Apprendre : une action volontaire et responsable :

énoncé d'une politique globale de l'éducation des adultes dans une perspective d'éducation permanente :

Partie 4

Partie 1, Partie 2, Partie 3, Partie 4, Partie 5, Partie 6, Appendices

Commission d'étude sur la formation des adultes (CEFA), 1982

 

TABLE DES MATIÈRES


Introduction
Notes

CHAPITRE PREMIER

4.1 Le décloisonnement de l'éducation des adultes ou l'éducation continue...

Introduction

4.1.1 Une philosophie du décloisonnement

4.1.1.1 La formation globale: une finalité

4.1.1.2 L'éducation n'est le monopole de personne

4.1.1.3 L'intégration de l'éducation des adultes au système éducatif des jeunes?

4.1.1.4 L'éducation des adultes n'est pas synonyme de formation « professionnelle »

4.1.1.5 Les besoins de formation

4.1.2 Le décloisonnement des types de formation

4.1.2.1 Le décloisonnement des programmes institutionnels

4.1.2.2 Le décloisonnement des niveaux « institutionnels »

4.1.2.3 Des formations décloisonnées

4.1.3 Des centres de service d'aide aux adultes

4.1.3.1 Les fonctions des services d'aide aux adultes qui ont un projet d'éducation

4.1.3.2 Des services à offrir

4.1.3.2.1 Les individus

4.1.3.2.2 Les entreprises

4.1.3.2.3 Les associations

4.1.3.3 La fonction d'information

4.1.3.4 Des services d'accueil et de référence(77)

Notes

CHAPITRE 2

4.2 La reconnaissance des acquis: un point de départ et d'arrivée du décloisonnement

4.2.1 Quelques définitions

4.2.2 Problèmes généraux

4.2.2.1 Les acquis d'expérience

4.2.2.2     La certification: contrôle de l'école et promotion individuelle

4.2.2.3     Les acquis de travail non rémunéré

4.2.2.4 La crédibilité des crédits

4.2.3 Des problèmes spécifiques

4.2.3.1     La formation échappe à l'individu

4.2.3.2     La formation et le « monde » du travail

4.2.3.3 La reconnaissance des acquis et le « monde » scolaire

4.2.3.4 L'évaluation des acquis des adultes

4.2.4 Des expériences à explorer (II faut rendre à César...)

4.2.4.1 Des pistes américaines

4.2.4.2 Des pistes québécoises

4.2.4.3 Une brèche dans le monde scolaire

4.2.4.4 Une brèche dans le monde du travail

4.2.4.5 Une interrelation à développer

4.2.5 « C'est en forgeant qu'on devient forgeron! »

4.2.6 Des crédits d'éducation continue

Notes

CHAPITRE 3

4.3 La transformation des pratiques pédagogiques en éducation des adultes dans une perspective de déscolarisation

Introduction

4.3.1 Les adultes au coeur du processus éducatif

4.3.1.1 Respecter les caractéristiques et les façons d'apprendre des adultes

4.3.1.2 Un plaidoyer en faveur de la déscolarisation

4.3.1.3 Des points de ralliement

4.3.2 Les options en éducation: modèle scolaire et contre-modèles

4.3.2.1 Le modèle scolaire dit normatif et mécaniste

4.3.2.2 Des modèles organisationnels ou institutionnels

4.3.2.3 Des modèles globalistes

4.3.3 Les pratiques pédagogiques actuelles en éducation des adultes: un aperçu

4.3.3.1 Le milieu scolaire est convié à la déscolarisation

4.3.3.2 Le milieu associatif: un monde d'expériences à découvrir et à supporter

4.3.3.3 Le milieu culturel: reflet de la vie et du dynamisme des collectivités

4.3.3.4 La formation en milieu de travail

4.3.3.5 L'autodidaxie et l'autodidaxie assistée, comme méthodes d'aprentissage

4.3.4 Une méthodologie de la déscolarisation: quelques guides

4.3.4.1 Des approches centrées sur les adultes

4.3.4.2 Une participation active au processus éducatif

4.3.4.3 Une place pour la recherche en éducation des adultes

4.3.4.4 De nouveaux rapports entre l'éducateur et les adultes

Notes

CHAPITRE 4

4.4 Les éducateurs d'adultes

4.4.1 Un premier « portrait chiffré » et un regard sur le statut des éducateurs d'adultes

4.4.1.1 Dans le milieu scolaire et les diverses institutions d'enseignement

4.4.1.2 Dans le milieu du travail

4.4.1.3 Dans le secteur de la vie sociale et culturelle

4.4.1.4 Quelques faits saillants

4.4.2 Des pratiques pédagogiques à faire éclore et la nécessaire et difficile émergence d'un rôle

4.4.3 La formation initiale, le perfectionnement continu et la recherche en éducation des adultes

4.4.3.1 La formation initiale

4.4.3.2 Le perfectionnement continu

4.4.3.3 La formation des chercheurs

4.4.4 Le statut des éducateurs d'adultes

4.4.5 Le perfectionnement des maîtres de l'enseignement « régulier »

4.4.5.1 La situation scolaire des enseignants

4.4.5.2 Le perfectionnement des enseignants, quelques chiffres

4.4.5.3 L'impact qualitatif du perfectionnement des enseignants

Recommandations

Notes

Tableaux :

tableau 34 : repartition des entreprise selon les activites de formation

tableau 35

tableau 36 :  repartition des entreprises declarant des activites de formation ou de perfectionnement durant les heures de travail, selon le genre de formation

Quatrième partie

La transformation de l'image et des pratiques en éducation des adultes

Le décloisonnement de l'éducation des adultes ou l'éducation continue

La reconnaissance des acquis: un point de départ et d'arrivée du décloisonnement

La transformation des pratiques pédagogiques en éducation des adultes dans une perspective de déscolarisation

4.4 Les éducateurs d'adultes

Introduction

La conception traditionnelle de l'éducation décourage « l'apprentissage innovateur » nécessaire à la compréhension des mutations que connaît notre société.

Comme nous l'avons signalé précédemment, l'éducation des adultes n'avait pas, au départ, un caractère scolaire. Mais, en s'institutionnalisant et en se donnant une vocation d'adaptation sociale et de rattrapage scolaire, elle a peu à peu « collé » aux impératifs du système scolaire. Or, encore aujourd'hui, malgré certains efforts d'innovation et de déscolarisation, cette orientation imprègne les pratiques en matière d'éducation des adultes, pratiques empruntées et conçues d'abord pour l'éducation des jeunes et caractérisées par leur aspect essentiellement normatif et autoritaire.

L'école demeure trop enfermée dans une approche pédagogique et dans une démarche qui visent surtout l'intégration et l'adaptation future des jeunes à leur société. Par conséquent, les adultes se reconnaissent peu dans cette école: D'abord préoccupés des problèmes qu'ils vivent quotidiennement, jaloux de la valeur de l expérience acquise, sensibles aux solidarités que développe l'exercice des responsabilités dans les différents champs d'activités humaines, ces adultes, devenus avares de leur temps et de leur énergie face à un avenir qui prend des allures de présent, ont des attentes et des revendications que satisfait mal l'école des jeunes. (1)

Les adultes ont beaucoup plus besoin d'un type d'apprentissage qui peut apporter une compréhension et une ouverture au changement, d'une reformulation des problème qu'ils vivent, enfin, d'un stimulus au renouveau. C'est ce que nous appelons ci-dessus « l'apprentissage innovateur » en opposition à « l'apprentissage conservateur » qui est conçu, quant à lui, pour entretenir un statu quo, et une habitude de dépendance des individus face au savoir constitué et face à ceux qui le dispensent.

En conséquence, l'ère de mutations et de bouleversements incessants que nous connaissons oblige de plus en plus l'école à assouplir et à réajuster complètement ses pratiques. Par ailleurs, il importe tout autant de revoir les approches auprès des jeunes que des adultes, car les uns et les autres vivent les transformations sociales avec autant d'acuité.

En dépit de l'importance de l'école comme lieu d'apprentissage, il nous faut donc aujourd'hui prendre en considération l'ampleur des autres media d'information qui occupent de plus en plus de place dans la vie des individus, jeunes et adultes. En ce sens, il appert que le reproche le plus fréquemment fait à l'école porte sur le type de savoir et de culture qu'elle véhicule: savoir à caractère encyclopédique et clos, qui ne prépare pas à l'autoformation pour les acquisitions ultérieures, savoir académique, livresque, désincarné, coupé de la vie sociale concrète, des activités professionnelles aussi bien que des besoins informationnels et culturels quotidiens. (...)(2) Si l'école ne s'adapte pas à ces nouvelles réalités, si elle continue à se rigidifier et à marginaliser les tentatives novatrices, elle se sclérosera et les espoirs de transformation du système scolaire s'évanouiront. Nous avons certes relevé des expériences positives qui ont été faites dans le cadre scolaire, précisément dans le but d'actualiser les savoirs et de « rapprocher l'école de la vie ». Cependant, pour la plupart, elles sont restées ponctuelles et marginales.

Combler le fossé entre l'école et la vie.

Il faut repenser les approches pédagogiques et les remettre en liaison avec la réalité sociale, économique, politique et culturelle du Québec. Le système scolaire traditionnel n'est plus le lieu unique et la source première des connaissances. L'école doit reconnaître l'expérience des jeunes et des adultes, laisser libre cours à l'imagination, à la créativité et à la critique. Bref, il faut mettre fin à l' hyper-intellectualisme, l'hyper-didactisme et surtout au caractère uniforme et autoritaire de la pédagogie scolaire. (3) Tel qu'il est à l'heure actuelle, le modèle scolaire a souvent pour résultat de brimer la créativité et de décourager l'initiative et la responsabilité des adultes (et des jeunes), et ce, pour la simple raison qu'il repose la plupart du temps sur des rapports hiérarchiques entre les éducateurs et les étudiants et sur une conception mystificatrice du savoir et de la connaissance.

Contribuer au développement du potentiel des individus et des groupes, et par le fait même au développement global du Québec, exige que le champ de l'éducation des adultes reconnaisse l'ensemble des projets éducatifs de l'adulte et des groupes d'adultes. En ce qui concerne l'apprentissage, il semble de plus en plus irréaliste de vouloir cloisonner les différentes situations de vie, de travail et de loisirs, comme s'il était effectivement possible de compartimenter d'une façon systématique la vie des individus. Encore une fois, la perspective d'éducation permanente que nous privilégions demande que soient prises en compte toutes les dimensions de la vie, et ce, de façon articulée et pluraliste.

(...) l'éducation permanente est une façon de voir l'éducation dans son ensemble, dans l'ensemble de la société, en prenant pour acquis que la société elle-même est éducative, c'est-à-dire que, de par sa nature même, la société, par ses nombreuses institutions, propose constamment à chaque citoyen des réflexions, des défis, des apprentissages, une socialisation, l'acquisition de nouvelles connaissances, de nouvelles valeurs, la pratique de nouvelles activités.

Source: Camille Laurin, L'éducation permanente, projet de société, colloque tenu par l'A.C.D.E.A.U.L.F., septembre 1977. p. 7.

Dans une période caractérisée par des transformations aussi rapides que profondes et où les sciences et la technologie progressent à un rythme toujours plus accéléré le savoir encyclopédique est dépassé ; les encyclopédies vieillissent beaucoup plus vite que les hommes. L'enseignement ne peut plus se limiter à une simple transmission de connaissances ; la pédagogie retrouve de vraies dimensions.

Source: Charles Hummel. L'éducation aujourd'hui face au monde de demain. P.U.F.. Unesco. Paris. 1980, p. 39.

La Commission croit primordial de mettre en avant une approche large qui inclut l'ensemble de la société. De cette façon, l'éducation ne peut plus être confinée à l'intérieur des murs de l'école et se limiter à son caractère scolaire ou institutionnel. Le cloisonnement qui se perpétue entre éducation, travail et loisirs, correspond de moins en moins aux expériences d'apprentissage de l'adulte et au développement des connaissances et des « habiletés » qu'exige le développement économique, social, politique et culturel de notre société.

L'éducation des adultes, confrontée aux changements scientifiques, technologiques et démographiques, et à la crise des valeurs traditionnelles, doit repenser ses objectifs, ses contenus, ses méthodes, ses structures et son image. Des organismes internationaux, tels que le Conseil de l'Europe et l'Unesco, de même que des chercheurs intéressés par le sujet (4), préconisent, depuis un certain temps déjà, une démocratisation de l'éducation des adultes par une transformation de son image et de ses pratiques. Au même titre que ces derniers, il importe pour les membres de la Commission de revaloriser l'expérience personnelle, en donnant à chaque individu la possibilité d'en faire état, de la communiquer et de l'utiliser ultérieurement. Il faut penser plus que jamais en termes de lien, et non plus de rupture, entre les situations personnelles et sociales de départ des individus, et les points d'arrivée de l'éducation. Une réforme des pratiques suppose, bien sûr, un changement des mentalités, mais également une remise en question profonde des finalités de l'éducation des adultes, si nous ne voulons pas être témoins et responsables de sa caducité, de son dépassement...

L'innovation? Souvent confinée à la marginalisation...

Le « discours » sur l'éducation permanente renvoie souvent aux notions de déscolarisation, de démonopolisation, de décloisonnement des savoirs et des formations... Sous l'influence de ce « discours », sont nées au Québec, dans divers milieux, syndicaux, populaires, coopératifs, féministes, écologiques et autres, des initiatives de regroupement en vue de « se donner » une formation plus intimement liée aux besoins des individus et des groupes. Mais l'école est trop souvent restée en dehors de ces initiatives.

L'école, l'ouverture sur le changement et un choix de société.

L'institution scolaire n'épuise pas la réalité éducative d'une société. Hors école, se développent au sein des classes populaires des pratiques éducatives et des actions collectives qui font surgir des connaissances nouvelles, des problématiques ignorées des milieux académiques. Ce sont à des besoins différents que répondent, d'un côté, l'activité scolaire et, de l'autre, l'éducation populaire autonome. La démocratisation de l'éducation passe par ces deux voies nécessaires et légitimes ; elle se traduit non pas par l'abolition de l'école mais, d'une part, par l'élargissement de l'accessibilité à l'école et une transformation des contenus d'enseignement, et d'autre part, par une contribution des ressources éducatives à l'éducation populaire autonome. Source: I.C.E.A., Pour une école publique au service de l'éducation populaire, juin 1979, p. 136.

Le réseau scolaire public est confronté à un choix majeur vis-à-vis des besoins exprimés par les adultes: ou bien il s'adapte et consent à ouvrir ses portes à tous les milieux en leur facilitant les conditions d'apprentissage, en mettant ses compétences à leur service, en reconnaissant les expériences extra-scolaires et en misant sur les savoirs et les « habiletés » transférables; ou bien il maintient le statu quo dans ses pratiques et son image, et se voit peu à peu écarté par ces mêmes adultes. L'école, en tant qu'institution sociale, se trouve devant l'alternative du changement; prendra-t-elle la même voie que le droit qui, dans nos sociétés, est souvent appelé à entériner une réalité presque déjà dépassée? Si l'éducation des adultes remet en question l'école, en tant que lieu principal du savoir, c'est que les failles y sont plus apparentes et que le besoin de transformation s'y fait sentir.

Plus que le jeune étudiant, l'adulte doit, pour apprendre vraiment, avoir recours à son expérience de travail et de vie et y référer ses expériences de formation. D'où la nécessité du recours à des méthodes qui l'engagent personnellement.(5)

L'éducation des adultes comprend des activités éducatives dans et hors de l'école; celles qui se font à l'intérieur du réseau scolaire public sont peut-être les plus critiquées. La Commission remet sérieusement en question les pratiques du système scolaire, non pas pour rejeter impunément l'école en tant qu'institution, mais pour développer une éducation publique démocratique. Elle reconnaît comme l'I.C.E.A. que l'institution scolaire n'épuise pas la réalité éducative d'une société. Le réseau scolaire public doit être considéré comme une ressource parmi d'autres, même s'il reste la ressource éducative principale. Ceci implique une relation de complémentarité des ressources scolaires et non scolaires, de même qu'une relation d'échange et non plus de pouvoir entre celles-ci.

Bien que détenant un rôle clé, l'école n'a plus le monopole; elle devra donc de plus en plus être mise à contribution dans un esprit de complémentarité et de concertation. Dans un système d'éducation permanente, l'école est conservée mais elle tend à perdre, en même temps que ses barrières protectrices, sa position centrale. Le système éducatif nouveau est un système décentré, un système « dont le centre est partout », non pas parce que toutes les instances et toutes les institutions se confondent mais parce qu'aucune ne peut plus se définir comme base ou comme noyau antérieurement et supérieurement à toutes les autres.(6)

Bref, notre désir n'est pas de « sortir » l'éducation des adultes du réseau scolaire public, mais plutôt de le convier à une transformation de son image et de ses pratiques, à un rapprochement avec les milieux éducatifs autres que scolaires. Il faut le reconnaître (et plusieurs intervenants lors des consultations régionales et dans les mémoires l'ont signalé), l'école est plus que jamais coupée de la réalité et, par le fait même, risque d'être de moins en moins reconnue comme un lieu-ressource.

Le pouvoir de l'adulte et l'autoformation: c'est une question d'autonomie responsable qui revient à l'adulte, et à lui seul !

L'adulte est le premier maître de son développement. Or, l'éducation des adultes ne saurait répondre aux besoins des individus et de la société qu'en étant à l'écoute des aspirations et des problèmes vécus par les adultes. Faire des adultes et des groupes d'adultes des agents actifs de leur propre formation, des producteurs d'un savoir nouveau, des individus aptes à orienter le changement, c'est mettre en avant le principe d'autogestion de la formation ou tout au moins, miser sur une démarche d'autoformation qu'il conviendra d'assister et d'encadrer adéquatement. Par conséquent, la situation de formation subséquente où il (l'adulte) se trouve, à cause de la somme d'expériences et d'apprentissage déjà réalisés et à cause d'une situation qui lui laisse moins d'énergies disponibles pour l'étude, l'adulte peut être non seulement celui qui apprend en dernier ressort mais aussi celui qui décide ce qu'il veut apprendre en fonction de ce qu'il sait déjà et des objectifs qu'il s'est fixés.(7)

L'homme se doit et revendique d'être mis en mesure de maîtriser un avenir fait d'incertitudes et de changements(...). Ceci suppose donc une adaptation non seulement des méthodes mais aussi des contenus de l'éducation des adultes dans le sens de la maîtrise des approches de domaines déterminés (centrées sur la résolution de problèmes ainsi que sur la réalisation de projets et non plus strictement sur l'acquisition plus ou moins encyclopédique de « bagages de connaissances » divisés en disciplines.

Source: Conseil de l'Europe, Organisation, contenu et méthodes de l'éducation des adultes. Conseil de la coopération culturelle Strasbourg, 1977, p. 17.

La question du pouvoir de l'adulte sur son développement et sur celui de la société reste au centre de notre analyse. Il faut libérer son potentiel créateur et favoriser sa prise en charge du processus éducatif. Le principe selon lequel il faut transformer l'image et les pratiques en matière d'éducation des adultes est relié très étroitement à celui de l'autonomie responsable des individus et des groupes en processus d'apprentissage. À quoi correspond la notion d'autonomie en matière d'éducation des adultes? En quoi pourrait-elle conférer du pouvoir à l'adulte? Parce qu'elle est la réalisation de la capacité de former les jugements et de prendre les décisions nécessaires pour agir librement et dans l'indépendance personnelle et parce qu'une personne autonome n'a pas besoin d'attendre les instructions(8), du point de vue éducatif, l'autonomie croît avec le développement du jugement critique. Bref, l'apprentissage autonome suppose une remise en question des raisons, des conséquences à long terme et des limites des connaissances acquises.

L'autonomie est nécessairement un but de tout apprentissage, mais elle ne peut être une réalité qu'au moment où l'apprentissage lui-même devient un processus d'exercice de l'autonomie. Le « point d'autonomie éducative » est atteint quand les personnes peuvent, de leur propre chef, continuer à apprendre sans aide ni concours extérieurs(9)

Par quelles voies faut-il changer l'école?

Une constatation préalable à retenir est que, dans un système d'éducation permanente, l'école ne détient pas le monopole de l'éducation. Elle constitue une étape dans un processus qui commence avant la scolarité et qui se poursuit bien au-delà. En conséquence, il y a des activités éducatives qui se déroulent avant, parallèlement et après l'étape scolaire. L'école doit en tenir compte afin d'être intégrée dans le tout. En d'autres termes, le préscolaire, /'extra-scolaire, le postscolaire, ainsi que tout ce qui est éducation non scolaire devraient influencer les objectifs, les contenus, les méthodes, les moyens et les structures de l'enseignement scolaire.

Source: C. Hummel, op. cit.. p. 49.

La Commission vise, par la transformation de l'image et des pratiques, à démocratiser l'éducation des adultes par le développement du potentiel des individus et des groupes en vue de contribuer à la prise en charge sociale du développement du Québec. Des obstacles inhérents à l'institutionnalisation et à la « normalisation » du réseau scolaire nous obligent à revoir, pour l'éducation des adultes, les modèles et les structures actuelles de ce dernier, et c'est ce que nous examinerons dans la sixième partie de ce rapport.

Il ne faut pas limiter l'étude de cette question au seul système scolaire, car les approches pédagogiques pratiquées en dehors du milieu scolaire (par exemple en milieu populaire ou en entreprise) sont quelquefois tout aussi « scolarisantes » que les pratiques dans le milieu scolaire. Traiter ensemble de la reconnaissance des acquis scolaires et non scolaires, de la transformation des pratiques et des méthodes pédagogiques (dans tous les milieux), du décloisonnement des formations, des contenus, des programmes et des lieux de formation et, enfin, du rôle des éducateurs d'adultes nous a permis de dresser un tableau relativement complet de la situation et de faire des recommandations concernant tous ces aspects.

Trois sous-objectifs nous ont guidés tout au long de notre analyse : valoriser et légitimer le champ de pratique de l'éducation des adultes dans le milieu scolaire et en dehors de celui-ci ; valoriser et légitimer les pratiques éducatives qui sont étroitement liées à des activités de promotion collective, c'est-à-dire à des activités qui impliquent des projets d'autodétermination culturelle, politique ou sociale venant, pour la plupart, des milieux populaires (10); encourager et valoriser les pratiques autodidactiques et les projets éducatifs spontanément pris en charge par des groupes d'adultes et qui sont souvent le fait de gens désireux de préserver leur autonomie tout en développant leurs connaissances. Ceci implique que toutes les sources de diffusion d'information et/ou d'éducation doivent être mises à contribution: les media, mais aussi, les bibliothèques, les musées, les centres d'art, etc.

On les (les milieux populaires) a invités à oublier leurs croyances et leurs symboles collectifs, leurs savoir-faire et leur vision des choses, au profit d'une culture où le savoir et la technique suppléeraient à toute croyance ou sagesse. Il n'est pas exagéré, selon nous, d'affirmer que le principal résultat de l'éducation populaire comme de la formation de nombreux leaders populaires, a peut-être été jusqu'à ce jour d'assurer la pénétration de l'individualisme, du goût de la promotion individuelle, en milieux populaires. Pour bien des gens en effet, les cadres de l'éducation permanente et populaire ou de la formation politique n'ont-ils pas été le lieu où on a pu presque inconditionnellement leur vendre et leur inculquer les normes, les valeurs, les aspirations et les façons de vivre des classes moyennes ?

Source: Guy Lafleur, La promotion culturelle, collective des classes défavorisées, I.C.E.A., mai 1975, p. 115.

Une conception démocratique de l'éducation des adultes devrait, selon la Commission, conduire à la reconnaissance des activités éducatives faites en dehors du réseau scolaire, soit par les milieux populaires et coopératifs, par les entreprises, les syndicats, les associations et corporations professionnelles ou autres. Guy Rocher, qui participa, il y a déjà presque 20 ans, aux travaux de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement, reconnaissait, dans l'un de ces ouvrages, la pertinence de l'éducation dispensée en dehors de l'école lorsqu'il écrivait: D'une manière plus générale (...) il existe une grande variété d'expériences existentielles que le système d'éducation de demain devra intégrer. Cela suppose qu'on en vienne à reconnaître la qualité et la validité de ces diverses expériences et qu'on apprenne à compter avec leur efficacité pédagogique ou andragogique (...) bon nombre de ces expériences sont valables dans la mesure où elles sont vécues hors de l'école et même, dans un contexte qui est presque celui de « l'anti-école », c'est-à-dire dans un univers qui rompt avec la définition traditionnelle des objectifs et du climat de /'institution scolaire.(11)

Ouvrir les portes de l'école, faire en sorte que les compétences des institutions scolaires soient mises au service de la collectivité constituent un autre défi à relever dans les prochaines années.

Pour la Commission, transformer l'image et les pratiques en matière d'éducation des adultes implique donc le décloisonnement des formations, la concertation entre les différents intervenants en vue du développement (individuel, collectif et régional), la reconnaissance des acquis, la déscolarisation et la révision des rôles et des statuts des éducateurs d'adultes.

Deux principes doivent gouverner la politique de l'éducation des adultes: son caractère compensatoire à l'égard des défavorisés de toute nature et son caractère déscolarisé, non au sens d'Illich car il ne s'agit pas de supprimer les institutions d'éducation pour y substituer un champ diffus, mais dans le sens du changement radical de la relation didactique: évolution vers l'autoformation assistée, la guidance démocratique, l'étude en petits groupes ad hoc, l'approche par projets interdisciplinaires et l'effort cognitif accompli aux lieux mêmes où se réalisent et se vivent les choses.

Source: Conseil de l'Europe, Développement de l'éducation des adultes, Strasbourg, 1980, p. 129.

Le décloisonnement de l'éducation occupe une place de choix dans cette politique, car il suppose une remise en question des cloisons, parfois très étanches, entre les individus et entre les différents lieux où se donne une formation. Le décloisonnement exige un élargissement de la définition de la formation dite professionnelle et une ouverture beaucoup plus grande aux autres besoins, sociaux, culturels, politiques ou autres, des individus et des groupes. Nous y reviendrons, dans le quatrième chapitre de cette partie, en définissant de nouveaux concepts comme la formation reliée à l'emploi (formation professionnelle élargie), la « formation académique » et la « formation par projet ». Nous expliquerons aussi ce que nous entendons précisément par la déscolarisation, c'est-à-dire par la transformation des pratiques pédagogiques et par la démonopolisation des savoirs. Des propositions d'élargissement, quant aux modalités de reconnaissance des acquis, seront faites, en conformité avec notre priorité de valoriser et de « globaliser » les différentes expériences de vie des adultes, qu'elles soient ou non scolaires.

Enfin, transformer l'image et les pratiques en matière d'éducation des adultes passe par une nouvelle conception des rapports entre l'adulte et l'éducateur. Ce dernier voit son rôle, son statut et ses approches modifiés, en vertu des principes de « démonopolisation » du savoir d'une part, mais d'autre part du principe de l'autoformation où l'adulte et le groupe se retrouvent maîtres de leur projet. Cela suppose aussi, il ne faut pas négliger cet aspect, des relations plus étroites entre enseignement et recherche fondamentale ou appliquée et/ou « participative ».

Cette remise en question exige un lien plus réel entre la théorie et la pratique, une compréhension plus grande entre les théoriciens et les praticiens, car inventorier les besoins spécifiques de groupes d'adultes, répertorier les expériences positives et développer de nouveaux outils pédagogiques relèvent du domaine de la recherche, tout autant scolaire qu'extra scolaire. C'est pourquoi il faudra mettre davantage l'accent sur la concertation de tous dans le domaine de l'éducation des adultes.

Notes

  1. Gouvernement du Québec. Conseil supérieur de l'éducation, L'Etat et les besoins de l'éducation, extrait « L'éducation des adultes ». rapport 1979-80. p. 165.
  2. Jean-Claude Forquin. « Les composantes doctrinales de l'idée d'éducation permanente », d'après un ensemble de publications de l'Unesco, Humanisme et entreprise.no 115,juin 1979. p. 5.
  3. Ibid, p. 22.
  4. Voir entre autres: J.W. Botkin et al.. On ne finit pas d'apprendre. (1980), G.Daoust et al.. Éducation et travail. (1978). J.C. Forquin. Les composantes doctrinales de l'idée d'éducation permanente. (1979), H. Dauber et E. Verne, L'école à perpétuité. (1976). Gaston Pineau, Éducation ou aliénation permanente. (1977). etc.
  5. Gaétan Daoust. De l'éducation des adultes à l'université permanente, texte rédigé à la demande du Conseil des universités, septembre, 1971. p. 10.
  6. J.C. Forquin, op. cit., p. 9.
  7. Daniel Campeau et Jeanne Leroux. La formation sur mesure, tome 1, Fédération des cégeps, Montréal, juin 1978, p. 24.
  8. J.W. Botkin, M. Elmandjra, M. Malitza. On ne finit pas d'apprendre, rapport au club de Rome, Pergamon Press. Paris, 1980. p. 45.
  9. Ibid, p. 46.
  10. Guy  Lafleur,  La promotion  culturelle,   collective des classes défavorisées, I.C.E.A., mai 1975, p. 111-115.
  11. Guy Rocher, Le Québec en mutation, éditions H.M.H., Montréal. 1973, p. 176.

Chapitre premier

4.1 Le décloisonnement de l'éducation des adultes ou l'éducation continue...

Introduction

Le chemin qu'a pris l'éducation des adultes depuis déjà quelques années, nous conduit, à la suite des uns et en même temps que bien d'autres, à soulever la question de la structuration du monde de l'éducation, structuration héritée de celle qui existe dans la société. La parcellisation de la société en « monde du travail », « monde de l'éducation », « monde des loisirs », etc., a contribué à fragmenter l'image de l'homme et de la femme et, qui plus est, à opposer ces images. Pourtant, quel que soit l'univers, c'est toujours de l'être humain qu'il s'agit. Or, comme nous l'avons signalé, l'être humain est un système ouvert et ne peut être considéré que dans son interaction avec son environnement, sa famille, sa communauté, la société et l'univers.(1)

L'enseignement, le travail, l'administration traitent l'homme (et la femme) comme un individu isolé et écartelé en fonction des besoins institutionnels.

Source: Conseil de l'Europe, Développement de l'éducation des adultes, Strasbourg, 1980, p. 440.

La division arbitraire de la vie entre l'âge de l'école obligatoire, l'âge de l'école postobligatoire, l'âge du travail et l'âge de la retraite, la compartimentation des savoirs en disciplines, programmes, matières, cours ainsi que la segmentation des marchés de travail ont contribué à ériger des cloisons, parfois très étanches, entre les individus et les différents « mondes » et, parfois, à l'intérieur même de chacun de ces « mondes ».

La démocratisation de l'éducation déborde de beaucoup la question de l'accessibilité(2). Que ce soit dans le monde scolaire, social, culturel, « associatif » ou du travail, la démocratisation de l'éducation passe par une ouverture plus grande aux adultes certes, mais, cela va de pair, nécessite un souci de répondre adéquatement et efficacement aux besoins divers d'apprentissage qu'ils ont suivant leur âge, leur travail, leurs engagements sociaux et culturels.

L'objectif du développement du potentiel humain appelle le décloisonnement de l'éducation. L'éducation a été trop longtemps au service d'impératifs dits économiques, mettant de coté du même coup, le développement intégral auquel chacun et chacune aspirent. Décloisonner l'éducation des adultes, c'est l'ouvrir sur une perspective d'éducation permanente.

Un tel projet a, bien sûr, un caractère éminemment critique. Non seulement en ce qu'il dénonce l'exclusivisme des intérêts et des idéologies des classes qui possèdent l'école, mais en ce qu'il annonce un avenir éducatif où l'acte de connaissance et d'action vise à transformer l'objet même qui doit être connu : l'homme, la société et le monde qui l' entoure. Affirmer la prévalence d'un objet à connaître et un avenir à créer différent du présent, vouloir substituer aux mécanismes de transmission des connaissances et d'adaptation sociale l'instauration de conditions nécessaires à d'imprévisibles apprentissages, courir le risque de la reconquête de la liberté de l'école, constitue un projet critique majeur. Comme le projet même de la libération de l'homme et les intentions premières de l'éducation. (3)

Le décloisonnement de l'éducation des adultes est, nous l'admettons, un projet très vaste. Ce projet occupe une place très importante au sein des objectifs visés par la Commission. En effet, il touche tous les milieux intéressés par l'éducation et à l'intérieur de chacun de ceux-ci, les types de formation, les programmes, les niveaux et les lieux de formation. 11 débouche et s'appuie, en même temps, sur la reconnaissance des acquis, sur la transformation des pratiques pédagogiques et du rôle des éducateurs, et sur la concertation des différents milieux en vue du développement individuel et collectif. Le thème du décloisonnement est présent tout au long de ce rapport. Il est sous-jacent aux thèmes de l'accessibilité et de la participation. Nous avons voulu, dans ce chapitre, parler plus explicitement d'une philosophie du décloisonnement de l'éducation et proposer des moyens qui pourraient élargir une vision trop étroite de l'éducation des adultes.

La proposition de décloisonnement ou de globalisation demande à l'école et à la société d'inscrire l'éducation dans un nouveau paradigme : ouvrir l'éducation à la vie, introduire dans le processus d'apprentissage les notions de globalité et de décompartimentation ; de fusion plutôt que fission ; d'expérience, de processus de vie et de contexte ; de différenciation, d'individualité et d'autonomie ; d'associations, de relations et de vie quotidienne ; de développement, d'intervention, d'action et de transformation ; etc.

Source: Michel Pichette. « Le décloisonnement des savoirs: un nouveau paradigme », dans Le Devoir. 28 août 1981.

Pour la Commission, décloisonner l'éducation des adultes ne signifie pas que tout est éducation, partout et en tout temps, mais plutôt que l'éducation est partout.

Le décloisonnement n'est pas un concept nouveau et notre réflexion s'est abondamment alimentée à la pensée de ceux qui ont écrit à ce sujet. Nous sommes conscients que nous n'avons pas épuisé la question. Nous soumettons des pistes, des réflexions et proposons quelques solutions, car nous croyons que l'on doit permettre à l'éducation de répondre de façon plus satisfaisante aux besoins des individus et de la société.

4.1.1 Une philosophie du décloisonnement

4.1.1.1 La formation globale: une finalité

On voit grand.

L'histoire de l'éducation des adultes a toujours été caractérisée par une dichotomie entre les besoins « professionnels » et les « besoins socioculturels » et (...) l'histoire récente de nos sociétés (indique) une volonté de retour à l'homme considéré comme un tout.

Source: Conseil de l'Europe, Organisation, contenu et méthodes de l'éducation des adultes, Strasbourg, 1977, p. 51.

Nous devons apprendre pour vivre et d'une certaine manière, nous vivons comme nous savons.

Source: Michel Pichette. « Le décloisonnement des savoirs: un nouveau paradigme » dans Le Devoir, 28 août 1981.

La notion de « globalisation » est de plus en plus utilisée par les tenants de l'éducation permanente. Telle que l'a définie une équipe de chercheurs du Conseil de l'Europe elle implique le concept de la prise en considération de la totalité de la personne dans la totalité de l' environnement(4). L'éducation globale, imbriquée dans les éléments de la vie quotidienne donne les moyens d'agir sur l'environnement(5), comme toute éducation d'ailleurs, mais en plus, elle vise délibérément à affecter toutes les situations qui limitent le développement de personnes, de groupes et de communautés.(6)

Le concept de « globalisation » s'oppose à celui de cloisonnement. Il fait appel à tous les agents éducatifs du milieu, y compris et d'abord à l'adulte lui-même. Nous souhaitons, par l'éducation, mettre autour de la personne ou du groupe qui apprend un univers de possibles en laissant le droit à l'usager, à celui qui apprend, de dire ce qu'il veut apprendre dans les possibles(7), et où, quand et comment apprendre.

Les changements culturels, sociaux, technologiques, politiques, économiques, etc. se font à un rythme accru. Cette conjoncture rend encore plus urgente la nécessité de brancher davantage (la) formation sur la vie (8). Cette « connection » avec la vie signifie que celle-ci ne doit pas être perçue uniquement comme le champ d'application des connaissances (mais) reconnue (...) comme le lieu où s'acquièrent un savoir et des aptitudes qu'on souhaite adéquats(9). Chacun apprend par un bout de sa réalité ! Décloisonner l'éducation, c'est aussi admettre la transférabilité des savoirs de la vie dans l'activité de formation, et inversement.

4.1.1.2 L'éducation n'est le monopole de personne

La formation ne loge pas qu'à une enseigne.

Le concept d'éducation permanente incite alors à refuser qu'une phase ou un lieu de formation soit donné comme une totalité, voire un monopole.

Source: Rapport du Comité d'étude sur la formation et le perfectionnement des enseignants. Commission d'étude sur les universités, dans Education permanente et perfectionnement des enseignants, annexe V. Faculté de l'éducation permanente, Université de Montréal, p. 150.

Abattre les cloisons, repenser les structures et les fondations.

L'enseignement actuel de la jeunesse (...) agit comme si ses diplômes « finaux » devaient fournir une base solide pour tous les développements ultérieurs de la vie. Or, il fait tout le contraire de motiver les jeunes devenus adultes à reprendre des activités formatives, et, d'autre part, ne les pourvoit pas de méthodes d'autoformation, laquelle se révèle la seule valable pour les adultes. Ceux-ci, s'ils surmontent la difficulté psychologique à se remettre à étudier, doivent alors apprendre à se former eux-mêmes, d'une manière responsable, ce qu'une école trop rigide ne leur a pas inculquée.

Source: Conseil de l'Europe, Organisation, contenu et méthodes de l'éducation des adultes, Strasbourg, 1977. p. 71.

La formation globale n'est pas une vue de l'esprit. Elle vise essentiellement à donner aux hommes et aux femmes une plus grande prise de pouvoir sur ce qu'ils veulent apprendre, sur les moyens d'apprendre et sur leur environnement. En ce sens, la déscolarisation est un moyen de décloisonner l'éducation(10). Et en ce sens, également, les différents apprentissages qu'un individu peut faire tout au long de sa vie, ou qu'un groupe ou une collectivité peut choisir, ne constituent pas une fin en soi: ils sont des moyens pour vivre, croître, se développer, changer, s'actualiser, soit comme individu, soit comme groupe, soit comme collectivité locale, régionale ou nationale. (11) II importe, alors, de ne pas réduire ces moyens, et par là le développement de la personne et de la collectivité, en limitant l'éducation à un secteur en particulier. L'éducation permanente ne se réduit pas à une scolarité permanente. (...) (Elle) plonge ses racines dans un milieu en permanence éducatif . (12)

On a eu tendance, au cours des dernières années, à assimiler l'éducation à l'école. Pourtant l'éducation n'a pas toujours été scolaire(13). L'école (...) a récupéré bien vite cette réalité non scolaire de l'apprentissage pour en faire une activité balisée par des normes institutionnelles.(14) C'est pourquoi l'enseignement se retrouve aujourd'hui au coeur de la critique du projet d'éducation permanente. Et cette critique est internationale.

Le décloisonnement du système scolaire doit d'abord s'opérer par une ouverture à et sur l'environnement. Et une telle ouverture entraîne nécessairement des changements dans les structures d'organisation, de fonctionnement et de décision des établissements scolaires et de leurs groupements, ainsi que dans la conception même du travail éducatif.(15)

Ces transformations majeures qui doivent s'opérer dans et par l'école auront un impact important sur l'éducation de la jeunesse. En effet, si la formation initiale demeure ce qu'elle est, les jeunes devenus adultes ne pourront prendre en main leur propre développement. L'école doit initier les jeunes à l'autoformation. L'école doit préparer à recevoir une éducation en dehors d'elle(16). De plus, si elle ne transforme pas l'image qu'elle projette présentement, elle aura peine à attirer la jeunesse, une fois révolu l'âge de la scolarité obligatoire. Il faut inclure la formation des jeunes dans le débat de l'éducation permanente. Ce débat suppose, entre autres, une cohérence étroite, une continuité entre l'éducation des jeunes et celle des adultes. Située dans une perspective d'éducation permanente, l'éducation des jeunes prend une dimension différente. Cela signifie qu'aucune des phases de la formation n'est terminale.

Le système scolaire, nous l'avons dit, ne peut prétendre au monopole de l'éducation. Il ne peut répondre à tous les besoins de formation des individus et des groupes. Et ce n'est pas non plus son rôle. Il est nécessaire que le milieu scolaire soit plus souple et plus flexible à l'égard de l'éducation des adultes, et il doit harmoniser son intervention avec celle des autres ressources éducatives du milieu. Or, le système scolaire a eu plutôt tendance à se replier sur lui-même et à se structurer de telle façon que: Apprendre y est synonyme de division, de cloisonnement, de fermeture : d'un côté, le savoir compartimenté en fonction des rôles sociaux et des spécialisations. Ce qui n'est pas sanctionné par l'école, ses bureaucraties loin des communautés, ses enseignements enrégimentés et ses experts, devient ignorance. Seule l'école détient le pouvoir de décréter ce qui est le savoir correct. C'est là son mandat social. C'est ainsi que l'école fait de nous des papillons qui finissent comme des cocons.(18)

Nous le verrons plus loin, la formation acquise en dehors de l'école, qui n'est pas sanctionnée par elle, est difficilement et rarement reconnue dans le système scolaire et sur les marchés de travail, alors que depuis la seconde moitié de notre siècle, l'éducation non formelle et les actions éducatives non dirigées vers l'octroi d'un diplôme ont pris de plus en plus d'importance. (19)

4.1.1.3 L'intégration de l'éducation des adultes au système éducatif des jeunes?

Réservé aux adultes.

Inscrire la formation de la jeunesse et celle des adultes dans une perspective de l'éducation permanente ne veut pas dire, à notre avis, qu'il faille intégrer l'éducation des adultes au système éducatif des jeunes. La Commission ne croit pas que l'on doive, sous prétexte de décloisonnement, enlever toute cloison entre l'éducation des jeunes et l'éducation des adultes. Afin de préserver le caractère spécifique des approches pédagogiques et surtout des pratiques organisationnelles que réclame l'éducation des adultes, il convient de ne pas mêler inutilement les clientèles jeunes et les clientèles adultes. D'où le maintien du critère de l'âge (arbitraire, nous en convenons, mais nécessaire) dans la définition de l'adulte (mais non dans la philosophie de l'éducation permanente). La définition des objectifs, l'élaboration des programmes, le choix des approches pédagogiques de l'éducation des adultes appartiennent au adultes eux-mêmes. À trop vouloir réaliser des économies d'échelle et simplifier l'administration(20), on risquerait d'ignorer, encore une fois, les besoins particuliers et divers des adultes et de les subordonner aux besoins organisationnels de l'institution scolaire.

Il nous apparaît donc nécessaire de maintenir des services d'éducation spécifiques pour les adultes pour les raisons que l'Institut canadien de l'éducation des adultes (l'I.C.E.A.) a fort bien énoncées:

Une mise en garde cependant s'impose: cette non-intégration ne doit pas servir de prétexte pour que /'éducation des adultes devienne un secteur marginal soustrait aux exigences générales de qualité, de distances critiques et de conditions normales de travail.(22)

4.1.1.4 L'éducation des adultes n'est pas synonyme de formation « professionnelle »

Des fenêtres panoramiques sur une seule façade.

Le système éducatif a trop longtemps été soumis aux impératifs des marchés du travail. Le travail, on en conviendra, occupe une place importante dans la vie de l'être humain, mais il ne comble pas tous ses besoins.

Une réflexion sur la formation professionnelle ne peut manquer de remettre en question le contenu et la finalité de la formation actuellement

dispensée. Or, cette formation est trop souvent axée sur les intérêts à très court terme de l'entreprise, c'est-à-dire sur des tâches précises et restreintes, au nom de l'adaptation nécessaire de la main-d'oeuvre aux réalités du travail.

Source: I.C.E.A., L'école publique et la promotion collective, no 4, octobre 1980, p. 6.

Les gouvernements fédéral et provincial, de même que les entreprises, ont mis sur pied, depuis environ vingt ans, des programmes de formation professionnelle pour les adultes(23). Or, la rationalité de tous ces programmes axés uniquement sur la croissance économique entraîne: des choix de contenus et de clientèles discriminatoires tant pour les femmes que pour les personnes en chômage, les groupes d'immigrants(es), les agriculteurs et l'ensemble des travailleurs et travailleuses peu qualifiés(es).(24)

Nous avons déjà exposé, dans la partie précédente du présent rapport, les problèmes d'accès que rencontrent diverses catégories d'adultes, à ces différents programmes de formation (insuffisance des allocations, programmes plus souvent réservés à ceux et celles qui ont une formation initiale et de l'expérience dans l'option choisie, les ghettos masculins et les ghettos féminins, la formation en entreprise plus souvent réservée aux cadres, la formation « sur le tas » parfois non certifiée et non transférable pour les employés de production, les restrictions budgétaires des C.O.F.I., etc.). Tout se passe en effet comme si la formation professionnelle n'était pas un droit des travailleurs et des travailleuses pour améliorer leurs conditions de travail et leurs conditions de vie, mais était plutôt un privilège accordé selon la conjoncture des demandes du marché du travail.(25)

Cette apparence d'équilibre entre emploi et formation, l'illusion du mécanisme des vases communicants » se trouve aujourd'hui dévoilée par les effets du ralentissement de la croissance.

Source: Conseil de l'Europe, Actualité d'une politique d'éducation permanente, « Le programme de Sienne », Strasbourg, 1980, p. 7-8.

On a longtemps laissé croire que, s'il y avait du chômage, c'était parce que les individus manquaient de qualifications. Maintenant, on croit de moins en moins à ce diagnostic. Le chômage, causé par le fonctionnement de l'économie, continue, en effet, de s'accroître malgré les programmes de formation existants(26).

Mais il reste que, pendant ce temps d'illusions, l'éducation des adultes, dans le monde scolaire et dans l'entreprise, s'est mise au service des marchés de travail, et on a développé la formation dite « professionnelle » au détriment, bien souvent, des autres secteurs de l'éducation. Et non seulement le système scolaire a isolé la formation dite « professionnelle » des autres secteurs de la formation(27), mais il l'a segmentée par niveaux étanches: l'apprentissage des métiers au niveau secondaire, l'apprentissage des techniques au niveau collégial et la spécialisation professionnelle au niveau universitaire. Or, ces « investissements éducatifs » apparaissent aujourd'hui moins efficaces qu'on ne l'aurait pensé.

Si ces programmes de formation à temps plein de la main-d'oeuvre permettent aux travailleurs (on a noté la sous-représentation des femmes : 32%) de se qualifier et de se recycler techniquement, ils leur permettent rarement de trouver un emploi dans le métier appris. Ces programmes exercent surtout un rôle politique: une assistance sociale déguisée aux chômeurs semi-qualifiés dans des périodes où une conjoncture économique défavorable pourrait accroître le mécontentement et provoquer des crises sociales. Il n'y a pas de synthèse (et peu de rapports) entre les formations professionnelle et générale, synthèse nécessaire au développement d'un humanisme scientifique et historique.(28)

Le décloisonnement de la formation reliée à l'emploi est d'autant plus urgent que c'est ce type de formation qui fournit au système scolaire la plus grande partie de la clientèle adulte, que ce soit au niveau secondaire, collégial ou universitaire. De plus, l'éducation des adultes ne peut réduire cette formation à une formation liée étroitement à la tâche ou à sa seule fonction d'adaptation à une société en butte aux changements scientifiques et technologiques incessants(29), ni ne peut se réduire à la formation dite « professionnelle ». Le décloisonnement exige qu'on élargisse la définition de la formation dite « professionnelle » et qu'on étende la formation de façon à répondre aux autres besoins des individus et des groupes. Nous y reviendrons plus loin en définissant ce que nous entendons par une formation reliée à l'emploi qui est pour nous une « formation professionnelle élargie » ou « décloisonnée ». Nous voulons insister ici, à nouveau, sur le fait que les transformations, que nous souhaitons dans le domaine de la formation reliée à l'emploi, doivent avoir des répercussions sur celle des jeunes.

La structure de financement actuelle privilégie les demandes des entreprises et détermine la composition actuelle de la clientèle adulte.

Source: I.C.E.A., L'école publique et la promotion collective, no 2, octobre 1980, p. 11.

Il est temps également de décloisonner l'accès à cette formation, c'est-à-dire de faire en sorte qu'elle ne soit plus réservée, par son mode de financement et par ses critères d'admission et de sélection, à certaines catégories d'adultes.

Pour les travailleurs et les travailleuses, les changements technologiques, l'affaiblissement des secteurs d'activités traditionnels (textiles, cuir, chaussure), les fermetures d'usine, entraînent l'insécurité d'emploi, la déqualification de leurs connaissances, le chômage et l'appauvrissement. La formation professionnelle est donc l'un des moyens par lequel ils peuvent se prémunir contre certaines conséquences néfastes des soubresauts économiques. Et cela est particulièrement vrai en période de crise économique. La formation professionnelle est donc une nécessité et un droit. Il y a des acquis à consolider. Les programmes actuels en sont, malgré leurs faiblesses évidentes. Il faut élargir l'accès à ces programmes et en libéraliser les critères d'admission.(30)

Décloisonner l'accès à la formation reliée à l'emploi signifie également « désexiser » ce type de formation, rejeter les barrières érigées entre la formation réservée jusqu'à maintenant aux hommes et celle qui est réservée aux femmes(31).

Son rôle (de l'entreprise) dans l'éducation des adultes est inéluctable, surtout si l'on veut appliquer le principe selon lequel toute formation exige d'aller à la vie même, d'apprendre « là où les choses se passent ». Mais il y a conflit plus ou moins marqué, selon les pays et le degré du progrès des relations sociales, entre développement du travail et programme d'éducation, entre formation nécessaire à l'entreprise et accomplissement personnel, entre les structures hiérarchiques de l'entreprise et les tendances à la démocratie industrielle.

Source: Conseil de l'Europe, Développement de l'éducation des adultes, Strasbourg, 1977, p. 138.

Il n'est pas question, pour nous, de confier l'entière responsabilité de la formation reliée à l'emploi à un intervenant en particulier. Les ressources de chacun doivent être mises au service du développement individuel et collectif, ici comme ailleurs. L'école et l'entreprise, plus que jamais, sont appelées à collaborer à l'élaboration des objectifs, des programmes et des contenus de formation, sans oublier que les travailleurs et les travailleuses ont aussi leur mot à dire. L'intérêt de ces derniers ne peut être défendu que par eux-mêmes(32).

Dans un système où l'éducation des adultes doit se réaliser dans les lieux mêmes de la vie sociale où se développent et se pratiquent les acquis de la connaissance, l'entreprise doit assumer un rôle de facteur éducatif. Elle comporte, en effet, les équipements, les processus de production et les ressources humaines dépositaires de connaissances et d'expériences sociales et techniques qui doivent pouvoir être mis au service de l'éducation (qu'il s'agisse des jeunes ou des adultes), même au-delà du personnel employé par l'entreprise (...). Il est évident que « l'entreprise éducative » ainsi conçue serait facteur de désaliénation du travail, à la condition qu'elle comporte la pratique authentique d'une concertation démocratique interne.(33)

Le décloisonnement de la formation reliée à l'emploi s'applique également à la formation en entreprise.

4.1.1.5 Les besoins de formation

Nous venons de le voir, il existe, en matière d'éducation des adultes (et l'éducation des jeunes est aussi touchée par ce problème), un cloisonnement qui freine le développement des individus et des collectivités. Or, rappelons le, l'être humain n'est pas, lui, compartimenté. C'est au système éducatif à s'adapter à cette réalité, et non l'inverse.

Le jour où la théologie devint l'apanage des clercs et se réfugia dans les écoles et que les pasteurs leur confièrent la responsabilité des recherches sur la vie de foi, commença de s'élaborer une théologie de théologiens, beaucoup plus qu'une intelligence de la foi du peuple croyant. On assista bientôt à l'émiettement des « disciplines » et on commença à former des dogmaticiens, des moralistes, des canonistes, des scripturistes spécialistes de l'Ancien Testament, d'autres du Nouveau, qui en vinrent à s'ignorer pratiquement les uns les autres et à ériger entre leurs « savoirs » des cloisons de plus en plus étanches. Les rapports avec la vie et les situations des croyants devinrent de plus en plus lointains et abstraits, perturbés même par la substitution aux problèmes réels des concepts et des théories des théologiens d'école. Les résultats en furent souvent désastreux. Qu'on songe seulement aux conséquences sur la vie de millions d'hommes et sur le destin des sociétés occidentales des théories sur la rédemption, des spéculations sur les fins dernières, les péchés originel, mortel et véniel, la « morale » sexuelle, les indulgences, etc.

Source: Gaétan Daoust, De l'éducation des adultes à l'éducation permanente, texte rédigé à la demande du Conseil des universités, septembre 1971, p. 22.

La lecture, l'écriture et le calcul ne sont pas des « besoins humains innés » mais des apprentissages rendus nécessaires par des développements collectifs historiques, mais ces apprentissages obligés peuvent aussi être des moyens utiles pour le développement de projets personnels, pour développer l'expérience et la qualité de sa vie personnelle. Et lorsque des demandes individuelles convergentes se multiplient, elles tendent à devenir collectives et historiques à leur tour, et le système de formation finit par s'y accommoder comme à de nouveaux types de développement qu'il faut servir par des formations adaptées — si le système est conçu et géré pour y être sensible. C'est bien là le grand défi à relever: celui de concilier les réponses à plusieurs paliers de besoins à la fois, pour servir divers ordres de développement sans en sacrifier aucun.

Source: Ministère de l'Éducation, D.G.E.A., Éducation des adultes et développement, Avis à la C.É.F.A., mai 1981, p. 72-73.

Les besoins et les valeurs des adultes ne peuvent être formulés en fonction du système productif seul. Les besoins sont souvent le signe visible des problèmes. Qu'ils soient dans un cadre de démarche individuelle, dans un cadre d'entreprise ou dans un cadre de vie associative, les adultes qui identifient des besoins de formation envisagent toujours leurs activités éducatives en fonction d'un projet concret, enraciné dans le contexte de vie immediat: le désir d'apprendre témoigne d'une volonté de développement personnel (volonté d'améliorer ses conditions de vie, d'être mieux informé, d'être plus autonome...), de développement social (besoin de mieux accomplir l'un ou l'autre des rôles sociaux: citoyen, consommateur, parent; volonté d'amorcer une action collective nouvelle; etc.) ou de développement professionnel (première entrée ou retour sur les marchés de travail, désir ou obligation de changer d'emploi ou nécessité de perfectionnement pour le conserver...).

La Commission croit, cependant que c'est aux administrateurs et aux praticiens de l'éducation des adultes d'assurer, par un assouplissement des normes administratives et des politiques, un élargissement des possibilités de réponses à ces besoins en termes de contenus. Ainsi, par exemple, dans notre consultation régionale, nous avons rencontré des agriculteurs qui avaient demandé des renseignements sur le zonage agricole et à qui on a aussi offert des cours de « travail en équipe », d'animation et d'expression orale. Au terme de ces activités, ils se sont reconnus plus habiles, non seulement à comprendre le zonage agricole, mais à intervenir auprès des autorités à ce sujet.

Le système scolaire possède une expérience importante en matière de formation sur mesure ou de formation liée à l'action, qui sont des approches de développement centrées sur les problèmes des adultes. Il devrait élargir ce type d'approche pour élaborer des objectifs, des programmes et des contenus de formation(34).

Les besoins des adultes et de la société sont multiples. Répondre à la fois à des besoins de développement collectifs (nationaux ou régionaux) ou sectoriels et à des besoins de développement personnels au moyen d'un même projet de formation(35), constitue un des défis majeurs que le système éducatif doit relever: car même si une formation donnée et reçue est motivée par tel développement collectif, elle doit aussi avoir une signification au moins partielle pour le développement personnel des adultes qui l'acquièrent. La formation doit être rendue pertinente, significative et utile/fonctionnelle pour le développement personnel de l'adulte, même lorsque cette formation est jugée importante (ou même rendue obligatoire), d'abord en raison de son lien étroit avec tel développement collectif visé comme priorité au palier national ou au palier régional.(36)

C'est pourquoi, le décloisonnement des types de formation s'impose. Ce sont les solutions, les réponses aux besoins individuels et collectifs et leur interaction dynamique qui doivent orienter l'élaboration des programmes de formation.

4.1.2 Le décloisonnement des types de formation

4.1.2.1 Le décloisonnement des programmes institutionnels

Des vêtements qui n'ont pas grandi avec celui qui les porte.

L'éducation des adultes n'y échappe pas. Au professeur de /'élémentaire ou du secondaire qui, après huit ou dix ans d'enseignement, doit soudain s'adapter à un nouveau programme, au directeur de personnel d'une petite entreprise qui veut parfaire ou systématiser ses connaissances en relations de travail, à l'infirmière qui aura à travailler demain dans un centre de santé communautaire, l'université fait l'offre invariable de ses 90 crédits, en bloc ou en pièces détachées mais ajustables de 30 crédits.

Source: G. Daoust, P. Bélanger, l'université dans une société éducative, Montréal, Les Presses de l'université de Montréal, 1974, p. 109-110.

La formation des adultes doit abandonner les clivages actuels (séparation des formations générale, professionnelle ou socioculturelle) et tendre à compléter la formation d'un individu selon un rythme qui lui est propre.

Source: Conseil du statut de la femme, Mémoire présenté à la C.É.F.A., décembre 1980, p. 100.

La structuration actuelle des programmes offerts aux adultes reproduit de façon quasi systématique celle des programmes de l'enseignement « régulier », une sorte de caricature (...) poussant à l'extrême, tant la course aux diplômes et la promotion individuelle, que /'extension de tout contenu non techniquement et immédiatement requis par l'employeur.(37)

Or, il apparaît de plus en plus souhaitable que les programmes de formation et les contenus se dégagent de cette influence trop restrictive et limitative du développement de l'adulte. L'adaptation des contenus de formation aux préoccupations et intérêts des divers milieux sociaux(38) s'impose désormais. L'éducation des adultes doit se libérer du modèle institutionnel que lui a imposé l'éducation « régulière » et ce, aux différents niveaux d'enseignement. Il nous semble que l'enseignement des « jeunes » gagnerait à se modeler sur les principes de l'éducation permanente. En effet, les règles de la distribution en disciplines, inventées par l'école, ne parvient pas à ordonner la variété des besoins de formation que les hommes éprouvent dans leur travail et dans leur vie.(39)

II ne s'agit pas ici de transformer l'éducation des adultes en une immense « cafétéria » où chacun se compose un menu d'éléments plus ou moins disparates, sans qu'aucun principe de synthèse ne permette la cohérence de l'ensemble (40). Mais nous croyons qu'entre les extrêmes des filières rigides et du régime de « cafétéria », il a place pour bien des adaptations individuelles. (41) Le décloisonnement appelle une certaine souplesse. D'ailleurs, de nombreuses voix se sont fait entendre en ce sens, au cours des dernières années. En effet, il apparaît de plus en plus clairement aux organismes internationaux (O.C.D.E., Unesco), aussi bien qu'à des employeurs, des syndiqués et des praticiens de l'éducation populaire et scolaire, qu'on ne peut plus faire entrer dans des « boîtes » toutes faites les besoins éducatifs des adultes.

De plus, la réflexion actuelle milite en faveur d'approches plus larges et d'articulations plus souples de la formation générale, à l'intérieur des formations reliées au travail. Il en va de même pour les formations reliées à la vie associative qui doivent parfois intégrer des contenus dits professionnels. A ce sujet, on pourrait citer l'exemple d'adultes s'initiant à la radio communautaire et qui sont appelés à apprendre des contenus techniques. On reconnaît que l'individu adulte est une personne globale et non morcelée, bien qu'ayant des besoins divers suivant son âge et ses pratiques de vie et de travail.

Une approche centrée sur les étudiants et visant à résoudre leurs problèmes peut permettre l'appropriation, par l'individu, de la transformation des connaissances et de la culture.

Il faut prévoir un système a l'éducation des adultes permettant aux adultes de demeurer centrés sur leurs problèmes et de requérir tous les apprentissages nécessaires à leur solution, de réaliser des apprentissages qui ne seront pas limités aux contenus informatifs ou techniques stricts, mais produiront des capacités réelles de maîtrise de vie et de transfert à d'autres situations analogues.(42) C'est pourquoi la Commission préconise une formation élargie par une interpénétration des différents types de formation jusqu'à maintenant isolés les uns des autres.

La transformation de la formation professionnelle est peut-être une des tâches les plus difficiles, parce qu'elle se situe dans la réalité la plus déterminante de notre vie quotidienne, celle du travail.

Source: Ettore Gelpi, La formation professionnelle des adultes dans le contexte de l'éducation permanente, Unesco, janvier 1977, Miméo. p. 5.

L'objectif est donc de ne pas séparer les deux domaines. Une « formation générale » coupée d'objectifs de formation professionnelle ; une formation professionnelle limitée à l'acquisition la plus « économique » possible d'un savoir-faire sont également mystificatrices.

Source: Faist, J. Jacob, M. Rochart, »Enquête » dans la revue Esprit, no 10, oct. 1974, p. 496.

La D.G.E.A. procède actuellement à des expérimentations qui s'inspirent de ces orientations : elle est en train d'élaborer des contenus d'apprentissage, en formation générale, qui ne sont pas du type disciplinaire et elle est en train d'introduire, dans ses programmes de formation professionnelle, des objectifs d'acquisition d'habiletés de base polyvalentes, i.e. transférables à plus d'un milieu et valables en dehors même du milieu de travail.

Source: Gouvernement du Québec, Direction générale de l'éducation des adultes, Éducation des adultes et développement, Avis à la C.É.F.A., mai 1981, p. 42.

C'est l'avenir économique qui sera entravé par ces programmes de « training » de courte vue bloquant le développement et l'apport créateur de la force de travail de toute la population, bloquant la possibilité pour tous de jouir également des biens et services produits.

Source: Institut canadien de l'éducation des adultes, Mémoire présenté à la C.É.F.A., décembre 1980, p. 43.

Ainsi, la formation dite « générale » devrait intégrer l'apprentissage de techniques manuelles, de connaissances reliées aux marchés de travail et une formation sociale et culturelle. Nous entendons ici, par formation « générale », celle qui conduit vers une spécialisation professionnelle.

Elle est donc dispensée aux niveaux secondaire et collégial.

La formation dite « professionnelle » doit aussi élargir ses horizons. Nous lui avons préféré la formulation : « formation reliée à l'emploi », à cause de la confusion sémantique du terme « professionnel » et de la voie étroite dans laquelle on a trop longtemps maintenu ce type de formation. D'une part, « professionnel » désigne, dans le système actuel, les voies de sortie de chacun des niveaux d'enseignement, par opposition à la formation « générale » qui, elle, doit conduire d'un palier à un autre jusqu'à la spécialisation universitaire qui forme les « professionnels ». D'autre part, l'enseignement dans le domaine de la formation dite « professionnelle » se veut trop souvent pragmatique, efficace, spécialisé, à objectifs les plus étroits possible pour garantir la validité de la qualification ( »job relevance ») et la réussite dans le minimum de temps (43).

La formation de l'homme, il ne semble pas inutile de le rappeler, exige autre chose que la maîtrise des techniques et l'acquisition des savoirs professionnels.(44). La formation ne vise pas un emploi, mais un (des) individu(s). Il faut cesser d'opposer « formation professionnelle » et « formation générale ». La formation reliée à l'emploi doit permettre aux travailleurs et aux travailleuses de développer leur compétence fondamentale pour participer aux décisions, en se situant mieux dans l'environnement économique, social et politique, afin d'agir sur la finalité du travail, l'environnement, les structures politiques, économiques et sociales.(45)

Elargir la formation reliée à l'emploi ne veut pas dire qu'on imposera des cours de philosophie ou de français, au niveau collégial par exemple, sous prétexte d'élargir la formation des adultes, ni qu'on allongera la durée de la formation. Mais les objectifs et les contenus trop étroits seront révisés dans le but de donner aux adultes une formation qui leur permette de prendre en main, et d'une façon critique, leur propre développement, afin que ceux qui produisent cette « croissance économique » puissent mieux la comprendre, pour s'assurer de participer à ses «fruits ».(46)

L'éducation des adultes doit tenir compte des exigences de la société, mais aussi des besoins qui ressortent de l'analyse globale de la situation dans laquelle (l'individu) se trouve en liaison avec ses aspirations profondes(47). Il importe de placer l'adulte dans différents contextes de réinvestissements de sa formation, afin d'assurer une certaine transférabilité des savoirs et des compétences, de telle sorte qu'il puisse affronter des situations nouvelles et acquérir et développer les connaissances, qualifications, attitudes ou comportements propres à contribuer à l'épanouissement intégral de la personnalité(48). Ceci pouvant lui faciliter une insertion consciente et efficace dans le monde du travail(49).

Concrètement, cela signifie que la formation reliée à l'emploi, en plus de l'acquisition de connaissances techniques reliées à des fonctions de travail dans un champ d'activité, doit comprendre l'acquisition de connaissances sur la situation historique, économique et sociale du milieu de travail et/ou de la région. Il s'agit de faciliter chez l'adulte la compréhension de la réalité sociale, afin de lui donner du pouvoir sur cette réalité. La formation reliée à l'emploi, telle que nous la définissons, ne règle pas tous les problèmes que nous avons énumérés précédemment, mais elle contribuera à les réduire.

