Les abris fiscaux immobiliers

FRONT D'ACTION POPULAIRE EN RÉAMÉNAGEMENT URBAIN. Avril 1992

ERRATUM: Le tableau # 2 n'indique pas l'impact régressif de la TPS, mais celui de la TVQ. On devrait donc lire un taux de 8%.

Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : L'ABC de la fiscalité
Chapitre 2: L'autre système d'aide sociale
Chapitre 3: Les abris fiscaux immobiliers: ce qui crée des sans-abri!
3.1 L'exonération d'impôt sur les gains en capital sur la vente d'une résidence principale: Un coût d'un 1.5 milliards $ au Québec
3.2 L'exonération du revenu implicite
3.3. L'exemption de 100 000$ sur les gains en capital
3.4 Les gains imposables
Chapitre 4 : Les revenus de location: Pauvres propriétaires!
Conclusion
Lexique
Sources

Index des tableaux

Tableau 1 : Les taux d'imposition selon le revenu Québec
Tableau 2 : L'aspect régressif de la TPS
Tableau 3 : Évolution des revenus nets du gouvernement du Canada
Tableau 4: Évolution des sources de revenus bruts du gouvernement du Québec
Tableau 5: Évolution du taux réel d'imposition, 1984-89 -Canada
Tableau 6 : lncidence de la réduction de la surtaxe: exemple d'un couple à deux enfants et à revenu unique
Tableau 7: Cotisation à un REER , 1989, Canada et Québec
Tableau 8: Estimé officiel des coûts des abris fiscaux immobiliers (en millions de dollars)
Tableau 9: Gains non-imposés grâce à la déduction de 100 000$ à vie
Tableau 10: Incidences sur les recettes liées à l'exclusion des gains réalisés dans l'immobilier de l'exemption de 100 000$ Canada
Tableau 11 : Gains en capital imposables dans l'immobilier 1980-1989-Canada

Tableau 12: Avantages fiscaux des propriétaires de logements locatifs

 

Introduction

Logement et fiscalité: ça nous concerne!

Alors que des millions de personnes au pays vivent dans la pauvreté, 180 Canadien-ne-s ayant eu un revenu de plus de 250 000 $ n'ont pas payé un sou d'impôt, en 19891. Alors que les gouvernements disent manquer d'argent et coupent dans les programmes sociaux, ils perdent des dizaines de milliards de dollars par année en ne taxant pas ou peu certains revenus. Les systèmes fiscaux canadien et québécois, qui sont très semblables, sont à la base de profondes injustices.

Que ce soit en faisant leur rapport d'impôt une fois l'an ou en payant des taxes quotidiennement, bien des gens ont l'impression de payer trop. On a toujours entendu sacrer contre les «maudites» taxes, mais le refrain revient de plus en plus souvent. La révolte des contribuables risque de prendre de plus en plus d'ampleur et d'être canalisée dans une contestation de ce qui reste de politiques sociales.

Pour défendre le logement social, pour contrecarrer le discours des gouvernements qui disent ne pas pouvoir consacrer plus d'argent aux HLM et aux coopératives d'habitation, il est fondamental que nous prenions notre place dans le débat sur la fiscalité.

Il faut provoquer une remise en question des privilèges fiscaux qui entretiennent la misère des mallogé-e-s, favorisent le marché locatif privé, la spéculation et l'accession à la propriété. Ce ne sont pas des débats faciles à mener. Les abris fiscaux profitent à beaucoup de plus de monde que les personnes à très haut revenu qui ne payent pas d'impôt.

C'est pour aider à comprendre certains de ces abris fiscaux, leur mécanisme, à qui ils profitent et leur impact sur les conditions de logement que ce document a été produit.

Chapitre 1 : L'ABC de la fiscalité

Le système fiscal en vigueur au pays est complexe, volontairement complexe. Preuve en est le nombre élevé de personnes qui confient leur rapport d'impôt aux compagnies comme H.R. Block ou à des ami-e-s qui s'y retrouvent. Si cette complexité est voulue par les gouvernements, c'est qu'elle est à la base même de profondes injustices.

Les personnes à faible et moyen revenu fournissent la plus grande partie des revenus des gouvernements par les différentes formes d'impôts et de taxes qu'elles payent. Quant aux riches, ils et elles s'enrichissent grâce au système fiscal en payant peu ou pas d'impôt.

Pour s'y retrouver, il est essentiel de distinguer entre l'impôt sur le revenu, les taxes à la consommation et l'impôt des compagnies.

L'impôt sur le revenu est théoriquement un impôt progressif, c'est-à-dire qu'il impose les salariée-s à un pourcentage de plus en plus élevé, au furet à mesure que le revenu imposable augmente. Une personne avec un revenu imposable de 10 000$ devrait payer moins qu'une personne ayant un revenu imposable de 40 000$, comme le démontre le tableau ci-dessous.

Tableau 1 : Les taux d'imposition selon le revenu Québec 2

REVENU IMPOSABLE

TAUX MARGINAL D'IMPOSITION

0 à7 000$

16%

7 000 à14 000

19%

14 000 à 23 000

21%

23 000 à 50 000

23%

50 000 et plus

24%

Les taxes à la consommation sont plus régressives, elles touchent tout le monde sans égard au revenu. Ce sont des impôts indirects, prélevés par les différents paliers de gouvernements lors de la vente de certains biens ou services. Les plus connues de ces taxes sont évidemment la Taxe sur les produits et services (TPS) du gouvernement fédéral, instaurée en janvier 1991, et la Taxe de vente du Québec (TVQ) qui a pris la relève de l'ancienne taxe de vente provinciale.

L'exemple qui suit démontre bien la nature régressive des taxes à la consommation. Il montre le taux d'effort sur le revenu que représente le montant de TPS payé àl'achat d'un bien de 10 000$

Tableau 2 : L'aspect régressif de la TPS

Revenu annuel

20 000$

40 000$

60 000$

100 000$

Taxes de 7% sur un achat de $10 000

800$

800$

800$

800$

Taux de taxation en fonction du revenu

4%

2%

1.3%

0.8%

Comme nous payons des taxes sur presque tout, il est facile de comprendre que la contribution faite par les gens àfaible et modeste revenu est beaucoup plus importante que celle faite par la population à haut revenu.

