Le mouvement coopératif du Québec et l'éducation des adultes

Collection : Forces Vives

Déjà paru : n° 8-9 Le Centre des dirigeants d'entreprise et l'éducation des adultes

no 10-11 les Cahiers de l'I.C.E.A.

Mars 1970

L'Institut Canadien d'Éducation des Adultes, 506 est, rue Ste-Catherine, - suite 800 MONTRÉAL 132, Québec.

Les articles n'engagent que leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés.

Présentation

C'est dans le cadre de la collection « Forces Vives » que se situent les Cahiers 10-11 de l'Institut Canadien d'Éducation des Adultes, collection destinée à faire connaître, comme nous avons eu l'occasion de le souligner, les mouvements et institutions que notre population s'est donné dans le but de protéger ses libertés individuelles et collectives comme d'assumer ses responsabilités et sa propre promotion.

Nul ne saurait contester aujourd'hui, l'apport essentiel du Mouvement coopératif québécois à notre société. Nées d'un réflexe de défense en milieu populaire, nos institutions coopératives ont été et demeurent des instruments de relèvement et d'émancipation, des agents de progrès. Qu'elles s'interrogent aujourd'hui et remettent en question la nature et les objectifs de leur action, les exigences de formation de leurs membres est chose normale et saine, dans un monde en évolution, à la recherche de lui-même et d'un rapport d'équilibre entre ses forces composantes.

Le titre général LE MOUVEMENT COOPÉRATIF DU QUÉBEC ET L'ÉDUCATION DES ADULTES indique bien qu'il ne s'agit ni d'un traité de la coopération, ni d'une étude exhaustive des questions qui s'y rattachent et des problèmes qu'elle soulève, mais bien dune narration d'expériences éducatives telles qu'elles se déroulent chez nous.

Par le biais des principales activités de formation et d'éducation populaire présentement en cours, dans le style particulier à chacun dont nous n'avons pas voulu altérer la saveur, les auteurs des pages qui suivent retracent l'histoire de nos institutions. Ainsi sommes-nous amenés à comprendre le présent par le passé et le passé par le présent avant de jeter un regard vers l'avenir.

Le tableau n'aurait pas été complet sans une esquisse préalable des caractéristiques du Mouvement coopératif et sans une présentation de l'organisme-mère, soit le Conseil de la Coopération du Québec. Les articles qui suivent mettent tour à tour en relief le rôle exercé par l'Université, telle Sherbrooke et Sir George Williams, les expériences de la Fédération des Caisses Populaires Desjardins, de la Coopérative agricole de Granby, de la Société des Artisans, des coopératives de consommation et des pêcheurs de la Gaspésie, des Caisses d'Économie, de la presse coopérative du Québec et d'une institution assez unique que nos voisins des autres provinces, et même les pays étrangers, nous envient avec raison : L'Institut Coopératif Desjardins.

Réunies pour la première fois dans un même ouvrage facilement accessible, l'ensemble de ces expériences montrent bien l'importance de l'éducation comme se plaisait à le rappeler il y a plus de vingt ans, lors du 16' congrès de l'Alliance coopérative internationale de Zurich, le Suédois, Elldin : « Si nous avions l'occasion de recommencer notre mouvement à nouveau et si le choix nous était offert entre deux possibilités : recommencer soit sans capital, mais avec des membres et un personnel éclairé, soit, au contraire, avec des gros capitaux et des membres non-informés, notre expérience nous conseillerait d'opter pour la première formule ». Voilà qui donne à réfléchir sur les investissements à consentir en matière de formation des coopérateurs québécois.

Nous remercions les collaborateurs à cet ouvrage de l'effort accompli pour transmettre leur message et souhaitons qu'il puisse connaître le rayonnement désirable.

Madeleine JOUBERT Directeur général de l'ICEA

TABLE DES MATIÈRES

Présentation

Caractéristiques du mouvement coopératif québécois

Vingt-cinq mille personnes après...

La formation des cadres à la fédération des caisses populaires desjardins

Les relations humaines et l'animation à la coopérative agricole de granby

Une transformation «du sociétaire en coopérateur»

Les conférences régionales de caisses d'économie

L'éducation des adultes dans les coopératives de consommation

La restructuration des associations coopératives de pêcheurs de la gaspésie, expérience de participation (1966-1969)

L'institut cooperatif desjardins et le mouvement coopératif

La chaire de coopération de l'université de sherbrooke

L'enseignement de la coopération à l'université sir george williams, montréal

La presse coopérative au québec

Jalons bibliographiques sur la coopération et l'éducation des adultes

Institutions-membres du conseil de la coopération du québec

Notes

Le conseil de la coopération du québec

Le présent Cahier s'attarde surtout à présenter quelques réalisations en éducation populaire. Devant la diversité de ces expériences et la variété des secteurs où elles se sont produites, le lecteur ne devra pas oublier que le mouvement coopératif qui les a rendues possibles forme un grand ensemble composé de secteurs divers mais obéissant aux mêmes principes fondamentaux.

Le chapitre qui suit décrit les caractéristiques du mouvement coopératif québécois. Avant que le lecteur n'aborde ce chapitre, il semble utile de présenter brièvement l'organisme qui permet à ce mouvement d'offrir un front commun : le Conseil de la Coopération du Québec.

Ce qu'il est

Fondé en 1939, à l'instigation et sous l'égide de la faculté des Sciences sociales de l'Université Laval, le Conseil de la Coopération réunissait, à ses débuts, quelques leaders des principaux types de coopératives en existence chez nous à l'époque, ainsi que des représentants de certaines institutions ayant à leur programme l'enseignement ou la promotion de la coopération. Ces hommes avaient été amenés à se grouper parce que leur paraissait nécessaire un effort d'ensemble pour vaincre deux obstacles majeurs qui freinaient alors le développement du coopératisme : le manque d'unité et de précision sur le plan de la doctrine, puis l'absence de coordination sur le plan de l'action.

Liens de parenté

Est-il besoin de rappeler à ce propos que, chez nous comme ailleurs, les premières fondations coopératives ne se sont pas inscrites dans le cadre d'un véritable mouvement. Il a fallu du temps avant que les coopératives dispersées, bâties pour répondre à des besoins identiques ou, à plus forte raison, engagées dans des sphères différentes d'activités, en viennent à se reconnaître des liens de parenté, à prendre conscience de leur philosophie économique et sociale commune, à collaborer formellement les unes avec les autres et à s'identifier comme des parties d'un même grand ensemble.

Unité dans la diversité

Le Conseil de la Coopération du Québec a été l'un des principaux agents du développement de cet esprit d'unité. Grâce à sa présence et à son action, le rapprochement s'est effectué. Graduellement s'est affirmée l'idée que toutes les institutions coopératives, quels que soient leur genre immédiat d'activité et les fins spécifiques qu'elles poursuivent au service de leurs membres, forment une grande famille où les liens de la solidarité se manifestent au-delà et en dépit de la diversité des préoccupations particulières.

Sens de l'appartenance

Après avoir subi diverses modifications de ses structures au cours des années, le Conseil est devenu aujourd'hui une sorte de confédération d'ordre moral dont les membres sont les fédérations des secteurs coopératifs et les coopératives ou institutions d'appartenance coopérative à caractère provincial.

Et ce sens de l'appartenance est relié à une acceptation des règles fondamentales de l'action coopérative, soit la liberté d'entrée et de sortie, le contrôle démocratique, la limitation du taux d'intérêt sur le capital social, la répartition entre les membres des surplus ou économies résultant des opérations au prorata des transactions de chacun d'eux avec la société.

C'est dans la mesure où sont respectées ces règles - les unes définissant les relations des membres au sein de leur association, et les autres définissant les relations économiques de chacun d'eux avec l'entreprise - qu'une coopérative est, jusqu'à maintenant, vraiment reconnue comme telle.

Ses manifestations

Le Conseil de la Coopération se manifeste sous trois aspects principaux :

  1. C'est d'abord fondamentalement une table ronde, un point de rencontre, un lieu de dialogue pour les divers secteurs du mouvement coopératif québécois;
  2. C'est aussi un organisme de représentation et un instrument d'action pour les fins et dans les domaines où les divers secteurs du mouvement jugent à propos de faire front commun;
  3. C'est enfin un bureau permanent organisé, maintenu et équipé pour assurer au mieux la continuité aussi bien que l'efficacité de ce dialogue et de cette action collective.

Outil de développement

Le Conseil se présente comme un organisme où siègent les délégués dûment mandatés des différents types de coopératives en activité chez nous. Reconnaissant leur appartenance à un même mouvement, ils cherchent ensemble les meilleurs moyens d'en assurer le développement rationnel et d'en élargir la zone d'influence.

De plus en plus en possession de moyens d'action adéquats, conscient de l'importance de ses réalisations dans différents domaines, le mouvement coopératif manifeste aujourd'hui son intention bien arrêtée de jouer un rôle toujours plus dynamique au sein de la communauté québécoise.

Caractéristiques du mouvement coopératif québécois

Yvon Daneau (Directeur général du Conseil de la Coopération du Québec.)

Nous accordons une importance capitale à ce que soient bien connus et compris la nature, les buts et le mode de fonctionnement des institutions coopératives. Tout ce qui peut exister de malentendus ou d'incompréhensions à leur sujet provient, le plus souvent, du fait qu'on en a des notions fausses ou incomplètes.

Voilà donc pourquoi dans ce chapitre nous avons voulu établir aussi clairement que possible les traits caractéristiques des coopératives et indiquer le rôle que ces institutions peuvent effectivement jouer chez nous.

Traits caractéristiques des coopératives

De Rochdale...

La coopération n'est pas une invention récente. Elle n'est pas non plus un phénomène typiquement ou exclusivement québécois. Elle découle d'une longue évolution à partir des formes primitives d'entraide. Ses règles d'organisation, telles que nous les connaissons aujourd'hui, ont été définies par le groupe des Pionniers de Rochdale, en Angleterre, au milieu du siècle dernier.

...Au Québec

Dans la province de Québec, les premières applications de la formule coopérative remontent à il y a environ cent ans. Chez nous comme ailleurs, ce sont les gens des classes populaires qui y ont eu principalement recours. Ils y ont trouvé un moyen de vaincre certaines difficultés économiques, de se protéger contre divers abus dont ils étaient les victimes et, généralement, d'améliorer leur sort.

Un siècle d'évolution

Nos premières institutions coopératives d'assurance-incendie et d'assurance-vie ont vu le jour à l'époque de la Confédération.

En 1900, Alphonse Desjardins organisait à Lévis la première coopérative d'épargne et de crédit. Quelques années plus tard, apparaissaient les premières coopératives agricoles. Vinrent ensuite, au début des années '20, les premières tentatives d'organisation chez les pêcheurs de la Gaspésie. Mais c'est vraiment à partir du milieu des années '30, durant la crise économique, que la coopération est entrée dans sa phase de réel développement dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche, puis ensuite dans les secteurs de la consommation, de l'habitation et des services les plus variés. Aujourd'hui, les coopératives constituent dans leur ensemble une force associationniste et une force économique.

Un mouvement populaire

Un trait qu'il importe de mettre en lumière et qui demeure une constante partout, c'est que par ses origines, par les idées qui en sont à la base, par les milieux où il s'est principalement développé, par les besoins auxquels il s'efforce de répondre, le mouvement coopératif est un mouvement populaire. Il s'inscrit dans les traditions du self-help et de l'entraide, tout en s'adaptant aux nouveaux impératifs de notre monde en transformation, et il s'inspire de l'idéal démocratique.

En un mot, et c'est là un facteur à prendre en considération, le mouvement coopératif est profondément enraciné dans la réalité québécoise. Émanant du peuple dont il épouse les proproblèmes trouvant sa raison d'être dans la satisfaction des besoins du peuple, il s'identifie avec lui et tient de ce fait une vocation particulière à l'interprétation de ses aspirations.

C'est ainsi que le système coopératif apparaît comme l'un des éléments de solution les plus concrets, les plus directs et les mieux adaptés aux problèmes de notre population parce qu'il présente toutes les caractéristiques d'un système économico-social fait sur mesure pour elle.

Association et entreprise

Le mouvement coopératif, devons-nous préciser, se distingue des autres mouvements populaires. Il s'en distingue surtout en ce qu'il est directement engagé dans des actions économiques concrètes.

Les coopératives sont des associations de personnes qui poursuivent leur but au moyen d'une activité économique organisée, c'est-à-dire au moyen d'une entreprise qu'elles mettent sur pied comme instrument de la satisfaction de leurs besoins. Cette entreprise, les personnes associées en détiennent la propriété, elles en assument la direction et le contrôle selon les règles de la démocratie, elles en supportent les charges et les risques, puis elles s'en répartissent les avantages en prenant comme mesure la participation de chacune aux opérations effectuées ou aux services reçus.

Satisfaire des besoins

Les coopératives apparaissent dès lors comme des entreprises auxquelles leurs membres sont reliés au double titre de propriétaires et d'usagers. Par la mise en application de la formule coopérative, ce sont les usagers des biens et des services qui se lancent en affaires à leur propre compte et deviennent ainsi leurs propres marchands, leurs propres banquiers, leurs propres assureurs, leurs propres constructeurs, etc. Ce qu'ils visent essentiellement, c'est la satisfaction de leurs besoins communs. Ils mettent ensemble leurs ressources afin de se donner à euxmêmes certains services au coût le plus économique et de la manière la plus efficace possible.

En somme, les coopératives constituent un type original d'entreprises. Leur objet fondamental est d'être, à titre non lucratif, les mandataires de leurs membres pour exercer certaines fonctions économiques répondant à leurs besoins communs : rassemblement, transformation et mise en marché de leurs produits; approvisionnement en biens d'utilité professionnelle ou domestique; mise à leur disposition de différents services (épargne, crédit, assurance, etc.). Les coopératives se trouvent de la sorte à assumer les fonctions qui, dans le système traditionnel, sont celles des entrepreneurs ou intermédiaires; mais avec l'énorme différence qu'elles remettent obligatoirement à leurs membresusagers les avantages pécuniaires qui découlent habituellement de l'exercice de ces fonctions. Toute leur organisation et leur fonctionnement sont conçus de manière à assurer la réalisation de cet objectif : le service au prix de revient, non grevé de la rémunération des intermédiaires.

En résumé donc :

Les coopératives sont des institutions authentiquement populaires.

Les coopératives sont des institutions profondément enracinées dans le milieu québécois.

Les coopératives sont des institutions dont la raison d'être est le service des usagers et non pas le profit de quelques bailleurs de fonds.

Les coopératives sont des institutions directement engagées dans l'action économique et qui, de ce fait, sont préoccupées de réalisme et d'efficacité. Les coopératives sont des institutions qui introduisent la démocratie dans le domaine économique. Les coopératives sont des institutions où l'éducation des membres est à la fois une condition et l'un des résultats de leur action.

Les coopératives sont des institutions où les préoccupations économiques s'intègrent dans un ensemble de préoccupations sociales et humaines.

Les coopératives se distinguent des sociétés commerciales ordinaires tant par leur mode d'organisation que par leur but.

Les coopératives s'inscrivent néanmoins dans le cadre des entreprises et elles ont même la conviction d'en présenter la forme ou l'expression la plus démocratique.

Modalités de la contribution des coopératives

Il est évident que les coopératives ne sauraient être jugées uniquement en fonction de l'idéologie dont elles s'inspirent, des principes dont elles se réclament, des buts qu'elles se proposent et du mode d'organisation qu'elles se donnent. C'est dans leurs manifestations concrètes et dans l'accomplissement de leurs tâches quotidiennes qu'il importe de les apprécier à leur mérite.

Or, jusqu'ici, les coopératives québécoises, quel que soit le secteur d'activité où elles sont installées, ont fourni des preuves convaincantes des services qu'elles peuvent rendre non seulement à leurs membres mais à l'ensemble de la société.

Variété des types de coopératives

Une première façon de mettre en lumière l'influence exercée par les institutions coopératives chez nous, c'est de souligner la grande diversité des besoins qui en ont déterminé la formation.

A peu près tous les genres possibles de coopératives ont été organisées dans notre province. Il en existe dans les domaines de l'épargne et du crédit, de l'assurance sous toutes ses formes, de l'agriculture, des pêcheries, de la consommation, de l'habitation, de la vente et de l'approvisionnement, des transports, de l'exploitation forestière, de l'artisanat. D'une manière générale et pour ne pas prolonger indûment cette énumération, soulignons que les coopératives se prêtent à la satisfaction de pratiquement n'importe quel besoin d'ordre économique. En outre, depuis l'adoption de la Loi des associations coopératives, il est désormais permis de mettre sur pied des coopératives pour des fins sociales et, notamment, dans un but éducatif, scientifique, artistique, athlétique, sportif ou récréatif.

École pratique d'administration

Nombreux et extrêmement variés sont donc les domaines où des groupes de personnes ont recouru à la formule coopérative. Elles ont été amenées ainsi à exercer leur esprit d'initiative et à développer leur sens des responsabilités. Elles ont dû se familiariser avec les opérations économiques et les questions d'administration, de budget, de finance, de marché, etc. Si l'on se réfère uniquement aux membres des conseils d'administration ou des divers comités des coopératives et des caisses d'épargne et de crédit, ce sont près de 25,000 personnes qui, chaque année, ont l'occasion et la satisfaction d'accroître ainsi leur bagage de connaissances et de participer à la bonne marche de ces entreprises, tout en acquérant une expérience propre à leur servir dans la vie de tous les jours. Et, à chaque exercice, il se produit un certain renouvellement des administrateurs qui permet à d'autres de fournir leur collaboration, d'exercer et de développer leurs talents.

Force économique et associationniste

Les institutions coopératives actuellement en activité chez nous représentent, quant on en prend une vue globale, une force économique vraiment impressionnante. S'arrête-t-on suffisamment à penser, par exemple, que ces coopératives ont ensemble un actif de plus de $2 milliards? En outre, si l'on considère le volume des affaires qu'elles traitent et le nombre des emplois qu'elles procurent, on doit se rendre à l'évidence et admettre que le mouvement coopératif est un agent important de la vie économique au Québec.

D'autre part, le mouvement coopératif constitue une force associationniste non moins significative, ainsi qu'en témoignent ses plus de 2,000,000 de membres, dont la majorité sont des chefs de famille et qui se recrutent à la grandeur de la province, aussi bien dans les villes que dans les coins les plus éloignés.

Diffusion de la propriété et du contrôle

Le mouvement coopératif s'est avéré jusqu'ici un moyen efficace aux mains des classes laborieuses pour améliorer leur situation économique. Il a permis aux gens à revenu modeste d'accéder à la propriété et au contrôle d'entreprises variées selon une formule adaptée à leurs ressources. Cette dissémination de la propriété et du contrôle d'entreprises économiques prend une signification particulière chez nous, s'il est vrai - comme on dit souvent - que nous n'avons guère de traditions dans le domaine des affaires. Il n'est certes pas indifférent pour l'avenir de notre économie qu'un quart ou plus de nos gens, parmi ceux encore une fois dont les ressources individuelles sont souvent les plus limitées, participent à la propriété et à l'administration d'entreprises nombreuses dont l'activité est reliée à leurs préoccupations de tous les jours.

D'un autre côté, la tendance à la concentration des entreprises en de plus vastes unités est un phénomène dont tout le monde est conscient à l'heure actuelle. De plus en plus, ce sont les grandes corporations qui dominent le champ des affaires. Les profits réalisés par ces entreprises géantes sont souvent drainés vers des centres très éloignés des lieux où elles effectuent leurs opérations. Leur direction et leur contrôle s'exercent à de vastes distances des localités où elles recrutent leurs clients, souvent en dehors de notre province ou de notre pays. Avec les coopératives, la situation est différente : c'est dans les milieux ou les régions mêmes qu'elles servent que se déterminent leur direction et leur contrôle. Les gains qui découlent de leurs opérations retournent dans les localités où ils ont été réalisés, et cela en proportion directe de l'utilisation qui y a été faite des services offerts. Il semble bien que la concentration de l'activité économique en des entreprises de plus en plus grandes soit devenue une nécessité dans le contexte moderne; il faut néanmoins reconnaître que la décentralisation de la propriété, l'élargissement des sphères où se discutent les problèmes et l'association d'un plus grand nombre de gens aux décisions de portée économique restent éminemment souhaitables à tous points de vue. Or, les coopératives constituent l'une des rares forces à oeuvrer dans ce sens.

Contribution des coopératives au mieux-être économique et social de la population

Les coopératives sont de plus en plus connues et appréciées à leur mérite chez nous. Sans doute subsiste-t-il encore dans certains milieux de l'incompréhension à leur sujet, mais cette incompréhension découle, la plupart du temps, d'une idée fausse ou incomplète que l'on se fait de ces institutions.

Une telle interprétation erronée ou inexacte du phénomène coopératif peut tenir à certains facteurs auxquels les coopérateurs eux-mêmes ne sont pas toujours complètement étrangers. D'une part, par exemple, il peut fort bien arriver que telle ou telle coopérative particulière ne reflète pas l'authentique image d'une institution dynamique, progressive et hautement serviable; il ne faudrait pas alors généraliser et vouer tout le mouvement aux gémonies. D'un autre côté, il peut arriver qu'on rencontre des fanatiques de la coopération qui ne voient en dehors d'elle que des chenapans ou des exploiteurs. Or, il ne faut pas prêter l'oreille à de tels propos écervelés. Il existe fort heureusement de nombreuses entreprises du type traditionnel qui sont dirigées de façon exemplaire au point de vue social et nulle personne sérieuse n'oserait prétendre qu'en dehors des coopératives il n'y a pas de salut ou que les coopératives ont le monopole de la vertu dans le domaine économique.

Concurrence saine et équitable

Au Québec, l'un des résultats de l'activité coopérative a été d'introduire, dans les secteurs de l'économie où elle s'est manifestée, les éléments d'une saine et équitable concurrence. Les coopératives jouent à proprement parler le rôle d'entreprisestémoins qui, d'une part, permettent de juger de l'efficacité de l'organisation économique qui sert la population et, d'autre part, facilitent l'élimination des abus dont cette même population peut être victime tant sur le plan du prix que de la qualité des produits ou des services.

Information et éducation

L'information et l'éducation des membres sont une condition essentielle du succès en coopération. L'action coopérative, par sa nature même, exige de ses adeptes tout un ensemble de connaissances et de qualités pour qu'ils soient vraiment en mesure d'exercer convenablement leur rôle de propriétaires et d'usagers des entreprises qu'ils se sont données. Une foule de méthodes sont utilisées pour développer le sens de l'appartenance chez les sociétaires et favoriser leur participation intelligente et efficace à la vie de leurs organisations. D'ailleurs, les circonstances mêmes qui entourent l'activité coopérative font que les coopérateurs sont amenés souvent à modifier leur comportement, à acquérir de nouvelles façons de penser et d'agir qui font d'eux des hommes aux horizons élargis.

Dans le secteur agricole, par exemple, la nature des liens qui unissent le cultivateur à la coopérative fait en sorte que la recherche de la solution la plus satisfaisante aux problèmes qu'il veut dominer - et qui semblent à première vue se résumer à des problèmes d'achat et de vente - impose des préoccupations plus larges : c'est toute l'économie de la ferme qui entre en ligne de compte. Dans le secteur des pêcheries, la situation est à peu près identique : le membre de la coopérative est amené à prendre conscience que son activité individuelle s'intègre dans un ensemble.

Sur le plan de l'incitation à l'épargne et de l'utilisation judicieuse du crédit, les caisses exercent quotidiennement un rôle dont les résultats ne manquent pas d'impressionner.

Tous les autres secteurs du mouvement coopératif témoignent pareillement d'une activité éducative intense qui bénéficie non seulement à leurs membres, mais aussi par ricochet à l'ensemble de la population.

Progrès communautaire

Les coopératives constituent un facteur de progrès communautaire dans tous les milieux où elles sont établies. C'est qu'il y a, inhérent à la philosophie et à l'action coopératives, tout un ensemble d'appels à l'esprit d'initiative, au sens des responsabilités, à l'entraide, à l'engagement, qui ne peuvent avoir pour effet que de stimuler les individus à jouer plus pleinement leur rôle dans la vie de la communauté, avec le résultat que le climat de celle-ci s'en trouve souvent transformé du tout au tout.

De la même façon, il est établi que bien des gens, particulièrement dans les milieux moins favorisés et pour qui les horizons paraissent assez limités, ont trouvé dans les coopératives l'occasion de développer leurs qualités personnelles et d'exercer leurs talents au service de leurs semblables.

Un mouvement dynamique

Les coopératives ne peuvent se reposer sur leurs lauriers et se complaire dans leurs réalisations passées ou présentes. Les circonstances sont devenues telles, aujourd'hui, que le développement des entreprises est commandé même par le simple instinct de leur propre conservation.

Les dirigeants et les membres sont de plus en plus conscients que, pour faire face avantageusement à la concurrence et rendre les services qu'ils sont en droit d'en attendre, leurs coopératives doivent s'adapter aux conditions nouvelles et se donner des structures appropriées. C'est ainsi que s'imposent peu à peu les idées de consolidation, de régionalisation, de centralisation.

Ces problèmes de structures sont abordés franchement et dans un esprit positif. D'importantes transformations sont déjà accomplies ou en cours, notamment dans le secteur des pêcheries et dans celui de l'agriculture. Et ce qu'il y a d'heureux, c'est que la recherche des moyens et des dispositions à prendre en vue d'atteindre une plus grande efficacité dans l'intérêt des sociétaires s'accompagne d'un souci marqué de mettre en même temps au point les formules de consultations et de communications propres à maintenir au sein des organisations agrandies un authentique contrôle démocratique.