Elle contribuera, entre autres, à répondre aux besoins des individus en les rendant plus autonomes, plus critiques et à faciliter le développement individuel et collectif.

Nous savons que l'école ne crée pas des emplois, mais nous savons également qu'elle peut, si elle sait prévoir à long terme, équiper les individus pour qu'ils puissent faire face aux défis de la vie, y compris celui de trouver un emploi, et patrons et syndicats, que ce soit dans le cadre de la formation en entreprise ou dans celui de la formation de type scolaire, sont appelés à collaborer très étroitement à ces transformations.

Ce sont de telles approches qui mettront fin au préjugé selon lequel les connaissances acquises par le canal de l'enseignement général sont plus complètes et ont plus de valeur que celles qui sont acquises dans la préparation et l'exercice de certaines techniques ou métiers.

Pour éliminer les distinctions artificielles entre la formation générale, sociale et culturelle et la formation de type professionnel, il faut, dans toute activité éducative entreprise par un adulte, faire intervenir les dimensions de la vie sociale, économique ou professionnelle, requises pour la solution d'un problème donné.

Devant l'impasse où nous conduit ce morcellement et constatant la déshumanisation des savoirs, nous ne savons rien de mieux, plutôt que de renoncer à nos sécurités, à nos privilèges et à nos ignorances de spécialistes, que préconiser la rencontre de nos particularismes et inventer le mythe du multidisciplinaire.

Source: G. Daoust, De l'éducation des adultes à l'éducation permanente, texte rédigé à la demande du Conseil des universités, septembre 1971, p. 23.

On aura ainsi créé d'autres « disciplines », comme en biochimie ou en sciences sociales, et on assistera au développement de nouveaux départements ou sections (de socio-politique, d'andragogie, de psycho-linguistique, etc.) aussi étanches que leurs devanciers. On aura ainsi apporté à un problème épistémologique et culturel inquiétant une solution d'ordre administratif.

Source: G. Daoust, P. Bélanger, L'université dans une société éducative, Les Presses de l'université de Montréal, Montréal, 1974, p. 192.

Les enseignements de base doivent être développés et redéfinis par rapport à des « qualifications clés » plutôt que par rapport à des distinctions telles que formation générale, formation technologique, formation professionnelle, distinctions qui renvoient plutôt à la division du travail social qu'à des préoccupations éducatives.(50)

De plus, on a vu, au cours des dernières années, se multiplier le nombre des programmes ou disciplines offerts aux différents niveaux d'enseignement. C'est ainsi que, par exemple, si le diplômé en éducation physique régnait en son domaine il n'y a pas si longtemps, il doit aujourd'hui le partager avec l'enseignant spécialisé en éducation physique, le récréologue, le technicien en loisirs, et quoi encore! Et ce, que le territoire à desservir soit grand ou petit...

Au niveau universitaire des tentatives de « bi-tri-pluri-multi-inter-disciplinarité » ont été faites, à tel point que la multidisciplinarité est devenue une nouvelle discipline universitaire(51). En fait, la multidisciplinarité se caractérise par une juxtaposition des savoirs plutôt que par un véritable décloisonnement.

Aussi longtemps que l'on maintiendra dans les universités et aux autres niveaux de l'école qui y préparent, un régime de formation établi essentiellement sur la distinction des disciplines et la rigueur de leurs méthodologies particulières, on continuera sans doute à contribuer aux « progrès » scientifiques remarquables qu'a connus un Occident préoccupé de la conquête et de la maîtrise de la nature, mais à ériger aussi des savoirs hermétiques acquis et possédés par des classes particulières entre lesquelles la communication restera aussi difficile. Et le problème de la jonction de la vie réelle, de la société essentiellement mouvante et polymorphe avec ce savoir atomisé, le problème de plus en plus aigu des relations entre l’ Université et la société restera entier.(52)

L'Université Laval, dans son Projet Laval, propose une plus grande souplesse des programmes du premier cycle.

Il s'agit de s'assurer que les programmes soient assez souples et adaptés pour permettre à tous les étudiants, et notamment aux adultes, de choisir les activités pédagogiques qui contribuent vraiment à leur progrès intellectuel, dans le respect des objectifs généraux des cycles d'études et des objectifs de chaque programme. (...) Les cours de « formation fondamentale », dans un champ d'étude donné, permettraient à certains étudiants d'entrer à l'Université par une voie plus large que celle d'une discipline déterminée, et de préciser ensuite progressivement leur orientation vers une spécialité.(53)

Cela signifie, entre autres, des programmes d'études libres au premier cycle. C'est-à-dire que l'étudiant pourrait constituer son propre programme de cours en respectant une certaine cohérence et des objectifs définis. Cela suppose certaines conditions: que les règles du jeu soient clairement définies ; que ce choix d'un programme libre puisse se faire au début ou en cours d'études; que des étapes de bilan et de planification soient prévues; qu'un encadrement adéquat soit fourni aux étudiants qui suivent cette voie; qu'une responsabilité réelle, autre que celle d'un estampiller de formulaires de choix de cours(54) puisse être confiée aux professeurs-conseillers.

Bref, à première vue, cette formule présente de l'intérêt, mais quand on constate que les étudiants inscrits aux cours du soir au département des relations industrielles de l'Université Laval ne peuvent se faire reconnaître ces crédits dans le cadre du baccalauréat en relations industrielles offert le jour, on peut penser que la création des programmes d'études libres n'est pas chose faite.

4.1.2.2 Le décloisonnement des niveaux « institutionnels »

Il apparaît urgent à la Commission de procéder au décloisonnement des filières de formation, afin de favoriser « l'intégration verticale »: On appelle ainsi la réalisation de l'harmonie et de la cohérence entre les différents stades de l'éducation d'un homme. Traditionnellement, ces stades sont les différents cycles d'enseignement : le primaire, le secondaire et le supérieur ; à l'intérieur de ceux-ci, on trouve habituellement des filières relativement étanches (secondaire général, technique et professionnel, supérieur universitaire et non universitaire).(55)

La question de tenter d'accorder les niveaux s'inspire d'une volonté

La Commission croit qu'une saine autonomie est nécessaire aux institutions pour se développer et, à ce sujet, elle fait siens les propos de la Commission Angers:

En fait, l'autonomie est de plus en plus reconnue comme un principe de gestion applicable à toute organisation et qui vise à rapprocher les décisions de leurs lieux de réalisation et d'impact. Ainsi formulée, cette notion d'autonomie est indissociable de celle de responsabilité qui s'appuie sur une préoccupation constante des résultats à produire en fonction des besoins des usagers et de l'évaluation de leur satisfaction. L'autonomie est également une condition de la solidarité, c'est-à-dire de cette disponibilité à partager des ressources, disponibilité essentielle à la viabilité de la coordination.

Bref, l'autonomie qualifie la nature des rapports entre divers niveaux d'autorité plutôt que de postuler tel ou tel type de structure. Principe et moyen pour susciter des dynamismes locaux et personnels et pour favoriser des réflexes de mise en commun, ce concept d'autonomie ne saurait en aucun cas servir d'alibi à l'inaction ou à /'impuissance gouvernementale ou, pour l'université, de paravent pour se soustraire à des contrôles ou à des contraintes qu'on demande par contre aux autres agents sociaux d'accepter.(56)

Il y a incompatibilité, présentement, entre l'éducation des adultes et la structuration du monde de l'éducation en niveaux scolaires, chacun prisonnier d'un certain nombre de contraintes et d'oppositions. Tout se passe comme s'il y avait trois systèmes d'éducation des adultes. Cette stratification entraîne deux conséquences. La première, c'est une tentative, de la part de chacun des niveaux d'enseignement, de se tailler une place toujours plus grande dans l'éducation des adultes. Cette concurrence entre les niveaux s'oppose au projet de l'adulte. Celui-ci, s'il a un projet bien défini, se trouve en face d'intervenants-vendeurs, promoteurs de l'éducation des adultes, qui tentent de faire coïncider son projet avec un programme du niveau qu'ils représentent. Ces niveaux d'enseignement étant régis, par ailleurs, par des règles qui n'ont pas été établies en fonction de l'adulte.

La deuxième conséquence, c'est la confusion qui existe entre les niveaux scolaires. Un bon nombre d'activités (cours de relations humaines, langues, comptabilité, etc.) se dispensent aux trois niveaux et parfois par le même éducateur. Et l'étudiant qui passe d'un niveau d'enseignement à un autre dans la même matière, se voit imposer des recommencements inutiles en se faisant servir l'argument du « ce n'est pas du même niveau ».

La complémentarité des phases et leur interdépendance signifient encore qu'il est inadéquat, et par ailleurs vain, de vouloir tout enseigner dans une phase; si les choses sont mieux à leur place dans un stade ultérieur, pourquoi vouloir les enseigner plus tôt ? Le principe de complémentarité des phases devrait aussi conduire à exclure les doubles emplois encore si fréquents dans l'éducation. Ne pas vouloir tout dire et ne pas redire inutilement, c'est là un principe d'économie bien nécessaire quand tant de richesses sont offertes à celui qui veut apprendre.(57)

* Les calculs ont été faits pour l'année 1979-80. Ils ont été établis pour 15 heures d'anglais langue seconde, sur la base des groupes, à savoir le nombre d'étudiants en fonction du coût direct; le coût indirect de l'infrastructure a été négligé. Or, ces 15 heures coûteraient, au niveau de la commission scolaire, 15 $ à l'État et 5 $ à l'individu, contre, au niveau collégial, 0 $ à l'État et 23 $ à l'individu; enfin, au niveau universitaire il en coûte 82 $ à l'État et 20 S à l'individu. Les calculs concernant le coût, au niveau universitaire, sont faits sur la base suivante: l'État paie 2 700$ environ à l'université pour un étudiant à plein temps (30 crédits) en sciences humaines.

La scolarisation, sous forme de niveaux, devient un critère pour la vie entière de l'individu, non seulement pour son plein épanouissement à l'intérieur du système éducatif qui existe et auquel il doit recourir, mais aussi pour le plein développement, en tant qu'individu, dans son travail. Le niveau sert d'étiquette, de critère pour l'emploi. L'étudiant aura donc tendance à aller chercher ses « crédits » au niveau de scolarité le plus élevé, surtout lorsque le même cours est offert par plus d'un niveau. Or cela signifie des frais plus élevés tant pour l'État que pour l'individu*.

Le décloisonnement des niveaux de formation est aussi une question d'accès. Dans les régions rurales ou semi-rurales, il n'est pas toujours facile pour les adultes d'avoir accès aux ressources éducatives de tous les niveaux. Le fait de rattacher la formation à un niveau devient alors discriminatoire. En effet, dans ces régions, les commissions scolaires sont beaucoup plus présentes que les universités. Les adultes reçoivent donc une formation dite « secondaire », alors que d'autres adultes de régions qui ont plus de ressources peuvent souvent avoir accès à une formation similaire au niveau universitaire. Et l'on connaît la « valeur » sociale attachée à chacun des niveaux d'enseignement.

Les savoirs ne sont pas des autoroutes, ils sont un type de stations de service parmi d'autres le long des autoroutes ; je m'en sers quand j'en ai besoin.

Source: un intervenant au colloque de la C.É.F.A., mai 1981.

De plus, il faut reconnaître que les besoins de la personne sont aussi de plusieurs niveaux et revêtent dans sa vie des significations et des importances diverses(58). Il convient alors de permettre à l'adulte d'aller chercher les réponses à ses besoins là où elles se retrouvent, donc, idéalement, de lui permettre de poursuivre des études à plusieurs niveaux à la fois, si bon lui semble. Il faut, également, promouvoir un décloisonnement horizontal. Il n'est pas possible, actuellement, de suivre des cours, durant une même session, dans deux établissements de même niveau. De telle sorte que, si un adulte désire suivre tel cours dans tel cégep et tel autre cours dans tel autre cégep, il devra choisir un seul cégep et remettre à plus tard son second cours, en espérant qu'il lui soit possible de s'y inscrire à une session ultérieure. Bien sûr, il existe le système des « commandites », mais il manque encore trop de souplesse.

La Commission ne retient pas l'idée d'établir nécessairement un rapport entre un niveau d'enseignement et des capacités intellectuelles à développer. Cette base de rationalisation apparaît fragile, car la détermination d'une mission propre à chaque niveau ne résiste guère à l'analyse, si l'on tient compte des capacités intellectuelles à développer aux niveaux primaire, intermediaire ou supérieur. Il n'existe pas, à l'heure actuelle, de critères suffisants pour juger de tout ce qui est d'un niveau scolaire plutôt que d'un autre. On les juge, les uns par rapport aux autres, par rapport à des fonctions, ou encore en fonction de l'histoire ou de l'état de nos connaissances. Il y a des niveaux aussi, parce qu'il y a une carence dans nos connaissances en didactique. Ainsi, il fut un temps où la théorie des ensembles s'enseignait au niveau universitaire; puis, à l'analyse, on s'aperçu que c'était la base de la logique et cette théorie est maintenant enseignée au premier cycle du primaire.

Nous ne nions pas l'importance des niveaux au point de vue administratif, mais affirmons l'importance de pouvoir, au plan individuel, orienter les adultes selon leurs besoins. D'ailleurs, on pourrait affirmer que l'éducation des adultes est « transniveaux ». Si l'on privilégie « l'approche problèmes » à « l'approche situation de vie », un adulte a, la plupart du temps, des besoins éducatifs qui renvoient à différents niveaux de formation.

Reconnaissant cette réalité, bien des services d'éducation des adultes ont organisé, afin d'établir un rapport entre le savoir théorique et le savoir d'expérience, des cours d'appoint, des séminaires d'intégration ou des modules de rattrapage: toutes choses qu'on peut relier à un encadrement adéquat et décloisonné des étudiants.

Cette conception unique signifie qu'au-delà des différences de personnalité, d'opinions et de compétences, naturelles et nécessaires, on reconnaît à chaque individu la même valeur humaine intrinsèque et les mêmes droits à recevoir le plus haut degré d'éducation qui lui convient et à s'accomplir dans les voies qu'il a choisies.

Source: L. d'Hainault, « L'interdisciplinarité et l'intégration », dans Éducation permanente et perfectionnement des enseignants, annexe VIII, Université de Montréal, Faculté d'éducation permanente, p. 174.

Il ne s'agit pas, cependant, d'affirmer que tous les niveaux doivent offrir le même type d'enseignement, mais de comprendre que « les fins ultimes sont communes pour l'ensemble du système éducatif, qu'il s'agit de construire la société selon une conception unique de l'homme.(59)

Si l'on vise l'intégration (horizontale et verticale) et la cohérence, il importe de définir une politique globale commune et de focaliser tous les aspects de l'éducation sur les fins définies conformément à cette politique globale (60). Il importe également d'établir des ponts facilitant aux individus le passage d'un niveau à un autre. Dans cette perspective, les différents organes de l'éducation auront, bien entendu, des fonctions propres, mais celles-ci seront des contributions spécifiques à la réalisation des fins communes et seront mutuellement cohérentes, car elles découleront d'une répartition harmonieuse de l'effort global d'éducation. Le degré de centralisation du système éducatif, décidé dans la politique éducative, déterminera le niveau où se définira et se coordonnera cette politique globale commune; il déterminera aussi ses limites et sa portée. Dans un système très centralisé, la politique de globalisation et de coordination sera l'affaire de l'État; dans un système très décentralisé, elle se fera au niveau local; il sera alors indispensable de créer un organisme de coordination favorisant la cohérence entre les actions éducatives menées dans les différents sous-systèmes locaux.(61)

Le coût d'une coordination des efforts dispersés n'est rien comparé aux économies que permet de réaliser une approche intégrée d'éducation permanente.

Source: Conseil de l'Europe, Actualité d'une politique d'éducation permanente, « Le programme de Sienne », Strasbourg, 1980, p. 34.

La Commission retient un système décentralisé. C'est pourquoi elle entend proposer des mécanismes de concertation sans lesquels le décloisonnement des niveaux d'enseignement n'apparaît pas possible. La concertation permettrait également de développer de multiples relations entre les ressources éducatives institutionnelles et non institutionnelles(62). Nous en reparlerons(63).

Prenons un exemple pour illustrer une forme de décloisonnement qui appelle la concertation: les cours d'anglais, langue seconde. L'organisme central de l'éducation des adultes, ayant défini les objectifs et le contenu d'un cours d'anglais langue seconde, pourrait déterminer à quel niveau ce cours sera « crédité ». Au plan régional, les différents intervenants, selon les critères qu'ils se sont donnés, s'entendraient pour confier ce cours aux ressources disponibles et compétentes.

4.1.2.3 Des formations décloisonnées

Des cloisons amovibles

Ces réflexions sur la compartimentation des savoirs en programmes et/ou disciplines et sur la structuration du système scolaire en niveaux nous amènent à proposer une nouvelle distinction basée, non pas sur des mécanismes de transmission de connaissances, mais sur les besoins exprimés par les individus et les groupes, en tenant compte, de la « globalité » de l'être humain. Nous avions déjà posé les jalons de cette réflexion dans les Hypothèses de solutions; nous l'avons poursuivie à la lumière des commentaires que nous avons reçus. Et, finalement nous retenons la distinction suivante: l'éducation des adultes devrait offrir à ses clientèles une « formation académique » et une « formation par projet ». Nous allons définir ce que nous entendons par chacun de ces types de formation mais auparavant nous tenons à souligner que le premier constitue un ensemble standardisé et normatif, le second un ensemble plus ouvert et qu'il existe une intersection entre les deux ensembles. Nous avons tenté de favoriser une souplesse structurelle non seulement destinée à permettre à l'éducation des adultes de s'harmoniser avec l'évolution des besoins de la société, mais aussi à donner à chaque individu la possibilité de s'éduquer en vue de son développement personnel.(64)

Nous définissons deux champs de pratique de l'éducation des adultes: la formation « académique » et la formation « par projet ». Nous retenons trois points d'origine et, conséquemment, trois zones principales de réinvestissement:

Rappelons que nous avons retenu au niveau des contenus, la formation générale et la formation reliée à l'emploi et que nous avons expliqué dans la deuxième parti de ce rapport ce que nous entendons par formation de base.

A) La formation « académique »

Un équipement standard

Ce type de formation regroupe la formation « standardisée », entendue dans le sens de « répondant à des standards nationaux ». Les objectifs et les contenus de la « formation académique » peuvent être définis et élaborés par la concertation école-milieu, au niveau régional, selon des besoins spécifiques de formation et de développement, mais ils doivent obtenir une reconnaissance nationale officielle et ceci, principalement pour deux raisons: assurer un niveau de qualité et normaliser la « certification » qui s'y rattache. Car la « formation académique » a aussi comme caractéristique d'être toujours créditée. Elle est très proche de la formation offerte aux jeunes au niveau des objectifs. Les améliorations souhaitées pour ce type de formation s'appliqueraient éventuellement aussi aux jeunes, comme nous l'avons mentionné dans la partie sur la formation de base.

L'étude des besoins et l'organisation régionale de la « formation académique » devraient s'opérer au niveau de régions assez grandes (selon les découpages que se donneront les régions), parce qu'elle vise à remplir, somme toute, le bassin sociétal des besoins des marchés de travail. Une lecture macrorégionale nous apparaît plus sérieuse et plus cohérente.

De façon globale, la « formation académique » respecte la structure des niveaux du système scolaire à cause de la « certification » qui s'y rattache. Mais cela n'exclut pas la possibilité, après entente au niveau de la région, que les équipements et les ressources humaines des différents niveaux soient utilisés. L'on verra plus loin comment la participation des adultes s'organise à l'intérieur de ce type de formation(65).

Sans exclure des approches destinées à résoudre à court terme des situations particulières, les actions d'éducation technique ou professionnelle devraient, en règle générale, tendre à favoriser l'acquisition d'une qualification suffisamment large pour faciliter les adaptations ultérieures, et permettre une compréhension critique des problèmes de la vie de travail. L'enseignement technique et professionnel devrait intégrer la formation générale et civique.

Source: Unesco, Recommandations sur le développement de l'éducation permanente, février 1980.

Un équipement sur mesure

Quand j'apprends, c'est pour survivre, pour vivre, pour comprendre, pour avoir du pouvoir sur ma vie, mon environnement, pour comprendre les autres. Pour moi c'est le postulat de départ et c'est la finalité. J'apprends, un groupe apprend, un collectif apprend parce qu'il en a besoin pour avancer, pour résoudre les problèmes, pour survivre, pensons à la Gaspésie, etc. Quand on parle de pédagogie du projet j'ai le sentiment que cela n'est pas seulement le projet de formation, mais le projet de vie, le projet d'action. Je pense que cela demeure sur une bonne piste pour tuer les distances.

Source: un intervenant au Colloque de la C.É.F.A., mai 1981.

La formation « académique » des adultes s'inscrit dans le continuum des formations « générale » et « reliée à l'emploi » définies précédemment. Cette formation « académique » ne peut que s'enrichir du décloisonnement des formations que nous avons proposé.

B) La formation « par projet »

La formation par projet se définit comme des services éducatifs qui ont la caractéristique d'être « ad hoc » ou ponctuels. Elle vise à rendre les adultes capables de choisir en fonction des problèmes spécifiques qu'ils vivent à un moment donné, à acquérir les habiletés et les connaissances dont ils ont besoin pour assumer les responsabilités afférentes à leurs divers rôles sociaux.

Les activités de formation par projet peuvent se situer dans le domaine professionnel ou personnel tout autant que dans le domaine de la vie communautaire. Les individus ou les groupes peuvent avoir besoin d'une formation « ad hoc » dans leur coopérative d'habitation ou dans leur rôle de parents ou dans leurs fonctions d'inhalothérapeute etc. Ces activités peuvent être créditées. En effet, si le projet d'un individu ou d'un groupe correspond aux objectifs et au contenu d'un cours offert en « formation académique », il n'y a pas de raison pour que son (ou leur) projet n'obtienne pas les crédits rattachés à ce cours, une fois les objectifs atteints. Par exemple, si des membres d'une coopérative d'habitation ont besoin d'un cours de base en comptabilité, qui fait partie d'un programme de formation « académique » en techniques administratives, pourquoi ne pourraient-ils pas le suivre là où ils veulent et obtenir la reconnaissance des crédits puisqu'ils ont suivi la même démarche que tout autre adulte inscrit à ce cours. Seuls diffèrent le secteur de réinvestissement des acquis et la méthodologie de l'activité centrée sur le projet du groupe.

La formation par projet s'avère la zone réelle de formation continue des adultes.

Les actions d'éducation des adultes s'inscrivent dans la perspective de l'éducation permanente ne connaissent pas de frontières théoriques et répondent aux situations particulières que créent les besoins spécifiques du développement, de la participation à la vie collective et de l'épanouissement individuel ; elles intéressent tous les aspects de la vie et tous les domaines de la connaissance et s'adressent à tous, quel que soit leur niveau d'instruction.(66)

Les participants à une activité de formation par projet constitueront, plus souvent qu'autrement, des groupes homogènes; le point de départ étant une situation vécue par un même groupe de personnes. Mais il n'est nul besoin de faire partie d'un groupe dûment constitué pour demander ou participer à de telles activités.

Les mécanismes de concertation régionale ou locale auront ici un rôle fort important à jouer. En effet, la formation par projet fait appel à toutes les ressources éducatives d'un milieu. C'est le genre de besoins de formation qui nécessitent un ancrage beaucoup plus total que la « formation académique », dans des régions plus petites répondant à des « microbesoins », professionnels ou autres. Ces besoins demandent des réponses instantanées et des mécanismes de gestion rapide, quasi immédiate. Il serait en effet ridicule et tout à fait inefficace de prendre deux ans pour élaborer un contenu de cours destiné à répondre à un besoin ponctuel en matière de formation.

Certains établissements scolaires ont commencé à travailler dans le sens de la formation par projet en identifiant des clientèles ayant des besoins particuliers (les analphabètes, les femmes qui veulent réintégrer les marchés de travail ...). Il a fallu inventer de nouveaux modèles, de nouvelles approches, telle la formation sur « mesure », dont nous parlerons dans le chapitre concernant les approches pédagogiques. Ce sont là des règles du jeu qui disent comment la ressource principale, celui qui apprend, et les ressources d'appoint, ceux qui sont là pour aider à apprendre, peuvent se mettre en relation, se respecter mutuellement et viser à des apprentissages plus fonctionnels.(67)

Nous avons dit ci-dessus que la formation par projet serait « créditable » lorsqu'elle offrirait des contenus équivalents à ceux de la « formation académique ». Elle serait alors reconnue et le participant pourrait obtenir des « crédits d'éducation continue »(68). Ces crédits ne seraient identifiés à aucun niveau institutionnel. Ce système s'apparenterait, en quelque sorte, à celui des cours complémentaires institutionnels mis sur pied par certains cégeps et qui sont reconnus par le M.E.Q. Il faudrait, de plus, prévoir des « arrimages » et des équivalences par un système cohérent de reconnaissance.

Donc, qu'un groupe se donne une formation en comptabilité pour les fins de son fonctionnement, ou que des individus aient besoin d'un programme de perfectionnement se rapportant à leur formation de base, qui s'est modifiée à cause de nouvelles techniques ou technologies, la question du niveau où se donnera cette formation ne se poserait donc plus. Ils pourraient aller chercher la réponse à leurs besoins là où l'on peut y répondre et les crédits qui leur seront accordés sont considérés comme des crédits d'éducation continue sans égard au niveau de cette formation. Et si un jour un individu, qui a suivi un cours de comptabilité pour une coopérative d'habitation, décidait de poursuivre une formation de commis-comptable, il pourrait récupérer ces crédits en se prévalant d'une équivalence pour son cours de comptabilité dans le cadre d'une formation académique en techniques administratives.

Il n'est pas question, pour la Commission de confier le monopole de la formation par projet à l'école. Les besoins des adultes, qu'ils soient personnels, communautaires, sociaux ou culturels peuvent trouver des réponses ailleurs qu'à l'école: les services des loisirs des municipalités, les coopératives, les O.V.E.P., etc., sont aussi des interlocuteurs valables. Comment permettre à l'adulte de choisir l'organisme qui répondra le mieux à son (ou ses) besoin(s)? Comment se faire reconnaître ses crédits d'éducation continue? Un service d'accueil et de référence devrait pouvoir répondre à ces questions.

Mais avant d'aborder ce sujet, nous aimerions apporter une dernière précision sur cette nouvelle distinction que nous proposons. Il n'est pas question de décloisonner le monde de l'éducation des adultes pour le « recloisonner » autrement. Il nous semble que cette proposition concernant les formations décloisonnées répond davantage aux besoins des adultes et aux besoins de l'éducation des adultes elle-même qui est appelée à suivre, et parfois à devancer, l'évolution de la société dans laquelle elle s'inscrit. Ce sont les avenues qui nous semblent prometteuses pour l'avenir et qui rejoignent d'ailleurs certaines dimensions de la réflexion internationale sur le sujet.

4.1.3 Des centres de service d'aide aux adultes

Un éclairage multidirectionnel

Une éducation des adultes qui est axée sur les besoins, qui entend contribuer à combattre les facteurs qui entravent l'épanouissement et le développement de l'homme, est une éducation des adultes dans laquelle le choix ne peut être laissé au hasard et dans laquelle la sélection ne saurait être opérée exclusivement parmi ceux qui savent ce qu'ils veulent et comment l'obtenir. Dans ces conditions, la guidance et l'orientation ne sont pas des atouts facultatifs, mais constituent un élément essentiel des structures à mettre en place.

Source: Conseil de l'Europe, Développement de l'éducation des adultes, Strasbourg, 1980, p. 64.

Le savoir et les capacités de l'utiliser sont devenus des facteurs décisifs de pouvoir. Et l'évolution actuelle des modes de production, de stockage et d'utilisation du savoir renforce l'appropriation de cette ressource stratégique par les pouvoirs économiques et politiques.(69) Le décloisonnement des formations et des lieux de formation appelle le décloisonnement des services offerts aux adultes, ou encore des possibilités élargies d'accès à l'information et de là au savoir.

(...) la mise sur pied de services par lesquels les adultes apprennent à mieux identifier leurs problèmes et les pistes de solutions afférentes. À cet égard, le développement de service d'accueil et de référence centrés sur le « client » dans sa globalité nous apparaît être le premier jalon assurant le décloisonnement de la formation.

Source: Ministère de l'Éducation, D.G.E.A., Education et développement, Avis à la C.É.F.A., mai 1981, p. 47.

La Commission entend proposer la mise sur pied de centres de services d'accueil et de référence aux adultes pour les aider à élaborer un projet de formation. Des expériences sont en cours dans ce domaine dans plusieurs commissions scolaires. Elles sont à poursuivre, à améliorer. La Commission souhaite que de tels services soient systématisés et généralisés.

4.1.3.1 Les fonctions des services d'aide aux adultes qui ont un projet d'éducation

Un phare anti-brouillard

Quelle que soit la démarche entreprise par l'adulte ou le groupe, les besoins de formation sont envisagés en fonction d'un projet concret: développement personnel, social, communautaire, professionnel. Aussi, le recours à des activités de formation est-il considéré comme un moyen pour parvenir à une fin, comme un outil de développement de ressources humaines, afin de mieux assumer ses rôles et ses fonctions. À cette fin, l'ensemble des systèmes de formation des adultes doit assurer

La Commission estime que, présentement, ces objectifs sont loin d'être des réalités pour tous et toutes(71). Plusieurs éléments sont ici en cause et ont été évoqués plus haut; qu'il soit permis d'en rappeler quelques-uns.

La situation actuelle des services de consultation donne lieu à des situations bizarres: pour avoir droit aux services, il faut déjà être client de l'organisme: or, c'est précisément pour être en mesure de choisir quel programme et quel organisme peut répondre aux besoins que des services de consultation sont nécessaires. C'est surtout avant et afin de faire un choix que ces services doivent être disponibles; après, le bénéficiaire est déjà engagé dans une option et les conditions de la pratique professionnelle sont, sinon moins biaisées, du moins nettement plus restreintes.

4.1.3.2 Des services à offrir

Lorsque survient une situation qui amène un individu, une entreprise ou une association, à envisager un projet de formation(74), plusieurs questions se posent, qui doivent obtenir une réponse adéquate.

4.1.3.2.1                Les individus

Il existe environ 40 000 occupations différentes ; 2 000 programmes de formation y donnent accès. Le niveau secondaire offre 212 programmes de formation professionnelle aux jeunes ; moins de 60 sont présentement disponibles aux adultes et ils sont morcelés en 177 sous-spécialités. Comment y voir clair sans aide ?

Source: Annexe fédérale-provinciale sur la formation professionnelle par titre de cours 1981-1982.

Les adultes qui, dans une démarche individuelle, ébauchent un projet de formation, doivent:

4.1.3.2.2                Les entreprises

Les divers partenaires (direction, service du personnel, syndicat, employés) qui participent à un projet de formation dans un milieu de travail doivent(75):

4.1.3.2.3                Les associations

Les membres et les responsables d'associations, de groupes et d'organismes doivent, pour leur part:

Habituellement, ces besoins des individus, des entreprises et des organismes, ont un caractère d'urgence, exigent une capacité de décision réaliste, active et éclairée; les solutions recherchées doivent être accessibles et les coûts abordables: durée, argent et énergie. Toutefois, rares sont ceux qui connaissent les réponses à ces questions, ou quelles démarches entreprendre pour les obtenir !

4.1.3.3 La fonction d'information

Pour une information large, intéressante et désintéressée.

Comme les activités de formation sont entreprises en vue d'un meilleur accomplissement des rôles sociaux ou en fonction d'une occupation sur les marchés de travail, il est nécessaire que soient aussi corrigées des informations sur l'état de ces marchés, les différentes occupations et les contextes sociaux. Ces informations doivent être accessibles tant aux citoyens qu'aux professionnels affectés aux services d'accueil et de référence et aux autres personnels des organismes.

Mais entrez, voyons!

La démarche de « retour aux études » résulte d'une volonté de changement et se vit habituellement lors d'une période de vie perturbée; les personnes sont alors confrontées à une multitude d'alternatives et sont souvent paralysées : un support professionnel devient nécessaire pour parvenir à une décision profitable et réaliste.

L'information étant une voie d'accès primordiale aux ressources éducatives appropriées, il importe d'en assurer une large diffusion. Il ne s'agit pas de stimuler la vente ni de promouvoir les activités, mais de rendre disponibles les données concrètes relatives aux diverses possibilités de formation offertes aux personnes, entreprises et associations d'une région. Ces informations doivent couvrir toutes les ressources et tous les programmes(76), de même que leurs conditions concrètes de fonctionnement et d'accès; il faut donc en assurer une collecte et une diffusion sur une base régionale.

4.1.3.4 Des services d'accueil et de référence(77)

Pour tenir compte des besoins énumérés ci-dessus, il est nécessaire d'offrir à l'ensemble des citoyens (personnes, groupes, entreprises) des services de consultation qui les aideront à choisir adéquatement les activités et services de formation appropriés à leurs besoins et à leurs conditions. Ces services de consultation doivent permettre aux adultes :

Au cours d'une vie d'adulte, une personne change de plus en plus souvent d'emploi. Ces changements exigent très fréquemment une ou des périodes de formation. Ces changements peuvent remettre en cause l'identité professionnelle: les enjeux deviennent alors majeurs, et l'aide est extrêmement nécessaire.

Le modèle décrit ici consiste à recevoir l'adulte individuellement, ou l'entreprise ou l'association, non pas comme un éventuel consommateur d'un produit de formation, mais comme quelqu'un en voie de réaliser un projet pour lequel il a besoin d'aide. Il s'agit donc d'abord d'explorer la situation globale et d'identifier quel type de projet pourrait y répondre, de vérifier si le projet de formation convient aux besoins, aux aspirations, au contexte social; il s'agit aussi de lui fournir l'information sur les diverses ressources disponibles (et non seulement celles d'un secteur), de l'aider à faire le choix le plus avantageux et, éventuellement, de le supporter dans ses démarches(78).

Bien sûr, chacun n'a pas besoin d'un conseiller pour l'aider chaque fois à faire cette démarche. Au contraire, dans la très grande majorité des cas, ces étapes sont franchies de façon autonome. Il arrive souvent, cependant, qu'on ait besoin d'une aide ponctuelle pour l'une ou l'autre d'entre elles. Et il arrive presque inévitablement pour plusieurs d'entre nous qu'au cours d'une vie, une aide plus soutenue soit nécessaire...(79)

Les résultats des services d'accueil et de référence s'expriment en motivation accrue, en choix plus judicieux, en poursuite de formation jusqu'à terme, en étapes inutiles évitées, en baisse du taux d'abandon et de découragement, en atteinte plus rapide des objectifs personnels.

Si des services réussissaient à diminuer de moitié les quelque 20% d'étudiants adultes inscrits à une activité inutile pour eux ou qu'ils abandonnent avant la fin, le Québec n'économiserait pas 10% du coût des heures-formation... mais augmenterait de 10% le nombre de citoyens qui, eux, profiteraient des ressources investies en formation. Il y a là un choix social à faire.

À titre d'exemple: lors d'expérimentation en accueil et référence, un centre de formation, plutôt que de démarrer avec trois groupes de 20 étudiants — dont le nombre total risquait de chuter à 38 au bout de quatre semaines. — n'a constitué que deux groupes de 20 étudiants qui ont tous complété leur formation à trois exceptions près, les 24 heures de services professionnels dispensés en accueil et référence ayant économisé à l'organisme 45 heures-formateur et évité à 20 personnes une perte de temps et d'argent.

Les services d'accueil et de référence sont disponibles sur demande des usagers et ne sont pas des étapes obligatoires à franchir: par conséquent, tous et toutes n'y recourent pas mais seulement, ceux et celles(80) qui ont réellement besoin d'aide: l'essentiel demeure d'assurer à chacun les outils pour prendre les décisions les plus judicieuses. La fonction d'accueil et de référence assumée efficacement permet effectivement une économie de moyens pour les citoyens et une rentabilisation des ressources pour les organismes (81).

Des citoyens dont l'objectif est clair, qui perçoivent judicieusement le sens de la formation qu'ils se donnent, dont les choix sont ajustés à leurs besoins, à leurs contextes, à leurs possibilités, parviennent à leurs fins plus rapidement, plus efficacement, « décrochent » moins souvent, évitent les étapes inutiles et ainsi épargnent temps, argent et énergie... et utilisent leurs apprentissages. Les organismes éducatifs, de leur côté, évitent les groupes surchargés d'étudiants « mal classés », réduisent leurs taux d'abandon et mettent en marche les seuls cours utiles ou nécessaires.

La Commission est d'avis qu'il faut investir de façon vigoureuse quantitativement et qualitativement dans ces fonctions. Au delà d'un seuil minimal de services, le volume des demandes est trop élevé pour les ressources disponibles. Dès lors, il ne se fait plus d'accueil et de référence centré sur les personnes et la nécessité d'apporter une réponse adéquate à leurs besoins, mais plutôt une vérification de l'ajustement des besoins aux offres de services (en choisissant des personnes dont le besoin correspond à l'offre de services): ce qui renforce le maintien des organismes au détriment des personnes, les moyens étant devenus la fin.

L'organisation des fonctions d'information, d'accueil et de référence et des services de soutien à la formation est décrite dans le deuxième chapitre de la sixième partie du présent rapport.

Conclusion

Nous l'avons dit en début de chapitre, le décloisonnement de l'éducation des adultes est un projet très vaste. Il requiert la collaboration de tous les intervenants des différents milieux: il les concerne tous. Il s'inscrit essentiellement dans une démarche d'éducation permanente. Cette démarche appelle des transformations majeures sans lesquelles l'éducation des adultes risque fort de se scléroser. Ces transformations sont tantôt des innovations, tantôt des approfondissements de pistes déjà explorées mais demeurées marginales.

La Commission souhaite que les ressources éducatives dont dispose la société québécoise soient mises au service de l'adulte, et centrées sur son développement. Elle est aussi consciente que le décloisonnement, souhaité par la plupart des intervenants en éducation des adultes, doit s'appuyer sur des mécanismes opérationnels de reconnaissance des acquis, scolaires et non scolaires(82), et de concertation régionale (83) et ce, dans une perspective du développement individuel et collectif des Québécois et des Québécoises.

Nous ne prétendons pas avoir fait ici le tour de cette difficile question ni avoir tracé la seule voie possible de décloisonnement de l'éducation des adultes. Nous croyons, cependant, que les orientations énoncées méritent d'être retenues et les expériences actuellement en cours poursuivies et généralisées dans les années à venir.

Notes

  1. B. Schwartz, Égalisation, globalisation, participation, dans Éducation des adultes, Université de Genève, 1979, p. 136.
  2. Gaétan Daoust et Paul Bélanger, L'université dans une société éducative, Presses de l'Université de Montréal, Montréal, 1974, p. 98.
  3. Ibid., p. 197.
  4. Conseil de l'Europe, Développement de l'éducation des adultes, Strasbourg,1980, p. 56.
  5. Ibid., p. 53.
  6. Idem.
  7. Un intervenant au colloque de la C.É.F.A., le 27 mai 1981.
  8. Conseil de l'Europe, Développement..., op. cit., p. 65.
  9. Ibid., p. 61.
  10. Voir le chapitre 3 de la quatrième partie, La transformation des pratiques pédagogiques
  11. Gouvernement du Québec, Direction générale de l'éducation des adultes, Education des adultes et développement. Avis à la C.É.F.A., mai 1981, p. 76.
  12. Conseil de l'Europe, Actualité d'une politique d'éducation permanente, « Le programme de Sienne », Strasbourg, 1980, p. 17-18.
  13. Voir la première partie du rapport.
  14. Michel Pichette, « Le décloisonnement des savoirs, un nouveau paradigme », Le Devoir, 28 août 1981.
  15. Conseil de l'Europe, Actualité..., op. cit., p. 25.
  16. Ochs, R., dans L. d'Hainault, «L'interdisciplinarité et l'intégration» dans éducation permanente et perfectionnement des enseignants, annexe VIII, Faculté d'éducation permanente, Université de Montréal, p. 176.
  17. L. d'Hainault, L., op. cit., p. 174.
  18. Michel Pichette, op. cit.
  19. L. d'Hainault, op. cit., p. 175.
  20. Institut canadien de l'éducation des adultes, L'école publique et la promotion collective, no 3, octobre 1980, p. 15.
  21. Ibid., p. 15-16.
  22. Ibid., p. 16.
  23. Le programme fédéral de la formation de main-d'oeuvre du Canada (P.F.M.C.),le réseau du  ministère  de  l'Éducation du  Québec,   les programmes  privés  de formation dans les entreprises.
  24. Institut canadien de l'éducation des adultes, Mémoire présenté à la C.É.F.A.,décembre 1980, p. 40.
  25. Ibid., p. 41.
  26. Ibid., p. 41-42.
  27. Le fait qu'on ait voulu constituer dans un dossier la politique de l'enseignement professionnel des jeunes est assez significatif à cet égard.
  28. Institut canadien de l'éducation des adultes, L'école publique et la promotion collective, no 2 octobre 1980, p. 8.
  29. Gaétan Daoust et P. Bélanger, op. cit., p. 196.
  30. Institut canadien de l'éducation des adultes, L'école publique et la promotion collective, no 4, octobre 1980, p. 5.
  31. Ce sujet a été développé au chapitre 3 de la troisième partie. Nous voulions souligner ici un cloisonnement de plus.
  32. La participation des adultes au système scolaire et au monde du travail est élaborée dans la cinquième partie du rapport.
  33. Conseil de l'Europe, Développement..., op. cit., p. 108-109.
  34. Voir le chapitre 3 de la quatrième partie, La transformation des pratiques pédagogiques
  35. Gouvernement du  Québec,  Direction générale de l'éducation des adultes, op. cit., p. 48.
  36. Ibid., p. 72.
  37. Gaétan Daoust, Paul Bélanger, op. cit., p. 98.
  38. Idem.
  39. Ibidem., p. 190.
  40. Ministère de l'Éducation, Les collèges du Québec, nouvelle étape, projet du gouvernement du Québec à l'endroit des cégeps, Québec 1978, p. 40.
  41. Faculté d'éducation permanente de l'Université de Montréal, Mémoire présenté à la C.É.F.A., appendice VI, décembre 1980, p. 22.
  42. Gouvernement du Québec, D.G.E.A., Education..., op. cit., p. 46.
  43. Conseil de l'Europe, Développement..., op. cit., p. 35.
  44. Gaétan Daoust et Paul Bélanger, op. cit., p. 186.
  45. (45). R. Faist, J. Jacob, M. Rolant, « Enquête », dans la revue Esprit, no 10, octobre 1974, p. 495.
  46. Gaétan Daoust et Paul Bélanger, op. cit., p. 146.
  47. Conseil de l'Europe, Organisation, contenu et méthodes de l'éducation des adultes, Strasbourg, 1977, p. 16.
  48. Unesco, Recommandation sur le développement de l'éducation des adultes, février 1980.
  49. Idem.
  50. Conseil de l'Europe, Actualité d'une politique, op. cit., p. 25.(51)
  51. Un intervenant au colloque de la C.É.F.A., mai 1981.
  52. Gaétan Daoust, De l'éducation des adultes à l'éducation permanente, texte rédigé à la demande du Conseil des universités, février 1971, p. 21-22.
  53. Projet Laval, L'accès permanent à l'Université Laval, Rapport du groupe de travail sur l'accès permanent à l'université, avril 1981, p. 75.
  54. Ibid., p. 76.
  55. L. d'Hainault, op. cit., p. 172.
  56. Commission d'étude sur les universités, Comité d'étude sur l'organisation du système universitaire, première partie, p. 88-89.
  57. L. d'Hainault, op. cit., p. 174.
  58. Gaétan Daoust, Paul Bélanger, op. cit., p. 190.
  59. L. d'Hainault, op. cit., p. 174.
  60. Ibid., p. 171.
  61. Idem.
  62. Gaétan Daoust, Paul Bélanger, op. cit., p. 170.
  63. Voir chapitre 5.4.
  64. Conseil de l'Europe, Organisation, contenu et méthodes de l'éducation des adultes, Strasbourg, 4 février 1977, p. 44.
  65. Cinquième partie, chap. 2.
  66. Unesco, Recommandation sur le développement de l'éducation des adultes, février 1980.
  67. Un intervenant au colloque de la C.É.F.A., mai 1981.
  68. Le crédit d'éducation continue est détaillé au chapitre suivant portant sur la reconnaissance des acquis.
  69. Institut canadien de l'éducation des adultes, Mémoire, op. cit., p. 28.
  70. Qu'ils soient pris individuellement, regroupés ou en association ou dans une entreprise.
  71. Voir la troisième partie du rapport.
  72. La tournée régionale de la Commission a permis à des milliers d'adultes d'exprimer leur mécontentement face à cette situation.
  73. Ces « portes » étant sectorisées selon les multiples structures et programmes qui se sont développés en parallèle et sans souci d'ensemble.
  74. Que ce soit une courte activité de perfectionnement ou un long programme de formation systématique.
  75. II ne s'agit pas ici de décrire l'ensemble des conditions nécessaires au succès de la formation en entreprise, mais de signaler les questions préalables à la décision.
  76. ... disponibles aux citoyens du territoire, par conséquent les ressources régionales et nationales (v.g.: enseignement à distance, programmes non offerts sur le territoire...), autant des organismes publics que privés, des institutions de formation que des organismes culturels et des associations volontaires.
  77. La Trousse de sensibilisation à l'accueil et référence, élaborée à la suite du projet expérimental mené dans cinq commissions scolaires, fournit des détails sur le sujet: (Doc. no 38-3628 de la D.G.E.A.).
  78. II s'agit de services de consultation essentiellement différents des services de placement ou de recherche d'emploi dont l'objectif est de réaliser le meilleur ajustement entre une personne, considérée comme main-d'oeuvre disponible, et un emploi,  une occupation professionnelle; à ce stade, l'identité professionnelle, le choix du métier et les compétences sont déjà acquis, alors que ces éléments sont en position d'instabilité lorsque les personnes ont besoin des services d'accueil et de référence.
  79. On peut estimer que sur 10 personnes, 4 n'auront besoin d'aucune aide, 2 se satisferont d'une communication téléphonique aux services de consultation, 2 auront besoin d'une information plus détaillée et, enfin, 2 auront besoin d'une aide plus prolongée et plus approfondie.
  80. Pour certains secteurs de formation cependant, des gestes d'information spécifiques demeurent nécessaires pour tous ceux qui désirent s'y inscrire.
  81. Voir, à ce sujet, la sixième partie du rapport.
  82. Chapitre 2 de la quatrième partie.
  83. Chapitre 4 de la cinquième partie.

Chapitre 2

4.2 La reconnaissance des acquis: un point de départ et d'arrivée du décloisonnement

Introduction

La reconnaissance des acquis : charnière de tout système d'éducation décloisonné, lieu de confrontation des milieux.

La reconnaissance des acquis est un élément essentiel du décloisonnement de l'éducation des adultes. Son projet incite à des transformations importantes dans le système éducatif en particulier (déscolarisation et modification du rôle des éducateurs), mais aussi dans la société en général (politique d'embauché, valorisation mutuelle des différents « mondes »). Le problème de la reconnaissance des acquis de l'adulte, posé dans une perspective d'éducation permanente, ou dans un contexte d'éducation décloisonnée, concerne tous les intervenants en matière d'éducation. Et c'est souvent une question de concertation entre le monde du travail et le monde scolaire, le monde scolaire et les organismes populaires, les différents niveaux d'enseignement, les différentes entreprises ou champs d'activité du monde du travail, le monde culturel, etc. C'est aussi une question qui change d'aspect selon la vision que l'on a de l'éducation des adultes. Bien sûr, il existe une école de pensée dont les adeptes sont très souvent fortement scolarisés et qui préconise une société sans diplôme! Mais, la Commission croit que l'on ne peut faire abstraction de la réalité du diplôme au Québec et plutôt tenter de résoudre les problèmes de la reconnaissance des acquis en poursuivant la réflexion et les expériences actuellement en cours au Québec.

Derrière chacun des principaux problèmes de l'éducation des adultes, il y a des groupes qui s'affrontent pour la défense de leurs intérêts, pour la sauvegarde de leurs droits ou privilèges, pour l'atteinte de leurs objectifs. Les discours officiels se ressemblent et rivalisent de noblesse et de générosité. Ils se réclament tous d'une conception de l'homme autonome, responsable, dynamique et créateur de la société démocratique, égalitaire et progressive.

Source: Conseil supérieur de l'éducation, Contribution à l'élaboration d'une politique globale de l'éducation des adultes (intervention auprès de la C.É.F.A.), 6 mai 1980, p. 11.

Ce problème constitue toujours une zone particulièrement sensible et un lieu privilégié pour mesurer le degré de cohérence et de spécificité de tout système d'éducation des adultes.

Source: Le Service de l'enseignement aux adultes du Collège Marie-Victorin, Mémoire présenté à la Commission d'étude sur la formation des adultes, décembre 1980, p. 19.

Les intervenants dans le domaine de l'éducation des adultes sont en général d'accord lorsqu'il s'agit de réclamer la reconnaissance des acquis de formation de l'adulte, mais ils éprouvent certaines difficultés à énoncer « comment » et « quoi » reconnaître.

La reconnaissance des acquis est un des problèmes importants de la société nord-américaine; au Québec, où l'on a tablé sur le « qui s'instruit, s'enrichit », la non-reconnaissance des acquis des adultes devient particulièrement pénalisante pour ces derniers qui souhaiteraient voir reconnues leurs expériences de vie et de travail et leur formation académique antérieure. Il y a deux volets à ce problème. Le premier concerne l'adulte lui-même et le problème se pose alors en termes de non-reconnaissance de ses acquis. Le second touche à la fois celui qui confectionne la reconnaissance puis la personne qui la reçoit (1). Ici, le problème se pose en termes d'évaluation et de reconnaissance sociale et juridique de l'évaluation.

Reconnaître les acquis de formation de l'adulte, c'est aussi redonner à l'éducation des adultes sa place légitime. La valorisation et la légitimation de l'éducation des adultes passent par l'affirmation et la reconnaissance du lien intime entre éducation, d'une part, et action, développement, changement, vie, d'autre part. (2)

Le Conseil supérieur de l'éducation dans son étude intitulée: Pour une mise en question de la reconnaissance des acquis, souligne l'importance de cette question comme charnière de tout système d'éducation lieu privilégié de rencontre de ce système, de l'individu et de la société. (3)

Ce problème touche à la fois l'individu, le système d'éducation et la société. C'est lors de l'admission d'un candidat ou d'une candidate à un cours et/ou à un programme d'études, ou de sa sélection en vue d'un emploi, que se pose le problème de la reconnaissance ou de la non-reconnaissance de ses acquis. C'est lors de la délivrance d'un diplôme, ou lors de l'établissement de la rémunération d'un individu que l'on indique les acquis reconnus et retenus.

L'adulte peut chercher à faire reconnaître ses acquis soit pour accéder à un « savoir », soit pour obtenir un travail ou une promotion salariale, soit pour assumer des responsabilités plus importantes à son travail, soit pour être reconnu socialement, soit, tout simplement, pour faire le point sur sa situation.

Quelle que soit l'importance de ces raisons (invoquées pour expliquer l'importance croissante prise par les titres que délivrent les systèmes d'enseignement formels) elles ont pour résultat net une institutionnalisation croissante du processus éducatif et la prolifération d'un ensemble complexe de procédures destinées à filtrer, trier, classer et étiqueter les étudiants en fonction d'indicateurs prétendument « objectifs » de la réussite des études.(4)

Accepter le principe d'éducation permanente (...) c'est également accepter le concept d'une société où l'on peut acquérir en dehors du système scolaire des connaissances et une expérience parfois aussi valables que celles que sanctionne un diplôme. C'est encore être disposé à tenir compte de la grande diversité des objectifs individuels, des modes d'apprentissage et des cheminements des personnes intéressées à poursuivre des études.

Source: Université Laval, Projet Laval, L'accès permanent à l'Université Laval. Rapport du groupe de travail sur l'accès permanent à l'université, avril 1981, p. 15.

Reconnaître les acquis de formation extra-scolaire ou les acquis d'expérience d'un individu, c'est aussi remettre en question le monopole de l'école sur l'éducation, c'est admettre que l'être humain peut acquérir des connaissances en dehors du système scolaire, que son expérience le « forme » tout autant que les études scolaires. C'est accepter la globalité de l'être humain. C'est pourquoi, la reconnaissance des acquis s'inscrit dans une démarche décloisonnée d'éducation. Elle est essentielle à tout système d'éducation permanente.

Nous avons dit précédemment que le problème de la reconnaissance des acquis en était un de relation entre les différents « mondes » concernés. Nous allons examiner comment le problème se pose et se vit pour les adultes, après avoir donné quelques définitions pour mieux cerner la situation. Puis, nous parlerons des expériences qui se sont faites dans ce domaine et nous tenterons de dégager des orientations qui pourraient inspirer la formulation de possibles solutions.

4.2.1 Quelques définitions

« Les acquis », c'est ce qu'on a appris. « L'évaluation des acquis », c'est un jugement « mesuré ». « La reconnaissance des acquis » c'est un jugement « social et juridique ». La « formation », c'est l'expérience. L'« éducation », c'est le fondement de l'expérience. L'« éducation récurrente », c'est une stratégie.

La Direction générale de l'éducation des adultes (D.G.E.A.) définit ainsi les acquis: Les acquis sont les connaissances, techniques, « habiletés », etc., que possède un individu. C'est ce qu'il a appris.(5) C'est sans doute la définition la plus large, car elle peut englober tout ce qu'un individu a appris, quelle que soit la façon dont il l'a appris.

L'évaluation des acquis a été ainsi définie en milieu « institutionnel » : Action de juger, à partir d'outils de mesure, le degré d'atteinte d'un objectif d'apprentissage. Cet objectif d'apprentissage spécifie des critères ou des normes de maîtrise de connaissances, d'habiletés ou d'aptitudes spécifiques. (6)

Dans le milieu du travail, l'évaluation des acquis peut se définir ainsi: Action de juger, à partir d'outils de mesure, le degré de maîtrise de connaissances, d'habiletés ou d'aptitudes dans des activités et dans un cadre déterminé. (7)

Quant à la reconnaissance des acquis, Elle vient du milieu extérieur qui juge et « reconnaît » une capacité, une habileté quelconque que possède un individu ou un groupe d'individus. La reconnaissance des acquis fait donc appel à une dimension sociale et juridique.(8)

Il serait bon d'ajouter que l'évaluation des acquis peut tout aussi bien être faite par l'école, une corporation professionnelle, ou un employeur. Dans chacune de ces définitions, il s'agit toujours d'acquis formels. Ces définitions laissent entendre que l'évaluation peut provenir du milieu institutionnel et du milieu du travail. Elles permettent déjà de poser la question de l'adéquation entre l'évaluation en milieu institutionnel et en milieu de travail. Elles soulèvent également le problème de l'évaluation des acquis informels qui ne correspondent pas toujours directement aux contenus d'apprentissage tels qu'ils sont énumérés dans un programme de formation.

Une activité de formation est plus que la somme des objectifs d'apprentissage. Elle est un mode d'appréhension de la réalité et d'une situation de développement individuel et social.

Source: Ministère de l'Education, Direction des politiques et plans. Evaluation et reconnaissance des acquis, étude réalisée pour le ministère de l'Éducation du Québec par la firme C.E.G.I.R. inc, mars 1980, p. 32.

L'objectif principal (de l' éducation) doit devenir le plein épanouissement de la personne.

Source: Gaétan Daoust et alii, Éducation et travail, Éditions HMH, Montréal, 1978, p. 248.

Pour sa part, le Conseil supérieur de l'éducation, dans son document Pour la mise en question de la reconnaissance des acquis de formation, donne de la reconnaissance des acquis les définitions suivantes :

Action ou série d'actions par lesquelles on admet officiellement la valeur quantitative et qualitative des acquis de formation d'un individu. (9)

OU

Action ou série d'actions par lesquelles on admet la valeur des sanctions officielles qui attestent la valeur des acquis de formation.(10)

La première définition laisse place à la reconnaissance de toute forme d'acquis ayant une valeur quantitative ou qualitative sans référence à une sanction formelle préalable.

Puisque l'on parle d'acquis de formation, la Commission propose la définition suivante du mot formation: situations, processus, structures et activités qui ont pour objet de favoriser l'acquisition ou le développement des savoirs (connaissances, habiletés, aptitudes) que demande l'exercice d'une tâche ou d'un rôle spécifique.

La formation conduit à la maîtrise d'une certaine compétence qui trouve sa finalité dans l'accomplissement de tâches données telles qu'elles sont recherchées, entre autres, par les marchés du travail. La définition retenue permet, d'une certaine manière, de montrer l'interdépendance de l'éducation et du lieu de réinvestissement lorsqu'on parle de formation. Elle permet également de distinguer la finalité de la formation de celle de l'éducation qui, d'une manière plus large, vise le plein épanouissement des capacités d'un individu ou d'un groupe d'individus. Nous pourrions définir l'éducation comme suit: l'ensemble des situations, processus, structures et activités qui ont pour objet d'aider les individus à acquérir ou à développer des savoirs (connaissances, habiletés, aptitudes).

Une des façons de créer des ponts entre l'école et la société est certainement et, avant tout, de reconnaître, de part et d'autre, les acquis scolaires et d'expérience.

4.2.2 Problèmes généraux

Plusieurs études, que ce soit au Québec, en Ontario, en Alberta, aux États-Unis ou en Europe, ont porté sur la reconnaissance des acquis. Cependant, aucune ne traite de la situation dans son ensemble dans ses dimensions à la fois psychologiques, organisationnelles, sociologiques et économiques. (11)

Les mémoires présentés à la Commission et la consultation que celle-ci a effectuée dans les diverses régions du Québec ont permis de relever un certain nombre de problèmes reliés à la reconnaissance et à la non-reconnaissance des acquis des adultes. C'est ce portrait que nous allons maintenant tenter de brosser.

Le système (de reconnaissance des acquis de formation) assure la réglementation de la qualité de l'enseignement et agit comme mesure de régulation du système d'enseignement. Par l'information qu'il diffuse, il assure la protection du public, tant des consommateurs de diplômes que des employeurs de diplômés. Il agit ainsi comme mesure de régulation du marché de l'emploi. Enfin, il est devenu un des principaux mécanismes de sélection sociale et de régulation du système social.

Source: Conseil supérieur de l'éducation, Commission de l'éducation des adultes, sous-comité sur la reconnaissance des acquis de formation, sous la coordination de C. Noël, L'inflation des diplômes, février 1980, p. 2.

Comme nous l'avons souligné dans l'introduction, le problème de la reconnaissance des acquis est lié aux relations qu'entretiennent l'école et le monde du travail, l'école et la société, etc. On ne peut donc pas, au niveau des problèmes généraux, distinguer ou séparer les problèmes du monde scolaire, de ceux du monde du travail et de la société en général.

La multiplication et la diversification des programmes scolaires tant chez les jeunes que chez les adultes ont conduit à la prolifération des diplômes, des certificats, des attestations qui sont autant de clefs pour l'ascension scolaire ou pour l'accès au marché du travail. À cet ensemble déjà complexe s'ajoutent les permis de pratique qu'octroient les corporations professionnelles et les cartes de compétence attribuées dans le cadre des métiers régis. Cet univers de reconnaissances et d'autorisations constitue la manifestation la plus tangible du lien qui existe entre l'éducation et les impératifs d'une société, entre la liberté intérieure de l'individu qui apprend et les déterminismes extérieurs qui définissent ce qu'il lui faut apprendre pour être reconnu.(12)

II arrive bien souvent qu'on se valorise par son travail: si on demande à quelqu'un « ce qu'il fait dans la vie », il répond en spécifiant la nature du poste qu'il occupe, le genre de travail qu'il accomplit. Par ailleurs, le seuil d'accès à un emploi est, la plupart du temps, à tort ou à raison, défini en termes de scolarité. C'est pourquoi, on constate depuis quelques années une inflation continue des diplômes (13).

4.2.2.1 Les acquis d'expérience

Deux solitudes: les acquis d'expérience et les programmes institutionnels.

Les politiques d'exemptions et d'équivalences sont trop axées sur les diplômes.

Source : Synthèse des mémoires présentés à la Commission d'étude sur la formation des adultes par le monde scolaire, secteur collégial, p. 14. (document interne).

La reconnaissance officielle des apprentissages s'effectue, la plupart du temps, dans le cadre de disciplines bien identifiées, alors que la formation acquise par la vie demeure en marge de la « reconnaissance ». Au Québec, les acquis doivent correspondre aux contenus de programmes et ces contenus n'atteignent pas toujours la spécificité des acquis. Cette situation conduit à une sorte de cul-de-sac, en ce sens qu'on peut difficilement, en pratique, reconnaître un acquis non formel ou informel puisque la correspondance n'est pas totale et parfaite. Il est difficile en milieu institutionnel de répondre de façon efficace aux demandes des marchés du travail. Les programmes de formation qui sont fixés ne peuvent rencontrer la spécificité des demandes. Inversement, la spécificité des acquis provenant de l'expérience de travail n'arrive pas à recouvrir tous les aspects des contenus offerts en milieu institutionnel. Et, comme le faisait remarquer un participant au colloque de la Commission tant qu'il y aura des barrières entre la reconnaissance des acquis scolaires et non scolaires, il n'y aura aucun acquis non scolaire qui sera reconnu. (14)

Dans ses conclusions, la Commission de l'éducation des adultes du Conseil supérieur de l'éducation faisait remarquer que:

Puisqu'il est question ici de « sélection », mentionnons qu'il existe, au Québec, des normes d'admission variables selon les institutions et les régions, et selon les possibilités de recrutement d'étudiants. C'est là, trop souvent, une façon déguisée de contingenter.

Les travailleurs et les travailleuses nous ont fait remarquer que la formation acquise dans l'entreprise n'est pas automatiquement transférable pour fin d'accréditions en milieu scolaire. Les contenus des programmes n'étant pas identiques, il devient difficile d'établir des équivalences.

4.2.2.2   La certification: contrôle de l'école et promotion individuelle

Un autre problème tient au contrôle sévère exercé par l'État. S'il faut reconnaître que, d'une part, cette façon de procéder permet un contrôle de la qualité, elle restreint, d'autre part, les possibilités d'accès à l'éducation. Ceci se vérifie surtout au moment de l'admission à un programme de formation, à un métier, à un nouvel emploi, ou à une nouvelle fonction. Le diplôme devient facteur de discrimination négative, au même titre que le sexe ou l'âge d'un individu. La reconnaissance des acquis profite alors à une couche de la population déjà scolarisée et économiquement avantagée. C'est ce qui ressort d'ailleurs d'une étude sur la reconnaissance des acquis faite pour le compte du ministère de l'Éducation (16)

4.2.2.3   Les acquis de travail non rémunéré

Reconnaître comme acquis non formels uniquement les acquis du travail accentue les inégalités sociales.

Certaines femmes ont fait remarquer que les conditions d'admission aux programmes de la C.E.I.C. étaient rédigées de telle façon qu'elles se sentaient exclues. Il est spécifié qu'une personne doit posséder une expérience préalable sur le marché du travail. De ce fait, les femmes qui sont restées longtemps au foyer se croient automatiquement inadmissibles.

Source: Commission d'étude sur la formation des adultes, Hypothèses de solutions, mai 1981, p. 86.

Le problème de discrimination posé par la reconnaissance des acquis contribue, en quelque sorte, à accentuer les inégalités sociales déjà existantes. Si l'école veut préparer des gens bien adaptés à leur travail et aux rôles sociaux et en même temps promouvoir l'égalité sociale en donnant à chacun sa chance, le problème de la reconnaissance des acquis devient plus épineux. En effet, les acquis non formels les plus susceptibles d'être reconnus sont ceux du travail. Qu'advient-il alors des populations les plus défavorisées qui ont peu d'acquis de travail? Qu'advient-il des femmes au foyer dont le travail n'est pas considéré comme productif? Qu'advient-il des acquis de bénévolat et de l'expérience acquise dans les associations de toutes sortes ou les groupes populaires ?

4.2.2.4 La crédibilité des crédits

Les cours des adultes sont perçus comme des cours au rabais.

Une autre difficulté provient du fait que les exigences en termes de cours à suivre obligatoirement pour l'obtention d'un diplôme ne sont pas toujours les mêmes pour le secteur régulier et pour celui de l'éducation des adultes. Ce phénomène incite de plus en plus de jeunes à interrompre leurs études et à s'inscrire plus tard à l'éducation des adultes où ils n'auront pas à suivre des cours qui leur semblent « inutiles ». Les adultes, de leur côté, considèrent parfois qu'on leur accorde un diplôme au rabais dont la valeur est négligeable sur les marchés de travail. On se plaint du peu de crédibilité qu'ont les diplômes de l'éducation des adultes, et on souhaiterait que les cours du soir soient reconnus et valorisés tout autant que ceux du jour.

Les responsables de l'orientation des clientèles sont-ils mal formés ou mal informés ?

