains Unimation et Prab Versatran pour les fabriquer sous licence. Le MITI favorisait ce mode d'acquisition de la technologie étrangère: copier le meilleur pour l'améliorer. Ceci relevait d'une stratégie de développement à long terme où l'amortissement des investissements est planifié vers une vingtaine d'années. Ainsi le MITI encouragea le regroupement des industriels intéressés par la robotique dans une association spécifique: la Japan Industrial Robotics Association (JIRA). En 1978 avec la promulgation d'une loi extraordinaire pour le développement de l'informatique industrielle les robots étaient considérés comme une production essentielle à la rationalisation des entreprises.

Le MITI a encouragé la formation d'une société de location de robots afin de créer un marché pour les petites et moyennes entreprises. Il a développé une politique de prêts à taux très bas pour encourager l'équipement des PME. Des abattements fiscaux sont consentis aux acheteurs de robots. De plus en avril 1982 le MITI a lancé un important projet de recherche visant à couper les liens de dépendance technologique avec l'extérieur en favorisant la recherche. L'accent est mis sur les robots "intelligents" pour les opérations d'assemblage ainsi que des robots destinés à l'industrie nucléaire: l'espace, les fonds sous-marins et les mines. Le développement des capteurs, des logiciels et des langages informatiques destinés à contrôler les mouvements des robots seront les secteurs favorisés dans la recherche de pointe.

b) les États-Unis et le Pentagone

Depuis 1979, le projet principal de robotisation est animé par l'US Air Force (Air Force Integrated Computer Aided Manufacturing, ICAM). Il s'agissait d'aider General Dynamics à fabriquer rapidement des avions F16. ICAM est un ensemble de projets destinés à financer les recherches des compagnies aériennes liées au secteur militaire (17$ millions en 1981). La NASA n'a pas un rôle important dans le développement de la robotique (2$ millions). Le bras de la Navette spatiale a ainsi été développé par la société canadienne Spar Aerospace sur des fonds fédéraux canadiens. Il existe aussi des projets de la Navy à San Diego pour la réparation des avions embarqués sur des navires. Des études pour construire des robots militaires sous-marins sont également effectuées. Le secteur touché par l'intervention fédérale aux États-Unis est donc l'industrie aérospatiale où contrairement à l'automobile la domination américaine est encore faiblement contestée.

c) la France

La société d'État Renault a pris l'initiative dès 1974 de développer ses propres robots. Ceux-ci étaient essentiellement à usage interne pour la construction automobile. Depuis de nombreuses sociétés se sont lancées dans la robotique industrielle. En février 1982, le syndicaliste CFDT Yves Lasfargues présentait un rapport détaillé sur la robotique pour le Conseil économique et social. Les liens entre les industriels français et leurs homologues étrangers sont assez étroits (Suède et Norvège). En 1980 un programme d'Automatisation et robotique avancées (ARA-1980/84) est lancé et obtient des résultats mitigés. Il existe une Association française de robotique industrielle (AFQI) qui regroupe les principaux fabricants. En tout, il y a une quinzaine de constructeurs de robots généralement de très petite taille. Les constructeurs étrangers accaparent plus de la moitié du marché intérieur. Un plan robotique est en cours de mise en place depuis l'été 1982 sous l'impulsion du ministère de la Recherche et de l'Industrie de Jean-Pierre Chevènement.

d) le Canada

La constitution d'un Conseil sur la technologie CAD/CAM (CFAO) en 1978 a marqué le premier pas du gouvernement fédéral sur la scène de la robotique. En 1982 on estime à 200 le nombre de robots oeuvrant au Canada.

C'est l'Ontario qui est la province la plus active. En octobre 1982 le ministre de l'Industrie, Gordon Walker, annonçait la mise-sud-pied d'un centre de technologie en robotique. Le Canada s'oriente vers une politique d'achat de licences et d'importation de robots américains, européens et japonais.

e) le Québec

II y a une vingtaine de robots importés au Québec. Aucune politique gouvernementale n'est prévue en ce domaine. Parmi les entreprises disposant de robots, il y a Gemelec, Bombardier, Northern Telecom, General Motors, General Electric, Reynolds et l'Hydro-Québec. Des expérimentations sont effectuées au CRIQ, à l'Université de Montréal et à McGill University. Des efforts sont en cours pour déterminer les catégories d'entreprises susceptibles d'être robotisées (CRIQ et ministère de l'Industrie). Un programme de formation en automatismes industriels sera ouvert à l'École de technologie supérieur (ETS) de Montréal à l'automne 1983.