Entreprises non à vendre

Organisées et possédées collectivement, puis contrôlées démocratiquement par ceux-là mêmes dont elles sont au service comme instruments de la satisfaction de leurs besoins, les coopératives présentent les plus sûres garanties de rester définitivement aux mains des nôtres. Elles ne risquent pas, comme ce fut et c'est encore le cas pour d'autres types d'entreprises, d'être vendues à des intérêts étrangers. En réalité, les coopératives sont des institutions économiques qui, par nature et par vocation, sont destinées à demeurer bien à nous : elles sont vraiment enracinées et articulées à la vie québécoise. Au sein de notre économie, elles constituent à peu près les seules entreprises que l'on puisse considérer comme inaliénables. Il s'ensuit qu'au moment où les Québécois sont incités à s'affirmer davantage sur tous les plans et à se donner les moyens requis pour accéder graduellement à une pleine maîtrise de leur avenir économique, le mouvement coopératif mérite qu'on lui accorde une grande attention. Il s'offre, en effet, comme une formule puissante et souple grâce à laquelle on peut vraiment espérer bâtir quelque chose de solide et de durable, avec la certitude d'en conserver la propriété et le contrôle.

Désir et volonté du mouvement coopératif de servir toujours au mieux le bien commun

C'est à dessein que nous avons insisté particulièrement, dans les parties précédentes, sur les caractéristiques fondamentales des coopératives, puis sur les aspects les plus significatifs de l'apport de ces institutions au développement économique et social dans notre milieu.

Notre but était d'attirer l'attention sur cette réalité que constitue le mouvement coopératif dans la province de Québec : un mouvement qui groupe environ deux millions d'adhérents, possédant collectivement des actifs de plus de deux milliards qui est engagé dans les secteurs de la production, de la distribution et des services; un mouvement surtout qui s'inspire d'une philosophie économico-sociale faisant appel à l'effort personnel, à l'entraide, au sens des responsabilités, à l'esprit de perfectionnement et de progrès tant sur le plan individuel ou familial que sur le plan collectif.

Ce sont là des notions qui ont besoin, croyons-nous, d'être rappelées et mises en lumière, car on est porté très souvent à les mettre en oubli. C'est dans un esprit positif, d'ailleurs, que nous les soumettons. Loin de nous, en effet, toute préoccupation de vantardise ou désir de présenter la coopération comme une formule qui seule et à l'exclusion de toutes les autres serait propre à guérir la société québécoise de tous ses maux. Les coopérateurs ont une doctrine, mais ils ne sont pas des doctrinaires. Ils ont des convictions, mais ils ne sont pas des fanatiques.

Instruments de service

Pour eux, les coopératives sont d'abord des instruments de service qu'ils se donnent en vue de la satisfaction dans les meilleures conditions possibles de certains besoins économiques précis qu'ils ont en commun.

Témoignage

En second lieu, les diverses coopératives en activité prennent valeur de témoignage. Elles fournissent la preuve qu'il est possible, pour des gens ordinaires, d'assumer la propriété ainsi que la gestion collective et démocratique d'entreprises variées avec le plus grand succès, même s'ils sont motivés par l'idée de service plutôt que par l'idée de profit.

École d'initiative

Enfin, les coopératives constituent une porte d'entrée, un apprentissage et une incitation à une participation plus active, plus consciente et plus éclairée d'un nombre sans cesse accru de citoyens à la vie économique et sociale de la communauté.

C'est dans cet esprit, dans cette ligne de pensée, que s'est développé jusqu'ici le mouvement coopératif au Québec et qu'il entend bien continuer à oeuvrer dans l'avenir.

Aspect social et humain

Le système coopératif - nous ne saurions trop insister là-dessus - est plus qu'un système économique. Il vise à améliorer les conditions matérielles d'existence des classes laborieuses, mais cette préoccupation elle-même s'inscrit dans une perspective beaucoup plus large : celle du progrès social, de la revalorisation et de la promotion de l'homme.

Il s'ensuit que l'activité coopérative veut déborder les cadres stricts de la poursuite des biens ou des avantages d'ordre économique. Elle puise ses motivations dans des objectifs supérieurs qui rejoignent et qui assument les aspirations de l'homme dans la société contemporaine.

Perspectives de développement

Conférencier à un congrès de coopérateurs, il y a 25 ans, M. Esdras Minville - à l'époque, directeur de l'École des Hautes Études Commerciales de Montréal - déclarait :

« De tous les mouvements lancés, de toutes les tentatives amorcées en vue d'améliorer la situation économique des Canadiens français, le mouvement coopératif est le seul qui ouvre sur l'avenir des perspectives vraiment rassurantes. »

Et il ajoutait un peu plus loin :

« Si, en dépit des difficultés de toutes sortes qu'il lui a fallu vaincre, le mouvement s'est répandu et s'il suscite aujourd'hui de vastes espoirs, c'est d'abord et avant tout parce qu'il répond à nos besoins et s'ajuste à nos moyens. »

Ces « perspectives vraiment rassurantes « et ces « vastes espoirs », dont M. Minville parlait en 1943, on constate qu'ils étaient pleinement justifiés. En fait, le mouvement coopératif est devenu un facteur très important au sein de la communauté québécoise à qui il offre un moyen de construction de son économie et un cadre pour sa vie sociale.

Les résultats significatifs qu'il est en mesure de montrer, précisément à une époque où se manifeste chez notre peuple une volonté renouvelée d'affirmation dans tous les domaines, fournissent déjà des indications quant aux possibilités de développement dont le mouvement coopératif pourra tirer profit dans l'avenir.

Certaines questions se posent dès lors qui retiennent l'attention des coopérateurs eux-mêmes aussi bien que l'intérêt de tous ceux qui se préoccupent du sort de notre collectivité : « Quels sont les objectifs que poursuit le mouvement coopératif? Quel sens précis entend-il donner à son orientation au cours des prochaines années ? »

Dès que l'on veut répondre à ces questions, on est amené à constater que les institutions coopératives, par leur nature même, ont un objectif économique. Leur but premier et essentiel, en effet, c'est l'amélioration des conditions économiques de leurs membres. Qu'il s'agisse de caisses d'épargne et de crédit, de coopératives agricoles ou de n'importe quel autre type de coopératives, la fonction première à laquelle elles sont ordonnées, c'est de fournir à leurs membres des services se traduisant en avantages matériels.

Sans doute, par leurs efforts conjugués, les coopérateurs peuvent-ils et doivent-ils même se fixer des buts additionnels rejoignant des préoccupations morales, éducatives, patriotiques. Mais ce n'est que dans la mesure où leurs institutions seront fidèles à leur vocation fondamentale d'ordre économique qu'elles pourront devenir un moyen d'atteindre des fins d'ordre social comme celles qui viennent d'être mentionnées.

Que les coopérateurs s'interrogent, qu'ils remettent périodiquement en question la nature et les buts de leur action, cela illustre bien leur souci, au contact des réalités économiques et sociales, de demeurer constamment en état d'alerte.

Évidemment, il serait peut-être intéressant de s'imaginer ou de laisser croire que le mouvement coopératif québécois possède sur papier un plan détaillé calculé selon un calendrier précis, des développements qu'il se propose dans chacun de ses secteurs d'ici à l'an 2,000. En fait, la nature même des institutions coopératives leur interdit pratiquement une planification à aussi long terme. Les circonstances qui peuvent favoriser ou entraver leur essor sur une aussi longue période sont nombreuses et souvent imprévisibles. D'un autre côté, au Québec comme ailleurs dans le monde, on ressent le besoin de repenser la coopération ellemême en vue d'une meilleure adaptation de sa formule aux énormes transformations matérielles et aux non moins considérables modifications psychologiques qui se sont produites en ces dernières années.

Il est clair, en effet, que le mouvement coopératif est appelé à se développer dans un monde qui n'a presque rien de commun avec celui que l'on connaissait il y a 25 ans. Les motivations de l'action coopérative ne sont plus les mêmes qu'elles étaient à cette époque; elles doivent se fonder sur des éléments nouveaux qui nécessitent une étude particulière.

L'un de ces facteurs à prendre en considération est sans aucun doute l'intervention de plus en plus fréquente et acceptée de l'État dans le domaine économique. Il semble bien, à cet égard, que l'action des coopératives devra dans l'avenir s'exercer en plus étroite juxtaposition avec celle des gouvernements, selon des modalités et des règles, cependant, qui respecteront les caractères essentiels de la coopération.

Dans le contexte nouveau où les coopératives sont appelées à évoluer dans l'avenir, il ne fait aucun doute qu'une large part de leur progrès dépendra de leur facilité à répondre aux défis qui leur sont lancés.

Défi de l'adaptation

Dans l'avant-propos d'une réédition de son livre « Le secteur coopératif », le Dr. G. Fauquet notait déjà en 1942 :

« En face des formes nouvelles du capitalisme, en face de l'emprise croissante de l'Etat sur la vie économique, la pensée coopérative ne peut rester attachée à des conceptions nées au cours du siècle dernier, qui ne conservent qu'à peine une valeur de propagande élémentaire et ont en fait cessé de guider et d'orienter les activités pratiques du mouvement. »

La « révolution tranquille » et toutes les transformations vécues au Québec en ces récentes années confèrent une actualité proprement de chez nous aux propos du Dr Fauquet. Dans une société de type traditionnel, nos institutions coopératives se sont organisées et ont grandi dans un contexte particulier de besoins, en s'appuyant sur un ensemble de valeurs autour desquelles pouvait assez facilement se faire l'unanimité. Mais, au fur et à mesure que prend rapidement forme une société de plus en plus industrialisée, que se modifie le milieu où elles exercent leur action, les coopératives sont amenées à s'interroger sur la nature du rôle qu'elles sont désormais appelées à jouer. Elles doivent réexaminer leurs principes et leurs méthodes afin d'y bien différencier ce qui est fondamental et essentiel de ce qui n'est que facultatif et accessoire.

Un véritable approfondissement de la pensée coopérative s'impose aujourd'hui chez nous en vue de traduire en termes adaptés aux conditions socio-économiques nouvelles l'esprit qui animait les pionniers du mouvement.

Défi de l'efficacité

Une deuxième préoccupation, tout aussi impérative dans l'immédiat, c'est la recherche de l'efficacité au sein des institutions coopératives.

Les entreprises coopératives travaillent dans le même milieu que les entreprises privées du type traditionnel et elles sont soumises aux mêmes impératifs économiques que ces dernières. Cependant, pour répondre aux exigences de leurs membres, elles ne sauraient ce contenter de résultats comparables à ceux de leurs rivales. Elles doivent faire plus et mieux.

Il en résulte, pour les institutions coopératives, l'obligation d'être constamment à la recherche d'idées et de techniques nouvelles dont elles puissent tirer le maximum d'avantages possibles. Ceci présuppose qu'elles aient des administrateurs et un personnel de gestion hautement qualifiés, possédant une vision nette des choses et de vastes connaissances.

Dans cette perspective d'efficacité, tout doit être mis en oeuvre pour utiliser pleinement les ressources de la formule coopérative elle-même, en tablant en particulier sur les motivations des membres à leur triple titre de propriétaires, d'usagers et de bénéficiaires de l'entreprise commune.

Une action coordonnée est un autre facteur propre à accroître le rendement et l'efficacité. Même si les coopératives sont des institutions libres et démocratiques, cela ne signifie pas qu'elles puissent se soustraire à toute discipline et oeuvrer avec succès sans relations étroites les unes avec les autres. D'ailleurs, au sein de leurs secteurs respectifs, elles ont été amenées à s'associer pour se donner des services communs, et c'est ainsi qu'ont été formées les différentes fédérations.

L'absence de coordination serait sûrement une entrave au progrès du mouvement coopératif. Voilà pourquoi, au Québec comme ailleurs, on s'interroge de plus en plus sur l'opportunité de rajeunir et moderniser les structures coopératives afin qu'elles soient mieux adaptées aux exigences de la concentration et de l'intégration nécessaires pour faire face à la concurrence des entreprises rivales et, surtout, pour établir et mettre en oeuvre une stratégie de développement méthodique et planifié.

Va sans dire que le resserrement des liens coopératifs au niveau de chacun des secteurs doit amener ces derniers à prendre plus nettement conscience de leur solidarité. Déjà d'ailleurs, une collaboration effective est en voie de se concrétiser entre les institutions coopératives financières et celles qui sont engagées dans la production ou la distribution. C'est d'excellent augure pour l'avenir.

Défi de l'engagement

La promotion et la défense des intérêts généraux du mouvement coopératif, principalement en matière de législation et de taxation, ont toujours obtenu assez facilement l'assentiment de ses membres. On comprend, d'ailleurs, que les interventions en ces domaines soient généralement agréées d'emblée par les coopérateurs.

Mais les circonstances se font de plus en plus nombreuses et variées où le mouvement coopératif, estime-t-on, devrait faire entendre sa voix. Surtout à l'époque actuelle où les corps intermédiaires et les groupes de pression mettent tout en oeuvre pour accroître leur influence tant sur les gouvernements que sur l'opinion publique.

Largement ouverts aux problèmes de la communauté québécoise, les coopérateurs sont conscients - au moins dans les secteurs immédiats où se déploie leur activité collective - d'y apporter des éléments de solution. Malheureusement, ce n'est pas sans déception qu'ils constatent combien la formule coopérative est ignorée, méconnue, même de la plupart de ceux qui ont la responsabilité des affaires publiques.

Sans doute faut-il admettre que la coopération, dans la théorie et dans les faits, est plus compliquée que ne peut le laisser croire une certaine propagande naïve sur le thème des « petitsruisseaux-qui-forment-les-grandes-rivières » ou de « l'union-quifait-la-force ». Mais cela ne saurait suffire à expliquer comment il se fait qu'une activité à laquelle participent quotidiennement des centaines de milliers de personnes passe ainsi pratiquement inaperçue.

Dans les milieux coopératifs, on ressent de la frustration de ce que ne soit pas davantage connue et appréciée une contribution d'ordre économique et social qui, pourtant, est hautement significative. On juge inconcevable, par exemple, que le mouvement coopératif n'ait pas plus d'écho dans les grands média d'information alors que tant de publicité gratuite est accordée aux mouvements de contestation, de division et de destruction.

Mais, à tout considérer, les coopérateurs ne sauraient nier une bonne part de responsabilité face à la situation qu'ils déplorent. En fait, un trop grand nombre d'entre eux ne manifestent pas les convictions profondes de citoyens vraiment engagés dans une action économique s'inscrivant dans une perspective sociale.

C'est par une authentique éducation coopérative, dont le mouvement lui-même devra se préoccuper, que les membres en arriveront à relever le défi d'un authentique engagement.

Vingt-cinq mille personnes après...

Gérard Barbin (Directeur général de l'Institut Coopératif Desjardins, Lévis, Québec.)

« Nous sommes aussi aveugles sur la couche terrestre humaine que nos dieux l'étaient sur les montagnes et les océans. Il faut regarder le peuple humain non pas en myope, mais de loin, d'aussi loin qu'on le peut pour en voir les dimensions d'ensemble. » (Teilhard de Chardin.)

Après cinq ans, plus de vingt-cinq mille personnes ont séjourné à l'Institut Coopératif Desjardins; des centaines de groupes, associations, entreprises ou ministères, du pays ou de l'étranger, y ont tenu des sessions d'une durée variant entre quelques heures ou quelques mois, et pour tous genres de programmes. Qu'y a-t-il derrière ces statistiques qu'on peut considérer comme impressionnantes ? Des succès d'hôtellerie spécialisée en éducation des adultes ou un signe de renouveau sur le plan de la réflexion communautaire et de l'éducation permanente ? Qu'est-ce que l'Institut Desjardins ? Que visait-il ? Quelles difficultés a-t-il connues ? Quelles sont ses méthodes ? Quelle est sa stratégie ? Voilà quelques-unes des questions auxquelles j'essaierai de répondre.

L'Institut Coopératif Desjardins a été fondé en 1963 et il est né d'un milieu en pleine évolution; il a été créé pour répondre à des besoins réels : besoins d'abord du Mouvement Desjardins, puis du mouvement coopératif, puis de l'éducation des adultes et, enfin, besoins des pays en voie de développement. Il a été mis sur pied par le Mouvement coopératif Desjardins. Toutes ses activités ont tendu à répondre au vrai fond de la pensée coopérative, qui repose beaucoup plus sur le respect des personnes, du milieu ou de la civilisation que sur des principes ou des techniques. Aussi, la pensée coopérative de l'Institut Coopératif Desjardins est-elle beaucoup plus large que le simple enseignement de la coopération.

La structure de l'Institut, le climat de liberté qu'on a voulu y faire régner, son ambiance communautaire, la pédagogie qui inspire ses programmes, tout concourt à favoriser le dialogue, l'échange des idées et la découverte d'horizons nouveaux.

Il faut se rappeler que l'Institut Desjardins est né du milieu québécois à un moment crucial où on sentait vraiment le besoin, à cause du phénomène de la socialisation, entre autres, d'apprendre aux gens à se réunir, à réfléchir ensemble, à s'accepter les uns les autres, pour en arriver à bâtir la coopération au sens le plus large du mot et la cité. C'était le temps de la « révolution tranquille » au Québec, le temps du « Concile », des actions intenses d'animation sociale dans le Bas Saint-Laurent, le temps où les mots dialogue, participation, animation, consultation n'étaient pas encore galvaudés.

L'évolution de la mentalité collective, comme l'écrivait le Père Richard Arès, sous l'influence de trois grands courants, socialiste, nationaliste et laïciste, exerçait une pression constante et inspirait un nouveau rôle à l'État du Québec dont l'action allait devenir prépondérante. Ceci n'a pas été sans bousculer et éliminer nombre d'institutions qui exerçaient une influence importante et sans favoriser une classe de technocrates plus pressés d'agir efficacement que de consulter, et qui se devaient de le faire en raison des urgences. On sentait vraiment que la science et la technique envahissaient tous les secteurs de l'activité et influençaient toutes nos institutions et toutes les personnes à des degrés divers. On sentait bien qu'il fallait se donner des instruments nouveaux afin que l'homme ne perde pas pied et puisse s'adapter aux transformations sociales d'une société en mutation.

Le ministre de l'Éducation du Québec déclarait, lors de l'inauguration de l'Institut Coopératif Desjardins, qu'il se réjouissait que ce fût le Mouvement Desjardins qui ait, le premier, mis sur pied l'une des institutions qu'il considérait comme les plus importantes pour assurer à la population l'apprentissage de ses nouvelles libertés et de ses responsabilités accrues à un moment où l'on entreprenait une réforme complète et profonde de notre système d'éducation. Il ajoutait que cette initiative plaçait le Québec à l'avant-garde dans la promotion de l'éducation des adultes. C'est donc au moment même où se préparait la charte nouvelle de l'éducation au Québec que l'Institut Desjardins commençait ses activités. L'éducation permanente ou éducation des adultes y occupait une place importante. « C'est là, écrit-on dans le Rapport de la Commission royale d'enquête sur l'éducation dans la province de Québec - 1964 (Rapport Parent), une réalité nouvelle correspondant à des temps nouveaux, à une époque caractérisée par l'explosion de la connaissance, par la mobilité professionnelle, par l'importance du loisir, par l'évolution de la vie démocratique, économique et sociale. - Nous l'avons déjà affirmé plusieurs fois : le système d'enseignement sera efficace, dans la mesure où il produira des adultes capables et désireux d'étudier par eux-mêmes, de se perfectionner, de se cultiver. »

On sentait bien que l'éducation n'était plus l'apanage des jeunes, qu'elle devenait absolument essentielle aux adultes.

Où se situait l'Institut Coopératif Desjardins dans le contexte du Rapport Parent ? Y avait-il place pour l'initiative privée dans l'éducation des adultes ?

Le Rapport Parent s'est prononcé catégoriquement là-dessus : « L'éducation permanente, particulièrement dans le secteur de l'éducation populaire, doit s'appuyer sur les désirs et les initiatives des individus. Il faudra encourager et aider les groupements déjà constitués et qui poursuivent des fins d'éducation permanente. - Lorsqu'il s'agit d'éducation populaire, les citoyens intéressés par tel domaine du savoir et de la culture doivent normalement eux-mêmes susciter les occasions de satisfaire cet intérêt; à certaines conditions bien définies, ils doivent pouvoir compter sur l'aide de l'État, surtout s'ils ont la préoccupation de ne pas agir en cercles fermés et de faire partager leur intérêts par leurs concitoyens.

« Le Comité d'étude sur l'éducation des adultes, lit-on encore dans ce même document, distingue dans son rapport l'éducation formelle et l'éducation non-formelle. La première désigne toute acquisition de connaissances qui conduit à l'obtention de grades scolaires... On conçoit que l'État a un rôle primordial à jouer dans l'organisation de l'éducation scolaire pour les adultes... L'éducation non-formelle qu'on désigne parfois sous le nom d'éducation populaire ou de culture populaire, recouvre les domaines comme ceux de la formation sociale, artistique, intellectuelle et spirituelle, la formation en vue du changement social, l'information sous son aspect général et la formation des cadres. Elle est surtout la responsabilité des organismes privés.» Nombreuses furent alors les initiatives, à travers la province, en vue de la récupération scolaire, mais l'Institut Coopératif Desjardins était le seul centre résidentiel en vue de la formation des cadres et du changement social; et alors que le Rapport Parent insistait sur la nécessité d'élaborer une pédagogie appropriée à l'éducation permanente, l'Institut Coopératif Desjardins en faisait déjà l'expérience et servait en quelque sorte de laboratoire dans ce domaine.

Nos méthodes pédagogiques

L'Institut Desjardins n'a pas inventé une pédagogie nouvelle. Il s'est inspiré des recherches faites au Canada, aux États-Unis et en Europe et de l'expérience d'éducateurs d'adultes, de psychologues, de sociologues et de spécialistes de diverses disciplines (architectes-urbanistes et autres). L'utilisation d'une pédagogie nouvelle a dû se faire dans un climat de contestation de l'enseignement traditionnel dont on sent encore aujourd'hui la résistance, mais le renouveau pédagogique a maintenant atteint le monde de l'enseignement comme le prouvent les événements qui se sont produits récemment dans certaines universités.

Les recherches de Kurt Lewin en dynamique des groupes nous ont amenés à introduire la dimension sociale dans la relation pédagogique et nous ont convaincus de l'utilité d'une méthode centrée sur le groupe pour accomplir dès actions de formation productive et créatrice. Tout l'Institut a été défini en fonction du travail des petits groupes (ou micro-groupes). On a déjà tellement écrit sur la dynamique des groupes que nous ne croyons pas nécessaire d'insister.

Cari Rogers, pour sa part, a ouvert la voie à une pédagogie nouvelle inspirée de son expérience de psychothérapeute et il nous a aussi beaucoup inspirés. Si l'éducateur ou le formateur veut donner un enseignement ayant une signification vitale (significant learning) et qui soit plus qu'une accumulation de faits, qui fasse une « différence » dans le comportement individuel, dans la motivation des choix et des attitudes, il doit être centré sur les personnes et non sur le programme. Il doit dépasser l'ordre purement intellectuel et devenir fonctionnel; il doit viser à rendre autonome, moins rigide, plus réaliste. Il doit s'appuyer sur le respect des personnes en formation, sur une volonté d'apprendre, sur un climat de confiance, sur des problèmes de vie. Et alors, comme il y a au fond de chaque homme des énergies capables de dépassement, et si le formateur est un instrument qui permet qu'elles se révèlent, les connaissances qui seront transmises ne seront plus imposées et deviendront action. Certains nous ont reproché de laisser le groupe s'auto-éduquer, s'autodéterminer et, donc, tourner en rond. Nous sommes bien d'accord qu'il ne suffit pas de créer des relations idéales entre formateurs et stagiaires et une cohésion de groupe pour qu'il y ait transmission de connaissances et efficacité. Nous croyons, cependant, que le contenu d'une session de formation ou qu'un programme de formation doit s'appuyer sur les besoins ressentis et non imposés de l'extérieur. Si l'on respecte bien ce principe pédagogique, on évite les bourrages de crâne qui ne collent pas à la réalité. Nous n'avons pas voulu supprimer l'information, ni le cours formel, ni les conférences, mais nous avons voulu les considérer comme des instruments que l'on propose sans les imposer. Notre expérience de formateurs nous a démontré que les stagiaires sont plus exigeants que nous pour obtenir l'information la plus complète, mais lorsqu'ils sont prêts à la recevoir. « People are more ready to act upon a decision which they have themselves agreed upon. » (K. Lewin.)

La pédagogie de l'Institut Coopératif Desjardins repose sur la foi en l'homme. Nous croyons que l'homme possède, en puissance, la compétence nécessaire à la solution de ses problèmes ou à l'acquisition des connaissances. « Le « lieu « de l'évolution et de la formation, aussi bien que le « lieu de l'évaluation » sont donc en lui et non pas en autrui, même si celui-ci est particulièrement compétent. » (L'A.R.I.P., Pédagogie et psychologie des groupes.) Si tel n'est pas le cas, nous sommes en route vers un contrôle social totalitaire, où le grand nombre dépendra de quelques cerveaux dits forts. L'État ou les corps intermédiaires ne peuvent plus, en raison même de l'efficacité qu'ils veulent atteindre, contraindre. Ils doivent convaincre et dialoguer; ils doivent passer par les groupes.

Nous avons toujours considéré comme importantes l'évaluation et la participation des stagiaires à la préparation de leur programme de formation. Nous avons considéré comme essentiel de partir du besoin des personnes en formation plutôt que de ceux qui ressentent les formateurs. Mais les besoins véritables ne sont pas nécessairement ressentis par ceux-là; c'est en les mettant en situation de formation qu'on arrive à les leur faire découvrir. Nous rejoignons là l'Institut National de Formation des Adultes de Nancy où l'on croit que la meilleure formation n'est jamais qu'une transformation des besoins non ressentis. La motivation est essentielle pour qu'il y ait vraiment acquisition de connaissances et engagement d'un processus d'éducation continu.

Les stages de formation et de perfectionnement préconisés par l'Institut Coopératif Desjardins ont visé dès le départ, « au moyen d'échanges et d'auto-critique des stagiaires entre eux et avec des personnes de ressource, à l'aide d'illustrations, de volumes, de films, d'enregistrement, etc., en plus de transmettre un savoir et des pratiques, en plus d'explorer de nouveaux champs de connaissances, à développer de nouvelles habitudes ou attitudes personnelles » (Guy Beaugrand-Champagne).