4.2.2.5 Les personnes-ressources

Enfin, les responsables de l'admission ou de l'orientation des clientèles, dans le milieu scolaire ou dans le milieu du travail, ont à composer avec une masse de règlements et de normes, en matière de reconnaissance et d'équivalences, et les informations qu'ils possèdent sur les possibilités d'accueil et les conditions d'admission ne sont pas toujours adéquates. Ce problème vient-il de la formation qu'ils reçoivent, du peu de temps dont ils disposent pour se tenir à jour ou d'un accès limité à l'information pertinente ou d'un manque de communication entre les diverses instances concernées (milieu scolaire, marchés de travail)? Ce qui est certain, c'est que le nombre de professionnels affectés à ces tâches dans les différents services d'éducation des adultes est insuffisant. Ce qui est encore plus certain, c'est que l'harmonisation et la cohérence des divers systèmes sont à faire, ce qui permettrait de fournir à ces professionnels les outils requis en ces domaines et aux adultes, l'information précise sur les modalités de reconnaissance et les systèmes auxquels ils pourraient avoir accès.

4.2.3 Des problèmes spécifiques

4.2.3.1   La formation échappe à l'individu

L'adulte doit laisser à la porte de l'école ce qu'il a appris.

A l'école (...) tout va de haut en bas. La définition des besoins et des objectifs, la programmation, l'allocation de ressources et la reconnaissance des acquis de formation échappent à l'individu et aux instances locales. Ces instances ont comme fonction essentielle d'ajuster les individus et leurs besoins aux réponses prédéfinies. C'est le cas de l'orientation, de la pédagogie et de l'évaluation.(17)

Dans le cas -où l'institution scolaire ne reconnaît pas ces acquis non scolaires, l'adulte doit alors se conformer aux préalables « académiques » normalement exigés pour accéder à un programme. Et si par bonheur des étudiants peuvent faire reconnaître leurs apprentissages non scolaires, les décisions sont souvent aléatoires et arbitraires. Que ce soit avec ou sans reconnaissance des acquis, il n'en demeure pas moins que l'étudiant adulte doit mettre de côté une bonne partie de son expérience de vie et de travail et se plier aux cadres d'apprentissage qui lui sont imposés.

4.2.3.2   La formation et le « monde » du travail

En plus de ne pas être transférable, dans la majorité des cas, pour des fins « d'accréditation » en milieu scolaire, la formation en entreprise pose un certain nombre de problèmes particuliers.

Ainsi, on constate une certaine résistance de l'employeur à offrir une attestation de capacités à ses employés. // arrive que l'employeur craint de perdre son employé ou d'être contraint de lui payer un meilleur salaire(18). Ajoutons que, selon les résultats de notre sondage sur les pratiques de formation en entreprise, la formation qu'il lui arrive de fournir à ses travailleurs et travailleuses durant les heures de travail donne rarement accès à une promotion ou à une augmentation de salaire. C'est effectivement la situation pour 81% des cas où les entreprises de vingt employés et plus donnent une formation durant les heures de travail, comme l'illustre le tableau suivant.

Tableau 34 : Répartition des entreprise selon les activités de formation

De plus, c'est la même situation dans le cas des activités de formation, en dehors des heures de travail, dont les frais de scolarité ont été remboursés en totalité ou en partie par l'employeur. Serait-il utopique de penser que cette situation va changer dans un proche avenir? Actuellement, dans la plupart des cas, la formation ne précède pas la promotion, elle la suit; la dernière justifie la première.

De leur côté, les syndicats reprochent à la formation en entreprise de n'exister qu'en fonction d'une meilleure productivité de l'entreprise et d'une adaptation des travailleurs et des travailleuses. Notre sondage révèle que les syndicats ou autres représentants des employés sont rarement associés à la formation qui se donne dans l'entreprise. En effet, les activités de formation ou de perfectionnement offertes durant les heures de travail ont été, dans 75% des cas, mises sur pied par l'employeur seulement.

Il existe un problème de « perception » du monde du travail vis-à-vis le monde scolaire qui nuit à la mobilité des travailleurs et des travailleuses.

L'école a été conçue en fonction des jeunes.

Dans le contexte économique actuel (restructuration de certaines entreprises, changements technologiques rapides, fermetures d'usines), il importe de faciliter la mobilité géographique, professionnelle et personnelle des travailleurs et des travailleuses. La non-reconnaissance des acquis nuit à cette mobilité. Une concertation de la part des entreprises et des divers organismes reliés au monde du travail est donc nécessaire pour résoudre ces problèmes. Les employeurs se servent, dans bien des cas, du diplôme délivré dans le milieu scolaire pour sélectionner leur personnel. Mais il arrive aussi qu'ils refusent une certaine sanction officielle du savoir d'un candidat. Le même type de problème se pose pour les adultes qui ont appris un métier dans une institution scolaire. Le diplôme obtenu ne donne pas automatiquement droit à l'exercice du métier. Lorsque c'est la carte de compétence qui est exigée pour l'exercice d'un métier, le diplôme n'a plus autant d'importance. Nombre d'adultes se voient donc réduits au chômage ou encore amenés à accepter un emploi autre que celui pour lequel ils s'étaient préparés.

4.2.3.3 La reconnaissance des acquis et le « monde » scolaire

Gaétan Daoust, dans un texte rédigé à la demande du Conseil des universités, signale que l'université s'est donnée comme vocation de se consacrer à la formation des « jeunes hommes et des jeunes femmes ». Et il ajoute: Les conséquences de cette attitude sont lourdes pour l'étudiant adulte, c'est-à-dire pour celui qui ne prétend plus compter parmi les « jeunes hommes et les jeunes femmes » qui se préparent à la vie. En réalité, il ne peut revendiquer à l'université qu'un statut nettement inférieur et doit se satisfaire en quelque sorte d'y être toléré, pour peu qu'il accepte de se conformer aux exigences que l' institution a établies pour une population d'un autre âge et presque toujours à d'autres fins que celles auxquelles vise l'étudiant adulte.(20)

II y a cependant, aujourd'hui, des tentatives de la part de l'université, du moins de certaines facultés ou départements, de s'ouvrir à la clientèle adulte. Ces tentatives seront mentionnées plus loin à la section des expériences positives.

Le cloisonnement de l'école: entrave à l'accès au « savoir institutionnel » et à la mobilité à l'intérieur de l'école.

En réalité, la préoccupation du diplôme à conférer ou à recevoir est devenue à ce point déterminante que l'université a été conduite à introduire dans la variété de ses enseignements aux adultes, une division proprement artificielle entre enseignement « crédité » et enseignement « non crédité ». Comme si, épistémologiquement et administrativement, le critère essentiel de distinction des savoirs ou des processus de formation était la référence à un diplôme.

Source: Gaétan Daoust, L'université utopique, de l'éducation des adultes à l'éducation permanente, texte rédigé à la demande du Conseil des universités, septembre 1971, p. 12

L'adulte doit souvent se soumettre à des exigences d'admission qui tiennent peu compte de l'expérience et du savoir acquis en dehors des institutions d'enseignement et selon d'autres modes que ceux de la transmission, par les vénérables canaux académiques, d'un savoir déjà institué(21). D'où il ressort que l'éducation des adultes est en quelque sorte un enseignement pour vocations tardives, une sorte de « remedial éducation ».(22)

Au niveau universitaire, le problème de la reconnaissance des acquis soulève également le problème du « prestige ». On se demande comment ne pas diminuer le niveau de l'enseignement supérieur et ne pas accroître la concurrence entre les institutions tout en permettant à l'étudiant d'accéder à certains programmes sur la base de ses acquis non scolaires.

Les relations entre le milieu scolaire et le milieu du travail ne sont pas toujours harmonieuses. Nous avons relevé, dans la partie sur « le monde du travail », un certain nombre de problèmes dont l'adulte fait trop souvent les frais. Dans le milieu scolaire que ce soit aux niveaux universitaire, collégial ou secondaire, c'est trop souvent l'adulte qui « paie la note ».

La reconnaissance des acquis scolaires n'est pas sans présenter de sérieuses difficultés pour les adultes: (...) les procédures de sélection et de délivrance des titres sous leur forme actuelle permettent aux niveaux supérieurs de la hiérarchie de l'enseignement d'exercer leur tutelle sur les niveaux inférieurs grâce au pouvoir qui leur est conféré de stipuler les qualifications requises pour passer d'un stade au suivant.(23)

Les adultes qui veulent poursuivre des études dans certaines universités rencontrent souvent des problèmes liés à la non-reconnaissance de leurs acquis d'expérience et/ou de travail. Mais ils ont aussi à faire face à d'autres problèmes, ceux-là rattachés au fait qu'une université elle-même ne reconnaît pas toujours les crédits accordés par une autre université. Par exemple, l'étudiant qui passe d'une université à une autre risque de se voir refuser la reconnaissance des crédits accordés par l'institution qu'il a précédemment fréquentée.

Il arrive aussi qu'à l'intérieur d'une même université, on ne reconnaisse pas les cours d'une faculté à une autre. C'est ainsi que le certificat en relations industrielles offert par l'Extension de l'enseignement de l'Université Laval n'est pas considéré comme valable pour avoir accès au baccalauréat dans la même discipline. Les cours du soir n'auraient donc pas la même valeur que les cours du jour?(24). Le même phénomène se reproduit au niveau collégial. Par exemple, un cours suivi dans tel programme dans tel cégep ne sera pas reconnu ou « catégorisé » de la même façon dans le même programme offert dans un autre cégep. De plus, un étudiant admis dans un programme de l'éducation des adultes à un cégep donné n'a pas toujours la possibilité de se faire admettre au même programme de « l'enseignement régulier » du même cégep, s'il le désire. Tout se passe comme s'il y avait deux cégeps dans un.

L'accès aux études universitaires est souvent compromis pour ceux qui ont une formation de type professionnel. Le rapport Nadeau, en 1975, notait: L'université ne sait pas reconnaître la valeur, l'étendue des cours de formation professionnelle du cégep(25). Nous avons retrouvé la même plainte dans les mémoires qui nous ont été soumis. Les étudiants qui sortent d'un programme « professionnel » du secondaire rencontrent parfois les mêmes difficultés quand ils veulent poursuivre leurs études au cégep.

Les activités « socioculturelles »: un acquis non mesurable et non mesuré.

En plus de négliger l'expérience de travail de l'adulte comme « activité de formation » ou comme « acquis », le milieu scolaire fait fi, bien souvent, de la formation dite « socioculturelle ». Cette dernière est jugée moins sérieuse, moins importante que les activités des autres secteurs. Ces activités permettent, pourtant, à l'adulte de mieux assumer certains rôles sociaux. Et il arrive même que le milieu scolaire finance d'autres activités éducatives à l'aide des bénéfices réalisés par les activités dites « socioculturelles ».

Comment évaluer sans outils de mesure ?

À la section des expériences positives, nous parlerons des tentatives de la D.G.E.A. pour mettre sur pied un système « d'unité de capacités ».

« En marge des marginaux », les femmes et les adultes « plus âgés

4.2.3.4 L'évaluation des acquis des adultes

Pour le milieu scolaire, la reconnaissance des acquis pose la question de l'évaluation et, par conséquent, celle des d'outils d'évaluation. Par exemple, le problème se pose d'une façon plus spécifique lorsqu'il s'agit de replacer, par voie d'équivalence, dans le système actuel, un diplôme décerné par une institution privée avant 1960, ou un diplôme obtenu hors du Québec. Il existe, bien sûr, certains outils produits par le ministère de l'Éducation et certaines ressources fournies par le ministère de l'Immigration du Québec. Mais il ne semble pas que ces outils soient encore adéquats, efficaces et toujours opérationnels. Quant aux instruments qui seraient nécessaires pour reconnaître en termes d'équivalence ou de certification l'expérience ou les capacités des adultes, ils sont presque inexistants. Quand ils existent, les changements annuels apportés aux normes d'équivalence pénalisent les adultes qui, très fréquemment, étalent leur processus de formation sur plusieurs années.

Certaines catégories d'adultes, participant ou non à des activités de formation, se sentent particulièrement lésées par la non-reconnaissance des acquis. Ces catégories, en plus de subir les problèmes déjà énoncés, doivent en affronter d'autres.

Par exemple, la formation dite « socioculturelle » est, selon plusieurs, perçue comme « sérieuse », lorsque des hommes y participent (ex.: photo, mécanique), et dévaluée là où il n'y a que des femmes (ex: artisanat, macramé). Ces « ghettos » féminins se rencontrent aussi en formation dite « professionnelle ». Si l'adulte qui travaille a peine à faire reconnaître son expérience de travail, que dire des femmes qui sont demeurées longtemps au foyer ou dans l'entreprise familiale? Comment faire reconnaître cette « expérience de travail » ? Il en est de même pour ceux et celles qui ont travaillé dans des organismes bénévoles. Toute expérience de travail ne passe pas nécessairement par la rémunération. Mais ceci a peu de valeur sur les marchés de travail ou dans le milieu scolaire.

Ces femmes, et bien d'autres, sentent le besoin, avant d'entreprendre une activité de formation ou de (re)prendre contact avec le monde du travail rémunéré, de faire le point, de se redécouvrir comme individu et de reprendre confiance en elles. Lors de notre sondage, parmi les principales raisons qui expliquent pourquoi certains adultes n'entreprennent pas d'activités éducatives, 15% des interviewés ont déclaré que « le manque de confiance en soi » était l'obstacle principal à la participation à des activités éducatives. Et ce 15% se répartit ainsi: 11% sont des hommes et 20% des femmes(26). Reconnaître leurs acquis, leurs expériences de vie, serait déjà une mesure pouvant leur redonner confiance et leur permettre de faire le point sur leur situation, de façon plus efficace, par rapport à leurs projets futurs. Les services d'accueil et de référence, dont nous avons parlé au chapitre précédent, auraient ici un rôle important à jouer.

Une autre catégorie d'adultes rencontre un problème qui lui est spécifique: Les gens qui ont achevé leur formation initiale avant /'expansion des classes de second cycle du secondaire et de l'enseignement supérieur, qui s'est produite entre 1950 et 1970, n'ont pas eu les mêmes possibilités que leurs successeurs, d'accéder à un niveau d'études supérieur. Il arrive fréquemment que les gens de ces générations se trouvent bloqués dans leur carrière, car ils n'ont pas le niveau de formation actuellement requis pour accéder aux emplois supérieurs. (27)

Les femmes et les adultes plus âgés rencontrent des difficultés qui sont du même ordre. Ces obstacles sont tributaires d'une mentalité issue de l'idéologie des années 50 qui visait « l'épanouissement de la jeunesse ». De la même façon que cette idéologie a isolé le « troisième âge » en marge de la société active, elle a tenu « la femme » à l'écart des marchés de travail en valorisant « la reine du foyer » ; mais parallèlement ce règne n'est pas reconnu comme une expérience valable ni dans le milieu scolaire ni dans celui du travail.

Là où l'éducation des adultes n'est pas un « second début ».

4.2.4 Des expériences à explorer (II faut rendre à César...)

Nous voulons montrer ici, en décrivant quelques expériences, que des progrès ont été faits dans le domaine de la reconnaissance des acquis. Tout n'y est pas noir et nous voyons dans ces tentatives des avenues prometteuses pour l'avenir.

Une étude de l'American Society for Personnel Administration note que les CEU font partie du dossier du personnel de 42,2% des compagnies consultées et 40% d'entre elles les prennent en considération pour des fins de promotion, alors que dans 21% des cas, ils peuvent donner droit à une augmentation de salaire. Cette même étude affirme qu'ils sont reconnus dans plus de 1 000 collèges et universités américains.

4.2.4.1 Des pistes américaines

Les Continuing Education Units (C.E.U.)

Ce système d'accréditation est actuellement fort répandu aux États-Unis et il semble qu'une percée soit en train de se faire au Canada. Deux facteurs ont rendu nécessaire le développement de ce système:l'extension rapide du champ des connaissances et le fait que les connaissances ne peuvent plus être considérées comme utiles pour toujours ou même à long terme. (...) Ces deux facteurs ont contribué largement à créer une demande d'éducation continue non créditée orientée vers la réhabilitation et le recyclage des forces du travail à tous les niveaux.(28)

Les individus qui ont pris part à ces nouvelles pratiques d'éducation continue ont connu des difficultés dans leurs tentatives d'élaborer, de tenir à jour et parfois de communiquer un dossier de leurs expériences éducatives (29). D'autre part, ceux dont le travail consiste à évaluer les réalisations individuelles ont éprouvé aussi ce besoin d'une unité de mesure qui pourrait s'appliquer aux activités éducatives non créditées et les transcrire en mesures similaires dans un dossier intelligible (30).

Le C.E.U. (unité d'éducation permanente), conçu en 1970, visait donc à répondre à ce double besoin de mesure et de mémoire. (31)

Qu'est-ce qu'un C.E.U.? Une unité d'éducation permanente équivaut à dix heures de participation sur place à une expérience structurée d'éducation permanente parrainée par une institution responsable sous la gouverne d'une direction compétente et réalisée avec le concours d'experts qualifiés. (32)

C'est aux États-Unis que les premières recherches ont eu lieu pour définir les principales qualités requises pour l'exercice d'un certain nombre de professions. Ces recherches n'ont pas seulement pour but de susciter la révision des procédures d'admission ou de faire inclure dans les programmes ordinaires l'acquisition de compétences professionnelles, mais aussi de montrer que ces compétences peuvent être acquises à l'extérieur du système éducatif. L'un des avocats de cette cause est (...) de mettre un terme au monopole de l'enseignement postsecondaire traditionnel sur la formation et la délivrance des titres professionnels.

Source: O.C.D.E., Le rôle des diplômes dans l'enseignement et la vie professionnelle, Paris, 1977, p. 45.

Ce système n'est pas ouvert à qui veut en profiter. Seuls les associations, organismes et entreprises qui répondent aux critères « d'excellence » établis par le « Council of Continuing Education Units » peuvent être accrédités, faire approuver leurs programmes et émettre des certificats de reconnaissance. Ce système ne reconnaît que ce qui est offert au sein d'une entreprise ou d'une association professionnelle. Sont automatiquement exclus les cours crédités du milieu institutionnel, les cours obtenus par équivalence, les programmes d'endoctrinement (c'est-à-dire la propagande sur les vertus d'une entreprise), les activités éducatives et les programmes offerts par les media, sauf exception, les activités à caractère récréatif, les études indépendantes.

Ce système est surtout offert aux cadres des entreprises et à ceux qui aspirent à le devenir, ainsi qu'à divers groupes de professionnels (ingénieurs, médecins, avocats, etc.). Il sert à l'« actualisation » des compétences et au développement de plans de carrière. En aucun cas, il ne conduit à l'obtention d'un diplôme de niveau collégial ou universitaire; les unités n'équivalent pas à des crédits. On signale cependant que certaines pressions s'exercent en ce sens auprès du Conseil du C.E.U.

En résumé, ce système possède les avantages suivants:

L'U.E.P.(33) est conçue pour assurer au participant non seulement un dossier mais aussi une méthode pour mesurer les acquis de formation continue non créditée dispensée par les institutions ou les organisations. En possession d'un dossier reconnu nationalement, l'individu est en meilleure position pour négocier de nouveaux emplois, négocier une promotion dans un même emploi ou une rétribution plus ajustée à ses compétences réelles et reconnues.(34)

Cependant, ce système peut comporter quelques désavantages:

Un système qui accrédite le portefeuille des acquis d'expérience.

* Plus précisément, l'adulte suit les étapes suivantes :

* Ce jury, désigné par le collège, fonde sa décision sur les aspects suivants :

Le « Coopérative Assessment of Experiential Learning » (C.A.E.L.)

Ce système a été mis sur pied à la suite d'une recommandation de la « Commission on Non Traditional Study » (C.N.T.S., 1973) au moment où l'on cherchait de nouveaux moyens et de nouvelles techniques pour mesurer la valeur éducative des acquis d'expérience.

Ce problème avait été dénoncé par le monde scolaire comme ce fut le cas pour la présente Commission (35). Dès 1973, le « Collège Entrance Examination Board », le « Educational Testing Service » et la « Carnegie Corporation of New York » se concertaient afin de développer un plan de traitement et de trouver des adhérents et une équipe de travail contribua à mettre sur pied le système tel que nous le décrivons maintenant.

On entend par acquis d'expérience tout ce qu'un individu a pu apprendre hors des institutions scolaires d'enseignement. La nature des sujets d'apprentissage est illimitée. Les milieux où l'apprentissage a été réalisé peuvent être variés (au travail, à la maison, dans une association). Tous les modes d'apprentissage sont acceptés: conversations, voyages, activités sociales ou syndicales, etc. Ce qui compte, c'est la compétence acquise, quel que soit le domaine, ou la manière, d'y parvenir.

Ce système fonctionne de la façon suivante. L'individu doit, dans un premier temps, se constituer un « portefeuille » incluant tout ce qu'il a pu apprendre et qui serait susceptible d'être reconnu par un collège. Un guide est d'ailleurs disponible afin de soutenir l'adulte dans sa démarche*. Il lui indique comment clarifier ses objectifs d'apprentissage et stimule sa mémoire pour identifier toutes les expériences et en faire une auto-évaluation. L'individu peut travailler de façon autonome, mais il lui est possible également de se présenter à un collège qui participe au C.A.E.L., et de se faire aider d'une personne-ressource.

La demande de l'adulte sera alors examinée par un jury qui lui fera des recommandations précises*. Chaque recommandation est individualisée.

Même s'il nous a été impossible d'évaluer le mode d'allocation des crédits, nous pouvons dégager certains avantages de ce système :

Par contre, ce système peut présenter des inconvénients:

Un système qui donne une « valeur » aux expériences de la vie.

Le programme G.E.D.T.S.(36)(General Educational Development Testing Service)

Né de l'après-guerre, le programme G.E.D.T.S. visait à répondre aux besoins exprimés par de nombreux Américains qui n'avaient pas complété d'études formelles et qui ne pouvaient se qualifier pour un meilleur emploi ou pour continuer leurs études. Les tests du G.E.D.T.S. ont pour fonction d'évaluer le niveau de développement général de adultes pour leur permettre d'obtenir un diplôme équivalent au niveau terminal de High School.

Cette équivalence est basée sur l'hypothèse que le bagage académique des personnes s'enrichit des expériences de vie. Pour mesurer ces acquis, il faut mettre l'accent sur les habiletés intellectuelles de compréhension, de raisonnement, de jugement et de généralisation, plutôt que sur les contenus très spécifiques et détaillés des programmes de cours « académiques ».

Les principales caractéristiques organisationnelles de ce système sont les suivantes :

La démarche américaine dénote un très grand souci d'assurer la crédibilité du diplôme et sa reconnaissance, sans discrimination aucune par le monde du travail. Ce système a d'ailleurs évolué depuis sa création et des « cours d'appoint » permettant une préparation adéquate à la passation des tests ont été mis au point et offerts à ceux qui n'ont besoin que d'une légère mise à jour de leurs connaissances (37).

Nous voulons également signaler au passage l'existence d'un autre service américain, le C.L.E.P. (« The Collège Level Examination Program »), qui est inspiré de la même idée que le G.E.D.T.S., mais qui se situe au niveau collégial.

4.2.4.2 Des pistes québécoises

Le diplôme d'études secondaires (D.E.S.) par équivalences

Une expérience québécoise qui se rapproche de celle dont nous venons de parler est celle du programme de testing de la Direction générale du développement pédagogique (D.G.D.P.) mis en place en 1976-1977 (38). Il s'agit d'un système d'attestation d'études s'adressant aux adultes et qui permettrait la reconnaissance officielle d'une scolarité équivalente à celle de la Ve secondaire, de la IIIe secondaire et de la 6e année élémentaire. (39)

Ce système s'adresse à des adultes pour qui aucune preuve de scolarité n'est retraçable, ou qui ont des attestations d'études non reconnues, ou qui ont un niveau de scolarité inférieur à celui exigé par l'employeur, soit Ve ou Ille secondaire.

Depuis l'entrée en vigueur de ce système, environ 3 000 dossiers ont été traités au niveau de onze directions régionales. Sur ce nombre, la proportion de réussites est d'environ 80%. (avril 1979).

Voici les principales caractéristiques de ce système:

Les tests sont reconnus par diverses compagnies et services publics ainsi que par le ministère des Consommateurs, des Coopératives et des Institutions financières, pour l'accès à certaines professions. Ils ne sont cependant reconnus par aucune institution d'enseignement publique ou privée.

Source: Gouvernement du Québec, Direction générale de l'éducation des adultes, D.E.S. par équivalence, propositions concernant la mise en oeuvre d'un service d'émission de diplômes d'études par équivalences, 1980-02-18. Texte rédigé par J.J. Dubois, R. Richard et J. Henry.

Un système d'équivalences qui reconnaît les acquis scolaires.

Cette expérience confirme la tendance actuelle chez certains employeurs à exiger un diplôme comme critère de sélection pour un emploi. Dans la conjoncture actuelle, elle rend donc service à une partie importante de la population. Elle traduit concrètement et dans la pratique le fait que l'école formelle n'est pas la seule voie d'acquisition des connaissances et du développement des capacités. (40)

Par contre, la Table des responsables de l'éducation des adultes du Québec (T.R.É.A.Q.), dans une lettre adressée au sous-ministre de l'Éducation, Monsieur Pierre Martin, le 9 mars 1978, qualifiait la situation créée par l'annonce de l'instauration d'un tel système, d'« anormale », (...) susceptible de causer de graves préjudices à la clientèle scolaire adulte du Québec.(41)

La T.R.É.A.Q. soulignait le fait que le ministère n'assure pas que ces attestations seront nécessairement reconnues et acceptées par tous les organismes à qui elles pourront être présentées sur le marché du travail ou ailleurs. N'y a-t-il pas là un grand risque que des adultes soient leurrés par cette situation et croient détenir, après avoir réussi les tests, une attestation officielle de niveau de scolarité ? (42). L'expérience n'en demeure pas moins intéressante.

Quelques outils d'évaluation fournis par la D.G.E.A.      

La Direction générale de l'éducation des adultes a préparé, à l'intention du personnel affecté à l'évaluation des dossiers des adultes, un « système de reconnaissance ».

La D.G.E.A. veut permettre à tous les adultes du Québec qui en manifestent le besoin et qui s'inscrivent en formation, de bénéficier de services d'évaluation de dossiers plus cohérents et plus uniformes tant au sein d'un S.E.A. que d'un S.E.A. à l'autre (43) Ce système est constitué d'outils permettant de porter un jugement sur le statut scolaire de l'adulte (44). Voici une nomenclature de quelques-uns de ces outils accompagnée d'une brève description tirée du Manuel du personnel affecté à l'évaluation.

La liste de ces documents pourrait s'allonger. Nous avons voulu ici signaler que des efforts sérieux avaient été entrepris pour rendre justice à ceux qui avaient acquis une formation avant l'instauration du présent système d'éducation. Ces équivalences accordées aux adultes peuvent être utiles pour satisfaire aux exigences requises pour un emploi donné, ou pour poursuivre leur formation au niveau secondaire ou postsecondaire. Cependant les outils permettant d'évaluer la formation acquise au travail ou dans la vie communautaire restent à développer.

* La terminalité des études secondaires dans le système scolaire obligatoire se définit par le degré (année ou niveau) qui, au cours des années, correspond à la fin des études secondaires. Le principe de terminalité implique que tous ces degrés (années ou niveaux) sont équivalents entre eux.

Le détenteur d'une fin d'études secondaires est celui à qui il a été émis, soit par une école publique, soit par une école privée *, soit par le département de l'Instruction publique, soit par le ministère de l'Éducation, un certificat, une attestation ou une lettre pour le degré (année ou niveau) correspondant à la fin des études secondaires.

Source: Gouvernement du Québec, Direction générale de l'éducation des adultes, Le principe de terminalité, mars 1980, p. 5.

Un système d'unités capitalisables basé sur la spécificité de l'adulte.

Un modèle « recherche-action » de la D.G.E.A.

La D.G.E.A. a établi un plan de développement d'un nouveau système de reconnaissance. L'élément capital de ce plan de développement est une « certification » qui atteste les capacités d'un individu (ces capacités n'étant pas strictement d'ordre professionnel, mais également d'ordre personnel comme le fait de savoir prendre des décisions ou de se prendre en charge) et ceci, dans une perspective de développement intégral de l'adulte.

On y prône donc un système basé sur les unités de capacité. Ce plan de développement poursuit les objectifs suivants :

Le MODÈLE actuellement en expérimentation (en mécanique de machines fixes) présente les caractéristiques suivantes :

Les possibilités de ce modèle sont les suivantes :

4.2.4.3 Une brèche dans le monde scolaire

Certaines facultés ou écoles universitaires ouvrent plus largement leurs portes.

*À l'université, l'étudiant adulte est celui qui a, au moins, 21, 23 ou 25 ans; l'âge peut varier selon les facultés ou les établissements concernés.

Il faut souligner ici l'effort d'ouverture de certaines institutions qui ont assoupli leurs conditions d'admission. Notons, par exemple, les pratiques en vigueur dans certaines facultés et écoles de l'Université de Montréal:

Faculté d'aménagement

École d'architecture: au prorata des demandes jugées recevables, un certain nombre d'étudiants adultes* sont admis sur la base des connaissances appropriées et de /'expérience pertinente. Il est à noter que le programme n'est offert que le jour et de préférence à temps plein.

Faculté des arts et des sciences

Faculté de droit

Depuis quatre ans, la faculté réserve 10% des places disponibles aux étudiants adultes qui sont admis sur les bases suivantes: dossier scolaire, connaissances appropriées et expérience pertinente, test d'admission, entrevues. Le programme de droit est offert le jour et de préférence à temps plein.

Faculté de l'éducation permanente

La faculté (mis à part quelques programmes professionnels, v.g. ceux de sciences infirmières, qui ont des exigences supplémentaires) admet dans la majorité de ses programmes (certificats) des étudiants adultes sur la base de connaissances appropriées et d'expérience pertinente. Le candidat qui réussit trois certificats obtient un baccalauréat es sciences ou un baccalauréat es arts et est admissible à certains programmes de maîtrise. La faculté autorise l'inscription, à titre d'étudiant libre, à un certain nombre de cours. La faculté offre des activités non créditées dans le cadre des « Belles soirées » et des « Belles matinées ». Notons que la majorité des cours sont offerts le soir ou le week-end et permettent des études à temps partiel.(47)

École des hautes études commerciales

Le baccalauréat en administration des affaires est offert le jour à temps plein. Il requiert le diplôme d'études collégiales comportant la réussite de quatre cours de mathématiques. Le baccalauréat en administration des affaires offert le soir ne requiert pas le diplôme d'études collégiales complété; l'étudiant adulte peut y être admis, sur la base de connaissances appropriées et d'expérience pertinente, à condition toutefois d'avoir réussi au préalable certains cours de mathématiques de niveau collégial. L'école offre également bon nombre de certificats à temps partiel le soir, auxquels l'étudiant adulte peut être admis, sur la base de connaissances appropriées et d'expérience pertinente, à condition d'avoir réussi au préalable certains cours de mathématiques. L'école offre, en outre, des sessions de perfectionnement à l'intention de gestionnaires et de cadres supérieurs. Dans certains programmes de deuxième cycle, l'école peut admettre des étudiants adultes ne détenant pas un premier cycle universitaire ou l'équivalent, sur la base d'un dossier jugé exceptionnel.(48) Notons toutefois que le baccalauréat du jour est beaucoup plus valorisé que celui du soir par l'École des H.E.C.

Cette liste n'est pas exhaustive. Nous avons choisi quelques exemples parmi ceux qui ont été portés à notre attention. Notons, par contre, que certaines facultés n'ont aucune politique d'admission concernant les adultes. (Faculté de médecine vétérinaire, Faculté des sciences de la santé: médecine, médecine dentaire, pharmacie, sciences infirmières, École d'optométrie). Ces programmes sont contingentés et ne sont offerts que le jour et de préférence à temps plein.(49)

Soulignons, également, que l'Université du Québec et ses constituantes admettent dans leurs programmes des adultes âgés d'au moins 21 ans et qui ont une expérience pertinente qui a un rapport au programme d'études choisi. Elles ont également élaboré des principes et des règles concernant les équivalences à accorder aux étudiants, adultes ou non. Les cours de la Téléuniversité sont offerts au grand public sans conditions particulières et sont crédités.

Dans les cégeps, on admet généralement des étudiants âgés d'au moins 18 ans, qui n'ont pas nécessairement complété leur Ve secondaire, mais qui ont réussi les cours secondaires préalables au programme choisi. On offre aussi, dans certains cas, des cours d'appoint permettant à l'adulte de mettre ses connaissances à jour dans certaines disciplines préalables sans retourner au secondaire.

Certains programmes sont, cependant, plus difficiles d'accès. Par exemple, l'Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec (O.I.I.Q.) exige des adultes qu'ils soient titulaires d'un certificat de secondaire V pour être admis au programme collégial de techniques infirmières.

Il arrive aussi que, dans des commissions scolaires et cégeps, on permette à un adulte, après entrevue, de s'inscrire à certains cours pour lesquels il n'a pas les préalables académiques. On donne alors « la chance au coureur », et s'il réussit ses examens, il pourra poursuivre son programme d'études. Ces pratiques, si elles sont susceptibles de rendre service à la population adulte, ne doivent pas être l'occasion d'une « chasse » à la clientèle, de dédoublements et d'inflation des programmes comme c'est parfois le cas.

4.2.4.4 Une brèche dans le monde du travail

Des critères d'embauché autres que le diplôme et la formation sur mesure, des exemples de la reconnaissance des acquis.

En terminant cet exposé des expériences positives en matière de reconnaissance des acquis, nous évoquerons quelques cas différents aux marchés de travail.

Par exemple, le secteur de la Fonction publique du Québec offre des possibilités d'emploi à des candidats et à des candidates qui n'ont pas nécessairement un diplôme mais qui peuvent présenter un curriculum vitae faisant état d'une expérience de travail, rémunérée ou non, se rapportant à l'emploi postulé. Cependant, dans la publication des offres d'emploi, on mentionne que deux années d'expérience peuvent remplacer une année de scolarité... La scolarité y demeure donc, dans bien des cas, le premier critère d'admissibilité à un emploi.

Certaines entreprises privées valorisent, très souvent cependant, l'expérience de travail dans leurs critères d'embauché. En effet, elles considèrent l'expérience du candidat comme une caution et en font un critère d'admissibilité. D'autre part, la formation sur mesure donnée par des services de l'éducation des adultes en collaboration avec des organismes du monde du travail est une expérience de l'utilisation des acquis des adultes. Cette démarche est très développée dans la formation syndicale et dans les mouvements populaires.

En ce qui a trait à la formation « sur mesure », mentionnons qu'... il y a référence constante au réinvestissement des acquis au transfert dans l'action. La formation est transférable dans l'action. C'est pour beaucoup cette référence au réinvestissement qui assure l'intégration et la cohérence de toutes les étapes et de tous les éléments du processus de formation. (50) Ce modèle, surtout développé et utilisé dans les cégeps, pourrait s'appliquer à la formation en entreprise. Son intérêt vient de ce qu'il porte non seulement sur le «pourquoi » de la formation, mais aussi sur le « comment »(51). Il existe des « attestations maison » pour ces types de formation.

Enfin, soulignons que dans les programmes de formation en entreprise de la main-d'oeuvre du Canada (P.F.I.M.C.), l'entreprise et l'institution scolaire partagent certaines responsabilités, entre autres, la reconnaissance et les attestations qui en découlent.

4.2.4.5 Une interrelation à développer

En dépit de tous ces efforts, le milieu scolaire valorise encore trop les seuls acquis scolaires et le monde du travail attache de son côté, une importance déterminante à l'expérience, ce qui rend l'embauche des jeunes très difficile. Il faudrait arriver à un juste équilibre, soit à une reconnaissance par l'école des acquis expérientiels et à une valorisation accrue de la formation par l'entreprise. De telles mesures pourraient favoriser chez l'adulte une alternance entre les études et le travail, et contribueraient au développement d'une philosophie de l'éducation permanente.

4.2.5 « C'est en forgeant qu'on devient forgeron! »

Si quelques-uns des grands problèmes qui se posent actuellement dans l'enseignement ne peuvent sans doute être abordés — et bien moins résolus — à l'intérieur de l'école, il serait à la fois trompeur et dangereux de tomber dans l'excès inverse en sous-estimant les possibilités de solutions qui existent en puissance dans le système lui-même.

Source: O.C.D.E., Le rôle des diplômes dans l' enseignement et la vie professionnelle, Paris 1977, p. 12.

Il reste quelques questions à poser avant d'arriver à proposer des solutions pour la reconnaissance des acquis. La D.G.E.A. pour sa part, en énumère quelques-unes : reconnaître pour fins de financement ? pour fins de diplôme (et encore là: par mesure de défi personnel strict? pour satisfaire aux exigences d'un employeur ou d'un corps professionnel ? ou pour accéder à une formation « normalisée » d'un niveau plus avancé?), pour fins d'attestation d'équivalences, en vue d'un retour à un cycle d'études de type « normalisé » ? Il faut reconnaître quoi ? et qui, dans quelles conditions, à quelles fins ? Le problème qui se pose, essentiellement, est de trouver une façon pour les adultes de conserver une marge de manoeuvre importante dans le choix de leurs activités de formation tout en ayant la possibilité d'accéder à la RECONNAISSANCE.(52)

Quand un arbre pousse bien, c'est inutile de « scrapper » toute la forêt et de dire qu'on va tout replanter (...). Il faut émonder, nettoyer (...) mais il ne faut pas passer le bébé avec l'eau du bain.

Source : Un intervenant au Colloque de la C.É.F.A., 27 mai 1981.

Tout d'abord, il faudra faire en sorte qu'une plus grande ouverture en matière de reconnaissance des acquis ne conduise pas à une véritable inflation des diplômes, ouvrant la porte à une scolarisation toujours plus forte et risquant, encore une fois, de ne servir que les plus favorisés d'une part et d'autre part, de créer une obligation d'étudier au détriment du droit à l'éducation.

En forçant la reconnaissance de toutes sortes d'acquis (expérience de travail, expérience comme bénévole, activités éducatives de toutes sortes), on risque de diminuer la crédibilité des systèmes de reconnaissance et, ultimement de desservir l'adulte soucieux d'utiliser diplômes et attestations comme preuve à l'appui de sa compétence sur les marchés de travail ou sur le marché scolaire. Par ailleurs, l'entreprise et l'État comme employeurs, tout en accordant à la formation toute l'importance nécessaire, doivent éviter d'exiger dans les critères d'embauché, des diplômes qui souvent n'ont rien à voir avec l'emploi mais servent de critères de sélection.

Par ailleurs, il faudrait également trouver une façon de valoriser « en soi » les expériences de vie et de travail et les faire reconnaître(53). Puisque la formation déborde le cadre de l'école, la Commission ne peut concevoir que la reconnaissance des acquis soit limitée aux acquis scolaires. Mais il ne saurait être question de transformer tous les acquis d'expérience en « crédits scolaires». Ce serait la porte ouverte à «l'accréditation de la vie»! Spécifions ici que les acquis « expérientiels », ne se limitent pas, pour nous, aux acquis de travail. Cette restriction éliminerait une partie importante de la population et du champ d'acquisition des connaissances et des habiletés. Il paraît au demeurant préférable pour des raisons de politique sociale, de ne pas définir trop étroitement la notion d'expérience professionnelle(54). Parce que plus elle se situera à un niveau élevé dans la hiérarchie des emplois et plus elle sera considérée comme une qualification pour l'admission dans un établissement universitaire. Aussi convient-il (...) d'éviter d'en faire un critère de sélection officiel pour l'entrée dans les établissements d'enseignement. On y parviendra sans doute en utilisant V expérience professionnelle uniquement comme critère de discrimination positive, et sans porter aucun jugement de valeur sur l'intérêt qu'elle présente par rapport aux études envisagées.(55)

II faut également prendre en considération les coûts afférents à la mise sur pied d'un système de reconnaissance des acquis et les dangers de «bureaucratisation» de la vie privée de tous et chacun.

Le manque de limpidité des nombreux programmes scolaires et de leurs ramifications, de même que les stratifications du système scolaire (dénoncées au chapitre précédent) font en sorte que les diplômes ont perdu beaucoup de leur valeur informative. Aussi est-il nécessaire de procéder à une redéfinition des diplômes pour en faire, non plus des signes de statut social, mais des signaux indiquant à tout moment de sa progression, le niveau de formation atteint par l'étudiant,(56) afin que les sanctions officielles soient conçues comme des étapes et des repères jalonnant un processus d'éducation permanente et que soient intégrés les apprentissages non formels et les apprentissages formels dans un plan de formation.(57)

Ces difficultés sont le produit des systèmes inventés, au fil des ans, pour reconnaître les formations. Il importe de les bien identifier, mais elles ne doivent pas empêcher la recherche de solutions à la difficile question de la reconnaissance des acquis. Car, l'adulte peut apprendre en dehors du milieu scolaire et ce qu'il y apprend est valable.

Peut-on déduire que chaque étape de carrière implique un retour ou un cycle à travers les séquences proposées ? La formation initiale existe, à des degrés divers certes, mais n'est pas nécessairement acquise dans un milieu de formation institutionnel. Il demeure que le bagage des pprentissages et des compétences tend à augmenter tout au long de la carrière d'un individu et que ce bagage est constitué :

Source: Ministère de l'Éducation, Direction des politiques et plans, Évaluation et reconnaissance des acquis, étude réalisée par la firme C.E.G.I.R. inc, mars 1980, p. 66-67.

Reconnaître les acquis, c'est donc accepter la transférabilité des savoirs et des apprentissages. La reconnaissance des acquis suppose un système de reconnaissance de la « formation académique » et de la « formation par projet » et une grande souplesse dans les critères d'admission aux programmes d'étude et dans les critères d'embauché.

Nous croyons possible de convertir graduellement la mystique des diplômes et de lui substituer le concept de plan personnel de développement basé sur un bilan personnel de ses acquis de formation et sur ses projets de vie. Dans cette optique, il se peut que les orientations proposées par le Council for the Advancement of Experiential Learning aux États-Unis, constituent un filon prometteur. L'évaluation des apprentissages parascolaires, l' établissement d'étapes à franchir (crédits, certificats ou autres) mettent à profit les motivations individuelles et le goût, bien naturel à tout âge, pour les sanctions. Il ne faudrait pas tomber, en effet, dans l'angélisme et penser que l'image de soi, la perception de sa compétence, peut communément se passer d'étiquettes, de termes pour le dire. (...) Une fois les mécanismes de certification mieux définis et mieux appliqués, du côté de la formation, il sera possible d'implanter la même souplesse intelligente dans ces structures d'emploi et d'encadrement professionnel.(58)

Une transformation du système de reconnaissance des acquis ne sera pas possible sans le concours des corporations professionnelles et des employeurs en général. Ceux-ci ont évidemment intérêt à maintenir le monopole des institutions d'enseignement sur l'évaluation et les diplômes et à augmenter sans cesse les exigences d'admission dans la carrière. Ils s'assurent notamment, en procédant de la sorte, le concours d'un nombre limité de candidats d'« élite », sans avoir à se préoccuper du coût social et économique énorme qu'une collectivité doit payer pour rescaper, au terme d'un long processus de filtration, ces rares élus. Peut-on changer ces pratiques d'embauché et d'accréditation? Il y a là matière à décisions politiques majeures. La « barrière des diplômes » est devenue, cependant, un obstacle tel à l'évolution du système d'éducation qu'une trouée devra bien se faire.(59)

4.2.6 Des crédits d'éducation continue

Bâtir un système de reconnaissance ouvert.

Nous avons mentionné, au chapitre du décloisonnement, que la formation par projet pourrait s'accompagner de crédits d'éducation continue. Nous voulons développer ici, sans imposer de règles rigides pour l'instant, quelques éléments du système proposé par la Commission.

L'organisme régional, préoccupé de répondre aux projets de formation des adultes et d'assurer la concertation des différents intervenants dans le domaine de l'éducation des adultes, mandate, en fonction des ressources, de l'expérience, de l'expertise et des résultats de la concertation, un ou des intervenant(s) pour répondre à un projet spécifique. Il communique à l'organisme central une description des objectifs et du contenu du projet de formation élaborés par les principaux intéressés: adultes et intervenants. L'intervenant mandaté (ou les intervenants, selon le cas) délivre les crédits d'éducation continue au nom de l'organisme régional à ceux et celles qui ont atteint les objectifs du projet. Ces crédits sont trans-niveaux, donc sans aucun rapport avec l'endroit où le projet a lieu. Ceci afin de permettre au projet de se réaliser là où on est le mieux équipé, en ressources humaines et matérielles.

Sachant que la reconnaissance des acquis de formation est très aléatoire d'un niveau d'enseignement à l'autre, voire à l'intérieur d'un même niveau, d'un établissement à l'autre et parfois même d'un programme à l'autre au sein du même établissement, il importe d'envisager des moyens susceptibles de mettre un terme aux recommencements fréquemment imposés à l'adulte et surtout de le libérer du fardeau de la preuve d'équivalence.

L'on ne saurait en effet lancer l'idée d'un partage des responsabilités entre les institutions et les organismes, de façon à freiner une concurrence indue, sans suggérer la façon d'éviter à l'adulte d'être pénalisé par le niveau d'enseignement ou l'organisme chargé de dispenser une formation donnée. (60)

D'où la suggestion de « crédits d'éducation continue » devant être reconnus par l'employeur sans considération du niveau de provenance et par le registraire des différents niveaux d'enseignement. L'organisme central élabore, au fil des ans, un système d'équivalences entre les crédits d'éducation continue et les crédits de « formation académique ». Ce « cahier d'équivalences » informatisé et mis à jour fréquemment constituera, à long terme, une banque de données permettant des réponses rapides aux différentes demandes. De telle sorte que, par exemple, un individu qui a suivi une formation par projet à Hull et qui désire s'inscrire en « formation académique », à Trois-Rivières, pourra demander que ses crédits d'éducation continue soient transformés, par voie d'équivalence, en crédits de formation académique. L'utilisation de systèmes informatiques permettrait d'éviter des coûts astronomiques et des délais indus.

Le système d'équivalences pourra s'assortir de mesures telles que:

Un test approprié dans les cas de doute sur les connaissances et les aptitudes acquises ou sur la pertinence d'une activité — plutôt que d'imposer un cours préalable. Ce test pourrait être administré lors de l'inscription. Il permettrait aussi de mieux situer le point de départ de l'adulte dans le cheminement qu'il compte entreprendre et d'accorder l'équivalence des cours préalables à celui qui réussit le test.

Un concours. Qu'il ait en poche ou non des crédits d'éducation continue, l'adulte qui désire obtenir un diplôme, un certificat ou un baccalauréat, se présente à un concours dûment annoncé et est admis sur réussite du concours. Cette idée n'est pas neuve mais a fait ses preuves en Europe, aux États-Unis et au Canada anglais. De plus, elle est tout à fait compatible avec l'objectif de déscolarisation que nous poursuivons, et avec la philosophie de l'autodidaxie.

L'ombudsman. (61) L'adulte possédant des crédits d'éducation continue, qui se voit refuser des équivalences, ou croit être lésé, peut s'en plaindre à l'ombudsman à qui l'établissement intéressé devra, au besoin, justifier, preuves à l'appui, les raisons du refus.

La transparence du dossier d'équivalences. Dans tous les cas, l'adulte, qui sollicite son admission, devrait être clairement informé des motifs justifiant les acquis reconnus ou refusés, les préalables qu'on lui suggère de même que les conditions supplémentaires dont on assortit son admission.

L'organisme central aura à explorer et à définir, en collaboration avec les intervenants en éducation des adultes, les critères permettant d'unifier l'attribution des crédits d'éducation continue.

Conclusion

La reconnaissance des acquis se situe au point de départ et au point d'arrivée d'un système d'éducation des adultes décloisonné. En effet, la reconnaissance des acquis et le décloisonnement s'interpellent. Reconnaître les acquis, c'est déjà décloisonner et c'est aussi exiger des mesures de décloisonnement. Reconnaître les acquis, c'est, pour les différents « mondes », se reconnaître mutuellement. Reconnaître les acquis de l'adulte, c'est accepter que l'adulte soit capable d'apprendre à partir de ses propres expériences et d'intégrer expériences et connaissances acquises (scolaires et autres) dans un processus de formation continue.

La reconnaissance des acquis place l'adulte au coeur de la formation. Elle est une justification de plus à la concertation et elle accélère le processus de déscolarisation des pratiques pédagogiques. Elle réduit également les inégalités sociales face aux mondes de l'éducation et du travail. Elle s'inscrit directement dans la voie de la démocratisation.

L'organisme central que nous proposons devra élaborer une politique de la reconnaissance des acquis dans le sens des propos du présent chapitre et veiller que se fasse la coordination interministérielle indispensable dans ce domaine. On devra aussi, au besoin, harmoniser avec celui des jeunes, tout système de reconnaissance des acquis des adultes.

Notes

  1. Un intervenant au colloque de la C.É.F.A., 27 mai 1981.
  2. Ministère   de   l'Éducation,   Direction   générale   de   l'éducation   des   adultes(D.G.E.A.), Education des adultes et développement, avis à la Commission d'étude sur la formation des adultes, 26 mai 1981, p. 32.
  3. Gouvernement du Québec, Conseil supérieur de l'éducation, Commission de l'éducation des adultes, Texte rédigé par Daniel Campeau, septembre 1979, p. 1.
  4. Ibidem, p. 10.
  5. Ministère de l'Education, Direction générale de l'éducation des adultes, cahier III, Système de reconnaissance. Description et opérationnalisation 1979-80, p. 11.
  6. Ministère de l'Éducation, Direction des politiques et plans, Évaluation et reconnaissance des acquis, Étude réalisée pour le ministère de l'Éducation du Québec parla firme C.E.G.I.R. inc, mars 1980, p. 13.
  7. Ministère de l'Éducation, Direction des politiques et plans, op. cit., p. 13.
  8. Ibidem, p. 14.
  9. Conseil supérieur de l'éducation, op. cit., p. 69.
  10. Idem.
  11. Conseil supérieur de l'éducation, op. cit., p. 4.
  12. Conseil supérieur de l'éducation, Contribution de l'élaboration d'une politique globale de l'éducation des adultes, (intervention auprès de la C.É.F.A.), 6 mai1980, p. 6.
  13. Voir le chapitre, La formation de base..., sections: l'inflation des diplômes et les conséquences d'un déficit scolaire.
  14. 27 mai 1981.
  15. Conseil supérieur de l'éducation, op. cit., p. 6.
  16. Cf. Ministère de l'Éducation, Direction des politiques et plans, étude par la firme C.E.G.I.R., op. cit.
  17. Conseil supérieur de l'éducation, op. cit., p. 4.
  18. Les directeurs des S.E.A. des commissions scolaires de la région 04, Mémoire présenté à la Commission d'étude sur la formation des adultes, 28 décembre 1980,p. 58.
  19. Ces chiffres sont tirés du sondage de la Commission sur les pratiques de formation en entreprise, annexe 2, chapitre 4, Québec, 1980.
  20. Gaétan Daoust, L'université utopique, de l'éducation des adultes à l'éducation permanente, texte rédigé à la demande du Conseil des universités, septembre 1971,p. 4-5.
  21. Ibidem, p. 5.
  22. Idem.
  23. O.C.D.E., Le rôle des diplômes dans l'enseignement et la vie professionnelle, Paris, 1977, p. 10.
  24. Rapport des journées régionales de la C.É.F.A., Québec/Sainte-Foy.
  25. Gouvernement du Québec, Synthèse de la consultation sur l'état et les besoins de l'enseignement collégial, juillet 1975, p. 183.
  26. Voir C.E.F.A., Sondage sur les adultes québécois et leurs activités éducatives, Québec 1981, annexe 2, livre II, chapitre 6.
  27. O.C.D.E., op. cit., annexe 1, L'utilisation des diplômes dans la vie professionnelle, Paris 1977, p. 11.
  28. Jean-Louis Lévesque, Un complément au système crédité : les unités éducation permanente, D.G.E.P., Université de Sherbrooke, novembre 1981, p. 2, mimée
  29. Ibidem.
  30. Idem, p. 3.
  31. Ibidem.
  32. Traduction de J.-L. Lévesque, op. cit., p. 5.
  33. Unité d'éducation permanente.
  34. J.-L. Lévesque, op. cit., p. 11.
  35. Voir les Hypothèses de solutions de la Commission d'étude sur la formation des adultes, Québec, 1981, pp. 131-132.
  36. General Educational Development Testing Service.
  37. Passage tiré de: Gouvernement du Québec, Direction générale de l'éducation des adultes, D.E.S. par équivalences, propositions concernant la mise en oeuvre d'un service d'émission de diplômes d'études par équivalences, 1980-02-18, Texte rédigé par J.-J. Dubois, R. Richard et J. Henry.
  38. D'autres provinces du Canada ont développé les « General Educational Development Tests » avec un modèle qui est sensiblement le même.
  39. Gouvernement du Québec, Direction générale de l'éducation des adultes, D.E.S.par équivalences, propositions concernant la mise en oeuvre d'un service d'émission de diplômes d'études par équivalences, 1980-02-18, Texte rédigé par J.-J. Dubois, R. Richard et J. Henry.
  40. Idem, p. 9.
  41. Fernand Palin, président de la T.R.É.A.Q.
  42. Ibidem.
  43. Ministère de l'Education, D.G.E.A., Manuel du personnel affecté à l'évaluation des dossiers, système de reconnaissance, mars 1980, p. 13.
  44. Ibidem, p. 7.
  45. Ibidem, p. 37 à 42.
  46. Gouvernement du Québec, Direction générale de l'éducation des adultes, Education..., op. cit., p. 112 et 113.
  47. Faculté d'éducation permanente de l'Université de Montréal, Mémoire présenté à la Commission d'étude sur la formation des adultes, appendice III, L'éducation des adultes à l'Université de Montréal et dans ses écoles officielles, décembre 1980,p. 2-3.
  48. Ibidem, p. 5.
  49. Ibidem, p. 4.
  50. Gouvernement du Québec, D.G.E.A., Éducation..., op. cit., p. 14, Définition inspirée par celle qu'en a donnée la recherche de Jeanne Leroux et Daniel Campeau de la Fédération des cégeps.
  51. Ibidem, p. 15.
  52. Gouvernement du Québec, D.G.E.A., Éducation..., op. cit., p. 111-112.
  53. Ibidem, p. 113.
  54. O.C.D.E., op. cit., p. 54-55.
  55. Idem.
  56. Ibidem, p. 60-61.
  57. Daniel Campeau, op. cit., p. 90.
  58. Conseil supérieur de l'éducation,  Commission de l'éducation des adultes, Commentaires sur le rapport annuel 1978-1979 de la Commission de l'éducation des adultes, mars 1980, p. 12.
  59. G. Daoust, P. Bélanger, L'université dans une société éducative, Presse de l'Université de Montréal, Montréal, 1974, p. 172-173.
  60. Ceci rejoint l'une des recommandations que l'Office des professions faisait à la Commission d'étude sur les universités et qui était ainsi formulée: « que dans la reconnaissance d'une activité d'apprentissage soient surtout considérés les objectifs, le contenu et la méthode d'évaluation plutôt que l'instance qui l'organise. Ce qu'il faut valoriser, c'est l'atteinte des objectifs et non pas la provenance du cours ».
  61. Voir le chapitre 5.2, La participation des adultes dans le monde scolaire.

CHAPITRE 3

4.3 La transformation des pratiques pédagogiques en éducation des adultes dans une perspective de déscolarisation

La déscolarisation prend son sens dans le cadre d'un projet social qui implique une véritable révolution culturelle.

* L'école des jeunes ne doit pas rester à l'abri de ces remises en question. Le ministre Camille Laurin affirmait au colloque de mai 81 sur Les jeunes et le travail que le renouveau scolaire se doit avant tout d'être pédagogique.

Source : colloque Les jeunes et le travail, mai 81, p. 28.

...Le départ des chasseurs était fixé pour la mi-septembre. (...) Mais tout était désormais remis en question. On avait vaguement entendu parler de cours pour adultes. Deux gouvernements et trois ministères y travaillaient déjà. (...) Le pouvoir d'achat viendrait désormais de l'école. Les Indiens s'inquiétaient. (...) Que veut donc encore le grand chef blanc? (...) L'incertitude disparaît avec l'arrivée d'un petit avion venu à l'improviste se dégorger de quelques fonctionnaires souriants. En l'espace de deux heures, la plupart de adultes sont inscrits aux cours. Les serviettes de cuir se referment et l'avion repart. La survivance est assurée pour un autre hiver.

Dans les yeux de ces hommes, assis maladroitement sur les bancs d'une école de fortune, (...) beaucoup de gêne, une profonde amertume, un chèque dans quinze jours. (...) Le ou la marquise? demande un cahier d'exercices imprimé à Montréal.

Source: Rémi Savard, Le rire précolombien, dans le Québec d'aujourd'hui, Hexagone, Parti-pris, 1977, p. 20-21, cité dans le Mémoire de la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec, Commission d'étude sur la formation des adultes, janvier 1981.

Introduction

La déscolarisation, entendue au sens de la transformation des pratiques pédagogiques, est un enjeu majeur de toute politique de démocratisation de l'éducation des adultes.* Il s'agit là d'une question de pouvoir de l'adulte sur son développement et sur celui de la société. La Commission postule que l'éducation des adultes ne pourra servir d'outil de développement du potentiel humain que si elle repose sur la volonté de libérer le potentiel créateur des adultes.

La déscolarisation, entendue au sens d'une prise en charge des adultes du processus éducatif, implique une véritable révolution culturelle en éducation. Elle exige l'abolition des cloisons étanches entre éducation, travail, loisirs, et la réintégration des différents rôles de l'adulte à travers les activités éducatives. Elle appelle la redéfinition des rôles, et responsabilités des principaux intervenants en éducation des adultes et, particulièrement, des éducateurs, dont nous parlerons dans la prochaine section. On ne doit pas ignorer les caractéristiques spécifiques du monde des adultes en continuant à calquer une approche pédagogique scolaire sur les pratiques d'éducation des adultes. La déscolarisation nécessite la mise en place de nouvelles modalités de participation postulant que les adultes possèdent des capacités et des savoirs qu'il est indispensable de mettre à contribution. Mais surtout, la déscolarisation se fonde sur une conviction: il faut promouvoir « l'autonomie responsable » des adultes et leur réserver une place déterminante dans le processus éducatif.

La remise en question du modèle scolaire, que nous qualifierons de normatif et mécaniste, est déjà engagée. Elle l'est, objectivement, de par la volonté et les aspirations des étudiants adultes qui se sont exprimés sur le sujet (sondages, consultations, témoignages...). Elle l'est également, au moins en partie mais de façon tangible, dans l'esprit et la lettre de pratiques éducatives réalisées depuis plusieurs années un peu partout au Québec et ce, dans tous les milieux.

On a réduit l'éducation à la scolarisation et la scolarisation nous offre des « voyages organisés » qui répondent peu aux besoins des adultes et de la société en général.

* L'éducation des adultes copie le modèle scolaire de l'éducation des jeunes. Ce modèle est présent sinon dominant, dans tous les milieux concernés, quoique dans des proportions et sous des formes différentes (Voir 4.3.3.).

*...les sciences de l'éducation sont en état de crise. Les modèles traditionnels ne peuvent plus ni cacher, ni rendre compte des nouveaux problèmes éducatifs qui s'imposent socialement. Des éléments de nouveaux modèles de connaissance s'élaborent.

Source: Gaston Pineau, « Les possibles de l'autoformation », dans Education permanente, no 44, octobre 1978, p. 15.

** ... tout se passe comme si la petite révolution qui commence à transformer la relation enseignant-élève et à modifier l'environnement pédagogique dans bien des écoles et bien des universités n'avait que très peu touché les méthodes et techniques utilisées par la majorité des organismes d'éducation des adultes... L'orthodoxie prévaut toujours à l'égard des méthodes pédagogiques, même si, sur le plan théorique, on traite longuement de ce qu'il conviendrait de faire... La méthode d'enseignement qui continue à dominer la pratique de l'éducation des adultes est /'enseignement oral donné en classe.

Source: John Lowe, L'éducation des adultes, perspectives mondiales, Presses de l'Unesco, Paris, 1976, p. 120.

Qu'entend-on par déscolariser les pratiques pédagogiques? La Commission1 constate que la pédagogie en éducation des adultes est principalement, sinon massivement, à caractère scolaire*. Par le fait même, elle prétend que la pédagogie de type scolaire ne convient pas à l'orientation et aux objectifs qu'elle impute à l'éducation des adultes. Effectivement, si le modèle scolaire a pour résultat, comme certains l'entendent (voir 4.3.2), d'atrophier la créativité, d'encourager la passivité et la soumission à des normes préétablies (en particulier, par les mécanismes de sélection et d'élimination), s'il repose sur des rapports hiérarchiques entretenus par une conception mystificatrice du savoir, il va totalement à l'encontre d'une véritable démocratisation de l'éducation des adultes et il n'est pas à la hauteur des défis qu'imposent les transformations actuelles de la société québécoise.

La déscolarisation, loin de vouloir évacuer l'école, la convie plutôt à une transformation de ses pratiques et à un rapprochement avec le milieu. Si l'école demeure coupée de la réalité (comme l'affirment très souvent les adultes) et se déconnecte de la vie, elle ne peut prétendre contribuer de façon qualitative à la réalisation des objectifs que poursuit l'éducation des adultes*. Il convient que l'école, avec les immenses ressources dont elle jouit, s'inscrive aussi dans la perspective de l'autonomie responsable des adultes, et révise à cet effet ses pratiques pédagogiques. C'est dans cet esprit que nous allons rendre compte de diverses expériences de déscolarisation au sein de l'école, tout en tentant de situer celles-ci à la fois dans le contexte d'ensemble des institutions et en fonction de la conjoncture spéciale créée par les récentes restrictions budgétaires en éducation des adultes.

Nombreux sont les organismes, aux plans national et international, qui réclament une révision des modèles pédagogiques en éducation des adultes**. Le Conseil de l'Europe propose que les méthodes et les contenus soient axés sur la réalisation de projets plutôt que sur l'acquisition de bagages de connaissances divisés en disciplines(1). La Commission canadienne de l'Unesco, quant à elle, évalue que le projet global d'éducation permanente vise aussi bien la restructuration du système éducatif existant que le développement de toutes les possibilités formatrices en dehors du système éducatif(2).

Historiquement au Québec, les pratiques pédagogiques se sont centrées sur l'enseignement en ignorant à toutes fins pratiques l'apprentissage.

* Un premier effort de démocratisation de l'éducation au Québec s'est traduit par une normalisation uniforme avec le Rapport Parent. Le second effort devra se faire dans le sens d'une distribution des ressources qui tient compte de la diversité de besoins et de l'inégalité des chances. (Voir Pour une école qui soit davantage « d'intérêt public », allocution de M. Claude Benjamin, président du Conseil supérieur de l'éducation, à l'Association des institutions privées d'enseignement secondaire, Longueuil, 1981, p. 20-21.)

Au Québec, il apparaît que même si, depuis 20 ans, le discours andragogique et les modèles alternatifs en éducation ont foisonné, la pratique n'a pas suivi le discours. Selon le Conseil supérieur de l'éducation, les réformes annoncées ces dernières années en éducation (Livre Vert, Livre Blanc, Livre Orange) proposaient des mesures essentiellement scolarisantes, aussi bien pour les adultes que pour les jeunes, alors qu'il faudrait cesser d'hypertrophier le rôle de l'école et de traduire la vie elle-même en enseignement (3). Les orientations du Conseil l'engagent davantage vers une certaine « dénormalisation » du système d'éducation*.

La déscolarisation est donc à l'ordre du jour, ici comme ailleurs, particulièrement dans les milieux qui se réfèrent à des modèles d'éducation permanente. La Commission a choisi de traiter ce sujet sous l'angle du décloisonnement et de la transformation des pratiques pédagogiques, ces conditions entraînant une réflexion nouvelle sur la formation des éducateurs d'adultes.

La contestation du modèle scolaire en éducation des adultes provient des adultes eux-mêmes. C'est à eux que nous donnerons d'abord la parole. Nous verrons, par la suite, que divers modèles éducatifs ont tenté soit de corriger le modèle scolaire dominant, soit de le supplanter. Les modèles éducatifs sont des produits sociaux, donc historiques, qui s'inscrivent dans un contexte et qui poursuivent une finalité débouchant sur un choix de société. Ils évoluent aussi avec ce contexte, quoique de façon non linéaire: ils s'influencent réciproquement, se confrontent, et sont eux-mêmes le résultat de systèmes de tension et de contradiction sociales. Enfin, nous situerons les approches pédagogiques commandées par les modèles d'éducation permanente et identifierons les postulats sur lesquels ces approches reposent.

Dans un troisième temps, nous dresserons un portrait des pratiques pédagogiques en éducation des adultes nous permettant de dégager le diagnostic le plus réaliste possible et de mettre en relief les couleurs dominantes de ces pratiques. Ce tour d'horizon nous permettra enfin de systématiser des approches pédagogiques qui s'inspirent d'un objectif de déscolarisation.