6) LES SYNDICATS OUVRIERS FACE A LA ROBOTISATION

Dans les États industrialisés les robots ne constituent qu'un changement technologique parmi d'autres, même si leur apparition constitue un bouleversement pour la production manufacturière. Cependant les progrès de la robotique sont graduels et ce ne sont pourtant pas les syndicats qui ont été le frein majeur à leur extension. La principale application concentrée, donc spectaculaire, a été la soudure par points dans la construction automobile. Auparavant les robots étaient utilisés de manière isolée pour servir des presses et effectuer des opérations de manutention. Les tâches effectuées étaient généralement pénibles et l'accueil fait aux nouvelles machines très favorable. Les réticences les plus grandes à l'implantation des premiers robots sont surtout venus des cadres des entreprises concernées. En effet, les premières personnes frappées par les changements technologiques sont les cadres de la production.

Il y a donc deux cas possibles extrêmes d'implantation de robots dans les entreprises.

a) implantation dans une PME

Il s'agit généralement de quelques unités introduites dans des postes répétitifs ou dangereux. Dans ce cas la PME peut connaître un gain de productivité rapide et améliorer sa position sur le marché. Les syndicats sont peu présents dans ces secteurs et leurs réactions sont très diversifiées. Le problème principal est la perte directe d'emplois. En effet, une PME n'a pas les moyens de recycler son personnel et les syndicats sont trop faibles pour s'opposer aux mises-à-pied. Une PME peut fermer puis ses propriétaires ouvrir une autre entreprise sans répercussions sociales majeures.

b) implantation dans une grande entreprise

Dans ce cas plusieurs dizaines de robots sont installés en même temps. La ligne d'assemblage inaugurée par Henri Ford est alors complètement réorganisée.

Dans les grandes entreprises automobiles qui sont en général assez bien pénétrées par les syndicats, l'installation des lignes d'assemblage robotisée est un phénomène perçu comme un processus à moyen terme. Il est donc objet de négociations. Il n'est évidemment jamais question de refuser l'introduction des nouvelles machines mais d'en contrôler les effets sur la main-d'oeuvre. Ainsi aucun constructeur automobile ne peut aujourd'hui retarder la robotisation de ses opérations sous peine de disparaître. Les syndicats dont le sort est lié à la survie de l'entreprise ont donc intérêt à profiter des changements technologiques pour avancer des revendications d'ordre qualitatif: recyclage, sécurité, hygiène, horaires de travail... La robotisation en tant que telle permet de diminuer les postes de travail dangereux et monotones mais il en subsistera toujours un certain nombre. L'action syndicale permettrait d'automatiser encore davantage les postes pénibles tout en suggérant des reclassements. C'est ce que font les grands syndicats de tous les États industrialisés. Il s'agit en effet de préserver les acquis obtenus depuis la Deuxième guerre mondiale dans le domaine des droits sociaux et syndicaux. Les nouvelles technologies d'automatisation de la production peuvent être intégrées à des stratégies de production très diverses. L'une d'entre elle peut contribuer à une amélioration des conditions de travail et une autre au contraire en privilégiant les gains à court terme aboutira au renforcement de l'autoritarisme et des hiérarchies de contrôle.

7) LES ENJEUX SOCIAUX

a) l'emploi

Depuis la Deuxième guerre mondiale, les grandes usines de construction manufacturière des États industrialisés avaient employé une maind' oeuvre faiblement qualifiée et dans un premier temps aisément contrôlable par les cadres de l'entreprise. Cette main-d'oeuvre a commencé à la fin des années '60 et durant les années '70 à s'organiser de manière autonome, de manière plus ou moins informelle, parfois en s'opposant aux directions syndicales. Les grèves sauvages qui se sont produites durant les années 1968-74 ont été provoquées par ces catégories de travailleurs et de travailleuses. En paralysant certains secteurs de la production ils entraînaient l'arrêt complet de l'entreprise. Or, on s'aperçoit que les postes de soudure et de peinture généraient tout particulièrement ces forces de résistance ouvrière. C'est là que les premiers robots industriels sont apparus massivement...