Favoriser la réflexion, la prise de décisions, l'action, voilà la seule voie de l'éducation. Selon un spécialiste en développement communautaire, il faut rejeter de notre milieu certaines habitudes paternalistes et dirigistes de ceux qui pensent pour les autres et prennent pour eux les décisions. Prendre des décisions pour un groupe et à sa place, c'est travailler à le désintégrer et réduire son initiative. Il n'y a qu'une solution : ou l'on aide des personnes à se développer, ou l'on contribue à leur régression.

Inspiré par une pédagogie en vue du changement des attitudes et des comportements, l'Institut Coopératif Desjardins se devait d'utiliser des méthodes qui permettent aux stagiaires de dépasser l'état de dépendance où on subit sa condition, de dépasser « la simple expression émotionnelle » (l'A.R.I.P.) - revendications, griefs, révoltes - afin de réfléchir de mieux en mieux à ses problèmes, de travailler de concert et de savoir prendre les décisions qui s'imposent. Le Mouvement Desjardins et la société ont besoin de ces citoyens adultes.

Nous avons pensé que l'enseignement de la coopération aux praticiens doit dépasser l'histoire et l'énumération des principes pour viser à changer l'homme et ses attitudes vis-à-vis la société, et à créer un type d'homme nouveau.

La pédagogie de l'Institut est donc centrée sur le groupe et le réel. Le participant est sujet et non objet, nullement « vase à remplir ». Le professeur ou la personne de ressource est un participant-conducteur (l'A.R.I.P.) dont le rôle n'est pas d'enseigner du haut d'une tribune, mais d'organiser le travail, de faire réfléchir, d'ouvrir les avenues de la connaissance, d'éclairer. Il n'y a pas de livre du maître ni de savoir à apprendre par coeur.

Ces méthodes d'auto-éducation, d'une pédagogie nouvelle antidressage et démocratique, sont inscrites dans l'architecture même de l'Institut; pas de professeur isolé, haussé sur une estrade, pas d'élèves silencieux, alignés sur leur banc fixé au sol, orientés vers le professeur (l'A.R.I.P.), mais des salles pour discussion face à face, de nombreux salons et allées de dégagement propices aux conversations spontanées ou à la lecture. Tout se fait en fonction des besoins et des désirs des groupes. Tout est mis en oeuvre pour favoriser la discussion, le dialogue, pour apprendre à réfléchir, pour faire vivre de véritables expériences en relations humaines, pour permettre aux stagiaires d'acquérir une perception prospective de la société et de ses problèmes et de progresser vers une plus grande authenticité dans ses comportements et relations sociales. Ce que l'on redoute le plus à l'Institut Desjardins, ce sont les idées-toutes-faites, les préjugés, les absolus. « La véritable instruction ne consiste pas à acquérir des connaissances et cataloguer des faits, mais à voir la vie en tant que totalité.» (Kirshnamarti.)

Nos objectifs et nos réalisations

L'Institut Coopératif Desjardins, dans le rapport final de programmation remis aux architectes, était défini comme un centre-résidence d'éducation des adultes destiné aux cadres de mouvements sociaux et plus particulièrement adapté aux programmes d'entraînement du personnel des sociétés du Mouvement Desjardins. Il faut distinguer immédiatement entre l'Institut Coopératif Desjardins, centre résidentiel, et l'association coopérative, fondée en décembre 1963, portant le même nom et regroupant des représentants des diverses institutions du Mouvement Desjardins. L'Institut Coopératif Desjardins, association coopérative, est d'abord un agent de réflexion communautaire du Mouvement Desjardins et se considère comme un agent de promotion sociale individuelle et collective. Il utilise, comme instrument privilégié, ce centre résidentiel, mais il met aussi au service du centre, ou des groupes qui font appel à lui une équipe pédagogique pour les assister dans la programmation, la réalisation et l'évaluation de programmes de formation, ce qui ne se traduit pas toujours par des stages.

Respectant sa pédagogie centrée sur les groupes, l'Institut Desjardins n'a pas voulu imposer ses propres programmes mais il s'est plutôt placé en situation d'écoute du milieu et a essayé de répondre à ses besoins. Ce n'est que graduellement que nous sommes arrivés à privilégier certains programmes de formation à l'action collective comme ceux que nous réalisons actuellement et que nous avons décidé de nous orienter vers la formation de formateurs.

Nous considérions qu'il ne nous appartenait pas de prendre des initiatives au domaine de la formation, que ce soit pour le Mouvement Desjardins ou les divers organismes qui faisaient appel à nous; nous croyons que les programmes de formation relèvent des services respectifs de ces organismes et que l'Institut Desjardins n'est qu'un instrument à leur disposition. Nous avons même demandé aux organismes, avant de procéder à des actions de formation, qu'un service de formation relié à la direction soit mis sur pied afin d'établir des structures d'envoi et d'accueil et d'assurer la continuité des opérations et leur autonomisation.

Au départ donc, l'Institut Desjardins, à quelques exceptions près, plutôt que d'organiser divers cours ou stages sous sa propre responsabilité, a cru qu'il rendrait davantage service en s'efforçant de sensibiliser le plus grand nombre possible d'organismes ou associations aux méthodes ou aux ressources d'un centre résidentiel d'éducation des adultes de façon à les amener à y faire des sessions et à les aider à bâtir des programmes de formation et de perfectionnement efficaces. Les services de l'Institut Desjardins ont été offerts d'abord au Mouvement Desjardins et au mouvement coopératif et, ensuite, aux mouvements, associations diverses, gouvernements, entreprises. Nous avons aussi étendu nos activités aux pays en voie de développement.

Il est facilement compréhensible que le Mouvement Desjardins, qui compte un milliard et demi de dollars d'actif, deux millions de membres issus pour la plupart des classes populaires, plus de quinze mille administrateurs, plusieurs milliers de permanents, s'occupe de la formation professionnelle de son personnel et de l'éducation de ses membres. Mais quelle est sa responsabilité vis-à-vis les autres secteurs d'activité du milieu? À cause de sa nature coopérative, de sa puissance et de son rayonnement au Canada français, le Mouvement Desjardins se reconnaît une responsabilité au domaine de l'éducation des adultes en général et de l'aide aux pays en voie de développement.

Toute l'activité du Mouvement Desjardins comme du mouvement coopératif repose sur le respect des personnes et la primauté du service sur le profit. Ce mouvement croit que le développement social et particulièrement économique doit se faire d'abord en vue du développement de l'homme et non pas en fonction de l'accroissement de la productivité ou autrement.

Inscrit dans le contexte québécois d'aujourd'hui, issu d'un mouvement populaire, l'Institut Desjardins est convaincu que la seule façon d'assurer le développement social et la survie d'une démocratie de plus en plus organique à une époque où le pouvoir social et même politique repose entre les mains de technocrates qui peuvent manipuler à leur guise une population souvent puérile, c'est d'assurer l'éducation des adultes et par elle de permettre aux individus de se faire une place dans la société et d'y jouer un rôle. Une société qui n'a pas foi en tous ses citoyens ne progressera pas réellement. Le plus humble travailleur a droit au respect et à un effort sans condescendance de la part de ceux qui possédant le savoir s'en servent trop souvent pour éblouir le peuple. Et puis, pourquoi ne pas le dire, est-ce que trop d'intellectuels, trop d'universitaires n'ont pas tendance à se construire de petites tours d'ivoire où ne sont invités que ceux-qui-pensent-comme-eux, et ne laisse-t-on pas aux seuls politiciens le soin de dialoguer avec les classes populaires ? C'est vers elles que l'Institut Desjardins veut se tourner en particulier pour leur offrir un centre de formation où elles puissent, tout à leur aise, travailler à leur promotion. L'Institut Desjardins, en accueillant chez lui tous ces groupes, veut apporter une contribution à la formation en vue du changement social, à une mise en commun de toutes les énergies créatrices et à une participation générale et éclairée au développement communautaire.

Par la concurrence et un certain idéal de l'homme, la coopérative, écrit François-Albert Angers, peut imposer un style à l'économie et à la démocratie et favoriser une collaboration efficace entre l'État, l'entreprise privée, les patrons et les ouvriers. La seule vraie formule révolutionnaire de restauration sociale dans le sens de la destruction des classes et de leur union dans un effort commun, c'est le coopératisme, ce sont les coopératives.

« La coopération, ajoute Paul-Émile Charron, directeur général associé de la Fédération de Québec des Unions régionales des Caisses populaires Desjardins, est fondée sur cette grande vertu sociale qu'on appelle le « sens des autres ». Elle est révolution et facteur d'ordre. Elle fait appel à la raison et au sens de la méthode. Ce sont là des forces qui doivent rayonner.» Selon Paul Claudel, « la coopération c'est la fraternité enseignée et apprise en la pratiquant. L'école de l'art de l'homme ».

Nous ne pouvions trop insister sur l'importance de la formation des ressources humaines, clé du développement. Certes, la recherche de la productivité et de la rentabilité sont des préoccupations normales d'entreprises à caractère économique comme celles du Mouvement Desjardins, mais nous savons, nous appuyant sur les opinions de grands économistes contemporains, que productivité et rentabilité ne sont pas uniquement fonction de facteurs financiers et matériels, mais de plus en plus fonction de facteurs humains.

« II y a un siècle, écrit Colin Clark, économiste britannique de réputation mondiale, l'accumulation du capital peut avoir été le facteur-clé du progrès économique; et maintenant, la valeur de cet élément est diminuée dans l'ensemble. La mesure du progrès économique dépend aujourd'hui des facteurs humains de l'entreprise : direction, connaissance scientifique, qualité du travail et harmonie dans les relations industrielles. Le progrès de la nation dépendra largement de ses valeurs morales et financières données par l'éducation plutôt que de l'équipement industriel et financier. »

Les connaissances et les tâches sont si nombreuses et complexes, sous l'influence de la science et des techniques, qu'il nous faut trouver de nouvelles façons d'apprendre. Comme les ressources humaines sont si limitées en nombre et en qualité chez nous, il nous a fallu inventer une formation dans l'action en mettant à la disposition du milieu et des pays en voie de développement (quoique d'une façon plus limitée) un instrument nouveau comme notre centre résidentiel et une équipe pédagogique s'inspirant d'une pédagogie dynamique. En acceptant ce défi, nous avons été entraînés au coeur des problèmes du développement économique et social. En fait, nous avions été fondés, nous le réalisons bien, pour augmenter la capacité de créer et d'agir des individus et des groupes, et leur permettre d'assumer des responsabilités nouvelles qui n'étaient réservées autrefois qu'aux seules classes privilégiées. « Devenant pleinement homme, écrit Fourastié, aucun des problèmes humaines ne lui restera étranger. »

Nous avons été marqués par des réflexions comme celles de Norbert Wiener : « L'homme a tellement modifié le monde qu'il doit maintenant, pour y vivre, se modifier lui-même. »

« À chaque pas, dans ce monde ouvert sur l'étrangeté, l'homme voit surgir des points d'interrogation aussi démesurés que l'étaient les animaux et les végétaux antédiluviens. Ils ne sont pas à sa taille. Mais quelle est la taille de l'Homme ? La sociologie et la psychologie ont évolué beaucoup moins vite que la physique et les mathématiques. C'est l'homme du XIXe siècle qui se trouve subitement en présence d'un monde autre. Mais l'homme de la sociologie et de la psychologie du XIXe siècle est-il l'homme véritable ? Rien n'est moins sûr. Après la révolution intellectuelle suscitée par le Discours de la méthode, après la naissance des sciences et de l'esprit encyclopédique, après le vaste apport du rationalisme et du scientisme optimiste du XIXe siècle, nous nous trouvons en un moment où l'immensité et la complexité du réel qui vient d'être mis à jour devraient nécessairement modifier ce que nous pensions jusqu'ici de la nature de la connaissance humaine, bouleverser les idées acquises sur les rapports de l'homme avec sa propre intelligence - en un mot exiger un attitude d'esprit très différente de ce que nous nommions hier encore l'attitude moderne. » (Louis Pauwels et Jacques Bergier, Le matin des magiciens.)

« Reconstruire l'homme d'abord », comme on l'a écrit, pour le rendre capable d'affronter un monde mobile où tout est sans cesse remis en question, essayer de lui donner le calme, l'esprit d'équipe et surtout le sens de l'humain, qui est plus nécessaire aujourd'hui que jamais. Favoriser la revitalisation et la réorientation, s'il y a lieu, des corps intermédiaires, les petits et les grands, et ce, en mettant l'accent sur tous les organismes coopératifs, collaborer à former des élites sociales nouvelles, issues des classes populaires et aptes à communiquer avec elles, des leaders imbus du respect de la personne et aptes à travailler en équipe; contribuer à faire prendre conscience aux gens de chez nous des dimensions des problèmes et leur faire rechercher les solutions; rapprocher les élites des réalités inscrites dans notre milieu et des préoccupations du peuple; propager la coopération, école de démocratie, lutter contre l'individualisme malsain, rapprocher les classes sociales et aussi faire notre part pour aider les pays en voie de développement à s'aider eux-mêmes en venant avec nous étudier la coopération et le développement communautaire, sans prétention, voilà quelques grands objectifs que nous cherchons à atteindre.

Nous le faisons en essayant d'éviter le piège des conformismes qui se manifestent, s'ils sont traditionnels, soit par la peur du nouveau et la passivité, ou encore, s'ils sont révolutionnaires (parce qu'il y a le conformisme des non-conformistes), soit par le rejet systématique du passé, soit par l'improvisation ou l'activisme.

L'Institut Desjardins s'est donc défini principalement, au cours de ces cinq dernières années, comme un agent de promotion sociale collective. Je me permets de signaler ici une dimension relativement nouvelle de l'éducation des adultes que l'on appelle la promotion sociale, c'est-à-dire la formation et le perfectionnement des personnes déjà engagées dans le monde du travail. On peut distinguer deux secteurs de la promotion sociale. Si, d'une part, cette opération de formation et de perfectionnement vise à l'avancement personnel des individus, à leur accession à une meilleure compétence, on parle de promotion individuelle ou de promotion professionnelle. Si, d'autre part, cette formation vise à préparer des individus à mieux assumer des responsabilités d'organisation au sein d'un groupe, on parle de promotion collective. Ici, c'est moins l'avancement individuel qui compte que la promotion d'un groupe, par la formation en son sein de leader plus compétent, plus apte à exprimer les aspirations de ce groupe et mieux qualifié pour guider les membres de ce groupe vers une participation réelle et effective aux décisions politiques, économiques et sociales de la collectivité. Par la promotion individuelle, la promotion sociale était un facteur d'efficacité technique et de développement économique; par la promotion collective elle devient un des piliers de la démocratie et du progrès social.

« La machine, disait Malraux lors de son passage au Canada il y a quelques années, est en train de changer complètement le destin des hommes et de créer, d'une part, une transformation du monde sans précédent, de donner une dignité exemplaire à la lutte contre la terre, qui est probablement la plus grande épopée du siècle, mais, en même temps, de créer un temps libre de plus en plus étendu. Ce temps libre, on l'appelle loisirs... et on nous explique depuis bien longtemps que la culture, c'est ce qui permet de passer les loisirs... c'est une des erreurs les plus tragiques de ce temps... »

En effet, la culture, nous savons que c'est beaucoup plus que cela, que ce sont les vraies valeurs de l'esprit, les valeurs nécessaires, seules capables d'aider l'homme à garder son « âme » et à « inspirer » son action. La notion de culture populaire est élargie d'autant.

« Nous avons construit un monde qui ne nous convient pas... Nous avons modifié les conditions de notre existence au hasard des inventions, de nos appétits et de nos illusions, sans aucun égard pour notre esprit et notre corps. » (Alexis Carrel.)

Dans Retour au réel, Gustave Thibon raconte qu'un vieux paysan, plein de sagesse et d'expérience, à qui il avait donné à lire Les travaux et les jours, d'Hésiode, lui avait déclaré en lui rendant l'ouvrage : « C'est étrange, mais les moeurs, les usages, la mentalité de nos agriculteurs d'il y a cinquante ans étaient presque semblables à ceux des paysans grecs d'il y a 3,000 ans. Tout a changé depuis cinquante ans. »

Comment se surprendre alors que tant de gens se cherchent et se sentent comme à la dérive, sans espoir d'agir sur les événements ! « L'homme se perd, affirmait un chef syndical. Dans peu de temps, le dixième seulement de la population sera conscient du monde dans lequel il vit... À moins que l'homme n'apprenne, d'ici là, qu'il garde en lui des valeurs encore inexploitées comme celles du service social, du témoignage exemplaire, de la responsabilité personnelle devant l'usage qu'il fait de sa liberté. »

C'est sur ce type de promotion sociale que doit reposer l'action des éducateurs d'adultes d'aujourd'hui, qu'ils entreprennent une lutte contre la pauvreté ou une campagne d'éducation populaire ou de reclassement de la main-d'oeuvre. Il leur faut résister à cette science épouvantable de l'organisation qui vise à « insectifier », à « chosifier » l'homme, ce type d'homme du XXe siècle que Koestler décrit comme « ayant des yeux de poisson mort ».

La promotion sociale doit reposer sur le respect de l'homme et ceux qui s'y consacrent doivent croire que, sous l'influence de l'éducation, l'individu est capable de se modifier. S'il est vrai que ce sont toujours les pauvres qui sauvent leurs frères, ce sont ceux que la société bouscule le plus qui apporteront, grâce à leur labeur, la réflexion et l'action qui sauvent.

La promotion sociale collective doit viser à favoriser la conquête de la nouvelle autonomie de l'homme (esquissée par David Riesman dans The Lonely Crowd) dans une participation aux responsabilités familiales, professionnelles, syndicales, politiques, compatibles avec les caractères de « la nouvelle société où nous vivons ».

Dans la mesure où la société, écrit P. Viau dans Économie et Humanisme (juillet-août 1965), est devenue apte à maîtriser son destin, chacun des membres de la société se trouve concerné par l'aménagement du présent et la construction du futur et peut légitimement prétendre y apporter sa collaboration. Tel est le fondement de l'aspiration à participer qui anime l'homme d'aujourd'hui et sur lequel il faut tabler pour des programmes de promotion collective.

Mais est-ce possible, dans une société comme la nôtre, dominée par une économie matérialiste où priment le profit, le capital sur le travail, la production sur la consommation, où l'homme est au service de l'économie et de la productivité, de favoriser non pas seulement le bonheur, le confort et la prospérité, mais aussi l'épanouissement spirituel de l'homme ? D'abord, certes, il faut assurer aux hommes des conditions de logement, de travail, de nourriture normales, mais il faut assurer aussi des conditions de culture humaine.

La promotion sociale est à ce point exigeante qu'elle doit viser à créer un homme nouveau. Si nous mettions en commun ce qu'il y a de plus humain et de moins bourgeois (le bourgeois pour Mounier, c'est « l'homme qui a perdu l'amour ») dans chacun des responsables de la promotion sociale au Québec, s'ils travaillaient ensemble et évidemment aussi avec des responsables des grands médiums d'information, nous pourrions faire encore davantage.

Il y a danger, actuellement, de ne voir l'éducation des adultes que comme un instrument pour améliorer la productivité des uns et les revenus des autres. Il y a cela, évidemment, et le problème de produire davantage et de mieux gagner sa vie est la préoccupation majeure de l'industrie et de la population. L'éducation des adultes est une nécessité économique d'abord, mais il y a une autre dimension essentielle à la notion de l'éducation des adultes, c'est celle de la formation du citoyen; promotion sociale individuelle et promotion sociale collective sont complémentaires. On a peut-être tendance à développer la première au détriment de la seconde ! Tant que l'on croira que l'éducation des adultes ne vise qu'à donner des techniques ou à préparer à l'acquisition de techniques pour mieux remplir un poste plus rémunérateur, on n'aura fait qu'une partie du chemin, importante certes, mais incomplète, car ce qu'il importe de ne pas oublier, c'est que l'éducation des adultes vise, comme toute éducation, à rendre plus homme, plus libre, meilleur citoyen, capable de comprendre le milieu où il vit... On aura beau bâtir les meilleurs programmes de recyclage et de formation technique, on n'aura pas pour autant appris à la population à penser et à dépasser le stade de la revendication.

Ce sont là des responsabilités que l'Institut Desjardins n'a pas la prétention de pouvoir accomplir seul, ni même partiellement. Il faut utiliser à fond toutes les ressources et toutes les énergies publiques et privées du milieu et l'Institut Coopératif Desjardins essaie d'apporter sa quote-part.

Il est certain que l'État a besoin de l'expérience et de l'appui des organismes privés, de leurs structures et de leur personnel dans la vaste lutte entreprise en vue d'assurer une promotion sociale de la population québécoise maintenue dans une véritable enfance intellectuelle et morale à cause de sa pauvreté et de son manque d'éducateurs... « Rien dans l'univers ne peut résister à l'ardeur convergente d'un nombre suffisamment grand d'intelligences groupées et organisées », disait Teilhard de Chardin.

Depuis quelques années, les mots animation, participation, développement communautaire, consultation, démocratie de participation, ont été tellement utilisés et si souvent confondus qu'il est devenu important de bien doser leur emploi et nécessaire d'en clarifier le sens. Un document important a été publié à ce sujet, en 1968, par le Conseil d'orientation économique du Québec : L'animation, l'animation sociale, la consultation, essai de définition. L'Institut Coopératif Desjardins, qui a participé à sa rédaction, y souscrit entièrement. Nous avons convenu donc, depuis quelque temps de chercher, dans les limites de nos possibilités, à éviter qu'il se fasse des opérations de formation dites « d'animation sociale » qui ne s'inscrivent pas dans le cadre d'un développement planifié. Nous faisons continuellement l'effort de resituer l'animation comme un instrument (non un objectif), comme un ensemble de techniques ( « Méthode d'intervention au sein d'un groupe en situation, en vue de rendre le groupe concerné plus apte à communiquer, à décider et à agir»).

Il faut continuellement démystifier l'animation qui est considérée comme subversive par certains et, par d'autres, comme une opération qui entraîne des résultats magiques. Un animateur, c'est d'abord un agent de rationalité dans l'action collective et, quant à nous, les actions d'animation que nous entreprenons se situent au niveau de la formation de formateurs et nous n'intervenons pas dans des opérations d'animation sociale ( « Moyen d'assurer, dans un contexte de planification du développement social et économique, une participation optimale des citoyens laissés pour compte par les transformations structurelles de l'économie et de la société québécoise ») sinon à titre de consultant occasionnel sur le plan de la formation.

L'Institut Desjardins a voulu de plus éviter qu'il se fasse de la formation pour le seul objectif d'en faire. On ne mesure pas l'efficacité d'une institution ou d'un service de formation par le nombre de journées d'étude ou de participants qu'ils réalisent ou rejoignent. Il faut que les programmes correspondent aux vrais besoins de l'institution, qu'ils soient continus, progressifs, dynamiques, adaptés et adaptables. D'ailleurs, après l'expansion galopante des dernières années dans le domaine de l'enseignement, les pays industriels se tournent vers un usage plus rationnel des ressources comme en témoigne le compte rendu d'une rencontre récente de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). N'aurions-nous pas avantage à étudier cette réflexion que faisait le directeur des affaires scientifiques de l'OCDE, en avril dernier : « Nous sommes arrivés à un point où l'enseignement et la recherche doivent être étudiés sous l'angle du rendement qualificatif, à partir du critère de l'efficience et de la productivité, plutôt que sous l'angle des ressources brutes. »

En créant un service de formation à l'action collective et en constituant une équipe qui nous permettra de mieux évaluer notre travail, d'organiser l'auto-évaluation par les stagiaires et d'assurer « le suivi » de notre activité de formation, nous avons réussi à mieux systématiser nos opérations en vue de mieux répondre encore aux nombreuses demandes qui nous parviennent d'organismes ou d'individus intéressés à se familiariser ou à se perfectionner aux techniques de l'animation. Nous avons contesté, pour des raisons méthodologiques, certaines actions de formation que nous avions entreprises avec des stagiaires de pays en voie de développement et nous nous sommes lancés dans une recherche pour vérifier certaines hypothèses de travail qui correspondent davantage à nos objectifs pédagogiques et nous avons intensifié certaines recherches ou études méthodologiques au moyen de comités de travail, de consultations, de colloques ou séminaires. Nous avons répondu aux demandes des groupes qui font appel à nous pour certains programmes de définition de rôles et d'objectifs ou certaines autres tâches, mais nous sommes de moins en moins disponibles pour ce genre de travail et nous essayons plutôt de former une équipe d'animateurs en vue d'accélérer par la formation de formateurs le processus de multiplication. Nous avons mis l'accent aussi sur la formation à la gestion en vue de répondre à des besoins particuliers du Mouvement Desjardins.