Le crédit sur la TPS, qui est d'un maximum de 290$ par année, ne change pas la nature régressive de cette taxe, il ne fait que l'amoindrir. De plus, ces crédits (le gouvernement provincial accorde aussi un crédit pour sa TVQ, celui-ci étant encore moins «généreux») ne tiennent pas compte des autres taxes déguisées.

Outre la TPS et la TVQ, on retrouve plusieurs taxes invisibles sur de nombreux biens et services, comme le tabac, l'alcool et l'essence. Ces taxes spéciales représentent souvent plus de la moitié du prix. Les gouvernements soutirent des milliards par année grâce à ces taxes pour lesquelles aucun crédit, ni ristourne n'existe.

L'impôt des compagnies est probablement le plus simple et le plus compliqué. Simple parce que la logique des gouvernements est de favoriser la charge d'impôts la moins lourde pour les compagnies, afin, selon leur discours «de maintenir et d'accroître leur compétitivité dans un marché de plus en plus international». Compliqué parce que pour y arriver les gouvernements passent par une multitude de mécanismes: subventions, crédits d'impôt à la recherche et au développement, exemptions, etc.

Une fiscalité de plus en plus régressive

L'impôt le plus juste devrait donc être celui sur les revenus, parce qu'il devrait progresser en fonction de l'accroissement du revenu. Tel est l'idéal qu'avaient les organisations syndicales et agricoles qui ont revendiqué et obtenu, en 1919, l'instauration d'un impôt fédéral sur le revenu. Elles voulaient que les riches assurent une plus grande part des revenus fiscaux de l'État, par le biais d'un système d'impôt progressif. A l'époque, les revenus des gouvernements ne provenaient que des différentes taxes à la consommation.

Tableau 3 : Évolution des revenus nets du gouvernement du Canada 3

Mais les riches n'ont guère payé. Certes les sommes que les gouvernements récoltent grâce aux impôts sur les revenus sont en hausse, mais ceux fournis par les compagnies sont en baisse constante. Outre les impôts sur les revenus, c'est particulièrement par le biais des taxes à la consommation que les gouvernements réussissent à accroître leur revenu. Ces taxes ont un double aspect régressif d'une part, elles soutirent plus d'argent aux faibles revenus et d'autre part elles permettent aux compagnies d'économiser.

L'exemple de la TPS est particulièrement spectaculaire. En remplaçant la taxe des manufacturiers, la TPS a permis aux compagnies d'économiser plus de 10 milliards $ en 1991 ! Le revenu net récoltépar le fédéral aura atteint plus de $16 milliards 4.

Les impôts «volontaires»

Outre l'impôt sur le revenu et les différentes taxes à la consommation, il faut souligner la part de plus en plus grande des revenus gouvernementaux provenant des profits de corporations publiques. Il y a quelques années, on appelait impôt volontaire les loteries. Loto-Québec, qui a institutionnalisé cette forme d'impôt volontaire fournit annuellement plus d'un demi-milliard $ au gouvernement provincial. Le gouvernement du Québec est passé maître dans cet art qui constitue une autre forme de taxe régressive. Le gouvernement a même mandaté Hydro-Québec de joindre les rangs de Loto-Québec et de la Sociétédes Alcools comme bailleurs de fonds. Pour accroître ses revenus, le gouvernement envisage maintenant de contrôler les machines de Poker, ce qui irait encore chercher beaucoup d'argent dans les poches des personnes à revenus modestes.

Tableau 4: Évolution des sources de revenus bruts du gouvernement du Québec 5

1980-81

1981-82

1982-83

1983-84

1984-85

1985-86

1986-87

Impôt des particuliers

36.12%

34.65%

32.85%

31.59%

31.94%

33.08%

32.86%

Impôt des sociétés

6.21%

5.78%

4.68%

4.02%

4.47%

4.49%

4.75%

Taxes à la consommation

17.89%

17.99%

19.51%

19.50%

19.70%

21.80%

22.77%

Transferts du gouvernement canadien

26.98%

26.17%

27.55%

29.59%

28.52%

26.24%

23.19%

Sociétés d'État

2.30%

2.19%

2.31%

2.76%

3.35%

3.04%

431%

Chapitre 2: L'autre système d'aide sociale

Les bien nanti-e-s ont donc trouvé les moyens pour échapper au fisc. Toute une série de revenus ne sont pas imposables, d'autres ne le sont qu'en partie. Une série de déductions permettent de réduire souvent à zéro le revenu imposable de gens gagnant beaucoup d'argent.

En 1985,6 000 Canadien-ne-s ayant des revenus supérieurs à 50 000$ n'avaient payé aucun sou en impôt sur le revenu.

En 1989, alors que le gouvernement conservateur se targue d'avoir diminué les échappatoires fiscaux, les données fiscales dévoilaient que 180 Canadien-ne-s gagnant plus de 250 000$ avaient complètement échappé au fisc. De plus ces mêmes données démontraient que le système fiscal est loin d'être plus juste. Le taux réel d'imposition des gens à faible et modeste revenus a augmenté de façon plus importante celui des hauts revenus.

tableau 5: Évolution du taux réel d'imposition, 1984-89 -Canada 6

Revenu

Taux réel d'imposition:

1984

1989

10 000$

3.2%

4.0%

20 000$

8.9%

9.2%

50 000$

15.5%

16.15%

100 000$

18.66%

19.01%

L'augmentation d'un pour cent qu'ont dû subir les personnes aux revenus modestes représente un effort beaucoup plus considérable que celle d'un demi pour cent qui a affectéles hauts revenus. Par contre, lorsque le gouvernement réduit ses impôts, ce sont les personnes àhauts revenus qui en profitent le plus. Ainsi la diminution du taux de la surtaxe fédérale des particuliers de 5% à 3% aura un impact de plus en plus intéressant en fonction du revenu.