En termes d'emploi industriel la question ne se pose pas véritablement par le problème de la perte de postes mais plutôt par la restructuration d'une nouvelle classe ouvrière. A l'échelle d'une société, il n'est pas possible de calculer sérieusement l'impact des changements technologiques sur le niveau de l'emploi. Ainsi aujourd'hui les taux de chômage sont très élevés en Amérique du Nord mais tous les analystes s'accordent pour considérer la vétusté du matériel de production comme une cause majeure de la faible compétitivité de l'industrie automobile américaine et non pas le nombre de robots qui reste encore à un niveau assez faible.

Il est cependant certain que les déplacements de main-d'oeuvre provoqués par l'introduction des robots, va entraîner une perte d'emplois pour certaines industries au profit d'autres. Dans une même entreprise des postes seront déplacés d'un atelier a un autre. Il sera même fort probable que les entreprises initiatrices des changements technologiques pourront se permettre d'augmenter le nombre de leur personnel en profitant de l'amélioration de leur position sur le marché.

b) la formation professionnelle

Les nouvelles technologies de production vont nécessiter un recyclage de la main-d'oeuvre et la création de nouveaux programmes scolaires. Qui sera responsable de la mise en opération des robots? Des travailleurs et travailleuses qualifié-e-s par recyclage horizontal, des ouvriers spécialisés par recyclage vertical ou encore des jeunes recrutés dans le réseau scolaire. Cette question risque de susciter des conflits et ne peut être réglée que par la négociation. Comme le travail des robots était accompli par des ouvriers spécialisés, la priorité devrait leur être accordée dans l'occupation des nouveaux emplois créés. C'est une pratique couramment admise dans le syndicalisme d'entreprise japonais. La formation professionnelle en robotique devrait toucher dans un premier temps les adultes engagés dans la production qui ne sont pas éligibles à une retraite anticipée.

c) le contrôle sur l'opérateur

La question du contrôle des travailleurs et travailleuses sur l'instrument de production et leur autonomie face à la hiérarchie de l'entreprise est délicate à cerner. D'un côté, il est certain que la ligne d'assemblage, le travail à la chaîne a toujours symbolisée l'aliénation la plus extrême pour les salarié-e-s. Les Temps Modernes de Charlie Chaplin ont admirablement permis de comprendre ce phénomène en plein essor dans les années '20: les techniques d'Henri Ford dans la construction automobile. Or, avec les robots, les gestes des travailleurs ne sont plus rythmés par la production mécanique. Il s'agit de surveiller, d'entretenir et de réparer. Cependant certaines tâches pénibles de peinture et de soudure ne sont pas encore automatisées. Pour les travailleurs qui restent encore attachés à ces activités la situation risque d'empirer. Les dernières tâches d'ouvriers spécialisés seront d'autant plus soumises aux directives de l'encadrement que la force collective de ceux-là sera évaporée. Compléter l'automatisation du processus de production est donc indispensable. Les technologies micro-électroniques permettent d'envisager de rapprocher la production robotisée en discontinu des procédés utilisés dans la pétrochimie ou la production d'énergie par exemple. Pour le moment seul l'usinage des pièces principales des machines-outils, des moteurs ou des robots est effectué dans des ateliers flexibles. D'ici quelques années des opérations d'assemblage de petits objets pourront automatiquement être faites par des robots dotés de sens de la vision ou du toucher.

Ces processus de production automatisés sont contrôlés en temps réel par des ordinateurs qui peuvent être sous la surveillance d'opérateurs et d'opératrices agissant surtout pour la reprogrammation ou pour faire face aux imprévus. Dans ce cadre l'autonomie réelle est de plus en plus grande mais les technologies micro-électroniques permettent désormais de mieux contrôler les responsables de la surveillance.