En dernier lieu, il conviendra de s'interroger sur les « possibles » d'une stratégie de déscolarisation en faisant état des tendances actuelles de la pédagogie en éducation des adultes. Quant à nous, la déscolarisation ne relève pas d'un modèle utopique qui ferait table rase du présent et de ses contingences. Elle représente une condition majeure à la concrétisation du projet de démocratisation et de prise en charge par les adultes de leurs ressources éducatives. C'est en ce sens que la Commission entend formuler des recommandations susceptibles d'enclencher et d'encourager la transformation des pratiques pédagogiques.

4.3.1 Les adultes au coeur du processus éducatif

La présence des adultes en éducation a suscité des remises en question du modèle scolaire traditionnel.

* Par exemple, sur les 144 635 personnes inscrites à l'automne 1976 dans les universités du Québec, 48,1% suivaient leur formation à temps partiel: 47,2% au premier cycle et 53,6% aux 2e et 3e cycles.

Source: Commission d'étude sur les universités, Document de consultation, Québec, janvier 78, p. 55 (tableau 2).

** Cela ne suppose pas que les adultes en aient une conscience claire. Il n'est pas rare en effet que les besoins que l'on se reconnaît ne correspondent pas à la réalité et constituent un mauvais diagnostic de nos problèmes. D'où le rôle important de l'animateur/éducateur.

L'adulte à l'étude est un des révélateurs les plus sûrs des insuffisances de la pratique éducative traditionnelle.(4) L'arrivée en grand nombre des adultes sur le terrain de l'éducation* vers la fin des années 60 correspondait à divers facteurs: démocratisation de l'enseignement et ouverture à de nouvelles clientèles, cheminement de l'idée d'éducation permanente dans un contexte social et économique en mouvement, nécessité de rattrapage et de recyclage (la « 2e chance » dans le langage de la Révolution tranquille), aspirations des adultes à améliorer leurs conditions de vie et de travail. En plus des cadres de la formation dite « professionnelle » qui s'élargissent et se diversifient, divers services et institutions ont proliféré dans le sillon de ce mouvement: facultés de l'éducation permanente, andragogie, formation à distance, services d'éducation des adultes, services à la collectivité, support à l'action communautaire, services d'accueil et de référence, formation sur mesure, firmes de consultants en animation, en formation, etc.

Sur le plan de la vie associative et culturelle, on constate aussi une multiplicité et un élargissement des champs d'intervention qui reflètent la volonté des adultes de prendre en main leur développement.

La présence des adultes en éducation va entraîner des remises en question de l'approche pédagogique de type scolaire. Ces derniers ne s'impliquent pas dans une activité éducative pour le plaisir de retourner « à la petite école » et y subir les mêmes frustrations qu'ils y ont souvent connues plus jeunes(5). La motivation de l'adulte, qui a recours à des services d'éducation des adultes, repose sur une situation de tension résultant de divers problèmes d'adaptation aux changements.**

L'éducation des adultes ne doit plus être la copie de l'éducation des jeunes.

Les expériences « déscolarisantes » auxquelles nous ferons allusion plus loin sont nées des contradictions entre la pratique pédagogique normative et les besoins et les caractéristiques propres à la clientèle adulte. Les adultes nous pressent de déscolariser les approches pédagogiques dans tout le champ de l'éducation des adultes.

4.3.1.1 Respecter les caractéristiques et les façons d'apprendre des adultes

Déjà, sous l'angle de l'accessibilité aux ressources éducatives (voir le premier chapitre de la troisième partie), nous avons identifié des variables relevant de la situation de vie de l'adulte qui influent sur les possibilités qu'ont les adultes de se prévaloir des ressources éducatives. Ces mêmes variables ont également une incidence pédagogique importante. Nous faisions alors la remarque que les adultes exercent plusieurs rôles à la fois, sur tous les fronts de leur vie. Cette réalité définit un ensemble de besoins d'apprentissage qui ne sont pas cloisonnés les uns par rapport aux autres(6). D'autre part, les adultes choisissent de s'engager dans une activité éducative à la lumière des besoins que leur dictent les situations concrètes de leur vie. Leur motivation repose sur la pertinence de la démarche et du contenu éducatif en rapport avec les besoins qu'ils se définissent. L'adulte se souvient davantage des savoirs qu'il juge importants et signifiants pour lui. Il est nécessaire également de façonner un environnement éducatif qui tienne compte de facteurs d'ordre physiologique (personnes âgées, personnes handicapées...) et psychologique, et d'adopter des modalités didactiques et un environnement appropriés (éclairage, ventilation, disposition de la salle, caractère d'impression des textes, tonalité et débit de la voix, etc.). Conséquemment, il est primordial de respecter le rythme et le style d'apprentissage des adultes et de développer chez ceux-ci les aptitudes qui leur sont propres: habileté à intégrer, à interpréter, à appliquer des savoirs, plutôt que la seule acquisition quantitative de savoirs.

Le manque de flexibilité dans l'organisation des programmes est durement ressenti par les adultes, particulièrement ceux qui ont déjà des difficultés d'accès à l'éducation des adultes.

4.3.1.2 Un plaidoyer en faveur de la déscolarisation

Comme nous l'avons souligné dans notre document Hypothèses de solutions, à la suite des témoignages recueillis lors des journées régionales et de l'analyse des mémoires, les adultes ne souhaitent pas, quels que soient les lieux où ils apprennent, faire face à des approches pédagogiques scolaires qui s'appuient sur la transmission, à sens unique, du savoir. L'addition de leurs critiques constitue un véritable plaidoyer en faveur de la déscolarisation des pratiques pédagogiques en éducation des adultes.

La rigidité des programmes (calendrier, horaires, rythme d'apprentissage...) est un sujet majeur de mécontentement. Ceci est particulièrement néfaste, par exemple, pour les personnes qui travaillent avec des horaires rotatifs, ceux qui doivent parcourir des distances impressionnantes pour participer à une activité éducative, pour les cultivateurs, pour les populations autochtones, pour les personnes âgées, pour les personnes handicapées, pour les adultes des régions éloignées, pour les femmes ayant à assumer une double journée d'ouvrage et, finalement, pour tous les adultes, a titres divers. Cela exige que l'on cesse de faire abstraction de leur situation de vie: l'éducation ne doit pas être coupée de la vie, du travail, de la réalité qui l'entourent.

Par exemple, des compressions dans la durée de la formation ont été dénoncées par les adultes inscrits en formation générale de niveau secondaire, bénéficiant d'une allocation d'étude de la Commission d'emploi et d'immigration du Canada. Ils considèrent qu'ils doivent faire en un an l'équivalent de ce que les jeunes feraient en deux ans et plus. Cette situation les amène souvent à mémoriser sans comprendre, ce qui équivaut à du « bourrage de crâne » inutile.

Une formation éloignée des problèmes concrets, du milieu de vie et de l'action

Les adultes, en général, jugent que les approches pédagogiques utilisées ne sont pas suffisamment concrètes. On désirerait avoir davantage affaire à des praticiens comme formateurs. Particulièrement en milieu scolaire, les éducateurs ont tendance à rester à un niveau abstrait et ne se préoccupent pas assez de dégager les implications pratiques de la formation. Les adultes expliquent cette situation par le fait qu'ils ont souvent des éducateurs du secteur dit « régulier » qui connaissent peu la psychologie de l'adulte, ne font pas assez d'efforts et ne sont pas suffisamment incités à adapter leur pédagogie. Incidemment, les adultes croient que les activités seraient plus concrètes et plus stimulantes si leur expérience était davantage mise à contribution.

Un manque d'encadrement personnalisé

Dans le domaine de la formation reliée à l'emploi, les adultes ne se considèrent pas préparés pour répondre aux exigences des marchés du travail. Selon eux, les activités éducatives ne reproduisent pas les vraies conditions rencontrées dans l'exercice d'un emploi (ex.: endurance au stress, au froid). Les stages qu'ils doivent faire pour mettre leurs connaissances en pratique ne leur permettent pas de juger de leurs capacités réelles; d'une part, les stagiaires ne sont pas considérés comme de vrais employés et, d'autre part, la durée des stages est trop courte. Il faut ajouter que les adultes inscrits à des cours de formation reliée à l'emploi n'ont pas nécessairement la possibilité de faire un stage pratique alors qu'ils souhaiteraient pouvoir le faire. (Hypothèses de solutions, p. 107).

Les approches pédagogiques de type scolaire ne permettent pas de s'adapter à des catégories d'adultes qui vivent des réalités spécifiques et, ont des besoins particuliers en éducation des adultes (voir le chapitre premier de la troisième partie). Ce serait notamment le cas des analphabètes et de diverses catégories d'adultes peu scolarisés qui préféreraient, dans plusieurs cas, réaliser leurs apprentissages dans leur milieu de vie, au sein de leurs communautés ou de leurs organismes (p. 108). Ces pratiques éducatives ne sont pas encouragées, ni favorisées par le système actuel qui généralement dévalorise ce qui se fait en dehors de l'école.

Les adultes, par ailleurs, souhaitent que les éducateurs les supportent, de façon personnalisée autant que possible, dans leur démarche éducative. // arrive qu'en vertu d'une approche standardisée de l'éducation, des débutants et des gens plus expérimentés se retrouvent dans un même groupe et qu'on leur impose un même contenu et un même rythme d'apprentissage. (p. 107). Il en va de même dans le domaine de l'éducation à distance où les adultes réclament un encadrement et des contacts personnalisés avec les éducateurs et entre les étudiants engagés dans les mêmes activités. De façon générale, l'absence d'une approche personnalisée dans les pratiques pédagogiques relève d'une conception normative et standardisée de l'éducation; ces attitudes reflètent aussi une certaine conception du rôle de l'éducateur, lui-même « coincé » dans le carcan des conditions de travail de ce secteur et des contraintes institutionnelles de tous ordres (programmes, budgets, etc.).

Un désir d'être associé à la démarche éducative

Une critique majeure adressée par les adultes au régime actuel en éducation des adultes concerne le peu de cas que l'on fait de leur contribution à l'ensemble de la démarche éducative.

Une enquête effectuée en 1979 par la Direction générale de l'éducation permanente de l'Université de Sherbrooke auprès des étudiants adultes(7) dévoilait, en effet, la volonté de la majorité de participer d'une façon active à l'élaboration du programme de formation, au contenu même de l'activité ainsi qu'à l'évaluation de celle-ci.

Les étudiants réclament des programmes où tout n'est pas défini à l'avance:1 49% des étudiants adultes souhaitent que la moitié des cours du programme ne soient pas obligatoires et 31% des autres optent pour un programme où les 2/3 des cours ne seraient pas définis à l'avance mais élaborés par l'étudiant en cours de programme. Sur quatre méthodes pédagogiques possibles, les adultes choisissent majoritairement (82%) deux méthodes qui exigent une participation active de l'étudiant. Une proportion de 16% seulement préfère le cours magistral traditionnel à toute autre méthode et 2% seulement opte pour le cours entièrement assumé par l'étudiant.

À la question portant sur les critères d'évaluation et offrant quatre possibilités de choix, les étudiants optent encore ici pour une participation plus étroite à l'établissement des critères d'évaluation: 65% désirent que ces critères puissent être réajustés par la suite par des discussions avec les étudiants ou même définis en collaboration avec eux.

Le rapport conclut que plus l'étudiant adulte ressent un besoin d'autonomie, moins il se montre satisfait des programmes, des professeurs, des cours, des méthodes pédagogiques et des méthodes d'évaluation. On veut battre en brèche le paternalisme et cesser de se faire traiter en enfants.

Une réappropriation de la démarche éducative

Une pédagogie axée sur la responsabilité de l'adulte

Rappel :

4.3.1.3 Des points de ralliement

La majorité des critiques adressées aux pratiques pédagogiques en éducation des adultes découlent d'un problème central: la formation n'arrive pas à s'adapter aux besoins des adultes, des clientèles particulières (femmes, personnes âgées, etc.), aux besoins des collectivités (par exemple, en formation reliée au travail). L'enseignement n'est pas articulé à la pratique, les contenus et les méthodes sont trop standardisés. En définitive, les adultes veulent se réapproprier leur éducation ; en être les définisseurs et ceux qui en tirent profit. Ils désirent que leur contribution et leur expérience soient valorisées et qu'on adopte des pratiques et un environnement pédagogiques respectueux de leur réalité.

La déscolarisation fait appel à une pédagogie axée sur la responsabilité, les capacités et les savoirs des adultes. Elle soulève la question du pouvoir des adultes au sein de la démarche éducative de même qu'à l'intérieur des organismes gestionnaires de l'éducation (voir la cinquième partie sur la participation).

Évidemment, le principe de la déscolarisation trouve des applications distinctes selon qu'il s'agisse d'une formation de type académique forcément standardisée et répondant à des normes définies au niveau national, ou d'une formation par projet, secteur par excellence de la formation sur mesure, répondant à des besoins ad hoc et destinée généralement à des groupes plus homogènes*, (voir 4.4.3).

Parce que le modèle scolaire normatif et mécaniste constitue souvent un obstacle pour les adultes et que l'on observe toujours, en dépit de certains efforts, sa persistance en éducation des adultes, la Commission estime nécessaire d'analyser plus longuement ses fondements et ses manifestations.

4.3.2 Les options en éducation: modèle scolaire et contre-modèles

Un modèle pédagogique dit comment organiser la pédagogie, c'est-à-dire l'enseignement et l'apprentissage.

Source: Yves Bertrand. Les modèles éducationnels, Université de Montréal, 1979, p. 2.

En dépit du caractère forcément schématique et partiel de ce chapitre, et du danger de « réduction » qui s'y rattache, nous avons estimé important de traiter des modèles éducatifs et de leurs incidences pédagogiques, et ce, pour au moins deux raisons. Premièrement, l'orientation d'éducation permanente de la Commission a ses racines dans le temps et dans l'espace et nous voulons situer les points d'ancrage des approches pédagogiques qu'elle préconise. Tout modèle éducatif a une histoire, il reflète une philosophie de base, une vision du monde et s'inscrit dans un projet de société. Il est aussi le produit de l'évolution et de l'interaction de divers courants idéologiques. Deuxièmement, parler de déscolarisation implique une critique des stratégies et des approches pédagogiques à caractère scolaire: contre quoi voulons-nous réagir. Ce faisant, nous réalisons que diverses options se sont manifestées, à la fois s'alimentant et s'opposant les unes les autres. Il n'est pas dans nos intentions d'en faire une étude systématique(8). Cependant, nous avons voulu souligner au passage celles qui nous apparaissaient avoir contribué à inspirer des modèles d'éducation permanente.

L'école est le produit de la société et elle en reflète les règles du jeu.

La pédagogie normative vise à conformer les élèves aux normes et aux valeurs préétablies.

4.3.2.1 Le modèle scolaire dit normatif et mécaniste

Tout paradigme éducatif se fonde sur un paradigme socioculturel, c'est-à-dire que toute organisation scolaire est un système socioculturel dont les fins sont déterminées par des forces exogènes (9) Certains vont même affirmer que c'est le modèle du monde du travail qui a pénétré le système scolaire: connaissance fragmentaire, pédagogie linéaire, absence de relations interpersonnelles, hiérarchie, sur-spécialisation, etc. Ainsi, avec les années 60 au Québec et la réforme de l'éducation, on a assisté à la mise en place d'un véritable « taylorisme » éducatif: l'école est à peu près conçue comme une ligne de montage où les étudiants se déplacent d'un professeur à l'autre... Ce qui constituait une rupture importante avec la philosophie et les pratiques des anciens collèges classiques qui, eux, répondaient à une tout autre dynamique sociale.

Nous envisageons ici les liens entre l'école et la société sous un angle particulier: sans nier l'influence de l'école sur l'organisation de la société, nous postulons que l'école elle-même est le produit de cette société et qu'elle en reflète les règles du jeu. Le défi de la déscolarisation, dépassant la responsabilité de l'école, en est donc d'autant plus grand.

Ginette Lépine, dans un ouvrage intitulé Analyse des modèles utilisés en éducation au Québec(10), brosse le tableau de la pédagogie qu'elle appellera normative parce que s'appuyant sur la responsabilité de l'école dans la mise en forme et la reproduction de normes et de valeurs établies dans la société. L'objectif de cette pédagogie consiste à rapprocher les élèves le plus possible des normes et des modèles qualitatifs (rites de conduite et de comportement) et quantitatifs (acquisition de contenus programmés) préétablis. L'application des programmes constitue la priorité majeure: on alloue un temps identique à tous les élèves pour qu'ils apprennent par des moyens et des méthodes assez semblables des contenus et des techniques identiques. Sur le plan de la communication, ce modèle éducatif présente trois caractéristiques: la dissociation des fonctions d'émetteur et de récepteur; le découpage du savoir et du savoir-faire en matières, ce qui tend vers une quantification des messages ou de l'information; et, en conséquence, la limitation des modes de communication.

Tableau 35

Source: Yves Bertrand, op. cit., p. 8.

Le modèle mécaniste en éducation conçoit renseignement comme un processus de transmission et l'apprentissage comme un processus de réception...

Un modèle traditionnel où l'éducateur est un maître incontesté.

L'éducation des adultes: un terrain majeur de contestation du modèle scolaire normatif et mécaniste.

Le Conseil supérieur de l'éducation décrit ainsi ce qu'il appelle le modèle mécaniste en éducation: L'image qui représenterait ce style de formation serait celle du transvasement des connaissances d'un contenant dans un autre contenant, c'est-à-dire de l'esprit du professeur dans l'esprit de l'étudiant. (...) Le professeur est un transmetteur qui émet des informations, l'étudiant est un récepteur qui les enregistre. Il est dépendant du maître; il reçoit, il acquiert, il ne prend pas, selon l'acception active de ce terme et suivant l'initiative qu'il implique. Dans cette situation, l'étudiant n'est pas proprement associé à l'action de formation, il ne coopère que par son acquiescement, sa docilité, sa bonne volonté.

Les objectifs que l'étudiant est censé poursuivre sont fixés de l'extérieur, les travaux qu'il accomplit sont prévus et déterminés par un autre que lui, c'est-à-dire par le professeur. L'étudiant répète; il prépare, en vue d'un contrôle éventuel, la preuve de son savoir acquis. Dans les actions de formation de ce style, il s'agit le plus souvent d'acquérir des formules de connaissances toutes faites ou de s'approprier des règles conventionnelles apprises et retenues de façon mécanique.(11)

Le modèle scolaire normatif procure à l'éducateur pouvoir, contrôle et autorité. Il est en possession du savoir; il est expert, censeur, évaluateur. Un programme fixe, qui organise selon une séquence préétablie les contenus des connaissances, lui offre la sécurité et la satisfaction de couvrir le matériel jugé indispensable à l'acquisition d'une compétence standardisée. Dans cette optique, l'évaluation se fait en fonction de normes standardisées également, qui renvoient à une stratification scolaire et sociale. L'étudiant lui-même est classifié sur l'échelle des stanines (unité de mesure échelonnée de 1 à 9), en rangs ou en voies. La promotion individuelle passe ici par la compétition et la réussite est fonction de l'adaptation aux normes de l'école et de la société.

Ce modèle est dit « traditionnel » parce qu'il repose effectivement sur une longue histoire. D'autres modèles éducatifs peuvent également avoir des origines fort lointaines dans l'histoire de l'humanité. C'est le cas en particulier de l'éducation permanente. Cependant, l'évolution des rapports sociaux n'a pas permis que ces modèles supplantent le modèle scolaire normatif et mécaniste. Celui-ci a constitué et constitue encore le modèle dominant à tout le moins dans les sociétés occidentales. Il reflète une certaine conception de la civilisation, des connaissances et de idées que les générations ont le devoir de transmettre. En réalité, il consacre aussi une attitude de domination: celle du maître incontesté qui a plein pouvoir sur l'élève.

Cette pédagogie millénaire a subi peu de transformations et on la retrouve solidement implantée dans nos institutions scolaires. Nous pouvons aussi estimer que ces pratiques, parce que fortement enracinées dans notre culture et dans notre formation initiale, sont dominantes (quoique dans une moindre mesure) dans tout le champ de l'éducation des adultes. Sur ce terrain, le modèle scolaire traditionnel est devenu la cible de nombreuses critiques, principalement dans le cadre de la formation par projet, et tout spécialement dans les pratiques de formation réalisées hors de l'école. Bien que la formation par projet offre de nombreuses possibilités d'expériences « déscolarisantes », la formation académique n'est pas non plus à l'abri des transformations. Même si elle possède un caractère normatif indéniable, rien, n'empêche de contester ces normes et de revoir les mécanismes qui permettent de les définir, de même que les pratiques pédagogiques qui ont cours dans ce secteur. C'est ce que nous verrons plus attentivement dans les sections suivantes de ce chapitre.

À partir des années 60 au Québec, apparition de contre-modèles.

Au Québec, la réforme scolaire des années 60 a introduit des modifications au modèle scolaire traditionnel de « forme classique ». D'une part, le Rapport Parent a prôné des objectifs de démocratisation et d'épanouissement de la personne; d'autre part, il a introduit en éducation une certaine forme de « taylorisme éducatif ».

À un discours souvent généreux, on a accolé des «recettes pédagogiques» : et des réformes technocratiques auxquelles la population a été fort peu associée. Ces bouleversements ont par ailleurs encouragé la naissance et l'application au Québec de divers contre-modèles pédagogiques tributaires de grands courants de pensée.

Parmi les modèles éducatifs qui ont cherché à « renouveler » l'école, nous signalerons ceux qui renvoient à une pédagogie humaniste, à une pédagogie de conscientisation et à une pédagogie communautaire ou non directive. Nous voulons repérer à l'occasion les apports de ces différents modèles", leurs liens et leurs confrontations avec des modèles qui ont voulu contester le modèle scolaire dans ses fondements et lui apporter des alternatives globales.

Des pédagogies humanistes s'apparentant à la psychosociologie et au behaviorisme.

4.3.2.2 Des modèles organisationnels ou institutionnels

La pédagogie humaniste croit à l'autonomie, à la créativité de la personne, à la capacité de prise de décision démocratique. Elle cherche à dégager tout le sens de l'expérience, affirme que l'action ne se sépare plus de la recherche et que le formateur, par conséquent, doit se transformer et devenir un animateur, un « facilitateur de l'apprentissage ». Le bagage conceptuel des théoriciens tels Rogers, Maslow, Fromm, Erikson, Lolirot, Oury, Vasquez, etc., s'alimente à la psychosociologie et à la psychothérapie. Certains parlent de « pédagogie ouverte », dont le principe de base est l'auto-éducation. Tout un mouvement d'autogestion pédagogique cherche à abolir le rapport hiérarchique entre enseignant et enseigné. Ces courants, se. heurtant à la rigidité de l'institution scolaire, ont eu tendance à vouloir se réaliser en marge de l'école. Malgré l'encouragement de nombreux documents ministériels et la production d'une abondante littérature sur le sujet

ce courant pédagogique est loin d'avoir supplanté le modèle scolaire normatif (12). Au Québec, ces écoles de pensée ont donné lieu à des applications qui soulèvent les plus grandes interrogations: on a voulu trop souvent faire fi des institutions existantes et concevoir les réformes dans la dynamique exclusive de l'individu et du groupe. Cette approche aurait le tort de négliger les rapports d'interinfluence entre l'école et la société.

Une pédagogie de conscientisation populaire : Elle est une réflexion sur le monde et un engagement dans l'action pour le transformer.

Source: Yves Bertrand, op. cit., p. 30.

* L'analyse n'est pas en elle-même une alternative à la problématisation du système scolaire. Elle a cependant l'avantage de donner prise plus facilement sur le système que des choix basés sur un système philosophique.

Source: Etienne Verne, « Déscolarisation et éducation permanente ». dans Orientations, no 40, octobre 1971, p. 19.

La pédagogie communautaire et non directive.

** Illich a posé des questions essentielles:

Pourquoi a-t-on réduit l'éducation à la scolarisation ?

Comment en est-on arrivé à oublier que le système scolaire est une institution récente dans sa généralisation et que d'autres sociétés ont connu ou connaissent encore des processus éducatifs qui ignorent la distinction entre apprentissage et production, travail et loisir, jeunes et adultes, compétence et certification... ?

Source: Etienne Venne, « Déscolarisation et éducation permanente », revue Orientations, no 40, octobre 1971, p. 20.

L'avantage, par ailleurs, d'un certain courant sociologique en éducation est d'avoir procédé à l'analyse de l'école comme institution sociale.* L'école s'explique par les marchés du travail, ces derniers par l'école, et les deux par la division de la société en classes sociales. Des auteurs, comme Bourdieu et Passeron, Baudelot et Establet, ont démontré ainsi que l'école reproduit les inégalités sociales. Au Québec, des organismes syndicaux et populaires et certains milieux scolaires ont avancé des propositions de « pédagogie prolétarienne », pédagogie qui s'inscrit en réaction au système d'exploitation et de domination observé dans la société, et qui veut au contraire préconiser une prise de conscience de la réalité sociale, favoriser la solidarité plutôt que la compétition. Certains reprocheront à ce courant de s'être principalement cantonné sur le terrain de la dénonciation.(13) Notons cependant que, depuis ces dernières années, l'approche pédagogique de conscientisation populaire témoigne d'une volonté de se concrétiser, par exemple à travers des expérience initiées par le groupe « La Maîtresse d'École » à l'Université de Montréal, par la consolidation d'activités de formation dans les syndicats et les milieux populaires (voir 4.3.3.2) et, à l'issue également des débats entourant la Proposition d'école de la Centrale de l'enseignement du Québec (1979).

La pédagogie communautaire se situe à la frontière de l'approche institutionnelle et de l'approche globaliste que nous définirons tantôt. Elle reprend à son compte des objectifs de libération des ressources humaines, de créativité, d'innovation, d'auto-éducation, de décentralisation. Elle a donné lieu à de multiples expériences et formulations théoriques (voir Libres enfants de Summerhill de A.S. Neil). On a tenté, à travers des expériences d'écoles libres ou d'écoles sauvages, de pousser à leur limite les principes de la non-directivité.

Ivan Illich, pour sa part, propose de créer un nouveau style de relations éducatives entre l'individu et son environnement, envisageant du même coup la suppression de l'institution-école: l'alternative au contrôle social à travers l'école, c'est la participation volontaire des membres de la société grâce à des réseaux permettant l'accès à toutes les ressources de l'enseignement.(14) Sa critique incisive de l'école et de ses fonctions sociales** ne l'amène cependant pas à dépasser une problématique largement utopiste qui précise rarement des mécanismes concrets pour arriver à ses fins.

Impact de la pédagogie de libération de Freire au Québec.

4.3.2.3 Des modèles globalistes

Les modèles pédagogiques de type globaliste ne considèrent plus l'école comme le principal lieu de formation de l'individu. Le processus éducatif se définit par une relation dynamique avec la société dans son ensemble. Il est décloisonné, libéré, il éclate dans le temps (c'est la formation continue, récurrente ou permanente) et dans l'espace (dans et hors de l'école, dans toute situation d'apprentissage). Avant de définir l'approche de l'éducation permanente, jetons un bref coup d'oeil sur quelques contributions susceptibles d'être retenues comme modèles éducatifs globalistes.

Au Québec, la pédagogie de libération de Paulo Freire a eu beaucoup d'impact au début des années 70. Elle a alimenté théoriquement et pratiquement des remises en question du modèle scolaire traditionnel. À la fois dans les milieux scolaires, syndicaux et populaires, la pédagogie de libération fournit l'occasion d'unir pratiques pédagogiques et objectifs sociaux. Elle a particulièrement inspiré des approches pédagogiques auprès des populations peu ou pas scolarisées, comme ce fut le cas de pratiques auprès d'analphabètes dans des milieux populaires.

Une pédagogie sociale d'autodéveloppement en éducation.

L'éducation permanente: un modèle social, une manière de vivre qui a généré une multiplicité de conceptions et d'approches pédagogiques.

Avec Freire, l'individu et le groupe deviennent l'objet de l'éducation. L'expérience et le vécu constituent la base de la démarche éducative. Le processus qui s'appuie sur l'autoformation est susceptible d'entraîner hommes et femmes à intervenir dans leur milieu. Éducation et action sont intimement liées dans une stratégie de changement social. Freire s'oppose avec fermeté à la conception « bancaire » de l'éducation (l'accumulation de connaissances) au profit d'une éducation « conscientisante » qui reconnaît aux humains, et particulièrement aux peuples opprimés du monde entier, la capacité de transformer la culture qu'ils reçoivent et le monde dans lequel ils vivent. Il nous rappelle fort justement que les grands modèles de promotion collective sont issus de pays en voie de développement qui se sont appuyés sur la promotion collective de larges couches de leurs citoyens dans le but de redresser rapidement des situations socio-économiques jugées indésirables (comme, par exemple, une main-d'oeuvre spécialisée provenant toujours exclusivement de pays étrangers, analphabétisme quasi général, etc. (15)

Une autre approche pédagogique qui réfère à un modèle globaliste est illustrée au Québec par Jacques Grand'Maison: La pédagogie sociale d'autodéveloppement progressif, en tant que contenu de la communication pédagogique, vise essentiellement l'acquisition d'un savoir-dire-penser-partager-faire-vivre correspondant aux composantes synergétiques d'une praxis sociale, à savoir un vécu exprimé, partagé, interprété et transformé. L'accent porte donc sur l'acquisition et non sur la transmission de connaissances et de techniques. Il s'agit d'acquérir un savoir qui est situé par rapport à un vécu original avec ses formes propres d'expression, de compréhension critique, de solidarité et d'action transformatrice.(16)

Une telle conception de l'éducation ne peut faire abstraction d'une indispensable prise de conscience d'un macro-problème mondial: halte à l'expansion économique illimitée, redéfinition des valeurs qui sous-tendent la science et la technologie, défi de la survie et de la qualité de la vie, etc. Les perspectives d'autodéveloppement en éducation reposent sur une conscience historique et mondiale.

Ceci nous amène à traiter de l'éducation permanente en tant que modèle éducatif. En réalité, il s'agit plutôt d'un modèle social qui implique une nouvelle manière de vivre. L'éducation permanente a vu éclore plusieurs conceptions en son sein. La plus célèbre demeure celle du Rapport Faure, Apprendre à être (1972).

Ce rapport fait le tour de toutes les dimensions de l'éducation: biologique, sociale, culturelle, politique, économique... On y élabore aussi une analyse historique de ce concept: son passé (jusqu'aux sociétés primitives). Son présent et son futur (y compris la cybernétique), et ce, afin de proposer une « cité éducative » reposant sur un « humanisme scientifique ». La recherche d'un nouvel ordre de l'éducation repose sur la formation scientifique et technologique, qui est l'une des composantes essentielles d'un humanisme scientifique. En somme, l'éducation permanente vise le développement de l'homme total et concret (...). L'éducation, pour former cet homme complet dont l'avènement devient plus nécessaire à mesure que des contraintes toujours plus dures écartèlent et atomisent davantage chaque être, ne peut être que globale et permanente. // s'agit non plus d'acquérir, de façon ponctuelle, des connaissances définitives, mais de se préparer à élaborer, tout au long de la vie, un savoir en constante évolution et d'« apprendre à être ».(17)

* Cela semble également être la position du Conseil supérieur de l'éducation lorsqu'il analyse la portée des Livre Vert et Livre Orange en éducation.

Voir Conseil supérieur de l'éducation, gouvernement du Québec, Où va la politique de l'éducation du gouvernement actuel : développement culturel ou scolarisation généralisée, document de travail, Montréal, 1978.

Lorsque le Conseil de l'Europe appelle, quant à lui, à la « déscolarisation » de l'éducation des adultes, il entend que l'éducation des adultes doit concourir aussi dans ses méthodes et ses pratiques à l'amélioration de la qualité de la vie. Cette orientation majeure devra se réaliser à travers la poursuite des objectifs suivants: égalité des chances, autonomie responsable, accomplissement personnel, démocratisation de l'éducation(18).

À de multiples reprises, la Commission s'est reconnue dans ces propositions. Convaincue qu'on ne saurait envisager une véritable politique de démocratisation de l'éducation des adultes sans l'intention explicite de déscolariser les pratiques pédagogiques, c'est avec appréhension qu'elle questionne certains courants officiels se réclamant d'un « retour à l'essentiel » en éducation. Ces courants, selon elle, prennent davantage l'allure d'un retour au conservatisme et aux mesures scolarisantes* en préconisant des programmes et des livres de base prédéterminés, des mesures standard d'évaluation, etc.

Si l'on veut cependant que l'éducation des adultes soit un élément dynamique de développement du potentiel humain et qu'elle contribue ainsi à répondre aux besoins et à orienter l'avenir de la collectivité québécoise, on ne saurait faire l'économie de la critique et de l'autocritique des pratiques pédagogiques actuelles dans tous les secteurs de l'éducation des adultes. C'est la tâche à laquelle nous nous attacherons maintenant.

4.3.3 Les pratiques pédagogiques actuelles en éducation des adultes: un aperçu

En voulant donner un aperçu des pratiques pédagogiques en éducation des adultes, nous poursuivons l'objectif d'identifier, au moins à titre indicatif et de la façon la plus réaliste possible, de nombreuses expériences significatives de déscolarisation des pratiques pédagogiques qui ont cours au Québec depuis des années, ceci devant inspirer la Commission dans ses recommandations. Conséquemment, il ne faut pas espérer trouver ici un relevé complet et des bilans étoffés. Notre analyse s'appuie fondamentalement sur l'expertise des praticiens de l'éducation des adultes au Québec, sans laquelle il serait aujourd'hui totalement illusoire de parler de dé scolarisation.

Les S.E.A. des commissions scolaires: diverses expériences visant à transformer les pratiques pédagogiques traditionnelles en éducation des adultes.

4.3.3.1 Le milieu scolaire est convié à la déscolarisation

Les commissions scolaires

C'est principalement par le biais des services d'éducation des adultes que les commissions scolaires offrent des services éducatifs aux adultes et aux groupes d'adultes. Même si les budgets affectés aux services d'éducation des adultes (S.E.A.) sont modestes, ils ont permis la réalisation de projets intéressants articulés aux besoins du milieu. Chaque S.E.A. a une enveloppe globale qu'il doit répartir entre la formation générale à temps partiel et « l'éducation populaire ». Le vocable « éducation populaire » comprend des activités de formation sociale et culturelle visant à rendre les adultes aptes à améliorer leurs conditions de vie et leur milieu, et à mieux accomplir leurs rôles sociaux (citoyens, consommateurs, parents, conjoints, etc.). Ces activités éducatives répondent davantage à des objectifs de développement personnel, quoique se multiplient de plus en plus les approches de type « promotion collective ».

* Exemples:

politique de concertation scolaire-municipale : concertation dans la construction, l'entretien et/ou l'utilisation de locaux;

collaboration d'un S.E.A. avec le service de diététique d'un hôpital:production de huit courts documents sonores sur la santé et l'alimentation.

Diverses expériences de jonction avec le milieu.

Divers services ont été mis sur pied, de façon permanente ou répondant à des besoins ad hoc, afin de transformer à la fois les pratiques et l'environnement pédagogique en éducation des adultes. Il s'agit, dans certains cas, de tentatives d'adaptation à des clientèles particulières et à des besoins spécifiques par le moyen des « approches processus » et de la « formation sur mesure » (voir définitions dans la section suivante): par exemple, en alphabétisation ou dans le domaine de la formation reliée au travail. Par ailleurs, des services de soutien à la démarche éducative, d'orientation et d'animation, se sont développés dans le cadre des programmes d'accueil et de référence et en animation communautaire. Divers protocoles d'entente ont favorisé des échanges et des mises en commun de ressources et de services favorisant l'ouverture de l'école sur son milieu, le décloisonnement des lieux de formation et la jonction avec des organismes ou des groupes concernés par l'éducation des adultes.*

Par le biais du programme d'éducation populaire, des organismes peuvent faire appel aux ressources des commissions scolaires et recevoir une formation « sur mesure », liée aux objectifs et à l'action qu'ils veulent entreprendre. Des exemples:

En termes de protocole d'entente, l'expérience des centres d'éducation populaire à Montréal, en cours depuis 1970, mérite une attention particulière. Gérés et contrôlés par les citoyens, ces six centres ont pignon sur rue dans des écoles désaffectées de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Celle-ci prête les locaux et accorde un budget annuel de fonctionnement. Ces centres s'appuient sur le dynamisme des milieux et cherchent à répondre à des besoins éducatifs de base. Ces citoyens participent à la conception et à la réalisation d'activités éducatives qui sont ainsi mieux adaptées à leurs aspirations. Le protocole d'entente, établi en 1975-1976 entre la CE.C.M. et les six centres, reconnaît l'autonomie et la responsabilité totale de ceux-ci en termes d'orientation et d'administration.(19)

Une place marginale qui devient la cible par excellence des récentes coupures budgétaires.

En dépit des acquis nombreux des pratiques d'éducation des adultes dans les commissions scolaires, une constatation s'impose: la place faite à des expériences déscolarisantes est marginale et leur fragilité même en fait une cible privilégiée des coupures budgétaires. Par exemple, les structures en place dans les commissions scolaires favorisent rarement le support à la promotion collective, et là où une telle volonté existe (elle est souvent le propre d'un petit groupe de convaincus), l'enthousiasme est réfréné par la modestie des sommes consenties. En juin 1979, on pouvait constater quel dans les meilleurs cas, la part des fonds alloués à de telles activités ne dépasse généralement pas 4% du budget d'un S.E.A., soit moins de 1% du budget global des commissions scolaires régionales (20)

Cette situation s'est encore détériorée récemment. La formation populaire est le secteur le plus dramatiquement atteint par les coupures gouvernementales. Par exemple, dans les commissions scolaires, le budget de quatre des six centres d'éducation populaire autonome a subi une baisse réelle de 20%, sans compter la baisse de 14% entraînée par la non-indexation de ce même budget. En termes de capacité d'accueil d'étudiants adultes dans les commissions scolaires, un énorme recul s'enregistre: baisse de 41% du nombre d'étudiants en formation dite « professionnelle » à temps partiel, et baisse de 30% dans le secteur de la formation dite « générale » à temps partiel (21). Cette conjoncture entraîne une restriction des services et atteint la qualité de l'enseignement dispensé aux adultes (classes surpeuplées, choix de cours diminués, fermeture de bibliothèques, des services audiovisuels). Dans ces conditions, la marge de manoeuvre et d'expérimentation de pratiques pédagogiques déscolarisantes est considérablement réduite. C'est aussi le cas des autres niveaux du système scolaire.

Les cégeps

Les cégeps: terrain d'expérimentation de la formation sur mesure.

Définition, processus opérationnel, orientation de la formation sur mesure.

* Des expériences novatrices en ce domaine avaient déjà été relevées, notamment dans une publication de l'Institut canadien d'éducation des adultes, 1969.

** Des données tirées de cette enquête:

répartition géographique des interventions de formation sur mesure :37,7% à Montréal et à Québec (on retrouve ici le plus grand nombre d'inscriptions); 63,3% ailleurs en province ;

51,9% des interventions sont des cours isolés, 33,3% des programmes et 14,8%des cours intégrés à des programmes ;

79,9% des interventions se situent dans le cadre de la formation professionnelle,12,8% en éducation populaire et 7,3% en formation générale ;

le caractère d'homogénéité de la clientèle se retrouve dans 78,7% des expériences.

Source: Campeau et Leroux, La formation sur mesure, Fédération des cégeps, avril 1975, p. 38-44.

Le Conseil supérieur de l'éducation rendait public en 1975 un rapport sur l'état et les besoins de l'enseignement collégial. La consultation auprès des cégeps faisait état d'une très grande variété de points de vue de la part des intéressés, quant à l'évaluation des méthodes et des expériences pédagogiques au cégep.(22) Certains relevaient comme un sérieux problème l'absence d'andragogie au cégep; on y soulignait aussi la dépersonnalisation de l'enseignement et un manque d'encadrement pédagogique. Sur le terrain de l'éducation des adultes, on constatait que les pratiques de type scolaire y étaient encore largement dominantes malgré le développement, ces dernières années, d'expériences de « formation sur mesure », principalement en formation reliée à l'emploi.

On a beaucoup parlé et écrit à propos de la formation sur mesure. Retraçons brièvement la petite histoire de ce concept. La formation sur mesure est née de la nécessité pour les S.E.A. des cégeps de trouver des clientèles nouvelles vers le début des années 70* ; elle est née aussi du désir d'ajuster l'éducation des adultes aux caractéristiques des clientèles adultes. Elle s'est enrichie des recherches et des expérimentations issues de l'éducation des adultes dans les cégeps. En 1975, une première étude dirigée par la Fédération des cégeps fait le point des nombreux efforts conçus en ce sens depuis 1967. Une enquête téléphonique révèle que 147 expériences de formation sur mesure sont en cours**. L'opération R.A.I. (recherche-action-information en formation sur mesure), en 1976, avait pour mandat de dégager un modèle d'intervention et d'organisation et d'analyser ses implications pédagogiques et administratives, mandat qui dut par la suite se restreindre à des dimensions plus réalistes. L'essentiel de cette démarche se retrouve résumé dans le rapport final La formation sur mesure, paru en juin 1978.(23)

À l'époque, les interventions de formation sur mesure se situent très majoritairement dans le domaine de la formation reliée au travail. Plusieurs cégeps développent ainsi des expériences intéressantes de collaboration avec des entreprises (entre autres: Impérial Tobacco, Dominion Textile, le Mouvement des caisses populaires et d'économie Desjardins, l'Alcan, Pratt et Whitney, etc.).

Une expérience en particulier est généralement retenue comme ayant été à l'origine des opérations de formation sur mesure. Il s'agit du Service de perfectionnement et d'assistance technique (S.P.A.T.), rattaché au S.E.A. du Cégep de Valleyfield. Ce service, qui a surtout fonctionné de 1974 à 1976, présentait plusieurs traits originaux: il dispensait des services de consultation et de formation aux entreprises de la région, et les industries déboursaient les coûts de formation de telle sorte que le service s'autofinançait.

En butte à de nombreux conflits avec le cégep sur les plans administratif, organisationnel et financier, comme sur le plan idéologique, le S.P.A.T. périclita. Cependant, une partie du service existe encore.

En analysant l'ensemble de ces expériences de formation sur mesure, les chercheurs de la Fédération des cégeps se sont confrontés à des réalités diverses. Ils ont cependant conçu une définition générale de la formation sur mesure, de même qu'un modèle de processus opérationnel (démarche éducative). Notons qu'il s'agit davantage d'une philosophie de l'apprentissage que d'un modèle pédagogique au sens strict.

Le processus de formation sur mesure est l'agencement d'opérations fonctionnelles, dans une dynamique de participation, de tous les agents impliqués à toutes les phases de l'intervention, permettant ainsi:

Chacune de ces phases d'activité fait partie intégrante de l'acte de formation ou de la relation entre un intervenant, des participants et une organisation commanditaire à propos d'une situation à changer.

Définie en fonction du perfectionnement professionnel, la formation sur mesure a surtout expérimenté de nouveaux moyens éducatifs en vue de l'adaptation aux changements technologiques.

Le rapport Campeau-Leroux a, par ailleurs, cherché à analyser l'orientation de ces nouvelles pratiques en éducation des adultes, l'approche de la formation sur mesure impliquant une dynamique des rapports sociaux. À l'époque, on estima que ces pratiques visaient davantage l'adaptation des adultes aux changements technologiques plutôt qu'elles ne favorisaient une prise en charge critique. Il serait pertinent d'évaluer si ces tendances se sont maintenues.

Compte tenu des éléments de la problématique, on peut émettre l'hypothèse que la formation sur mesure et les nouveaux modes d'intervention éducative qu'elle initie seront orientés majoritairement par des visées d'adaptation de ses clientèles au changement technologique. Définies en fonction du perfectionnement professionnel, centrées sur la connaissance des besoins de formation et sur le renouvellement des pratiques éducatives, les expériences de formation sur mesure devraient se caractériser par une recherche et une expérimentation des nouveaux moyens éducatifs en vue d'une meilleure adaptation, donc d'une plus grande efficacité des acteurs sociaux impliqués dans l'exercice des nouveaux rôles que le changement leur impose. Cette adaptation, par l'ampleur accordée à la participation — surtout si on la définit comme une fin à poursuivre et non seulement comme un instrument pédagogique — pourra conduire à une nouvelle définition des situations auxquelles on voulait d'abord s'adapter, et commander une socialisation critique des transformations, autant du côté de la situation que du côté des acteurs sociaux. (24)

Une analyse des pratiques d'éducation populaire au cégep

En éducation populaire, deux types de projets: l'un se déroule dans la perspective d'une action scolarisante, l'autre, dans la perspective d'une action sociale.

*Ces clientèles regroupées présentent des caractéristiques socio-économiques généralement proches de celles des populations cibles privilégiées par la Commission:

la population regroupée est moins scolarisée que la population atomisée

elle est moins jeune ;

on y retrouve surtout des ménagères, des retraités, des chômeurs, alors que la clientèle atomisée est davantage présente sur le marché du travail ;

conséquemment, les revenus de ces derniers sont plus élevés.

Source: Fédération des cégeps, L'éducation populaire au cégep, R.E.P.O., avril 1980, p. 113-119.

L'éducation populaire au cégep a aussi constitué un champ d'expérience de rupture avec le modèle scolaire traditionnel. Une enquête produite par la Fédération des cégeps en avril 1980, révèle, en ce qui concerne l'éducation populaire, que la grande majorité des cégeps n'ont aucune politique officielle en la matière. Par rapport au volume total des interventions des S.E.A., les activités en éducation populaire sont encore marginales. Ces dernières incluent néanmoins un large éventail d'activités allant des cours de type social et culturel à des interventions de soutien à la promotion collective, laquelle fait aussi l'objet de conceptions sensiblement différentes d'un cégep à l'autre. Quelques rares cégeps ont adopté une attitude de support à la promotion collective.

L'éducation populaire donne lieu à deux types de projets que l'enquête R.E.P.O. (Opération de recherche en éducation populaire) mesure en termes de « clientèle atomisée » (activités sportives, culturelles...) et de « clientèle regroupée » (par un mouvement ou une institution). De par son histoire dans notre société, le niveau collégial, comme tout le système scolaire, fonctionne avec une clientèle atomisée. Avec ce premier type de projet, le cégep effectue une action scolarisante, tandis qu'avec le second, il est impliqué dans une action sociale.

En effet, toutes les activités offertes à ces diverses clientèles regroupées ont un profil commun différent de celui de la clientèle atomisée: méthode pédagogique davantage « sur mesure » ou «flexible » ou adaptée à des « situations concrètes » de groupes sociaux, ou centrée sur « l'action » (plutôt que la connaissance) ; appartenance des usagers à des groupes ; origine du projet se situant dans la relation du collège avec le milieu ; durée d'activité variable; concertation multi-organismes; effet d'entraînement spécifique sur des groupes semblables ; résultats qui ne se résument pas uniquement à l'apprentissage et débouchent plus souvent sur des initiatives concrètes des usagers (25). Les projets éducatifs de la clientèle atomisée se résument, de leur côté, à la distribution du savoir officiel, celui de l'école, et à l'efficacité objective de ce savoir... (Pour la clientèle regroupée la) suite de projets éducatifs est le reflet de la succession de leurs actions sociales dans la vie: l'éducation et la vie sont ici directement fusionnées, tandis que la clientèle atomisée, subissant la coupure entre l'éducation et la vie collective, coupure que produisent le savoir officiel et le système scolaire, a évidemment moins de chances de faire des suites de projets éducatifs. (26)

L'enquête R.E.P.O. conclut en affirmant que jusqu'à maintenant les services aux clientèles regroupées* n'ont pas bénéficié du support organisationnel spécifique nécessaire à leur survie et à leur développement, les pratiques qu'elles comportent allant le plus souvent à rencontre du modèle scolaire normatif.

Les restrictions budgétaires menacent les expériences de formation sur mesure.

Le budget de l'éducation des adultes dans les cégeps est également durement touché par les restrictions budgétaires : il est en baisse constante depuis trois ans, passant de 49 $ millions en 1979-1980 à 40,8 $ millions en 1981-1982. En septembre 1981, la formation dite « générale » subissait une baisse d'inscription de l'ordre de 20 à 60%; des services à la collectivité étaient démantelés, surtout là où on visait des clientèles défavorisées. Ainsi, les activités de promotion collective, développées dans une trentaine de cégeps, sont réduites ou plafonnées (27). On tend à intégrer les « groupes spéciaux » touchés par ces activités aux cours réguliers offerts par le cégep. Dans un pareil contexte, les interventions de formation sur mesure, déjà en butte à diverses normes administratives, donc au fonctionnement standardisé du système scolaire, s'essoufflent et se compriment.

Malgré des perspectives plutôt sombres, il est important de constater que les cégeps ont été et sont encore le terrain d'expériences concrètes de rupture avec l'approche pédagogique traditionnelle. Le ferment de la déscolarisation est là, et divers exemples en témoignent. Dans plusieurs cégeps, on retrouve :

Les universités

La pédagogie à l'université: le régime académique « régulier » constitue la contrainte déterminante.

Les niveaux élémentaire, secondaire et collégial du système d'éducation, davantage préoccupés par la fonction proprement pédagogique, ont été beaucoup plus que l'université des lieux d'invention et d'expérimentation.(28)

La Commission d'étude sur les universités identifie au moins deux facteurs expliquant cet état de fait. À l'université, le terrain de la recherche est valorisé, c'est lui qui garantit la promotion et la reconnaissance par des pairs; l'enseignement, particulièrement en éducation des adultes, ne l'est pas (on a de la difficulté à recruter des professeurs pour certains services à la collectivité). La Commission d'étude sur les universités constate aussi l'absence généralisée de formation pédagogique des professeurs d'université.

Malgré la présence massive des étudiants adultes dans les universités, il apparaît clairement que, dans l'ensemble, on n'a pas affecté à ce type d'étudiants, de façon équivalente à celle des jeunes, les ressources matérielles, humaines ou scientifiques, qui puissent permettre le développement de modèles pédagogiques aptes à répondre à leurs besoins spécifiques, individuels et collectifs.

La Direction générale de l'enseignement supérieur publiait récemment des données sur les types de pédagogie utilisés dans l'enseignement de diverses disciplines dans quatre universités québécoises en 1973-1974. Les adultes et groupes d'adultes qui voudront avoir accès aux ressources éducatives de l'université seront confrontés à cette réalité.

Une méthode dominante : le cours magistral. L'université est un Heu d'enseignement et non un lieu d'apprentissage.)

Il ressort d'abord de ces données que dans les quatre s universités considérées, soit l'Université Laval, l'Université de Sherbrooke, l'Université McGill et le campus Sir George Williams de l'Université Concordia, la méthode du cours magistral est de loin la plus utilisée au niveau du premier cycle: elle constitue la méthode privilégiée dans la majorité des champs d'étude.

En second lieu, on observe une certaine variation de l'utilisation de la méthode magistrale selon les groupes de disciplines : cette utilisation se fait nettement plus intensive, d'une façon générale, en sciences pures, en administration, en sciences appliquées et en sciences humaines qu'en arts, en éducation et en lettres.

Troisièmement, on remarque que l'importance statistique du cours magistral diminue sensiblement au niveau du deuxième cycle, surtout pour les sciences humaines, mais qu'elle demeure malgré tout passablement forte dans l'ensemble des disciplines.)

Quatrièmement, malgré la pratique encore étendue de la méthode magistrale, il est certain que des méthodes pédagogiques différentes sont peu à peu adoptées dans un nombre croissant de disciplines.

Enfin, la formule pédagogique employée n'est pas sans rapport avec le nombre d'étudiants inscrits à un cours. Il apparaît en effet que, d'une façon générale, la proportion de l'utilisation de méthodes pédagogiques autres que le cours magistral dans une discipline s'approche assez bien de la distribution des cours à faible densité, c'est-à-dire regroupant vingt étudiants ou moins. Ce seuil maximal de vingt étudiants semble correspondre à une situation propice à l'utilisation de méthodes pédagogiques non magistrales.

Des ouvertures selon les disciplines:

Des contraintes imposées par un cadre rigide :

* À l'université: a) la structure des programmes (est) homogénéisée, standardisée, quelle que soit la discipline ou la nature de la demande;

l'élaboration des programmes (est)tributaire d'une mécanique si lourde qu'elle peut mettre entre plusieurs mois et quelques années pour approuver un programme, et cela en circuit fermé parmi les seules instances universitaires ;

les contenus de formation sont la plupart du temps une répétition des cours donnés aux jeunes, même dans le cas où le programme est qualifié de multidisciplinaire ; d) l'approche pédagogique (est) axée exclusivement sur les cours magistraux. La machine universitaire est à ce point dirigée dans une autre direction que celle que l'on prétend poursuivre que les efforts

d'innovation et d'action critique viennent se heurter au mur quasi infranchissable de la bureaucratie universitaire et gouvernementale.

Source: Pierre Paquet, Le développement de l'éducation permanente dans les universités du Québec, document de travail soumis à la Commission d'étude sur les universités, juin 1978, p. 16.

Ainsi, bien que ces données remontent déjà à quelques années, qu'elles soient fragmentaires et ne soient pas exemptes de certaines rigidités, voire de sérieuses limitations, sources d'importantes mises en garde, elles établissent néanmoins que les responsables universitaires accordent une faveur certaine au cours magistral et permettent un faible développement des méthodes pédagogiques différentes. (29)

Selon Michel Pichette(30), une nouvelle pédagogie dans le cadre universitaire ne peut s'élaborer que sur la base d'expériences concrètes de décloisonnement du milieu. Cependant, ce cadre offre de multiples résistances à sa transformation*. Par exemple, les ressources de l'université sont presqu'exclusivement accessibles à travers les seules voies de la diplômation et de l'enseignement crédité, ce qui rend difficile l'accès à ces ressources pour la réalisation d'objectifs éducatifs qui passent par des chemins différents; chemins qui, nous le verrons plus loin, prennent, la plupart du temps, la forme d'une approche pédagogique et d'une finalité éducative étrangères au modèle scolaire traditionnel (secteur de la promotion collective). L'université, de par son fonctionnement et son système de valeurs, maintient et diversifie ses activités auprès d'une clientèle adulte déjà servie, sans ouvrir ses portes aux catégories sociales qui en sont le plus éloignées et qui réclameraient d'elle, à tout le moins, une transformation importante de ses approches pédagogiques, sinon l'élimination de toute forme « d'impérialisme scientifique ».

Sous sa forme actuelle, l'éducation des adultes à l'université a peu contribué à l'ouverture et à la démocratisation de celle-ci. À l'étude de sa clientèle, on pourrait au contraire stipuler qu'elle a eu tendance à renforcer la « pyramide scolaire ».

La masse de ceux qui ont accès appartiennent à la classe moyenne (enseignants, petits administrateurs et cadres) provenant de la grande entreprise para-publique ou privée et venant chercher une formation professionnelle utile directement dans l'emploi qu'ils occupent. Dans les programmes spécifiques pour adultes, plus de la moitié des inscrits suivent d'ailleurs des cours en administration. S'en trouvent exclus les manoeuvres et les ouvriers des secteurs primaires et secondaires. Ceux qui ont réussi à percer la muraille en dehors des clientèles habituelles de l'université sont surtout des cols blancs. S'en trouvent également exclues les populations marginales telles les chômeurs, les jeunes travailleurs, les handicapés, les personnes du 3e âge ou qui se préparent à la retraite.(31)

Dans les universités, on assiste également à des choix structurels qui ont passablement d'implications en ce qui concerne la place et le statut de l'éducation des adultes. Par exemple, à l'Université du Québec, l'éducation des adultes est intégrée aux programmes réguliers; les services à la collectivité ont même récemment opéré une fusion institutionnelle avec les services aux étudiants pour former les services communautaires dont ils demeurent un des programmes. À l'Université de Montréal, par contre, la Faculté de l'éducation permanente constitue une structure parallèle au réseau régulier.

Toutefois, en dépit du régime académique universitaire et de ses contraintes, des expériences de déscolarisation, dans le cadre même de l'université, rendent compte d'une volonté de transformation des pratiques (les stages-cours, des programmes coopératifs, etc.). Mentionnons à cet égard l'expérience du service C.A.M.P.T.E.R. mise sur pied en 1972 à l'U.Q.A.M., dont l'intention était d'assister les professeurs en terme d'innovation pédagogique. Le service a porté ses fruits, mais n'existe malheureusement plus comme tel. Par ailleurs, les frontières entre l'université et les milieux de vie et de travail des adultes ne sont plus étanches (comme c'était le cas il y a à peine quelques années), mais constituent des lieux stratégiques où se joue la démocratisation de l'université (32).

Les services à la collectivité et la promotion collective: des lieux stratégiques où se joue la démocratisation de l'université.

* Les services à la collectivité visent à rendre accessibles les ressources humaines et techniques de l'université aux groupes qui n'y ont généralement pas accès.

Quant aux services à la collectivité*, ils regroupent des activités passablement diversifiées: enseignement non crédité (perfectionnement sur mesure, cours culturels...), services d'appoint (colloques, conférences, recherches commanditées par la PME, projets de coopération internationale...). C'est surtout ce dernier champ d'intervention qui a donné lieu à des approches pédagogiques innovatrices par rapport à l'enseignement et à la recherche de type scolaire.

On peut distinguer quatre types de support à la promotion collective dans les universités : la fonction-relais (structure d'accueil et point de jonction entre l'université et le milieu), les activités de formation conçues en étroite collaboration avec les groupes concernés (incluant les divers protocoles d'entente), la recherche-action qui se déroule sous l'entière responsabilité du demandeur et, finalement, divers supports d'ordre humain, matériel et technique(33). Ces activités ont pour effet de donner accès aux ressources universitaires à des population qui en sont traditionnellement privées. Des exemples:

Les effets de retour que peut susciter le développement de la dimension « service à la collectivité ».

L'intervention universitaire en promotion collective : une intervention à légitimer et à défendre

* Les projets entrepris dans le cadre de ce protocole peuvent être extrêmement variés. Par exemple, en 1978-1979, il y eut 36 sessions de formation d'une durée moyenne de 14 heures qui ont rejoint 1 213 participants; 11 projets de recherche étaient aussi en cours.

Le développement et la multiplication de ces interventions constitueraient un facteur majeur de changement des pratiques pédagogiques à l'université. Les chercheurs et les professeurs impliqués dans des activités de promotion collective sont appelés à modifier, en fonction des besoins identifiés par les groupes et les collectivités, à la fois leurs attitudes et les contenus et méthodes de la formation. Car la clientèle ainsi rejointe diffère sensiblement de la clientèle traditionnelle de l'université. Ces interventions, généralement axées sur l'action, offrent de nombreuses possibilités d'expérimentation et d'innovation qui, par rebondissement, ne peuvent avoir que des effets bénéfiques sur l'ensemble de la pratique pédagogique des universitaires comme le démontrent les quelques expériences significatives vécues à ce jour. Des interventions ont eu, par exemple, comme effet de développer à l'université même de nouveaux champs de recherche et de spécialisation.

Pourtant l'université, par ses structures, son fonctionnement, ses normes et ses valeurs, impose des freins au développement des interventions en promotion collective. Michel Lizée l'explique ici en fonction du protocole U.Q.A.M.-C.S.N.-F.T.Q.*, mais ses remarques valent aussi sur un plan général.

L'un des écueils majeurs que nous avons rencontrés a trait à la difficulté de faire reconnaître par les milieux universitaires que l' intervention en milieu syndical est une intervention spécifiquement universitaire, de qualité, qui mérite un appui institutionnel au moins équivalent à V enseignement régulier et, en même temps, une marge de manoeuvre suffisante pour permettre de l'adapter aux besoins des milieux syndicaux.

La spécificité universitaire est vue par certains comme un problème majeur, dans la mesure où les milieux universitaires ont une vision « étagée », voire élitiste, de l'éducation: ne peuvent apprendre des connaissances de niveau universitaire que ceux qui ont les prérequis académiques. Compte tenu des faibles antécédents académiques des travailleurs, il y a ainsi présomption que les cours s'adressant à eux ne seront pas de niveau « universitaire ».

Ce manque de reconnaissance de la légitimité de notre intervention a eu des conséquences nuisibles au développement du protocole, car celui-ci n'a guère joui des ressources dont il avait besoin.(34)

Certains estiment même que, pour toutes ces raisons, l'université peut difficilement répondre aux besoins de promotion collective, sa machine étant rodée plutôt dans le sens de la promotion individuelle par la voie de la formation de type professionnel, par discipline. Le contexte des restrictions budgétaires vient ici encore aggraver la situation : coupures dans les services à la collectivité, dans les budgets alloués aux frais directs (50% à l'Université de Montréal pour les programmes touchant syndicats et groupes populaires); à l'éducation des adultes en général, coupures importantes dans le budget et non-indexation; services d'accueil, de bibliothèque, d'orientation et de consultation amputés de leurs personnels; programmes contingentés. Ces conditions risquent évidemment de menacer les gains acquis sur le plan de la déscolarisation des pratiques pédagogiques.

La mission « service à la collectivité » des institutions scolaires

Compte tenu de l'importance et de la fragilité de ce secteur, tant au niveau secondaire qu'au niveau collégial et au niveau universitaire, la Commission croit que le gouvernement, dans une perspective d'accès aux ressources éducatives, doit définir les services à la collectivité comme une dimension fondamentale de la mission des institutions scolaires et ceci afin de leur permettre d'accorder le soutien voulu aux organismes de promotion collective et d'agir en complémentarité avec ces derniers. Cette mission devrait faire partie du mandat de toutes les institutions scolaires, et une partie de leur budget de fonctionnement devrait y êtes statutairement consacré.

Cette mission incluerait les dimensions suivantes : prêt de personnel en terme d'analyse de besoins, d'élaboration de contenus, d'enseignement, de consultation ou de recherche; prêt d'équipement et de locaux; support technique; entente de reconnaissance des acquis.

Les activités réalisées dans le cadre de cette mission, par des professeurs et autres « personnels » devraient être considérées comme faisant partie de leur tâche normale. Ces rapports entre les institutions scolaires et les organismes de promotion collective, dans le cadre de la mission des services à la collectivité, devraient être définis dans la perspective d'un « partnership » entre égaux et formalisés chaque fois qu'il est utile de le faire. À titre d'exemple, la Commission suggère:

À la lumière de l'expérience acquise, la Commission croit que chaque institution scolaire devrait prévoir, en conséquence, en consultation avec les mouvements concernés, la disponibilité d'une personne dont la responsabilité comprendra de faire le lien entre les besoins du milieu véhiculés par ces mouvements et les ressources du milieu institutionnel. Cette personne sera la responsable institutionnelle de cette mission. De plus, elle aura la responsabilité d'assurer l'utilisation maximale des équipements à vocation communautaire, sous forme d'ententes avec les organismes du milieu, et siégera à la table régionale de la vie associative.

La formation à distance

Ce sont les développements des communications de masse qui ont permis, en éducation, la création et l'essor de la formation à distance. Il faut remonter à Radio-Collège, dans les années 30, pour trouver la trace des premiers cours dispensés à distance au Québec, qui se sont faits sur une base relativement stable et organisée. En 1946, dès le lendemain de la Deuxième Guerre, on assiste à la création de l'Office des cours par correspondance, « ancêtre » de l'actuelle Direction des cours par correspondance du ministère de l'Education du Québec. Dès ses débuts, la formation à distance a connu auprès des adultes un succès qui ne s'est jamais démenti par la suite, confirmant ainsi qu'elle répond à un besoin réel au sein de la population.

En 1980-1981, 26 000 inscriptions aux cours de la Télé-université (cours de trois crédits).

En 1980-1981, 12 000 inscriptions aux cours par correspondance offerts par le ministère de l'Éducation.

En 1979-1980, 5 330 inscriptions (équivalant trois crédits), incluant les étudiants « libres », au cours C.A.F.É. de l'Université de Montréal.

En 1980-1981, près de 2 500 inscriptions à la vingtaine de cours offerts par 15 cégeps.

En 1980-1981, quelques centaines d'inscrits aux cours offerts par l'Université du Québec à Rimouski (U.Q.A.R.) et par l'Université du Québec à Chicoutimi (U.Q.A.C.).

Ainsi, en 1943, la série radiophonique « Préparons l'avenir » était suivie par plus de 20 000 auditeurs. Des populations spécifiques étaient par ailleurs rejointes. Ce fut le cas des agriculteurs avec la célèbre série du « Réveil rural ». Aujourd'hui, bien que la formation à distance ne se définisse pas, en général, comme un moyen spécifiquement réservé aux adultes, il n'en demeure pas moins que ce sont eux qui constituent, et de loin, les principaux utilisateurs de ce type de formation, lequel rejoint plus de 50 000 adultes dispersés sur le territoire du Québec.

Actuellement, elle est identifiée aux principaux dispensateurs de formation à distance au Québec, qui sont, sans contredit, la Télé-université et le Service des cours par correspondance du M.E.Q. Mais elle est plus: l'Université de Montréal a son cours C.A.F.É. (Cours autodidactique de français écrit), certaines constitutantes de l'Université du Québec (U.Q.A.R., U.Q.A.C.) offrent un certain nombre de cours à distance, 15 cégeps font de même et le secteur privé de l'enseignement dont l'institut Teccart, le collège Marie-Victorin interviennent à distance avec succès. À cela, il faut aussi ajouter d'autres expériences comme celle de l'alphabétisation d'Haïtiens par le biais de radios communautaires.