Tableau 6 : lncidence de la réduction de la surtaxe:

exemple d'un couple à deux enfants et à revenu unique 7

Revenu

Économie d'impôt

15 000$

8$

20 000$

24$

30 000$

50$

50 000$

162$

75 000$

297$

100 000$

442$

Le coût des abris fiscaux

L'ampleur des revenus que les gouvernements perdent chaque année en raison des différents avantages fiscaux est très difficile à évaluer. Les estimés varient considérablement en fonction du nombre de privilèges fiscaux pris en compte et de l'estimé du coût de chacun de ceux-ci. Les gouvernements, qui possèdent les informations pour faire une évaluation exacte, ne font que rarement connaître leurs données, généralement à l'occasion d'un projet de réforme fiscale.

Le professeur Denis Fortin de l'UniversitéLaval estimait, dans son excellent ouvrage Riches contre pauvres 8, que l'État canadien avait perdu en 1986 une somme approximative de 60 milliards $ aux mains de quelques centaines de milliers de Canadien-ne-s. Cette perte de revenu était due aux différents abris fiscaux existant à l'époque.

En comparaison, le système officiel d'aide sociale, dont près de 3 millions de Canadien-ne-s dépendaient à l'époque pour survivre, coûtait à l'ensemble des gouvernements provinciaux et fédéral le montant de 8 milliards $. Les trois millions de personnes qui se partageaient cette somme se voyaient accusées de fraude et inquisitionnées par les boubou macoutes. Par contre, les quelques centaines de milliers de personnes qui accroissaient leur richesse grâce à la générosité du fisc n'étaient nullement inquiétées.

Pas de la fraude!

Les moyens que prennent les personnes à haut revenu pour ne pas payer leur impôt sont généralement légaux, leurs déclarations font l'objet de vérifications assez minutieuses. Les gouvernements atteignent tous un niveau élevé de corruption avec le milieu des affaires. Mais s'ils permettent aux gens àhaut revenu de ne pas payer un sou, c'est au grand jour, par les moyens de politiques connues de tous et toutes, mais dont peu de personnes peuvent profiter.

L'évasion fiscale est légale et encouragée. C'était légal qu'en 1985, 6 000 personnes gagnant plus de 50 000 $ ne payent pas d'impôt 9. C'était légal qu'en 1989,180 personnes gagnant plus de 250 000 $ ne payent pas d'impôt. Les fonctionnaires ont même doublement vérifié les déclarations de 287 contribuables dont les revenus de 1984 atteignaient plus d'un million $ et qui n'avaient pas payé d'impôt 10. Il n'y avait pas de fraude, c'était légal.

Et quand il y a de la fraude?

Il demeure que même si tous les moyens sont mis en place pour réduire la charge fiscale des personnes à haut revenu, la fraude est quand même pratiquée par certain-e-s, comme par exemple, Raymond Malenfant. Ce qui est scandaleux, c'est que lorsque celle-ci est découverte, les gouvernements font preuve de beaucoup plus de compréhension pour étaler les sommes dues par les Malenfant et cie, que par les gens ordinaires. Ainsi pour aider le célèbre hôtelier à se remettre de ses difficultés, le fédéral lui proposa d'étaler sur une longue période les montants de TPS récoltés, mais non versés à Ottawa. Vous est-il déjà arrivé de vous faire proposer de payer plus tard la TPS sur vos achats de vêtements ou de pâte dentifrice?

Quels sont ces moyens?

Il existe des dizaines de déductions et d'abris fiscaux. Certains sont relativement connus, comme le Régime enregistré d'épargne retraite (REER) ou le Régime d'épargne-action (REA). D'autres le sont moins, comme les abris fiscaux pour la recherche ou l'immobilier et ils sont généralement plus rentables. La nature de ces abris fiscaux peut sembler intéressante. Mais leurs impacts le sont généralement moins.

Avant de démontrer plus concrètement l'impact des abris fiscaux immobiliers, il est intéressant de regarder l'exemple du REER, pourvoir comment fonctionne un abri fiscal et à qui il profite.

«Les abris fiscaux profitent à tout le monde...» C'est REER du monde!

Les gouvernements prétendent que les abris fiscaux profitent à tout le monde, stimulent l'économie et l'initiative personnelle. Certains de ces abris connaissent d'ailleurs une popularité remarquable, notamment le REER.

Fonctionnement: Chaque 1000$ investi dans un REER permet de réduire d'autant son revenu imposable, ce qui permet à la fois un placement et une économie d'impôt. Avec les taux d'intérêt en vigueur actuellement, un 1000$ investi donne 70$ en intérêt en un an et rapporte une économie d'impôt de 200$ à 300$. La formule est tellement avantageuse pour les gens qui en ont les moyens qu'il est préférable d'emprunter pour investir dans un REER.

La recette est d'ailleurs fort connue. Il s'agit de l'abri fiscal le plus utilisé, comme en témoigne le tableau suivant.

Tableau 7: Cotisation àun REER , 1989, Canada et Québec 11

Canada

Québec

Nombre de contribuables:

13 402 180

3 296 190

Nombre de cotisant-e-s à un REER:

4 161 450

1 011 630

Montant contribué:

11 937 592 000$

2 543 007 000$

Contribution moyenne:

2 868$

2 513$

-Contribution moyenne selon le revenu:

10 000$:

-Nombre de cotisant-e-s:

20 850

-Contribution moyenne

7 182$

50 000$ et plus:

-Nombre de cotisant-e-s:

851 890

-Contribution moyenne

4 904$

Le tableau 7 a l'avantage de démontrer la très grande popularité des REER et à qui ils profitent. Ces faits sont importants, particulièrement pour démontrer à qui cette importante mesure profite et à qui profitera la mesure annoncée lors du budget Mazankowski en février 1992.

Annoncée en grande pompe comme mesure pour relancer l'économie, la permission accordée d'emprunter dans son REER pour accéder à la propriété profitera surtout aux gens qui ont des revenus moyens et élevés. Pendant ce temps, les gens à faible revenu devront vivre avec les coupures dans le logement social.