8) CONCLUSION

L'automatisation de la production industrielle manufacturière va connaître des progrès importants d'ici 1990. Dès maintenant, il est possible de prévoir un engouement pour le "robot personnel" dans la foulée de l'expansion du marché de l'ordinateur domestique (au mois de janvier une compagnie américaine a lancé un robot éducatif perfectionné à assembler au prix de 1500$ US). Ceci permet de prévoir une accélération des découvertes dans le domaine de la robotique. Il y a une multitude de tâches matérielles dangereuses ou pénibles que les robots peuvent accomplir et un effort social de recherche permettrait d'en dresser la liste principalement en fonction des taux d'accidents du travail par industrie.

Des problèmes importants demeurent: l'utilisation de la robotique à des fins essentiellement militaires et le monopole technologique des pays du Nord face à ceux du Sud. Les dangers de la robotisation peuvent surtout être perçus à l'échelle mondiale.

Les robots utilisés dans les conflits militaires d'ici la fin du siècle feront que les être humains risquent de perdre le contrôle sur les moyens de destruction.

De plus si les usines complètement automatisées d'Europe, du Japon ou d'Amérique du Nord inondent le marché mondial de biens manufacturés au coût le plus bas, les quelques industries existantes en Amérique Latine et en Asie peuvent être balayées rapidement. Dans une hiérarchie des dommages de la robotique ceux-là devraient figurer au sommet.

Cependant, la technologie elle-même est loin d'être parfaite. Les ingénieurs en robotique laissent à d'autres le soin de s'émerveiller ou de s'affoler devant leurs réalisations. Les problèmes techniques, qu'il ne faut jamais perdre de vue, sont encore bien difficiles à maîtriser. En voici quelques exemples:

  1. Il n'est certain qu'un robot exécute avec exactitude une tâche programmée. C'est un problème mécanique doublé d'une faiblesse dans les capteurs (vue, toucher, force...);
  2. Un programme pour un robot ne peut être transféré à un autre robot pour obtenir exactement le même comportement mécanique. Il n'y a pas de langage universel et standardisé pour utiliser les robots. Chaque marque a ses méthodes. Comme au début de l'électricité chaque producteur avait son courant électrique spécifique...;
  3. Tous les robots sont lents et malhabiles, sauf en soudure. Ils sont lourds, encombrants et peu mobiles: Leur pince est très rudimentaire. Or, comme il n'existe aucun modèle mathématique de fonctionnement de la main, ce n'est pas dans ce siècle qu'une main robotisée rivalisera avec la main humaine.
  4. Une main ne travaille jamais seule. Elle est guidée par les yeux et le toucher et parfois par le bruit. La mémoire joue un rôle décisif dans l'expérience du travailleur. Pour réaliser tout cela de manière artificielle, la réflexion et l'expérimentation de centaines de milliers de chercheurs et chercheuses restent à faire;
  5. Un robot doit avoir une conception de son espace environnant en trois dimensions et un contrôle sur le temps. Les logiciels nécessaires ne sont pas disponibles;
  6. Il est déjà difficile de localiser des erreurs dans la programmation des ordinateurs. Dans le cas d'un robot le problème s'accroît en complexité. Le problème peut être mécanique ou bien électronique ou tout simplement logique... Contrairement aux machines qui ne traitent que de l'information codée, les robots doivent comprendre et traiter un environnement physique traditionnel et bien matériel dont les variations sont par définition aléatoires.

Les robots doivent générer un nouveau type d'ordinateurs qui contrôlent non pas seulement des informations codées mais des mouvements matériels. Or ces problèmes, complexes, à résoudre de manière artificielle sont à la portée de l'être humain normal.

Hélàs, comme il est plus facile de détruire que de produire, les militaires ont dans tous les pays industrialisés, pris le contrôle des efforts effectués vers l'automatisation des mouvements dans une course absurde aux armements. A leur suite certains dirigeants politiques considèrent la robotique comme un moyen de pression sur les sociétés peu développées du Tiers-Monde pour les empêcher de s'industrialiser et de conquérir une autonomie sociale nécessaire.

Charles Halary janvier 1983

POUR EN SAVOIR PLUS SUR L'AUTOMATISATION INDUSTRIELLE ET LA ROBOTIQUE

Joël Le Quément, Les robots: enjeux économique et sociaux, Pluralisme, La Documentation Française, 1981.