Le mouvement coopératif et le Mouvement Desjardins sont à la recherche de leur second souffle. Les besoins en ressources humaines et en formation du personnel sont énormes si l'on veut viser à la fois à l'efficacité et à la promotion sociale; c'est une tâche exigeante, dans la coopération, d'avoir à former à la fois des hommes compétents pour l'entreprise et dynamiques pour développer l'association de personnes et la participation. Le mouvement coopératif se doit de préciser sans cesse ses orientations, de développer une vue d'ensemble sur la société qu'il veut construire et une philosophie sociale et économique prospective. Il doit associer le plus grand nombre de personnes possible à ses activités, repenser le partage des responsabilités entre élus et salariés, la représentativité de ses membres, l'exercice du pouvoir démocratique, développer des structures régionales qui facilitent la participation, reviser continuellement ses objectifs et son organisation en fonction des besoins, réévaluer sa perception des besoins, etc. Mouvement de compensation devant le néo-capitalisme qui répond ou crée des besoins par intérêt, comme le déclarait le professeur Fernand Dumont, il doit exprimer les grands besoins collectifs constamment sous-estimés par le secteur économique et masqués par la publicité, définir les besoins véritables de la société et cela, tout en administrant des entreprises financières de grande importance. Il est essentiel d'en arriver à développer chez les dirigeants du mouvement coopératif un esprit tourné vers l'avenir tout en s'inspirant du passé. Il lui faut prévoir des programmes de formation continus et dynamiques qui préparent à des tâches nouvelles, et qui permettent de réapprendre son travail en l'apprenant autrement; développer un esprit nouveau qui l'aidera à sortir des modèles connus pour créer, grâce à l'expérience et à l'imagination de praticiens qui sont motivés par les besoins actuels plutôt que par la sauvegarde des structures et du bien acquis, par l'auto-défense et la justification du passé. Il faut laisser aux historiens le soin de faire l'exégèse du passé et se convaincre que « la raison de nos actes est en avant de nous» (Gaston Berger). Il faut se préparer à une action collective plus rationnelle et plus démocratique, qui s'appuie sur des efforts de planification et de prospective. Ce sont des tâches majeures auxquelles l'Institut Desjardins est associé et c'est dans ce sens que nous croyons interpréter les besoins du milieu en offrant des services qui peuvent apporter des éléments de solution.

Tout au cours de ces années, et graduellement, nous avons essayé de « libérer » l'équipe pédagogique afin qu'elle puisse jouir d'une liberté académique complète sans être influencée indûment, dans son travail, par les problèmes financiers que pose l'administration d'un centre résidentiel d'éducation des adultes.

De nombreux voyages d'étude ont été faits par des membres de notre personnel dont plusieurs ont bénéficié de congés éducatifs afin de se spécialiser. Plusieurs sessions d'études expérimentales ont été réalisées avec des organismes étrangers ou du pays. Ces échanges nous ont ramenés à nous poser un certain nombre de questions fondamentales. Un des problèmes prioritaires pour nous, c'est d'établir des objectifs d'action déterminés par un esprit scientifique, c'est-à-dire appuyés sur l'observation des faits et insérés dans les lignes de force de la société globale. Il nous semble évident que la coopération et l'Institut Desjardins en particulier ont des responsabilités d'agents de développement de la conscience communautaire. Il nous faut continuellement rechercher les vrais besoins communautaires, essayer d'y répondre et préciser quel type de société nous voulons bâtir. Nous sentons bien que nul ne peut se définir dans une société complexe comme la nôtre sans des études globales, que nous avons essayé de favoriser dans la mesure de nos moyens.

Difficultés

En cherchant à établir un style nouveau de fonctionnement dans l'application des programmes de formation, nous avons été entraînés à contester certaines attitudes dirigistes et paternalistes qui ne favorisent que la passivité chez ceux à qui on demande d'accepter ce qui vient d'en haut sans comprendre souvent, sans « critiquer » et sans participer à la solution des problèmes. Nous avons constaté qu'il est essentiel que les programmes de formation et les conséquences qu'ils entraînent soient acceptés par la haute direction des organismes, sinon c'est le programme de formation qu'il faut modifier ou retarder en attendant une situation plus favorable. Nous avons toujours refusé d'intervenir dans des groupes, sans l'accord de l'organisme lui-même. Nous pensons qu'il est temps, dans nos institutions économico-sociales, de dépasser la notion du service d'éducation, beaucoup trop générale, pour nous orienter véritablement vers des services de formation individuelle et collective; d'y mettre les hommes les plus compétents et les associer à la haute direction. Le temps est révolu où les services d'éducation sont dirigés par des hommes sans expérience ou par ceux qui, très expérimentés dans la gestion des affaires, se sont vu confier ce poste, à la fin ou au cours d'une carrière, pour des raisons autres que professionnelles.

L'Institut Desjardins a essayé de ne pas se lancer à la défense d'une idéologie. Il a essayé de se présenter tout simplement comme un agent de changement, mais le choix d'une pédagogie non directive a pu être perçu, à l'occasion, comme une option réactionnaire. C'était inévitable mais, en toute objectivité, nous avons essayé d'être un instrument de co-réflexion communautaire non engagé et qui s'efforce de s'ajuster aux groupes de tous types avec lesquels il travaille et de doser, s'il le faut, certaines méthodes pédagogiques traumatisantes. Nous avons heurté parfois certains groupes qui considèrent la formation comme une opération de conservation de valeurs et de propagation d'idées plutôt que comme un lien de réflexion, de contestation et d'évolution. « Dans un cadre traditionnel, la tâche de l'éducation était assez simple; il fallait décider ce dont la machine sociale a besoin et faire en sorte que les gens puissent répondre à ces besoins. La fonction de l'école n'était pas tellement d'encourager les gens à continuer à explorer, à apprendre et, par suite, à changer tout au long de la vie mais, au contraire, de ralentir et de contrôler ces mêmes processus de croissance et de changement personnel. Veiller à ce que l'homme évolue dans une carrière utile ou l'instrumenter pour son métier était une petite partie de ce jeu éducationnel qui consistait à répondre aux besoins de la machine sociale. » (McLuhan.)

Nous avons constaté, à nos risques et périls, qu'il n'y a pas désir universel de changement, qu'il y a résistance, que tous n'acceptent pas, par exemple, que certaines de nos traditions soient rejetées, que les rapports d'autorité entre parents et enfants, employeurs et employés, doivent changer. Tous ne sont pas prêts à s'adapter personnellement ou comme membre d'une institution à des situations nouvelles. Tous s'interrogent cependant, et lorsque l'on a compris que l'Institut Desjardins n'est qu'un instrument de réflexion qui n'est pas là pour donner des orientations, mais pour permettre de les trouver, les réactions sont moins agressives.

Dans un article « Revolt and Reform » du Père Joseph MacFarlane, qui porte sur le conflit des mentalités entre la vieille et la jeune génération, on note que l'une des sources de conflit est la question des structures : la génération ancienne accepte la structure, la nouvelle la met en question. « Pour la nouvelle génération, la structure est « le système ». C'est la façon invariable d'affronter toute situation. C'est à la fois une attitude d'esprit et un système tout fait de manières d'agir, que l'on présente comme la façon reçue de faire les choses. Les tenants de la structure ont une décision finale toute faite, un plan préétabli; ils répondent à une objection par un appel à l'autorité. À leurs yeux, la structure fait figure de bons sens. Mais la nouvelle génération s'oppose à cette manière de voir : ce à quoi elle s'oppose, c'est à ce mauvais usage de l'autorité qui consiste à considérer comme immuables tous les aspects de la structure et à soutenir ce point de vue par voie d'autorité. Pour l'auteur, ces jeunes ont vraiment quelque chose à dire et ils constituent l'avant-garde de ce qui va venir, car la masse va les suivre. Vatican II a ouvert la route aux discussions à l'intérieur de l'Église et à travers toute l'Église. C'est presque entièrement dans ce sens que va la fermentation chez les étudiants. La nouvelle génération a à dire des choses valables et il vaudrait mieux qu'elle soit entendue. Elle veut être entendue par ceux qui font des lois à leur sujet...

Plusieurs sont enfermés dans leurs institutions et semblent satisfaits de leur solidité et de leur fixité. Autour, tout change... Quand donc redécouvrirons-nous le génie inventif de ceux qui ont créé nos propres institutions ?

La résistance dans le Mouvement Desjardins a été assez grande et l'est encore malgré de nombreux adoucissements. Peutêtre est-ce normal que l'on ne soit pas « prophète dans son propre pays ». Espérons que, avec le temps, cette méfiance disparaîtra. Toute l'activité du mouvement coopératif nous semble graviter autour de deux pôles : la gestion et l'éducation. Or actuellement, l'automatisation, la démocratisation et la socialisation sont autant de signes des temps qui commandent, tant au niveau de la gestion qu'à celui de l'éducation, de nouvelles attitudes et de nouvelles méthodes ou techniques. C'est un véritable aggiornamento, à une mutation profonde que nous invitent les découvertes et les travaux récents sur la sociologie et la rationalisation du travail, la psychologie sociale, la pédagogie des adultes, et le reste.

Mais de tels changements, écrivions-nous dans un document préparatoire au lancement d'un programme de formation en animation, nécessitent un recyclage des cadres du mouvement coopératif et l'organisation de stages intensifs d'entraînement et de formation. C'était au niveau de la fonction éducative de la coopération que s'intégrait notre programme de formation d'animateurs. Nos hypothèses, concernant la fonction éducative de la coopération, étaient les suivantes : cette éducation a une triple destination : les cadres du mouvement coopératif, ses membres et la société globale. Nous croyions que le mouvement coopératif devait tendre à s'implanter dans la société globale comme un corps intermédiaire et un agent de promotion de la collectivité; cette éducation nous semble devoir poursuivre deux objectifs complémentaires : l'acquisition d'instruments de perception de la réalité suffisamment souples pour en suivre l'évolution rapide, et l'entraînement à une action à la fois personnelle et communautaire dans le milieu; les personnes actuellement responsables de cette fonction éducative au sein du mouvement coopératif nous semblent se situer quelque part entre les deux types suivants : le type traditionnel du propagandiste-informateur aux attitudes dogmatiques et aux méthodes autocratiques et directives est le type, que nous croyons idéal, de l'animateur-vulgarisateur aux attitudes plus relativistes et aux méthodes démocratiques et non directives.

Nous faisions l'hypothèse, en élaborant notre programme de formation, que nous devions offrir aux cadres éducatifs du mouvement coopératif désireux de tendre vers le type idéal d'animateurvulgarisateur un instrument de réflexion et d'entraînement. Cette opération ne fut pas possible et peut-être sommes-nous responsables de n'avoir pu préparer un programme adapté qui répondit vraiment aux besoins ressentis ? Peut-être oublions-nous de respecter parfois, dans nos milieux pédagogiques, la pédagogie que nous faisons vivre à nos propres stagiaires ?

Nous sommes convaincus que le mouvement coopératif et les autres organismes ne pourront survivre dans leurs structures actuelles, et principalement les coopératives, avec le seul perfectionnement technique de leurs salariés. Il y a urgence de former le personnel et les administrateurs à une action démocratique et à un rayonnement social dans la collectivité. Ou bien on développera parallèlement l'entreprise et l'association, ou bien l'une détruira l'autre.

L'Institut Coopératif Desjardins a cru de son devoir de mettre l'accent sur l'association de personnes, sachant que la formation technique est assurée par ailleurs dans les diverses entreprises et institutions du mouvement. Le Mouvement Desjardins doit être source d'idées et de principes de liberté et de démocratie de participation, de responsabilité personnelle et d'entraide volontaire. Ces idées, qui sont au coeur des réflexions sociales actuelles, doivent être concrétisées dans des actes d'éducation; sinon, nous risquons d'être stérilisés par l'argent et la technique. Ces valeurs dépassent le simple nationalisme économique qui a inspiré et qui inspire encore notre action. Il rejoint le fond de la pensée coopérative : tant que la recherche des réponses aux difficultés et aux besoins se fera par le milieu lui-même, avec l'aide de tous ceux qui travaillent dans le Mouvement Desjardins et le mouvement coopératif, nous demeurerons des coopératives efficaces. Mais, pour cela, il faut que ceux qui oeuvrent dans nos entreprises soient des animateurs de ce milieu et non des gens qui ont les réponses. Voilà pourquoi nous insistons tant sur les programmes de formation à l'animation et à la participation dans les organismes de caractère économico-social. D'un côté, il y a évolution de structures (État, Église, entreprises) sous les poussées de la technique; de l'autre côté, la population. Cette population ne pourra jouer un rôle que si on l'aide à comprendre et à prendre ses responsabilités. Ce rôle de promotion sociale est dévolu aux corps intermédiaires et aux coopératives en particulier, mais, il faut nous rendre à l'évidence, le Québec et ses institutions sont toujours dirigés par une équipe de style traditionnel même si, du côté de la consultation, on fait un effort pour favoriser davantage les échanges. Trop de dirigeants sont dépassés par les événements et sont accrochés à leur fonction comme à des vertus, incapables de pousser la confiance jusqu'à l'erreur, sur la défensive, acceptant le progrès à contrecoeur, et que les jeunes, c'està-dire, la science et la technique, la liberté de penser et d'agir, bousculeront.

Est-il nécessaire d'ajouter que de nombreuses difficultés ont été causées par notre manque d'expérience, certaines restrictions budgétaires, des déficits permanents ainsi qu'un manque de personnel ?

Conclusions

« Tout nous invite à penser que les choses vont rapidement changer; que l'ébranlement des grandes masses, la formidable pression des découvertes et des techniques, le mouvement des idées dans les sphères de vraie responsabilité, le contact avec des intelligences extérieures, balaieront les principes anciens qui paralysent la vie en société, et que l'homme, redevenu disponible au bout de ce chemin qui va de l'aliénation à la révolte, puis de la révolte à l'adhésion, entendra en lui-même monter cette « âme nouvelle » dont parle Teilhard et découvrira dans la liberté ce « pouvoir d'être cause » qui relie l'être au faire. » (Pauwels et Bergier, Le matin des magiciens.)

« Enseigner n'est autre chose qu'apprendre », écrivait Carl Rogers. L'Institut Desjardins, depuis cinq ans, s'est donc trouvé en état de recherche, différemment mais aussi intensément que ses stagiaires, et un dialogue créateur s'est engagé.

« Puisque, pour des gens sains, écrit A. H. Maslow, l'inconnu n'est pas épeurant, ils n'ont pas à perdre leur temps à apaiser des fantômes, à siffler en longeant un cimetière ou en se protégeant d'une façon ou de l'autre contre des dangers imaginaires. Ils ne négligent pas l'inconnu, ne le nient pas, ne le fuient pas, n'essaient pas de faire croire qu'il est connu... Ils ne s'agrippent pas au familier et leur quête de vérité n'est pas un besoin maladif de certitude, de sécurité, de définitif, d'ordre... Ils peuvent être, lorsque la situation objective totale le demande, confortablement désordonnés, bâcleurs, anarchiques, chaotiques, vagues, portés au doute, incertains, indéfinis, approximatifs, inexacts ou imprécis (toutes choses tout à fait désirables à certains moments en science, en art ou dans la vie en général). Il arrive aussi que le doute, l'essai approximatif, l'incertitude, avec la conséquence nécessaire de remise des décisions à plus tard, tout ce qui constitue une torture pour la plupart des hommes, peut être pour certains un défi agréablement stimulant, un haut plutôt qu'un bas dans l'existence. »

L'Institut Desjardins est un bon instrument, mais peut-être n'en a-t-on pas fait toujours le meilleur usage. Ceux qui en assurent l'orientation se doivent de songer à le faire mieux servir à la réflexion communautaire et à la formation, en utilisant tous les moyens nécessaires.

La formation des cadres à la fédération des caisses populaires desjardins

Irenée Bonnier (Directeur du Service de l'éducation, La Fédération des Caisses Populaires Desjardins, Lévis, Québec.)

Avant d'expliquer le programme de formation des cadres, c'est-à-dire des gérants et des assistants gérants, mis au point par le Service de l'éducation de la Fédération, il serait sans doute opportun de situer ce qu'est la Caisse populaire et la structure dont elle fait partie.

Il existe dans la province de Québec, environ 1,300 Caisses populaires locales. Chacune des Caisses populaires est affiliée à une Union régionale, et on trouve dix de ces Unions à travers la province. Ces Unions régionales sont elles-mêmes affiliées à une Fédération.

Chacune des Unions régionales a un Service de l'éducation et le travail de l'éducation de chaque Union est coordonné par un Service de l'éducation au sein même de la Fédération.

Le programme de formation (dont il sera question par après) est une partie des activités éducatives, soit : la formation des dirigeants de Caisses populaires, la formation des membres avec un accent particulier sur l'éducation à la consommation et la formation technique des employés.

Le programme de formation des gérants et des gérants adjoints ne se comprend que par rapport à l'ensemble des programmes de formation.

Les préliminaires

La formulation d'un programme de formation pour les gérants de Caisses populaires remonte à 1963. La première étape fut une enquête sur les fonctions du Gérant de Caisse populaire, ainsi que des champs d'activité qu'il avait à couvrir. Cette enquête s'est faite par le truchement de contacts personnels.

Ayant ramassé un certain nombre de données avant d'établir le contenu du programme de formation, nous avons essayé de définir ce que devait connaître normalement un gérant de Caisse populaire, dans l'exercice de ses fonctions, et nous avons, à cet effet, divisé en quatre parties les fonctions du gérant; nous avons établi qu'il avait des responsabilités dans les domaines économique, social, dans le domaine de la gestion des biens matériels

et dans la gestion du personnel. Ceci s'explique très bien, du fait que la Caisse populaire est une entreprise socio-économique.

Pour répondre à ces différents types de fonctions, nous avons élaboré les sujets suivants, nécessaires dans le domaine économique :

  • Les éléments de macro-économique,
  • La notion des revenus et de l'épargne,
  • Les investissements,
  • La consommation, le jeu des contrôles fiscaux et monétaires,
  • Le crédit à la consommation : le rôle du crédit et les types de crédit,
  • Le rôle de la banque du Canada, La coopération comme système économique,
  • Les banques à charte,
  • La compagnie de fiducie,
  • Les opérations des compagnies de finance et leurs prêts.

Au niveau des préoccupations sociales, nous trouvions que les gérants avaient besoin des notions suivantes :

  • Sur la société et l'organisation sociale,
  • La place et le rôle de la Caisse dans la société,
  • La méthode d'approche pour l'analyse des besoins de la communauté sociale,
  • Les notions sur le travail de groupe et sa dynamique,
  • Les notions sur les méthodes de discussion et leur utilisation en vue de l'éducation des sociétaires et la formation des administrateurs,
  • Le contrôle social,
  • La responsabilité de la Caisse populaire dans le domaine
  • de l'éducation à la consommation,
  • La place et le rôle du comité d'éducation,
  • L'étude des moyens publicitaires,
  • Les relations avec les non-membres et le public en général.

Dans le domaine de la gestion du matériel, il y a :

  • Les principes généraux d'administration,
  • Les notions de la fonction d'administrateur, soit : planifier, organiser, coordonner et contrôler,
  • L'analyse financière : les différentes sortes de tableaux de contrôle, analyse des opérations, des objectifs, le budget,
  • Les assemblées mensuelles du bureau de direction : leur préparation, leur contenu,
  • Les relations avec les comités de surveillance et de crédit,
  • La notion des placements,
  • La loi des Caisses.

Quant à la gestion du personnel, nous trouvions que les gérants avaient besoin des éléments suivants :

  • La sélection du personnel,
  • Les qualités requises pour la gestion du personnel,
  • L'entraînement,
  • L'initiation et les réunions régulières du personnel,
  • Les relations humaines dans l'entreprise, soit les relations entre la direction et les employés, entre les employés et la direction, entre le personnel et les membres,
  • La surveillance du personnel,
  • Les méthodes d'évaluation.

Les sessions de formation pour les gérants n'ont donc pas été inventées de toute pièce. Dans notre esprit, elles devaient correspondre totalement aux préoccupations des gérants, elles devaient être, de ce fait, extrêmement fonctionnelles.

Les besoins étant établis, nous avons réfléchi à la clientèle elle-même. A la suite d'un simple questionnaire, nous avons connu quelles étaient les caractéristiques des gérants de Caisses qui devaient assister à ces sessions. Quel était leur âge ? Quelles étaient leurs années d'expérience an niveau de la Caisse populaire? Quelle était leur préparation académique? etc. Nous tenions à faire cette enquête et à connaître ces données, afin non seulement de connaître la clientèle possible, mais également afin de pouvoir classifier les groupes d'une façon la plus homogène possible.

Il nous est apparu, après étude de cette enquête, que la variable ou les deux variables qui devaient le plus intéresser étaient l'importance même de la Caisse selon l'actif et le fait qu'elle soit du type rural ou urbain.

L'actif de la Caisse était important, puisque les problèmes d'administration qu'on y retrouvait, ainsi que les problèmes de personnel n'étaient pas les mêmes, pour un gérant ayant la responsabilité de 15 employés et celui qui n'a la responsabilité que d'un employé. Il nous semblait aussi que le milieu où opérait la Caisse était d'une importance vitale, parce que la Caisse a comme objectif de correspondre aux besoins de son propre milieu; or, il est évident que les besoins de développement économique et social des milieux ruraux ne sont pas les mêmes que ceux des milieux urbains.

La programmation

Voilà donc les deux variables que nous avons privilégiées, soit l'actif, soit la provenance ou la situation de la Caisse. Ceci fait, nous avons établi notre programmation. Cette programmation repose sur l'a priori suivant : tout programme de formation pour les cadres doit reposer sur une connaissance approfondie de la part de ces cadres, de l'organisme à l'intérieur duquel ils opèrent. Il est important, avant même de parler de problème de technique et de gestion, que les gérants eux-mêmes sachent exactement, et aient l'occasion de discuter entre eux quels sont les objectifs de la Caisse populaire et la place que les Caisses populaires occupent dans notre monde économique et social actuel.

Le premier cycle de formation des gérants a donc comme objet de définir la notion de la Caisse, mais d'une façon très dynamique. Au lieu de parler de la Caisse populaire et de sa gestion interne, nous en parlons mais par rapport aux facteurs extérieurs qui l'influencent, soit les facteurs économiques, les facteurs sociaux, le fait aussi qu'elle se situe dans un système qui est celui de la coopération. Ce sont donc les trois sujets que nous abordons au 1er cycle et nous abordons également la question de la Caisse en tant que coopérative communautaire, c'est-à-dire les responsabilités de la Caisse populaire par rapport à la solution des problèmes économiques et sociaux, tant au plan global qu'au plan de la communauté locale où se trouve la Caisse populaire elle-même.

Étant donné que les gérants de Caisses viennent pour la première fois à ces stages, nous en profitons également pour leur donner un certain nombre de notions de régie interne.

Mais l'objectif de cette semaine, puisqu'il s'agit toujours d'un stage d'une semaine complète, c'est la connaissance de la Caisse populaire par rapport aux objectifs à atteindre.

A compter du 2e cycle, c'est-à-dire de la deuxième semaine de formation, nous abordons les problèmes de gestion proprement dite. Cette gestion, si on se réfère toujours au tableau du départ, se fait par rapport à trois dimensions.

  1. les relations qu'on doit avoir avec le personnel,
  2. les relations qu'on doit entretenir avec les membres euxmêmes, les services qu'ils attendent de la Caisse,
  3. les relations avec le Conseil d'administration et la gérance.

Voilà ce que nous essayons de couvrir au deuxième cycle, tout l'aspect des relations humaines. Il ne servirait à rien de posséder très bien la technique, si nous ne pouvons pas la communiquer et c'est pour cela que nous insistons pour que le deuxième stage soit surtout concentré sur les relations humaines, c'est-à-dire les relations entre la gérance et son personnel, la gérance et les membres, et la gérance et le conseil d'administration.

Tableau type des relations humaines du gérant

Le troisième cycle, c'est-à-dire la troisième semaine de formation est centrée sur une connaissance d'un certain nombre de phénomènes. Nous sommes préoccupés d'un premier phénomène qui est le partage des responsabilités entre la gérance et son personnel. Nous sommes également préoccupés d'une meilleure compréhension du circuit financier, de premières notions de la rentabilité, ainsi que de notions fondamentales de gestion de personnel.

A la quatrième semaine de formation, nous sommes davantage préoccupés d'apprendre aux stagiaires comment faire un certain nombre d'opérations. Il s'agit en premier lieu, d'opérations d'administration de personnel, comprenant la sélection, l'évaluation du personnel, les entrevues de sélection, l'établissement de barème de salaire. Par après, afin d'aider les stagiaires à mieux saisir le cinquième cycle qui porte exclusivement sur la rentabilité, nous leur offrons des instruments d'analyse de cette rentabilité, c'est-à-dire des notions sur les coûts fixes et les coûts variables dans l'entreprise. Nous terminons ce quatrième cycle en traitant des notions d'analyse de milieu, d'analyse des besoins des membres.

Dans un autre contexte, on appellera cela des notions de marketing.

La cinquième semaine, qui complète le cycle de base de formation des gérants, porte exclusivement sur la rentabilité de la Caisse. Dans notre perspective, la rentabilité est une espèce de conséquence du bon fonctionnement d'une Caisse populaire, et ce bon fonctionnement doit reposer non seulement sur l'utilisation la plus rationnelle possible des fonds monétaires et du personnel, mais également sur l'obtention des objectifs véritables de la Caisse populaire que nous avons traités lors du 1er cycle. C'est pour cela que nous croyons que l'étude de la rentabilité, sous ses différentes facettes, doit compléter ce cycle de cinq semaines de formation.

Cette rentabilité est étudiée à partir de données qui ont déjà été fournies par les Services techniques de la Fédération.

La méthodologie

Nous avons dit au début, que les deux variables qui nous avaient préoccupés dans la sélection des gérants étaient : l'actif de la Caisse, ainsi que sa situation par rapport au milieu rural ou au milieu urbain. Le fait de privilégier ces deux variables indiquait qu'il fallait compter, dans les sessions de formation, sur le phénomène interrelation entre les participants. Ce phénomène est mis de l'avant et il est exercé d'une façon telle, que les stagiaires bénéficient vraiment de leurs semaines de formation, dans la mesure où ils vont y participer très activement.

On prend pour acquis, au point de départ, que chacun des participants a un certain bagage d'expérience et ce bagage est mis en commun avec chacun des autres. Nous utilisons, pour chacun des sujets, ce que nous appelons des personnes de ressources; c'est à dessein que nous ne les appelons pas professeurs, parce que nous leur demandons d'aider les stagiaires à clarifier certaines notions imprécises et à pénétrer plus loin dans la compréhension d'un certain nombre de sujets; le rôle de la personne de ressource est vraiment un rôle d'informateur, d'éclaireur et de leader, dans le vrai sens du mot. Nous croyons que cette méthode a cet avantage, qu'au lieu de transmettre aux participants des notions vagues, elle se réfère constamment à leurs expériences vécues, à des préoccupations communes qui font que les stagiaires devraient davantage se rappeler les discussions, et surtout s'interroger sur un certain nombre de leurs attitudes.