Un dernier commentaire sur le REER. Cet abri est très populaire, sa popularité croît sans cesse. Durant sa campagne de l'hiver 1992, au coeur de la récession, le Fonds de solidarité a vu le nombre de ses membres augmenté de 100 000 à 130 000, dont 60% sont des syndiqué-e-s. Si les REER permettent de sécuriser certaines personnes quant à leur avenir, il est également une mesure qui coûte plusieurs milliards $ par année aux gouvernements. Alors que ceux-ci disent manquer d'argent pour les pensions, n'y aurait-il pas lieu d'assurer à tous et à toutes une retraite équitable en révisant la fiscalité liée à la retraite?

Chapitre 3: Les abris fiscaux immobiliers: ce qui crée des sans-abri!

L'évaluation du coût des abris fiscaux immobiliers

Dans le vaste océan de 60 milliards $ d'abris fiscaux, ceux reliés à immobilier ne représentent «que» quelques milliards $. Le rapport Nielsen évaluait que le gouvernement fédéral perdait 4.1 milliards $ avec les abris fiscaux immobiliers par année en 1984 12. Curieusement, le même gouvernement fédéral, et conservateur, évaluait en 1979 ce montant à 6.5 milliards $ 13. Alors qu'aucun abri fiscal immobilier majeur n'avait été aboli, que l'inflation avait galopéde 1979 à 1984, le coût de ces abris aurait diminué de 2.5 milliards $? Voyons donc!

En prenant l'évaluation de 1984 et en attribuant au Québec une part proportionnelle à sa population, on peut estimer à un minimum de 1 milliard $ le coût des dépenses fiscales du gouvernement canadien au Québec.

Au niveau du gouvernement du Québec, le livre vert Se loger au Québec estimait le coût des abris fiscaux à 825 millions $ en 1981 14. Aucun estimé n'a été réalisé depuis.

Dans ce document, le gouvernement péquiste reconnaissait ainsi que plus de 80% de ses dépenses en habitation se faisaient par le biais des abris fiscaux. Les subventions directes à l'habitation ne représentaient à l'époque que 182 millions $, versus les 825 millions $ d'évasion fiscale.

Au début des années '80, les gouvernements reconnaissaient donc que le coût de leurs dépenses fiscales en habitation atteignait au Québec deux milliards $ par an.

Ces estimés datent et doivent être largement augmentés et indexés pour donner un portrait plus juste et plus actuel du coût des abris fiscaux.

C'est probablement à 5 ou 6 milliards $ que s'élève maintenant le coût des dépenses fiscales dans le domaine de l'immobilier des gouvernement fédéral et provincial au Québec.

Ces milliards de dépenses annuelles devraient, selon le discours des gouvernements, servir à améliorer les conditions de logement. Si une partie de la population y parvient et s'enrichit grâce à ces privilèges, une autre partie de la population voit ses conditions de logement empirées. Dans les pages suivantes, nous en examinerons le fonctionnement, le coût et les impacts.

Tableau 8: Estimé officiel des coûts des abris fiscaux immobiliers (en millions de dollars)*

Exonération du gain en capital sur la vente d'une résidence principale

Gouvernement du Québec: (1981)

385$*

Gouvernement du Canada: (1980)

1350$*

Exonération du revenu implicite

360$

1120$

Régime enregistré d'épargne logement...

30$

125$

Immeuble résidentiel à logements

28$

65$

Allocation du coût en capital

14$

95$

Non taxation des subventions à l'habitation

9

140$

Frais de possession foncière

?

50$

Autres

8$

1000$

TOTAL:

825$

4100$

Sources: Québec-Livre vert Se loger au Québec, 1984 Canada-Rapport Nielsen, 1985

3.1 L'exonération d'impôt sur les gains en capital sur la vente d'une résidence principale: Un coût d'un 1.5 milliards $ au Québec

Cet abri fiscal est le plus simple et le plus connu. Les gains faits par une personne lorsqu'elle vend la résidence qu'elle habite ne sont soumis à aucun impôt.

Exemple: Une personne achète une maison en 1984 au coût de 100 000$. Cette personne habite cette maison, elle constitue sa résidence principale. En 1990, elle vend cette maison 130 000 $ et réalise ainsi un gain en capital de 30 000$. Ce profit est ce qu'on appelle un gain en capital sur une résidence principale, il est non-imposable.

Cet avantage fiscal est de toute évidence fort populaire et incite beaucoup de gens à devenir propriétaires. Il permet de constituer un capital, net d'impôt, sur lequel il est presque toujours possible de compter. Cela est particulièrement intéressant lorsque l'hypothèque est payée. Si l'on présente souvent les propriétaires comme étant aussi des locataires, mais de la banque, cette situation est temporaire. Rappelons qu'au Québec, en 1991, 706 000 ménages propriétaires de leur maison avaient totalement terminé de payer leur hypothèque 15.

Les utilisations de cette exemption d'impôt sont multiples. Il y a toute une différence par exemple entre des personnes qui au moment de leur retraite vendent la maison qu'elles ont occupée toute leur vie et réalise alors un gain de 50 000$ qui leur permet une certaine sécurité financière et des personnes qui vendent régulièrement leur maison pour spéculer et s'enrichir.

La recette est connue. On commence par acheter une maison modeste, on la vend et avec le profit réalisé, on en achète une autre plus luxueuse, qu'on revend après quelques années pour recommencer.

Ce gain en capital est non-imposable, les plus favorisé-e-s peuvent ainsi le réaliser plusieurs fois dans leur vie. La seule limite est d'un gain en capital sur une résidence principale par année.

Pour qui la manne?

Avez-vous déjà réalisé un gain de 635 000$ sans payer un sou d'impôt? C'est ce qu'a réalisé l'ex-chef du Parti libéral du Canada, John Turner, en vendant, en 1984, au prix de 900 000$ la maison qu'il avait achetée 265 000$ en 1979 16.

Entre un gain de 50 000$ réalisé une fois dans sa vie et un gain de 635 000$ qui a sûrement été précédé et suivi par d'autres semblables, il y a une marge énorme mais pas pour le fisc.