Pierre Naville, Vers l'automatisme social?, Gallimard, 1963 Jean-Claude Beaune, L'automate et ses mobiles, Flammarion, 1980.

Lewis Mumford, Technique et civilisation, Le Seuil, 1950.

Yves Lasfargues, Rapport sur la robotique, Editions d'organisations, 1982.

CSE Microelectronics Group, Microelectronics: Capitalist Technology and the Working Class, Londres, 1980.

Alfred Sauvy, La machine et le chômage, Dunod, 1931.

Numéro spécial de Science et Vie, mars 1982 intitulé La Science des Robots.

Numéro spécial de Pour la Science, novembre 1982, sur la mécanisation du travail.

Collectif, Informatisation et emploi, La Documentation Française, 1981. Joseph Engelberger, Robotics in Practise, American Management Ass, 1980.

Charles Halary, "Des robots et des hommes", Le Monde Diplomatique, Paris, novembre 1982.

Charles Halary, "La robotique: une solution technique à la crise?", Paris, Sciences et techniques, nos 90-91, décembre 1982.

Charles Halary, "La naissance de la robotique industrielle", Interventions critiques en économie politique, no. 7, Montréal, 1981.

Claude Gelé, "Dix-neuf propositions pour la robotique", Temps réel, Paris, 15 mars 1982.

Claude Gelé, Robotique et PMI, AFRI, Paris, 1982.

RI/SME, Comptes-rendus de la première conférence canadienne sur la robotique, 20/21 décembre 1982, Mississauga, Conseil national de recherches.

J.A. Tanner, Robotics in the Canadian Manufacturing Industries, Conseil national de recherches, Ottawa, janvier 1982.

LISTE DES RESTAURANTS

  1. La Signature : 1567 St-Denis
  2. Le Faubourg St-Denis : 1660 St-Denis
  3. Le Mazot : 1670 St-Denis
  4. Le Grand café : 1720 St-Denis
  5. Le Celtique : 1767 St-Denis
  6. Le Commensal : 2115 St-Denis
  7. Le Bistro d'autrefois : 1229 St-Hubert
  8. Les Prés : 1254 St-Denis
  9. Le Poulet doré : 340 Ste-Catherine Est
  10. St-Hubert B.B.Q. : 862 Ste-Catherine Est
  11. Le Calife : 1633 St-Hubert
  12. Giorgio : 862 A Ste-Catherine Est
  13. Le Sélect : coin St-Dehis/Ste-Catherine

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NOTES

1 Cfr. rapport de l'Institut Syndical Européen, "La micro-électronique et l'emploi dans les années '80", Bruxelles, 1980.

* INRP Institut national de recherche pédagogique

2 La vie en rose, décembre 1982.

3 Rapport du Conseil des sciences du Canada. Préparons la société informatisée, 1982, p. 48.

4 Cf. Rapport de recherche sur "Les besoins en ressources informatiques de la PME". Nicole Kobinger.

5 Le Devoir, 28 décembre 1982.

6 Le Devoir, 22 décembre 1982.

7 On trouvera des chiffres très intéressants sur ces deux points dans "Microtechnologie/Méga chômage A la recherche d'alternatives", publié par Action-travail des femmes octobre 1982.

8 "Classification et définition des APO", Dre. Louise Dubuc, 1979, ministère de l'Education, DGME, révision 1983.

9 Un enseignant français.

10 L'ordinateur à l'école: journal de classe. Hypothèse d'école. Bruxelles.

11 Rapport de la Fédération des enseignants ontariens, présenté aux membres du Cabinet, 1981. "Les effets sur l'éducation de la nouvelle technologie dans le domaine de l'informatique et des communications".

12 Rapport de la FEO, "Les effets sur..." op. cit.

13 Un didacticiel est le contenu des disquettes que l'on insère dans le micro-ordinateur pour l'une ou l'autre de ces utilisations en éducation. Il correspondrait si l'on veut au manuel de cours.

Le logiciel est le mode d'emploi du micro-ordinateur. Il sert à créer les pages du didacticiel.

Le progiciel est un logiciel mais au lieu d'être vierge il comporte déjà certaines données de base qui permettent la création de pages à des gens qui ne sont pas superspécialisés.