Au chapitre des méthodes de la formation à distance, l'approche multimedia la plus couramment employée, consiste à utiliser un médium principal de communication (ce peut être l'écrit, la télévision, etc.), auquel on vient greffer divers moyens visant à soutenir les apprentissages des utilisateurs: documentation, technologie légère, disques, cassettes, etc., suivi téléphonique avec un tuteur, animation sur le terrain de regroupements d'utilisateurs, travail en atelier ou en laboratoire. Les formules varient d'un dispensateur à l'autre, et aussi d'une activité à l'autre. Les media privilégiés diffèrent selon les objectifs visés, ou selon les publics à rejoindre. Enfin, les exigences de la formation, de même que les coûts, varient d'un établissement à l'autre.

En fait, la formation à distance peut rejoindre:

La réponse aux besoins diversifiés de ces catégories de candidats à la formation à distance contribue donc à accroître de façon substantielle l'accès à l'éducation. La Commission est d'avis que la pertinence de ce type de formation est susceptible de croître dans la mesure où l'on:

Dans l'ensemble, l'identification de ces diverses catégories d'adultes et les objectifs à poursuivre ont été bien accueillis par les divers milieux impliqués dans la formation à distance, lorsque la Commission fit connaître, en mars 1981, son document «Hypothèses de solutions ». La Commission faisait part alors de son intention de rassembler politiquement l'ensemble des ressources publiques intervenant directement dans le domaine de la formation à distance et de créer, à partir de celles-ci, un organisme autonome, le Centre de formation à distance (C.F.D.), qui prendrait en charge la formation à distance dans le secteur public de niveaux secondaire et postsecondaire. Bien que la plupart des intervenants se soient ralliés à la nécessité d'un tel organisme, maître d'oeuvre unique, plusieurs questions et réticences ont surgi lorsqu'il fut question de préciser le mandat et les pouvoirs de cet organisme de même que les ressources existantes à y rattacher. On a surtout insisté sur la nécessité de tenir compte des réalités des régions et des adultes en général (cueillette des besoins, concertation, production de matériel, mode de représentation des usagers, etc.).

La Commission est d'avis que la création d'un tel centre de formation à distance, à partir des ressources publiques existantes (Télé-université, Service des cours par correspondance, ressources actuelles disséminées dans les cégeps, etc.), reste éminemment souhaitable. Politiquement rattaché à l'organisme central de l'éducation des adultes, un tel centre serait autonome sur le plan juridique car son mandat ne se réduirait pas à celui d'un simple service de production de matériel didactique mais porterait sur l'ensemble du processus d'apprentissage à distance, qu'il ne faudrait pas fragmenter à outrance, d'où son statut. Doté d'un conseil d'administration, le C.F.D. pourrait dispenser de la formation créditée et informelle de niveau secondaire, collégial et universitaire de premier cycle et intervenir sur l'ensemble du territoire du Québec.

L'organisme central de l'éducation des adultes, vers qui les Centres régionaux d'éducation des adultes, (C.R.É.A.), dont nous parlerons dans la dernière partie de ce rapport, dirigeraient les demandes de formation exprimées à la base, planifierait et identifierait, en étroite collaboration avec le C.F.D., les programmes devant être dispensés à distance.

Responsable du développement de sa programmation en fonction de certains critères (cf. recommandations), un tel centre devrait néanmoins permettre aux adultes qui y participent d'avoir un cheminement trans-niveaux selon la nature de leur projet de formation. La formation à distance pourrait donc contribuer à favoriser des passages entre les niveaux, ce qui s'entend parfaitement du point de vue de l'adulte qui peut, dans le cadre d'un projet d'apprentissage, définir son point de départ et son point d'arrivée. Conséquemment, le C.F.D. devrait avoir, en son sein, un seul conseil des études responsable des programmes ressortissants aux trois niveaux d'enseignement.

Le Centre de formation à distance serait responsable devant l'organisme central de l'éducation des adultes, lequel verrait au financement du C.F.D. et s'occuperait de faire l'analyse des besoins de formation à distance. Ces analyses s'effectueraient en étroite collaboration avec les organismes régionaux et le C.F.D. Ainsi, tous les besoins éducatifs n'ont pas à recevoir une réponse de type formation à distance, d'autres méthodes sont parfois plus indiquées, moins onéreuses et plus pertinentes pour les adultes. Ici, des critères comme celui du grand nombre de personnes concernées par un besoin éducatif (sauf dans le cas des personnes handicapées), de même que la rétroaction des régions et des agents d'encadrement sur le terrain seront utiles, quand il s'agira de déterminer dans quel sens il y a lieu de développer de nouveaux programmes.

De façon générale, le C.F.D. est appelé à travailler en étroite collaboration avec les ressources et les instances régionales. Que ce soit pour informer, pour encadrer, pour animer et pour soutenir la formation à distance des adultes, le C.F.D. se doit d'agir en synergie avec le milieu (ex.: prêt institutionnel d'éducateurs, constitution de banques de personnes-ressources en région, accès aux musées et bibliothèques, accès au matériel didactique, etc.). Toutefois, c'est le C.F.D. qui serait seul responsable du déroulement des activités de formation à distance. On imagine à peine les difficultés engendrées par la création de plusieurs paliers de responsabilité entre le C.F.D. et les adultes inscrits, notamment en ce qui concerne le personnel d'encadrement, ou encore comment il serait possible, dans un tel contexte, d'assurer une formation et un soutien pédagogiques à ces derniers qui soient spécifiques à la formation à distance, et ce, sans multiplier indûment les coûts. Le C.F.D. ne peut pas n'être qu'un organisme de coordination.

Télidon est un mass-media qui utilise un poste de télévision à peine modifié, un moyen de transmission (une ligne téléphonique, câble co-axial ou fibre optique pour le vidéotex et les ondes hertziennes pour le télétexte) et un ordinateur.

Source: André Hébert, « La télévision sera dans l'avenir le L.R.C. de l'éducation », février 1981, dans Télématique et éducation, Cahier I, Télé-université, novembre 1981.

L'organisme central responsable des accréditations en éducation des adultes devrait obligatoirement demander avis au C.F.D. pour l'accréditation des entreprises, des institutions privées ou des organismes à but non lucratif qui veulent dispenser de la formation à distance. Ceci est important car le C.F.D. intervient dans un secteur, notamment le secteur privé, qui est appelé, par le biais de la télématique, à un développement important. En outre, la télématique pose un défi à la formation à distance, lequel est encore plus considérable que celui de l'audiovisuel (ex. : la télévision), car elle amène avec elle la possibilité de communiquer dans les deux sens (i.e. l'interactivité). Du point de vue de la formation à distance, cela n'est pas négligeable.

La formation à distance, publique ou privée, ne pourra donc pas rester indifférente à l'égard de cette nouvelle technologie. Déjà, on développe, à grands frais, l'enseignement par ordinateur (ex. : Platon) auprès de certaines catégories de professionnels (chez Air Canada, Hydro-Québec, General Motors, Control Data, etc.). Le développement tout récent du système Télidon, qui établit un protocole au niveau du langage et, un raffinement au niveau de la visualisation, permet d'entrevoir, pour l'enseignement par ordinateur, un développement de masse et à distance.

La télévision s'informatise

D'ici les dix prochaines années, nous pourrons être reliés (par nos lignes téléphoniques, le câble ou un satellite) à des banques de données qui nous fourniront des renseignements sur une infinité de sujets. Depuis juillet dernier, 80 familles de Cap-Rouge, dans la région de Québec, expérimentent le système de télévision bidirectionnelle Vista, en prévision d'une mise en marché sur une grande échelle d'ici à trois ans. Ainsi, pour ces quelques « chanceux », faire apparaître sur leur écran de télévision les derniers spéciaux d'un magasin à rayons, des données météorologiques ou des informations historiques sur l'Amérique du Nord, est devenu une réalité. Rappelons que le Centre de recherches en communications du gouvernement fédéral, dans une étude publiée en février dernier, estimait de un à quatre millions les Canadiens qui disposeront en 1990 d'un terminal de vidéotex. (Québec Science).

Source : Perspectives, 26 septembre 1981.

La télématique

Le gouvernement fédéral a investi, jusqu'à présent, 10 000 000$ dans le développement de la télématique, axé notamment sur ses applications industrielles. De même, on avance que, d'ici trois ou quatre ans, 150 000 terminaux interactifs seraient disponibles au Québec. Dans le secteur de l'entreprise privée, une lutte de titan s'amorce entre les câblodistributeurs et la téléphonie (Bell Canada) pour le contrôle de cet immense marché potentiel. L'éducation, dans tout ça, n'est qu'une petite partie du marché.

D'ailleurs, pour des fins éducatives, aucun système de masse en télématique n'est prévisible d'ici trois ou quatre ans. Par exemple, c'est à ce moment-là que Télidon pourra permettre à ses utilisateurs de poser des questions, d'utiliser des embranchements multiples et de faire intervenir plusieurs variables, et encore faudra-t-il avoir des banques de données pertinentes du point de vue des besoins éducatifs. D'ici là, la télématique de masse s'avère ennuyeuse, lente et de peu d'intérêt vis-à-vis des besoins éducatifs. Voilà un répit qui peut être mis à profit pour préparer de façon intelligente l'avènement de l'utilisation de cette technologie à des fins éducatives.

La télématique nécessite des investissements économiques et humains très importants et sa rentabilité pour l'éducation, compte tenu du système actuel, peut être mise en doute. Toutefois, nous ne pouvons nier qu'elle peut constituer un outil important pour l'enseignement, que ce soit pour permettre à l'étudiant de faire un retour sur une présentation déjà réalisée ou encore pour lui permettre une démarche individuelle en général, en lui favorisant l'accès à des banques de données ou en utilisant un programme interactif.

Si nous nous adressons à des professionnels, à des industriels ou à des étudiants habitués au processus de recherche de l'information, la télématique devient un outil capable de leur permettre d'atteindre une plus grande efficacité. Si, par contre, notre clientèle est constituée d'individus en période de formation de base, tels que nos étudiants dits réguliers, ou d'adultes qui doivent se perfectionner afin de conserver leur emploi, l'utilisation de la nouvelle technologie n'est plus la même. Alors, l'orientation que nous devons donner à cette utilisation sera surtout de permettre une meilleure qualité de l'acte pédagogique.

Source: Jean-Pierre Éthier, « La technologie éducative, peut-on se la permettre? », Bulletin des études canadiennes, novembre 1981.

Parmi les multiples questions que soulève l'avènement de la télématique, notamment en éducation, il convient de cerner celles qui, dès maintenant, devraient faire l'objet de recherches, de débats et de consultations. Il y a tout d'abord le problème des banques de données. Où seront-elles? Comment seront-elles structurées? Quelle langue parleront-elles? Qui contrôlera le robinet? À cet effet, l'École polytechnique a déjà entrepris un projet de banque francophone; cependant l'éducation ne fait pas partie des préoccupations des initiateurs du projet dans la planification de cette banque de données.

D'autre part, s'il existe plusieurs études ergonomiques, à la suite des développements de l'audiovisuel dans les années 1960-1970, quant à l'utilisation de ces appareils dans un contexte de formation (ex.: rythme des images, grosseur des caractères, environnement pour atténuer la fatigue des yeux, etc.), il n'en demeure pas moins que la télématique soulève de nombreuses autres questions, notamment en ce qui a trait à ses impacts psychopédagogiques et culturels. Par exemple, est-ce que ces équipements se prêtent à des usages éducatifs? Si oui, quelles sont les matières qui s'y prêtent le plus et le moins ? Quel type de support les éducateurs doivent-ils apporter? Quel sera l'impact psychopédagogique de la notion de réseau que la télématique va introduire? Quelle approche multi-media pourrait s'adapter avantageusement à la télématique? Comment les adultes pourront-ils participer à l'élaboration du savoir et développer leur autonomie? Comment cette technologie sera-t-elle reçue et perçue par les diverses catégories socio-économiques de la population? N'y a-t-il pas danger d'évacuer la dynamique sociale du processus d'apprentissage?

Principales expériences en cours, au Québec, dans le domaine de la télématique :

La télématique peut certes favoriser l'accès à l'éducation, mais elle introduit aussi un nouveau rapport avec la réalité dont l'impact n'est pas négligeable. Actuellement pour répondre à ces questions, du point de vue de l'éducation, il existe bien peu de données. La Télé-université, qui déjà dispense de l'enseignement par ordinateur, a déjà amorcé des projets expérimentaux en télématique; la Commission scolaire régionale des Mille-Iles qui compte aussi utiliser la télématique à des fins communautaires, dans un centre d'éducation des adultes. L'évaluation de ces expériences peut apporter un début de réponse à ces questions, mais, tous en conviendront, ces expériences en cours apparaissent bien minces par rapport aux questions soulevées. Il faudra aussi regarder ce qui se fait ailleurs.

Outre la question des banques de données et les aspects éducatifs de la télématique, il sera important, dans les années à venir, de soulever le débat de l'axe de développement que l'on souhaite imprégner à la télématique. En effet, préférera-t-on axer le développement de la télématique, en tout cas en éducation, vers la centralisation, les gigantesques banques de données et les systèmes rapides, efficaces et ultra-perfectionnés, ou bien, va-t-on préférer la voie de la micro-informatique ou de la privatique, décentralisée et « conviviale »(35). À cet effet, plusieurs intervenants ont fait quelques suggestions, auprès de la Commission, allant dans le sens de l'hypothèse « microinformatique » : création de coopératives de didacticiel (logiciel à caractère didactique)(36) ou encore une « télémanente », coopérative qui serait prise en charge par les organismes de la vie associative(37).

Définir l'axe de développement de la télématique, cela impose aussi des choix de priorités. En effet, les media dits « individuels » jouent depuis toujours un rôle considérable dans le perfectionnement des adultes et les innovations technologiques ne font qu'amplifier cette mission. Il n'y a pas, en effet, différence de nature entre le livre et le vidéotex, mais simple accroissement dans le nombre de media disponibles ou dans la célérité de chacun.

Face à cet élargissement des choix, deux obligations émergent, qui n'ont pas la même urgence, ni la même richesse démocratique:

Pour terminer cette incursion dans le proche futur de la formation à distance, bien que nous soyons conscients des problèmes encore loin d'être résolus et des contraintes liées aux technologies récentes et très prévenus du danger de béatifier des technologies non éprouvées, il nous semble rafraichissant d'évoquer le regard prospectif que nous suggérait un texte de l'O.C.D.E., il y a quelques années, et qui n'est pas sans rejoindre certains des objectifs recherchés par la Commission, tels que le changement des pratiques à caractère scolaire, le développement des apprentissages autonomes, la diversification des moyens et des rythmes d'apprentissage, la participation active des adultes, et la transformation du rôle des éducateurs.

A l'explosion numérique de la clientèle scolaire, explique un rapport de l'O.C.D.E. qui date de 1974, il faut ajouter le problème de la difficile mais indispensable adaptation des méthodes pédagogiques au foisonnement des connaissances nouvelles. Par ailleurs, il devient de plus en plus nécessaire d'assurer l'éducation sur une base permanente afin d'assurer aux adultes l'accès aux connaissances constamment renouvelées, tout au long de leur vie professionnelle... C'est sur cette toile de fond que s'inscrivent les pronostics relatifs à l'automatisation au moins partielle de l' enseignement et de la formation professionnelle. Le premier pas dans cette direction sera accompli dès lors que l'on pourra confier à l'ordinateur la tâche de sélectionner la matière à enseigner afin de l'adapter au « profil » des enseignés: élèves fréquentant les écoles secondaires ou adultes inscrits dans les cours de recyclage. Des manuels d'un type nouveau feront leur apparition ; ils se présenteront sous forme de micro-fiches et microfilms, et leur contenu pourra être aisément rajeuni et actualisé. Les facultés et les instituts universitaires seront tous reliés à des banques de données et à des centres de traitement. Chaque étudiant aura à sa disposition personnelle un vidéo-phone susceptible d'être branché sur tous ces réseaux. Entre temps auront été développés de nouveaux matériels pédagogiques, de type audiovisuel et utilisant les techniques les plus avancées de simulation... Dans ces conditions, le rôle des instituteurs et des professeurs évoluera de façon notable. L'enseignant deviendra essentiellement un animateur: il devra coordonner des études qui porteront avant tout sur des applications concrètes, et organiser et superviser le dialogue qui sera institué entre l'élève et la machine. L'élève ou l'étudiant travaillera davantage, peut-être à concurrence de 50% chez lui où il aura à sa disposition un terminal et la télévision en circuit fermé... Tandis que l'acquisition des connaissances encyclopédiques perdra ainsi de son importance, les données encyclopédiques n'en seront pas moins enregistrées dans les mémoires d'ordinateurs et tenues à la disposition à tout instant des jeunes et des vieux sous la forme désirée : par projection sur un écran ou à l'aide d'un dispositif vidéo, imprimées, ou reproduites avec toutes les illustrations voulues. Le public aura un accès à distance aux musées, aux expositions, à toutes sortes de manifestations culturelles et aussi aux sources les plus variées d'informations tant culturelles que scientifiques et techniques. De cette manière, tous les moyens d'expression et de communication traditionnels : presse, radio, télévision, édition, participeront directement, en permanence à l'instruction, à l'éducation, au relèvement progressif du monde culturel, à l'organisation des distractions et des loisirs...(38)

Le milieu associatif a été le premier à renouer avec des pratiques pédagogiques non scolaires héritées de la tradition de l'éducation des adultes, principalement en milieu rural.

4.3.3.2 Le milieu associatif: un monde d'expériences à découvrir et à supporter

Le milieu de la vie associative au Québec a fourni un riche terrain d'expérimentation sur le plan des pratiques pédagogiques. Il fut d'ailleurs le premier à rompre vers les années 65, avec le modèle scolaire normatif et mécaniste. Les comités de citoyens de cette époque ont alors renoué avec des pratiques pédagogiques qui avaient principalement cours jusque durant les années 50 en milieu rural, comme nous l'avons signalé au début de ce rapport. Les mouvements coopératifs, religieux, agricoles et syndicaux, entre autres, développèrent alors des pratiques de formation sur le principe des cercles d'études et de l'animation. Les animateurs axaient leur travail sur la résolution de problèmes pratiques aux niveaux local et régional et s'appuyaient sur une participation active des adultes. En réaction aux problèmes sociaux issus du décalage entre les idéaux de la Révolution tranquille et les séquelles d'une industrialisation et d'une urbanisation rapide, les comités de citoyens ont adapté au milieu urbain et à ses conditions de vie toute une tradition pédagogique non scolaire qui était le propre de l'éducation des adultes au Québec.

Une dynamique de déscolarisation encouragée par les objectifs même de ces associations.

Une définition de l'éducation populaire autonome: dans la pratique, une large variété d'expériences.

Dans toutes les régions du Québec, les milieux populaires s'organisent pour se défendre, réfléchir et agir. Ils effectuent ainsi diverses activités d'apprentissage où la théorie et la pratique sont étroitement articulées à leur vécu. Ensemble ils trouvent des solutions, inventent des connaissances, découvrent la solidarité. C'est la contre-école, née de l'éducation populaire autonome et destinée à la promotion collective de leurs intérêts. Contrepoids nécessaire à l'école publique où l'on continue d'apprendre la soumission, la passivité, la compétition et le chacun pour soi.(39)

Réalité aux multiples visages, les cours de type traditionnel et scolaire, et les méthodes magistrales, y coexistent avec les formules innovatrices et créatrices. Retracer quelques-unes des caractéristiques des pratiques pédagogiques de ce secteur de l'éducation des adultes nous renvoie à un ensemble très diversifié de groupes et associations: organismes volontaires d'éducation populaire (O.V.E.P.), mouvements religieux, associations féminines et autres, regroupements divers, coopératives syndicats, etc. Nous sommes donc forcés de nous en tenir à un certain niveau de généralité.

L'assemblée générale des O.V.E.P. de mars 1978 définissait ainsi l'éducation populaire autonome: L'ensemble des démarches d'apprentissage et de réflexion critique par lesquelles des citoyens mènent collectivement des actions qui amènent une prise de conscience individuelle et collective au sujet de leurs conditions de vie ou de travail et qui visent à court, moyen et long terme, une transformation sociale, économique, culturelle et politique de leur milieu.

* Cette définition nous révèle un lien de parenté certain avec l'approche de la pédagogie de conscientisation ; elle a également emprunté à la pédagogie de libération de Paolo Freire.

Des éléments de déscolarisation : partir des besoins et des problèmes concrets, valoriser le vécu et l'expérience des adultes et des groupes, s'identifier au milieu et à ses intérêts, viser l'action et le changement social, décloisonner, créer des savoirs et des outils d'éducation inédits, etc.

L'éducation se fait dans et par l'action collective; elle doit servir à une prise de conscience de la réalité par les participants* et elle vise une transformation de celle-ci. Un certain nombre de caractéristiques témoignent du caractère « déscolarisant » des pratiques pédagogiques du milieu associatif. À cet égard, les expériences réalisées dans ce secteur ont souvent eu un impact significatif sur la transformation des approches et des pratiques pédagogiques effectuées chez d'autres intervenants en éducation des adultes (milieu scolaire, C.L.S.C. et hôpitaux, etc.).

Un nombre de plus en plus important d'organismes du milieu associatif structurent des activités de formation et cherchent à s'appuyer, dans leur démarche éducative, sur les ressources que recèlent d'autres intervenants en éducation, en particulier le milieu scolaire, ce qui donne lieu à des collaborations et à des échanges dont on ne doit pas minimiser l'influence de part et d'autre. Par contre, d'autres organismes conçoivent l'éducation comme intrinsèquement fondue à l'action du groupe et ne veulent pas s'engager à en formaliser les mécanismes. Sur ce plan également, il faut tenir compte d'une assez large hétérogénéité, et les éléments de déscolarisation que nous allons identifier ne doivent pas créer l'illusion de l'uniformité des conceptions et des pratiques pédagogiques dans le milieu de la vie associative.

Les pratiques éducatives partent généralement des besoins des adultes et leur dynamique est branchée sur la résolution de problèmes: c'est ce qui détermine leur richesse. L'analyse de ces besoins renvoie à des problèmes sur lesquels se centre l'activité éducative. Il s'agit là d'un principe de base en éducation populaire.

* Des exemples:

La place et la valeur du vécu et de l'expérience dans les pratiques éducatives est un autre indice de déscolarisation. Le processus éducatif (cours, atelier, échanges...) s'appuie et se fonde sur l'analyse des pratiques et des expériences des adultes eux-mêmes et sur ceux des groupes d'adultes (mouvements, syndicats.... Il adopte très généralement comme cadre pédagogique la démarche de groupe, la démarche collective.

Pour remplir les objectifs qu'elle poursuit, l'éducation dans la vie associative fait généralement corps avec le milieu qui la produit. C'est d'ailleurs une condition de sa réussite et un principe de son fonctionnement. Des expériences d'alphabétisation peuvent être éloquentes à ce sujet. Par ce moyen, les organismes de la vie associative rejoignent souvent une clientèle défavorisée sur le plan de l'éducation et ils représentent ainsi un rouage important d'une politique de démocratisation de l'éducation des adultes.

La formation est liée à l'action. Autre règle fondamentale dont témoignent quantité d'expériences: l'ensemble des programmes de formation dans les syndicats trouvent leur justification dans l'action (que l'on pense aux cours de santé-sécurité, d'information, de formation des délégués, de préparation à la négociation, etc.); les expériences de recherche-action visent des applications directes et concrètes.

Diverses tentatives sont faites pour briser les barrières qui existent entre l'école, la famille et le couple, le milieu de vie et de travail et pour décloisonner lieux et contenus de formation. On s'interroge aussi sur des réalités internationales et on cherche à promouvoir des échanges interethniques. Dans le domaine des mouvements et organismes religieux, des activités éducatives de toutes sortes ont proliféré. S'implantant dans tous les secteurs de la société, elles témoignent d'une volonté de réflexion, de questionnement et d'engagement vis-à-vis des multiples rôles que les chrétiens ont à assumer: dans la société en général, à l'école, dans les milieux de travail, au sein du couple, de la famille, de l'église, etc. Par l'organisation d'activités conjointes (colloques, fêtes, débats, sommets populaires, centres de formation), on favorise les échanges et on tente de rapprocher les divers mouvements (groupes de femmes, syndicats, associations de citoyens, mouvements religieux...).

Les organismes du milieu associatif ont souvent contribué à la création de savoirs et d'outils d'éducation inédits. Pour trouver une solution à un problème, il faut d'abord en saisir les causes, analyser les données pertinentes, apprendre à mettre en oeuvre les moyens pour y remédier. Ce faisant, les groupes ont produit leurs propres outils sur le plan matériel et sur le plan pédagogique: journaux de quartier, bulletins d'associations, media écrits à l'échelle de la localité, de la région ou de la province, production de documents audiovisuels (vidéo, diapo, etc.), de romans, de livres d'histoires, mise sur pied de radios et de télévisions communautaires, dossiers spéciaux et recherche-action. Des domaines nouveaux ont été examinés: santé des femmes, autodéfense, prévention en termes de santé et d'hygiène, recours juridiques collectifs, budget familial, coopératives de logement, de production, etc. Sous l'impulsion de l'action des groupes, des champs de recherche se sont... développés : .la santé et la sécurité au travail, la situation des femmes Collaboratrices de leur mari, le développement urbain, la pollution, le nucléaire, etc.

Les milieux syndicaux, quant à eux, disposent de moyens financiers, de ressources humaines et d'une tradition de formation qui les placent dans une situation distincte face aux autres groupes. Leur action pédagogique se base sur les mêmes principes de promotion collective et de déscolarisation, mais elle donne lieu à une plus grande généralisation et systématisation. Des dizaines de milliers de syndiqués sont ainsi rejoints chaque année par diverses activités de formation.

Différentes étapes de la prise en charge de l'éducation par les travailleurs et les travailleuses

— une systématisation des expériences pédagogiques à encourager.

Des pratiques pédagogiques déscolarisantes se caractérisent ici principalement par la prise en charge de l'éducation par les travailleurs et les travailleuses eux-mêmes, et ce, sur plusieurs plans. D'abord, le financement: en plus de l'apport de diverses subventions gouvernementales, les syndicats consacrent de plus en plus de fonds à leurs programmes de formation et payent ainsi l'immense majorité des coûts. On compte d'abord sur ses propres ressources et on investit énormément de militantisme (travail bénévole).

D'autre part, les syndiqués sont associés à l'élaboration des cours de nombreuses manières: rencontres servant à identifier les besoins et les particularités des syndicats, mécanismes réguliers d'évaluation et de révision des contenus et programmes sur la base des bilans et de l'épreuve que constitue l'action. En ce sens, le mouvement syndical jouit d'une situation privilégiée: une rétro-action quasi quotidienne des effets de la formation. La confrontation des programmes de formation aux besoins et aux problèmes des syndiqués et de leurs organisations est source d'ajustements continuels et d'innovations à la fois dans les méthodes pédagogiques et dans les contenus. De nouveaux cours se développent: condition féminine, santé-sécurité, information, histoire du syndicalisme, économie politique, etc. Parallèlement aux programmes définis, coexistent des sessions dites « sur demande » correspondant à des besoins particuliers. Les formules et les cadres pédagogiques se diversifient: programmes, d'éducation familiale, cours intensifs entrecoupés de retour au milieu de travail, etc. La pédagogie est généralement axée sur l'échange d'expérience, l'approche collective des problèmes, le cheminement, la discussion et la préparation à l'action.

Grâce à ces approches pédagogiques, on estime que travailleurs et travailleuses sont concrètement associés à la création de nouveaux savoirs (droit au travail, bruit, poussière et conditions de travail, négociation, etc.). Dans le respect de cette dynamique, des expériences de collaboration avec des instances universitaires ont été positives.

Ce qui constitue sans doute le principal acquis de la formation syndicale des dernières années est le programme de formation de formateurs qui réalise la prise en charge concrète des travailleurs et travailleuses de leur formation. Ils sont ici des centaines qui, tout en continuant d'exercer leur travail régulier, partagent occasionnellement leurs expériences et les leçons qu'ils en tirent avec d'autres syndiqués, le tout sous forme d'échange et de préparation à l'action.

Ce rapide tour d'horizon veut nous faire-prendre conscience de l'ampleur et de la diversité des expériences « déscolarisantes » initiées dans le monde de la vie associative.

Si l'éducation des adultes vise réellement la prise en charge par les citoyens de leur devenir collectif, force est de constater que les organismes populaires et syndicaux ont fait davantage, à ce chapitre, que les institutions elles-mêmes et ce, avec des moyens fort réduits.(40)

Il est à déplorer cependant que nous disposions de si peu de moyens pour mettre en commun et diffuser les expériences et les recherches effectuées dans le cadre de la vie associative.

* En 1981-1982, 534 demandes des O.V.E.P. sur 718 au total reçoivent de l'aide financière de la Direction générale de l'éducation des adultes. Les sommes allouées ne répondent qu'à 19% des besoins exprimés par les groupes.

Source : « La coalition nationale contre les coupures en éducation des adultes », Contre les coupures en éducation des adultes, polycopie, novembre 1981.

Par ailleurs, il faut avouer que l'éducation populaire, particulièrement dans le secteur des organismes et des mouvements populaires, quoique riche en quantité et en qualité, reste pauvre sur le plan de sa systématisation: elle est souvent confondue avec l'action collective qui la sous-tend. De nombreuses conditions concourent à cet état de fait: manque de ressources de tout ordre*, insécurité et instabilité des groupes. C'est évidemment moins le cas des organismes syndicaux.

Il faut souligner néanmoins que des efforts soutenus se développent dans le sens de la systématisation: les O.V.E.P. tiennent en décembre 1981 un premier colloque provincial de réflexion sur les pratiques d'éducation populaire et il semblerait que cette question soulève beaucoup d'intérêt de la part des participants. En cette matière, comme le remarquait en 1979 Monique Ouellette, les intentions et les principes ne suffisent pas. Encore faut-il inventer les pratiques et les méthodes concomitantes avec nos objectifs de déscolarisation.

Le manque de systématisation se fait également sentir au niveau des formateurs et des méthodes éducatives. L'effort d'innovation et de créativité très riche est condamné à l'expérimentation permanente et à une recherche de ce qui attire, de ce qui «fait passer le message ». La formation pédagogique des formateurs est souvent réduite à sa plus simple expression: les pré-requis se limitent à une adhésion à la philosophie, aux objectifs et aux moyens d'action d'un syndicat ou d'un organisme, et une certaine capacité à communiquer une analyse de la société. Certes, l innovation est symptomatique d'une recherche, mais celle-ci devra se faire de façon plus consciente et surtout, plus en profondeur que ne l'est l'actuelle recherche de recettes pour transmettre ses connaissances. C'est à une véritable remise en question de la pédagogie militante que les éducateurs populaires devront s'attaquer pour évaluer la cohérence entre leurs méthodes éducatives souvent autoritaires et élitistes, et leurs objectifs de libération et de pouvoir populaire. L'éducation n'est pas neutre, c'est maintenant répété partout; mais elle n'est pas non plus libératrice du seul fait de la volonté et des objectifs des formateurs.(41)

4.3.3.3 Le milieu culturel: reflet de la vie et du dynamisme des collectivités

Une grande diversité et de la souplesse dans les initiatives pédagogiques.

La réalité comprise sous l'appellation « milieu culturel » est extrêmement vaste et diversifiée: on y retrouve le domaine des sports, des loisirs, des arts, des institutions du type media, bibliothèques, musées, conservatoires, etc. Sans évaluer l'ensemble des pratiques pédagogiques dans ce milieu, nous nous contenterons de relever certaines activités portées à l'attention de la Commission et qui nous apparaissent en accord avec des objectifs de déscolarisation, c'est-à-dire qu'elles s'inscrivent dans un processus de rupture avec le modèle scolaire traditionnel. Sans doute, retrouverons-nous ici passablement d'affinités avec des démarches éducatives relevées dans le milieu de la vie associative, mais il semble que le décloisonnement soit la caractéristique principale de ces activités.

Un certain nombre de bibliothèques, par exemple, se définissent comme des centres de communication, rejetant ainsi l'image figée et rébarbative de « l'entrepôt de livres ». Des activités éducatives très variées se greffent et gravitent autour de ces centres : rencontres avec des auteurs ou des groupes (ex. : Amnistie internationale), sessions de critique littéraire, soirées d'information sur les groupes populaires du quartier, programmes de conférences touchant des sujets comme la musique, le patrimoine, la loi de la protection du consommateur, etc., présentation de films, formation de clubs d'écriture, d'astronomie, de philatélie, élaboration de programmes de lecture à partir de thèmes (ex. : retraite, grossesse et naissance...), etc. Des activités éducatives organisées en fonction de groupes précis, comme les 60 ans et plus, les jeunes, n'excluent pas l'aspect récréatif.

* Le concept de /'écomusée en soi n'est pas nouveau, il apparaît déjà au cours des années 30. Dans les pays Scandinaves, il prend alors la forme de musées de plein air ou de parcs. En France, M. Georges-Henri Rivière, ancien directeur du Musée des arts et traditions populaires à Paris, lui apporte une base philosophique, dans les années 70. On voit alors des exemples d'écomusées se créer à Le Creusot, en Bourgogne, et dans des zones défavorisées des Cévennes. Leur but est toujours de susciter des activités dans des régions en perte de vitesse, en s'appuyant sur une base d'explication globale de régions données et généralement sur l'exploitation de petites unités territoriales.

L'écomusée tente d'impulser le développement régional en embrassant la dimension territoriale du milieu. Il fonde essentiellement ses activités sur la participation des résidents, car sa première préoccupation n'est pas la conservation ou les collections mais l'animation qu'il génère.

Source: Suzanne Éthier, « Écomusée, musée-territoire de la Haute-Beauce », dans la revue Réseau, Université du Québec, vol. 13, no 4, décembre 1981, p. 8.

Certains musées sont également de véritables centres culturels. Deux musées amérindiens attirent notre attention à cause de l'impact social qu'ils ont dans ces communautés. À Kahnawake, chez les Mohawks, le musée a pour mission de favoriser l'éducation et de promouvoir les intérêts de la collectivité. En plus d'une bibliothèque et de salles d'exposition, il loge également une radio communautaire qui offre une gamme d'émissions en langue aborigène traitant des sujets comme l'école, l'hygiène, l'histoire, la solidarité avec les autres nations amérindiennes. À Pointe-Bleue, le musée Montagnais a une implication sociale essentielle dans le milieu: il participe à la réalisation de diverses manifestations culturelles, favorise la recherche et l'éveil à la culture montagnaise.

Le musée et centre régional d'interprétation de la Haute-Beauce s'est également signalé comme le premier écomusée au Québec*. Fondé depuis trois ans, il couvre un territoire de 25 municipalités et est essentiellement soutenu par la participation des quelque 2 200 familles qui en sont membres. À partir des trois principes de base de décentralisation, de participation et de cohésion régionale, la structure organisationnelle de l'écomusée est formée de cinq comités de village qui voient à la mise en oeuvre et à la gestion de nombreux projets. « Miroir à travers lequel une population se contemple », l'écomusée vise une action culturelle globale et, par le fait même, une valorisation régionale. Son travail d'animation et d'éducation comporte plusieurs volets. Dans le domaine des rapports entre le musée et le milieu scolaire, il fait figure d'innovateur: 1 500 élèves provenant de six commissions scolaires environnantes ont été rejoints durant une première année d'opération. L'éducation populaire tient également une place de choix. Des comités d'usagers existent dans les villages: on y dispense des cours de muséologie et la population est incitée à bâtir ses propres expositions. Des expositions ont ainsi suscité l'organisation de colloques et de panels touchant des problèmes de développement de la région. L'action sociale et éducative du musée de la Haute-Beauce peut à plusieurs égards être considérée comme exemplaire.

L'expérience du musée de la Haute-Beauce fait l'objet, depuis près de deux ans, d'un projet de transfert en milieu urbain. Un comité d'une quinzaine de citoyens, assisté de personnes-ressources et de recherchistes de l'U.Q.A.M., mûrit le projet de créer un musée à la dimension d'un quartier, le centre-sud, de l'installer éventuellement dans une école ou une usine désaffectée, de lui donner le plus beau des noms, la « Maison du fier monde », résumant ainsi le rôle qu'il entend jouer sur son territoire. Car c'est de ça qu'il s'agit: faire de la préservation du patrimoine un instrument d'éducation et d'action collective!

La Maison du fier monde aurait une triple vocation : on entend réunir sous un même toit, en temps et lieu, un écomusée, un centre communautaire et un espace commercial, lequel devrait rentabiliser les deux premières opérations. À cet effet, une étude de marketing, confiée à des étudiants des sciences administratives, est en cours. Le tout devant être géré par les citoyens eux-mêmes, conservateurs de leur propre musée, selon un mode autogestionnaire ou cogestionnaire à déterminer.

D'ores et déjà, un travail de formation important se déroule en étroite collégialité avec toutes des personnes impliquées. La Commission ne peut qu'encourager la poursuite d'une pareille démarche.

Le domaine des loisirs au Québec aussi est un champ d'éducation de plus en plus important. À preuve, une subvention de 250 000$ a été récemment allouée à des groupes de base et des groupes communautaires pour la recherche de nouveaux modèles expérimentaux en loisir (gestion et formation de bénévoles par exemple)(42). Différents projets éducatifs voient le jour, des centres éducatifs forestiers se définissent un nouveau rôle: les randonnées en forêt s'inscrivent dans une série d'activités éducatives (expositions, projections, etc.).

En somme, nous pouvons estimer que, dans le milieu culturel, des pratiques pédagogiques se font sous le signe de la diversité, de la souplesse, de la spontanéité et du décloisonnement. Nous ne saurions prétendre que, sur le plan de la déscolarisation, l'ensemble de ces pratiques s'inspire d'une critique explicite du modèle scolaire traditionnel, mais le foisonnement d'activités et le dynamisme de ce milieu (que nous sommes loin d'avoir traduits) nous incitent à être à l'écoute de ces pratiques: elles contribuent à fonder et à alimenter l'objectif de déscolarisation de l'éducation des adultes.

4.3.3.4 La formation en milieu de travail

Un diagnostic d'ensemble des pratiques de formation en milieu de travail : une formation tributaire du taylorisme.

L'éducation des adultes en milieu de travail s'insère dans un modèle social de stratification.

Convaincue que la formation en milieu de travail occupe une place tout à fait légitime et importante dans le champ de l'éducation des adultes, qu'elle doit être reconnue pour sa valeur propre, et qu'on doit se pencher sur la dynamique et les initiatives positives qu'elle a générées, la Commission ne peut, par ailleurs, ignorer un diagnostic d'ensemble de ces pratiques qui émanent à la fois d'enquêtes, de sondages, de mémoires et de témoignages multiples. Règle générale, la formation reliée à l'emploi a suivi la voie du taylorisme, de la division du travail. On a compartimenté les contenus de formation en accentuant « l'étroitesse » de ceux-ci: la division rigide et le cloisonnement entre la formation dite « générale » et la formation reliée à l'emploi en est un des aspects. La formation de type professionnel en entreprise est elle-même principalement axée sur l'adaptation à la tâche et permet rarement d'acquérir une pleine maîtrise du métier, du processus de production. Cette formation n'est souvent qu'un acquis non transférable. Elle ne permet pas d'accroître le pouvoir et l'autonomie des travailleurs et des travailleuses sur les marchés de travail. Les adultes ici concernés n'ont habituellement aucun contrôle sur les contenus et les finalité des programmes de formation (il paraît plutôt abusif de parler de « contrôle », quand la consultation n'est même pas pratique courante). Nous avons d'ailleurs développé cet élément primordial de la participation des adultes à la formation en milieu de travail dans la cinquième partie de ce rapport.

Si on examine la hiérarchie des clientèles rejointes et les pratiques pédagogiques distinctes qui s'y rattachent, on est justifié de conclure que l'éducation des adultes en milieu de travail s'insère dans un modèle social de stratification bâti sur des formes plus ou moins ouvertes de sélection, d'élimination et de discrimination. Nous avons d'ailleurs questionné les pratiques de formation de certaines corporations professionnelles, de même que celles de certains métiers réglementés.

Nous avons déjà largement analysé, dans la troisième partie de ce rapport, les caractéristiques d'accès à une formation en entreprise durant et en dehors des heures de travail.

Dans cette section, nous allons faire état des données du même sondage, mais portant cette fois sur les caractéristiques de la formation en termes de genre de formation offerte, durée de la formation, lieux où elle se déroule, intervenants aux différentes étapes du processus, attestations décernées à la fin de la période de formation, et certains avantages que retire l'employé de cette formation.

Nous avons signalé, dans le chapitre précédent, que 17% des entreprises de 20 employés et plus avaient, au cours du dernier exercice financier, offert uniquement une formation sur le tas et 66% une formation organisée durant et/ou en dehors des heures de travail, dans le cadre ou non de programmes ou de politiques de formation.

A) Type de formation (mise à part la formation sur le tas)

C'est majoritairement une formation de type professionnel que donnent les entreprises (92%). Il s'agit surtout de la mise à jour des connaissances acquises ou d'adaptation à une nouvelle technologie. La moitié des entreprises cependant disent donner, durant les heures de travail, des cours d'initiation à la vie de l'entreprise et à son organisation et/ou des cours de santé-sécurité au travail. Relativement peu d'entreprises donnent des cours de langue et/ou de la formation sociale ou générale, comme l'illustre le tableau suivant:

Tableau 36 :  Répartition des entreprises déclarant des activités de formation ou de perfectionnement durant les heures de travail, selon le genre de formation

Répartition Genre de formation

N

% (1)

Formation de type professionnel

Formation dispensée aux nouveaux(elles) employé(e)s en vue de l'exercice de leur travail

160

48,6

Mise à jour des connaissances acquises (ou adaptation à une nouvelle technologie) en vue de poursuivre l'exercice de leur travail

254

76,6

Mise à jour ou perfectionnement des connaissances acquises dans le cas de transfert (promotion ou mutation)

94

28,4

Sous-total

305

92,2

Formation non professionnelle mais reliée à la tâche

Initiative à la vie de l'entreprise et à son organisation

111

33,7

Cours de santé-sécurité au travail

100

30,3

Sous-total

163

49,5

Formation de type général

Cours de langue

64

19,5

Formation « sociale » ou « générale » des employé(e)s

71

21,5

Sous-total

106

32,3

Autres formations

Divers

17

5,2

(1) Les pourcentages ne peuvent être cumulés, plusieurs réponses étant possibles. Ajoutons que chacun d'eux a pour base le nombre des entreprises de l'échantillon donnant une formation durant les heures de travail et qui ont fourni les informations requises. (N = 329) Source: C.E.F.A., Sondage sur les pratiques déformation en entreprise au Québec, 1980, annexe III, chapitre 4.

B)        Durée de la formation

En général, la grande majorité des entreprises donnent des activités de courte durée qui peuvent être de moins d'une journée mais échelonnées sur plusieurs semaines ou mois (62%) et/ou des blocs de formation de plus d'une journée mais de moins de trois mois consécutifs à temps plein.

Nous avions fait remarquer, dans la section sur le congé-éducation au Québec, que peu d'entreprises (13,5%) donnaient des activités de plus de trois mois consécutifs à temps plein.

C)        Lieu de formation

73% des entreprises disent faire des activités de formation entièrement en dehors du poste de travail ou du lieu de production.

D)        Participation à l'analyse des besoins, à la conception et à l'évaluation des activités de formation et de perfectionnement

Dans 52% des entreprises, le maître d'oeuvre unique, c'est l'entreprise.

Quand ce n'est pas l'entreprise seule qui agit, il semble qu'il existe simultanément diverses formules. Ainsi, les employeurs ont plus souvent recours à des organismes privés, 62%, qu'à des organismes publics, 31%. Parmi ces 31%, 21% seulement ont eu recours à une institution d'enseignement. Dans le cadre des organismes privés, 30,5% des entreprises ont eu recours à des consultants, et/ou à un fournisseur d'équipement ou de matériel (27%), et/ou à une association sectorielle (24%).

E)        Participation à la réalisation et à la gestion des activités de formation

42% des entreprises ont réalisé et géré seules les activités de formation. 34% des entreprises se sont adressées à des consultants ou des spécialistes en formation et/ou, pour 29,5%, à des institutions d'enseignement.

F)        Attestation

On constate que 53% des entreprises qui ont donné une formation ont déclaré que des attestations officielles avaient été fournies à leurs employés pour avoir reçu une formation. La plupart du temps, cette attestation venait de maisons d'enseignement, soit 51%. Par contre, seulement 21,5% des attestations avaient été décernées par l'entreprise, la maison mère ou le siège social.

G)        Conséquences pour l'employé

La grande majorité (81%) des entreprises déclarent que la formation dispensée durant les heures de travail n'était aucunement liée à une augmentation de salaire (15,5%) et/ou à une promotion ou un transfert de l'employé (29%).

En général, l'initiative de suivre des activités de formation durant les heures de travail vient de l'employeur et non de l'employé. La plupart du temps, l'employeur « recommande » à l'employé d'y participer, dans 51% des cas, mais 38% des entreprises signalent que l'employé doit suivre la ou les activités de formation.

Une des conditions mises en avant pour suivre l'une des activités de formation, c'est que cette activité soit rattachée à la fonction ou au travail accompli. C'est le cas dans 83% des entreprises.

En résumé, nous pouvons dire que dans la majorité des entreprises la formation durant les heures de travail, c'est l'affaire de l'entreprise uniquement. Les employés sont obligés ou fortement encouragés à y participer. Dans un cas sur deux, l'employé voit cette formation reconnue par une attestation quelconque.

Ce qui caractérise cette formation, c'est qu'elle est très « collée » à la tâche, de courte durée, et ne conduit généralement pas à une promotion, à un transfert ou à une augmentation de salaire. C'est d'abord et avant tout une mise à jour des connaissances ou une adaptation à de nouvelles technologies.

La formation durant les heures de travail s'inscrit dans les politiques de rentabilité de l'entreprise et dessert surtout les besoins des employeurs.

L'apprentissage n'est pas considéré comme un type de formation professionnelle initiale, qui prolongerait l'enseignement général. Il est traité comme élément des conditions de travail, négocié dans ce cadre, et contrôlé par les instances chargées de l'application de la réglementation.

Nous avons largement montré dans le chapitre 4 de la partie précédente que la réglementation de certains métiers, tout particulièrement dans la construction, posait de réels problèmes d'accessibilité. Mais il est un problème au moins aussi grave, sinon plus; c'est la piètre formation que reçoivent les apprentis et la quasi-absence de perfectionnement ou de recyclage pour la plupart des travailleurs et des travailleuses dans les métiers. En effet, nous avons décrit brièvement les conditions pour devenir apprenti; c'est le nombre d'heures de pratique d'un métier qui fait que l'on devient un ouvrier qualifié. Or, cette réflexion d'un apprenti lors de la tournée régionale de la Commission illustre très bien la situation: ... quand on a un «job », on n'ose pas parler de formation en demandant conseil à un de nos compagnons parce que pour l'employeur ça voudrait dire incompétence, donc une raison de congédiement. Alors les gars se ferment la gueule et essaient de faire comme s'ils étaient compétents avec les problèmes que ça comporte. On se sent poigne.

Or, comme le fait remarquer Jean Sexton: La main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction qui comprend environ 125 000 personnes n'a pas reçu pratiquement de formation depuis 1970. C'est une main-d'oeuvre qui est en vieillissement et dont le contexte économique fait qu'elle est actuellement sous-utilisée.(43)

En plus des cours de formation et de perfectionnement, il apparaît important aux travailleurs de se doter d'un système adéquat de recyclage en fonction de l'avancement constant de la technologie.

Source: Rapport des journées régionales, région des Laurentides/Lanaudière.

Le danger qui menace nos charpentiers-menuisiers dans l'industrie de la construction d'aujourd'hui, c'est la spécialisation des tâches :

Sera-t-il un spécialiste du coffrage ?

Sera-t-il un spécialiste en charpente ?

Sera-t-il un spécialiste en « dry wall » ?

Sera-t-il un spécialiste dans le posage de portes, d'armoires, etc. ?

Nous estimons que le charpentier-menuisier doit réagir à cette menace de la spécialisation.

Source: Mémoire à la Commission, Fraternité unie des charpentiers-menuisiers d'Amérique, locaux 134-752-1064-1427-2090, F.T.Q., décembre 1980, p. 19.

De plus, il s'est produit des transformations rapides et importantes dans ce domaine: utilisation de nouveaux matériaux, de nouvelles techniques de construction (préfabriqué et autres) qui ont révolutionné complètement certains métiers. Or, c'est justement dans le secteur de la construction et dans celui du textile qu'il y a le moins de formation offerte aux travailleurs pendant et en dehors des heures de travail. Et ce sont les travailleurs et les travailleuses, qualifiés et non qualifiés, qui ont le moins accès à une formation.

De plus, la parcellisation des tâches a eu comme conséquence de donner aux travailleurs une connaissance non pas d'un métier, mais d'un morceau de métier qui se rétrécit de plus en plus comme une peau de chagrin. On a contribué à faire des « spécialistes » dans un champ de plus en plus restreint, si bien que les ouvriers en général ne connaissent plus l'ensemble de leur métier, ce dont la plupart se plaignent, et les consommateurs encore plus. Les ouvriers en général, s'ils sont devenus des « experts de bouts de métiers », n'en sont pas heureux pour autant.

Du côté des travailleurs, on a un peu la nostalgie du passé. En effet, tous sont unanimes à dire que les apprentis d'aujourd'hui n'ont pas la compétence de ceux d'autrefois. La surspécialisation et l' incompétence sont la marque des nouveaux arrivants. De plus, on affirme que la dévalorisation de certains secteurs d'emploi nous mène à plus ou moins brève échéance à une pénurie de main-d'oeuvre.

Source: Rapport des journées régionales, région des Laurentides/Lanaudière.

Une part importante des subventions vise à donner ce qu'ils appellent une

« formation maison » qui lie davantage le travailleur à son milieu de travail. Cette formation trop spécifique n'est pas reconnue par les autres milieux de travail.

Source: Rapport des journées régionales, région de Québec /Sainte-Foy.

La contribution du milieu du travail à la déscolarisation des pratiques pédagogiques.

De nombreuses critiques sont adressées au modèle pédagogique scolaire et aux institutions d'enseignement.

Un grand nombre ont réclamé que soit revu en entier le système d'apprentissage, que des connaissances théoriques soient intégrées aux connaissances pratiques, et que l'apprenti acquière un ensemble de connaissances du métier qu'il a choisi. Certains ont demandé que soient ajoutés à cette formation, des renseignements sur les lois principales qui établissent les droits des travailleurs et les recours possibles, des cours de santé-sécurité relatifs au métier choisi, de l'information syndicale(44), mais aussi des informations sur le contexte économique, l'évolution de la main-d'oeuvre, les risques de chômage dans ces métiers.

Ainsi « outillés », les travailleurs et les travailleuses auront une formation qui les aidera à s'orienter plus facilement vers tel ou tel secteur et, éventuellement, à se recycler rapidement; une formation qui augmenterait leur mobilité à l'intérieur du métier, en cas de mauvaise conjoncture.

Or, actuellement, non seulement la réglementation restreint la mobilité, mais l'apprentissage qu'ils ont reçu leur ferment bien des portes. Quant aux travailleurs et aux travailleuses qualifiés, alors qu'autrefois l'âge et l'expérience étaient un atout majeur, le signe d'une connaissance approfondie du métier, de nos jours, avec les changements technologiques rapides et l'absence de perfectionnement et de mise à jour des connaissances, cet atout risque de se retourner contre eux. En cas de mise à pied, ils peuvent difficilement se recycler.

Tout cependant n'est pas aussi sombre dans la formation en milieu de travail. Nous avons signalé que, malgré certaines inégalités, malgré une orientation très marquée à répondre d'abord et avant tout aux besoins de l'entreprise, un grand nombre d'entreprises de 20 employés et plus offraient à leurs employés des activités de formation.

De plus, dans ce chapitre traitant de la transformation des pratiques pédagogiques à caractère scolaire, nous devons mettre en lumière la contribution du milieu du travail dans l'élaboration et l'expérimentation d'approches pédagogiques « déscolarisantes ». Les entreprises ont souvent développé leurs propres programmes et méthodes, sinon leurs propres centres de formation, autant pour combler les insuffisances du système scolaire régulier que pour répondre à leurs besoins spécifiques. Même si la collaboration avec le système scolaire est toujours souhaitée et se concrétise régulièrement par divers types d'entente, des insatisfactions et des griefs demeurent(45). On estime généralement que la pédagogie utilisée est inadéquate et trop calquée sur ce qui se fait avec les jeunes.

(...) Le réseau public a tendance, dans l'enseignement destiné aux adultes, à reproduire le type de programmes conçus pour les jeunes, qui valorisent la scolarisation plutôt que la satisfaction de besoins spécifiques de formation. Ces programmes, trop rigides par rapport aux besoins précis des adultes, ne tiennent pas assez compte de ce qui est propre à l'éducation des adultes, soit la reconnaissance des connaissances et de l'expérience déjà acquises par l'adulte.(46)

Les programmes ne sont pas bien reliés au marché du travail : la formation est en retard sur la réalité du travail ; les professeurs devraient se recycler « sur le tas » et les activités être moins coupées de l'environnement réel de travail; la formation prépare à des « jobs » qui sont déjà « saturés »... Nous pourrions continuer longtemps cette litanie au sujet de la formation dite professionnelle.

Source: Rapport des journées régionales, région de Québec/Sainte-Foy.

La formation de mécaniciens et d'opérateurs en machinerie lourde est inadéquate ; elle est donnée sur une machinerie désuète qui ne sert plus sur les chantiers.

Source: Rapport des journées régionales, région du Sud-Ouest.

En menuiserie, le cadre de l'école est loin de la réalité du milieu du travail. Aucune expérience de chantier n'est favorisée. Les professeurs devraient eux-mêmes se recycler ; ils ne sont pas assez au courant des nouvelles technologies. Il ne se donne pas de cours pratiques en construction.

Source: Rapport des journées régionales, région de Québec/Sainte-Foy.

Le système scolaire serait trop éloigné de la réalité des entreprises, des marchés de travail et du vécu des travailleurs (voir chapitres 2 et 3 : Les inégalités d'accès à l'éducation des adultes qui relèvent du milieu scolaire). Les éducateurs n'auraient pas assez de connaissances pratiques et mises à jour; l'équipement technologique est souvent dépassé; les enseignements sont trop théoriques et pas suffisamment axés sur l'apprentissage, les stages. Les contacts avec les milieux industriels ne sont pas assez soutenus pour permettre une mise à jour et un renouvellement des formations techniques. Certains critiquent l'assujetissement de la formation dite « professionnelle » aux structures et aux normes administratives et pédagogiques de l'enseignement général. On estime, d'autre part, que les institutions d'enseignement sont davantage préoccupées de « vendre » leurs produits que de s'ajuster aux besoins de l'entreprise.

Plusieurs intervenants aux journées régionales ont critiqué la formation préparatoire à un métier donnée dans les écoles. On se plaint non seulement de la machinerie utilisée, qui est très souvent désuète, mais aussi des enseignants qui auraient besoin d'être recyclés tant au niveau de leur profession qu'au niveau pédagogique.

Les maçons, les électriciens, les charpentiers-menuisiers, entre autres, ont déploré la formation donnée en institution. Ainsi, faire prendre du ciment dans une salle de classe par une température de 17 degrés, ce n'est pas un problème, ni clouer des panneaux de bois quand les trous sont déjà faits, mais, sur un chantier, la réalité est toute autre et le travailleur constate avec amertume qu'il ne connaît pratiquement rien de ce qu'on lui demande de faire.

Devant de tels anachronismes, certaines entreprises ont décidé de créer elles-mêmes leur propre école où seraient liées, sur le terrain, la formation théorique et la formation pratique; c'est l'exemple des chantiers-écoles réclamés, entre autres, par les charpentiers-menuisiers.

Voici ce que l'un d'eux disait lors d'une journée régionale de consultation: Depuis plusieurs années, les représentants des charpentiers-menuisier s ont essayé de discuter avec les autorités en place d'une formation contrôlée par des charpentiers-menuisiers sur des vrais chantiers de construction, ce que mon organisation appelle des chantiers-écoles. On pourrait former de vrais apprentis sur des chantiers-écoles. A mon avis, on ne les limiterait pas seulement à faire du « dry wall » poser des portes ou faire du coffrage. Mais il apprendrait son métier d'une façon suivie de façon que cet homme soit fier de son métier. Ceux qui, d'après moi, manquent de formation ou qui ont une formation limitée, on pourrait leur apprendre et leur donner ce qui leur manque pour en faire des vrais charpentiers-menuisiers. Quant à l' apprenti, son travail serait productif sur les chantiers-écoles car il ne détruirait pas ce qu'il aurait fait durant sa journée de travail comme cela se passe dans les centres de formation.(47)

Principaux axes de la déscolarisation en milieu de travail.

Voilà quelques-unes des raisons qui ont incité beaucoup d'entreprises à développer leurs propres pratiques de formation. Dans le cas du Mouvement Desjardins, par exemple, ces pratiques reposent sur une longue tradition. L'âge d'or de la coopération au Québec (cf. : le chapitre premier de la première partie) avait vu se multiplier des cercles d'études, essentiellement dirigés par des leaders du milieu, basés sur l'animation et le travail d'équipe et orientés essentiellement vers l'action. C'est un peu de cet esprit que nous retrouvons à travers certaines pratiques pédagogiques en entreprise. Nous nous sommes attachés à identifier des aspects de ces pratiques qui nous paraissent s'inspirer d'objectifs de déscolarisation en éducation des adultes.

* Nous mettons en garde contre une interprétation abusive de ces données: les méthodes auxquelles on fait référence ne sont pas des recettes-miracles.

Utilisation d'une approche modulaire

Pédagogie ou formation sur mesure

Un diagnostic soigné des besoins qui réclame, selon certains, une participation et une implication de toutes les parties concernées.

* C'est le point de vue que nous développons au chapitre 3 de la cinquième partie de ce rapport.

Une formation axée sur l'apprentissage et la pratique, orientée vers l'action

Une enquête du ministère de l'Éducation du Québec sur les tendances pédagogiques en formation en emploi(48) indiquait que cette question soulevait beaucoup d'intérêt dans les milieux concernés. Même si, du point de vue des auteurs, il est difficile d'évaluer les approches pédagogiques repérées, deux tendances positives se dessinent*: 1) une pédagogie du vécu qui cherche à faire le lien entre le milieu éducatif et le milieu du travail (enseignement pratique, simulation, stage, enseignement coopératif...), et 2) un enseignement individualisé, une attention et une évaluation personnelles de l'étudiant (ses besoins, ses points forts, ses points faibles). Conformément à ces objectifs, l'enseignement modulaire est le plus fréquemment utilisé. L'approche modulaire peut prendre plusieurs formes: un module peut être une unité de contenu ou une partie d'un programme d'études constituant un tout autonome et de plus petite dimension que ce que l'on a pour habitude de nommer un cours; cette unité de contenu incorpore principalement des activités d'apprentissage et un guide destiné à permettre à l'étudiant d'effectuer ces activités et d'acquérir la maîtrise du contenu par lui-même. Dans ce cadre, l'entreprise utilise de plus en plus un enseignement programmé par ordinateur. L'approche modulaire permet de reconnaître en tout temps à l'étudiant les étapes d'un programme qu'il a complétées même s'il n'a pas réussi le programme en entier.

Une grande entreprise (49) prône l'importance d'associer les employés à la définition des besoins de formation et d'adapter la pédagogie aux caractéristiques de ses employés (âge, scolarité). On veut mettre en avant une pédagogie sur mesure. Par exemple, des programmes de réaffectation d'employés tiennent compte des aspirations et des qualifications de ceux-ci. Le contenu de la formation s'élabore au fur et à mesure selon une approche modulaire qui permet plus de souplesse dans l'organisation et qui facilite l'utilisation de formateurs du milieu.

La pédagogie sur mesure peut impliquer le souci d'ajuster la formation aux besoins des employés et aux exigences de l'entreprise. Pour ce faire, on accorde généralement beaucoup d'importance au diagnostic des besoins. À titre d'exemple, le programme FORADIR, à l'intention des dirigeants des caisses populaires, a donné lieu à une consultation auprès de 700 personnes en vue de l'identification de leurs besoins de formation. Dans le cas du programme destiné aux cadres, FORGES, une session de cinq jours a permis à ceux-ci d'analyser leurs besoins sur une base individuelle.

De l'avis de certains intervenants, ce processus d'identification des besoins exige la participation de tous les intéressés*.

Il serait naïf de prétendre changer les attitudes et les comportements d'autres intervenants face à certains problèmes, face à certains dossiers sans que ces mêmes personnes ne soient impliquées au niveau de l'identification des problèmes, de la recherche des causes, de l'inventaire et de l'élaboration des solutions, ou encore au niveau de l'application des actions retenues.(50)

Plusieurs se réclament ainsi d'une formule pédagogique essentiellement centrée sur la participation et l'implication personnelle.

La formation en entreprise se veut axée sur l'apprentissage et la pratique. Les participants aux sessions de formation sont appelés, dans le cas d'Hydro-Québec par exemple, à faire des expérimentations au moyen d'exercices, d'études de cas ou de jeux de rôle. Ils utilisent, ce faisant, leur expérience et leurs connaissances. Une session de formation sur la planification au Mouvement des caisses populaires et d'économie Desjardins se fait dans le cadre de la planification annuelle régulière et de l'élaboration du budget. À Canadair, les étudiants expérimentent leurs connaissances et leurs habiletés en travaillant sur des pièces de production rejetées. Dans le milieu des entreprises, on est à peu près unanimes à reconnaître l'importance des stages et des chantiers-écoles. C'est d'ailleurs sur le terrain de la pratique que se réalise le plus souvent la jonction avec la théorie. Les exposés et les synthèses théoriques viennent le plus souvent appuyer une formule plus souple d'animation et de discussion.

Utilisation de formateurs du milieu.

Support individuel et suivi apporté à la formation des cadres.

Des expériences intéressantes de collaboration école/entreprise.

Conformément à cette orientation, les entreprises favorisent généralement l'utilisation de formateurs issus du milieu et formés sur le terrain. Ceci contribue pour une bonne part à l'assimilation de l'apprentissage par les participants et à sa concrétisation ultérieure dans le travail, les éducateurs étant pleinement familiers avec l'ensemble du contexte de travail. Certains, comme Hydro-Québec, vont même développer leur propre programme de formation de formateurs: plus de 500 personnes dans l'entreprise ont eu accès aux trois cours que constitue ce programme.

Dans la plupart des cas dont nous avons pris connaissance, un support individuel est apporté à la formation des cadres; le diagnostic des besoins peut se faire aussi sur une base individuelle et donner lieu à des révisions régulières.

Nous faisons un suivi afin de voir le progrès réalisé ou les difficultés rencontrées dans la pratique par les participants, ce que l'on peut difficilement faire dans les institutions d'enseignement qui sont souvent coupées des milieux de travail et de la vie des personnes et beaucoup plus axées sur la théorie.(5l)

Malgré les nombreuses critiques apportées par le milieu du travail en regard de la formation de type professionnel donné dans les écoles, certains intervenants ont relevé des expériences prometteuses de collaboration entre l'entreprise et l'école, que ce soit au niveau des commissions scolaires et des cégeps (dont un grand nombre sont des interventions de formation sur mesure) ou des universités: échanges de services, stages, travail conjoint au niveau de l'élaboration de cours et de programmes réalisés soit en milieu scolaire, soit en milieu de travail, consultations sur le plan pédagogique, transmission d'un feed-back sur les activités de formation effectuées en milieu scolaire, attestation ou accréditation de programmes réalisés en entreprise, etc. Signalons une expérience fructueuse de collaboration entre le Collège Edouard-Montpetit et l'industrie de l'aéronautique qui définit ses besoins en main-d'oeuvre spécialisée. Des séances de travail tripartites (cégep, syndicat, industrie) permettent d'établir une programmation et des objectifs d'apprentissage. Des budgets spéciaux d'implantation sont alloués, les enseignants sont incités à innover et les horaires sont adaptés au rythme de l'industrie. D'après les responsables du programme, seule la flexibilité intrinsèque au système de l'éducation des adultes a pu permettre la réalisation de cette expérience(52). Cette jonction de l'expertise de l'école et de l'entreprise ne peut qu'amener, de part et d'autre, des remises en question bénéfiques des méthodes et des pratiques pédagogiques. Le cas des 45 étudiants de l'École polytechnique, qui terminaient cet automne un cours en « simulation d'un environnement industriel » à l'usine Dominion Bridge Sulzer de Lachine, est un autre exemple d'expérience intéressante pour les étudiants: cela leur offre l'occasion de confronter leurs connaissances techniques avec la pratique.

Les entreprises pourraient également être incitées à mettre davantage leurs équipements au service des institutions scolaires, comme complément à la formation dispensée en atelier, de sorte à refléter le plus possible la réalité des marchés de travail.