Le cas de Turner est énorme, mais il n'est pas unique. Au Québec, des dizaines de milliers de maisons et de condos affichent des prix de vente de 200 000$ ou 300 000$.

Et, malgré la récession, le marché immobilier continue à rouler. On n'assiste pas à la flamblée des prix qu'on a vue au milieu des années '80, l'augmentation des prix de vente étant plus modérée. Mais le marché demeure actif.

Les chiffres officiels de la Chambre d'immeuble du Grand Montréal révèlent que les ventes de propriétés de janvier 1992 étaient supérieures de 18.85% en termes d'unités et de 19.8% au niveau de la valeur de vente 17.

Le coût de cet abri fiscal était estimé en 1981 à 385 millions $ par le gouvernement du Québec. Comme le fédéral perd environ le même montant au Québec (la nuance consiste dans les variantes des tables d'impôts), le coût de ce seul abri fiscal était alors d'environ 770 millions $.

Le Québec de 1992 compte 200 000 propriétaires de plus qu'en 1981 (1 487 000 versus 1 157 000), soit 30% de plus, et la valeur moyenne des propriétés a crû elle de plus de 112% (110 301 $ versus 51 900$) 18.

Avec la hausse du nombre de propriétaires et celle du prix de vente des maisons, on peut estimer que le coût de l'exemption des gains en capital sur les résidences principales en 1992 au Québec, pour les deux gouvernements, atteint 1.5 milliards $

3.2 L'exonération du revenu implicite

L'exonération du revenu implicite est le privilège fiscal immobilier le plus difficile à comprendre, bien qu'il soit l'un des plus utilisés et le deuxième en terme de coût pour les gouvernements.

Le concept sur lequel se base cette exonération est de considérer l'acquisition d'une résidence comme un investissement. Lorsque cette résidence est occupée, elle bénéficie d'un avantage fiscal. Si cette résidence était louée, le revenu tiré de sa location serait supérieur aux frais encourus par son occupation par le propriétaire (hypothèque, taxes, chauffage, assurances). Cette différence équivaut, selon les gouvernements, à un revenu net implicite.

Les gouvernements calculent qu'ils perdent beaucoup d'argent en n'imposant pas ce revenu indirect. A l'échelle du Canada, l'évaluation de cette dépense fiscale variait de $1.1 milliards $ à 3.7 milliards $. Le gouvernement du Québec lui situait sa perte à 360 millions $.

Certains documents gouvernementaux ont évalué que la non-imposition du revenu net implicite que font les propriétaires est profondément injuste pour les locataires. Quand celles-ci et ceux-ci réussissent à économiser de l'argent, celui-ci est soumis à l'impôt, ce qui n'est pas le cas du revenu implicite des propriétaires.

Pas de changements en vue

Alors que le livre vert Se loger au Québec du gouvernement péquiste et le rapport Nielsen du gouvernement conservateur identifiaient, respectivement en 1984 et 1985, cette injustice, il n'y a pas de changement en vue. La logique des gouvernements est de dire que le moyen de combattre cette injustice envers les locataires est de favoriser leur accession à la propriété. ~

3.3. L'exemption de 100 000$ sur les gains en capital

En 1985, le gouvernement conservateur annonçait que l'exemption d'impôt sur les gains en capital permise à vie passerait de 10 000$ à 100 000$ en 1986 et croîtrait de 100 000$ par an pour atteindre 500 000$ en 1990. Cette exemption exclut les gains en capital réalisés sur la résidence principale, sur lesquels aucune limite n'existe.

Immédiatement cette mesure" entraîna une flambée de spéculation dans l'immobilier. Le «flipping» devint très en vogue. On achetait un immeuble pour le remettre en vente dans les jours, les semaines ou les mois qui suivent et réaliser un gain exempt d'impôt. Avides de profits rapides, de nombreuses personnes entrèrent dans cette chaîne de spéculation. Les premières générations y trouvèrent leur compte, les dernières un peu moins. Le prix des immeubles lui gonfla de manière artificielle. Les locataires se retrouvèrent les grand-e-s perdant-e-s de cette mesure. Les propriétaires qui ne pouvaient pas «flipper»aussi vite qu'ils et elles le voulaient se tournaient vers leurs locataires et tentaient de rentabiliser leur investissement.

En 1987, le gouvernement annonçait qu'il se revisait et que l'exemption serait gelée à100 000$. Mais la «passe»restait intéressante. Cette exemption qui s'appliquait aux gains réalisés non seulement dans l'immobilier mais aussi sur les actions demeura fort populaire auprès des nombreuses personnes, comme en témoigne le tableau ci-dessous.

Tableau 9: Gains non-imposés grâce àla déduction de 100 000$ àvie 19

Canada

Québec

1986

3 085 000 000

783 000 000

1987

5 096 000 000

1416 000 000

1988

6 042 000 000

1 404 000 000

1989

7 270 000 000

1 430 000 000

TOTAL

21 493 000 000$

5 033 000 000$

Les montants ci-dessus indiquent les sommes non soumises à l'impôt. Le coût de cet abri fiscal n'a jamais été rendu public par le gouvernement. Le service de recherche de la CSN estime ce coût à 500 000 000$ par année.

Le budget Mazankowski de février 1992

Le 25 février 1992, le budget Mazankowski modifia de façon importante l'intervention du gouvernement canadien dans le domaine de l'habitation. Il abolit le programme fédéral de coopératives d'habitation et coupa de moitié les subventions destinées à la réalisation de nouveaux logements sociaux. D'un autre côté, il permit aux ménages ayant un REER d'emprunter jusqu'à un maximum de 20 000$ pour l'achat d'une résidence principale.

Mazankowski modifia aussi l'exemption àvie de 100 000$ en excluant de celle-ci, les gains réalisés dans l'immobilier. Ce faisant, le gouvernement réactivait une source importante de revenus tout en reconnaissant les critiques faites par le FRAPRU et de nombreux autres organisations progressistes qui affirmaient que cette mesure était contre-productive et n'était qu'un encouragement à la spéculation.

Mais par grandeur d'âme pour ses ami-e-s, le gouvernement décida que cette exclusion ne rentrerait que graduellement en vigueur.