14 "L'informatique aujourd'hui", supplément aux dossiers et documents du Monde, septembre 1982.

15 La Presse, 8 janvier 1983.

16 Alfred Dubuc, "Quelle nouvelle révolution industrielle?", dans "Le plein emploi à l'aube de la nouvelle révolution industrielle", 12e colloque, Relations industrielles, Université de Montréal, 1981, p. 42.

17 "La micro-électronique au service de la collectivité", Travail Canada, 1982, p. 28.

18 "Le virage technologique", Bâtir le Québec Phase 2, Gouvernement du Québec, p. 53.

19 "La micro-électronique...", op. cit. p. 29.

20 "Le virage technologique", op. cit. p. 54

21 "L'informatisation et l'emploi, menace ou mutation", La Documentation française, coll. Informatisation et société, no. 11, 1981, p. 260.

22 Effectuée par le Groupe de recherche et d'étude sur la technique et la société (GRETS) de l'UQAM.

23 "L'informatique aujourd'hui", supplément aux dossiers et documents du Monde, septembre 1982, p. 135.

24 "Préparons la société informatisée, demain, il sera trop tard", Conseil des sciences du Canada, mars 1982, p. 31.

25 DESBARAT, Peter, Les quotidiens et l'ordinateur. Une industrie en transition, Commission royale sur les quotidiens, Ottawa, 1981, 134 p.

26 MADDEN, John C., Le Canada à l'aube du vidéotex, Ministère des Communications, Ottawa, 1979, p.3.

27 LEFEVRE, Bruno, Audiovisuel et télématique dans la cite, La documentation française, Paris, 1979, pp. 50.

28 DESBARAT, Peter, op. cit., p. 18.

29 JAUVIN, Roger (prés, du groupe de travail), Bâtir l'avenir, Ministère des Communications, Québec, 1982, p. 79.

30 Le canal 14 du réseau Inter-vision (des câblodistributeurs québécois) a déjà présenté de telles images produites par La Presse; ce service est maintenant assuré par Edimédia (Unimédia, Le Soleil) avec une présentation moins élaborée.

31 Ceux-ci doivent cependant utiliser leur ligne téléphonique pour le faire alors qu'un vidéotex utilise le câble pour les communications dans les deux sens.

32 Le premier essai de vidéotex a eu lieu en Angleterre en 1974;on attribue son invention à un ingénieur des Postes, Sam Fedida.

33 Le Devoir, 7 fév. 1981, annonce un programme de 27 millions de dollars qui suit des dépenses de 17,6 millions.

34 Nous utilisons ici certains résultats d'une recherche de Mary-France BELISLE, réalisée dans le cadre du cours COM-16698 à l'Université Laval.

35 The Financial Post, 23 mai 1981.

36 Rappelons que 42% des actions de Noranda sont possédées par Brascade Resources, elle-même possédée à 30% par la Caisse de dépôt et de placement du Québec et à 70% par Brascan (49% à Edper des Bronfman).

37 The Financial Post, 27 sept. 1980.

38 Bell est la cinquième entreprise au Canada pour ses ventes; elle a plus de 90 000 employés-ées.

39 KENT, Tom (prés.), Commission royale sur les quotidiens,Ottawa, 1981, p. 219.

40 Vidéotron est plus connue sous le nom de sa filiale, Cable-vision Nationale; la Caisse de Dépôt a un intérêt minoritaire (30%) dans Vidéotron. La Caisse possède aussi 16.5% de QuébecTéléphone (contrôlé par Général Téléphone and Electronics des U.S.A.) et une part non-significative de Bell. Cable TV fait partie du groupe CFCF (Canal 12 à Montréal).

41 DESBARAT, P. op. cit., p. 79.

42 N'oublions pas cependant que Québécor voulait prendre le contrôle de Cablevision Nationale et qu'elle possède une faible partie de Premier Choix, le réseau national de télévision payante.

43 Le premier syndicat québécois fut celui des typographes de Québec.

44 Rappelons que Télidon a d'abord été un système de conception graphique.

45 Appareils servant à la transmission des photographies.

46 LEPIGEON, J.-L. et WOLTON, D., L'information demain de la presse écrite aux nouveaux média, La documentation française, Paris, 1979, pp. 66 à 71.