Disons que cette préoccupation de s'adresser d'abord au niveau des attitudes est fondamentale; nous croyons que toute connaissance doit d'abord supposer un champ de réception positif et ouvert.

Lors de la première semaine de formation, nous utilisons donc énormément la méthode de discussion et de travail en sousgroupes. Nous amenons tranquillement les stagiaires à prendre en main, jusqu'à un certain point, la responsabilité d'apprendre.

Lors du deuxième stage de formation et du troisième, nous utilisons comme base méthodologique, l'étude des cas. Ces cas sont ordinairement fournis par l'Université Harvard ou l'Université Laval; un certain nombre des cas du troisième cycle ont été élaborés par la Fédération elle-même.

L'utilisation des cas est une accentuation du rôle actif que nous demandons aux participants; le fait de se projeter dans des situations et d'essayer de les analyser permet une plus grande compréhension du phénomène et permet également une impression plus forte sur les attitudes des stagiaires.

Une troisième méthode que nous utilisons est le jeu d'entreprise. Le jeu d'entreprise peut, sous certains aspects, ressembler aux cas. Il a cet avantage-ci, cependant, que non seulement il demande aux stagiaires leur réaction par rapport à tel phénomène qui leur est exposé, mais en plus cela, les stagiaires doivent être conséquents de leurs décisions; les stagiaires, qui sont divisés en sous-groupes, doivent, à plusieurs reprises, prendre des décisions opérationnelles par rapport à une situation donnée.

Ces décisions sont transférées immédiatement dans le domaine des opérations et l'ordinateur projette pour une période de 6 mois, les conséquences opérationnelles de tel ou tel type de décisions. Ceci permet aux sous-groupes d'évaluer leur geste ou leur décision et de s'ajuster en conséquence. Le jeu d'entreprise suppose un esprit d'équipe extrêmement puissant et suppose également une rapidité de décision.

Nous l'utilisons en particulier dans la quatrième semaine de formation, afin d'étudier avec les stagiaires, les variables qui influencent ordinairement l'efficacité et la rentabilité d'une entreprise, et nous l'étudions également au cinquième stage de formation, en vue d'étudier la rentabilité de la Caisse populaire elle-même. Ces jeux d'entreprise ont l'avantage additionnel de permettre aux stagiaires de se familiariser avec l'ordinateur, comme outil de gestion; ce qui est extrêmement précieux pour les Caisses populaires qui, très bientôt, se serviront de l'ordinateur quotidiennement.

L'évaluation

A chaque semaine et pour chaque groupe, nous procédons à une évaluation qui est orale et écrite. Nous essayons de connaître les réflexes des stagiaires, comment ils réagissent au contenu, aux personnes de ressource et à la méthodologie. Nous essayons également de connaître ces réflexes d'une façon écrite et anonyme.

Ces évaluations immédiates ont une certaine valeur. Nous croyons cependant que la meilleure évaluation est le degré de constance que nous trouvons chez nos stagiaires ainsi que l'expression des nouveaux besoins qu'ils peuvent nous manifester en vue de cycles de formation futurs.

Nous avons aussi pensé qu'une bonne méthode d'évaluation était de rencontrer les stagiaires par groupe, six mois après le stage. Nous avons essayé cette méthode à trois ou quatre reprises, mais faute de personnel, nous n'avons pas pu continuer cette évaluation, mais nous croyons que ce serait encore le meilleur outil, non seulement pour évaluer les stages de formation futurs, mais surtout pour planifier les prochains.

A un moment donné, nous avons demandé à l'Institut Coopératif Desjardins de procéder à l'évaluation pour nous, des anciens stagiaires. Ce fut une entreprise assez longue et nous ne pourrions pas commencer le même phénomène chaque année, mais elle avait l'avantage d'être encore plus objective.

Comme nous le disions, nous croyons que la méthode la plus pratique et la plus valable serait que le coordinateur des stages, avec l'un de ses aides, puissent rencontrer ceux qui ont déjà assisté à des sessions de formation, six mois après leur venue. Nous percevons, qu'il s'agirait là, d'un travail continu et nous n'avons pas cru opportun de l'entreprendre, ni d'affecter du personnel spécifiquement à cette tâche.

Le taux de persévérance des stagiaires est lui aussi un facteur d'évaluation. A part une raison majeure d'empêchement, nous dirions qu'il y a 100% des stagiaires qui reviennent année après année. Il faut souligner ici, que la Fédération n'a aucune autorité physique sur les gérants de Caisses populaires. Ceux-ci viennent aux stages de formation, parce qu'ils le veulent bien. Us ne dépendent pas directement, au sujet de leur emploi et même de leur évaluation, de la Fédération, mais plutôt de leur propre Conseil d'administration; nous prenons pour acquis, que s'ils viennent si nombreux aux stages de formation, c'est que ceux-ci doivent correspondre vraiment à leurs besoins.

Nous croyons très important de souligner ce fait, parce que dans d'autres types d'entreprise, ces stages sont planifiés et font partie de l'activité normale des individus; dans les Caisses populaires, il s'agit d'actes volontaires de la part de chaque stagiaire, et certains d'entre eux doivent même prendre leur temps de vacances, afin d'y assister. Ce qui prouve leur grand désir de parfaire la formation déjà acquise.

Les stages de formation ont rejoint environ 900 de nos gérants, à date. Il nous reste donc, à organiser des premiers stages de formation, pour des nouveaux gérants ou pour des gérants adjoints; nous essayons de maintenir environ trois types de stages au cours de la même semaine. Nous planifions des stages futurs, que nous pensions que nous devions offrir sous forme d'option, mais à bien y réfléchir, nous croyons qu'il est essentiel que nous les offrions, comme 6e, 7e ou 8e stage.

La méthodologie que nous utiliserons fera appel à différentes techniques, en particulier à l'étude des cas, au jeu d'entreprise et aux discussions de groupes.

Les contenus de stages seront définis à partir des préoccupations des anciens stagiaires et du tableau des centres d'intérêt auxquels nous nous référions au début.

La formation étant un processus dynamique, elle n'est jamais terminée, ni finalisée, tant au point de vue contenu qu'au point de vue de la méthodologie.

Les relations humaines et l'animation à la coopérative agricole de granby

Rolland-P. Sabourin (Secrétaire général, Coopérative Agricole de Granby, Granby.)

En coopération, l'homme occupe une place prépondérante. S'il est vrai que toute coopérative fait face à des problèmes d'ordre technique, financier et de gestion afin de réaliser ses objectifs économiques, elle doit songer avant tout à ses sociétaires. En effet, ce sont les membres qui déterminent, dans une large mesure, la nature des activités de la Coopérative et qui conditionnent en bonne partie le niveau de son progrès. C'est grâce à eux et pour eux que la Coopérative existe et qu'elle travaille; les membres sont « l'élément directeur » de la Coopérative.

Par conséquence, une coopérative doit porter une attention toute particulière à la recherche et à l'application d'excellents moyens de communication pour : 1 ) renseigner rapidement ses sociétaires sur les structures, les objectifs et le fonctionnement de leur Coopérative; 2) les encourager et les aider à perfectionner leur formation coopérative et 3) favoriser et assurer une participation éclairée sinon de tous, du moins du plus grand nombre de membres à la vie de l'institution.

La Coopérative Agricole de Granby a toujours attaché une très grande importance aux relations humaines, c'est-à-dire qu'elle a toujours favorisé des communications étroites entre l'administration, les services et les sociétaires. Ceci fut réalisé grâce à la collaboration d'un certain nombre de membres, appelés « Sociétaires-animateurs », qui ont accepté d'établir et de maintenir sur une base bénévole des liens avec les membres.

Considérations générales sur la coopérative agricole de granby

Fondée en 1938 par 88 cultivateurs de Granby et des environs, avec un capital souscrit de $4,000.00, dont une encaisse de $1,000.00 seulement, la Coopérative Agricole de Granby est devenue en 1969 :

  • sur le plan de l'association : une grande société de 8,100 membres répartis dans 335 paroisses, situées dans 27 comtés du centre de la province de Québec où la production du lait représente la base de l'exploitation agricole;
  • sur le plan matériel : une entreprise comprenant six usines laitières modernes, polyvalentes, parfaitement équipées, où l'année dernière, plus de 1 millard 250 millions de livres de lait soit approximativement 25% du lait industriel produit dans la province de Québec ont été transformées en différentes sortes de produits, notamment 27 millions de livres de beurre, 36 millions de livres de fromage et au-delà de 160 millions de livres d'autres produits : lait écrémé en poudre, poudre de lait instantané, lait évaporé, lait condensé sucré, poudre de lait de fromage, etc., etc.

Grâce à l'efficacité des Services de Vente et de Publicité de la Coopérative, ces produits ont été vendus, en majeure partie, sur le marché canadien. Quelques milliers de livres de lait en poudre ont été expédiées à l'étranger. La Coopérative a déjà exporté des produits laitiers dans une quarantaine de pays. Elle est co-propriétaire d'une usine d'empaquetage et de distribution de poudre de lait à Formose.

Outre la transformation et la mise en marché des produits du lait, la Coopérative mène plusieurs autres activités pour aider ses membres à améliorer la rentabilité de leur ferme et particulièrement pour réduire le coût de production du lait et en améliorer la qualité. Ainsi, la Coopérative offre de nombreux services à ses membres, directement pour le district de Granby et indirectement par l'intermédiaire des coopératives associées pour les autres régions : production d'aliments pour bétail, achat d'engrais chimiques, grains de semence, machines aratoires, quincaillerie, insémination artificielle des bovins, aide technique en élevage, médecine vétérinaire, aviculture, obtention de capital d'exploitation. Enfin, la Coopérative manufacture des refroidisseurs à lait et co-manufacture des citernes réfrigérantes pour ses membres et pour la Coopérative Fédérée.

Le chiffre d'affaires de la Coopérative de Granby s'élevait à plus de $65,000,000. en juillet 1968. Le capital social, ordinaire et privilégié, payé par ses sociétaires, est présentement de $7,000,000. et le capital d'exploitation dépasse $4,000,000.

La valeur aux livres de ses actifs globaux, amortissement accumulé, totalise plus de $25,000,000.

Ainsi, après un peu plus de 30 ans d'existence, la Coopérative Agricole de Granby est devenue la plus grande unité de la Fédération des Coopératives Agricoles du Québec et l'établissement laitier le plus important dans son genre au Canada. Par l'intermédiaire de la Fédérée, la Coopérative participe activement aux activités du Conseil de la Coopération du Québec et est ainsi associée au Conseil Canadien de la Coopération et à l'Alliance Coopérative Internationale.

L'organisme de promotion et d'éducation coopérative

a) L'élément de base : le Sociétaire-animateur

Les animateurs représentent un dixième des sociétaires; ils sont en quelque sorte les auxiliaires volontaires, les conseillers bénévoles du Conseil d'Administration de la Coopérative.* Leur fonction consiste à assurer de constantes communications entre les membres et leur Coopérative et vice-versa, afin de maintenir et de promouvoir l'esprit démocratique de l'institution. Ainsi, en plus d'informer les autorités des besoins et des suggestions des membres, les Animateurs participent à l'étude de toute question importante et à l'élaboration des règlements et de tous les projets de la Coopérative. Ils peuvent ensuite renseigner leurs co-sociétaires sur toutes ces questions. Les Animateurs se chargent également du recrutement de nouveaux adhérents et de leur initiation à la coopération. Ils collaborent dans la mesure du possible à la réalisation des objectifs du Comité de Solidarité; ce Comité est responsable de la promotion, de l'expansion et de la consolidation de la Coopérative.

b) Les débuts

L'Équipe d'Animateurs a été établie à l'automne de 1949. La coopérative existait alors depuis dix ans et était déjà devenue, avec 972 membres, la plus grande coopérative agricole de la province de Québec (son chiffre d'affaires s'élevait à $3,250,000.). Sa zone d'influence s'étendait à plus de 56 paroisses. La Coopérative recevait au-delà de 75 millions de livres de lait par année. Une dizaine de services avaient été mis sur pied pour répondre aux besoins professionnels de ses membres.

Pour atteindre ces résultats, la Coopérative avait dû innover dans plusieurs domaines. Ainsi, on avait décidé d'étendre le territoire d'action au-delà des limites d'une paroisse, ce qui n'était pas recommandé à l'époque; on avait eu recours à de nouvelles méthodes de financement que beaucoup de gens qualifiaient de « risquées » pour une coopérative; on avait réalisé d'importantes immobilisations afin de diversifier le nombre des produits laitiers et de profiter de meilleurs marchés; enfin, on avait fusionné quelques coopératives laitières locales et conclu des ententes d'entraide avec des coopératives polyvalentes.

Bien que cette croissance rapide de la Coopérative fut voulue et approuvée par la majorité des sociétaires, un tel développement n'en rendait pas moins difficile la consolidation et la bonne marche de l'association. Même si l'administration avait décidé de se servir des moyens connus à l'époque pour informer et pour consulter les membres : assemblées générales spéciales, assemblées de paroisses, réunions de petits groupes, publications de lettres circulaires et d'une revue mensuelle, on n'obtenait pas toujours les résultats souhaités. Beaucoup de sociétaires n'assistaient pas aux réunions; quant à ceux qui étaient présents, ils n'étaient pas tous suffisamment informés pour participer à l'assemblée d'une façon profitable. On ne parvenait pas à écrire et à expliquer la marche de la Société par suite de nombreuses interventions et expressions d'opinions de toutes sortes faites par des sociétaires mal renseignés.

Des rumeurs, souvent répandues par des adversaires de la Coopérative, naissaient à tout moment. Ainsi, on prétendait que la Coopérative s'engageait dans des « déviations dangereuses », qu'elle s'orientait vers le gigantisme, que l'élargissement constant du territoire entraînerait la fin du contact avec les membres, que la Coopérative se dirigeait vers un échec financier, etc.

La question des rapports avec les membres fut alors confiée à un Comité spécial. Ce Comité devait bientôt convaincre les dirigeants qu'il fallait trouver une formule nouvelle qui s'inspirerait du caractère même de la coopération. Il fallait en somme mettre au point une formule qui allierait l'idée de participation, d'information et qui permettrait à la Coopérative institution d'entraide de se distinguer des autres organismes économiques où prévaut surtout l'idée du profit. Dans cet esprit, le Comité proposa la formation d'un organisme permanent dont la constitution et le fonctionnement reposeraient sur la participation active des sociétaires eux-mêmes. De cette façon, les membres formeraient un vaste mouvement de coopérateurs éclairés et actifs qui participeraient, pour la plupart, à la consolidation d'une grande coopérative.

Une première équipe d'animateurs fut formée à la fin de 1949. L'année suivante, un organisme permanent de promotion coopérative, composé d'un Comité du Conseil d'Administration, d'un service administratif et d'une équipe d'animateurs, fut constitué. Quelques années plus tard, avec l'augmentation des besoins, l'accroissement des ressources humaines et financières, un « Service coopérateur » et un groupe de « Conseillers en Coopération» furent établis.

c) Structure et fonctionnement de l'organisme de promotion coopérative

1) Comité de solidarité.

Chaque année, le Conseil d'Administration est tenu d'élire un « Comité de solidarité » composé du Président de la Coopérative et de quatre membres choisis parmi les membres du Conseil d'Administration.

Il est important de répéter ici que les membres du Conseil d'Administration sont tous des cultivateurs sociétaires. Le Comité de solidarité a pour fonction d'aider le Conseil d'Administration et les gestionnaires à étudier et à préparer, selon la Loi et la meilleure tradition coopérative, le plan directeur d'orientation et de développement de la Coopérative et de ses activités de manière à ce qu'elle puisse répondre toujours mieux aux besoins réels de ses membres et de l'agriculture en général. Le Comité de solidarité a aussi la responsabilité de promouvoir le développement de la Coopérative et de voir à la formation et au perfectionnement des sociétaires dans le domaine de la coopération. Ce Comité a trois autres objectifs; il doit : 1 ) encourager les épouses des coopérateurs à s'intéresser le plus possible à la vie de la Coopérative; 2) préparer la relève en intégrant les jeunes coopérateurs à la Coopérative et au mouvement coopératif; 3) nommer les animateurs.

2) L'Équipe d'Animateurs.

L'Équipe d'animateurs fut formée par le Comité de Solidarité. Les membres furent choisis dans toutes les paroisses desservies par la Coopérative de manière à ce que chacun des animateurs représente dix membres. A cette équipe d'animateurs proprement dite, le Comité de solidarité ajouta un certain nombre de suppléants; ces « réservistes » comme on les appelle ordinairement, sont invités à assister aux réunions afin de se préparer à devenir animateurs; cette promotion a lieu lorsqu'il faut ajouter des animateurs à l'équipe à la suite de l'adhésion de nouveaux membres ou lorsqu'il faut remplacer des animateurs démis ou démissionnaires. En 1969, on comptait 810 animateurs et 229 suppléants.

À trois reprises, le Comité de solidarité a formé des groupes de fils de membres; ceux-ci furent invités à travailler avec les Animateurs auprès des autres jeunes cultivateurs. Étant donné que cette expérience n'a pas donné les résultats souhaités, on est actuellement à étudier une nouvelle formule.

Les membres choisis pour devenir animateurs sont invités par écrit à accepter ce poste. Si le membre accepte, il devra assister aux réunions d'étude et participer dans toute la mesure du possible au travail de l'équipe. S'il le désire, il demeurera animateur tant qu'il sera membre de la Coopérative. Toutefois, son nom sera rayé de la liste des animateurs après trois absences non-motivées pendant une période de douze mois.

3) Le Service et Action et de Formation Coopérative.

Ce Service est un organisme de direction et d'administration. Il a pour fonction d'aider le Comité de Solidarité : 1 ) à promouvoir le développement et la consolidation de la Coopérative; 2) à fournir aux animateurs et aux membres les renseignements au sujet du fonctionnement de la Coopérative et de la situation économique et sociale. Ce Service doit en fait fournir toute l'assistance technique dont le Comité de solidarité a besoin pour atteindre ses buts. Le Secrétaire-général de la Coopérative assure la direction de ce Service qui compte aujourd'hui six conseillers à temps complet. Ces conseillers sont des techniciens en coopération et en agriculture.

4) Le Service Coopérateur.

La formation principale du « Service Coopérateur » est de veiller à ce que les rapports entre les sociétaires et la Coopérative soient les meilleurs possibles. Le Service attache beaucoup d'importance au facteur humain. Son coordonnateur est un véritable protecteur des intérêts des sociétaires; il doit entendre toutes les demandes et revendications des sociétaires. Il veille à ce que tout cas litigieux impliquant un ou des sociétaires soit étudié avec attention et avec esprit de justice et d'équité. Il voit également à ce qu'il existe une coordination, une collaboration et des consultations suivies entre les différents Services économiques dont la raison d'être est de répondre aux besoins matériels des sociétaires. Le coordonnateur surveille enfin l'application des règlements d'entraide et est chargé de les interpréter au besoin.

5) Les Conseillers en Coopération.

Les Conseillers en Coopération sont les représentants du Service d'Action et de Formation Coopérative et du Service Coopérateur dans chacune des régions du territoire de la Coopérative.

Comme il a été mentionné plus haut, ces conseillers sont des techniciens en coopération et en agriculture. A ce titre, leur préoccupation majeure est de voir, en travaillant en étroite collaboration avec les animateurs, à la mise en oeuvre du programme d'action de ces Services. A l'occasion, ces conseillers apportent leur concours aux services économiques, en particulier lorsqu'il s'agit de l'amélioration de la qualité du lait, de la consolidation des courses de ramassage du lait ainsi que de la rétrocession d'équipement laitier, étant donné que ces activités requièrent une connaissance de nombreux éléments ayant trait à la Coopérative et à la coopération en général. Enfin, ces Conseillers doivent s'occuper de tenir à jour l'étude socio-économique de leur région.

Son fonctionnement

a) Rôle du Comité de Solidarité et du Conseil d'Administration

Il n'est pas suffisant qu'un règlement prévoie que les animateurs doivent participer, en tant que représentants des sociétaires, à l'orientation et à l'administration de la Coopérative pour que tout se fasse comme cela en réalité; il faut poser des gestes précis et concrets pour réaliser cet objectif.

1) Calendrier des assemblées.

Le Comité de Solidarité détermine chaque année les dates de la tenue des réunions d'animateurs. En général, une réunion groupe 60 à 100 animateurs. Par conséquent, il faut organiser une dizaine d'assemblées pour rejoindre tous les animateurs et ceci quatre fois par année.

2) Ordre du jour, son contenu, son évolution.

La préparation de l'ordre du jour fait également partie des attributions du Comité de solidarité. Dans les premières années, l'ordre du jour prévoyait l'étude de nombreuses questions telles que les principes de coopération, les projets à réaliser, les règlements généraux, les critiques ayant trait aux activités de la Coopérative, à l'administration ou à la gestion de la Coopérative, les droits, privilèges et devoirs des membres, en somme, toutes les questions qui avaient été portées à l'attention des administrateurs ou qui pouvaient être soulevées au cours de la réunion elle-même. L'étude d'un trop grand nombre de questions dont plusieurs n'avaient souvent aucun rapport direct entre elles, ne permettait pas la tenue d'assemblées très fructueuses. Parfois, des réunions se terminaient dans la confusion. Cette façon de procéder fut vite corrigée lorsqu'on décida de suivre un ordre du jour défini. Depuis plusieurs années, les points suivants figurent presque toujours à l'ordre du jour :

  • Revue de la marche de la Coopérative et de la situation économico-sociale ;
  • Etude d'un projet concret et d'actualité : immobilisation, affiliation d'entreprise, emprunt, règlement, etc.;
  • Analyse de l'aspect juridique et coopératif du dit projet.

L'expérience a prouvé que l'étude des principes de l'économie coopérative ne peut être faite avec profit que si elle est rattachée à un projet concret et d'actualité.

3) Participation des membres du Conseil d'Administration.

Comme l'action coopérative relève de l'autorité du Conseil d'Administration, il va de soi que les représentants du Conseil doivent nécessairement assister aux réunions. En fait, toutes les réunions d'animateurs sont présidées par le Président général de la Coopérative ou par le vice-président. Dans l'un ou l'autre cas, les membres du Conseil d'Administration de la région où a lieu l'assemblée, y participent aussi. D'ailleurs, le Directeur du « Service d'action coopérative » et ses collaborateurs ne peuvent parler qu'à titre de porte-parole du Conseil d'Administration. Le Président et les Administrateurs élus présents sont là pour en témoigner et ajouter les commentaires qu'ils jugent à propos.

b) Lieu et déroulement des assemblées

1) Salle des Animateurs.

Les assemblées de groupe d'animateurs ont toujours lieu dans une des usines de la Coopérative. On y a aménagé là une salle spéciale pour les animateurs. Ainsi, les animateurs peuvent se sentir bien chez eux et être très à l'aise, ce qui n'était pas toujours le cas lorsque les réunions n'avaient pas lieu dans les locaux de la Coopérative. D'ailleurs, à cette occasion, les animateurs peuvent faire une « tournée du propriétaire » de l'usine. Il ne faut pas oublier que ce sont eux et tous les autres membres qui sont les vrais propriétaires de la Coopérative.

2) Assemblées de groupes régionaux.

Les assemblées durent environ trois heures et demie. Durant la première partie de la réunion, les animateurs entendent certains exposés. Ensuite, une pause-café d'une demi-heure leur permet d'échanger leurs idées sur les questions à l'étude. Le dialogue reprend ensuite avec les membres du Conseil d'administration et les administrateurs associés de la Coopérative.

3) Les assemblées plénières des Animateurs.

Deux assemblées plénières sont convoquées chaque année : la première a lieu, au début de l'été, dans l'une des usines de la Coopérative. La réunion dure toute la journée. L'ordre du jour ressemble à celui des assemblées de groupe. La deuxième assemblée plénière des animateurs a lieu à l'automne au siège social de la Coopérative, à Granby, à l'occasion de l'assemblée générale annuelle de la Coopérative. Les délégués à l'assemblée générale sont élus par les assemblées de régions; 95% d'entre eux sont des animateurs. Les autres animateurs de même que les suppléants sont invités à titre d'observateurs avec voix délibérante. Étant donné que l'assemblée générale est formée en grande partie par des animateurs qui sont bien au courant de la marche de la Société et qui ont étudié en petits groupes tous les projets à réaliser, les délibérations sont très profitables. Les animateurs peuvent apporter une contribution positive à l'étude des questions qui figurent à l'ordre du jour; ainsi, il est possible de prendre des décisions « éclairées » et démocratiques.

Évaluation des résultats obtenus

On peut se demander, enfin, si cet organisme de formation et de promotion coopérative, issu des membres eux-mêmes, a vraiment rempli sa principale fonction, à savoir : faire de la Coopérative une véritable démocratie de participation ? Pour s'en rendre compte, il faut analyser la place que cette institution occupe et le rôle qu'elle a joué dans l'évolution de la Coopérative.

1 ) Consolidation du Sociétariat.

Une des principales tâches de cet organisme est de voir à la consolidation du Sociétariat. La Coopérative n'a jamais eu de personnel pour s'occuper spécifiquement du recrutement de nouveaux adhérents. On a toujours pensé que la meilleure formule de recrutement était encore celle du sociétaire qui réussit à convaincre un autre cultivateur à devenir membre de la Coopérative pour son propre avantage et celui de l'agriculture en général. Depuis 1949, plus de 10,000 cultivateurs ont adhéré à la Coopérative Agricole de Granby, en très grande majorité sous l'impulsion des animateurs et des membres. D'autre part, les animateurs ont joué un rôle important dans le fusionnement du service laitier de 60 coopératives agricoles. Sans eux, la Coopérative n'aurait pu se développer aussi rapidement, dans un aussi vaste territoire.