«Afin d'assurer une transition harmonieuse concernant les biens immobiliers existants, les gains en capital accumulés jusqu'à la date de présentation du budget continueront d'être admissibles à l'exemption. Lorsqu'une personne réalise des gains sur ce bien, le montant admissible sera calculé selon une formule fort simple qui établit au prorata le gain total réalisé en fonction de la période de détention antérieure et postérieure à la date de présentation du budget» 20.

Exemple

Jean a acheté un duplex (qu'il n'habite pas) en mars 1988 qu'il a payé 100 000$. Il vend celui-ci en février 1994 au prix de 160 000$. Son gain en capital est de 60 000$. Il a été propriétaire de ce duplex 48 mois avant mars 1992 et 24 mois après. Le 2/3 du temps qu'il a détenu cet immeuble a donc été avant le budget de février 1992. Le 2/3 de son gain sera exempt d'impôt, soit 40 000$. Le 20 000$ qui reste sera soumis à l'impôt.

L'abolition graduelle de cette exemption continuera àcoûter fort cher au gouvernement durant de nombreuses années. L'exemple du MURB (Multiple Urban Résidentiel Building) ou IRLM (Immeuble résidentiel à logements multiples) ou immeuble classes 31 et 32 est assez convaincant à cet effet.

Créé en 1974 par le Ministre des finances, John Turner, cet abri fiscal encourageait la construction de conciergeries ou walk-up. En 1981, le gouvernement abolissait le MURB, tout en maintenant les privilèges liés à cette exemption jusqu'en 1993. Selon son évaluation, le coût de cet abri était alors de 65 millions $, d'autres estimés évaluaient ce coût à 200 millions $ par année 21. Chose certaine en n'abolissant pas immédiatement cet abri le gouvernement aura perdu des centaines de millions $. La même chose se produira avec l'exclusion graduelle des gains réalisés dans l'immobilier annoncée par Mazankowski.

Le tableau ci-dessous le démontre bien.

Tableau 10: Incidences sur les recettes liées àl'exclusion des gains réalisés dans l'immobilier de l'exemption de 100 000$ Canada 22

1992-93

10 000 000

1993-94

80 000 000

1994-95

210 000 000

1995-96

315 000 000

1996-97

365 000 000

total:

980 000 000$

Le total sur cinq ans des revenus anticipés est donc de près de 1 milliard $.

Si l'on regarde l'année 1996-97 où les revenus anticipés sont de 365 millions $ malgré le fait que l'exemption continuera à être partiellement en vigueur, on peut estimer à un minimum de 400 millions $ par an le coût de cet abri fiscal uniquement dans l'immobilier.

3.4 Les gains imposables

Une bonne partie des gains en capital réalisés dans l'immobilier échappe donc à l'impôt. Et il faut souligner que seulement 75% du reste est soumis à l'impôt. Sur un gain imposable de 10 000$, seulement 7 500$ seront rajoutés au revenu imposable d'un-e contribuable. Si l'on se souvient que le taux réel d'imposition des personnes ayant un revenu annuel de 100 000$ n'atteint même pas 20%, cela veut dire qu'une telle personne qui ferait un gain de 10 000$ ne paierait probablement pas 1 500$ d'impôt. Cela représente un taux d'imposition de moins de 15%. C'est avec ce faible taux d'imposition en tête qu'il faut examiner le tableau suivant qui indique les gains imposables de 1980 à 1989. Malgré les privilèges fiscaux, la somme de 38 milliards $ aura été soumise à l'impôt durant ces dix années. Même en calculant un taux d'imposition de 20%, plus de 30 milliards $ sur les 38 milliards $ soumis à l'impôt seront restés dans les poches des contribuables.

Tableau 11 : Gains en capital imposables dans l'immobilier 1980-1989-Canada 23

Chapitre 4 : Les revenus de location: Pauvres propriétaires!

En 1989, 282 000 contribuables québécois-e-s déclaraient des revenus nets de location totalisant seulement 257 millions $. Ces revenus nets de location incluaient tant les revenus tirés de la location de logements que de bureaux, commerces, etc. Quant aux corporations, il est probable que même si elles détiennent une bonne part du stock de logements locatifs, leur contribution n'aura pas été plus importante, considérant le fait qu'elles ne payent que très peu d'impôt (référence: tableau 1).

Les revenus nets de locations correspondent aux montants déclarés après déduction des dépenses des revenus bruts. Les propriétaires peuvent ainsi déduire de leurs revenus de location toute une série de dépenses liées à leurs logements: taxes, travaux, assurances, etc. Cela réduit énormément les revenus de locations soumis à l'impôt.

Tableau 12: Avantages fiscaux des propriétaires de logements locatifs 24.

Pauvres propriétaires!

ITEM

Dépenses déductibles des revenus de location (impôt fédéral et provincial

Dépenses justifiant les hausses de loyer à la Régie du logement

Allocation du coût en capital:

OUI

NON

Intérêts sur les hypothèques:

OUI

NON

Travaux majeurs:

OUI

OUI

Taxes municipales, scolaires ou de communauté urbaine:

OUI

OUI

Assurances:

OUI

OUI

Frais d'entretien:

OUI

OUI

Coûts de chauffage, d'électricité, d'eau:

OUI

OUI

Frais de gestion (comptabilité, avocats, publicité, voiture):

OUI

OUI

Frais de courtier:

OUI

OUI

Pour en donner une idée, alors que les 257 millions $ de revenus nets soumis à l'impôt en 1989 incluaient tant les logements que les bureaux et commerces, on peut estimer que les revenus bruts tirés de la location de logements en 1989 auront atteint 6 milliards $ au Québec.

( Selon Statistiques Canada, il y avait 1 130 000 logements locatifs au Québec en 1989, dont un million sont des logements locatifs privés. Le loyer moyen de ceux-ci dépassait les 500$. En multipliant ce loyer par 12 mois, cela fait 600$ et en multipliant ce montant par 1 000 000 de logements, cela donne 6 milliards $.)

La logique : propriétaire, un travail!