Nous venons d'identifier plusieurs aspects positifs des pratiques pédagogiques en milieu de travail. Cela ne doit pas nous faire oublier que, par rapport à l'ensemble des activités de formation de ce milieu, ces pratiques s'adressent à peu près exclusivement à des catégories privilégiées d'employés (cadres et techniciens spécialisés) renforçant ainsi les inégalités de toutes sortes à l'intérieur de l'entreprise. D'autre part, un certain « modernisme pédagogique » n'a pas forcément pour but de développer l'autonomie critique et la prise en charge par les adultes ici concernés des finalités de l'éducation en milieu de travail. La Commission considère, à cet égard, que seule une participation active et déterminante des travailleurs et des travailleuses à l'ensemble des décisions touchant la formation peut garantir que leurs intérêts propres y soient respectés. Or, nous verrons dans la partie suivante sur la participation que, de manière générale, ni les travailleurs ni leurs représentants syndicaux ne participent à l'organisation et à la gestion de la formation. La mise sur pied, sur une base paritaire, de comités de formation en entreprise se révèle une condition essentielle à la réalisation de cet objectif (voir chapitre 3 de la cinquième partie). Pour la Commission, la formation en milieu de travail et la stratégie pédagogique qui s'y rattache doivent permettre aux travailleurs et aux travailleuses, non seulement de développer leur compétence professionnelle (maîtrise du travail et des outils techniques) — donc d'influer dans l'immédiat sur leur activité et sur les évolutions techniques — mais aussi, simultanément, de développer leur compétence fondamentale pour participer aux décisions, en se situant mieux dans l'environnement économique, social et politique, afin d'agir sur la finalité du travail, l'environnement, les structures politiques, économiques et sociales.

4.3.3.5 L'autodidaxie et l'autodidaxie assistée, comme méthodes d'aprentissage

L'autodidaxie: un phénomène important et extrêmement répandu

Conditions influençant les choix éducatifs des autodidactes.

Que des recherches ou des sondages viennent faire la preuve que les adultes entreprennent un grand nombre d'activités éducatives, de manière autodidacte, ne surprend personne. À toutes les époques, dans toutes les classes de la société, des individus ont utilisé cette façon d'apprendre. C'est sans doute là une preuve irréfutable que l'adulte se trouve dans une dynamique d'éducation permanente à travers ses différentes expériences: expériences qui l'invitent à s'outiller mieux par des apprentissages appropriés.

Notre Sondage sur les adultes québécois et leurs activités éducatives nous permet d'identifier ce phénomène sous plusieurs aspects(53). De tous les adultes interrogés, 39% ont eu recours à une formation de type autodidactique; pour 23% des adultes, il s'agissait du seul mode d'apprentissage utilisé durant cette dernière année. Hommes et femmes sont représentés à peu près également dans ce domaine. Par contre, la majorité des hommes (80%) s'adonnant à des pratiques autodidactes avaient un emploi à temps plein, alors qu'un peu plus de femmes (39%) déclaraient comme occupation, « à la maison », contre 35% qui avaient un emploi à temps plein et 14%, un emploi à temps partiel.

Il est intéressant également de relever les raisons qui ont poussé les adultes à choisir ce type de formation.

À cet égard, le sondage note que 46% des adultes qui ont fait des activités éducatives de type autodidactique ont préféré apprendre seuls plutôt qu'avec un formateur ou un professeur. De plus, cette situation est évoquée davantage par les hommes (49%/43%). Par contre, 33% des adultes auraient préféré apprendre avec un formateur ou un professeur, mais ne pouvaient utiliser ce service offert dans leur localité ou leur région. Plus de femmes que d'hommes ont évoqué cette situation (39%/27%). Les obligations familiales, les horaires de travail et les dépenses occasionnées par la formation ont constitué, pour ces adultes, les principaux obstacles pour apprendre avec un formateur ou un professeur. Par ailleurs, 16% des adultes auraient préféré apprendre avec un formateur ou un professeur, mais ce qu'ils auraient voulu apprendre ne s'enseignait pas dans leur localité, ou encore ne s'enseignait pas du tout.

Objectifs poursuivis par les autodidactes.

Des apprentissages qui méritent une reconnaissance

II faut distinguer l'enseignement individualisé et l'autodidaxie: des définitions.

Une série d'énoncés visaient à déterminer quels étaient les principaux objectifs poursuivis par les autodidactes. Une imposante majorité d'adultes affirment que les raisons suivantes ont compté soit un peu, soit beaucoup, dans leur décision:

Spécifions qu'au sujet des énoncés précédents, il existe des différences entre les hommes et les femmes. Ainsi, les hommes évoquent plus que les femmes le désir d'être leur propre maître (76%/64%), tandis que les femmes évoquent plus que les hommes le désir d'occuper leur temps libre (92%/84%) et le désir de se prouver qu'elles sont capables de faire quelque chose (84%/77%).

Signalons que les principaux domaines où se concentrent les activités éducatives de type autodidactique sont, par ordre d'importance: les travaux d'aiguilles (20%), la vie domestique et familiale (16%), les sciences sociales (14%) et les arts (10%).

Il existe aussi des différences entre les hommes et les femmes au niveau des domaines étudiés en formation de type autodidactique. En effet, les femmes se concentrent davantage dans les domaines des travaux d'aiguilles (F. 39%/H. 1%) et des langues (F. 12%/H. 7%), tandis que les hommes se concentrent davantage dans les domaines de la vie domestique et familiale (H. 25%/F. 7%), des métiers spécialisés et semi-spécialisés (H. 16%/F. 1%) et des sciences pures (H. 10%/F. 2%).

Les contenus ou sujets d'étude des autodidactes sont fort variés et présentent souvent peu d'affinités avec les formations académiques. Certains autodidactes, cependant, s'intéressent à des sujets semblables à ceux qui sont offerts en milieu institutionnel (ex.: philosophie, informatique, histoire, etc.). Même s'ils n'entreprennent pas ces études en vue d'une accréditation, il peut arriver qu'ils atteignent un niveau de compétence qu'ils voudraient voir reconnaître. Des mesures seront proposées par la Commission à cet effet.

Même si la formation de type autodidactique est importante et répandue, elle peut sembler marginale. Marginale, parce que difficile à cerner, parce que différente des activités éducatives formelles offertes dans divers milieux. De fait, l'autodidaxie peut paraître marginale, quand on lui applique les standards académiques habituellement utilisés pour qualifier des activités éducatives.

Le terme « autodidactique » a été récupéré en milieu institutionnel afin de désigner des personnes qui étudient, avec une certaine marge d'autonomie et avec l'aide de personnes-ressources ou de tuteurs, dans le but d'obtenir un diplôme ou de terminer certaines activités d'un programme. Dans de tels cas, on fait référence à des régimes individualisés ou personnalisés d'enseignement. Une telle interprétation risque d'entraîner de la confusion, en plus de vider l'autodidaxie de la réalité qu'elle représente. Il serait davantage approprié d'utiliser le terme autodidacte pour les individus qui entreprennent, de leur propre chef et hors de tout milieu institutionnel, des apprentissages qu'ils ont eux-mêmes définis. Gilbert Leclerc nous propose les définitions suivantes: L'enseignement individualisé désigne une méthode d'éducation où la part de responsabilité et de liberté laissée à l'étudiant ne touche que le rythme de l'apprentissage et/ou l'organisation concrète du temps qu'il doit y consacrer et/ou l'utilisation de certains moyens et ressources mis à sa disposition, mais non les objectifs et les méthodes qui eux sont définis à l'avance par les agents de formation.

L'autodidaxie et l'autodidaxie assistée se réfèrent ici à des méthodes d'éducation où l'étudiant reste libre de choisir non seulement le rythme de son apprentissage, l'organisation de son temps, le recours à divers moyens et ressources d'apprentissage, mais également les objectifs ou tout au moins les méthodes de son éducation. L'agent d'éducation n'est pas là pour diriger le processus d'auto-apprentissage, mais seulement pour l'assister, et cela dans la mesure même où l'étudiant en exprime le besoin. (54)

Des caractéristiques du modèle d'apprentissage autodidactique

Les autodidactes ne cherchent pas à s'isoler; ils ont besoin de support et de services spécifiques.

À certains égards, le modèle d'apprentissage propre aux autodidactes présente des traits distinctifs qu'il est intéressant de relever lorsque l'on parle de déscolarisation des pratiques pédagogiques en éducation des adultes. À l'issue de la recherche qu'il effectue auprès d'une cinquantaine d'autodidactes, c'est ainsi que Fernand Serre (55) qualifie ce type d'apprentissage.

Les autodidactes n'ont pas la réputation de frayer avec les milieux d'enseignement. Il est prouvé que, dans 80% des cas, ils demandent l'aide de leurs connaissances et de leurs intimes plutôt que celle des spécialistes de tout ordre. Bon nombre d'adultes, au cours de leur vie, auront à aider d'autres adultes dans leurs apprentissages. De plus, les autodidactes utilisent les services de bibliothèques ainsi que les émissions éducatives offertes à la télévision, notamment, les émissions sur demande de certaines chaînes de câblodistribution(56).

Notre sondage mesurait également ces besoins des autodidactes en termes de soutien à leur démarche éducative. Parmi les adultes qui ont fait des activités éducatives de type autodidactique, 55% des individus ont ressenti le besoin d'être aidés par quelqu'un pour réaliser leur activité. Un peu plus d'hommes que de femmes ont ressenti ce besoin (59%/52%). De plus parmi les autodidactes, 45% savaient que des personnes dans leur quartier avaient appris la même chose qu'eux; et, de ces adultes, 80% avaient rencontré de telles personnes.

D'autre part, pour avoir les connaissances nécessaires pour réaliser leur activité, les adultes ont recours principalement à des livres (67%), à des journaux ou revues (55%) et à des brochures ou dépliants (45%). Peu d'adultes ont recours à la télévision (22%), à la radio (8%) ou à des cassettes et à des disques (6%). Notons, de plus, que les hommes utilisent davantage les media écrits, et les femmes, davantage la télévision.

Par ailleurs, 76% des adultes connaissent l'existence de bibliothèques accessibles dans leur quartier. Toutefois, seulement 20% de ces adultes y sont allés; c'est le cas principalement des hommes (H. 27%/F. 14%).

Les autodidactes ont donc un réel besoin de support dans leurs démarches éducatives. Ils désirent briser leur isolement, conserver leur motivation ou encore reprendre confiance en eux. En ce sens, des services spécifiques adaptés à leur réalité devraient être offerts, aussi bien de la part des milieux scolaire, culturel, associatif que du milieu du travail. Par exemple, on pourrait favoriser des rencontres entre autodidactes, afin qu'ils puissent s'apporter mutuellement les supports dont ils ont besoin.

Il y aurait beaucoup à apprendre de ces démarches éducatives spontanées des adultes. Hors des normes, des cadres et des institutions, elles sont commandées par les impératifs mêmes de la vie et illustrent bien notre besoin d'éducation permanente, décloisonnée et déscolarisée. Tout en respectant l'autonomie de ces processus éducatifs, il importe d'apporter un soutien et un encouragement aux pratiques d'autodidaxie.

4.3.4 Une méthodologie de la déscolarisation: quelques guides

L'éducation des adultes ne pourra contribuer au développement du potentiel humain que si justement elle favorise, dans ses pratiques pédagogiques, la libération du potentiel créateur des adultes et leur prise en charge du processus éducatif. Pour ce faire, elle doit prendre appui sur des principes et des méthodes différents de ceux sur lesquels repose le modèle scolaire traditionnel. Toute la perspective de l'éducation permanente nous incite d'ailleurs à concevoir l'éducation à travers une dynamique vivante des rapports entre l'adulte, les groupes d'adultes et leur environnement. L'éducation des adultes a besoin d'air; elle a besoin de s'affranchir d'un certain nombre de carcans (idéologiques, institutionnels, administratifs, etc.) qui limitent ses possibilités créatrices et émancipatrices. Les expériences de déscolarisation réalisées en éducation des adultes au Québec ont amorcé ce mouvement et nous permettent maintenant de synthétiser, sous forme de guide méthodologique, quelques principes pédagogiques susceptibles d'orienter nos pratiques. Si ces principes sont généraux et valables pour tous les secteurs et les types de formation en éducation des adultes, leur champ d'application peut différer selon les contextes.

Ouverture, flexibilité, souplesse et capacité d'adaptation des programmes. Nécessité de développer la pédagogie par projet.

4.3.4.1 Des approches centrées sur les adultes

Les activités éducatives doivent être spécialement adaptées aux besoins, aux intérêts et aux motivations des adultes. On doit les offrir à des heures, dans des conditions et selon des rythmes qui conviennent à la fois à leur disponibilité et à leur capacité. L'éducation tient compte de — et met à profit — tous les aspects de la vie des adultes ; l'expérience et le vécu sont le détonnateur de tout processus éducatif. La personne est considérée comme un être « en situation », et l'activité éducative se guide sur le diagnostic de cette situation. Nous renvoyons ici à toute la problématique des « besoins ». Les besoins réels (dont l'adulte n'a pas forcément pris conscience) sont souvent difficiles à mettre en lumière, et de plus, ils évoluent. Les besoins qu'on qualifie de collectifs ne se réduisent pas à la somme des besoins des individus, mais ils ne peuvent non plus faire abstraction de ceux-ci. L'identification des « besoins » correspond à l'un des moments de la dynamique individu/groupe dans le processus éducatif. Une fois les besoins traduits en problèmes précis, ils doivent être confrontés périodiquement aux objectifs que poursuit l'activité éducative.

La formation par projet et la formation académique : toutes deux concernées par cette dynamique.

La formation par projet offre le terrain d'application par excellence de ce principe pédagogique. Le processus opérationnel de la formation sur mesure, tel que décrit par Campeau et Leroux (voir chapitre 3 de la quatrième partie), concède une large place au diagnostic de la situation et des besoins des adultes, ce qui est évidemment plus adapté à des groupes relativement homogènes. La Commission insiste cependant sur la nécessité de penser une éducation et des approches pédagogiques orientées en fonction de la réalité, des besoins et des savoirs des adultes même dans le cadre de la formation académique. S'il existe des « savoirs constitués » (ceux-ci ne sont pas des dogmes mais synthétisent des connaissances issues de l'expérimentation) et des programmes qui correspondent à une certaine uniformisation et à une normalisation à l'échelle nationale, cela n'exclut pas que l'on fasse preuve de flexibilité, de souplesse et d'adaptation dans la conception et la mise en oeuvre de nouvelles approches pédagogiques à l'intérieur de ces programmes. La normalisation de programmes et de contenus au niveau national doit absolument s'accompagner d'une certaine prise en charge collective et individuelle à travers des mécanismes de participation locaux et régionaux, de façon à réduire les dangers d'écart, d'éloignement, entre les besoins locaux et la planification globale.

Une participation active des adultes au processus éducatif.

4.3.4.2 Une participation active au processus éducatif

Les adultes sont au coeur du déroulement du processus éducatif dont les composantes peuvent s'énumérer ainsi: analyse du besoin, définition des objectifs, apprentissage proprement dit, application et évaluation. Ce déroulement n'est ni linéaire ni mécanique. Au contraire, il y a influence réciproque entre les diverses phases, l'apprentissage ou l'application amenant, par exemple, à mieux cerner les besoins ou les objectifs. En formation académique évidemment, les contenus ne sont pas directement construits à partir de l'analyse des besoins des individus et des groupes. Ces contenus répondent à certains standards. Mais, là aussi, l'on questionne de plus en plus l'approche « bancaire » de l'éducation, qui consiste à accumuler des connaissances toutes faites. Si l'on redonne à l'apprentissage, à l'acquisition des savoir-faire et savoir-être, toute leur dimension et toute leur importance stratégiques dans le processus éducatif, si l'éducation des adultes vise le développement total et concret de la personne, capable de sens critique et d'une démarche autonome, si elle poursuit l' idéal d'un humanisme scientifique apte à orienter le changement, alors il est impensable, même dans le cadre de la formation académique, que l'adulte en soit réduit à un rôle de « récepteur » d'informations et de savoirs. Il importe donc, en tout premier lieu, de valoriser l'expérience et les savoirs des adultes, de façon à les associer activement à la démarche éducative.

Valoriser l'expérience et le vécu des adultes dans un cadre éducatif axé sur l'apprentissage.

Ainsi, toute démarche d'apprentissage doit prendre comme point de départ, point de référence et point d'arrivée, l'expérience de vie et de travail des adultes. C'est en mettant à contribution ces savoirs d'expérience que l'éducation des adultes pourra être une source de renouvellement et d'enrichissement des savoirs constitués. Combien de travailleurs et de travailleuses ne portent-ils pas en eux de nouvelles façons de concevoir leur métier ou même une nouvelle science de leur environnement qu'il faut avoir le souci de comprendre et de recueillir? C'est peut-être là que se trouvent le coeur de la particularité de l'éducation des adultes et aussi le fondement du défi à relever pour les éducateurs d'adultes.

Repenser la relation entre savoir d'expérience et savoir théorique: à la fois dépassement des savoirs d'expérience et valeur relative des savoirs théoriques.

Les modèles de l'éducation permanente posent d'emblée le problème de l'unité dialectique entre le savoir d'expérience et le savoir théorique, abordant ainsi sous un autre angle la question cruciale du rapport entre l'éducateur et les adultes. Mouvement de continuité et mouvement de rupture: telle est l'unité dialectique qui unit ces deux savoirs: ...Tout se passe comme si le savoir d'expérience, en se heurtant dans son déploiement même à ses propres limites et aux questions sans réponses qu'il a engendrées, suscitait dans la conscience de l'apprenant le besoin d'un autre savoir qui ne s'inscrit pas forcément dans la continuité de son expérience et doit être assimilé sans que l'on porte atteinte à sa logique interne (...).

Le savoir théorique apporte au savoir d'expérience la structure indispensable à l'organisation des connaissances acquises sur l'objet à connaître et lui permet de s'intégrer dans une forme nouvelle qui en élargit les perspectives. Mais de son côté, le savoir d'expérience interroge sans cesse le savoir déjà construit et l'oblige à se remanier en intégrant les données d'une expérience qu'il a tendance à rejeter en se durcissant dans une structure qui se veut invulnérable. Si l'on ne tient pas compte de ce double rapport, on risque d'aboutir soit à une sorte d'impérialisme scientifique, basé sur le règne du produit fini et de la pensée élaborée, qui bloque la possibilité de se poser des questions et de remettre en cause le savoir acquis, soit à une sorte d'immersion dans une expérience subjective non structurée qui ne permet pas l'accès à un savoir organisé. Mais, dans le cas où ce double rapport s'établit, l'apprenant perçoit à la fois la nécessité du savoir théorique et sa relativité.(57)

Une pareille approche exige trois démarches complémentaires (elle est davantage facilitée dans le cadre de la formation par projet) :

Le réinvestissement dans l'action et l'évaluation de l'activité éducative.

L'enquête récente effectuée par l'Université de Sherbrooke auprès de ses étudiants adultes (voir le chapitre 3 de la quatrième partie) révélait qu'une majorité de ceux-ci souhaitaient participer, d'une façon active, à l'élaboration du programme, des contenus et même de l'évaluation de la formation. Quant à nous, l'évaluation et le bilan de l'activité éducative sont un moment de vérité particulièrement crucial pour tous les participants, y compris l'éducateur. Chaque fois que les circonstances le permettent, on doit avoir le souci de l'évaluation du réinvestissement des acquis de la formation dans la vie de tous les jours. Cette évaluation doit être partie prenante du processus éducatif lui-même. En dernière analyse, c'est cette opération qui éclaire le bien-fondé de l'activité éducative et encourage la poursuite de projets éducatifs.

Des recherches qui mettent à profit les expériences des adultes et groupes d'adultes.

* Certains aspects mériteraient d'être soulignés, tels : les projets de recherche initiés par les milieux scolaires subventionnés par la D.G.E.A. ou autres secteurs (D.I.G.E.C. ou D.I.G.E.S.), la recherche gouvernementale directement conçue et réalisée par le secteur public, les activités de recherche reliées à Tévec, à Télé-université, à Multi-media, Départ, et Sésame ; les quelques rares initiatives des professeurs d'universités qui sont allés puiser dans les sources F.C.A.C. (M.E.Q.), du Conseil québécois de la recherche sociale (M.A.S.), du Conseil de recherche en sciences humaines d'Ottawa, etc.

Malgré ces activités de recherche, la somme d'investissement humain et monétaire semble dérisoire en la comparant au rythme que la recherche devrait adopter si elle veut supporter et surtout influencer le rythme du développement de l'éducation des adultes.

Source: Danielle Riverin-Simard, Vers une politique de la recherche en éducation des adultes : quelques éléments de réflexion, C.É.F.A., août 1981, p. 1-2.

Recherche fondamentale et recherche appliquée.

La recherche-action vise à résoudre des problèmes inscrits dans la réalité quotidienne. Elle donne lieu à des applications dans les domaines de l'éducation et de l'action sociale.

4.3.4.3 Une place pour la recherche en éducation des adultes

La recherche est véritablement un parent pauvre en éducation des adultes. Au cours des vingt dernières années, on a répondu dans le feu de l'action aux besoins les plus pressants, sans prendre le temps d'examiner systématiquement la pratique et ses effets, sans questionner plus avant les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. Les circonstances devant maintenant s'y prêter, il importe de donner à la recherche la place qui lui revient en éducation des adultes.*

Au chapitre des difficultés que rencontre la recherche, on peut identifier une espèce de méfiance traditionnelle entre théoriciens et praticiens, une absence de suivi dans les projets, ce qui occasionne un faible niveau d'élaboration et généralement l'absence de soutien et de reconnaissance. Il est possible de distinguer au moins trois types de recherche: la recherche fondamentale, la recherche appliquée et la recherche-action. Un nouveau concept, celui de la recherche participative nous est suggéré dans le dossier produit à l'intention de la Commission et qui figure en annexe IV: Un point de vue sur la recherche en éducation des adultes (58).

La recherche fondamentale est généralement associée à l'expérimentation en laboratoire, mais non d'une manière exclusive (Borg et Gall, 1971). Elle vise le développement de la théorie, la production de nouvelles connaissances, sans forcément en considérer les possibilités d'application.

La recherche appliquée suit logiquement la recherche fondamentale puisqu'elle s'appuie sur les connaissances produites par cette dernière. Elle a pour objectif de trouver des solutions à des problèmes qui se posent dans un contexte donné, la préoccupation théorique étant absente ou très secondaire.

On retrouve sous le vocable recherche-action une grande variété d'investigations: le diagnostic établi à la suite d'une situation sociale critique, assorti de recommandations concernant les mesures curatives proposées ; la recherche-action dite « participative » où les membres d'un groupe ou d'une collectivité sont à la fois sujets et agents de l'investigation; la recherche-action dite « empirique » qui consiste à accumuler des données sur les expériences quotidiennes de groupes sociaux semblables et, enfin, la recherche-action expérimentale qui exige une étude contrôlée des différentes techniques dans des situations sociales presque identiques et qui est normalement préalable à l'action. Cette dernière possède le plus grand potentiel de progression des connaissances.

Le mémoire à la Commission de l'organisme Relais-femmes décrit la situation extrêmement précaire et marginale de la recherche-action en éducation des adultes. Actuellement, il n'existe aucune façon de faire financer l'infrastructure d'un centre de recherche non affilié à une université et conçu en fonction des besoins des groupes voués à la promotion collective. Pourtant, ce type de recherche est bien, de l'avis de la Commission, un élément important d'une approche éducative non scolaire. En plus de constituer en elle-même un processus éducatif (démarche collective de définition des besoins, d'analyse de conjoncture, de production de moyens et d'outils d'intervention misant sur la collaboration chercheurs/groupes), elle contribue, dans ses diverses applications, à la création de nouveaux savoirs.

Des exemples :

Vulgariser et diffuser les résultats de recherches existantes en fonction des besoins spécifiques de groupes d'adultes, développer des outils pédagogiques, aborder de nouveaux domaines du savoir: la recherche-action est partie intégrante d'une approche pédagogique non scolaire et mérite qu'on lui reconnaisse une place au soleil.

Certains vont cependant questionner les limites et la valeur scientifique des expériences diverses qu'on affuble du vocable de «recherche-action»: L'implication personnelle du chercheur dans l'action, les faiblesses au plan de la méthodologie, le caractère unique des problèmes examinés laissent planer le doute sur le caractère scientifique des connaissances ainsi produites. Entrelacer recherche et action sans définir précisément l'espace de ces deux termes peut conduire à la promotion d'un savoir non généralisable, non reproductible, non falsifiable, à une science du singulier qui par définition ne peut être scientifique (Franck, 1981 ).(59)

La recherche participative : adultes et groupes d'adultes sont associés étroitement au déroulement de la recherche.

On lui préfère à cet égard la notion de recherche participative qui, tout en retenant des éléments de la recherche-action, respecterait les exigences d'une démarche scientifique. Trois éléments la caractérisent: la participation des adultes à la définition du projet de recherche, leur collaboration au déroulement de la recherche et à l'évaluation des résultats.

La participation des adultes à la définition du projet de recherche

Quant à la définition des objets de recherche, à part quelques tentatives isolées, les adultes n'ont pas à l'heure actuelle droit (sic) au chapitre. Sous prétexte qu'ils ne possèdent pas les outils théoriques pour décrire leur expérience, on est peu porté à tenir compte de la contribution qu'ils pourraient apporter. Pourtant, à cause de leur implication dans la réalité, ils possèdent un savoir d'expérience « porteur de toute la richesse des questions demeurées sans réponses, qui interroge sans cesse le savoir théorique déjà construit et l'oblige à se remanier en intégrant les données d'une expérience qu'il a tendance à rejeter » (Artaud, 1981). Les adultes concernés par un problème peuvent, avec l'aide d'un chercheur, ajouter des perspectives, approfondir l'analyse, lui donner un ancrage dans la réalité qu'une vision de l'extérieur ne saurait jamais atteindre. Les groupes d'adultes de tout type peuvent également prendre l'initiative d'identifier des questions prioritaires pour eux qu'ils aimeraient voir examiner d'une manière systématique.

La collaboration au déroulement de la recherche

Le déroulement de la recherche peut aussi se faire en collaboration avec les adultes impliqués où chacune des étapes est non seulement expliquée et discutée, mais où des tâches peuvent être accomplies par les premiers intéressés, si la méthodologie utilisée le permet. Au lieu de subir le processus de recherche sans trop savoir ce qui leur arrive, les personnes participant à la recherche seraient des collaborateurs, voire des agents de la recherche, capables de produire des connaissances sur eux-mêmes et par eux-mêmes. On pense, entre autres, à l'élaboration de l'instrument devant servir à la collecte des données. Il est évident que tous les projets de recherche ne se prêtent pas à ce genre de démarche. Il n'en reste pas moins cependant qu'on aurait grand intérêt, tant pour la validité de la recherche que pour les bénéfices que pourraient en retirer les adultes, à faire participer activement les groupes d'adultes sur lesquels ou pour lesquels s'effectue la recherche.

La communication des résultats

La compréhension et l'utilisation des résultats crée parfois des difficultés lorsque les adultes ont été tenus à l'écart des phases de la recherche, exception faite de la collecte des données. Le lien entre les résultats obtenus et le milieu de pratique se ferait plus aisément, c'est-à-dire que la signification des résultats serait plus évidente, cela va de soi, si la participation avait été effective à chacune des étapes de la recherche. Lorsqu'il s'agit de résultats de tests qu'on a aidé à faire subir ou d'analyse de données à l'aide d'instruments qu'on a critiqués au préalable ou qu'on a contribué à élaborer, les résultats prennent un sens qu'ils n'auraient jamais pu avoir autrement. (60)

* Signalons un pas significatif dans ce sens: la mise sur pied, les 14 et 15 juin 1981, d'une association canadienne de la recherche en éducation des adultes.

Des objectifs de démocratisation, d'accessibilité et d'élargissement du champ de la recherche (entre autres à une dimension internationale), de participation, de décloisonnement, de déscolarisation, devraient guider l'élaboration d'une véritable politique de la recherche en éducation des adultes au Québec* Cette politique devra être le fruit d'une réflexion collective même si on doit considérer qu'à plusieurs égards la promotion de la recherche elle-même semble encore à faire. C'est en vertu de ces principes que la Commission entend se prononcer en termes de recommandations.

4.3.4.4 De nouveaux rapports entre l'éducateur et les adultes

Dans une optique de déscolarisation, l'éducateur d'adultes n'a pas le monopole du savoir: son rôle et ses fonctions exigent d'être redéfinis en vertu du principe de l'autonomie, de la responsabilité et de la participation des adultes. Tout un chapitre subséquent sera consacré à l'analyse de cette question.

Plusieurs estiment que l'éducateur devrait davantage jouer un rôle d'animateur, de « facilitateur d'apprentissage », de personne-ressource, plutôt que de bénéficier du pouvoir indu que lui confère le modèle scolaire traditionnel. En dépit de la volonté des éducateurs eux-mêmes, une série de conditions institutionnelles (conditions de travail, statut des éducateurs, normes de tout genre, cloisonnement des institutions, etc.) handicapent profondément les possibilités de transformation que l'on serait en droit d'attendre dans ce domaine.

Une ouverture sur différents modèles.

Précisons cependant qu'il n'est pas dans les intentions de la Commission de proposer aux adultes un modèle pédagogique exclusif, une approche à privilégier envers et contre tout. En plus des rapports pédagogiques qui s'établissent à l'intérieur du groupe, dans une démarche essentiellement collective, l'éducateur peut être amené à assumer des fonctions de tutorat ou d'enseignement individualisé. Certains se réfèrent à des approches « autoformation assistée ». Depuis une vingtaine d'années, de nombreuses expériences en Amérique du Nord se sont réclamées de ces approches: des « Open University » américaines(61) où l'étudiant jouit d'une large autonomie dans la détermination des objectifs d'un programme, à toutes les formes de pédagogie individualisante avec des media individualisants (audiotutorat, enseignement assisté par ordinateur, par correspondance, « learning package », etc.). S'agit-il là, comme le soulève Gaston Pineau (62), de la résurgence, de l'expression nouvelle d'un courant pédagogique ancien basé sur l'individualisation de l'enseignement et le préceptorat (ce qui renforcerait le rôle souverain du maître), ou alors d'un courant qui s'inscrit au contraire dans la perspective d'une prise en charge par l'adulte de son projet de formation et de la revendication de son autonomie? Certes l'ambiguïté peut persister. Il importe donc toujours de situer les pratiques pédagogiques en fonction des finalités que poursuit l'éducation.

Conclusion

Confrontées à une réalité et à des conditions qui ne leur sont pas forcément favorables, les pratiques pédagogiques qui s'inspirent d'un objectif de déscolarisation semblent plutôt marginales et même menacées actuellement. D'une part, le modèle scolaire normatif est toujours largement dominant en éducation des adultes (les témoignages recueillis par la Commission à cet égard le confirment sans hésitation); d'autre part, un certain nombre de tendances conditionnent les possibilités de développement des pratiques déscolarisantes en éducation des adultes. Identifions quelques facteurs (63).

L'élargissement du champ des connaissances. On devra, dans cette perspective, accorder moins d'importance à l'accumulation des connaissances qu'à la manière de les acquérir, de les maîtriser, de les critiquer et de les dépasser. « Apprendre à apprendre » devient donc une nécessité dans un contexte de multiplication presque infinie des connaissances. La « transmission des connaissances » devra être subordonnée à l'apprentissage et centrée sur lui. L'autoformation des adultes s'inscrit de plus en plus dans les besoins de l'heure. La multiplication des connaissances nous entraîne aussi sur le terrain de la « socialisation » de l'apprentissage (formation avec et par le groupe, complémentarité des connaissances au sein du groupe).

Le développement de la technologie, surtout en communication, devrait inciter le pédagogue à retrouver sa véritable fonction (au sens étymologique du mot): celle d'un conseiller, d'un guide qui aidera au décodage des informations, à leur critique. Cette tendance risque également d'entraîner une uniformisation, des contrôles centralisés des contenus et des messages, une dépersonnalisation de l'éducation.

La tendance à la surspécialisation et au cloisonnement des types de formation est une menace au développement de la personne globale, à la prise en charge de la formation par les adultes. La conscience de cette réalité renforce notre volonté d'élaborer des terrains de jonction entre les types de formation et les lieux de formation.

La centralisation des pouvoirs et la bureaucratisation sont des phénomènes prévisibles qui entraveraient et iraient à l'encontre de tout mouvement d'innovation, de création et de participation des adultes.

Le plafonnement du financement de l'éducation et même la régression dans certains cas, comme celui de l'éducation des adultes, risquent d'avoir des effets négatifs sur l'innovation et la transformation des pratiques pédagogiques. Des ressources réduites à cet égard vont plutôt encourager le conservatisme. La situation engendrée par des coupures budgétaires en éducation des adultes semble confirmer ce pronostic : restrictions imposées à l'éducation populaire, aux services à la collectivité, plafonnement de la formation sur mesure, coupures de services à des groupes et à des clientèles spéciales, baisse de la qualité de l'enseignement dispensé aux adultes, etc.

Par ailleurs, un nombre important d'adultes continuent de s'engager en éducation des adultes: ils expriment de plus en plus leurs attentes et leurs exigences. Pour eux, l'éducation des adultes n'est pas un luxe: elle est le plus souvent liée à la réalisation d'un projet de vie ou d'un projet de développement collectif. Elle est un instrument indispensable d'épanouissement et d'affirmation aux niveaux individuel et collectif.

Pour la Commission, la déscolarisation des pratiques pédagogiques en éducation des adultes correspond à des enjeux majeurs : elle pose la question du pouvoir des adultes de décider de leurs besoins, des objectifs et de l'orientation de l'éducation, d'apporter leur contribution en terme d'expériences et de savoirs et d'être des agents actifs tout au long du processus éducatif. La déscolarisation des pratiques pédagogiques concerne tous les intervenants et tous les milieux en éducation des adultes.

Loin d'être un projet utopique, nous avons constaté que de nombreuses expériences s'orientent en ce sens un peu partout au Québec. Elles ont vu le jour dans la foulée de multiples remises en question : contestation du modèle scolaire normatif et mécaniste, bilans multiples des réformes pédagogiques des 15 dernières années au Québec, arrivée massive des adultes sur le terrain de l'éducation mettant en lumière de nouveaux besoins et de nouveaux problèmes, etc. L'éducation des adultes a fourni un riche matériel d'expérimentation et d'innovations commandées par la nécessité de repenser l'éducation en fonction de nouvelles perspectives, de nouvelles finalités et d'une nouvelle réalité: celle des adultes et de leurs besoins de formation. L'éducation permanente, avec ses objectifs de décloisonnement, de formation intégrale, d'autonomie et de prise en charge par les adultes de leurs ressources éducatives, est venue bouleverser les modèles traditionnels. Il ne s'agissait plus d'organiser l'extension de l'école à tous les âges de la vie et de perpétuer ainsi l'impérialisme du système scolaire et du modèle pédagogique traditionnel qui y prédomine, il fallait repenser les mécanismes, les structures, les objectifs et les méthodes mêmes du système scolaire, de l'éducation des jeunes comme de l'éducation des adultes.

La Commission a trouvé un grand intérêt à relever et à souligner certaines expériences réalisées en ce sens, aussi bien aux divers niveaux du système scolaire que dans les milieux de la vie associative, les milieux culturels, le monde du travail, et même à travers des pratiques d'autodidaxie. Des principes pédagogiques généraux ont pu être dégagés à partir de ce tour d'horizon. Nous insistons sur l'importance d'orienter les pratiques pédagogiques en éducation des adultes en fonction de quelques guides méthodologiques: développer la pédagogie par projet et les capacités d'ouverture, de souplesse, de flexibilité des programmes académiques; favoriser la participation active des adultes au processus éducatif, entre autres, en revalorisant l'expérience et le vécu des adultes, en axant la démarche éducative sur l'apprentissage plutôt que sur l'enseignement, en associant les adultes à la production des savoirs et à l'évaluation de l'activité éducative, en réévaluant, en conséquence, le rôle des éducateurs, etc.

À la suite de l'analyse des pratiques pédagogiques en éducation des adultes et à leur possibilité de développement, une question se pose: comment articuler une stratégie de déscolarisation au Québec ? Tout en considérant les limites et les portées de celle-ci, la Commission estime que cette stratégie doit comporter au moins deux volets. Nous devons, d'une part, encourager des approches critiques du système scolaire institué. Nos recommandations devront interpeller à cet effet les structures en place et suggérer des modifications en profondeur. D'autre part, nous devons viser des transformations et des améliorations à travers l'expérimentation. Il faut donc encourager, soutenir, favoriser l'application des modèles pédagogiques qui sont le plus compatibles avec une approche déscolarisante. Nous affirmions, au début de ce chapitre, que la déscolarisation des pratiques pédagogiques serait finalement le résultat d'une véritable révolution culturelle. Si cela est vrai, notre stratégie devra adopter une approche de conscientisation qui prendra elle-même appui sur la démonstration des résultats positifs des pratiques de déscolarisation.

Notes

  1. Conseil de l'Europe, Conseil de la coopération culturelle, Organisation, contenu et méthodes de l'éducation des adultes, Strasbourg, 1977, p. 17.
  2. Cité dans Conseil supérieur de l'éducation, Gouvernement du Québec, Où va la politique de l'éducation du gouvernement actuel : développement culturel ou scolarisation généralisée?, document de travail, Montréal, 1978, p. 18.
  3. Claude Benjamin, président du Conseil supérieur de l'éducation, Pour une école qui soit davantage « d'intérêt public », allocution devant l'Association des institutions privées d'enseignement secondaire, Longueuil, 1981, p. 14.
  4. Michel Pichette, l'Université, pour qui?, U.Q.A.M., octobre 1977, p. 24.
  5. Voir à cet égard l'enquête du Conseil supérieur de l'éducation sur les sentiments des jeunes face à l'école: résumé dans le rapport du colloque « Les jeunes et le travail », Complexe Desjardins, Montréal, 15-16 mars 1981, p. 61.
  6. Patricia Cross, Adults as Learners, Jossey-Bass, San Francisco,  1981, p. 9 et suivantes.
  7. Gilbert Leclerc, L'étudiant adulte à l' Université de Sherbrooke, rapport-synthèse, janvier 1980, p. 11 et 13.
  8. Un simple coup d'oeil sur la classification des modèles éducationnels, opérés parles  auteurs  de  l'ouvrage  suivant,   indique  les difficultés que comporte pareille entreprise: Bertrand et Valois, Les options en éducation, ministère de l'Éducation du Québec, secteur de la planification, 1980, p. iii.
  9. Yves Bertrand, Les modèles éducationnels, Université de Montréal,  Service pédagogique, Montréal, 1979, p. 4.
  10. Ginette Lépine, Analyse des modèles utilisés en éducation au Québec, éditions Albert Saint-Martin, Montréal, 1977, p. 29-32.
  11. Cité dans Yves Bertrand, Les modèles éducationnels, op. cit., p. 8.
  12. C'est la conclusion à laquelle arrive Ginette Lépine, op. cit., p. 47.
  13. En référant par exemple aux dossiers produits par la Centrale de l'enseignement du Québec:
    • L'Ecole au service de la classe dominante (1972)
    • École et luttes de classes au Québec ( 1974)
    • Manuel du 1er mai (1975)
    • Pour une journée d'école au service de la classe ouvrière (avril 1975) ; cf annexe III.
  14. Cité dans Etienne Verne, « Déscolarisation et éducation permanente », revue orientations, no 40, octobre 1971, p. 17.
  15. Fédération des cégeps, l'éducation populaire au cégep, R.E.P.O., avril 1980,p. 60.
  16. Bertrand et Valois, Les options en éducation, op. cit., p. 305.
  17. Yves Bertrand, Les modèles éducationnels, op. cit., p. 57-58
  18. Conseil de l'Europe, Organisation, contenu..., op. cit., p. 16.
  19. R. Charbonneau, « Des centres d'éducation populaire »... dans Revue internationale d'action communautaire, 2/42, 1979, p. 127.
  20. Institut canadien d'éducation des adultes, Pour une école publique au service de l'éducation populaire, Montréal, juin 1979, p. 31.
  21. La coalition nationale contre les coupures en éducation des adultes, Contre les coupures en éducation des adultes, nov. 1981, non paginé.
  22. Conseil supérieur de l'éducation, Rapport sur l'état et les besoins de l'enseignement collégial, synthèse de la consultation, juillet 1975, p. 60-61
  23. Daniel Campeau, Jeanne Leroux, La formation sur mesure, rapport final, Fédération des cégeps, 1978.
  24. Campeau et Leroux, La formation sur mesure, op. cit., p. 25.
  25. Fédération des cégeps, L'éducation populaire au cégep, op. cit., p. 49.
  26. Ibidem, p. 60.
  27. La coalition nationale contre les coupures..., op. cit.
  28. Commission d'étude sur les universités, troisième partie, Comité d'étude sur l'organisation du système universitaire, mai 1979, p. 49-50.
  29. Idem.
  30. Michel Pichette, L'Université pourquoi?, U.Q.A.M., octobre 1977, p. 33, 81,145.
  31. Pierre Paquet, Le développement de l'éducation permanente dans les universités du Québec, document de travail soumis à la Commission d'étude sur les universités, juin 1978, p. 12.
  32. Gaston Pineau, « L'éducation populaire autonome et l'université: une contradiction motrice? » dans Revue internationale d'action communautaire, 2/42, 1979,p. 117.
  33. I.C.E.A., Pour une école publique..., op. cit., p. 28-29-30.
  34. Michel Lizée, « Programme conjoint université-syndicats », dans Revue internationale d'action communautaire, 3/43, 1980, p. 70.
  35. Cf. : Bruno Lussato, Le défi informatique, éd. Fayard, Paris, 1981.
  36. Cf. :  Claude Rigaud-Ricciardi,  Télématique et éducation des adultes, Téléuniversité, Université du Québec, juillet 1981, mimée
  37. F.A.P.U.Q., Commentaires sur le document de travail: L'éducation des adultes au Québec: hypothèses de solutions, 1981, p. 23.
  38. « La télématique monstre ou bon génie? », En direct, no 8, 1980.
  39. I.C.E.A., Pour une école publique..., op. cit., p. 9.
  40. Ibidem, p. 11.
  41. Monique Ouellet, « L'éducation populaire au Québec: penser les pratiques », ,dans La Revue internationale d'action communautaire, 2/42, automne 1979, p. 81.
  42. « Subventions aux projets expérimentaux de loisir », dans Peuple tribune, 24mars 1981.
  43. Jean Sexton, professeur en relations industrielles, Université Laval, rapport d'une rencontre avec la Commission, Château Frontenac, Québec, 8 septembre1981.
  44. Syndicat local des métallos des Industries Valcartier,  local 7114, F.T.Q.,Mémoire soumis à la Commission, décembre 1980, p. 6.
  45. Ces informations sont tirées du compte rendu de la journée de consultation de la Commission auprès de grandes et moyennes entreprises et de divers mémoires:Institut des banquiers, Canadair, Hydro-Québec, Mouvement des caisses populaires et d'économie Desjardins, Centre des dirigeants d'entreprises, etc.
  46. Hydro-Québec, Mémoire soumis à la Commission, janvier 1981, p. 17.
  47. Rapport des journées régionales, région Laurentides/Lanaudière, p. 15.
  48. Gouvernement du Québec, ministère de l'Éducation, Tendances pédagogiques de la formation professionnelle, Secteur de la planification, mars 1980, p. 30.
  49. Groupe formation et main-d'oeuvre, Alcan-Vaudreuil, Prospectives 80: plan directeur, décembre 1979, p. 90.
  50. Hydro-Québec, op. cit., p. 7.
  51. Canadair, Mémoire soumis à la Commission d'étude sur la formation des adultes, janvier 1981, p. 18: « Perfectionnement des cadres ».
  52. Jean-Pierre Éthier, « L'école aéronautique et l'éducation des adultes », dans la revue Le grain de sel, no 4, D.G.E.A., M.E.Q., 1981, p. 19-20.
  53. Sondage sur les adultes québécois et leurs activités éducatives, Commission d'étude sur la formation des adultes, annexe 2, livre 2, chapitre III.
  54. Gilbert Leclerc, L'autodidaxie et l'autodidaxie assistée comme méthode d'éducation, document de travail, Université de Sherbrooke, décembre 1973, p. 1.
  55. Fernand Serre, l'importance d'apprendre seul ou les objets et les processus des projets éducatifs et autodidactes des adultes de la classe dite défavorisée, Faculté des sciences de l'éducation, Université de Montréal, mai 1977, p. 294-299.
  56. Nicole Tremblay, L'aide à l'apprentissage en situation d'autodidaxie, thèse de doctorat, Université de Montréal, 1981, p. 140.
  57. Gérard Artaud, Savoir d'expérience et savoir théorique, Université de Sherbrooke, p. 11-14.
  58. Gisèle Painchaud, Françoise Bravay, Un point de vue sur la recherche en éducation des adultes, recherche commandée par la Commission, annexe 4, 30novembre 1981.
  59. Ibidem, p. 32.
  60. Ibidem, p. 44-45.
  61. Gilbert Leclerc, l' autodidaxie et l'autodidaxie assistée, op. cit., p. 3.
  62. Gaston Pineau, « Les possibles de l'auto formation », dans Éducation permanente, octobre 1978, no 44, p. 5-7.
  63. Nous reprenons ici sommairement quelques éléments d'une conférence au colloque international de l'A.U.P.E.L.F., à Louvain, en mai 1981 : Gilbert Leclerc, La pédagogie universitaire des années 80 au Québec.

Chapitre 4

4.4 Les éducateurs d'adultes

Qu'ils soient désignés comme « formateurs », « moniteurs », « animateurs », « enseignants », « professeurs », ou « andragogues », les éducateurs d'adultes ont ceci en commun — qu'ils interviennent de façon directe (1) dans le processus d'apprentissage d'un adulte ou d'un groupe d'adultes, et ce quels que soient le secteur social, le niveau d'enseignement ou les institutions au sein desquels ils oeuvrent — Combien sont-ils? Où sont-ils? Quelles organisations se sont-ils donné ? Quels problèmes vivent-ils ? Voilà quelques questions que nous allons maintenant aborder. Pour ce faire, nous distinguerons trois types d'éducateurs d'adultes: ceux du milieu scolaire, ceux du monde du travail et ceux du secteur de la vie sociale et culturelle.

4.4.1 Un premier « portrait chiffré » et un regard sur le statut des éducateurs d'adultes

II n'est pas facile de chiffrer une réalité aussi complexe et mouvante que celle de l'éducateur d'adultes. Par exemple, comment dénombrer tous ces bénévoles qui, à un moment ou l'autre, le temps d'un cours, d'une session de formation ou d'une intervention « sur le tas », facilitent l'acquisition de connaissances, d'habiletés et d'attitudes pour passer ensuite à d'autres activités? Combien sont-ils dans les milieux syndicaux, les groupes populaires, les domaines du loisir et de la culture? À première vue, il est bien difficile de le dire.

Par contre, il existe un nombre assez considérable d'éducateurs d'adultes pour qui, à un moment ou l'autre de leur vie, l'intervention dans un processus d'apprentissage constitue une importante activité, à caractère spécifique ou intégrée à d'autres fonctions. Plusieurs en font une carrière et même un mode de vie. Ces éducateurs d'adultes peuvent être dénombrés au gré des statistiques, des regroupements qu'ils se donnent et des approximations que l'on peut faire. Certains lecteurs pourront être étonnés par les chiffres avancés dans cette section, voire choqués par quelques-unes des combinaisons proposées. Un bon nombre de données quantitatives devront donc être resituées dans une perspective qualitative, ce que nous ferons dans la mesure du possible, en tâchant de renseigner le lecteur sur l'ampleur et la diversité des lieux et temps où peuvent s'exercer les multiples fonctions d'éducateurs d'adultes.

4.4.1.1 Dans le milieu scolaire et les diverses institutions d'enseignement

Si l'on fait abstraction des services d'extension universitaire de la première moitié du siècle, l'existence d'éducateurs d'adultes en milieu scolaire est un phénomène relativement récent. Il faut, en effet, remonter aux années 1964-1965 pour assister à l'émergence, en milieu scolaire, d'éducateurs oeuvrant auprès de clientèles adultes. C'est seulement en 1972, au niveau des commissions scolaires, qu'une convention collective fait état des éducateurs d'adultes et, en 1976, qu'apparaissent les dispositions permettant officiellement aux premiers éducateurs d'adultes à temps plein de se voir reconnaître un statut. Auparavant, les éducateurs se retrouvaient surtout au sein des associations volontaires de tout genre qui formaient le tissu social du Québec d'alors. Quant aux entreprises, c'est surtout depuis l'après-guerre que certaines d'entre elles ont commencé à se doter de formateurs et de services de formation. Bien que l'éducateur en milieu scolaire soit le dernier arrivé dans le domaine de l'éducation des adultes, c'est lui cependant qui génère actuellement le plus grand volume d'activités de formation.

Au niveau des commissions scolaires, il existe des données relativement précises sur les éducateurs d'adultes: ils étaient 11 779 en 1979-1980, dont 51% étaient des femmes, l'âge moyen était de 38 ans, 84% avaient le français pour langue de travail et 98% avaient un statut d'éducateur à temps partiel(2). 27% des éducateurs dispensaient de la formation générale, 30% de la formation professionnelle et 42% de l'éducation populaire. Si une proportion à peu près égale des éducateurs des deux sexes donnaient de la formation générale, notons que 46% des hommes dispensaient de la formation professionnelle, contre seulement 15% d'éducatrices, alors qu'en éducation populaire, on retrouve 54% de femmes pour 29% d'éducateurs (3). La région de Montréal regroupait presque un éducateur sur deux (49%)(4). Ces 11 779 éducateurs ont produit environ 2 298 300 heures d'enseignement à 22 476 groupes de 15 à 20 étudiants (5), pour plus d'un demi-million d'adultes inscrits. De ce nombre, seulement 235 ont été engagés avec un statut d'enseignants à temps plein à l'éducation des adultes, en 1979-1980. Tous les autres ont été engagés à taux horaire, ce qui correspond à 2 420 professeurs équivalents temps plein. (Voir la sixième partie pour obtenir plus de détails à ce sujet).

Au niveau collégial, on dénombrait environ 6 000 éducateurs d'adultes en 1979-1980, dont 28% étaient des femmes. 72% de ces éducateurs avaient entre 25 et 39 ans, et au moins 90% étaient engagés comme enseignants à la leçon (6). Les données disponibles ne nous permettent pas de préciser dans quels types de formation se concentraient ces enseignants du niveau collégial; tout au plus pouvons-nous estimer l'importance relative de chacun d'entre eux. Ainsi, pour l'année 1979-1980, dans l'ensemble des subventions allouées à la formation par la D.G.E.A, aux cégeps, 99% étaient consacrées à la formation professionnelle(7). 53% des activités réalisées dans le cadre de la D.G.E.C. étaient aussi reliées à la formation professionnelle en 1979-1980. Précisons aussi que ces 6 000 enseignants (correspondant à 1 200 équivalents temps plein), auxquels s'ajoutent 204 professionnels non enseignants (122 équivalents temps plein), du niveau collégial, ont permis de réaliser environ 800 000 heures d'enseignement à des groupes de 15 à 20 étudiants.

Dans les universités québécoises, la Commission d'étude sur les universités dénombrait, pour l'année 1976, 6 949 professeurs à temps plein et évaluait à environ 6 000 les professeurs à temps partiel engagés temporairement ou chargés de cours(8). Théoriquement, nous pourrions considérer que ces enseignants font de « l'éducation des adultes », ne serait-ce que du fait qu'ils enseignent à des étudiants qui ne sont plus soumis à la loi de la fréquentation obligatoire de l'école. Cependant, il faut nuancer cette première évaluation, compte tenu de ce que plusieurs étudiants proviennent de ce que l'on appelle « l'enseignement régulier » et que leur statut ou occupation principale est d'être étudiants.

Par contre, l'importance relative des étudiants à temps partiel inscrits à l'université peut nous fournir une bonne idée des ressources humaines affectées à l'éducation des adultes au niveau universitaire. Parmi les 120 538 étudiants « équivalents » à temps plein (9) inscrits en 1979, dans l'une ou l'autre des sept universités québécoises et grandes écoles, la part des étudiants à temps partiel représentait 30%(10), bien qu'en chiffre absolu on dénombrait 92 942 étudiants à temps partiel. Ce 30% est évidemment une moyenne s'appliquant à l'ensemble du réseau universitaire. Il ne faudrait pas perdre de vue que certains établissements, facultés et départements universitaires, ont une clientèle étudiante à temps partiel qui déborde largement ce pourcentage (ex.: Télé-université, F.E.P., U. du Q., etc.). Nonobstant le fait qu'il n'existe pas de classes homogènes regroupant, d'un côté, les étudiants à temps plein et, de l'autre, les étudiants à temps partiel, le chiffre de 30% nous permet d'évaluer la part des ressources humaines affectées à l'éducation des adultes dans le cadre universitaire. Traduit en nombre d'éducateurs d'adultes, ce 30% représenterait, s'il était matérialisé, environ 3 800 professeurs à temps plein, à temps partiel et chargés de cours. Ces éducateurs d'adultes se concentreraient là où l'on retrouve la grande majorité des étudiants à temps partiel, c'est-à-dire dans le secteur des sciences humaines, de la gestion et des sciences de l'éducation.

Ainsi, dans l'ensemble du réseau scolaire public on dénombrait, en 1979-80, environ 21 000 postes d'éducateurs d'adultes majoritairement à temps partiel. Ce chiffre ne traduit pas le nombre absolu d'éducateurs d'adultes en milieu scolaire, car il est fort probable qu'un certain nombre d'entre eux cumulent deux ou même trois charges de cours en des endroits et à des niveaux différents, et donc peuvent être comptabilisés deux ou trois fois. Actuellement, il est impossible d'évaluer l'ordre de grandeur d'un tel phénomène dont, par ailleurs, tous reconnaissent l'existence. Par contre, plusieurs écoles, théâtres, hôtelleries et conservatoires, etc., qui forment bon nombre d'adultes chaque année au Québec, n'ont pas vu répertorier leur personnel d'éducateurs d'adultes. Il en est de même pour les éducateurs du Service des cours par correspondance du ministère de l'Éducation, et pour ceux des écoles de formation militaire (au niveau fédéral) au Québec.

En ce qui concerne les écoles privées au Québec, il n'existe pas de données permettant d'évaluer le nombre d'éducateurs d'adultes travaillant dans ce secteur de l'enseignement. Par contre, il est possible, par le biais des institutions, de cerner davantage les contours de ce secteur. Ainsi, il existe au Québec 164 institutions privées de niveau secondaire, dont 19 accueillent des adultes.

Au niveau collégial,il est plus difficile de répertorier les institutions qui s'adressent plus particulièrement aux adultes, ceux-ci pouvant être intégrés aux cours réguliers. Si les 34 institutions privées de niveau collégial présentent des programmes d'enseignement identiques aux programmes offerts dans le secteur public, certaines d'entre elles, comme l'institut Teccart, le collège Marie-Victorin, le collège La Salle et le conservatoire Lassalle offrent des programmes de formation professionnelle spécialisée dans lesquels se concentrent un très grand nombre d'adultes.

Le ministère de l'Éducation reconnaît aussi 400 institutions diverses qui offrent des programmes de culture personnelle. Parmi celles-ci, 164 enseignent le chant ou la danse, 81, la musique, 24, les arts plastiques, 45, la couture, 27, les langues, 11, le secrétariat et les sciences comptables, 10, les techniques administratives et la vente, 14, divers métiers et professions, 13, « le charme et la personnalité », et plusieurs autres oeuvrent dans divers domaines (ex. : coiffure, décoration intérieure, lecture rapide, grapho-analyse, yoga, tarot, astrologie, etc.).

En tout, au Québec, il y a 1 034 institutions privées recensées par le M.E.Q., en 1981. 710 institutions sont régies par la Loi sur l'enseignement privée au Québec. Ces institutions peuvent être déclarées d'intérêt public, reconnues pour fins de subventions ou opérées avec permis. Les autres sont dispensées ou exclues de la Loi. La Loi exclut également les personnes seules dispensant un enseignement de culture personnelle à moins de cinq personnes à la fois ou à moins de cinq personnes suivant un programme régulier, mais qui opèrent sans publicité. Elle exclut aussi les organismes sans but lucratif offrant de l'enseignement personnel à leurs membres.

Dans les écoles privées, on débourse plus cher qu'au secteur public pour les services des professeurs les plus mal rémunérés (ce qui n'a rien à voir avec-leur compétence mais qui peut jouer fortement sur leur intérêt!). Leurs salaires varient de 5 $ à 12 $ l'heure alors qu'il faut compter facilement le double et même davantage dans le secteur public.

Source: D. Perrault, « L'apprentissage des langues secondes », Protégez-vous, août 1980.

Le sondage fait, en 1971, par la section d'andragogie de l'Université de Montréal et portant sur les éducateurs dans les entreprises de Montréal, dégageait le portrait sociodémographique suivant :

Source: L. Brassard, Analyse des caractéristiques socio-professionnelles des éducateurs d'adultes dans les entreprises de Montréal, Mémoire de maîtrise es arts, Sciences de l'éducation, Université de Montréal, 1976.

Finalement le ministère de l'Éducation répertorie 324 institutions privées qui sont dispensées de l'obligation de détenir un permis. Ces institutions, sans but lucratif, offrent des programmes soit à caractère humanitaire ou religieux, soit axés sur les loisirs ou l'entraînement à un sport récréatif. Il existe aussi des écoles privées qui ne sont pas répertoriées par le M.E.Q. parce qu'elles relèvent d'un autre ministère. Songeons, par exemple, aux 215 écoles de conduite automobile où près de 1 000 moniteurs et formateurs travaillent chaque année au plus fort de la saison (été).

Relativement à la formation des immigrants au Québec, il y a actuellement, pour les huit C.O.F.I. (Centre d'orientation et de formation des immigrants), encore en opération en 1981-1982, environ 8 cadres, 22 professionnels, 40 personnes de soutien, 115 professeurs permanents syndiqués par le « Syndicat des professeurs de l'État du Québec » (S.P.E.Q.) et environ 300 professeurs occasionnels syndiqués qui, en 1981-1982, peuvent représenter l'équivalent de 100 professeurs à plein temps.

S'il est difficile d'évaluer combien d'éducateurs d'adultes oeuvrent dans les institutions privées d'enseignement, il est par contre plus facile d'évaluer leur statut. En général, comme les éducateurs à la leçon ou au taux horaire du système public, les éducateurs d'adultes qui travaillent dans ce secteur d'enseignement ont, le plus souvent, un statut de chargés de cours et d'enseignants à taux horaire. Tout comme les éducateurs du secteur public engagés à la leçon, ces derniers n'ont donc généralement pas droit à des prestations en cas de décès, de maladie ou d'invalidité et n'ont pas de permanence d'emploi, ni de congés de perfectionnement ou de maternité. La rémunération au taux horaire ou à la leçon comprend les périodes de préparation, de correction, de rencontres avec les étudiants hors du temps d'enseignement régulier.

4.4.1.2 Dans le milieu du travail

Lors du sondage effectué par la Commission auprès des entreprises québécoises publiques ou privées de 20 employés et plus (11), on a demandé à ces entreprises combien de leurs employés avaient participé à des activités de formation, sur une base régulière ou sur une base occasionnelle, et ce, tant pour la formation sur le tas que pour des activités organisées de formation.

Les résultats de ce sondage tendent à démontrer qu'au cours du dernier exercice financier, 83% des entreprises de 20 employés et plus au Québec ont eu des activités de formation, sous une forme ou sous une autre. Alors que seulement 17% des entreprises n'offrent aucune formation, 17% offrent exclusivement de la « formation sur le tas » et 66% avaient offert des activités organisées de formation.

En ce qui concerne les ressources humaines(12) affectées par l'entreprise à la formation, on constate que, dans les entreprises n'ayant réalisé que de la « formation sur le tas », une moyenne de trois personnes par entreprise avaient collaboré au processus, soit sur une base occasionnelle, soit sur une base régulière. Dans les entreprises ayant des activités organisées de formation, en moyenne huit personnes ont collaboré au processus, dont cinq sur une base régulière et trois de façon occasionnelle.

Si l'on extrapole les résultats du sondage à l'ensemble des entreprises québécoises de 20 employés et plus, on peut estimer à près de 50 000 les ressources humaines affectées à la formation par les entreprises de 20 employés et plus durant l'exercice financier 1979-1980. Ces milliers de formateurs ne le sont pas tous au même titre. Entre le formateur professionnel de la grande entreprise et un employé qui a donné quelques heures de son temps pour de la «formation sur le tas », il y a tout un monde.

En 1979-1980, dans les entreprises privées, plus de 30 000 formateurs ont été à l'oeuvre: 26 000 dans le cadre de la formation organisée et 4 000 dans celui de la « formation sur le tas » exclusivement. Environ 60% d'entre eux faisaient partie du personnel régulier de l'entreprise et 40% du personnel occasionnel.

Le formateur en entreprise peut :

En ce qui concerne les petites entreprises (20 à 99 employés), pour l'année 1979-1980, environ 1 800 formateurs engagés à temps plein et 1 500 employés à temps plein affectés occasionnellement à la formation ont fait exclusivement de la « formation sur le tas ». 3 400 formateurs du personnel régulier de ces entreprises, et 6 100 occasionnels ont participé à de la formation organisée. Ainsi, près de 13 000 formateurs ont évolué, cette année-là, à l'intérieur de la petite entreprise au Québec, la majorité d'entre eux l'ont fait à titre occasionnel. Ces formateurs, qui ont travaillé sur une base annuelle et surtout dans le cadre d'activités de formation généralement de courte durée, sont intervenus auprès de 12% environ de l'ensemble des employés des petites entreprises.

Quant aux moyennes entreprises (100 à 499 employés), toujours en 1979-1980, environ 400 formateurs du personnel régulier et 750 occasionnels n'ont fait que de la « formation sur le tas », alors que 5 100 formateurs du personnel régulier et 2 700 occasionnels intervenaient dans un processus de formation organisée. C'est donc environ 9 000 formateurs que l'on retrouvait au sein de la moyenne entreprise du Québec, dont 60% à titre de personnel régulier. Sur une base annuelle et dans le cadre d'activités de formation, le plus souvent de courte ou de moyenne durée, ces formateurs sont intervenus auprès d'environ 17% de l'ensemble des employés des moyennes entreprises.

Dans le cas de la grande entreprise (500 employés et plus), en 1979-1980, aucune ressource humaine n'était affectée uniquement à la « formation sur le tas », tandis qu'environ 6 000 formateurs(13) du personnel régulier et 2 500 occasionnels sont intervenus dans un processus de formation organisée. C'est donc près de 8 500 formateurs que l'on retrouvait au sein de la grande entreprise, dont la grande majorité (70%) faisait partie du personnel régulier de l'entreprise. Sur une base annuelle et dans le cadre d'activités de formation, le plus souvent structurées et prolongées (durant et en dehors des heures de travail), ces formateurs sont intervenus auprès d'environ 29% des employés des grandes entreprises.

Finalement, dans le cas des entreprises publiques (Fonction publique, fédérale, provinciale et municipale, hôpitaux, C.L.S.C, etc.), en 1979-1980, aucun formateur n'était impliqué exclusivement dans la « formation sur le tas », tandis qu'environ 11 700 formateurs du personnel régulier et 5 800 occasionnels ont été affectés à de la formation organisée. Donc, près de 17 500 formateurs des secteurs public et parapublic (services) sont intervenus dans un processus de formation, le plus souvent « organisé » (99%) et, deux fois sur trois, comme personnel régulier de l'entreprise publique. Notons ici qu'il s'agit de formation du personnel et non pas de services de formation auprès de la population. Cette formation touchait environ 27% du personnel des entreprises publiques, dans le cadre d'activités de formation le plus souvent structurées et prolongées (durant et en dehors des heures de travail).

Qu'il s'agisse de « formation sur le tas » ou de formation durant les heures de travail, les entreprises ont généralement dispensé de la formation reliée à l'emploi. En second lieu, viennent les activités non professionnelles mais directement utiles aux travailleurs pour occuper leur emploi (santé et sécurité au travail, initiation à la vie de l'entreprise et à son organisation) et les autres types de formation (formation générale ou sociale des employés, cours de langue) jouant un rôle nettement moins important.

Règle générale, l'entreprise prenait seule la responsabilité de la « formation sur le tas ». En regard de la formation durant les heures de travail, elle conservait généralement un rôle important et réalisait seule une partie de ses activités. Le cas échéant, lorsque le besoin s'en faisait sentir, l'entreprise faisait appel à des intervenants externes du secteur privé (firmes de consultants ou de spécialiste en formation, fournisseurs d'équipement ou de matériel, association sectorielle) plutôt qu'aux institutions d'enseignement, aux centres de main-d'oeuvre et aux autres organismes gouvernementaux. Plusieurs institutions publiques, en effet, ne sont pas mandatées et interpellées pour ce faire, tandis que d'autres sont peu ouvertes à ce genre d'approche. Par contre, lorsqu'il s'agissait de formation en dehors des heures de travail, les institutions d'enseignement jouaient un rôle de premier plan.