Les animateurs ont grandement contribué à créer un esprit de solidarité et d'entraide et à amener les sociétaires à se rendre compte que pour réussir, il fallait être prêt à étudier la coopération, à abandonner certaines vieilles habitudes, à mettre de côté ce qui pouvait les diviser, à repenser quelquefois leur Coopérative et à adapter ses structures en fonction des besoins nouveaux créés par l'évolution des conditions économiques et sociales.

2) Participation des membres à la formation du capital social.

La première collaboration demandée à un sociétaire-coopérateur est de participer à la formation du capital social de la Coopérative. Or, le dernier bilan démontre que les sociétaires ont fait un effort constant pour permettre à leur Coopérative de faire les investissements requis pour son progrès et pour lui fournir le capital d'exploitation nécessaire à la bonne marche de l'entreprise, tout en permettant que le recours aux emprunts

demeure raisonnable. On a vu, au début, les résultats positifs que la Coopérative a obtenus.

3) Participation des membres à l'administration.

Le degré de participation à l'administration et la qualité de l'esprit coopératif n'apparaissent pas nécessairement aux états financiers. En réalité, c'est l'idée d'appartenance au groupe, l'esprit de travail en commun, le sens de la solidarité et de l'entraide qui sont à la base du succès remarquable des membres du Conseil d'Administration et des Animateurs. Les premiers participent à plus de 12 réunions par année. Quant aux animateurs, leur présence aux assemblées de groupe s'est toujours maintenue aux environs de 70%, depuis 1949. Soixante à soixante-dix pour cent des délégués assistent régulièrement à l'assemblée générale; de 300 à 1,000 membres, selon l'étendue du territoire, assistent aux réunions régionales.

4) Participation des membres aux activités économiques.

La participation des membres à la vie de la Coopérative se manifeste aussi par l'utilisation qu'ils font des services mis à leur disposition; c'est peut-être l'une des façons les plus importantes de juger si la Coopérative est une véritable démocratie de participation. En effet, les sociétaires ne se réunissent qu'une fois par année en assemblée générale - celle-ci représente en réalité l'autorité suprême de la Coopérative. Mais c'est à tous les jours, en envoyant son lait à l'usine ou en utilisant les Services que lui offre la Coopérative, que le sociétaire exprime sa volonté de coopérateur. Le tableau suivant montre combien les sociétaires utilisent pleinement les services de la Coopérative.

Encore ici, le rôle des animateurs a toujours été important car ce sont eux qui sont avisés les premiers lorsqu'un sociétaire est mécontent. Dans la majorité des cas, ils savent trouver avec le membre une solution qui convient.

Les résultats positifs des méthodes d'animation de la Coopérative montrent que cette formule de communication avec et entre les membres a été un facteur déterminant dans le développement rapide de la Coopérative Agricole de Granby.

Participation des membres aux activités par services exprimés en % du chiffre d'affaire

 

1962-63

%

1963-64

%

1964-65

%

1965-66

%

1966-67

%

1967-68

%

Laiterie

89.6

90.0

90.3

93.9

94.1

90.3

Meunerie

97.1

95.2

91.8

94.6

91.8

85.2

Machinerie

agricole

82.2

81.5

77.1

79.4

71.9

78.8

Quincaillerie

65.9

61.0

55.6

55.9

52.6

49.5

Bétail

90.1

89.3

88.1

90.5

83.9

86.2

Couvoir

83.9

86.5

92.3

86.8

1/

 

1/ Absorbé par la Coopérative Fédérée.

Réflexions finales

Cependant, malgré les résultats encourageants de cette expérience, la Coopérative de Granby désire toujours améliorer ses techniques d'animation. Elle n'hésitera pas à changer ses manières de voir et d'agir pour s'adapter aux situations nouvelles tout en respectant les principes fondamentaux de la coopération qui veulent que le sociétaire puisse participer directement à la vie de l'entreprise dont il est conjointement propriétaire avec ses co-sociétaires. La Coopérative de Granby s'est toujours efforcée de respecter la personnalité le côté humain de ses membres et veut tout mettre en oeuvre pour empêcher que le membre ait l'impression d'être un numéro qui doit suivre les dictées des gestionnaires.

Naturellement, la Coopérative fait constamment face à des problèmes et elle est pleinement consciente que sa formule d'animation et d'éducation n'est pas sans défaut. D'ailleurs, il se peut fort bien que cette formule d'animation ne puisse être adoptée telle quelle par d'autres mouvements. Il faut tenir compte de certains phénomènes qui n'existent pas dans d'autres milieux et dans plusieurs autres types de coopératives. Cette formule d'animation a été conçue et élaborée pour répondre aux besoins d'une coopérative agricole de production, dont les membres exercent le même métier et dont les besoins se ressemblent. D'ailleurs, les relations d'affaires des membres avec leur Coopérative ont lieu chaque jour, pendant toute l'année. Ce n'est pas toujours le cas dans d'autres genres de coopératives.

De plus, cette méthode d'animation et de communication a été mise au point progressivement tout au long de la croissance matérielle de la Coopérative. Ces deux phénomènes vont de pair; d'une part la croissance matérielle de la Coopérative a encouragé les membres à participer davantage à sa gestion; du même coup, les membres sont devenus plus fiers de leur Coopérative. On peut dire, enfin, que si une telle formule d'animation ne peut être transposée dans tous les milieux, elle n'en demeure pas moins un instrument qui, avec les adaptations appropriées, représente un programme positif susceptible de favoriser la mise en oeuvre de la démocratie coopérative de participation.

COOPÉRATIVE AGRICOLE DE GRANBY

Une transformation «du sociétaire en coopérateur»

A.L. Godin (Directeur de l'action sociale, La Société des Artisans, Montréal.)

CONNAÎTRE, CONTRÔLER ET PERFECTIONNER

Aussitôt qu'on fait assurer sa sécurité financière par la Société des Artisans, on devient sociétaire et coopérateur en puissance : sociétaire, bien sûr, parce que c'est la seule condition qui est imposée pour devenir copropriétaire et donc membre de l'association qui possède l'entreprise coopérative; coopérateur, pas encore, parce que l'institution devra lui faire connaître ses droits et ses devoirs pour qu'il puisse les exercer à fond.

L'information (avec tout ce que ce mot implique) est chargée de la transformation du sociétaire en coopérateur. A la Société des Artisans, on applique avec rigidité le principe coopératif qui veut qu'on doive renseigner le sociétaire sur son entreprise pour lui permettre la plus grande participation possible.

Cette transformation presque scientifique doit amener le sociétaire à connaître d'abord, puis à contrôler et à perfectionner son entreprise; en fait, un des grands défis que nous devons relever chaque jour, c'est cette transformation du sociétaire en coopérateur.

Territoire : Canada, Nouvelle-Angleterre 142 sections locales; 18 conseils régionaux

Comme toute entreprise coopérative dont l'activité économique est centralisée en un seul endroit (Montréal), dont les membres sont éparpillés au Canada et en Nouvelle-Angleterre, les politiques de diffusion de l'information et d'éducation économique deviennent assez complexes. C'est pourquoi, chaque assuré de la Société des Artisans fait partie d'une section locale dont les limites ne dépassent pas généralement les frontières d'une municipalité : 1 section locale à Trois-Rivières, 2 à Sherbrooke, 3 à Québec, 20 à Montréal, etc. Donc, chaque sociétaire fait partie d'une section locale.

Il y a en tout 142 sections locales; chaque année, en septembre, les membres de ces organismes autonomes sont convoqués en assemblée générale pour évaluer les rapports d'activité, établir les politiques générales, élire démocratiquement une équipe de dirigeants pour l'année et choisir des délégués au conseil régional. Il y a 18 conseils régionaux dont les délégués forment la grande assemblée générale. C'est cette assemblée, appelée « Convention », qui fait les règlements et élit le président général ainsi que les administrateurs.

Dans chaque section locale, il y a au moins un employé permanent (rénuméré) : le représentant de vente. Les représentants de vente sont dirigés par un gérant qui fait partie, ipso facto, du conseil régional.

Signalons que la section locale et le conseil régional reçoivent de la Centrale, conformément aux règlements généraux, un pourcentage sur les ventes de l'année afin de leur fournir le budget nécessaire pour leur administration et leur permettre de réaliser des initiatives d'ordre éducatif et autres.

Nous avons tracé, en bref, ce portrait des structures démocratiques afin d'indiquer au lecteur les voies que doivent normalement suivre les processus d'information et d'éducation.

Une information dans les deux sens : un dialogue, quoi!

L'information semble relativement facile à fournir par des publications de la Centrale ou des interventions dans les grands média de communication (presse, radio, T.V.). Mais il s'agit alors d'une information à sens unique, non « personnalisée », qui s'adresse à la masse des personnes et non pas à chaque personne qui compose l'association. Cette information, jugée suffisante pour d'autres entreprises non coopératives, ne saurait réussir à opérer la transformation du sociétaire en coopérateur. Il s'agit d'un travail à accomplir sur l'homme même, comme un sculpteur sur sa glaise. Il faut beaucoup plus que cela si l'on veut atteindre l'objectif de l'information dans les deux sens, c'est-à-dire le dialogue entre Centrale et sociétaires, entre sociétaires et dirigeants nationaux surtout si nous visons également à intégrer tous les membres de l'association, sans quoi ce principe de l'association (inhérent au système coopératif) périclite et disparaît même.

Signalons enfin que l'assemblée générale («Convention») de 1950 a permis la création d'une direction de l'Action sociale afin de planifier et d'animer ces organismes. Cette direction compte des spécialistes en animation sociale, publicité, rédaction, recherche, etc. Les initiatives des sections locales s'inscrivent dans le cadre d'un Plan d'action dont les objectifs généraux sont en harmonie avec le Plan d'action régional et central.

Essayons maintenant de cerner les principales initiatives.

a) Initiatives d'ordre éducationnel

1. Sur l'institution

2. Sur des questions d'intérêt général, en particulier économiques

b) Initiatives d'ordre récréatif

c) Initiatives d'ordre social

d) Initiatives diverses

Nous avons tenu à énumérer ces initiatives qui couvrent divers secteurs de l'activité humaine car nous croyons que c'est par l'action que nos équipes acquièrent la formation nécessaire et des notions de base en démocratie, en marketing, en assurance coopérative, en relations extérieures, en animation sociale. Nous ne prétendons pas que chaque dirigeant local est devenu un spécialiste, mais il a les outils, les conseillers et les budgets afin de réaliser les objectifs prioritaires.

Nous décrirons maintenant deux initiatives particulièrement intéressantes pour les lecteurs de ce document.

A) Les assemblées générales annuelles locales et régionales

La tradition a toujours voulu que l'assemblée générale annuelle d'un organisme soit teintée d'un caractère trop officiel et n'ait pas l'attrait des autres manifestations sociales ou récréatives. Nous avons essayé de découvrir les motifs qui pourraient pousser le membre à joindre un groupe de sociétaires pour une réunion « sérieuse ». Nos spécialistes ont mis sur pied une stratégie complète.

Nous lui avons dit

Nous avons d'abord dit à ce sociétaire qu'il y avait une assemblée générale dans son territoire et ce, par tous les grands média de communication : presse, radio, T.V. Le journal « L'Artisan » de septembre contenait une invitation personnalisée, un passe port A.G.A. Des dirigeants locaux ont formé de dynamiques comités de téléphones afin de rappeler à chaque sociétaire que c'est son assemblée à lui, qu'il peut y exercer ses droits et devoirs de coopérateur, qu'il peut contester s'il le veut.

Au programme

* Les rapports sous forme d'information audio-visuelle

Les rapports sont extrêmement importants puisqu'ils révèlent aux sociétaires le bilan de leur section locale : cette période ne devrait pas ennuyer les sociétaires présents. Grâce aux méthodes audio-visuelles, chaque dirigeant a son texte sur des diapositives et s'il n'est pas agréable à écouter, il y a toujours sur place un animateur. Les rapports deviennent clairs et suscitent des questions.

* La période de participation

Cette période était trop souvent limitée à une ou deux questions qui étaient posées uniquement pour la forme. Changement complet : le sociétaire répond d'abord individuellement à des questions dont les réponses seront compilées scientifiquement à la Centrale. Puis, suit une participation intense. Groupées en « nids d'abeilles » de 6 à 8 personnes, on cherche ensemble de nouvelles méthodes d'action et les priorités à mettre de l'avant, afin de rendre la Société des Artisans plus utile et présente dans le territoire. Puis on établit un consensus dans le groupe, on bâtit déjàles éléments du Plan d'action que les dirigeants élus auront à compléter et à réaliser.

* La période des élections

Les méthodes d'élections démontrent l'importance du rôle de l'équipe qui sera élue démocratiquement : chaque sociétaire présent est invité à inscrire sur un bulletin le nom suggéré par le comité des candidatures ou à proposer un candidat de son choix. Un mot sur le comité des candidatures : c'est un groupe de dirigeants chargé de dénicher des sociétaires de choix avant l'assemblée annuelle et de convaincre de se présenter aux élections. Quand il y a plusieurs candidats à un poste, on procède par scrutin secret. Grâce à ces méthodes et au travail des comités de candidatures, du sang nouveau s'injecte continuellement dans les cadres démocratiques.

* La période d'échange

Après une assemblée de ce genre, le goûter prend l'aspect d'une fête intime; les participants, qui ne se connaissaient pas au début, peuvent poursuivre le dialogue entrepris au cours des périodes précédentes et échanger leurs impressions.

Deux remarques

Qu'en pense le lecteur ?

B) Les rencontres d'information économique

La section locale ne peut logiquement centrer toute l'action de ses initiatives sur la Société des Artisans, sinon elle ne jouerait pas à fond son rôle qui est de répondre aux besoins du territoire.

C'est pourquoi les dirigeants locaux organisent des rencontres qui rendent service aux gens de leur milieu et rehaussent du même coup leur prestige personnel et celui de leur organisme. Parmi ces initiatives, soulignons les COMITÉS ÉCONOMIQUES ARTISANS qui sont, par la suite, devenus des RENCONTRES D'INFORMATION ÉCONOMIQUE organisées directement par les dirigeants locaux.

Vers les années 60, nos gens ont pris conscience de leurs forces et se sont sentis capables de réaliser la bonne vieille formule du « Maître chez soi ». Déjà, à la Société des Artisans, on avait fait de grands efforts pour remettre « l'économique « aux mains des Canadiens-Français par des régimes d'assurance couvrant tous les besoins de sécurité financière, par des prêts hypothécaires, par des placements orientés pour le mieux-être des concitoyens, etc. On s'est alors dit que cette institution coopérative devrait favoriser l'éducation économique, lancer une opération dans ses sections locales, et on a alors créé les COMITÉS ÉCONOMIQUES ARTISANS.

Qu'étaient ces comités ?

Le manuel d'organisation, conçu, à cette occasion suggère que le comité soit formé de 7 à 8 personnes, représentatives du milieu : on y trouve des hommes d'affaires, des professeurs, des ouvriers, etc. Ce comité invite à la réunion (souvent tenue sous forme de souper) de 25 à 30 personnes issues d'un même milieu, susceptibles d'étudier un même sujet d'intérêt. Le conférencier est un spécialiste d'une question économique particulière et il fait un bref exposé d'une dizaine de minutes sur le thème choisi. Puis, durant les 45 autres minutes, les participants, avec l'aide d'un animateur, posent des questions au conférencier ou même dialoguent entre eux.

* La première année : le Conseil d'Orientation Économique

L'action de ces comités économiques fut centrée sur le rôle et les possibilités du Conseil d'Orientation Économique qui venait d'être mis sur pied.

L'année suivante, les problèmes de la petite entreprise furent étudiés. Peu à peu, des hommes et des femmes, formés dans les Comités Économiques, en sortirent pour être élus dirigeants locaux et décidèrent que l'organisation serait sous la responsabilité de la section locale et non plus sous celle d'un comité.

* Popularité grandissante de ces rencontres

Ces rencontres deviennent de plus en plus populaires et permettent de diffuser de l'information économique : on peut juger de l'importance de cette information en faisant une rapide nomenclature des sujets traités : impôt, analyse de succession, budget familial, etc. Au cours des dernières années, nous sommes revenus à la formule de la première année : faire connaître à fond au public, avec l'aide de spécialistes, un service économique du gouvernement.

* Prêts et bourses du gouvernement

En 1967, grâce à la collaboration du service de l'aide aux étudiants, nos sections locales organisèrent 95 rencontres à l'intention de 12,000 adultes et étudiants qui purent alors se renseigner sur les règlements du système de prêts et bourses du gouvernement.

* L'opération R.R.Q. a deux ans

Depuis deux ans déjà, des spécialistes de la Régie des Rentes du Québec collaborent avec les dirigeants de nos sections locales afin de faire connaître au public de la province les modalités de ce service étatique. Ces rencontres, grâce aux techniques audiovisuelles, ont permis à plus de 1,500 personnes de se renseigner à fond sur ce régime d'état et de poser des questions concernant leurs problèmes personnels.

Le lecteur peut, et c'est son droit, commenter ces rencontres d'information économique de la même façon qu'un ami intelligent le faisait. « Ça doit vous faire une « fichue « bonne publicité à la Société des Artisans ». Inutile de nier cette conclusion évidente dont nous sommes fiers; cela ne nous fait pas oublier cependant l'objectif même de notre institution : « assurer la sécurité financière des individus, des familles et des groupes, et participer concrètement au développement économique des parlant-français d'Amérique pour leur épanouissement ».

Ce double objectif ne peut s'atteindre qu'aux conditions suivantes, à savoir que :

Les deux initiatives que nous vous avons décrites plus à fond sont conçues et réalisées dans la poursuite de ces objectifs essentiels. Nous osons croire que les 10,000 personnes déplacées annuellement par des « Artisans » en tirent leur profit et que le travail fait par notre institution peut se classer sous la rubrique : « Éducation économique ».

Les conférences régionales de caisses d'économie

Robert Girard (Directeur du Service d'éducation et d'information, Fédération des Caisses d'Economie du Québec, Montréal.)

Les caisses d'économie : un bref historique

Les caisses d'économie, coopératives d'épargne et de crédit opérant en milieu industriel et professionnel, existent au Québec depuis environ 25 ans. Toutefois ce n'est que depuis un peu plus de six ans que 15 caisses d'économie, autrefois affiliées à la Ligue des caisses d'économie du Québec, se séparèrent de cet organisme pour fonder leur fédération avec comme objectif premier de se donner tous les services qu'une telle fédération se doit de dispenser à ses membres.

C'est ainsi que dès les débuts de la Fédération des caisses d'économie du Québec on a vu l'importance de l'éducation coopérative et, à cet effet, l'on créait une service d'éducation.

Plusieurs moyens s'offraient alors à la Fédération de dispenser cette éducation coopérative : un journal (au début modeste bulletin paraissant à des intervalles irréguliers), des réunions d'études, des colloques groupant les responsables des caisses d'économie à tous les niveaux, des assemblées générales annuelles, des réunions de groupes plus restreints au siège même de la Fédération, réunions qui étaient à ce moment beaucoup plus d'information que d'éducation puisque bon nombre de caisses d'économie en étaient à leur première année d'opération.

Les conférences régionales de caisses d'économie

Comme les caisses d'économie affiliées à la Fédération se répartissaient sur tout le territoire québécois, il devint évident que si l'on pouvait grouper ces caisses d'économie par région il serait d'autant plus facile d'en réunir les responsables pour fins d'éducation.

Ces régions étaient par ailleurs déterminées dans le règlement de régie interne de la Fédération qui prévoit pour son administration sept régions réparties sur le territoire du Québec.

Dans l'esprit du conseil d'administration, ces conférences régionales étaient autonomes, en ce sens qu'elles devaient s'administrer elles-mêmes par un conseil d'administration que les caisses d'économie de la région concernée choisiraient.

Leur financement serait aussi leur responsabilité, de même que l'établissement de leur programme d'éducation.

Le rôle de la Fédération et de son service d'éducation en particulier en devenait alors un de coordination et d'information pour les différentes conférences régionales.

Buts de la conférence régionale

Les buts de la conférence régionale, tels que définis dans le règlement de régie interne proposé par la Fédération étaient les suivants :

Les moyens suggérés aux conférences pour parvenir à ces fins étaient les suivants : des conférences, forums, colloques, questionnaires, films et l'appel à des experts lorsque jugé nécessaire pour obtenir des renseignements précis sur certains problèmes. Il était également suggéré que la conférence régionale serve d'intermédiaire entre le conseil d'administration de la Fédération et les différentes caisses d'une région donnée.

Les travaux des conférences régionales

Sept conférences régionales furent mises sur pied dans la province de Québec au cours des trois dernières années.

Elles tinrent en moyenne trois ou quatre réunions de leurs responsables au cours d'une année sociale. Le moyen que les conférences régionales ont privilégié a été celui de colloques où un conférencier invité venait donner des éclaircissements sur des points bien précis tels, les assurances coopératives prêts épargnes, les problèmes juridiques relatifs aux demandes d'emprunts, aux droits et obligations des membres, et à l'application de la loi des caisses d'épargne et de crédit.

Durant les deux dernières années les conférences régionales ont aussi reçu la visite, annuellement, des directeurs de service de la Fédération. Celle-ci compte entre autres trois services plus directement rattachés à ses caisses membres, ce sont : le service de l'inspection, celui de l'organisation-représentation et celui de l'éducation-information.

Ces réunions, avec les directeurs de service, d'une durée de 2 à 3 heures en étaient à la fois d'éducation et d'information et l'on utilisa, dans la mesure du possible, les techniques de l'audiovisuel et de l'animation pour s'assurer d'une participation active.

Les participants étaient ordinairement divisés en trois groupes selon leur responsabilité dans la caisse d'économie, soit les administrateurs dont le gérant, les commissaires de crédit et les conseillers de surveillance.

À l'occasion avaient été également invités à prendre part aux discussions des sociétaires des différentes caisses, aussi membres des comités d'éducation ou de recrutement dans leur caisse respective.

Les sujets abordés ont été variés et s'inscrivaient dans la ligne des besoins immédiats des caisses qui, pour la plupart, en étaient à leur deuxième ou troisième année d'opération. Ils portaient sur la préparation et la tenue de l'assemblée annuelle, les techniques élémentaires de la gestion, les moyens de promotion de la caisse : recrutement, animation, etc.. et enfin pour les conseillers de surveillance surtout des méthodes simples d'audition et de vérification des opérations de la caisse.

L'information donnée lors de ces colloques des conférences répondait à un besoin évident d'une formation de base quant à l'opération de la caisse d'économie et à la loi qui la régie.

La participation : une préoccupation

Il devint cependant évident, après trois ans d'opération, que la participation des caisses d'économie d'une région à leur conférence régionale était loin d'être satisfaisante. Les réunions convoquées par la conférence voyaient toujours les mêmes personnes intéressées et certaines caisses d'une région n'avaient pas encore joint les rangs de leur conférence régionale.

Après une brève enquête, il apparut certain qu'une réunion des administrateurs des conférences régionales était nécessaire pour faire le point sur le travail que les conférences avaient fait depuis leur fondation et pour décider de leur orientation future. C'est ainsi que les présidents et secrétaires des sept conférences régionales déjà existantes et de responsables pressentis d'une conférence en formation dans la région de Baie-Comeau et Sept-îles se réunirent à l'Institut Coopératif Desjardins.

Un moment de réflexion

Ce colloque permit tout d'abord de constater que le rôle des conférences régionales n'était pas également perçu par tous les administrateurs des différentes conférences. Une première tentative de définition du rôle des conférences régionales devait nous montrer que certaines conférences voyaient leur rôle éducatif dans une action auprès des membres des différentes caisses d'économie, alors que dans l'esprit avec lequel les conférences avaient été fondées, elles devaient s'attaquer exclusivement aux problèmes de formation des responsables de la caisse d'économie.

Identification des problèmes

Nombre de problèmes furent identifiés par les administrateurs lors de cette réflexion sur la conférence régionale. Ils se résumaient en trois grandes catégories. Tout d'abord, un manque de formation chez les administrateurs mêmes de la conférence et des responsables des caisses d'économie, manque aussi d'information au niveau de la conférence. On devait cependant admettre qu'il existait de l'information mais que l'on en ignorait l'existence et/ou qu'elle ne parvenait pas aux conférences.

La participation : problème majeur

Cependant le problème majeur identifié par la majorité des administrateurs présents a été celui de la participation.

Participation des responsables de caisses à la conférence à laquelle ils étaient affiliés, quand ce n'était pas tout simplement l'absence de la caisse à sa conférence propre.

Ce manque de participation fut expliqué de diverses façons et l'on retrouva là encore le manque de motivation pour les caisses et leurs responsables de s'associer aux travaux de leur conférence. Pour augmenter cette participation différents moyens furent envisagés.

Tout d'abord, il semble que la structure de la conférence ait été un obstacle. Plutôt que d'avoir un groupe restreint d'administrateurs, sept actuellement, tous sortant de charge à chaque année à l'exception du président, il semble que l'on aurait préféré un groupe d'administrateurs plus étendu, quitte à choisir parmi eux un exécutif. Le renouvellement des administrateurs devra assurer plus de continuité dans la gestion de la conférence. Il semble aussi que des responsabilités mieux définies et mieux réparties parmi les administrateurs de la conférence favoriseraient la motivation, donc la participation.

L'on s'est attardé aussi beaucoup sur la qualité de la formation que les conférences se doivent de donner. Elles doivent devenir, pour les caisses de la région, un centre de formation et d'information d'une valeur réelle.

L'on s'est aussi mis d'accord que dans la plus large mesure possible, l'on devra faire appel, encore plus que dans les années antérieures, aux techniques de l'animation et aux méthodes audiovisuelles.

Enfin l'on a vu parmi les participants au colloque la nécessité de bien définir le rôle des conférences régionales et d'assurer, auprès des caisses d'économie de la région, que ce rôle et l'utilité de la conférence régionale sont bien compris et appréciés.

Redéfinition du rôle des conférences

A la suite du colloque une redéfinition du rôle des conférences a été tentée avec le résultat suivant :

La formation des responsables des caisses d'économie.