Mais pourquoi donc les propriétaires ont-ils le droit de déduire de leurs revenus de location des dépenses telles les assurances, les taxes, les frais d'entretien, etc.? Parce que les gouvernements considèrent les revenus locatifs comme étant tirés d'un travail et qu'à ce titre les dépenses effectuées pour obtenir ces revenus sont déductibles.

Comme une soudeuse peut déduire son coffre à outils, comme un artiste peut déduire une partie de son linge, un-e propriétaire peut déduire les frais liés à son immeuble, mais est-ce normal? Tout le monde connaît les abus que cela amène: fausses factures, dépenses non-reliées aux logements, etc. Mais surtout, il y a lieu de questionner le fait que d'être propriétaire de logements soit considéré comme un travail. En accordant ces privilèges fiscaux, les gouvernements ne font qu'encourager une industrie basée sur les profits des propriétaires et la misère des locataires.

Un double avantage

Presque toutes les dépenses que les propriétaires peuvent déduire de leurs revenus bruts de location sont en même temps admissibles pour hausser les loyers à la Régie du logement. Il s'agit là d'un énorme double avantage. Par exemple, un propriétaire qui remplace les fenêtres d'un immeuble pourra refiler une bonne partie du coût aux locataires sous formes de hausses de loyer et récupérer une bonne partie de ce coût en payant moins d'impôt. Sans compter que la valeur de son immeuble sera augmentée et que lors de la vente, il paiera très peu d'impôt sur son gain en capital.

Conclusion

Coupez les abris fiscaux, pas les logements sociaux!

Au Québec àchaque année, le coût des abris fiscaux immobiliers s'élève pour les gouvernements fédéral et provincial àquatre ou cinq milliards $, peut-être plus. Ces abris fiscaux profitent aux personnes qui ont déjà de l'argent et qui investissent dans l'immobilier pour s'enrichir davantage.

Les mal-logé-e-s se retrouvent les grand-e-s perdant-e-s du système fiscal. Ils et elles payent toujours plus d'impôts et de taxes sous toutes ses formes, ne bénéficient pas ou peu des abris fiscaux et voient les gouvernements couper dans les politiques sociales en habitation sous prétexte de difficultés financières.

Le système fiscal est complètement contre-productif. Il ne favorise pas la production de biens et de services, mais plutôt la spéculation. Il ne favorise pas la répartition de la richesse mais sa concentration.

Chaque année, les gouvernements modifient le système fiscal, éliminent certains abris fiscaux pour en créer d'autres. Il est plus que temps que ceux-ci révisent en profondeur la fiscalité. Pour le FRAPRU, pour les groupes logement et les mal-logé-e-s, le défi est de taille. Nous n'avons pas beaucoup d'allié-e-s, car la remise en question des privilèges fiscaux ne touchent pas que les Campeau, Turenne ou Reichmann. Mais nous n'avons pas le choix.

Pour en arriver un jour à ce que les gouvernements développent massivement le secteur social en habitation, il faudra que leurs priorités de dépenses changent. L'armée, les méga-projets comme Grande-Baleine et les subventions aux entreprises font partie de ces choix qui doivent changer. Les dépenses fiscales aussi. Sans rêver à une abolition complète de tous les abris fiscaux, nous devons exiger une plus grande justice fiscale.

En Ontario, le gouvernement NPD a, en prenant le pouvoir, créé une commission pour l'équité fiscale. Cette commission a pour mandat de proposer des changements pour rendre plus juste le système fiscal. Sept groupes de travail aux mandats ambitieux y travaillent actuellement: un sur l'imposition de la spéculation foncière, un sur la TPS et la taxe de vente provinciale, un sur l'environnement et les impôts, un sur l'allégement fiscal des personnes àfaible revenu, un sur l'impôt et les femmes, un sur l'imposition de la richesse et un dernier sur les impôts financiers.

Les thèmes de ces comités sont des plus pertinents. Cette commission livrera-t-elle la marchandise? Qu'en fera le gouvernement de Bob Rae? Les expériences des régimes sociaux-démocrates nous demandent d'être sceptiques. Mais c'est une expérience àsuivre.

Pour un Québec indépendant et progressiste

Les débats sur l'avenir du Québec doivent être pour nous une occasion de soulever la question de la fiscalité. Nous avons pris position sur l'avenir du Québec, en disant que nous étions favorables à une indépendance qui change l'ordre des choses.

Pour mener cette bataille, il faudra continuer à se battre pour que le gouvernement développe des politiques sociales et fiscales plus justes. Particulièrement, sur la source du financement des logements sociaux que nous voulons, les abris fiscaux immobiliers doivent être un terrain sur lequel nous devons accroître notre intervention.

LEXIQUE 25

Abri fiscal

Toute mesure permettant au contribuable de diminuer son impôt pour une année donnée ou de le différer sur une ou plusieurs années. Exemple : les déductions permises des sommes placées dans un R.E.E.R.; l'exemption à vie des gains en capital jusqu'à un maximum de 100 000 $ est un abri fiscal qui coûte 500 millions $ par année au gouvernement fédéral. (Voir dépense fiscale)

Capacité de payer

En matière fiscale, cette notion se réfère au niveau d'imposition d'un individu fixé en fonction de son revenu ou de son patrimoine. Ainsi, plus un contribuable est riche, plus grande est sa capacité de payer des impôts et donc, plus son taux d'imposition devrait être élevé.

Contribuable

Toute personne, qu'elle soit tenue ou non de payer des impôts. (Art. 248, Loi de l'impôt sur le revenu du Canada).

Crédit d'impôt

Un montant alloué par le gouvernement comme réduction d'impôt, soit en fonction de critères démographiques (exemple: crédit d'impôt pour enfants), soit pour encourager certains comportements (exemple: crédit d'impôt pour contributions à des partis politiques). Si le crédit est remboursable, comme le crédit d'impôt pour enfants, les contribuables dont les revenus sont insuffisants pour verser de l'impôt reçoivent du gouvernement le montant du crédit. S'il est non-remboursable, comme le crédit d'impôt pour personne mariée, seules les personnes qui ont de l'impôt à payer peuvent en bénéficier (en totalité ou en partie).