47 LEPIGEON ET WOLTON, op. cit., p. 179, Voir aussi Will, N., Essai sur la presse et le capital, Coll. "10-18, U.G.E., Paris, 1978, 314 p.

48 DENIERS, François, "L'électronisation du journal écrit. Plus de continuité que de révolution", in Le "30", Vol. 6, n 8, déc. 82, p. 11.

49 IBID.

50 IBID.

51 DESBARAT, P. op. cit. p. 122.

52 Statistique Canada, cité par l'ACQ, groupe de travail du MCQ dans "Bâtir l'avenir, à l'annexe p. 47.

53 Vidéotron, Le Groupe Videotron, 1982.

54 Michel Nadeau, Le Devoir, 10 janvier 1980, p. 13.

55 Décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Ottawa, le 30 juillet 1980, p. 2.

56 Michel Nadeau dans Le Devoir, 8 décembre '82, p. 13, affirme que les abonnés du groupe Vidéotron représentent 70% du marché québécois.

57 Ces chiffres ne sont pas récents. Re: Rapport sur la protection des dossiers personnels des citoyens.

58 Voir: "Feu vert mais garde-fous pour le fichier antiterroriste". Libération 1er décembre 1982. Et, "Ténébreuses affaires et méga-fichiers". Le Monde, L'Informatique aujourd'hui, sept. 1982.

59 M. Regalado est menacé d'expulsion. Le gouvernement a reçu,de l'étranger, des informations à l'effet que ce monsieur est un danger pour la sécurité de l'État. A ce jour, le gouvernement a refusé de soumettre à un tribunal les preuves sur lesquelles il se base pour exiger l'expulsion. M. Regalado est incapable de se défendre.

60 Lire: "La biotique pour l'an 2000", par Liliane Besner, Québec-Science, décembre 1982, p. 10.

61 Extrait du Rapport de la Commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels, Gouvernement du Québec, 1981.

62 Idem.

63 Gamin à risques, Union régionale parisienne, CFDT.

64 Jean-Pierre Chamoux. "Impacts économiques et juridiques de l'informatisation", Paradoxes, printemps 1982, no. 47.

65 Projet de loi no 65 sanctionné le 23 juin 1982, art. 124.

66 Il n'est pas dit cependant que les programmeurs ou opérateurs devraient être tenus au silence pour ce qui est des manipulations qu'on leur demande. C'est sur les informations même que doit porter cette obligation.

67 Le droit à l'image est reconnu à certaines occasions. Par exemple, un journal ne peut utiliser votre photo à n'importe quelle fin sans votre consentement. Mais disons qu'au Canada, contrairement à la France, on ne reconnaît que rarement ce droit.

68 Face aux nouvelles technologies, Dossier 7, Fondation TravailUniversité, Belgique, p. 107.

69 Réseau "off line": c'est un réseau électronique qui permet de créditer ou débiter un compte, mais par l'intermédiaire d'une bande magnétique. Le réseau "on line" permet le contact direct sans manipulation.

70 Usant de sagesse, les consommateurs utilisent au maximum les délais que leur accorde la loi pour effectuer leur remboursement: donc 80% des comptes sont payés sans intérêt.

71 Les banques et les caisses se montrent incapables d'assurer la sécurité de vos épargnes. Texte d'une conférence de presse tenue le 26 avril 1982, Cartel des Associations de consommateurs du Québec.

72 Certaines prestations comme l'Assurance-chômage, le Bien-être social sont insaisissables. Ce n'est plus le cas si, par mégarde vous déposez dans un même compte cet argent avec des épargnes d'autres origines.

73 En voie d'expérimentation à Lyon et quelques autres villes en France.

74 Systèmes électroniques de transfert de fonds au Canada: Perspectives et recommandations. John W. Lambie Bureau de la politique de concurrence. Consommation et Corporations Canada, Etude spéciale no. 3, 1979.

75 L'affaire Chamard.

76 Me Claude Masse. La protection juridique des consommateurs en matière de paiements électroniques. Faculté de Droit. Université de Montréal, octobre 1981.

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