L'organisation régionale de la formation en prenant la responsabilité que cette formation se fasse.

L'échange d'idées entre les conférences régionales.

Ces buts répondent évidemment beaucoup mieux à l'idée que les initiateurs des conférences régionales se faisaient du rôle que devraient jouer les conférences.

Relations fédération - conférences régionales

En même temps que les conférences ont été appelées à redéfinir leur rôle comme organisme d'éducation coopérative, elles ont eu à envisager le rôle que devrait jouer, d'après elles, la Fédération des caisses d'économie.

La Fédération est la ressource la plus importante dont disposent les conférences; par sa compétence, ses services d'éducation, de représentation et d'inspection entre autres, par son personnel et sa situation privilégiée qui lui permet une vue globale du monde coopératif en général et de celui des caisses d'épargnes et de crédit en particulier.

La Fédération est aussi l'agent de liaison des conférences régionales et, en quelque sorte, l'arbitre lorsqu'il surgit des problèmes inter-conférences.

De son côté, la Fédération voit dans les conférences régionales, un auxiliaire de valeur dans la mise en application de ses programmes de formation. En effet, à cause du grand nombre de caisses, près de 200 aujourd'hui et beaucoup plus demain, il devient utopique de penser rejoindre les caisses de façon régulière individuellement : les contraintes physiques, budget, temps, distances, rendent ces contacts fréquents impossibles. Les conférences deviennent donc un moyen pratique de regrouper les caisses d'économie d'une région.

La Fédération se voit en plus comme la source première de l'information pour les conférences régionales. C'est à elle qu'incombera l'organisation des nouvelles conférences rendues nécessaires par l'augmentation rapide du nombre de caisses en opération.

Il incombera également à la Fédération de suggérer aux conférences des moyens d'action, des programmes de formation, tout en leur laissant l'initiative d'offrir aux caisses de leur conférence ces programmes.

Opération initiative

Effectivement, à la suite de ce colloque de réflexion et de trois années de travail, les conférences ont mieux réalisé leurs responsabilités et le rôle qu'elles doivent jouer.

Elles ont décidé de procéder à leur restructuration (règlement de base, administration, etc.) de faire l'inventaire du travail déjà accompli et, à l'aide des nouvelles ressources identifiées au cours du colloque, de procéder à la formation des responsables de toutes les caisses de leur région selon leurs moyens.

Conclusion

Les conférences régionales sont à la fois une expérience d'éducation coopérative des adultes et un effort pour obtenir la participation des responsables des caisses d'économie.

Après l'organisation des différentes conférences régionales, toutes se sont lancées dans des programmes plus ou moins définis de formation mais qui répondaient à des besoins précis, besoins surtout sentis par les administrateurs des conférences.

Après trois ans d'activités, on sent le besoin d'un temps d'arrêt, de réflexion surtout à cause d'une participation insuffisante où l'on découvre alors son vrai rôle, les moyens dont on dispose et le rôle que peut jouer la Fédération vis-à-vis des conférences. On décide alors de reprendre l'initiative et de procéder de façon plus rationnelle et avec des objectifs mieux définis aux travaux des conférences régionales.

De son côté, la Fédération voit dans les conférences régionales des auxiliaires précieux pour la mise en application de ses programmes d'éducation.

Déjà nous avons eu à la Fédération des demandes précises de la part des conférences et elles s'inscrivent toute dans l'optique de l'opération initiative.

L'avenir nous dira si cette formule de décentralisation de l'éducation coopérative est valable. Quant à nous, nous sommes confiants; il y a dans cette formule plusieurs éléments de succès dont la participation et la prise en main de responsabilités définie? ne sont pas les moindres.

L'éducation des adultes dans les coopératives de consommation

Gérard St-Denis (Directeur de la Division de promotion coopérative à la Fédération. des Magasins Co-op.)

La fédération des magasins Co-op

Oeuvrant depuis plus de 25 ans sur le plan des associations coopératives paroissiales, le tout réuni dans une structure fédérative au sein d'une organisation centrale, « La Fédération des Magasins Co-op », le secteur coopératif de la consommation a pris des dimensions importantes :

En somme, la Fédération des Magasins Co-op et ses coopératives affiliées représentent un secteur en plein développement.

A la suite des amendements à la Loi des Associations Coopératives, chapitre 292, la Fédération des Magasins Co-op peut maintenant avoir des individus comme membres. Cette nouvelle orientation facilite l'expansion du mouvement et comporte plusieurs avantages :

Le but principal du coopératisme est de transformer l'homme, de créer une société basée sur l'entraide, la fraternité et la justice. Essayons de brosser un tableau sommaire des efforts faits par le mouvement face à l'éducation des adultes.

Une responsabilité partagée

Plusieurs secteurs de la société assument des responsabilités face à l'éducation des adultes. L'État, les corps intermédiaires, l'entreprise privée ont des rôles et des fonctions différentes à jouer dans le domaine de l'éducation des adultes. Les coopératives de consommation n'échappent pas à cette situation. Certaines expériences ont été tentées, des programmes mis sur pied ont été réalisés au cours des dernières années afin de promouvoir la formation des adultes à divers plans.

Quatre aspects ont retenu particulièrement notre attention :

Ces aspects nous sont dictés par la nature même de notre entreprise. Les coopératives étant des entreprises économiques et sociales, il est normal que nous songions à développer ces différents points.

La Fédération des Magasins Co-op dépense, à chaque année, plus de 20% de ses surplus d'opération à des fins éducatives de toutes sortes.

Nous comprenons l'importance d'avoir des membres mieux éclairés, des administrateurs davantage formés et un personnel plus compétent. Les différents programmes que nous élaborons chaque année visent à atteindre ces trois catégories de personnes. Il nous faut, bien souvent, accorder des priorités ou insister davantage sur l'une ou l'autre de ces catégories, mais nous sommes convaincus qu'il est essentiel de travailler à ces trois niveaux.

En dehors des initiatives prises par la Fédération des Magasins Co-op, signalons que certaines coopératives locales font des efforts fort encourageants au niveau de l'éducation des adultes : le magasin Co-op de Mont-Joli, par exemple, a poursuivi pendant deux étés, une expérience d'animation et d'information tant auprès de ses membres que de la population en général. La coopérative de consommation de Thetford qui, depuis plusieurs années, organise pour ses adhérents et la population des cours de personnalité, est un autre exemple de travail accompli par les magasins Co-op. D'autres coopérateurs n'ont pas hésité à collaborer très étroitement avec des corps intermédiaires qui oeuvrent dans l'éducation des adultes.

L'éducation économique des membres

Notre service de vérification, à qui incombe la responsabilité d'expliquer la situation financière de l'entreprise coopérative locale lors des assemblées annuelles, a voulu faire un effort afin de rendre plus compréhensible le rapport financier.

À l'aide des techniques audio-visuelles, nous sommes parvenus à rendre plus accessible ou à faciliter la compréhension du bilan de l'entreprise. Il a fallu reviser nos méthodes de présentation, mais après des recherches, nous sommes arrivés à une méthode qui permet à un plus grand nombre de sociétaires de comprendre rapidement la situation économique de leur coopérative.

Le JOURNAL CO-OP, qui est distribué dans 125,000 foyers chaque semaine, contribue aussi à former et informer nos membres. À chacune des parutions, un espace est consacré à de l'information économique.

Des cours sur le coopératisme ont été organisés dans quelques centres à travers la province. Ces cours ont comme objectif d'enseigner le coopératisme en tant que doctrine économique. Les principaux thèmes étudiés sont les suivants :

Ces rencontres groupent une vingtaine d'adultes intéressés à la coopération. Un court exposé est livré, des ateliers sont formés et chacun y apporte des commentaires. Les participants doivent préparer des travaux durant la semaine ou faire quelques recherches à partir de leur expérience personnelle. Habituellement, ces cours se donnent dans des centres où déjà un groupe s'intéresse à la mise en place d'un centre coopératif de distribution.

Il est difficile, pour la Fédération des Magasins Co-op, faute de personnel, de multiplier ces cours. Dans plusieurs centres, on déplore qu'il soit impossible d'avoir des cours sur le coopératisme. Un effort pourrait être entrepris dans ce sens par l'ensemble du mouvement coopératif au Québec afin de satisfaire une « clientèle » de plus en plus nombreuse, avide de connaître et d'approfondir le coopératisme.

Formation des administrateurs

Une expérience a été réalisée au Saguenay-Lac-St-Jean à l'occasion d'un stage de formation pour administrateurs de coopératives locales.

L'objectif de ce stage était de faire découvrir aux administrateurs le rôle qu'ils devraient jouer en tant que responsables dans une coopérative.

En collaboration avec un animateur de l'Institut Coopératif Desjardins et des personnes de ressources venant de la Fédération des Magasins Co-op, une trentaine d'administrateurs se sont interrogés pendant trois jours sur leur rôle respectif.

On a utilisé quelques exposés-discussions, mais la plus grande partie du travail s'est faite sous forme de discussions ou ateliers. Cette rencontre a contribué à éveiller, chez ces groupes d'administrateurs, des objectifs nouveaux dans l'accomplissement de leur tâche.

La télévision et l'information coopérative

L'an dernier, la Fédération des magasins Co-op, en collaboration avec une vingtaine de coopératives locales, a poussé l'expérience de la télévision.

L'objectif était de présenter une information économique et coopérative à la population.

Nous nous sommes associés au Conseil Central de la C.S.N., région Saguenay-Lac-St-Jean, pour l'achat d'une série d'émissions d'une demi-heure. Les coopératives de consommation disposaient de 15 minutes à chaque semaine. Les thèmes suivants ont été abordés :

Le Conseil de La Coopération par l'entremise de son directeur général et diverses personnalités du monde coopératif ont prêté leur concours à la réalisation de ce projet.

Il est difficile de mesurer l'influence d'une telle expérience. La cote d'écoute moyenne était de 55,000 personnes. Une chose est certaine cependant, c'est que pendant 26 semaines, le message coopératif est entré dans plus de 10,000 familles.

Nous étudions de nouveaux projets dans ce domaine. Face aux coûts exhorbitants de certains postes et devant l'inertie de l'État d'aider les coopératives dans ce domaine, nous sommes hésitants à multiplier ces expériences. Nous sommes convaincus que la télévision demeure un moyen par excellence d'informer la population sur la doctrine coopérative.

La fédération et la formation du personnel

Un autre aspect de l'éducation des adultes préoccupe les autorités de la Fédération : c'est la formation du personnel tant à la Fédération que dans les coopératives locales.

Au niveau des Magasins Co-op, tout un programme de perfectionnement, d'entraînement et de formation du personnel est en place. La division Organisation-Recherche planifie toute une série de cliniques. Cette école ambulante permet à tous les employés des coopératives de consommation d'acquérir de nouvelles techniques et de nouvelles connaissances pour parfaire leur formation personnelle.

Les spécialistes de la Fédération se rendent sur place, regroupent les employés d'une même région et travaillent au perfectionnement professionnel de chacune des catégories d'employés.

Les administrateurs des coopératives locales ont vite compris que sans un personnel compétent et qualifié, il était impossible de faire progresser l'entreprise. Aussi, en collaboration avec la Fédération, ils facilitent et encouragent fortement la réalisation de ces projets.

Quant à la Fédération, elle se situe au niveau des entreprises progressives par l'aide financière dont elle dispose afin de favoriser la formation des membres de son personnel.

Nos buts sont :

D'assurer la compétence par le perfectionnement individuel; De répondre aux besoins d'information et de formation; De préparer de futurs dirigeants.

Nos moyens :

Le tableau suivant décrit notre politique d'aide financière.

Description

Conditions

Personnel

Temps

Aide de la Fédération

1. Séminaires :

à l'université et aux instituts professionnels.

Obligatoires

Cadres

Jour

Totale

2. Cours : à l'université ou aux écoles acceptées

  • Volontaires
  • acceptation par le directeur de division et le gérant général
  • un cours par année

Général

Soir

Formation professionnelle 50% à l'inscription 50% sur présentation du certificat d'étude (*)

25% à l'inscription 25% sur présentation du certifificat d'étude

Acceptation du comité exécutif

Cadres

Jour

Par contrat

3. Voyages d'études

Acceptation du comité exécutif

Cadres

Jour

Totale

(*) La dernière partie de l'aide financière de la Fédération n'est accordée que si le candidat conserve 60% des points ou son équivalence aux cours de formation professionnelle et 50% aux cours de formation personnelle.

Éducation du consommateur

Les magasins Co-op ont toujours été préoccupés de bien informer le consommateur. Cette vocation a cependant pris récemment une forme toute nouvelle.

C'est à partir de l'expérience du travail accompli par l'Association Coopérative Féminine du Québec, organisme subventionné par la Fédération, que nous sommes arrivés à des réalisations d'envergure provinciale encore plus structurées.

Afin de mieux répondre aux besoins pressants d'une meilleure information, la Fédération inaugurait, en juin dernier, son Institut de Protection et d'Information du Consommateur (I.P.I.C).

Institut de protection et d'information du consommateur

a) Nature de l'organisme

L'I.P.I.C. est un organisme voué au service du consommateur. On entend dire de plus en plus souvent que le consommateur a le pouvoir. Malheureusement, à cause d'une action individuelle et d'une information inexistante, inadéquate ou erronée, le consommateur ne peut que rarement exercer ce pouvoir. L'I.P.I.C. veut fournir aux consommateurs les armes dont il a besoin pour exercer ce pouvoir.

b) Objectifs

  1. Défendre le consommateur contre :
  1. Permettre ainsi au consommateur d'exercer un choix libre et intelligent dans l'achat des aliments et des autres biens de consommation.

c) Moyens d'action

Sous l'habile direction d'une diététicienne diplômée, l'I.P.I.C. connaît des succès insoupçonnés. Cet institut apparaît aujourd'hui comme l'instrument privilégié des coopératives de consommation pour informer le consommateur.

L'I.P.I.C, situé à l'intérieur du Centre Cooprix où plus de 5,000 consommatrices passent chaque semaine, présente l'avantage d'être sérieusement enraciné dans le milieu, au fait des problèmes des consommateurs.

Dans une société de « Consommation», il apparaît impérieux d'apprendre aux consommateurs à se défendre des abus d'une société qui ne recherche bien souvent que le profit économique au détriment de l'épanouissement de la personne humaine.

La mise en place d'un centre de renseignements à l'intention des consommateurs s'inscrit bien dans la recherche que font les coopératives afin de travailler à la promotion des individus.

L'éducation des adultes peut revêtir bien des formes différentes dans une société en pleine évolution comme la nôtre.

L'éducation à la consommation est un défi que le secteur coopératif de la consommation s'est fixé. Nous n'avons pas la prétention d'agir seuls dans ce domaine. Cependant, nous croyons que nous assumons, par la nature même de notre entreprise, une responsabilité très grande.

La Fédération devient progressivement l'organisme provincial des consommateurs.

Nous avons adopté des méthodes de distribution basées sur l'information du consommateur.

Toute notre philosophie repose sur le consommateur éclairé, averti, informé et éduqué.

Nous sommes pleinement conscients que le secteur coopératif doit assumer sa part de responsabilité, face à l'éducation des adultes.

Nous sommes aussi conscients qu'il existe alentour de nous des mouvements populaires avec qui nous nous devons d'oeuvrer afin d'augmenter notre efficacité.

En ce monde de la technique, il est urgent que la personne humaine trouve sa place autrement que comme producteur ou comme acheteur. Si l'on admet que l'activité économique, politique et sociale ne peut avoir d'autres fondements que l'épanouissement de la personne humaine, il faut donner au plus grand nombre des moyens d'atteindre ces objectifs. C'est par son comportement en tant que consommateur que l'homme peut exprimer sa liberté et sa dignité, à condition qu'il parvienne à sortir de son isolement pour imposer collectivement à la production et à la distribution, un renversement de leur orientation. C'est à cela que le coopératisme tente de répondre; c'est dans cette direction qu'il oriente son organisation, ses objectifs et son action.

Comme association de personnes, nous avons une volonté, un but, une philosophie. C'est une philosophie d'abondance plutôt que de pénurie. Cette philosophie est fondée sur la coopération plutôt que sur le conflit. C'est la philosophie du travail commun et de la poursuite des objectifs humanitaires et démocratiques qui crée une ambiance propice à l'épanouissement et à la liberté, ainsi qu'au plein développement du potentiel de chaque individu.

La restructuration des associations coopératives de pêcheurs de la gaspésie, expérience de participation (1966-1969)

Gaston Rioux (Directeur, Service des pêches, Conseil de la Coopération du Québec, Québec.)

Depuis quelques années, les pêches maritimes du Québec évoluent rapidement et elles se modernisent à un rythme accéléré. Cette évolution rapide des techniques et des moyens de capture a exigé un adaptation de toute l'industrie. Ainsi, la petite usine locale fait place à l'usine à caractère régional, l'occupation du pêcheur passe du stade artisanal au stade professionnel et l'entreprise de pêche du Québec est de plus en plus subordonnée à la demande mondiale. Or, le secteur coopératif des pêches n'échappe pas à ce tourbillon qui entraîne tout le secteur à une remise en question permanente de ses structures et de ses modes d'action.

Aussi, notre propos sera donc de montrer comment le secteur coopératif des pêches a concrétisé son effort d'adaptation à ces changements socio-économiques depuis quatre années et quels ont été les défis qu'il a dû surmonter.

Problématique des associations coopératives de pêcheurs de la gaspésie (1952-1966)

Comme nous l'avons laissé entendre précédemment, le secteur coopératif des pêches, reconnu pendant longtemps comme étant traditionnel et où dominait surtout l'activité primaire, subit, lui aussi, des mutations profondes causées principalement par les changements technologiques et sociaux qui ne sont pas sans affecter les structures fonctionnelles et organisationnelles du secteur.

Sans contredit, c'est la participation des pêcheurs-membres qui a été la plus affectée par les transformations coopératives (l'intégration verticale des usines et des services, les changements technologiques : chalutage, seine-brouse, radar, sondeuse, etc.) des dernières années. Ces bouleversements entraînèrent des répercussions sur la structure même de participation des membres eux-mêmes. En d'autres mots, l'arrivée progressive et graduelle de ces changements compromettait, pour un temps, l'équilibre qui existait entre l'aspect association et l'aspect entreprise des organisations coopératives locales de la Gaspésie.

L'arrivée des bureaucrates et des exigences posées par l'efficacité, la rentabilité et concurrence, se traduisirent surtout par une perte de pouvoir et de contrôle du simple membre et des conseils d'administration locaux. On en arrivait alors à imposer aux relations humaines les mêmes critères d'efficacité qui prévalent au niveau de l'organisation de la technique.

C'est à partir de ce moment qu'un certain fossé psychologique se creusa graduellement entre les « fonctionnaires » (officiers) de l'organisation et les pêcheurs-membres (usagers). Les administrateurs des A.C.P. locales, (n'ayant plus qu'un rôle purement formel, lequel donna naissance à un manque d'intérêt de la part des membres et des administrateurs) vinrent à identifier leur propre entreprise aux entreprises concurrentes de type capitaliste. Notons que ce climat de méfiance et d'indifférence était envenimé par un manque d'information. Toutefois, la situation financière favorable de toute l'industrie, durant ces années, empêcha que le climat s'envenime davantage et qu'il effrite l'organisation elle-même.

Endiguement de la crise et objectifs poursuivis (1966-1969)

Au début de cette période, l'organisation coopérative réorganise son service de secrétariat et associe étroitement le nouveau service d'éducation, de formation et d'information en pêcheries du Conseil de la Coopération du Québec à la définition de nouvelles politiques de participation coopérative des membres à la base.

A) A long terme

Un objectif majeur à long terme sera fixé. Il consistera à corriger graduellement le malaise ou le déséquilibre entre l'aspect association (professionel) et entre l'aspect entreprise (services); en d'autres mots, faciliter aux pêcheurs le passage d'une société de type traditionnel à une société de type industriel par leur adaptation appropriée aux changements technologiques.

Or, cet objectif primordial présupposait que ceux qui travailleraient à sa réalisation tiennent compte des nouvelles perspectives de développement qui survenaient dans le secteur des pêches depuis 1952 (pêche hauturière) et particulièrement depuis 1963, 1966 et 1968 (études du Bureau d'Aménagement de l'Est du Québec, Plan quinquennal des Pêches, Entente de Coopération Canada-Québec, crise mondiale dans l'industrie de la pêche, tensions internationales, etc.).

Implicitement, cela supposait que les responsables du relancement de la participation coopérative dans le secteur des pêches n'ignorent pas les trois principales options du développement régional des pêches soit :

  1. 1° Le maintien du secteur des pêches, industrie vitale pour les régions maritimes défavorisées (45,000 personnes en dépendent), et tout ce que cela implique (octrois, crédit maritime, vulgarisation des techniques, etc.).
  2. 2° La modernisation complète du secteur (usines, bateaux, agrès, équipements, techniques de production, etc.).
  3. 3° L'élimination des barrières économiques et culturelles, (techniques de production inefficaces, crédit restreint, regroupement et relocalisation des effectifs humains).

b) A moyen terme

Regrouper les effectifs des associations coopératives locales le plus rapidement possible (membres actifs) dans des structures représentatives qui auraient de nouvelles tâches et de nouvelles responsabilités.

c) A court terme

Enfin, un objectif à court terme sera retenu, soit celui de favoriser, en collaboration avec les divers agents du secteur (Gouvernements, Écoles des Pêcheries), la professionnalisation des pêcheurs-membres en leur assurant une formation générale, spécialisée et permanente tout en développant chez eux le sentiment d'appartenance à leur organisation coopérative.

Mise en branle du processus de participation

Les responsables de la relance du programme de participation coopérative étaient conscients, au départ, de certaines limites dans le temps, dans l'espace, dans les moyens humains et dans la « clientèle » proprement dite. Ainsi, il fut convenu qu'ils se limiteraient spécifiquement à la Gaspésie et que, parmi les sociétaires, ils privilégeraient les plus producteurs, c'est-à-dire les pêcheurs-membres qui auraient le plus de chance de se professionnaliser.

Deux démarches furent retenues dans l'organisation et l'opération même du processus de la participation coopérative.

a) Des rencontres individuelles

À cause de plusieurs impondérables (adaptation au milieu, méfiance des pêcheurs devant ce nouveau type d'action, méconnaissance des grands objectifs du Plan de développement, disponibilité des pêcheurs limitée à une saison particulière (l'hiver), les distances géographiques considérables, l'éloignement des centres de décision, la formation de groupe, l'organisation de la collaboration et de la consultation des agents du milieu de la pêche, etc.), des rencontres, des entrevues et des contacts personnels furent maintenus pendant quatre années après que des critères furent préalablement définis (âge, capital social, actif, inactif, spécialisation, scolarité, occupation antérieure ou complémentaire, nombre d'années membre de l'A.C.P., poste occupé, attitude à l'égard de la fédération, etc.), lesquels critères servirent, par la suite, à sélectionner les membres des nouvelles associations.

Durant ces démarches, il fut possible de dégager progressivement un certain leadership chez les membres à la base et de considérer celui-ci comme une manière d'influencer positivement un groupe organisé (pêcheurs-coopérateurs). Il va de soi que ce travail fut relativement informel, il permit, cependant, d'enregistrer sur les fiches plusieurs renseignements concernant les membres de ces coopératives. Cette démarche fut conduite pendant quatre années, principalement à la fin de chaque automne et durant chaque hiver.

b) Constitution de groupes homogènes (capitaines, côtiers, hauturiers)

Parallèlement au travail d'encadrement des leaders naturels et à la tâche de dégagement de nouveaux leaders, la deuxième démarche consistait à former des groupes homogènes autour de centres d'intérêt spécifiques à caractère coopératif et technique (la revalorisation des conseils d'administration des coopératives, les principes de la coopération tels que reformulés à Vienne en 1967, les problèmes de déchargement, la collection du poisson, les installations portuaires, le financement des opérations de pêche, les relations avec l'usine, le problème des répartions de navire, l'assurance-accident, les services d'utilité professionnelle, etc.).

Trois groupes principaux furent ainsi formés au niveau des leaders des associations coopératives locales de pêcheurs (côtiers), principalement au niveau des administrateurs et au niveau des capitaines de chalutier. Une fois ces groupes formés, on leur adjoignit des informateurs du Service de secrétariat de Pêcheurs Unis de Québec et du Service des Pêches du Conseil de la Coopération du Québec.

Avec la collaboration de spécialistes du secteur des pêches (biologistes, fonctionnaires, officiers de la fédération du P.U.Q., etc.), on donna à ces groupes de pêcheurs des instruments nécessaires à leur formation et on les alimenta en matériel de discussion pendant de nombreuses sessions durant l'hiver principalement, et cela, pendant quatre années consécutives.

Globalement, ce travail en groupe permettait de pouvoir diffuser plus rapidement les buts de la coopération, les objectifs du plan de développement, les techniques de pêche, de production et de gestion et d'agir, d'une certaine manière, sur les mentalités des pêcheurs en propageant des modèles de comportement et les principes modernes de la coopération, entre autres ceux de la solidarité et de la participation.

Par ailleurs, ce nouvel apprentissage du travail en groupe se traduisait par une intégration plus grande des producteurs à leur entreprise coopérative, par une volonté collective de mieux coordonner leur action (revalorisation du rôle des administrateurs d'A.C.P.), par une meilleure compréhension de la problématique de l'entreprise économique, par une meilleure acceptation et une meilleure adaptation aux changements technologiques (chalutage semi-pélagique, bateau polyvalent, matériaux nouveaux pour la construction des chalutiers, etc. ), et par un désir profond de moderniser la structure des coopératives locales de pêcheurs de la Gaspésie. Il va de soi que l'éveil des différents groupes auxquels nous faisions allusion précédemment ne s'est pas effectué du jour au lendemain, mais c'est par l'utilisation de l'information (à ce propos, la réorganisation et le relancement de la revue « PLEINES VOILES » fut un atout précieux pour les responsables de cette action) et des méthodes modernes de formation (animation sociale, sessions intensives, cours de formation socioéconomique, moyens audio-visuels) que ce changement de mentalité fut possible.