Déduction

Élément que la législation fiscale permet de prendre en considération pour réduire le revenu imposable du contribuable. Par exemple : la déduction de pension alimentaire, les cotisations syndicales, la déduction pour les frais de garde.

Dépense fiscale

La notion de dépense fiscale vise à mesurer le coût pour l'État d'une mesure qui permet aux contribuables de réduire leur revenu imposable (exemple: déductions)

ou leurs impôts (divers crédits). La réduction des recettes du gouvernement qui découle de ces mesures qu'on nomme abris fiscaux constitue une dépense tout comme une dépense directe (une subvention par exemple).

Exemption

Montants accordés par la loi fiscale afin de réduire le revenu imposable. Ces montants sont accordés généralement afin d'exempter de l'impôt la partie du revenu jugée nécessaire pour couvrir les besoins essentiels (exemple : exemption personnelle de base, exemption de personne mariée).

Exonération

Ensemble des mesures permettant aux contribuables de diminuer les impôts à payer.

Fiscalité

Ensemble des lois relatives à l'impôt et, par extension, ensemble des mesures, programmes et autres activités se référant à ces lois. Plus largement, la fiscalité se réfère à la capacité de l'État d'obtenir des revenus en prélevant des impôts et des taxes et, en corollaire, au pouvoir de dépenser que lui confère la perception de ces revenus.

Gain en capital

Profit réalisé lors de la vente d'un bien à usage personnel (exception faite de la résidence principale), d'un bien personnel désigné ou de tout autre bien utilisé normalement pour gagner un revenu. Les gains réalisés lors de la vente d'actions, de terrains ou d'immeubles par exemple sont des gains en capital (voir abris fiscaux).

Impôt progressif

Impôt représentant un pourcentage de plus en plus élevé du revenu au fur et à mesure que ce revenu augmente. L'impôt sur le revenu des particuliers est un impôt progressif (si on fait abstraction des abris fiscaux qui peuvent diminuer ou réduire à néant l'impôt à payer pour les personnes à revenus élevés). La table d'imposition du Québec s'établit comme suit:

TAUX MARGINAL D'IMPOSITION

REVENU IMPOSABLE

0$ -

7 000$

16%

7 000 -

14 000

19%

14 000 -

23 000

21%

23 000 -

50 000

23%

50 000

et plus

24%

Le taux marginal d'impôt applicable sur chaque tranche successive de revenu est plus élevé que sur la tranche précédente.

(Voir taux marginal et taux moyen d'impôt). Rappelons que le gouvernement du Québec a diminué le taux marginal maximum de 33% à 24% en 1985 et 1988.

Impôt régressif

Impôt représentant un pourcentage de plus en plus faible du revenu au fur et à mesure que ce revenu s'accroît. Les taxes à la consommation, comme la TPS, sont des impôts régressifs.

REVENU ANNUEL

20,000$

40,000$

100,000$

Taxe de 7% sur un achat de 10,000$

800 $

800 $

800 $

Taux de taxation en proportion du revenu

4%

2%

0,8%

Revenu disponible

Comprend toutes les sommes dont dispose un contribuable, une fois l'impôt payé. Ce revenu comprend aussi les cotisations versées, par le contribuable, afin de s'assurer des revenus en cas de chômage, de maladie ainsi qu'à la retraite.

Revenu imposable

C'est le revenu net moins les exemptions et déductions diverses (contributions à un régime d'épargne-actions, les pertes en capital, les dons de charité, etc).

Table d'impôt

Grille indiquant le montant d'impôt à payer selon la tranche de revenu imposable (Voir Impôt progressif).

Taux d'imposition

Pourcentage du revenu imposable qui est payé en impôt, c'est donc le taux effectif d'imposition (Voir aussi: taux marginal d'imposition).

Taux marginal d'imposition

Pourcentage qui doit être payé en impôt pour chaque dollar supplémentaire de revenu (Voir Impôt progressif).

Taxe à la consommation

Impôt prélevé lors de l'achat d'un bien ou d'un service. Par exemple la taxe de vente du Québec et la TPS fédérale.

Sources

1 The Gazette, 11-1-92, p. A-13

2 Notes sur l'économie et le travail, Service de recherche de la CSN, déc. 91, p. 6

3 Statistiques fiscales 1991. Revenu Canada, p. 354

4 Ottawa Citizen, 9-11 -91, p. 3

5 Le Québec statistique 1989, Gouvernement du Québec, p. 62 à 67

6 The Gazette, op. cit.

7 Notes sur l'économie et le travail, Service de recherche de la CSN, mars 1992, p. 4

8 Denis Fortin, Riches contre pauvres, Éditions autogestionnaires, 1988, p. 106

9 La Presse, 26-12-87, p. G-7

10 Linda McQuaig, La part du lion, Éditions du Roseau, 1987, p. 42

11 Statistiques fiscales 1991, op. cit., p. 135 et 217

12 Rapport Nielsen, Gouvernement du Canada, 1985, p. 1

13 Aperçu général sur le logement social, S.C.H.L, 1979, p. 5

14 Se loger au Québec, Gouvernement du Québec, 1984, p. 62 et 75

15 Équipement ménager selon le revenu et autres caractéristiques 1991, Statistiques Canada, 1992, p. 48

16 Linda McQuaig, op. cit., p. 50

17 La Presse, 11-2-92, p. D-13

18 Équipement ménager selon le revenu et autres caractéristiques 1991, op. cit., Se loger au Québec, op. cit., p. 20 et La Presse, 11-2-92, p. D-3

19 Statistiques fiscales 1991, op. cit., p. 133 et 217

20 Documents budgétaires 1992-1993, Gouvernement du Canada, p. 167

21 Linda McQuaig, op. cit., p. 52 et 53

22 Documents budgétaires 1992-1993, op. cit.

23 Statistiques fiscales 1991, op. cit., p. 278

24 Les particuliers et les revenus locatifs, Revenu Québec, 1991

25 Notes sur l'économie et le travail, déc. 91, op. cit. , p. 6 et 7

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