Si le chiffre de 50 000 formateurs en entreprise peut paraître élevé, même pondéré en fonction des volumes d'activités et des types d'intervention: formation sur le tas, formation organisée, etc., il peut varier à la baisse mais aussi à la hausse suivant les ressources humaines dont on tient compte (cadres, firmes de consultants, « vente-formation », etc. (14)

4.4.1.3 Dans le secteur de la vie sociale et culturelle

Quelques chiffres :

Le Livre blanc sur le loisir, On a un monde à recréer fait état de 180 000personnes oeuvrant dans le domaine du loisir, dont plus de 150 000 bénévoles et près de 30 000 travailleurs rémunérés.

La Société des musées du Québec dit regrouper plus de 200 travailleurs en muséologie.

Il y aurait, au Québec, 136bibliothécaires et plus de 1 500 bénévoles dans les services de bibliothèques des petites municipalités (moins de 5 000habitants.

Parmi ceux-ci, combien peuvent-ils être considérés comme éducateurs d'adultes ou exerçant, à un moment ou l'autre, ces fonctions ?

La formation des adultes reliée au secteur de la vie sociale et culturelle recouvre une réalité complexe et multiforme. Dans les secteurs public et parapublic, on retrouve les cours sur le maniement des armes à feu dispensés par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, les cours prénataux offerts par les D.S.C., les programmes de santé des C.L.S.C. et les cours d'intégration pour les immigrants dans les C.O.F.I. On retrouve aussi les activités de formation reliées au domaine du loisir municipal et à l'animation qui se fait dans les musées et les bibliothèques.

Pour sa part, le secteur de la vie associative comprend les sessions de formation des syndicats, les activités d'éducation populaire des associations volontaires, la formation des administrateurs élus du mouvement coopératif, la formation des bénévoles et les processus d'autoformation d'adultes et de groupes, formels ou informels, les organismes familiaux, les activités pastorales des églises, les sessions de formation dispensées à l'intérieur des différents partis et organisations politiques, etc.

Si les éducateurs d'adultes représentent une réalité bien vivante de ce secteur, en ce sens qu'ils interviennent de façon directe dans le processus d'acquisition de connaissances, d'habiletés et d'attitudes par les adultes, il n'en demeure pas moins qu'ils sont difficiles à quantifier et que plusieurs d'entre eux souhaitent maintenir une variété d'activités professionnelles. On parlera donc d'entraîneurs, d'animateurs, de personnes-ressources, de communicateurs, d'alphabétiseurs, de moniteurs, de formateurs, et ainsi de suite.

Une étude de Geneviève Poujol sur les animateurs en France dénombrait 10 000 animateurs « professionnels » dans le cadre d'une hypothèse restrictive et 30 000 avec une hypothèse plus large. Ramenés aux proportions du Québec, ces chiffres se traduiraient par 1 000 à 3 000 animateurs « de métier ».

Source: G. Poujol, « Les animateurs en chiffres », Les cahiers de l'animation, Institut national d'éducation populaire, no 22, 1978.

De l'ensemble de ces réalités, il convient de dégager celle de l'animateur social ou culturel, car ce modèle d'éducateur d'adultes a particulièrement marqué, depuis le milieu des années 60, ce secteur d'intervention. D'ailleurs, une importante documentation existe à ce sujet et la plupart des universités québécoises se sont donné, au cours de la dernière décennie, des programmes visant à former des animateurs. Même si on peut les retrouver dans le domaine du loisir, de la culture, de l'action sociale et politique, il n'est pas facile d'évaluer leur nombre.

Du côté syndical, bien que d'importantes sommes soient investies au chapitre de la formation, il est difficile d'évaluer le nombre de formateurs syndicaux et, par conséquent, le volume d'activités de formation que ceux-ci génèrent. Ainsi la C.S.D., qui représente environ 50 000 travailleurs, et dont le centre de formation a accueilli, ces deux dernières années, environ 4 000 d'entre eux, fait état de 2 000 militants qui assument diverses responsabilités au sein de l'organisation, eu égard à la formation syndicale (15). Il est difficile de départager, sous le thème « diverses responsabilités », ceux et celles qui sont formateurs(trices) syndicaux de ceux et celles qui peuvent avoir des responsabilités d'infrastructure (ex. : administration, secrétariat, etc.). Quant à l'U.P.A., qui groupe 52 000 producteurs agricoles, elle aurait eu quelques permanents et plusieurs centaines de ses moniteurs agricoles auraient rejoint, à travers les sessions de formation, environ 7 000 producteurs agricoles, et ce, annuellement (16). Regroupant, pour sa part, environ 375 000 travailleurs, la F.T.Q. déclare avoir préparé, depuis les cinq dernières années, près de 800 formateurs (trices), dont la plupart sont encore actifs. La centrale évalue à 12 000 le nombre de ses membres qui participent, chaque année, à l'un ou l'autre des programmes développés et offerts par les différents niveaux de la structure. (17) Quant à la C.S.N., qui compte environ 220 000 membres, elle fait état de programmes de formation rejoignant, annuellement, environ 7 000 membres (18). Cependant, outre un noyau de permanents relativement réduit, il est difficile d'évaluer le nombre de formateurs dont la C.S.N. peut disposer pour dispenser ses sessions de formation. Enfin, la C.E.Q. et les divers syndicats indépendants (ex. : S.F.P.Q., S.P.G.Q., etc.) n'ont pas fait connaître le rapport de leurs activités de formation.

En ce qui concerne les organismes d'éducation populaire (la D.G.E.A. en subventionnait 514 en 1979-1980), il est presque impossible d'évaluer le nombre d'éducateurs d'adultes impliqués dans ce secteur. Cela tient à la diversité et au caractère le plus souvent non institutionnalisé de ces organismes. Ainsi, à côté d'organismes tels que l'A.F.É.A.S. (32 000 membres et 600 cercles) et la F.F.Q. (100 000 adhérentes), il y a des centaines de petits organismes où le bénévolat est de rigueur et la stabilité organisationnelle et financière plus ou moins assurée. Si ces organismes ont quelques permanents, il n'en demeure pas moins que la formation des membres est principalement un travail caractérisé par le bénévolat ou l'autoformation. À la périphérie de ces organismes et surtout dans les grandes villes, il faudrait mentionner l'existence de centres d'éducation populaire (ex. : Pavillon d'éducation communautaire, Comité centre-sud, Atelier d'éducation populaire, Carrefour de Pointe Saint-Charles, Centre Saint-Pierre apôtre) qui ont un statut autonome et un financement dont une partie peut venir d'une commission scolaire ou de d'autres institutions. On retrouve, dans ces lieux, bon nombre d'éducateurs d'adultes généralement engagés, comme chargés de cours. Notons, enfin, la multitude d'intervenants dans le milieu agricole.

4.4.1.4 Quelques faits saillants

Ce premier coup d'oeil sur la réalité des éducateurs d'adultes permet de dégager quelques conclusions.

Il existe un nombre assez élevé de personnes pour qui le rôle d'éducateur d'adultes est important, sinon le plus important. Il est plus facile de répertorier ces personnes à travers leur poste de travail ou la définition de leurs tâches: au moins 21 000 postes dans le réseau scolaire public, sans compter quelques milliers dans l'enseignement privé, près de 50 000 à différents degrés dans les entreprises, des centaines dans les écoles privées et des milliers d'animateurs et de formateurs dans le secteur de la vie sociale et culturelle.

Par ailleurs, ces chiffres ne prennent leur sens qu'à travers une analyse qualitative. D'une part, ils témoignent de la variété et de l'importance des ressources humaines affectées à la formation des adultes au Québec. D'autre part, ces données quantitatives reposent sur une diversité de situations, de statuts et de fonctions qui varient selon les secteurs et à l'intérieur même d'un secteur. Ces caractéristiques rendent donc difficile l'amalgame d'un secteur à un autre et à l'intérieur même d'un secteur, compte tenu de la fréquence, de l'importance et de la variété des rôles assumés.

Les rôles et le statut des éducateurs d'adultes varient beaucoup selon les secteurs où ils oeuvrent. On peut facilement bien cerner, en milieu scolaire, le rôle d'éducateur d'adultes, et la plupart des éducateurs s'identifient formellement à celui-ci. De plus, le statut de chargés de cours ou d'enseignants à la leçon est largement majoritaire dans le secteur scolaire. Au niveau universitaire, la structure du module ou du département a certes contribué à cet état de fait (le personnel enseignant non permanent apparaît au début des années 1970) et, dans certains cas, le statut de « temps partiel » est le plus important (par exemple, la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal a un personnel à temps partiel qui représente 92% de son corps professoral). Une nouvelle réalité, cependant, semble émerger, celle des enseignants qui assument des enseignements, le soir, à l'intérieur de leur définition de tâches régulières. Les mises en disponibilité favoriseront sans doute le développement de cette tendance dont nous reparlerons plus loin.

Dans les entreprises privées ou publiques, l'existence d'une fonction permanente d'éducateur d'adultes semble être généralement le propre de la grande entreprise, car la taille de l'entreprise et la division plus poussée du travail permettent la création de services de formation. Le statut de ces formateurs est le plus souvent celui d'un employé régulier des entreprises en question. Dans les autres entreprises, le rôle d'éducateurs d'adultes apparaît comme une responsabilité parmi d'autres (par exemple, développement des ressources humaines, gestion du personnel). Dans le cas des formateurs engagés à contrat par l'entreprise pour la fonction précise de formation, l'identification au rôle va de soi, mais le statut de plusieurs de ces formateurs reste précaire car ils n'ont pas accès aux avantages d'un emploi permanent. Les autres formateurs sont, et c'est là fort probablement la situation la plus fréquente, des occasionnels, des employés réguliers de l'entreprise qui sont détachés temporairement de leur poste de travail régulier pour assumer, à titre d'instructeur, de moniteur ou d'entraîneur, le déroulement d'un programme de formation relié à leurs connaissances professionnelles.

Au Québec, dans le secteur de la vie sociale et culturelle, il y a certaines associations qui sont susceptibles de regrouper des animateurs, moniteurs, formateurs, etc. :

Au Québec, un certain nombre d'associations regroupent des formateurs en entreprise:

N.B.:

les memberships de ces associations peuvent se recouper.

En milieu scolaire, on trouve:

Dans le secteur de la vie sociale et culturelle, le rôle de l'éducateur d'adultes est perçu de façon différente, selon le champ de pratique de celui-ci. Ainsi, en ce qui concerne les organismes parapublics (par exemple, animateurs communautaires des C.S., C.O.F.I., C.L.S.C., bibliothèques, hôpitaux, musées, loisir municipal, mass-media, etc.), on est en présence d'un personnel qui constitue la base de recrutement de plusieurs regroupements (par exemple, syndicats de section, associations professionnelles, etc.). Dans le secteur de la vie associative, c'est le plus souvent à l'organisme (syndicat, groupe populaire, associations volontaires, groupes religieux, mouvements de couples et de famille) que va le premier sentiment d'appartenance du formateur. Cela n'exlut pas des regroupements spécifiques aux formateurs (par exemple, alphabétiseurs), mais ceux-ci sont davantage des lieux d'échange et de communication que des organismes de promotion professionnelle ou autre.

La problématique des éducateurs d'adultes du secteur de la vie associative s'inscrit, nous l'avons dit, dans un processus valorisant l'alternance entre la pratique et l'enseignement. Cependant, outre les piètres conditions salariales de plusieurs d'entre eux, notamment dans les organismes populaires, il est un fait que leur travail de formation, bien que reconnu par leur groupe d'appartenance, ne l'est pas socialement parlant (reconnaissance des acquis et de l'expérience). Nonobstant ceci, il n'y a pas vraiment, dans ce secteur de la vie sociale et culturelle, une volonté d'identifier le formateur par un statut particulier, car c'est l'identification au groupe d'appartenance ou au travail militant en général qui prend le pas sur la fonction d'enseignement. Il en va autrement pour ceux et celles qui sont dans le secteur parapublic de la vie sociale et culturelle, et qui souhaitent, le plus souvent, identifier et protéger par un statut leur fonction d'animateur, de moniteur, de personne-ressource, etc.

Dans l'ensemble, la majorité des personnes qui, à un moment ou l'autre, assument un rôle d'éducateur d'adultes dans le cadre d'un travail, rémunéré ou non, ne recherchent pas un statut précis pour le sanctionner. Ce phénomène serait spécifique aux milieux institutionnels, notamment le milieu scolaire, et aux spécialistes de la formation dans les entreprises. D'ailleurs, ce sont davantage ces catégories qui alimentent la majorité du membership des diverses associations qui représentent ces secteurs. Pour les autres, on privilégiera le regroupement sectoriel ou professionnel ou encore le groupe d'appartenance.

Ce premier coup d'oeil sur le nombre, le statut et les fonctions des éducateurs d'adultes au Québec nous a permis de constater qu'il existe une déscolarisation effective de ce rôle et qu'elle est plus importante qu'on pourrait le croire de prime abord. Cependant, si les éducateurs d'adultes en milieu scolaire apparaissent moins nombreux à côté de ceux des autres secteurs, il n'en demeure pas moins qu'à eux seuls ils génèrent le volume d'activités le plus important, abstraction faite toutefois de la formation autonome (autodidaxie).

Ces dernières remarques nous amènent maintenant à examiner dans une perspective de transformation des approches pédagogiques, les fonctions des éducateurs d'adultes, leur formation initiale, leur perfectionnement et leur statut. Nous aborderons, enfin, le cas du perfectionnement des maîtres de l'enseignement « régulier ».

Accepter l'idée d'éducation permanente, c'est briser le monopole éducatif des périodes inititiales (enfance et adolescence), mais c'est briser aussi dans une large mesure le monopole professionnel des enseignants... Si l'éducation devient permanente, chacun à tour de rôle peut être formateur et formé, si les besoins d'éducateurs, d'enseignants, d'animateurs et de formateurs se démultiplient, ne faudra-t-il pas en venir à se demander si ces métiers doivent demeurer des métiers permanents, définitifs... L'éducation permanente pour de multiples raisons ne devrait-elle pas provoquer l'introduction de la mobilité sociale et professionnelle dans les castes figées du corporatisme enseignant, ruiner les routines, créer des insécurités fécondes ?

Source: J. Rovan, « Faut-il avoir peur de l'éducation permanente? », Éducation permanente, 1969, no 1, p. 83.

4.4.2 Des pratiques pédagogiques à faire éclore et la nécessaire et difficile émergence d'un rôle

En éducation des adultes, nous l'avons vu, le développement du potentiel humain s'appuie sur la formation de base et l'autoformation des adultes. Dans une perspective d'éducation permanente, les approches pédagogiques appliquées en éducation des adultes, nous l'avons vu dans le chapitre précédent, doivent tenir compte de l'expérience, du vécu, de la situation et des capacités d'autodéveloppement des adultes. C'est là déjà une réalité vigoureuse, notamment en ce qui concerne l'autodidaxie et l'éducation populaire autonome.

Si l'éducateur d'adultes a toujours sa raison d'être, même dans un contexte d'autoformation, ce ne peut être qu'à travers une modification du rôle même d'éducateur, et ce, dans une perspective d'éducation permanente. Que les éducateurs interviennent auprès des jeunes ou des adultes, dans ou hors de l'école, leurs pratiques pédagogiques sont appelées à se transformer dans le sens du décloisonnement des formations, de l'ouverture à l'expérience des adultes, de l'alternance entre la théorie et la pratique, et d'une conscience aigüe à l'égard des finalités sociales, économiques et culturelles de l'éducation. Non plus agent d'adaptation ou de reproduction, l'éducateur sera davantage un agent de changement qui aura pour principale tâche de soutenir l'adulte ou le groupe dans son processus d'apprentissage. Cela vaut aussi pour les jeunes, à cette nuance près que l'éducateur qui intervient auprès d'eux doit tenir compte que ceux-ci ont encore à développer, par eux-mêmes, leurs propres acquis et leurs expériences de vie.

Certes, les ressources particulières du groupe ou de l'individu ne leur fournissent pas toujours les outils nécessaires à leur apprentissage. De même, l'autodidacte doit souvent recourir à des livres, des disques, ou à divers types de ressources physiques ou humaines (par exemple, banque de données) pour poursuivre la démarche personnelle qui l'amène aussi à devoir s'informer régulièrement sur la qualité des ouvrages consultés ou sur la pertinence des moyens choisis pour parvenir à ses objectifs.

L'évolution des exigences reliées à l'emploi, les résultats des recherches scientifiques, les changements dans les situations de vie sont autant de conditions susceptibles d'engendrer des retards chez les individus ainsi qu'un besoin d'actualiser leurs connaissances ou de modifier leurs attitudes. Dans tous ces cas, les éducateurs ont un rôle clé à jouer car leurs interventions surviennent à un moment particulier de la vie d'un individu ou d'un groupe. Les interventions des éducateurs peuvent donc contribuer à multiplier l'impact de ce moment et à ouvrir d'autres horizons, tout comme ils peuvent aussi bien récupérer, annihiler ou éteindre la flamme à peine allumée.

Dans un tel contexte, le rôle de l'éducateur consiste donc à favoriser, directement ou indirectement, par la mise en place d'un environnement éducatif adéquat, le développement d'un processus intégré et autonome d'apprentissage et la poursuite d'objectifs délibérément recherchés par le jeune ou l'adulte, individuellement ou en groupe. Ce rôle traduit l'unité du processus éducatif.

Quelques définitions des fonctions de l'éducateur d'adultes: Le formateur d'adultes en milieu scolaire est un intervenant social dont le rôle est de favoriser l'atteinte des objectifs d'apprentissage (intellectuels, techniques, humains, sociaux) fixés par l'adulte — individuellement et/ ou en groupe — par la création de conditions favorables à cette fin. Il permet ainsi à l'apprenant adulte d'être son propre agent de changement dans une perspective d'éducation permanente.

Source: G. Pineau et C. Solar, Une place au soleil pour les formateurs d'adultes, Rapport des journées d'étude sur les rôle et statut du formateur d'adultes en milieu scolaire au Québec, Faculté d'éducation permanente, Université de Montréal, 1980.

...L'éducateur d'adultes est un individu qui sait se situer dans cette société informatisée qui est la nôtre, qui cherche à s'y épanouir et qui désire aider les adultes à s'adapter à leur milieu et surtout à devenir des agents de changement, capables de mieux comprendre le monde technique, social, culturel qui les entoure, d'agir sur les structures dans lesquelles ils vivent et de les modifier.

Source : Direction de la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université Laval, Mémoire à la C.É.F.A., mars 1981.

Pour désigner ce rôle émergent, plusieurs voient en l'éducateur un « facilitateur » ou un « animateur pédagogique », que cet éducateur travaille seul ou en équipe. Dans cette optique, on ne doit plus limiter le rôle des éducateurs uniquement à la fonction d'enseignement, mais l'élargir à celles de planification, d'administration, de conseil, d'assistance ou de soutien, d'intervention éducative directe, de recherche, d'orientation, d'évaluation, d'animation, etc. Ces fonctions ne s'exerceraient pas toutes à la fois mais, au cours de sa carrière, un éducateur pourrait être appelé à pratiquer plusieurs d'entre elles. Pour ce type d'éducateur, l'acte d'apprendre est plus important que l'acte d'enseigner, et son enseignement devient une intervention qui facilite l'apprentissage. Cet enseignement a alors comme objectifs: l'épanouissement et l'autonomie des adultes, leur participation active, et leur engagement conscient dans la vie sociale en général.

Cette approche a amené un certain nombre de définitions des fonctions de l'éducateur, lesquelles s'inspirent de cette problématique. Parmi celles-ci, il convient de mentionner celle qui fut proposée par le Conseil de l'Europe il y a quelques années: La «fonction » d'éducateur devrait s'enrichir de rôles nouveaux tout en conservant certains aspects traditionnels : on peut prévoir que certains « éducateurs » joueront un rôle « d'apporteurs de matière », d'experts susceptibles de répondre à des demandes précises des groupes. Certains pourraient être utilisés le mieux à temps partiel, tout en restant impliqués dans les circuits professionnels. D'autres éducateurs se consacreraient à l'aide pédagogique permanente aux groupes et à la guidance des personnes. Enfin, des fonctions d'organisateurs, de concepteurs de programmes et d'unités capitalisables, de réalisateurs de systèmes multi-media apparaîtront vraisemblablement ; des fonctions pédagogiques « d'auxiliaires » (des instructeurs ou des assistants) deviendront nécessaires en fonction de la diversité et de la flexibilité des groupes (cf. l'Open University britannique ). (19)

Cette définition des fonctions de l'éducateur implique une modularisation de la tâche professorale à travers un travail d'équipe, qui permettrait une polarisation différente des intérêts de chaque éducateur ou professeur selon ses aptitudes. Cette façon de concevoir les fonctions de l'éducateur n'est pas confinée au seul bassin des éducateurs d'adultes mais s'appliquerait aussi aux éducateurs des jeunes. Ainsi, on peut aisément conclure qu'une telle définition des fonctions de l'éducateur amènerait un éclatement de la fonction professeur-chercheur qui est à la base du modèle dominant de l'enseignant au niveau universitaire.

Cette définition que fait le Conseil de l'Europe des fonctions de l'éducateur est intéressante dans la mesure où elle favorise un système organisationnel ouvert. Dans ce système, ce seront tantôt les jeunes ou les adultes qui se feront les définisseurs de leur besoins éducatifs et qui, conséquemment, entreprendront une démarche autonome de formation et demanderont des services pédagogiques ou autres pour soutenir celle-ci. Ou bien, ce seront les institutions sociales qui, à la lumière de priorités collectives ou de l'évolution des exigences du travail ou de la vie sociale, offriront des activités de formation. De plus, cette définition permet de concevoir, dans le cas de l'éducation des adultes, l'existence et la pertinence d'éducateurs qui auraient un rôle ad hoc pouvant s'intégrer au travail d'un noyau permanent d'éducateurs.

Ces distinctions sont importantes car l'intervention d'un éducateur dans un contexte de demande de formation n'évoluera pas comme dans un contexte d'offre de formation. Dans un contexte de demande, l'autonomie des apprenants est le point de départ de la démarche éducative. L'éducateur doit donc la respecter comme telle (20), alors que, dans un contexte d'offre, l'autonomie des adultes peut être le point d'arrivée de l'activité éducative, si en cours d'activité l'éducateur a su se rendre « superflu ». Dans un cas comme dans l'autre, l'éducateur et l'apprenant participent à toutes les étapes du processus éducatif, y compris celle de la définition des besoins.

Ce système ouvert et interactif, dans lequel les éducateurs seront appelés à évoluer, correspond déjà à certaines pratiques pédagogiques qui ont cours en éducation populaire où le travail en équipe, la guidance personnelle et collective, les rôles d'apporteur de matières et d'animateur pédagogique sont assumés pas les formateurs du milieu. Par contre, il faut bien le reconnaître, les pratiques pédagogiques des éducateurs du milieu scolaire restent majoritairement centrées sur l'enseignement, à savoir sur l'organisation des champs de connaissance, des disciplines et des façons de les transmettre. Ces pratiques évacuent ou marginalisent d'autres fonctions, comme le soutien aux processus d'apprentissage fondés sur l'expérience, le vécu et la situation des jeunes et des adultes.

À ce stade-ci, il est donc utile de faire état du contexte et du milieu dans lesquels les éducateurs d'adultes exercent leurs pratiques pédagogiques. Dans une prochaine section, nous verrons ce qu'il en est, sous l'angle de la recherche et du perfectionnement.

Une pédagogie interactive qui part du vécu, de l'expérience, ainsi que de la situation des adultes, et dont l'objectif est la maîtrise des changements dans le but de promouvoir le développement du potentiel humain, ne peut s'élaborer en dehors du contexte social, économique et culturel, dans lequel elle doit évoluer. Maintes fois, ce contexte sera défini à partir de l'évolution de la société, et c'est dans ce cadre qu'on y situera une pédagogie de l'adaptation et de la reproduction. Pour notre part, loin de faire abstraction de ce contexte évolutif de la société, nous avons voulu aussi orienter et qualifier le développement du potentiel humain généralement basé sur une interaction entre la démocratisation de nos sociétés et l'autodétermination des individus et des groupes, ainsi que sur une interaction entre la formation de base et les apprentissages autonomes en éducation des adultes. Dès lors, on peut se demander si le contexte social, économique et culturel actuel conditionne positivement ou négativement l'émergence, chez l'éducateur, d'un rôle pédagogique interactif évoluant dans un système ouvert.

Dans le premier chapitre de cette partie, nous avons dégagé les principaux éléments de la conjoncture sociale, économique et culturelle actuelle: crise des valeurs, récession économique, accentuation des disparités régionales et des inégalités sociales, augmentation du nombre de femmes sur les marchés de travail, accroissement des emplois à temps partiel, accentuation des pluralismes socioculturels, pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, persistance des taux de chômage et d'inflation élevés, baisse de la productivité accompagnée d'une hausse de la concurrence, etc. La réunion de ces divers éléments n'implique nullement le fait que de nouvelles valeurs, plus humaines et solidaires, soient susceptibles de surgir dans notre société et que de nouveaux liens entre travail, éducation et loisir se tissent nécessairement au profit de tous. Il ne va pas de soi, en effet, que les difficultés actuelles connaîtront un dénouement démocratique.

En 1969, M. Lionel Gaudreau, alors directeur de la recherche au cégep de Jonquière, participait à un colloque organisé par la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université Laval et déclarait : Notre problème est la recherche des formes d'apprentissage et d'enseignement des techniques permettant aux travailleurs, à tous les niveaux, de s'adapter facilement au progrès des techniques et même d'y contribuer. Un enseignement moderne des techniques devrait réduire les obstacles au progrès, exorciser la routine et l'ignorance, développer la curiosité pour tout ce qui est nouveau, donner le sens de la diversité des solutions, entraîner les esprits à la créativité, stimuler l'imagination, éduquer l'esprit critique. Il devrait donner au technicien, et même à l'ouvrier qualifié, le souci d'accomplir son progrès personnel et de maintenir sa pensée jeune et vivante pendant toute sa carrière.

Source: R. Parisé, R. Rochon, Le tiers monde scolaire, éléments de réflexion sur l'enseignement technique et professionnel au Québec, Association canadienne de la formation professionnelle, 1980, p. 64.

Quatre fonctions se dégagent du profil d'un formateur en entreprise. Tout d'abord, celle d'instructeur qui, comme telle, est la relation directe d'aide à l'apprentissage. Ensuite, celle de concepteur qui consiste à analyser les besoins, élaborer des objectifs, choisir des stratégies et le matériel pédagogique, adapter les programmes et évaluer les apprentissages. Troisièmement, celle de consultant, que l'on identifie aussi aux fonctions de personne-ressource et de facilitateur, qui consiste à intervenir dans la résolution de problèmes, de conflits, les diagnostics organisationnels, la consolidation d'équipes, l'assistance aux gestionnaires pour l'analyse de problèmes de rendement, etc. Quatrièmement, celle de gestionnaire qui consiste à mettre en valeur les ressources du service, s'il y a lieu, surveiller la gestion des programmes offerts, établir des liens avec les autres services ou secteurs de l'entreprise et administrer son propre secteur. Ces fonctions peuvent varier selon la taille et le secteur de l'entreprise.

Mais rien ne permet encore de prédire le sens de cette évolution. Que les relations traditionnelles entre le travail et la culture soient actuellement dans un processus de modification, cela ne fait aucun doute. Le rôle de l'éducateur s'orientera-t-il vers l'élitisme, le professionnalisme, l'autoritarisme et le renforcement des monopoles du savoir? Ou bien, ira-t-il vers une plus grande démocratisation, le partage du savoir et l'alternance des rôles entre enseignant et enseigné? On peut tout imaginer. Cependant, un point de ralliement se dégage de l'analyse de cette conjoncture: tous s'entendent pour souligner la nécessité de l'innovation et de la créativité dans le contexte actuel.

Pour ce faire, certains privilégieront la formation d'experts ou de spécialistes des méthodes d'enseignement individualisé, ainsi que la promotion individuelle de ceux et celles qui, de façon quasi immédiate, peuvent contribuer aux progrès de l'entreprise ou atteindre un haut niveau de performance dans le domaine où ils oeuvrent. Cette approche, en apparence « efficace », a pour effet d'accroître le vide entre les postes non qualifiés et les postes de haute technicité. D'ailleurs, c'est là une des principales conclusions des études portant sur les transferts technologiques dans les pays du tiers-monde: en dehors d'un environnement immediat, l'impact de la technologie est presque nul, car le reste du pays et de la population n'a pas les infrastructures ni une formation suffisante pour assurer des retombées et la diffusion du savoir technique. Les mêmes raisonnements peuvent être tenus dans des domaines tels que la culture, le loisir, le sport, etc.

A l'opposé, il en est qui privilégieront une approche spontanée ou locale de l'innovation et de la créativité. Dans cette optique, on se rappellera le succès des « boîtes à suggestions » dans les entreprises américaines et des cercles de qualité dans les usines japonaises ou les appels au non-conformisme des penseurs ou des chercheurs et à la créativité des ouvriers et des ouvrières. Cette approche, qui a déjà obtenu certains résultats positifs, ne peut atteindre un niveau de généralisation que dans la mesure où on peut mal concevoir comment le « spontanéisme » ou le « localisme » peuvent disposer de questions complexes impliquant divers secteurs de la société et relevant de priorités sociales (pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, recherche sur le cancer, etc.) ou de problèmes tendant à s'internationaliser (pluie acide, alimentation, économie d'énergie, etc.).

L'une et l'autre de ces conceptions véhiculent une vision pédagogique de l'éducateur d'adultes, tantôt élitiste et mécaniste, tantôt non-conformiste et libertaire. Cependant, le contexte social, économique et culturel dans lequel nous vivons appelle plus que jamais une approche interactive et systémique. En effet, le contexte actuel nous suggère de cerner davantage le type de développement que nous souhaitons pour les dix ou vingt prochaines années et, conséquemment, de définir comment la formation pourra répondre aux projets individuels, collectifs ou politiques qui en découleront.

Cette perspective interactive et systémique suggère aussi un rapprochement des termes: on ne saurait séparer l'innovation et la créativité de la diffusion et de l'implantation de celles-ci. Ainsi, on ne peut concevoir comment une société peut se tourner vers l'innovation et la créativité sans une formation de base et une actualisation constante des connaissances, des habiletés et des attitudes pour tous les adultes de cette société.

Le type d'éducateur, que suggère cette orientation face au contexte actuel, est un agent de changement. Cet éducateur vise non pas à adapter les adultes à l'évolution sociale mais s'inscrit plutôt dans un processus d'autodéveloppement et de prise en charge de ces changements par les adultes eux-mêmes. Sa pédagogie est essentiellement souple et adaptée au projet de l'individu ou du groupe concerné. Sa pratique ne se limite pas à transmettre un type déterminé de préparation professionnelle, mais veut plutôt encourager l'initiative sociale,  économique et culturelle.  Conséquemment,  la formation d'éducateur, agent de changement, porte, entre autres choses, sur l'acquisition de capacités de lecture et d'interprétation des tendances socio-économiques d'une réalité locale, régionale ou sectorielle, et aussi sur l'amélioration de la capacité de percevoir ses propres besoins de formation et de qualification, ainsi qu'à réagir de façon appropriée. La formation d'un tel éducateur passe donc par l'existence d'un lien permanent et nouveau entre son activité professionnelle et sa propre formation. Elle passe aussi par l'aptitude et l'entraînement au travail d'équipe, là où doivent cohabiter plusieurs champs de compétence.

L'éducateur des dix ou vingt prochaines années est appelé aussi à évoluer dans le cadre d'une restructuration profonde des liens unissant le travail, le loisir et l'éducation. Selon toute probabilité, il y aura une diminution du temps consacré au travail et, par conséquent, cela crée déjà la possibilité d'une interrelation accrue entre les temps de travail rémunéré, de loisir et de formation, à tous les moments de la vie.

Cette situation pose un problème d'éducation à la créativité. Pour plusieurs adultes, en effet, le loisir spectacle succédait souvent au travail aliénant. Une réduction du temps de travail aurait pour effet, dans ces cas-là, d'accentuer les formes de passivité sociale. Le temps libre ne se conçoit pas sans les outils pour l'occuper. En ce sens, l'éducateur d'adultes ne pourra confiner ses interventions aux seules habiletés et connaissances techniques, il devra aussi aborder les attitudes et valeurs, de façon explicite, faire place au vécu, à l'expérience et à la culture des apprenants. De plus, il devra favoriser et composer avec toutes les formes d'autoproduction et d'auto-organisation que les apprenants jugeront bon de se donner.

4.4.3 La formation initiale, le perfectionnement continu et la recherche en éducation des adultes

La transformation de l'image et des pratiques à caractère scolaire de l'éducation passe, nous l'avons vu, par la valorisation des apprentissages autonomes et des activités éducatives reliées à la promotion collective, ainsi que par la valorisation du vécu, de l'expérience et des acquis des adultes. Une telle conception du rôle de l'éducateur d'adultes, oeuvrant dans un système ouvert et interactif, conditionne fortement le genre de formation et de perfectionnement qui présidera à la formation continue de ceux-ci. Cette démarche remet en cause l'image de l'éducateur en tant que « détenteur du savoir » et propose un nouveau rôle, davantage axé sur l'aide à l'apprentissage.

Peut-on parler de formation initiale, en ce qui a trait aux éducateurs d'adultes, quand on connaît les multiples champs où beaucoup d'entre eux acquièrent une formation initiale « sur le tas »: militant syndical, animateur, moniteur, bénévole, cadre d'entreprise, etc. ? À toutes fins utiles, il n'existe pas un profil unique d'éducateurs d'adultes, et il ne peut pas exister une façon unique de former les éducateurs d'adultes.

Il devient donc difficile de parler de « formation initiale » des éducateurs, car les formations de premier cycle universitaire, qui leur sont actuellement destinées, sont déjà, pour la plupart d'entre elles, une forme de perfectionnement et le complément d'une pratique déjà existante. D'ailleurs, la plupart du temps, l'on fait de cette pratique un préalable à leur admission. C'est donc avec ces réserves que nous parlerons de formation initiale.

4.4.3.1 La formation initiale

Dans une perspective d'éducation permanente, l'éducation des adultes invite à une restructuration du système éducatif existant. En ce sens, elle cherche à développer toutes les possibilités de formation, dans et hors du système éducatif formel. Dans cette optique, la formation initiale des éducateurs d'adultes ne devrait pas déboucher sur un monopole scolaire, mais utiliser l'ensemble des possibilités éducatives de notre société.

Ainsi, l'éducation des adultes est un champ de pratique dont on doit reconnaître l'autonomie et le caractère particulier. Situé au confluent de plusieurs disciplines, ce champ de pratique devient lentement un champ du savoir constitué, et l'on reconnaît de plus en plus l'importance d'y acquérir une formation afin d'y travailler plus efficacement.

La formation initiale des éducateurs d'adultes, à partir d'un cheminement « académique », constitue, sans doute, une voie possible de transformation des approches pédagogiques. Elle doit être un processus de production des nouveaux savoirs. Elle doit faire une place importante à l'éducation mutuelle, s'accompagner d'un système d'auto-évaluation permanente, être centrée sur une approche globale visant à développer la maîtrise et les pratiques méthodologiques, faire large place aux entraînements pratiques.

Cependant, la formation de ces éducateurs ne peut pas être abordée seulement de façon pédagogique: l'évolution du contexte social et le développement des formations dans une perspective d'éducation permanente font en sorte que cet aspect d'une politique d'éducation des adultes ne peut prendre de sens qu'à la lumière des choix politiques et idéologiques qui le sous-tendent.

Universités francophones du Québec dispensant un certificat de premier cycle en éducation des adultes : Université Laval

Université du Québec à Chicoutimi Université du Québec à Rimouski Université du Québec à Montréal Université de Montréal

Il est impérieux que, dans le contexte actuel, où l'évolution sociale ira en s'accélérant et suscitera une demande accrue de formation, cette formation devienne un outil pertinent de ce changement social. À cet effet, l'éducation des adultes ne doit pas être là pour dissimuler les problèmes et les enjeux liés aux changements, ou pour adapter, de façon passive, les adultes à ceux-ci.

L'éducateur d'adultes occupe donc un terrain stratégique et se situe entre les objectifs de reproduction du système social et les besoins et aspirations des adultes avec lesquels il est directement en contact. Dans un tel contexte, la formation initiale des éducateurs — qu'ils soient déjà des praticiens ou des enseignants ayant une formation dans une autre discipline « académique » — ne peut pas être neutre, leur travail se situant au coeur même d'un processus conflictuel où, finalement, le premier et le dernier responsable est l'adulte lui-même, l'éducateur étant là pour lui permettre d'acquérir la maîtrise des connaissances et habiletés susceptibles de l'aider à résoudre ses problèmes.

La Commission croit donc que la formation initiale de ces éducateurs doit déjà se dérouler de façon concomitante avec ce qui se pratique en éducation des adultes et, conséquemment, s'articuler autour de programmes décloisonnés et transdisciplinaires, dans lesquels les stages pratiques et les projets de formation autonome ont une grande importance. Cette formation ne doit pas, non plus, devenir obligatoire, ni être la voie unique d'accès au rôle d'éducateur d'adultes.

4.4.3.2 Le perfectionnement continu

Plus que leur formation initiale, le perfectionnement continu des éducateurs d'adultes apparaît comme un élément clé, si l'on veut faire éclore de nouvelles pratiques pédagogiques en éducation des adultes et supporter les pratiques positives en cours. De même, si la formation initiale concerne, pour le moment, un nombre relativement réduit d'éducateurs, le perfectionnement, quant à lui, regroupe déjà un ensemble diversifié d'éducateurs provenant de divers champs de pratique de l'éducation des adultes. Cette caractéristique en fait un terrain d'intervention prioritaire.

Le perfectionnement, contrairement à la formation initiale des éducateurs d'adultes, rejoint une clientèle qui possède déjà un ensemble de connaissances, d'habiletés et d'expériences acquises à travers les divers cheminements qui mènent à être éducateurs d'adultes. Cette clientèle pratique ce rôle, la plupart du temps, à l'intérieur d'une organisation.

Le perfectionnement étant un moyen qui appartient non pas à l'institution scolaire mais à l'ensemble d'une organisation(21) et dont l'objectif est généralement de combler certaines insuffisances du personnel en vue d'une meilleure réalisation des tâches reliées à leurs fonctions, l'identification d'un besoin de perfectionnement se doit d'être un processus interne à l'organisation(22), ce qui n'exclut pas, bien sur, le recours à des ressources externes pour le satisfaire et l'implication active et volontaire des personnels visés.

Ce perfectionnement doit donc être intégré(23):

Le perfectionnement ainsi conçu rejoint plusieurs aspects fondamentaux de la formation sur mesure. Il n'est pas normatif et il n'est pas obligatoire. Il vise davantage à satisfaire les besoins d'aide à l'apprentissage, de support pédagogique et de mise à jour professionnelle exprimés par les éducateurs d'adultes, non pas l'accumulation de crédits ou de certificats de toutes sortes. C'est dans cette optique que le milieu de l'enseignement, notamment le niveau universitaire, devrait être mis en situation de service et de support au perfectionnement, et offrir des programmes souples (capsule, module, etc.) adaptés aux besoins exprimés sur le terrain et en cours d'emploi par les éducateurs et leurs organisations.

L'U.Q.A.M. créait, en 1976, le baccalauréat en enseignement professionnel qui se caractérise par son ouverture: c'est un programme individualisé, adapté aux besoins de la clientèle et dont une grande partie (stages, projets, etc.) se déroule dans les laboratoires des polyvalentes ou en milieu de travail.

Des modèles semblables de perfectionnement ont déjà été expérimentés dans le réseau des commissions scolaires et des cégeps par l'Équipe de l'aide au développement (E.A.D.) de la D.G.E.A., dont les réflexions ont alimenté plusieurs actions de perfectionnement de ces réseaux (pédagogie de la responsabilité pour les chômeurs, modèles propres à l'enseignement individualisé, méthodes pédagogiques en alphabétisation, style d'enseignement en éducation populaire, façon d'apprendre en formation professionnelle, etc.).

Parmi les expériences positives dans le domaine du perfectionnement des éducateurs d'adultes, il faut aussi mentionner l'apport du modèle PERFORMA (perfectionnement des formateurs) de l'Université de Sherbrooke et du nouveau certificat en enseignement professionnel de l'U.Q.A.M.; l'un et l'autre ne s'adressant pas exclusivement aux éducateurs d'adultes.

PERFORMA, dont les débuts remontent à 1973, offre un perfectionnement en cours d'emploi qui s'inscrit dans la perspective des besoins situationnels des enseignants du niveau collégial. C'est un modèle de perfectionnement basé sur la formation sur mesure, où l'on privilégie une pédagogie de situation, différente d'une pédagogie centrée sur le savoir disciplinaire. Le modèle de perfectionnement PERFORMA vise à entraîner des changements institutionnels et se développe selon les exigences d'un programme de recherche-action: Si la recherche permet de mieux engager l'action, l'action en retour valide la recherche et ses principes. Les professeurs désirent une grande rigueur dans les démarches de perfectionnement. Formés à la recherche, ils exigent que les activités soient à la fois près de leur vécu et à la fois enrichissantes et rigoureuses. Le chercheur dans le modèle PERFORMA se distingue de celui auquel les universités nous ont habitués.(24)

Le programme, rattaché au modèle PERFORMA, est un programme ouvert, dont la cohérence tire ses origines davantage des besoins et des attentes des éducateurs que d'un ensemble de connaissances déterminées à l'avance. En cela, il s'inspire directement de principes propres à l'éducation permanente.

La Commission croit que ce modèle pourrait avantageusement être étendu aux autres niveaux et à d'autres réseaux; par exemple, il pourrait servir à la mise à jour des connaissances des formateurs en entreprise ou des bénévoles etc.

Dans les entreprises, le perfectionnement continu peut prendre plusieurs sens, selon que l'on considère l'entreprise comme un lieu de formation ou bien que l'on considère les besoins de perfectionnement des formateurs en entreprise. Ces deux angles d'approche peuvent varier selon la taille, le secteur et le statut de l'entreprise.

En tant que lieu de formation, l'entreprise reste l'endroit par excellence où les enseignants en formation professionnelle peuvent mettre à jour la connaissance qu'ils ont de leur métier. En effet, l'entreprise est un lieu privilégié de formation, en ce qui concerne l'évolution constante des méthodes de travail, des techniques et des équipements. De plus, les stages en entreprise d'enseignants en formation professionnelle bénéficient aussi à l'entreprise car les enseignants peuvent, à leur tour et la connaissant mieux, lui fournir un support pédagogique à ses activités de formation, support que la petite entreprise peut difficilement s'offrir.

En ce qui concerne les besoins de perfectionnement des formateurs en entreprise, il faut distinguer les formateurs occasionnels de ceux et celles dont c'est la carrière. Plusieurs études(25) portant sur les enseignants occasionnels du secteur public de l'enseignement professionnel concluent qu'il faut cesser d'attendre de ceux-ci des performances pédagogiques auxquelles ils ne sont pas préparés. Ceci tient, entre autres, du fait que ces enseignants sont souvent recrutés sur la base des compétences techniques acquises en cours d'emploi. La prise en charge de la responsabilité pédagogique par un conseiller ou un éducateur, dans les divers lieux de formation est dans ce cas, indispensable. Ces conseillers ou éducateurs peuvent fournir un encadrement aux enseignants occasionnels et intervenir auprès de ceux-ci, dans le cadre même de la situation de formation, afin d'augmenter la qualité de leurs interventions pédagogiques. Cette problématique, propre aux enseignants occasionnels du secteur public de l'éducation, peut s'appliquer, selon l'analyse de chaque cas, aux formateurs occasionnels qui font de la formation en entreprise.

Dans le cas du perfectionnement des spécialistes de la formation en entreprise, il faut tenir compte de leurs multiples profils de formation. Ainsi, certains auront acquis leur compétence à partir d'un profil de formation académique (par exemple, andragogie, technologie de l'éducation, baccalauréat en enseignement professionnel, etc.) mais, le plus souvent, ils sont devenus formateurs parce qu'ils étaient des gens compétents dans le métier qu'ils exerçaient. Les besoins de perfectionnement de tels formateurs peuvent être multiples: connaissances des méthodes et des modèles d'apprentissage, évaluation de leur pertinence dans le cadre de projets de formation, connaissances des ressources du milieu, etc.

Ces besoins de perfectionnement sont actuellement pris en charge de diverses façons: rencontre dans les associations professionnelles, cours d'appoint dans les universités, rencontres de travail, etc. Depuis quelques années, certaines universités (26) ont commencé à offrir des programmes modularisés pour les formateurs en entreprise. Si de tels programmes devaient prendre leur essor au Québec, ils pourraient servir à développer les fonctions d'animation de groupes de travail, de conseil, d'orientation et de « guidance », dans l'optique où le perfectionnement des formateurs en entreprise doit contribuer à l'élargissement de la formation destinée aux employés.

Dans le secteur de la vie associative, nous avons vu que les pratiques pédagogiques logent à l'enseigne de la formation autonome. Dans ce contexte, le perfectionnement des formateurs se moule à cette dynamique d'ensemble. Il se fait souvent dans le cadre du groupe d'appartenance et fait intervenir, depuis quelques années, via divers protocoles d'entente, des ressources ad hoc provenant du milieu de l'enseignement. C'est un modèle de formation que la Commission trouve intéressant car il est en interaction constante avec le milieu et échappe à la dynamique souvent sclérosante des programmes prédéterminés. En ce sens, ces nouvelles pratiques pédagogiques devraient recevoir un statut et un financement leur permettant de survivre.

Dans les secteurs public et parapublic, le perfectionnement des gens, qui à divers degrés ont une fonction d'éducateur auprès des adultes, a fait l'objet de nombreuses investigations, ces dernières années. C'est le cas, entre autres, des techniciens en tourisme (27), des bibliothécaires(28), des cadres sportifs(29), des travailleurs de musées (30) et des travailleurs du loisir en général(31). L'émergence du professionnalisme chez plusieurs catégories de ces travailleurs, combinée à la mise en place de multiples programmes de formation initiale dans les universités et cégeps (animation, bibliothéconomie, muséologie, travail social, éducation physique, etc.), ont fait en sorte que ce secteur d'activités regroupe une majorité d'éducateurs ayant un profil académique. En effet, les travailleurs rémunérés de ce secteur ont, en général, un niveau de scolarité initiale assez élevé.

Cette situation ne va pas sans problème. D'une part, bon nombre d'entre eux se trouvent au coeur de plusieurs projets d'autoformation des adultes (par exemple, autodidaxie, regroupements communautaires), mais leur situation d'employés de l'État les amène souvent à administrer des programmes déjà définis avec précision. D'autre part, ces éducateurs rémunérés ont à collaborer avec de nombreux bénévoles qui, comme plusieurs d'entre eux, assument des tâches de formation, à divers degrés, auprès des adultes. Les problèmes de cohabitation entre des travailleurs professionnels et des bénévoles ayant le plus souvent une expérience acquise par la pratique et les impératifs et contraintes des secteurs public et parapublic peuvent être atténués par une orientation adéquate des programmes de perfectionnement.

À maintes occasions, dans les sections précédentes, nous avons souhaité une revalorisation des fonctions d'animation, de support pédagogique et d'aide à l'apprentissage. Là comme ailleurs, le travail en équipe, notamment avec les bénévoles, et l'ouverture aux projets des adultes restent à la base d'un perfectionnement qui se doit d'aider les travailleurs, rémunérés ou non, à réaliser leurs tâches. Ce perfectionnement pourrait intégrer à la fois les bénévoles et les travailleurs rémunérés, en complément à leurs interventions auprès des adultes.

4.4.3.3 La formation des chercheurs

Si la formation initiale n'est pas une voie unique pour la formation d'éducateurs d'adultes, si le perfectionnement appartient davantage à l'organisation et a pour principal objectif de soutenir les éducateurs dans leur tâche, la recherche, quant à elle, doit offrir l'occasion de développer les champs de connaissance qui seront utiles aux éducateurs pour améliorer les méthodes d'intervention, les outils pédagogiques, les approches, les contenus de formation et les styles d'apprentissage des adultes.

Dans ce domaine, le monde universitaire peut jouer, en liaison avec le milieu, un rôle de maître d'oeuvre. En effet, tout en respectant les demandes des gens d'action et leur implication constante à toutes les étapes de la recherche, le professeur d'université peut agir comme personne-ressource qui aide à analyser la réalité, à l'enrichir, et à proposer des pistes d'action, et ce, toujours en respectant les exigences d'une recherche scientifique mais dans une perspective centrée sur l'action.

Dans ce cadre, l'université peut mettre sur pied des programmes de deuxième et de troisième cycles qui serviront, d'une part, à répondre à certains besoins de perfectionnement identifiés par le milieu et, d'autre part, à former les gens qui pourront développer et soutenir la recherche en éducation des adultes. Un tel programme ne devrait pas, cependant, devenir un préalable au droit de pratique en éducation des adultes.

Actuellement, les recherches portant sur les éducateurs d'adultes au Québec varient selon le secteur, les clientèles adultes ou les niveaux d'enseignement dont il est question. Ainsi, une récente recherche(32) commanditée par le ministère de l'Éducation notait qu'en formation professionnelle l'intérêt pour des activités de recherche dans le domaine de la pédagogie est très récent. Selon l'étude, plusieurs facteurs expliqueraient ce phénomène: les programmes universitaires formant les éducateurs en enseignement professionnel fonctionnent depuis seulement quelques années ; peu de ressources humaines sont rattachées, sur une base permanente, aux programmes d'enseignement professionnel; le milieu de la recherche accorde peu de prestige à l'enseignement professionnel ; il existe peu de thèses de maîtrise ou de doctorat en pédagogie de la formation professionnelle. Cette situation serait en voie de se modifier car, depuis un an ou deux, 43 projets de recherche ont été répertoriés. Cette nouvelle situation correspond à la mise en marche d'un programme du M.E.Q. (P.P.M.E.P.) offrant les ressources financières nécessaires à la réalisation de telles recherches.

Ce plan de perfectionnement des maîtres de l'enseignement professionnel (P.P.M.E.P.) identifie quatre sujets prioritaires de recherche reliés à la définition d'un programme de formation pédagogique initiale pour la clientèle issue du marché du travail et qui est désireuse de satisfaire aux exigences minimales de qualification d'un enseignant :

Le ministère souhaite que l'université participante au P.P.M.E.P. développe un enseignement supérieur en étroite collaboration avec les milieux impliqués dans cet enseignement. Il s'agit donc de développer des didactiques spécifiques relatives aux différentes disciplines de l'enseignement professionnel sans pour cela atteindre tous les profils actuels sous-jacents.

Tout projet de recherche universitaire dans le cadre du P.P.M.E.P. doit

mettre en relation les quatre (4) éléments suivants :

Parmi les projets de ce programme du M.E.Q., plusieurs s'inspirent de la conception de la recherche-action, en ce sens que la recherche se lie aux problèmes quotidiens des éducateurs afin d'amener ceux-ci à modifier leurs comportements pédagogiques et d'inciter le milieu de travail à encourager ces nouveaux comportements. Le P.P.M.E.P. n'a pas atteint son développement maximal que déjà se pose le problème d'un mécanisme efficace pour diffuser les résultats de recherche.

Parmi les autres secteurs de production de recherches sur les éducateurs d'adultes, nous avons mentionné à plusieurs occasions les contributions sur le plan du développement pédagogique de l'Équipe de l'aide au développement (E.A.D.) et les divers profils statistiques des éducateurs d'adultes élaborés par la D.G.E.A.

Au niveau universitaire, certaines recherches sont relativement bien connues de bon nombre d'éducateurs d'adultes. Mentionnons celles de la Téléuniversité, en ce qui concerne le support pédagogique aux éducateurs travaillant dans le domaine de l'éducation à distance, et celles de la section d'andragogie de l'Université de Montréal, qui ont développé considérablement la pensée et la réflexion sur les rôles, les valeurs et les méthodes de l'éducateur d'adultes au Québec, dans les divers secteurs où on le retrouve.

Le Comité des services à la collectivité de l'U.Q.A.M. parraine des activités de recherche menées conjointement avec des organismes tels que la C.S.N., la F.T.Q., Relais-femmes, l'Union des travailleurs immigrants et québécois, l'I.C.E.A., etc. Cependant, ces projets de recherche représentent moins de 10% du budget (de recherche) de l'U.Q.A.M.

There is a need for the development of teaching techniques specific to older adults. Research on such topics as effectiveness, timing, pacing and sequencing will help in such development. A related need is to understand how to teach the teachers to become adept at utilizing various techniques. The need to understand how human services practionners who receive much of their training through in service activities is especially important.

Source: R. Hiemstra, Preparing Human Service to Teach Older Adults, The National Center for Research in Vocational Education, 1980, p. 27.

Au sujet du secteur de l'éducation populaire autonome, il faut souligner l'apport de l'I.C.E.A., qui a contribué à la systématisation d'une réflexion autour de l'intervention pédagogique en éducation populaire et des rapports sociaux qui devraient la sous-tendre. Cependant, la recherche propre à ce secteur dispose de faibles moyens financiers. Paradoxalement, le principal lieu de production de ces recherches est le milieu universitaire et non pas le secteur de la vie sociale et culturelle lui-même. La généralisation à ce secteur du modèle de recherche-action serait sans doute un moyen privilégié pour corriger cet état de fait et maintenir un certain décloisonnement, au niveau de la recherche, entre les différents milieux de l'éducation des adultes.

À notre connaissance, il n'existe pas ou peu de recherches produites par les entreprises sur les éducateurs d'adultes qui travaillent directement dans ce milieu, exception faite de quelques corporations professionnelles (Chambre des notaires, Ordre des ingénieurs) qui ont examiné leur pratique de formation ces dernières années. Cependant, il ne faudrait pas oublier le rôle que jouent les multiples associations regroupant, à divers titres, des formateurs en milieu de travail. Bien qu'aucune recherche formelle n'ait été produite jusqu'ici, ces associations permettent une circulation et une diffusion des informations, innovations et projets de formation qui sont loin d'être négligeables (par exemple, dîner-causerie, journal d'information, support à des programmes d'autoformation, etc.).

Ainsi, la recherche sur les éducateurs d'adultes est semblable à la réalité de l'éducation des adultes dans son ensemble. Le milieu scolaire occupe davantage le terrain de la production théorique, alors que les autres secteurs développent une pratique de recherche-action liée à leurs propres besoins. Entre ces secteurs, il y a un cloisonnement horizontal et un certain décloisonnement vertical, si l'on considère que l'université, via certaines expériences, tente d'étudier les pratiques et la situation des éducateurs d'adultes dans une optique de comparaison ou de transdisciplinarité.

De plus, les recherches sur les éducateurs d'adultes qui sont en relation avec certaines catégories d'adultes sont à l'image de l'importance que l'on accorde à ces secteurs. Elles se limitent à quelques recherches sur la pédagogie de l'alphabétisation, sur les personnes handicapées et sur les personnes âgées. Cet aspect de la recherche sur les éducateurs d'adultes apparaît comme un tiers monde à développer.

4.4.4 Le statut des éducateurs d'adultes

La question du statut des éducateurs d'adultes se pose avec acuité dans le contexte économique actuel. En effet, les éducateurs d'adultes du milieu scolaire, travaillent, en très grande majorité, à temps partiel et leurs postes sont non protégés. Ils sont actuellement menacés de perdre leur charge de cours en éducation des adultes pour être remplacés par des éducateurs de l'enseignement « régulier ». Cette situation résulte de la dynamique engendrée par la baisse de la natalité, les restrictions budgétaires, les « surplus » d'enseignants et les provisions de conventions collectives à l'éducation des adultes, trop similaires à celles du « système régulier » ou inexistantes.

Devant cette perspective, des intervenants en éducation des adultes suggèrent de stabiliser la situation des éducateurs d'adultes en proposant un droit de pratique basé sur un profil de formation initiale. Bon nombre d'éducateurs d'adultes sont conscients qu'une telle alternative est peu compatible avec la dynamique de l'éducation des adultes. La diversité des voies d'accès, les nombreux champs de pratique et la mobilité entre les fonctions en cours de carrière ainsi que l'aspect éphémère de certains programmes, incitent à éviter une homogénéisation et une compartimentation hâtives. La Commission croit que le moyen de garantir une stabilité professionnelle aux éducateurs d'adultes ne se situe pas au niveau d'une formation initiale obligatoire et d'un droit de pratique, mais plutôt au niveau des conditions de travail.

La problématique d'un statut de type professionnel pour les éducateurs d'adultes est spécifique au milieu scolaire et aux formateurs en entreprise. Dans ce dernier cas, plusieurs suggèrent la création d'un réseau de spécialistes de la formation des adultes. Cette idée repose, croyons-nous, sur un début d'identification professionnelle, à partir d'un débat qui existe depuis longtemps aux États-Unis (34). Ce phénomène récent est lié à la création, récente aussi, de services de formation dans les entreprises au Québec. C'est donc dire qu'il existe maintenant un certain nombre d'éducateurs en entreprise pour qui la formation est une occupation à plein temps. Parallèlement, la plupart des universités québécoises ont implanté, ou sont en voie de le faire, des programmes ou des certificats destinés à la formation d'éducateurs d'adultes. Ces facteurs constituent les bases objectives des souhaits de professionnalisation de ceux et celles qui font de la formation d'adultes à plein temps, en entreprise ou ailleurs.

Cette première problématique du statut axé sur la professionnalisation rejoint un bassin d'éducateurs somme toute assez réduit, même en entreprise. Tout au plus dénombrait-on 235 éducateurs d'adultes à temps plein dans les commissions scolaires du Québec en 1979-80 (35) (par rapport aux 11 000 et plus à la leçon). En entreprise, une partie seulement des 6 043 éducateurs d'adultes du personnel régulier de la grande entreprise seraient des formateurs à temps plein. C'est donc dire que la professionnalisation des éducateurs d'adultes rejoint potentiellement des catégories d'éducateurs à temps plein et dont les conditions de travail se comparent déjà avantageusement à d'autres catégories professionnelles.

À l'opposé, plusieurs éducateurs d'adultes ne recherchent pas un statut formel (36) et sont suffisamment valorisés dans leur milieu. Pour d'autres, les préoccupations reliées au statut d'éducateur comme tel sont inexistantes, car la fonction d'éducateur d'adultes est exercée à travers un ensemble d'autres fonctions qui définissent davantage l'individu.

Entre ces deux pôles de professionnalisation et de déprofessionnalisation, il y a un certain nombre d'éducateurs d'adultes regroupés surtout au sein du système d'enseignement public et privé pour qui le statut pose effectivement un problème. Cela tient, entre autres, aux mauvaises conditions de travail qui leur sont faites (temps partiel, aucun avantage social, peu de perfectionnement, peu ou pas d'encadrement, contenus de tâche mal définis, engagement à la dernière minute, etc.). Cette situation a amené un début de regroupement de ces éducateurs d'adultes (fondation de l'Association des formateurs d'adultes du Québec (A.F.A.Q.) en 1981) et leur syndicalisation dans le système public et aussi dans les écoles privées. Au niveau universitaire, les responsables de programme de la Faculté de l'éducation permanente vont même jusqu'à proposer la création, à l'Université de Montréal, d'un nouveau statut différent de celui d'enseignant, de cadre et de professionnel (37) pour les éducateurs d'adultes.

De façon générale, le problème de statut de ces éducateurs d'adultes s'inscrit dans la problématique plus globale du travail à la pige et de la multiplication des postes à temps partiel dans notre société. Il est bon de rappeler que le statut de « temps partiel », apparu au début des années 70 afin d'ouvrir l'école sur le milieu, a été largement dévié de sa trajectoire initiale pour épouser la problématique du « cheap labor » et celle des marchés d'emplois sous-protégés. Mentionnons, d'autre part, que ceux qui choisissent volontairement de travailler à la pige s'accommodent fort bien de ce statut.

La situation charnière des éducateurs d'adultes — parvenus à l'éducation des adultes par des voies diverses et conscients de la dynamique qu'il faut conserver au rôle de l'éducateur d'adultes — se traduit dans les débats de ceux-ci. Ainsi, lors des journées d'étude sur les rôles et statut du formateur d'adultes en milieu scolaire au Québec, organisées par la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal, les 25, 26 et 27 avril 1980, tout en mettant en avant le besoin d'un statut professionnel innovateur et différenciateur, on a rejeté l'idée d'une corporation.

Le terme « professionnalisation », lors de ces journées d'étude, visait à mettre fin à l'amateurisme et au « missionnariat » qui ont souvent marqué l'éducation des adultes en milieu scolaire au Québec. On y réclamait donc la création d'un statut professionnel définissant le type de compétence, son champ d'application et le type de formation exigée et devant permettre une certaine spécialisation en vue de rendre l'intervention de l'éducateur plus rationnelle et plus efficace. Ce type de professionnalisation semblait vouloir prendre une certaine distance face au syndicalisme et au corporatisme. Dans l'esprit des participants, la professionnalisation était plutôt synonyme de sécurité.

Les participants à ces journées d'étude reconnaissaient que les éducateurs exercent une profession unique en son genre : par le profil d'entrée, par le champ d'intervention, par les fonctions, par le mode d'intervention (38) et admettaient que la professionnalisation, tout comme certaines pratiques syndicales qui se sont développées en réaction à l'organisation et à la centralisation du travail, comporte de sérieux inconvénients puisque, en donnant la sécurité et la stabilité d'emploi, elle risquait de saper le dynamisme et la créativité du rôle de l'éducateur d'adultes. Pour prévenir ceci, on proposait d'introduire des éléments de déprofessionnalisation dans les modèles dominants actuels en évitant le piège de la spécialisation, en gardant un système ouvert, et en se gardant de créer une dépendance professionnelle.

Cet aspect d'un modèle tenant compte à la fois de la professionnalisation et de la déprofessionnalisation et soulevant les dangers de l'un et les limites de l'autre a été développé, par Gaston Pineau, lors de la publication d'un cahier spécial du journal Le Devoir portant sur l'éducation des adultes: C'est pour cela qu'il faut inventer d'autres modèles professionnels en éducation; des modèles qui permettent une véritable alternance entre la pratique et l'enseignement, des modèles qui permettent aux enseignants d'aller pratiquer ce qu'ils enseignent et aux praticiens, aux travailleurs, de pouvoir enseigner ce qu'ils pratiquent. Invention difficile mais peut-être pas impossible. Invention peut-être obligatoire, si la société québécoise veut dépasser la contre-productivité et les lourdeurs des modèles professionnels actuels. Le temps partiel n'est peut-être pas seulement un indice de préprofessionnalisation ; il peut être une caractéristique postcorporatiste de modèles professionnels complexes et non linéaires.

Instaurer l'alternance professionnelle en éducation sans sacrifier la sécurité d'emploi est sans doute le principal défi que les formateurs d'adultes ont à relever. Défi social autant que professionnel qui intéresse tous les adultes.(39)

Ces débats restent ouverts.

La Commission, qui valorise le décloisonnement de la formation et la polyvalence des tâches, craint que le mouvement engagé donne lieu à une spécialisation indue, à un taylorisme de l'éducation et à un professionnalisme étroit.

Inventer, en éducation, d'autres modèles professionnels s'impose certes. Cette dynamique, cependant, ne doit pas être le lot d'une catégorie d'éducateurs seulement. Elle doit concerner les différents intervenants, faute de quoi elle générera d'autres spécialisations, d'autres professions dont l'existence même pourrait dispenser la majorité de modifier sa façon de faire. Tout en rappelant l'importance d'affirmer le caractère spécifique de l'éducation des adultes et celle de protéger, par des conditions de travail décentes, les éducateurs d'adultes en milieu scolaire, la Commission souscrit, dans le cadre d'une dynamique pour transformer les pratiques pédagogiques, à la suggestion de noyaux d'éducateurs d'adultes permanents, travaillant en équipe avec les enseignants déjà en place, et auxquels viendraient se greffer de multiples ressources ad hoc.

L'orientation à retenir, pour ces petites équipes d'éducateurs d'adultes engagés à temps plein, serait de développer une fonction élargie, centrée sur les différentes tâches de l'apprentissage plutôt que la segmentation actuelle des tâches en heures de cours, de leçons et de disponibilité. 11 importe d'assurer à ces éducateurs la sécurité d'emploi, le perfectionnement, la participation aux instances de l'éducation des adultes et l'utilisation des services. Cela, en fonction des caractéristiques de l'éducation des adultes: voies d'accès multiples, expérience de travail auprès des adultes, compétence reconnue et mobilité entre les fonctions. Enfin, il ne faudrait plus que l'accès à la permanence pour ces noyaux d'éducateurs soit régi par le Règlement no 4 du ministère de l'Éducation qui impose aux éducateurs d'adultes des normes édictées pour les enseignants réguliers.

Finalement, la Commission croit que la situation des éducateurs d'adultes à temps partiel doit faire l'objet d'études spécifiques visant à déterminer les effets d'un tel phénomène sur l'emploi, ses répercussions économiques et sociales et les besoins pédagogiques qu'il soulève.

4.4.5 Le perfectionnement des maîtres de l'enseignement « régulier »

Dans les sections précédentes nous avons discuté des éducateurs d'adultes, de leur formation, de leur rôle, de leur statut et de leur perfectionnement. La perspective de l'éducation permanente nous incite, dans le cadre d'une politique de l'éducation des adultes, à ne pas oublier les éducateurs qui, actuellement, forment les futurs adultes de notre société, car les objectifs que nous avons formulés pour la formation de base, tout autant que nos propos sur la transformation des pratiques (le décloisonnement des formations, la déscolarisation), visent indirectement le système régulier d'éducation qui doit fournir aux jeunes le maximum d'outils les rendant aptes à l'auto-apprentissage, etc.

Le « apprendre à apprendre » se doit d'être un des objectifs majeurs du système d'éducation permanente que nous visons. Là aussi, existent des relations pédagogiques à repenser, des images et des pratiques à transformer(40). Sans vouloir faire l'exégèse complète des problèmes vécus par les enseignants de l'enseignement dit « régulier », ce qui a déjà été fait dans plusieurs études gouvernementales, la Commission identifie un point névralgique à traiter. Il s'agit de la formation et du perfectionnement des maîtres.

En 1980-1981, il y a 2 106 enseignants des niveaux primaire, secondaire et collégial mis en disponibilité mais conservant, selon la convention collective, leur sécurité d'emploi.

Source: Gouvernement du Québec, ministère de l'Education, Direction générale de l'éducation des adultes, Direction de la programmation et de l'évaluation, Service de la programmation, Exploration de la possibilité d'utiliser le personnel en disponibilité aux fins de l'éducation des adultes, dans les commissions scolaires et les collèges pour l'année scolaire 1981-82, Québec, 22 avril 1981, miméo

Il faut remonter aux début des années 60 pour comprendre la situation actuelle du perfectionnement des « maîtres ». À cette époque, les enseignants, pour la plupart, avaient une faible scolarité et ne jouissaient pas de bonnes conditions de travail. Le gouvernement québécois venait alors de donner le coup d'envoi à la réforme du système de l'enseignement public. Cette réforme exigeait le recrutement rapide de tous ceux et celles qui étaient, à l'époque, en mesure d'enseigner. Dans ce contexte, il fut convenu que le perfectionnement des enseignants serait lié au salaire de ceux-ci, afin que cette incitation matérielle contribue à relever rapidement le niveau de scolarité du personnel enseignant. Cette politique fit l'affaire des universités qui y trouvèrent une clientèle générant un fort volume de formation, à un coût assez bas, compte tenu des subventions que les universités retiraient, d'autre part.

Ainsi, un peu tout le monde y trouva son compte. Les enseignants rehaussaient leur scolarité et amélioraient leur situation matérielle, le gouvernement amenait les enseignants à se conformer aux normes qu'il avait lui-même édictées pour pratiquer l'enseignement, et les universités voyaient grossir une clientèle qui déclenchait la mécanique des subventions gouvernementales. La situation du perfectionnement des maîtres est-elle la même en 1982 qu'au début des années 60? Le système actuel du perfectionnement des « maîtres » doit-il continuer à fonctionner de la même façon ? Ces questions ne sont pas sans lien avec l'éducation des adultes.

En effet, l'orientation et le contenu du perfectionnement des enseignants de l'enseignement régulier ne sont pas sans effet sur l'éducation des adultes, puisque c'est là que l'on forme les futures générations de ceux et celles qui utiliseront l'éducation des adultes, sous toutes ses formes. De plus, selon une étude récente(41), un peu plus de 30% du personnel enseignant des niveaux primaire et secondaire, privé et public, déclarent avoir donné des cours aux adultes, occasionnellement, souvent ou très souvent. Cette proportion est plus élevée chez les enseignants (49%) que chez les enseignantes (20%), chez les enseignants du secondaire (41%) que chez ceux du primaire (16%), et notamment encore plus chez les enseignants du secondaire professionnel (55%).

Ces résultats laissent entendre qu'il existe plusieurs incursions des enseignants du secteur régulier du côté de l'éducation des adultes afin d'y trouver un revenu d'appoint. Ce phénomène est sûrement appelé à prendre de l'ampleur au cours des prochaines années, si l'on tient compte des mises en disponibilité des enseignants de l'enseignement régulier à la suite des compressions budgétaires et de la baisse démographique. La Commission ne peut donc rester indifférente devant le type de formation et de perfectionnement que reçoivent les enseignants du primaire et du secondaire. D'une part, ils forment les futurs adultes du Québec et, d'autre part, le va-et-vient entre l'enseignement régulier et l'éducation des adultes existe déjà de fait et est appelé à s'accentuer dans les années à venir.

4.4.5.1 La situation scolaire des enseignants

Avant de parler de perfectionnement des enseignants, il est important de situer ceux-ci par rapport à leur formation initiale et des normes qu'ils doivent rencontrer pour pratiquer leur propre métier.

En 1980, une étude commanditée par la Direction du Service de la recherche du ministère de l'Éducation évaluait à 26% la proportion du personnel enseignant des niveaux primaire et secondaire, privé et public, ayant 14 années de scolarité ou moins reconnues officiellement pour des fins de traitement. Dans le secteur de l'enseignement privé, cette proportion n'était que de 7%. Si seulement 16% des enseignants du niveau secondaire public avait 14 années et moins de scolarité officiellement reconnues, par contre, cette proportion atteignait 31% chez les enseignants de l'enseignement professionnel au secondaire, 37% chez l'ensemble des enseignants du niveau primaire et notamment 41% chez les enseignantes de ce niveau. En comparant les données à des études antérieures, on peut remarquer un accroissement sensible de la scolarité officielle des enseignants; l'étude n'en concluait pas moins à la persistance d'écarts substantiels, en ce domaine, entre les hommes et les femmes, et entre le personnel des niveaux primaire et secondaire.

De plus, l'étude estimait à 19% les enseignants des niveaux primaire et secondaire, privé et public, rejoints par l'enquête, qui auraient été dé classifiés ou décertifiés: 10% auraient été déclassifiés, 7% auraient été décertifiés et 2% auraient été à la fois décertifiés et déclassifiés. Le ministère de l'Éducation se réservant le droit de hausser ou de transformer ses exigences sur le plan de la certification, signifie, pour les enseignants, une obligation de se recycler, de changer de fonction ou de secteur d'enseignement quand de telles normes sont émises par le ministère. Cette situation est pour le moins unique et arbitraire, si on la compare à d'autres situations professionnelles. Elle devrait cesser.

L'effet combiné de ces deux phénomènes, à savoir la formation initiale et l'évolution des exigences de travail, laisse entendre que, même en 1981, une bonne partie du personnel enseignant a encore du rattrapage personnel ou normatif à faire. Toute mesure prise vis-à-vis du perfectionnement des enseignants ne peut faire abstraction des correctifs qu'il faut apporter à de telles réalités,

4.4.5.2 Le perfectionnement des enseignants, quelques chiffres

En 1979-1980, le personnel enseignant régulier des commissions scolaires (71 000) et des collèges (9 400) représentait environ 80 000 employés.

Source: Ministère de l'Education, Direction du développement des personnels, Service général des personnels des organismes d'enseignement, Perfectionnement du personnel des organismes d'enseignement 1975-1976 à 1979-1980. Description des activités et coûts, septembre 1980, p. 4, miméo

En 1980-1981, il y avait environ 16 400 enseignants des niveaux primaire, secondaire et collégial inscrits à l'université aux fins de perfectionnement(42), dans les programmes de perfectionnement des « maîtres ». Plus de 80% de ces enseignants provenaient des niveaux primaire et secondaire. L'Université du Québec et ses constituantes dispensaient de la formation à plus de 50% de cette clientèle. C'est donc environ le quart du personnel enseignant des niveaux primaire, secondaire et collégial réuni qui assistait à des cours universitaires à temps partiel en 1980-1981, sans allégement de tâche. Fait à noter, cette proportion est sensiblement la même que celle que la Commission d'étude sur les universités avançait dans son rapport(43), à partir de données datant de 1975-1976. Il semble donc y avoir eu, au cours de ces années, une présence constante et régulière de près d'un enseignant sur quatre à des cours de perfectionnement à l'université. Autre fait à noter, ces chiffres ne rendent pas compte du perfectionnement des enseignants hors des programmes de perfectionnement des « maîtres ». Cette formation dans la majorité des cas s'ajoutant à la tâche régulière.

L'évaluation la plus récente des coûts de ce perfectionnement est disponible pour l'année 1979-1980. Cette année-là, environ 50 000 000$ ont été dépensés au chapitre du perfectionnement pour les enseignants des niveaux primaire, secondaire, collégial. De ce montant, on estimait à 15 000 000$ les sommes affectées par les universités au perfectionnement des « maîtres » (ce qui ne comprend évidemment pas les sommes affectées aux enseignants qui se perfectionnent dans d'autres programmes). Divers organismes oeuvrant aux niveaux primaire, secondaire et collégial, assumaient donc des dépenses d'environ 35 000 000 $ au chapitre du perfectionnement des enseignants. De ces 35 000 000 $, qui représentent plusieurs enveloppes budgétaires, il faut prélever un montant de l'ordre de 2 800 000$ alloué au développement pédagogique de l'éducation des adultes, si l'on veut connaître les montants affectés au perfectionnement des enseignants du secteur régulier des niveaux primaire, secondaire et collégial, c'est-à-dire, environ 32 000 000$.

Ce montant de 32 000 000$ se décomposait ainsi: environ 30 000 000$(44) étaient alloués au seul perfectionnement des enseignants des niveaux primaire et secondaire, et un peu plus de 2 000 000 $, aux enseignants du niveau collégial. À leur tour, ces montants se divisaient de la façon suivante: des 30 000 000 $ alloués au perfectionnement des enseignants réguliers des commissions scolaires, environ 10 000 000$ représentaient les montants issus de l'application de la convention collective des enseignants, et 19 800 000$, les montants provenant de projets requérant une approbation spécifique; pour les enseignants du collégial, ces montants étaient approximativement de 1 300 000 $ et de 890 000 $(45).

Une évaluation des fonds publics affectés au perfectionnement des enseignants ne serait pas complète si l'on ne tenait pas compte de certains coûts indirects. Ainsi, même si les coûts du perfectionnement sont assumés par l'employeur, les enseignants du primaire, du secondaire et du collégial peuvent, par surcroît, en accumulant les crédits de leur perfectionnement, augmenter leur scolarité officiellement reconnue et progresser dans l'échelle salariale (basée sur la scolarité acquise et sur l'expérience), à partir du moment où ils ont dépassé la scolarité qu'il leur faut afin d'être légalement qualifiés pour enseigner à leur niveau scolaire.

Pour avoir une idée du coût que représente une telle mesure, nous avons retenu certains indices que l'on retrouve dans diverses études(46) portant sur les enseignants des commissions scolaires. Ainsi, si l'on retient que le personnel enseignant a, en moyenne, plus de 11 années d'expérience dans l'enseignement(47), que la scolarité reconnue pour des fins de traitement de l'ensemble du personnel enseignant semble progresser de 0,10(48) année par année salariale, à partir d'une moyenne de 15 années de scolarité, et que 71% des gains acquis dans la scolarité semblent attribuables au perfectionnement des maîtres en exercice (49), nous pouvons projeter, à partir des échelles salariales en vigueur pour l'année 1980-81, une augmentation de la masse salariale annuelle des 71 000 enseignants du primaire et du secondaire qui serait de l'ordre de 10 000 000$ attribuable au seul perfectionnement déjà financé par des fonds publics. Cet estimé est fort probablement en dessous de la réalité (50), compte tenu que les indices retenus, notamment l'expérience moyenne et le taux annuel de progression de la scolarité, ont été évalués à la baisse et que nous n'avons pas pu, faute d'indices, faire les mêmes calculs en ce qui concerne les enseignants du collégial. Par contre, il ne faut pas oublier que le ministère de l'Éducation peut, en édictant de nouvelles normes et en calculant la scolarité de façon différente, imposer de plus fortes exigences de scolarité, forçant ainsi les enseignants à retourner sur les bancs de l'école.

Parmi les autres coûts indirects, il faut noter que près de 30% des gains acquis dans la scolarité des enseignants aux niveaux primaire et secondaire proviennent de projets de perfectionnement qui émanent des enseignants eux-mêmes. Le coût de l'avancement salarial de ces enseignants s'évaluerait, selon les mêmes calculs effectués plus haut, à environ 4 000 000$. De plus, il faut tenir compte du fait que ces enseignants peuvent à leur tour déduire de leurs déclarations d'impôt les frais de scolarité encourus pour un tel perfectionnement non remboursé par l'employeur. Une étude fiscale15 (51) évaluait que pour un enseignant dont le revenu se situait entre 15 000 $ et 25 000 $, l'avantage fiscal moyen de cette mesure, en 1976, était de 50 $ par personne inscrite. La même étude précise qu'en 1976, 31 283 contribuables « enseignants » de tous les niveaux ont bénéficié d'un tel dégrèvement d'impôt. Le nombre total d'enseignants ayant bénéficié d'un avantage fiscal moyen de 50 $ à l'impôt provincial, propre à leur classe de revenus, nous permet d'estimer à environ 1 500 000 $ le coût d'une telle mesure au Trésor québécois. La plus grande part de ce dégrèvement fiscal bénéficierait aux enseignants des niveaux primaire, secondaire et collégial, compte tenu du fait qu'ils représentent environ 70% des 116 545 contribuables québécois qui ont déclaré l'enseignement comme principale occupation en 1976.

C'est donc, au bas mot, entre 60 000 000 $ et 70 000 000 $ qui sont injectés par les fonds publics, chaque année, dans le perfectionnement des enseignants. De 20 à 25% de ces sommes seraient consacrées à la seule fin de la promotion salariale des enseignants. Ces efforts financiers importants qu'il faut resituer en fonction du contexte historique des années 60 et des normes d'enseignement dont le M.E.Q. use à sa guise, méritent que l'on examine maintenant, dans une perspective d'éducation permanente, l'impact qualitatif de ce perfectionnement.

4.4.5.3 L'impact qualitatif du perfectionnement des enseignants

Le jugement des enseignants à l'égard de leur perfectionnement, voire même de leur formation initiale, est, dans l'ensemble, assez sévère. C'est du moins ce que laissent entendre deux études portant sur la problématique de la formation et du perfectionnement des enseignants(52).

La majorité des enseignants rejoints par ces études déclarent que la formation et le perfectionnement ne constituent pas plus un facteur de succès dans l'accomplissement de leur tâche que ne l'est l'expérience qu'ils ont eux-mêmes connue en tant qu'élève. Ce qui contribue à leur succès, selon eux, ce sont des facteurs tels que les aptitudes, les talents en général, les dons naturels, ou encore l'expérience acquise en classe auprès des élèves, les efforts personnels qu'ils mettent à préparer ou à organiser leur travail, ou les échanges dont ils profitent avec d'autres collègues, des directeurs et d'autres professionnels de l'enseignement. L'expérience de travail dans d'autres domaines que l'enseignement est un facteur qu'apprécient également ceux qui ont connu une telle expérience.

S'ils admettent que la formation et le perfectionnement leur ont permis d'acquérir des connaissances relatives à l'enfant, les enseignants sont beaucoup plus hésitants quant aux capacités qu'ils ont acquises sur le plan de l'organisation de l'enseignement et ont une piètre opinion quant aux capacités qu'ils ont développées sur le plan des relations humaines et concernant l'acquisition de connaissances relatives à l'environnement scolaire. De plus, la majorité des enseignants projettent une image plutôt négative de leurs expériences de perfectionnement à l'université.

Si les enseignants hésitent assez fortement à dissocier rémunération et scolarité, il n'en demeure pas moins qu'une proportion substantielle du personnel enseignant serait disposée à participer à des activités de perfectionnement non créditées. Ils souhaiteraient que ce perfectionnement soit organisé par de petits groupes de professeurs d'une même école à partir des besoins identifiés par eux.

Ces quelques résultats fragmentaires d'études portant sur la formation et le perfectionnement des enseignants indiquent qu'il existe une profonde insatisfaction des premiers concernés, les enseignants, à l'égard de la formation et du perfectionnement tels qu'ils existent présentement. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a lieu de rechercher une solution à ce problème ailleurs qu'autour d'une amélioration du statu quo.

Les programmes de perfectionnement conçus par le M.E.Q. ont toujours été très longs et très lourds, avec des exigences plus ou moins pertinentes, et comportaient de difficiles possibilités d'alternances travail-étude. Il n'a jamais été démontré, qu'au-delà d'un certain seuil de scolarisation, il y avait un lien de causalité entre l'augmentation de la scolarité et la compétence professionnelle des enseignants. Dans cette optique, nous croyons plus important d'associer la formation et le perfectionnement des enseignants au vécu et à la tâche de ceux-ci, en faisant de ces moments une occasion de mettre en relation la théorie et la pratique de l'enseignement et surtout en les situant au coeur même de leur propre perfectionnement.

Si la formation initiale devrait encore relever de l'université, en tant que maître d'oeuvre, par contre, le perfectionnement devrait relever des établissements scolaires. Ce sont les comités de formation des organismes qui seraient, dans un tel contexte, définisseurs des besoins de perfectionnement propres au milieu. Cette approche implique qu'il ne peut y avoir un lieu de formation possédant, de fait ou de droit, le monopole des activités de perfectionnement, créditées ou non. Ce serait les comités des organismes qui procéderaient à l'analyse des besoins et verraient à l'articulation de ceux-ci avec les différentes catégories de ressources, d'institutions et de projets.

Par ailleurs, afin de ne pas pénaliser ceux et celles qui ont un rattrapage personnel ou normatif à faire, la Commission croit que, dans un esprit d'équité, tout doit être mis en oeuvre afin de réduire les inégalités. Elle recommande aussi que les enseignants, une fois qu'ils ont satisfait aux exigences formelles de la profession, aient un droit de pratique du début à la fin de leur carrière et que l'on cesse de les déqualifier.

La Commission croit aussi qu'il faut continuer à encourager les enseignants qui désirent se perfectionner en voulant poursuivre une scolarité pertinente à leur emploi, par exemple, en remboursant les coûts de leur scolarité. Cependant, la Commission considère qu'il n'y a pas lieu d'associer ce perfectionnement à la promotion salariale des enseignants. Les montants ainsi dégagés pourraient être affectés à des catégories sociales qui ont peu bénéficié des ressources éducatives.

Dans l'ensemble, les enseignants auraient donc droit, en matière de perfectionnement, au même système prévalant pour les adultes en général, c'est-à-dire à deux types de formation (académique et par projet) avec le passage de l'un à l'autre via la reconnaissance des acquis. Ces formations pourraient se dérouler en divers lieux, de diverses façons, et impliquer plusieurs organismes ou ressources éducatives en fonction des besoins de formation.

Étant donné que les transformations de l'Image et des pratiques en éducation des adultes sont intimement reliées, à la fois au décloisonnement, à la reconnaissance des acquis, à la déscolarisation et au rôle des éducateurs d'adultes, la Commission a jugé bon de regrouper, en un seul bloc, les recommandations concernant ces sujets. On retrouvera les recommandations relatives aux services d'accueil et de référence à la fin du chapitre 6.2.

Recommandations

La Commission recommande :

Le décloisonnement de l'éducation des adultes

  1. Qu'afin de favoriser le décloisonnement des apprentissages, l'on parte non pas des disciplines mais des situations de vie et de travail des adultes, des problèmes qu'ils rencontrent et de l'évolution de leur cycle de vie, pour élaborer des activités d'apprentissage.
  2. Que l'on cesse de considérer chaque discipline comme une« île » et que l'on vise à des approches transdisciplinaires.
  3. Que l'on favorise les projets éducatifs qui utilisent l'expérience et les savoirs des adultes, pour les relier aux théories existantes sur un sujet donné.
  4. Que l'on examine, en tenant compte des exigences du processus de développement intellectuel, des choix des individus, de l'évolution des savoirs et des transformations sociales, les  modes  actuels  de  structuration des programmes et des contenus, dans l'optique de l'assouplissement des programmes, de l'ouverture des systèmes d'apprentissage et de l'obtention de diplômes par étape.
  5. Que l'on fasse l'examen critique de la stratification des savoirs par niveaux, en éliminant, dans toute la mesure du possible, les aspects arbitraires de ce système.
  6. Que, dans une perspective de décloisonnement, les contenus de formation dispensés soient pertinents, qu'ils comprennent, à cet effet, et à des degrés divers selon les activités, les apprentissages de base, l'apprentissage de l'autodidaxie, une formation civique et sociale, une initiation au droit du travail, une  initiation  à l'esprit scientifique et une formation à la solidarité internationale.
  7. Que le système de « crédits d'éducation continue » que nous proposons permette d'avoir accès  à tous les  niveaux d'enseignement.
  8. Que l'on retienne les termes de formation « académique »et de formation « par projet » pour caractériser les deux grands secteurs de la formation offerte aux adultes.
  9. Que, dans le cadre de la formation « académique », on assure une révision des programmes, afin qu'un assouplissement de leurs structures permette aux usagers de les adapter à leurs objectifs personnels, sans contrevenir aux objectifs généraux de ces programmes.
  10. Que, dans le cadre de la formation « académique », on assure l'accès à des programmes d'études secondaires (D.E.S.),collégiales (D.E.C.) et universitaire (BACC.) de type général, sans concentration, dont le choix de contenus sera sous la responsabilité de l'adulte.
  11. Que   l'on   reconnaisse   le   rôle   de   la   formation   préuniversitaire au niveau collégial, et qu'à cette fin on réduise au minimum les cours d'introduction au niveau du premier cycleuniversitaire;  qu'en conséquence,  l'on procède aux rajustements des programmes du premier cycle.
  12. Que la politique globale de l'éducation des adultes favorise avec vigueur le développement du champ de la formation par projet
  13. Que l'on retienne le terme de « formation reliée à l'emploi » pour désigner la formation jusqu'ici appelée professionnelle.
  14. Que l'on permette aux usagers et aux groupes de puiser, suivant leurs besoins, dans les contenus aussi bien techniques que généraux.
  15. Qu'obligation soit faite aux différents niveaux d'enseignement de participer à la concertation régionale et locale concernant la gamme des activités à offrir particulièrement aux individus et aux groupes et sur le partage des mandats, en tenant compte des critères suivants:
    • expertise des niveaux et des organismes ;
    • ressources humaines et physiques en place ;
    • coût des activités ;
    • axes de développement des institutions en place ;
    • complémentarité interinstitutionnelle.
  16. Que  l'organisme  régional  fixe  des  échéances  à cette concertation et, qu'en cas de litige, il tranche lui-même la question.
  17. Que les adultes puissent participer simultanément à des activités de formation dans plusieurs lieux de formation; en conséquence,    que   l'on   élargisse   l'actuelle   politique   des« commandites » interinstitutionnelles.
  18. Que, dans tous les programmes de formation reliée à l'emploi, l'on assure l'acquisition de connaissances et d'« habiletés » techniques et générales organiquement liées, comprenant des connaissances économiques du secteur d'activité et une initiation aux méthodes d'organisation et aux lois du travail.
  19. Que, dans la détermination des contenus de formation, les multiples intervenants soient encouragés à donner une place significative aux réalités internationales.
  20. Que l'organisme central d'éducation des adultes se préoccupe du développement de l'éducation interculturelle au Québec:
    • par une éducation interculturelle de masse ;
    • par. une sensibilisation aux valeurs de toutes les cultures qui se trouvent au Québec ;
    • en encourageant le perfectionnement d'enseignants, de professionnels et d'animateurs dans ce domaine;

La reconnaissance des acquis...

A) La formation « académique »

  1. Que soient accrues les pratiques d'admission visant à abolir les barrières artificielles et discriminatoires entre les différents secteurs et les niveaux d'enseignement, de façon à permettre à chacun
    • de s'orienter vers un métier ou une profession,  tout en conservant la possibilité de poursuivre des études ultérieures ;
    • d'entreprendre des études supérieures, sans avoir nécessairement suivi le curriculum des niveaux précédents.
  2. Que les critères de participation aux activités et aux programmes  des  divers  organismes   publics  d'enseignement soient définis en fonction des motivations, des aptitudes, des connaissances et de l'expérience acquises, et non en fonction de la seule scolarité antérieure.
  3. Que soit assuré, à toute personne n'étant plus soumise à la fréquentation scolaire obligatoire au Québec, et qui a interrompu ses études à temps plein depuis au moins un an, le droit, sous certaines conditions, à une admission à des programmes de formation incluant ceux menant à des diplômes; que l'on ait souci, dans ces cas, de ne maintenir que les préalables essentiels.
  4. Qu'en conséquence, pour faciliter la démarche de l'adulte, les organismes publics d'enseignement, avec l'appui de l'organisme central responsable de l'éducation des adultes, établissent le  diagnostic  des  préalables  essentiels,  exprimés  autrement qu'en termes de cours ou de niveaux; qu'ils conçoivent, au besoin, des outils simples permettant de vérifier les aptitudes et es connaissances requises.
  5. Que, dans ce contexte, des activités d'ajustement ou de mise à jour soient offertes aux adultes qui en ont besoin, en collaboration avec les autres partenaires institutionnels de la région.
  6. Que, dans tous les cas, l'adulte qui sollicite son admission soit clairement informé, s'il y a lieu,
    • des motifs du refus de son admission;
    • des motifs justifiant la reconnaissance ou le refus des acquis ;
    • des préalables qu'on lui suggère;
    • des conditions supplémentaires imposées à son admission.

B) La reconnaissance par équivalence de niveaux de formation

  1. Que l'on reconnaisse le fait que le bagage académique des personnes qui ont quitté l'école s'enrichit par l'observation, l'expérience, l'étude, les lectures personnelles, les échanges et les contacts avec les individus et le milieu.
  2. Qu'on explore et développe les pratiques permettant à l'adulte qui désire entreprendre un programme de formation« académique » de faire reconnaître ses acquis d'expérience à es fins d'admission et d'équivalences.
  3. Que l'on évalue le niveau de développement général de l'adulte à l'aide de tests qui mesurent ses acquis en mettant l'accent sur les « habiletés » intellectuelles de compréhension, de raisonnement, de jugement et de généralisation, plutôt que sur les contenus très particuliers et détaillés des programmes de cours « académiques ».
  4. Qu'à cet effet, soit mis en place un Service d'émission de diplômes par équivalences (en tenant compte de la récente pratique  québécoise permettant l'obtention d'une  attestation d'équivalences de scolarité) permettant aux adultes l'accès à une reconnaissance officielle d'une scolarité équivalente à celle du diplôme d'études secondaires général; que cet accès soit progressivement élargi au diplôme d'études collégiales général et au baccalauréat général.
  5. Que ce Service assure l'élaboration et la validation des tests nécessaires afin d'assurer la reconnaissance sociale du diplôme délivré.
  6. Que le diplôme délivré par ce Service soit l'équivalent, ou le même, que celui délivré à la suite d'un stage de formation;qu'il offre, en conséquence, les mêmes avantages pour des fins d'embauché, de promotion, de qualification et d'admission au niveau d'un palier supérieur d'enseignement.
  7. Qu'il y ait concordance entre les acquis à évaluer par ce système d'équivalences et les objectifs poursuivis par la mission de formation de base préconisée dans le cadre de cette politique.
  8. Que les centres régionaux (C.R.É.A.) soient accrédités pour l'administration des tests.
  9. Que les  centres régionaux proposés fassent largement connaître l'existence de ce service au grand public, aux entreprises et aux établissements d'enseignement.

C) La reconnaissance des acquis d'une unité de formation

  1. Que, sous aucun prétexte, l'adulte n'ait à répéter, dans un programme de formation, une unité de formation qu'il a déjà acquise et, en conséquence,
    • que les objectifs terminaux d'un programme ne s'expriment pas en quantité de temps passé à apprendre, mais en apprentissages effectués;
    • que les organismes d'enseignement soient obligés de reconnaître les acquis reconnus par les autres organismes d'enseignement, quel qu'en soit le niveau.
  2. Que, dans ce contexte, les pratiques d'équivalences se développent et qu'elles s'appliquent, lorsque les objectifs d'une unité de formation ont été atteints dans une ou plusieurs unités de formation combinées, déjà réalisées par l'adulte.
  3. Que, dans ce contexte, l'on élabore un tableau d'équivalences intra et inter-niveaux continuellement « enrichi » des équivalences établies à la demande des adultes, dans les organismes d'enseignement; que l'organisme central responsable de l'éducation des adultes assure la mise à jour et la diffusion de ce tableau d'équivalences.
  4. Que, en aucun cas, l'on n'impose à l'adulte une activité dans un programme de formation, quand son expérience sociale, personnelle et professionnelle peut y suppléer.
  5. En conséquence, que les pratiques « d'accréditation » par examen se développent dans les organismes d'enseignement, pour les unités de formation qui font l'objet, de la part des adultes, de demandes d'équivalences d'expériences.
  6. Que la modification d'un programme terminal n'invalide en  aucun  cas  le diplôme  antérieurement obtenu pour ledit programme; et que ces modifications n'entraînent pas un prolongement du programme poursuivi.

La formation par projet

  1. Que soit instauré le « crédit d'éducation continue » comme moyen de reconnaissance des unités de formation capitalisées par un adulte ou un groupe d'adultes dans un cadre « hors-programme standardisé ».
  2. Que le « crédit d'éducation continue » ne soit pas qualifié en fonction du niveau scolaire ou du lieu de formation où il s'est réalisé, afin de permettre l'utilisation la plus adéquate possible des ressources régionales.
  3. Que le crédit d'éducation continue corresponde à l'atteinte d'objectifs de formation généralement réalisés en quinze (15)heures d'activités éducatives (voir la définition de l'activité éducative).
  4. Que, si l'adulte, ayant capitalisé des crédits d'éducation continue dans des situations d'apprentissages ponctuelles et adhoc, entreprend un programme de formation « académique », il se voie automatiquement reconnu, par équivalences, les unités de formation pour lesquelles il a obtenu des crédits éducation continue
  5. Que les activités éducatives réalisées dans le cadre de la formation par projet soient reconnues sous la forme de « crédits d'éducation continue ».
  6. Que les activités de formation réalisées dans une entreprise, sous l'égide du comité de formation, fassent aussi l'objet d'une reconnaissance sous la forme de « crédits éducation continue », et que le comité de formation s'assure, à cette fin, la collaboration d'un organisme d'enseignement désigné par le C.R.É.A., dans le cadre d'une entente de reconnaissance des acquis
  7. Que, dans tous les cas où un comité de formation dans une entreprise désire obtenir la reconnaissance sous la forme de« crédits d'éducation continue »,  il recoure à un organisme public d'enseignement agissant au nom de l'organisme régional, dans le cadre d'une entente de reconnaissance des acquis.
  8. Que,  dans tous les cas où un organisme d'éducation populaire désire obtenir la reconnaissance sous forme de « crédit d'éducation continue », il s'assure la collaboration d'un organisme public d'enseignement désigné par le C.R.É.A.,dans le cadre d'une entente de reconnaissance des acquis par le truchement des services à la collectivité de l'organisme.
  9. Que l'évaluation et la reconnaissance des apprentissages sous forme d'un « crédit d'éducation continue » soient faites par l'organisme d'enseignement dispensant l'activité; et que l'attestation officielle du crédit d'éducation soit délivrée au nom du C.R.É.A. et reconnue par l'organisme central.

Pour la mise en oeuvre des recommandations précédentes

  1. Que l'on étudie les façons de reconnaître, sous la forme de crédits ou autrement, les acquis des bénévoles, l'expérience et les connaissances acquises par les femmes dans la gestion de leur foyer, afin de faciliter leur inscription à des programmes de formation.
  2. Que l'organisme central mette au point les outils nécessaires à la reconnaissance des acquis d'expérience en y associant les intéressés: monde du travail, monde scolaire, monde de la vie associative, de la vie sociale et culturelle.
  3. Que soit mis en place, au sein de l'organisme central responsable de l'éducation des adultes, un service de reconnaissance des acquis.
  4. Que l'organisme central:
    • assure les services d'émission de diplôme par équivalences;
    • assume la mise en place, la mise à jour, et la diffusion d'un tableau d'équivalences intra et interniveaux;
    • poursuive les recherches sur la reconnaissance des acquis d'expérience;
    • attribue des « crédits d'éducation continue » ;
    • garantisse les droits des adultes liés à la reconnaissance des acquis ;
    • assure des mécanismes de recours pour les adultes lésés ;
    • charge les centres régionaux et les organismes d'enseignement d'assurer ces fonctions en lien direct avec les usagers.

La transformation des pratiques pédagogiques

  1. Que les établissements publics dispensant de l'éducation aux adultes fassent l'examen critique de leurs pratiques pédagogiques  et les  modifient à la lumière des  orientations,  des objectifs et des priorités proposés par la présente politique de l'éducation des adultes.
  2. Que les établissements d'enseignement secondaire et collégial soumettent annuellement au C.R.E.A. un rapport d'activités décrivant les actions entreprises visant la transformation des pratiques souhaitée.
  3. Que les universités soumettent annuellement à l'organisme central un rapport d'activités décrivant les actions entreprises visant la transformation des pratiques souhaitée.

Les services à la collectivité

  1. Que les services à la collectivité des diverses institutions scolaires soient définis comme une dimension fondamentale de leur mission, comme soutien aux activités des organismes de promotion collective, et que cette mission soit officiellement inscrite dans le mandat de toutes les institutions scolaires.
  2. Que cette mission comprenne les dimensions suivantes:prêt de personnel en termes d'analyse de besoins, d'élaboration de contenus, d'enseignement, de consultation ou de recherche;prêt d'équipement et de locaux; support technique; entente de reconnaissance des acquis.
  3. Que les activités réalisées dans le cadre de cette mission, par des professeurs et d'autres « personnels », soient considérées comme faisant partie de la tâche normale de ces employés, selon des modalités à définir.
  4. Que les rapports entre les institutions scolaires et les organismes de promotion collective, dans le cadre de la mission des services à la collectivité, soient définis dans la perspective d'une relation entre partenaires égaux, et formalisés chaque fois qu’il est utile de le faire. À titre d'exemple, la Commission suggère :
    • soit la signature de lettres d'entente ou de protocoles entre les deux  parties,  définissant les modes de fonctionnement,  les ressources disponibles et les règles de décision ;
    • soit la mise en place d'une commission régionale pour les services aux groupes où, d'égal à égal, les institutions scolaires et les organismes d'éducation populaire définiront leurs besoins et les mécanismes appropriés, en vue de l'accomplissement de cette responsabilité.
  5. Que chaque institution éducative, à la lumière de l'expérience acquise, prévoie, en concertation avec les organismes de promotion collective intéressés, la disponibilité d'une personne dont la responsabilité soit de faire le lien entre les besoins du milieu  véhiculés  par ces mouvements et les ressources du milieu institutionnel. Que cette personne soit la responsable institutionnelle de cette mission. De plus, qu'elle ait la responsabilité d'assurer l'utilisation maximale des équipements à vocation communautaire, sous forme d'ententes avec les organismes du milieu, et qu'elle siège à la commission régionale de la vie associative.

Les services au monde du travail

  1. Que les services au monde du travail des diverses institutions scolaires soient définis comme une dimension fondamentale de leur vocation, comme soutien et complémentarité aux activités de formation dans les entreprises.
  2. Que cette mission constitue une ressource de consultation et de soutien disponible pour les comités de formation dans les entreprises au niveau de l'analyse de besoins, de l'élaboration des programmes, de la formation, de l'assistance pédagogique, de l'évaluation et de la reconnaissance des acquis.
  3. Que les institutions s'assurent qu'une personne effectue, à même ses fonctions, le lien entre les comités de formation et le milieu institutionnel.

La formation à distance

En vue de combler les lacunes au plan de l'accès physique, géographique ou psychosociologique, et pour assurer aux milliers d'adultes, qui le désirent ou qui ne peuvent pas le faire autrement, la possibilité de se former ou de se perfectionner à domicile,

  1. Qu'une place soit faite à la formation à distance dans le système public d'éducation; que soit pris en considération ce qui la distingue de la formation en institution, et qu'on tire profit de l'expérience accumulée en ce domaine au Québec.
  2. Que l'on reconnaisse cette forme d'intervention comme une réponse effective et valable à toute une gamme de besoins de formation; comme un moyen de faciliter l'accès à des ressources éducatives dont plusieurs seraient autrement privés, et de stimuler le développement de l'autodidaxie; comme une solution, pour un nombre croissant de personnes, aux problèmes et aux coûts liés aux déplacements.
  3. Que l'on veille au déploiement cohérent de la formation à distance, afin d'éviter qu'elle ne devienne l'enjeu de la concurrence interinstitutionnelle ou interniveaux, ou source de dépenses exagérées, notamment par le dédoublement d'activités ou de programmes éducatifs ou encore par un usage inconsidéré de la technologie éducative.
  4. Que l'on confie, en conséquence, à un seul intervenant, le mandat de la formation à distance sur l'entier du territoire québécois.
  5. Que l'organisme central de l'éducation des adultes, en collaboration étroite avec le C.F.D. (Centre de formation à distance), planifie et élabore les programmes à dispenser à distance.
  6. Que la formation à distance permette aux adultes qui s'engagent dans  un  cheminement « à distance » de choisir judicieusement leurs activités et de déterminer leur projet de formation; qu'elle fournisse les instruments nécessaires et assure les formes les' plus pertinentes d'encadrement, d'évaluation et de rétroaction,  en tenant compte du degré d'autonomie intellectuelle des adultes concernés.
  7. Que la formation dispensée à distance suscite des « habiletés » transférables: capacité de lecture, méthode de travail, esprit d'analyse, de synthèse, de critique; initie à différents champs du savoir: approches interdisciplinaires, contenus thématiques, études de cas, simulations, etc. ; prépare les adultes à des apprentissages plus poussés, plus spécialisés ou plus techniques.
  8. Que la formation à distance développe non seulement la capacité d'apprendre seul, mais aussi celle de repérer avec célérité la documentation et les ressources utiles à la formation ;que ses programmes soient ouverts pour permettre la pratique du « projet de formation ».
  9. Qu'elle permette l'accès, selon l'ampleur du projet de formation achevé, à un diplôme d'études secondaires ou collégiales ou de premier cycle universitaire.
  10. Qu'il soit possible aux adultes qui s'y engagent, d'avoir un cheminement trans-niveaux en fonction de l'envergure de leur projet de formation, ou encore, d'alterner ou de compléter leurs projets de formation en institution.
  11. Que le C.F.D. offre, dans un premier temps, un baccalauréat général, un diplôme d'études collégiales et un diplôme d'études secondaires général; cela n'excluant pas l'offre d'activités à la pièce, créditées ou non, de mini-programmes et de projets spéciaux.
  12. Que sa programmation s'enrichisse
    • de formations spécialisées, judicieusement choisies en étroite collaboration avec les milieux intéressés;
    • d'activités circonscrites, répondant à des besoins jugés prioritaires et visant un grand nombre de personnes; que cette dernière condition soit levée pour les activités destinées aux handicapés.
  13. Que, pour les apprentissages techniques, l'on conclue des ententes avec l'industrie locale, notamment dans les régions éloignées où l'équipement fait défaut dans les établissements éducatifs.
  14. Que l'on choisisse les supports techniques en fonction des objectifs poursuivis et de la nature des contenus transmis; que la présentation de la documentation matérielle ou audiovisuelle soit proportionnée à la « pérennité » des contenus; que l'on prévoie la mise à jour continue des documents utilisés et des instruments d'évaluation.
  15. Que l'inscription à la formation à distance confère aux étudiants le droit de bénéficier des mesures d'aide financière prévues pour les usagers de la formation en institution.
  16. En vue d'atteindre les objectifs ci-dessus recommandés, et pour assurer un développement ordonné de la formation à distance :
  17. Que soit créé, par une loi, un Centre de formation à distance (C.F.D.), à mandat national, à vocation secondaire et postsecondaire, excluant les études du deuxième et du troisième cycle; que ce centre intègre, en les transformant, les services de formation à distance existant actuellement: la Téléuniversité, la Direction des cours par correspondance du M.E.Q., et les récents services de formation à distance dont se sont dotés quelques cégeps.

  18. Que le C.F.D., relevant de l'organisme central et agissant en étroite collaboration fonctionnelle avec celui-ci, et, dont le statut sera autonome par rapport aux établissements éducatifs des réseaux,  assume la prise en charge de la formation à distance (publique) depuis l'inscription des étudiants jusqu'à l'obtention de leur diplôme: conception, production, dispensation et évaluation des activités ; compte tenu du mandat confié par l'organisme central, qu'il soit doté d'un conseil d'administration et d'un conseil des études ayant juridiction à la fois sur la programmation secondaire et postsecondaire.
  19. Que l'organisme central de l'éducation des adultes approuve les programmes de niveau secondaire et soumette à l'avis du conseil des collèges ou du Conseil des universités, selon le cas, les programmes dispensés par le C.F.D.
  20. Que l'analyse des besoins de formation à distance pour le développement de nouveaux programmes ou de nouvelles activités soit placée sous la responsabilité de l'organisme central;que celui-ci l'effectue principalement en étroite collaboration avec les C.R.É.A. décentralisés et également avec le C.F.D.qui  tire  profit  de  la rétroaction  acheminée  par les  agents d'encadrement.
  21. Que le C.F.D. soit subventionné par l'organisme central de l'éducation des adultes à qui il rend compte de ce qu'il fait.
  22. Que le Centre de formation à distance puisse confier, par voie d'entente, la réalisation de certaines activités à l'une ou l'autre des institutions du réseau ou encore déléguer certains de ses pouvoirs. Qu'il devienne alors l'organisme subventionnel des institutions.
  23. Que le Centre de formation à distance, à titre de service à la collectivité, prépare et fournisse, sur demande et en collaboration avec des organismes de promotion collective, la documentation ou l'instrumentation pédagogique pouvant être utile à la formation de grands groupes.
  24. Que l'organisme central de l'éducation des adultes accrédite les entreprises d'éducation à but lucratif ou institutions du secteur privé  intervenant à distance et approuve leurs programmes.
  25. Que le C.F.D. explore toute les possibilités de recourir aux ressources disponibles dans les bibliothèques privées, publiques ou scolaires lorsqu'il établit les bibliographies et choisit la documentation requise pour ses étudiants; qu'il informe les bibliothèques des projets de cours ou d'activités engagés et qu'il conclue avec elles les ententes nécessaires.
  26. Que, pour l'accès aux ouvrages de référence dans les régions éloignées,  le C.F.D.  examine systématiquement les possibilités de recourir aux bibliothèques centrales de prêts, de même qu'aux bibliobus.
  27. Que les fonctions d'information, voire de publicité, sur les possibilités offertes aux adultes par le C.F.D., ainsi que les services d'accueil et de référence nécessaires, soient du ressort des C.R.É.A.

L'autodidaxie

  1. Que les apprentissages menés par des autodidactes soient reconnus  comme  des  activités  éducatives  aussi  valables et nécessaires, au même titre que toutes autres formes d'activités éducatives entreprises à l'intérieur du système scolaire ou dans d'autres milieux de la société.
  2. Que le terme d'autodidacte ne désigne que les individus qui entreprennent, de leur propre chef et hors de tout milieu institutionnel, des apprentissages qu'ils ont eux-mêmes définis. Qu'un effort soit fait afin de trouver les termes convenables qui désignent ceux qui participent à diverses expériences et à divers régimes individualisés et personnalisés d'enseignement en milieu institutionnel ou dans le cadre de la formation à distance.
  3. Que les personnes qui ont acquis une compétence dans certaines sphères du savoir puissent se présenter à tout examen officiel offert par une institution, une corporation professionnelle ou tout autre organisme qui sanctionne les apprentissages, afin de recevoir les crédits auxquels elles auraient droit. Le fait de les empêcher d'exercer ce droit serait jugé discriminatoire à leur endroit.
  4. Que les locaux et l'équipement pouvant être nécessaires à des groupes d'autodidactes leur soient facilement accessibles, sans que pour autant ces groupes se sentent redevables envers quiconque leur aura facilité cet accès.

La recherche en matière d'éducation des adultes

  1. En vue de stimuler le développement de la recherche en éducation des adultes,  à tous les niveaux et dans tous les organismes,
    • que l'on ajoute au programme gouvernemental F.C.A.C.(Formation de chercheurs et d'action concertée) un volet spécifiquement destiné à subventionner la recherche en ce domaine ;que les fonds nécessaires proviennent tant du ministère de l'Éducation que de l'organisme central responsable de l'éducation des adultes ;
    • qu'un comité indépendant évalue la recherche subventionnée.
  2. Que les chercheurs attachés à l'organisme central responsable de l'éducation des adultes
    • accordent au savoir d'expérience la place qui lui revient;
    • créent une banque de données, disponible pour la consultation,  répertoriant  l'ensemble  des  travaux  de recherche par repérage automatisé des titres ;
    • diffusent les résultats de leurs propres recherches et favorisent les échanges au plan international.
  3. Que l'I.N.R.S. — Éducation (Institut national de la recherche scientifique) fasse de la recherche dans le domaine de l'éducation des adultes une de ses priorités.
  4. Que les problèmes de recherche examinés recouvrent l'ensemble des lieux de pratique de l'éducation des adultes et qu'on associe étroitement des praticiens dans le domaine de l'éducation des adultes à la réalisation des projets de recherche retenus.
  5. Que les types de recherche, tout en étant variés, privilégient les modes d'investigation permettant le plus facilement la participation des usagers.
  6. Qu'en vue de former des chercheurs capables de transiger aussi bien avec le savoir scientifique qu'avec le savoir d'expérience, l'on prévoie pour eux des stages dans d'autres institutions ou dans le milieu.
  7. Qu'on assure le renouvellement des équipes de recherche, en procédant par détachements ou par affectations temporaires.
  8. Que l'organisme central responsable de l'éducation des adultes encourage, par des projets conjoints, la collaboration des chercheurs du secondaire, du collégial, de l'université ou des centres de recherche;
  9. la mise en commun des travaux de recherche ;
  10. la diffusion des résultats de cette recherche dans leur forme originale et dans une forme vulgarisée.

Les éducateurs d'adultes

Généralités

  1. Que les organismes publics d'enseignement dispensant des services éducatifs à la population adulte, transforment véritablement leurs pratiques administratives, « académiques » et pédagogiques en fonction du nombre grandissant d'étudiants adultes fréquentant ces organismes et en tenant compte de leur situation particulière.
  2. Que, dans la dynamique de cette transformation, les organismes publics d'enseignement dispensant les services éducatifs aux adultes prévoient l'engagement d'un certain nombre d'éducateurs d'adultes permanents, noyau stable à dimension variable,   selon  le  type  de  services  offerts  et la densité de  la population à qui offrir des services.
  3. Que le terme d'éducateur d'adultes s'applique aux personnes exerçant des fonctions pouvant varier avec les établissements et les lieux de formation (vie associative, entreprise, etc.)et définies en rapport avec des tâches aussi diverses que l'aide pédagogique individuelle, l'accueil, l'animation ou l'encadrement d'étudiants ou d'éducateurs « occasionnels »; l'enseignement, la fabrication de matériel didactique, la participation à la planification, à la supervision de stages, à l'organisation et au fonctionnement des activités éducatives, la recherche en éducation des adultes, la mise au point de systèmes d'apprentissage, l'élaboration d'instruments d'évaluation.
  4. Que soient précisés, en conséquence, lors de l'engagement de ces éducateurs, les limites et les moyens de la polyvalence attendue.
  5. Qu'en précisant le rôle des éducateurs d'adultes, les organismes éducatifs intéressés visent à créer une dynamique d'interaction entre  l'administration,  le corps professoral et ces éducateurs d'adultes,  plutôt qu'à consolider,  au nom de la division des tâches, l'exclusivisme de nouvelles spécialisations.
  6. Que soient établies, pour ces éducateurs d'adultes, une échelle de rémunération, des conditions de travail et des modalités d'engagement comparables à celles du corps professoral dit« régulier ».
  7. Que,  à l'emploi permanent de ce noyau d'éducateurs d'adultes, s'ajoutent des mesures visant à obtenir le concours de toute personne capable de participer, de façon occasionnelle, gracieuse ou rétribuée, à différentes activités d'éducation des adultes
  8. Que l'on encourage et stimule les prêts inter institutionnels d'éducateurs d'adultes permanents, de même que les échanges de  ces  personnels  entre  les  institutions,   l'entreprise  et  les milieux de travail.
  9. Que, dans l'optique d'une pédagogie de situation, l'on utilise, pour la formation ou le perfectionnement des éducateurs d’adultes, les ressources du milieu, en incluant, s'il en est besoin, celles de l'université.
  10. Qu'on encourage la tenue de colloques régionaux d'éducateurs d'adultes comme méthode systématique de diffusion des innovations pédagogiques.
  11. Que les programmes universitaires destinés à la formation des conseillers en orientation et des conseillers en information scolaire et professionnelle soient modifiés de façon à tenir compte du rôle grandissant d'information et d'orientation des adultes que les futurs praticiens devront exercer (accueil, référence).
  12. Que,  en utilisant les moyens  les plus  appropriés,  on encourage les contacts et les échanges entre des éducateurs d’adultes d'ici et des éducateurs d'autres pays, en vue d'enrichir nos pratiques éducatives et d'apporter notre collaboration aux recherches et expérimentations qui se font dans d'autres pays.

Disponibilité

  1. Que, sans leur accorder priorité sur les éducateurs d'adultes déjà en place, l'on propose aux enseignants du secondaire et du collégial en disponibilité d'assumer certaines activités pédagogiques destinées aux adultes.
  2. Que l'on soigne tout particulièrement la sélection des enseignants appelés à intervenir auprès des adultes et que on prévoie, le cas échéant, du perfectionnement en cours d'emploi, de façon à ce que les adultes ne soient pas pénalisés par des affectations arbitraires ou improvisées.

Les professeurs « réguliers »

  1. Que les organismes publics d'enseignement où les professeurs « réguliers » dispensent des activités auprès des adultes
    • incitent fortement ceux-ci à reviser leurs approches et à adapter leurs méthodes pédagogiques aux adultes à qui ils s'adressent;
    • associent le personnel enseignant régulier aux activités offertes, de façon à ce que les services offerts à ces derniers ne reposent pas essentiellement sur le personnel contractuel.
  2. Qu'à cette fin, des activités de perfectionnement soient offertes aux professeurs, prenant la forme d'une pédagogie de situation  (échanges,  ateliers,  équipes  interdisciplinaires),  de façon à accroître leur pertinence et leur efficacité auprès des adultes
  3. Que la motivation, l'intérêt et l'habileté à adapter les enseignements et à diversifier les approches pédagogiques pour les étudiants adultes soient des éléments dont on tienne compte au moment d'engager un professeur, de lui accorder une promotion ou de lui accorder la permanence.

Le corps professoral de l'université

  1. Qu'en conséquence, les politiques universitaires d'évaluation des corps professoraux soient modifiées de façon à respecter les critères énoncés dans la recommandation précédente, et que ceux-ci interviennent dans l'évaluation du rendement d'un professeur.
  2. Étant donné, entre autres, la proportion grandissante d'adultes fréquentant le premier cycle universitaire, que les universités revisent leur fonctionnement départemental ou facultaire(« ratio » de groupes d'étudiants, assignation des tâches d'enseignement et de recherche),  de façon à revaloriser la tâche d'enseignement du premier cycle.
  3. Que le corps professoral du réseau universitaire québécois soit associé à la révision de la tâche professorale et suggère les moyens  de  collaborer à  l'accueil  d'un plus  grand nombre d'étudiants adultes, de diversifier et d'accroître leur tâche en conséquence, d'assurer une plus grande disponibilité aux étudiants et, particulièrement, aux adultes.
  4. Que, dans le but d'accroître la disponibilité nécessaire aux adultes, et dans la foulée des travaux de la Commission étude sur les universités, le réseau des universités examine la possibilité:
    • de mobiliser de façon plus significative les ressources professorales les plus sollicitées par la consultation externe ;
    • d'équilibrer le partage des enseignements entre le personnel« régulier » et les chargés de cours.
  5. Que, dans le cadre de cette réforme et dans l'esprit de la Politique globale de l'éducation des adultes, l'on remette en cause le concept de professeur-chercheur sous-jacent au système actuel et en vertu duquel l'on ne tient pas toujours compte des  aptitudes  et des  intérêts  réels  des professeurs  lors  de l'affectation  des  tâches,  non plus  que  de  la diversité  des pratiques nouvelles qui se dessinent.

La formation initiale des maîtres

Bien que la formation initiale des maîtres ne fasse pas l'objet de son mandat, la Commission juge opportun de faire les recommandations suivantes, dans le contexte de l'éducation permanente.

  1. Que, dans l'esprit des recommandations de la Commission d'étude sur les universités, l'on recommande l'autonomie des universités en matière de programmes et de régimes pédagogiques pour la formation des futurs enseignants.
  2. En conséquence, que le processus d'approbation des programmes de formation des maîtres soit le même que celui des autres programmes universitaires.
  3. Que la définition des besoins de formation des maîtres soit le résultat de la collaboration des enseignants eux-mêmes, des universités et du ministère de l'Éducation.
  4. Qu'au terme d'un processus d'interaction entre le ministère de l'Éducation et les universités, le législateur reconnaisse les programmes de formation des enseignants donnant droit à la pratique.
  5. Que l'on certifie les enseignants, y compris les détenteurs d'anciens brevets, par l'émission d'un brevet unique et permanent.

Le perfectionnement des maîtres

  1. Que les instances intéressées favorisent la participation des enseignants à l'explicitation des objectifs, au déroulement et à l'évaluation des activités de perfectionnement par le biais de leur comité de formation.
  2. Que le Règlement no 5 sur la classification des maîtres soit modifié de façon à ce que le perfectionnement des maîtres, crédité ou non, ne soit pas du ressort exclusif des universités.
  3. Que le milieu scolaire développe, organise et évalue des activités de mise à jour pour les enseignants par l'entremise de leur comité de formation.
  4. Que, lors de l'émission de nouvelles directives touchant les programmes scolaires, le ministère de l'Éducation veille à ne pas alourdir le recyclage des enseignants, et prévoie des activités légères de perfectionnement, prenant pour acquise la transférabilité des habiletés didactiques de ces derniers.
  5. Étant donné
    • les efforts remarquables investis dans le perfectionnement des enseignants depuis plus d'une décade;
    • l'importance des besoins de formation dans d'autres secteurs de la population ;
    • les mesures incitatives pour encourager le perfectionnement de ce groupe-cible ;

La Commission recommande, à la majorité des voix,

Proposition minoritaire

Divergence d'opinion de monsieur Michel Blondin

Je reconnais, avec tous les commissaires, que le mode actuel de perfectionnement des enseignants est à réexaminer. Il faut que ceux-ci puissent tirer un meilleur profit des efforts qu'ils font en ce sens et que la société québécoise retire davantage des ressources qu'elle y investit.

Cependant, à mon avis, il n'appartient pas à une commission d'étude de se prononcer sur des aspects de cette question qui relève de la négociation collective. La mécanique de l'échelle salariale fait partie de ces objets à discuter à la table de négociation.

De plus, en ce qui regarde le deuxième alinéa de la recommandation, je considère que les enseignants et enseignantes ont un droit égal à celui des autres travailleurs à contrôler leur formation et leur perfectionnement à travers les comités de formation que nous proposons dans cet énoncé de politique globale de l'éducation des adultes. D'ailleurs la grande majorité des enseignants et enseignantes du primaire et du secondaire le font déjà en supplément de leur tâche régulière. Je considère que nous n'avons donc pas à nous prononcer sur les modalités de mise en oeuvre de ce perfectionnement.

  1. Que, pour réinstaurer un certain équilibre entre les différentes catégories d'enseignants, et étant donné les besoins de perfectionnement identifiés, les instances intéressées favorisent surtout le perfectionnement des enseignants et enseignantes du secteur dit « professionnel », de même que celui des enseignants et enseignantes du primaire.

Les éducateurs d'adultes des milieux non scolaires

  1. Que les employeurs de quelque secteur que ce soit (monde du travail,  de la vie associative,  sociale,  ou culturelle)  se soucient   du   perfectionnement   de   leurs   propres   éducateurs d’adultes
  2. Que les organismes publics d'éducation prévoient des activités de perfectionnement adaptées aux éducateurs d'adultes, tant occasionnels que réguliers, oeuvrant
    • dans le monde de la vie associative (bénévoles, ou permanents de ces organismes) ;
    • dans le monde de la vie culturelle (media, bibliothèques, musées, etc.);
    • dans le monde de la vie sociale (hôpitaux, C.L.S.C, etc.);
    • dans le monde du travail (formateurs en entreprise, etc.).

Notes

  1. Dans le cas de l'éducation à distance, il s'agit du tutorat.
  2. M. Bédard, Les enseignants à l'éducation des adultes dans les commissions scolaires 1979-1980, ministère de l'Education, D.G.E.A., mai 1981, p. 8. Nous avons arrondi les décimales à l'unité.
  3. Ibid., p. 15-18.
  4. Ibid., p. 28.
  5. Québec, ministère de l'Éducation, Direction générale de l'éducation des adultes, données informatiques, 19 mai 1981, mimée
  6. Source: Système des personnels des organismes collégiaux (S.P.O.C.), ministère de l'Éducation, 1981, mimée
  7. Source: Québec, ministère de l'Éducation, Direction générale de l'éducation des adultes, Contrôle budgétaire : budgétisation 1979-1980, réseau cégeps, 14 mai 1981,miméo.
  8. Commission  d'étude  sur  les  universités, Rapport,  comité de coordination, Québec, mai 1979, p. 52. Ces chiffres de 1976 n'ont probablement pas changé.
  9. En chiffres absolus cela représente 177 470 inscriptions formelles dont 84 528étudiants à temps plein et 92 942 à temps partiel.
  10. Source: Québec, ministère de l'Éducation, L'éducation au Québec, rapport des activités  du  ministère  de  l'Éducation   1979-1980,   Éditeur  officiel  du  Québec,4e trimestre 1980, p. 89; Registraire des universités, mimée
  11. Source: C.É.F.A., Sondage sur les pratiques de formation en entreprise.
  12. Le terme « ressource humaine » ne correspond pas strictement à ceux et celles qui sont dans une relation directe d'apprentissage (ex. : chef de département ou de services de formation). Cependant, nous n'avons pas, dans le cours du texte, retenu cette nuance car elle joue à la marge en général.
  13. Si ce chiffre peut paraître élevé pour plusieurs, signalons qu'Hydro-Québec, lors des audiences publiques tenues par la C.É.F.A., déclarait que 500 de ses employés se consacraient à plein temps à la formation, et que 3% de son budget d'exploitation était consacré aux fins de formation.
  14. Ce procédé de vente-formation serait même en voie de modifier en profondeur les techniques de marketing et aussi de s'appliquer au vaste secteur de la consommation de masse (ex: formation du goût, changer des attitudes, adopter de nouveaux produits, etc.).
  15. C.S.D., Mémoire à la C.É.F.A., 1981, p. 34.
  16. U.P.A., Mémoire à la C.É.F.A., 1981, p. 7.
  17. F.T.Q., Mémoire à la C.É.F.A., 1980, p. 28-29.
  18. C.S.N., Rapport du service de l'éducation au bureau fédéral,  1979, p. 23,miméo.
  19. Conseil de l'Europe, Organisation, contenu et méthodes de l'éducation des adultes, Rapport du Conseil de la coopération culturelle du Comité de l'éducation extra-scolaire et du développement culturel, Strasbourg, 1977, p. 34.
  20. C'est là une des principales difficultés des enseignants qui participent en tant que personnes-ressources à des protocoles d'entente entre les institutions scolaires et le milieu environnant.
  21. Les réflexions qui suivent sur la conception du perfectionnement des éducateurs d’adultes sont tirées en partie du document suivant: Québec, ministère de l'Education, Direction générale de l'éducation des adultes, Notes préparées par l'Équipe d'aide au développement en vue de la rencontre avec la Commission d'étude sur la-formation des adultes, mimée, avril 1981, 10 pages.
  22. Ne pas confondre organisation et administration.
  23. Notes préparées par l'Équipe de l'aide au développement ..., op. cit., p. 5-6.
  24. F. Serre, Le modèle pédagogique PERFORMA, mimée, Université de Sherbrooke, septembre 1981, p. 4.
  25. Cf.: Québec, ministère de l'Éducation, Direction générale de l'éducation des adultes, Dossier 1, La formation des formateurs occasionnels, L'Équipe de l'aide au développement, 1981.
  26. Cf. : Le programme Training for the Trainer, de Saint Francis Xavier University,Antigonish, Nouvelle-Ecosse, Canada.
  27. Rocque, La formation dans le domaine du tourisme au Québec, Confédération des loisirs du Québec, 1981.
  28. G. Gagnon, « Le rôle du bibliothécaire dans son milieu et la fonction de la bibliothèque publique », Argus, janvier-février, 1981, vol. 10, no 1.
  29. Québec, Haut-commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports, Rapport du comité d'étude sur la formation des cadres sportifs québécois, Service des sports,1978.
  30. M.O. Jentel, Rapport sur la formation muséologique au Québec, ministère des affaires culturelles, Direction des musées privés et centres d'expositions, .1978.
  31. Québec, On a un monde à recréer. Livre blanc sur le loisir, 1979, p. 61-64.
  32. Québec, ministère de l'Éducation, Secteur de la planification, Centre de formation et de consultation inc, Tendances pédagogiques de la formation professionnelle, op. cit., p. 104-105.
  33. Cf.: Québec, ministère de l'Éducation, Programme de perfectionnement des maîtres en enseignement professionnel : priorités et thèmes, D.G.E.S., mars 1980.
  34. Cf. : C. Touchette, Conception de la tâche d'éducateur d'adultes aux États-Unis de 1900 à 1970, Faculté des sciences de l'éducation, section d'andragogie, Université de Montréal, 1972.
  35. M. Bédard, Les enseignants à l'éducation des adultes dans les commissions scolaires  1979-80,  certaines caractéristiques professionnelles des enseignants à temps plein, D.G.E.A., M.E.Q., août 1981, p. 5.
  36. Cela n'exclut pas les piètres conditions de travail faites aux animateurs dans le secteur de l'éducation populaire autonome. Ce problème se réglera, croyons-nous, davantage par un financement adéquat de l'organisme.
  37. Cf.: G. Pineau, C. Solar, Une place au soleil pour les formateurs d'adultes, rapport des journées d'étude sur les rôle et statut du formateur d'adultes en milieu scolaire au Québec, Faculté d'éducation permanente, Université de Montréal, 1980,p. 49-50.
  38. lbid., p. 51-216.
  39. G. Pineau, « Une place au soleil pour les formateurs d'adultes », Le Devoir,81.08.28.
  40. Cf. : R. Grégoire, La formation et l'insertion des jeunes de 15 à 18 ans dans la société: un défi pour toutes les institutions, ministère de l'Éducation, Service de la recherche,   1981,  p.   127 à  129.  Aussi, L.  Toupin et alii, Les enseignantes et enseignants du Québec. Le vécu professionnel : tâche et milieu de travail, vo . 5,ministère de l'Éducation, Service de la recherche, 1980, p. 32 à 36 et p. 179 à 183.De même, colloque « Les jeunes et le travail », les 15 et 16 mars 1981, Complexe Desjardins, Montréal, Rapport.
  41. Lessard et alii, Les enseignantes et enseignants du Québec, Caractéristiques démographique, socioculturelles et professionnelles, vol. 3, ministère de l'Éducation, Service de la recherche, 1980, p. 224-229.
  42. Québec, ministère de l'Éducation, Direction générale de l'enseignement supérieur, Situation de la formation et du perfectionnement du personnel de l'enseignement en 1980-1981, avril 1981, p. 14, 15.
  43. Commission d'étude sur les universités, comité d'étude sur la formation et le perfectionnement des enseignants, Rapport, mai 1979, p. 25.
  44. Québec, ministère de l'Éducation, Direction générale du développement pédagogique, Service de la formation du personnel scolaire, Plan général de perfectionnement pour les niveaux primaire et secondaire. Document de consultation, mars 1981,miméo.
  45. Source: Perfectionnement du personnel des organismes d'enseignement..., op.cit., p. 3, 28.
  46. Lessard et alii, Les enseignantes et les enseignants du Québec. Caractéristiques démographique, socioculturelles et professionnelles, vol. 3, ministère de l'Éducation, Service de la recherche, 1980.
  47. Dufour, J. LaHaye, L'expérience et la scolarité du personnel enseignant des commissions scolaires du Québec 1970-71 à 1975-76, ministère de l'Education, document démographie scolaire 9-43, 1978.
  48. L'étude Dufour et LaHaye (1978) estimait que la scolarité moyenne, reconnue pour des fins de traitement du personnel enseignant, est passée de 14,88 années en1973-74 à 15,09 en 1975-76, ce qui donnerait une progression annuelle de 0,10année.
  49. Selon une étude faite par l'Espérance (1978), rapportée par Dufour et LaHaye.
  50. Même si l'on estime en 1980-1981 à moins de 10% les enseignants qui seraient en rattrapage en vue de rencontrer les exigences légales pour enseigner, le perfectionnement de ces enseignants ne donne lieu à aucune augmentation salariale.
  51. Les mesures fiscales touchant l'éducation au postsecondaire,  ministère de l’Éducation, Direction sectorielle de la planification et des systèmes, août 1979,miméo.
  52. Québec, ministère de l'Éducation, Comité provincial consultatif de perfectionnement des instituteurs, Rapport au ministère de l'Éducation du Québec, 1979; R.A.Cormier et al, Les enseignantes et enseignants du Québec. La formation et le perfectionnement, vol. 6, ministère de l'Éducation, Service de la recherche, 1980.