En définitive, le travail des responsables de ce programme de redressement et celui des leaders du milieu, qui y furent associés, a été de redonner, dans une certaine mesure, la sécurité et la confiance aux pêcheurs-coopérateurs, de recréer un esprit d'équipe nécessaire à la revalorisation du métier de pêcheur et essentiel au développement des entreprises coopératives et surtout pour mieux poursuivre l'idéal coopératif de démocratie économique.

Après ces quatre années d'information, de formation et d'animation, la régionalisation des coopératives locales de la Gaspésie se posa inéluctablement comme un objectif majeur et l'initiative d'entreprendre cette importante étape ne put être prise que par les membres des associations coopératives locales. C'est ce que nous verrons dans le prochain chapitre.

Régionalisation des associations coopératives locales de pêcheurs de la gaspésie ou mise en place de la nouvelle structure de participation

Durant la quatrième année du programme d'action coopérative, les leaders et les responsables de cette action s'adonnèrent

à un inventaire socio-économique final, ce qui leur permit de dégager différentes hypothèses ou propositions de restructuration des associations coopératives de pêcheurs de la Gaspésie. Les membres des A.C.P. locales furent informés de cette démarche au cours d'assemblées générales spéciales. Ces réunions permirent d'ailleurs de jauger constamment le réalisme des différentes hypothèses de regroupement qui étaient retenues.

On constatait, une fois de plus, que les A.C.P. de la Gaspésie avaient été formées au niveau d'une entité territoriale bien définie, c'est-à-dire le village ou la paroisse, qu'elles intégraient une clientèle particulière, les pêcheurs, et qu'elles avaient eu pour fonction économique de posséder collectivement et de gérer une usine locale de transformation du poisson.

Or, l'analyse de l'inventaire socio-économique démontrait que les composantes énumérées précédemment subissaient l'influence de changements technologiques et structurels qui compromettaient depuis longtemps l'équilibre qui existait entre l'aspect association et l'aspect entreprise de ces organisations locales : le village correspondait de moins en moins à une réalité sociale et économique, l'administration locale débordait souvent les limites du village, le regroupement municipal s'amorçait et la régionalisation de l'entreprise coopérative amenait la fermeture graduelle des usines locales.

Par ailleurs, au niveau de la clientèle, c'est-à-dire des membres à la base (les usagers), il fut constaté que le passage de la petite barque au chalutier avait détruit, en grande partie, l'homogénéité qui avait existé dans la clientèle des pêcheurs de plusieurs associations locales.

Enfin, l'activité économique des associations coopératives locales avait été longtemps centrée sur la transformation des produits de la pêche (secondaire), mais les exigences du marché avaient poussé la fédération de Pêcheurs Unis de Québec, qui agissait depuis son origine aux niveaux de la mise en marché (tertiaire) et des services d'utilité professionnelle, à intégrer les fonctions des A.C.P. locales. Ainsi, cette concentration administrative, de plus en plus poussée, des fonctions des coopératives locales, s'était opérée sans une évolution similaire des locales. Ces dernières conservaient leur structure initiale, quant à l'association, sans avoir de fonction économique à remplir.

A la lumière de l'analyse de ces phénomènes, on put reformuler les buts principaux de la restructuration des A.C.P. soit : de redonner aux membres producteurs un certain sentiment d'appartenance et de développer la participation coopérative, regrouper les effectifs dans des structures représentatives en leur donnant de nouvelles tâches et de nouvelles responsabilités.

a) Élaboration des hypothèses de restructuration

La restructuration des associations locales ne pouvait se réaliser qu'en tenant compte du territoire ou de l'occupation des membres ou de l'amalgamation des deux. Si l'on ne tenait compte que du territoire, on supposait alors une diminution des associations locales et leur regroupement autour de centres de pêche. On ne faisait que fusionner les associations locales en reconvertissant à un autre niveau ce qui existait déjà au niveau local. On conservait la juxtaposition de deux types différents d'occupation à l'intérieur d'une association, qui revêtait un caractère régional sans apporter une réponse véritable aux problèmes de participation des membres.

Par ailleurs, si l'on ne tenait compte du seul facteur de l'occupation (pêcheur côtier ou pêcheur hauturier), l'on ne différenciait alors que les particularités de chacun des types de pêche. Cela supposait également que l'on établisse une différenciation entre ces deux types de pêche, en créant une association de pêcheurs côtiers et une association de pêcheurs hauturiers dans chacun des centres de pêche de la Gaspésie. On remarquait que la notion de territoire étant implicite, les associations couvriraient alors l'ensemble du territoire de la Gaspésie, sans avoir suffisamment d'effectifs, les membres, autant côtiers que hauturiers, étant partagés entre plusieurs associations à caractère semi-régional. On imaginait tout le problème qui se poserait sur le plan économique (frais d'administration élevés) et social (on maintenait les particularismes locaux).

Il restait enfin une forme mitigée de restructuration, soit celle qui tienne compte à la fois du territoire et de l'occupation et de leurs particularismes propres (pêche aux engins fixes, engins mobiles, longueur des bateaux, rendement, etc.). Cette hypothèse donnerait naissance à deux ou plusieurs associations de pêcheurs côtiers et de pêcheurs hauturiers pour chacun des centres de pêche privilégiés par le plan d'aménagement du Bureau d'Aménagement de l'Est du Québec (B.A.E.Q.).

b) Choix d'une hypothèse

Il va de soi que les leaders, les administrateurs, les membres à la base des A.C.P. locales ainsi que les responsables du plan de regroupement devaient, dans le choix d'une hypothèse, tenir compte de l'entreprise de pêche (entièrement contrôlée par la fédération) et de ses exigences (efficacité, rendement, rentabilité, concurrence, etc.). D'ailleurs, le Plan du secteur des pêches définissait très bien les objectifs économiques et sociaux de cette industrie (concentration des investissements, création de centres de pêche intégrés, relocalisation des pêcheurs, travailleurs d'usines à poisson, etc.). Les quinze coopératives locales de pêcheurs ne pouvaient rester indifférentes devant les objectifs de ce plan.

L'hypothèse la plus réaliste, celle qui faisait l'unanimité et s'avérait la plus facile d'application fut alors retenue : « Restructurer les associations coopératives de pêcheurs (15 en tout : douze côtières, trois hauturières) en fonction du territoire et de l'occupation, créer deux associations qui intégreraient séparément les pêcheurs côtiers et les pêcheurs hauturiers des centres de pêche ». Donc, une association coopérative régionale et spécialisée pour chacune des deux catégories de pêcheurs professionnels (côtiers et hauturiers). En regroupant les pêcheurs dans deux associations distinctes à caractère professionnel, on arrivait alors à éliminer certains particularismes locaux et à récréer un nouvel esprit chez les membres.

Les fonctions nouvelles des associations coopératives à caractère professionnel et à caractère régional

a) Les fonctions générales.

Il aurait été illogique de vouloir redonner aux nouvelles associations leur tâche d'autrefois, c'est-à-dire celle de diriger à nouveau l'usine avec toute la complexité que cela représentait. Par contre, il parut souhaitable à la majorité des pêcheurs-coopérateurs d'orienter et d'étendre dorénavant le système coopératif au niveau primaire des activités de pêche, c'est-à-dire celles qui touchent la production proprement dite soit: de favoriser la formation et la mobilité occupationnelles des pêcheurs membres, de favoriser l'accroissement du rendement de la flotte par l'analyse de chacun des bateaux, de planifier la construction de bateaux (polyvalents, chalutiers, etc.), de régulariser les revenus des pêcheurs, d'assurer aux pêcheurs-membres une sécurité sociale (assurance-groupe, assurance-maladie, assurance-salaire, etc.), de stabiliser la situation financière des pêcheurs (méthodes de gestion, budget familial, etc.), de travailler, en collaboration avec les agents du milieu concerné, au reclassement des pêcheurs côtiers, de favoriser une meilleure communication entre les membres et la direction de l'usine (contrôlée par la fédération), de développer la participation, la formation et l'information, de voir à l'hivernement des bateaux et à leur mise à l'eau le printemps suivant, de voir à la sélection des futurs propriétaires de navires, etc.

b) Les jonctions à être déléguées.

On affirme souvent, à juste titre, que « la propriété collective des moyens de production n'entraîne pas d'elle-même une gestion collective ». Aussi, lors de nombreuses réunions d'information avec les leaders des membres à la base, il fut convenu qu'il serait souhaitable que les conseils d'administration des nouvelles associations coopératives régionales ne se chargent pas euxmêmes de l'exécution des tâches que nous avons énumérées précédemment, leur rôle étant d'élaborer les politiques d'en surveiller l'application, de représenter les membres et de déléguer à des officiers nommés, la responsabilité d'exécuter les tâches de l'association : information des membres, secrétariat, gestion, gérance, relations avec les organismes coopératifs, les corps intermédiaires, les conseils territoriaux de développement, les ministères concernés, les services administratifs et techniques de la fédération des coopératives de pêcheurs, etc.

c) Le membership et la participation.

Lors des dernières études des hypothèses de regroupement des coopératives, la quatrième année (1969), les membres réévaluèrent les règlements qui avaient coiffé l'action coopérative des dernières années et ils insistèrent, en majorité, sur la nécessité d'uniformiser la politique de souscription du capital social, d'intensifier les réunions des nouveaux conseils d'administration, de sélectionner les futurs membres, d'informer davantage les membres à la base lors des assemblées générales annuelles, d'accepter comme membre les pêcheurs actifs seulement, d'obliger les membres, par contrat, à transiger le plus fort volume de leur capture avec l'association régionale, d'exploiter au maximum les nouvelles espèces susceptibles de permettre à la fédération de diversifier ses produits, de jeter les bases d'une pêche côtière polyvalente, de n'accepter comme membres que ceux qui manifestent un véritable intérêt pour l'industrie de la pêche et qui utilisent les services d'utilité professionnelle de l'organisation coopérative, etc. Ces conditions essentielles traduisaient bien le désir des membres de voir le regroupement déboucher sur l'efficacité économique, sur la conscience professionnelle et sur la solidarité coopérative, lequel désir se concrétisa par la suite, par une étude sur la structure du capital social des pêcheurs-membres des associations coopératives, par l'engagement d'un secrétaire permanent et résidant dans le territoire maritime, dans le but de mettre en place de nouveaux services (gestion, statistique financière individuelle, etc.) et la nouvelle structure de participation et de représentation aux nouveaux paliers de l'organisation.

Conclusion générale : information, formation et participation, base de la coopération

« L'efficacité coopérative se pose aussi en termes de discipline des adhérents et d'insertion dans des ensembles intégrés. Le problème n'est pas de conserver des structures, mais de faciliter et d'humaniser leur évolution. Finalement, nous ne pourrons plus faire de coopération sans coopérateurs. La formation et l'information sont donc la base fondamentale d'une nouvelle étape coopérative. »

(L. Malassis.)

Pendant quatre années, le secteur coopératif des pêches a étudié de façon approfondie la situation socio-économique des coopératives locales de pêcheurs, tant au niveau des structures qu'au niveau du fonctionnement interne et des coûts d'opération.

Comme nous l'avons démontré, les structures des associations étaient demeurées statiques pendant que l'entreprise poursuivait son essor considérable. Alors que dans le passé, pour assurer une plus grande efficacité et une meilleure planification de la production, les usines locales étaient intégrées par la fédération, les associations locales s'étant retrouvées sans fonction économique. Leur existence était d'autant plus fragile que le nombre de membres actifs décroissait (1,200 en 1962 à 650 en 1969) à un rythme accéléré dans plusieurs d'entre elles qui étaient, par ce fait, vouées progressivement à l'extinction.

Après quatre années d'études et de réflexion, période longue pour plusieurs, les pêcheurs envisagèrent la solution la plus logique, soit celle de se regrouper en deux groupes distincts, les pêcheurs côtiers et les pêcheurs hauturiers, leurs préoccupations respectives étant passablement différentes.

En définitive, la nécessité qui s'imposait consistait à ajuster les structures à la réalité présente. Il s'agissait de créer de nouveaux ensembles plus souples et mieux adaptés aux besoins du milieu et où les pêcheurs-coopérateurs seraient conscients qu'ils font partie d'une réalité et d'une organisation qui est leur et qui répond à leurs aspirations. Il s'agissait, également, de systématiser l'information et d'en faire l'élément-clé d'un nouveau départ. En somme, cette action aura permis d'associer étroitement une majorité de pêcheurs à la définition de leurs problèmes et elle leur aura permis de les solutionner. Elle les aura amenés à réaliser qu'une participation vraie, authentique ne pouvait souffrir d'intermittence.

Sources :

« Annuaires statistique des pêches de la FAO », 1967, New York, U.S.A. «La Pêche» Bureau d'Aménagement de l'Est du Québec, (B.A.E.Q.) Mont-Joli 1965-1966.

« Entente Générale de Coopération Canada-Québec », Québec, Mai 1968. « Actualités Marines », Vol. 12, no 3, 1969, Ministère de l'Industrie et du Commerce du Québec. « Pêcheurs Unis de Québec », 30e Rapport Annuel, 1968.

L'institut cooperatif desjardins et le mouvement coopératif

Marcel Landry (Directeur des services pédagogiques, l'Institut Coopératif Desjardins, Lévis, Québec.)

En créant l'Institut Coopératif Desjardins en 1963, les entreprises du Mouvement coopératif Desjardins ont constitué une association et mis sur pied un centre résidentiel d'éducation des adultes à qui elles ont confié la tâche de développer une pédagogie particulièrement adaptée à l'éducation coopérative et à la formation professionnelle des personnes qu'elles regroupent. Conscients de leur responsabilité dans le développement de notre société, les membres fondateurs ont ajouté à cette obligation de l'ICD celle d'offrir ses services à trois autres secteurs: le monde coopératif en général, les divers groupements socio-économiques du Québec et les pays en voie de développement.

L'ICD est dans une double situation : centre d'éducation qui s'applique à développer et à fournir des services pédagogiques utilisables par ses divers types d'usagers, il est aussi intégré à un mouvement qu'il sert et dont il partage les besoins et les valeurs. Il s'efforce constamment d'évoluer dans cette double situation qu'il tend et réussit à exploiter comme facteur de progrès.

Compte tenu que l'action pédagogique de l'Institut Coopératif Desjardins est aussi diversifiée qu'une telle forme d'association peut le permettre, nous n'aborderons à dessein dans cet article qu'un aspect de ses relations : celles qu'il entretient avec le Mouvement Desjardins et le mouvement coopératif en général.

En effet, si nous trouvons utile de faire connaître et de commenter l'activité que l'ICD mène à titre de centre d'éducation des adultes - selon l'expression généralement utilisée** - à plus forte raison croyons-nous qu'il nous appartient de faire cette opération en considérant l'ICD spécifiquement au sein du milieu coopératif qui lui a donné naissance et à qui il destine prioritairement ses services et en voyant de quels types sont ces relations, quels en ont été les résultats pour les organismes coopératifs et l'ICD et vers quoi elles nous conduisent.

L'ICD est un institut d'intervention pédagogique à la disposition des organismes coopératifs

Les services que nous fournissons aux organismes coopératifs de niveau provincial, régional ou local sont toujours ceux d'un instrument pédagogique à la disposition de ce milieu. C'est-à-dire que, dans la limite de nos attributions, nous déployons des efforts particuliers à perfectionner notre équipement pédagogique - en personnel et en matériel - et à répondre aux besoins déterminés par les organismes plutôt que de permettre l'initiative, par exemple, de mettre sur pied des programmes d'éducation de notre cru et de les offrir aux organismes coopératifs comme tels. Ainsi, nous allons aider un responsable d'éducation d'un organisme coopératif donné à préciser les objectifs et la forme d'un stage de perfectionnement qu'il prépare pour un groupe d'administrateurs, mais nous n'organiserons pas celui-ci de notre propre chef et à partir de nos propres préoccupations ou de besoins que nous aurions pu rechercher et déterminer nous-mêmes.

Nous ne sommes pas compétiteurs des services d'éducation des organismes et nous ne tendons pas à les remplacer non plus. Notre action est du domaine de l'assistance que nous voulons leur apporter pour préciser leurs objectifs d'éducation, les aider à réaliser leurs opérations et contribuer à l'évaluation de leur action pédagogique.

Auprès des organismes coopératifs nous sommes conseillers pédagogiques, nous jouons ce rôle de diverses façons et nous agissons toujours selon la méthode pédagogique que l'Institut a voulu privilégier : nous sommes animateurs et notre intervention tend à autonomiser les personnes et à les rendre efficaces et rationnelles dans l'action collective. Pour éviter la substitution et pour être bien sûrs que nous jouons le rôle qui nous est dévolu - être des conseillers en pédagogie - nous tendons systématiquement à travailler avec des homologues, c'est-à-dire avec des personnes chargées d'éducation et de formation dans les organismes concernés.

Comment l'ICD joue son rôle dans le mouvement coopératif

Nous perfectionnons des instruments pédagogiques, nous répondons aux demandes de services qui nous sont faites et nous apportons particulièrement notre assistance à trois types d'opérations qui peuvent être interreliées mais dont chacune forme un tout :

a) La définition des besoins d'éducation

Les besoins sont définis avec la personne qui fait formellement appel à nos services et, le cas échéant, avec les participants à une activité pédagogique.

1. Avec la personne qui fait appel à nos services. - Il est de la nature même de la méthode d'animation préconisée par l'ICD que nous travaillions à partir de la définition la plus précise des besoins et des problèmes que connaît tel organisme qui requiert notre assistance. Aussi nous nous efforçons, à l'occasion des demandes de services variés qui nous sont faites, d'aider l'organisme à déterminer ses besoins et à établir les divers moyens qu'il peut trouver pour les satisfaire : et, ce faisant, nous l'amenons à découvrir si c'est nous qui pouvons lui être utiles ou si un autre moyen ne serait pas préférable.

L'ICD n'est pas une machine à stages et nous nous efforçons de ne pas accepter spontanément et d'orienter positivement des demandes honnêtes, mais peut-être un peu vagues ou routinières qui nous sont occasionnellement faites d'organiser tel stage de formation ou telle journée d'étude. Par exemple, si un organisme nous demande d'organiser un stage ou de « donner un cours » sur les responsabilités d'un conseil d'administration, nous prendrons le soin et le temps de faire avec le demandeur le cheminement nécessaire pour découvrir si l'opération demandée est le bon moyen pour répondre aux bons problèmes. En procédant ainsi, nous amorçons, avant même toute réalisation d'activité de groupe, l'utilisation de l'animation. Dans un grand nombre de cas, cette façon de procéder a servi favorablement les organismes en leur permettant de reviser leurs projets et de les adapter à une vision nouvelle de leurs besoins et de leurs moyens.

La définition des besoins faite avec des individus peut avoir son terme en soi ou se prolonger dans une activité pédagogique réalisée à l'ICD ou ailleurs.

2. Avec les personnes gui participent à une activité pédagogique. - Si la définition des besoins débouche sur la réalisation d'une activité pédagogique comme moyen de satisfaire ceux-ci - un stage de formation à l'ICD, par exemple - ou si une session de groupe est organisée précisément pour définir des besoins, dans tous les cas les stagiaires seront aidés, en tenant compte de leur statut et de leurs attitudes, à se mettre en situation d'interrogation et à élaborer leurs problèmes, leurs besoins et leurs attentes vis-à-vis le stage qui débute. Cette façon de procéder permet d'ajuster, par divers moyens pédagogiques, les attentes qui sont définies dans la préparation du stage et celles qui sont manifestées lorsque celui-ci est commencé.

L'Institut Coopératif Desjardins accorde beaucoup d'importance à l'assistance qu'il peut apporter aux personnes qui mènent des opérations de définition de besoins. Comme à la base de notre action nous plaçons la volonté d'aider les gens à d'abord mieux saisir leur situation avant de procéder à une action tendant à modifier celle-ci, nous considérons que la contribution à l'établissement des besoins est pour nous une opération complète en soi : que cette définition se fasse en consultation privée avec un individu, qu'elle soit un élément important d'une activité pédagogique qui est l'aboutissement d'une telle consultation ou encore qu'elle soit l'objet unique et spécifique d'une session pédagogique de groupe.

Quand la définition des besoins a été complétée avec des individus ou avec un groupe, l'ensemble des moyens susceptibles de les satisfaire le plus efficacement est, en collaboration, établi en plan plus ou moins définitif d'action. Cette action envisagée pourra être d'ordre pédagogique - un stage de formation, par exemple - ou d'un autre ordre comme la réorganisation d'un service de cet organisme.

Si l'action est d'ordre pédagogique, elle pourra être confiée à l'ICD ou à d'autres établissements.

b) La réalisation d'activités pédagogiques

Les activités pédagogiques dont la réalisation est confiée à l'ICD par les organismes coopératifs sont de divers genres et sont aussi variées que l'ensemble de celles que nous menons dans d'autres secteurs. Généralement, ces activités sont des réunions d'étude ou des stages de formation ou de définition de rôles et de tâches qui ont une durée de un à cinq jours. On peut énumérer les principaux éléments du stage type d'un organisme coopératif à l'ICD :

Comme nous l'avons mentionné précédemment, l'ICD s'efforce de réaliser des activités pédagogiques dont les objectifs ont été déterminés par des responsables, à partir d'une connaissance de leur milieu, et précisés par les participants, au moment de leur activité pédagogique; toutes les étapes de celle-ci contribuent à ce que chaque participant, lucidement, considère siens ces objectifs et les allées de travail établies d'avance ou en cours d'opération pour les atteindre.

Les réunions ou stages à la réalisation desquels l'ICD a contribué, dans l'un ou l'autre cas, sont des opérations des types suivants :

Dans la presque totalité des cas, les coopérateurs - dirigeants, cadres ou simples membres - avec lesquels l'ICD a travaillé ont participé à des stages organisés spécialement pour un organisme donné à la demande d'un responsable de cet organisme (dans quelques cas cependant, certains coopérateurs ont participé à des activités générales organisées par l'ICD - comme les stages de sensibilisation à l'animation des groupes de travail - pour lesquelles l'ICD fait des inivitations à tous ses types d'usagers). La plus grande partie des opérations que nous avons été appelés à réaliser pour les organismes coopératifs ont été des stages de définition ou de formation que nous avons contribué à programmer et à réaliser en utilisant l'animation; par ailleurs, d'autres services ont été fournis par l'ICD pour contribuer à la réalisation d'activités pédagogiques de ces organismes : documentation écrite et information verbale sur l'animation, le travail de groupe et des sujets connexes, fourniture d'aides audio-visuelles et d'équipement matériel, et coordination d'activités.

c) L'évaluation des activités pédagogiques

Il est reconnu que toute action professionnelle et particulièrement l'action pédagogique doit être continuellement revisée et évaluée positivement si l'on veut que cette action soit un instrument de développement. Il est aussi admis, si une évaluation ne doit pas être la confirmation de la méthode utilisée ou des objectifs déterminés mais bien une opération de contrôle dans le sens d'une amélioration possible des opérations, qu'elle doit être faite par des personnes différentes de celles qui les ont réalisées. Dans cet esprit, la réalisation de nos activités pédagogiques est dépendante de certaines conditions et modalités :

Ce souci de contrôle des activités pédagogiques est partagé par certains organismes coopératifs qui nous demandent de faire l'évaluation de leurs activités pédagogiques particulières ou de longue durée. Ces opérations d'évaluation nous sont facilitées par le fait qu'une partie du mandat général de l'ICD est de se préoccuper du perfectionnement des instruments pédagogiques et que, par ailleurs, nous ne sommes pas impliqués dans les opérations concernées.

Dans ces opérations, l'ICD tient, en collaboration avec les organismes qui requièrent ses services, à procéder comme dans

les autres cas et à utiliser l'animation, à favoriser la participation éclairée des personnes impliquées (organisateurs et stagiaires) et à travailler avec un mandat clair et limité.

Les objectifs que poursuit l'icd dans son action au sein du mouvement coopératif

a) Réaliser l'esprit coopératif

De par la distribution des responsabilités dans le mouvement coopératif, il appartient à l'ICD de collaborer à l'éducation coopérative non pas en la faisant directement mais en contribuant au perfectionnement des instruments d'éducation et au développement des éducateurs eux-mêmes; une de nos tâches particulières est d'aider les gens à découvrir et à analyser ensemble la façon dont ils vivent et travaillent dans la coopération plutôt que de leur enseigner des techniques coopératives. En procédant ainsi - que ce soit lors de l'établissement des besoins ou au moment de la programmation, que ce soit lors de la réalisation ou du contrôle des activités - nous nous appliquons par nos interventions pédagogiques, à concrétiser l'esprit coopératif.

Nous considérons que nous aidons à réaliser cet esprit coopératif quand notre travail pédagogique est d'abord porté vers le perfectionnement des méthodes et le développement des personnes en vue d'une action collective démocratique et efficace; pour amener les individus et les groupes à être, à leur mesure, des agents rationnels de transformations sociales positives.

b) Satisfaire les exigences de toute action d'éducation des adultes

Les objectifs que tout organisme d'éducation des adultes poursuit et que la pédagogie nouvelle permet d'atteindre sont de l'essence même de la coopération. Ce sont, de ce fait, des préoccupations que l'ICD fait siennes dans son action au sein du mouvement coopératif; ces objectifs et les moyens de les atteindre sont pour nous des points de repère par lesquels nous nous orientons pour juger de l'à-propos de nos interventions et des exigences que nous nous devons de satisfaire. En d'autres mots, les responsabilités que nous partageons avec les autres éducateurs d'adultes sont plus grandes et plus engageantes pour nous du fait de notre insertion dans le mouvement coopératif où l'on accorde une importance primordiale à la valeur de la personne et au regroupement des énergies. Ainsi, dans la réalisation d'une activité de formation, par exemple, c'est à double titre que nous allons nous préoccuper du respect des conditions suivantes :

De plus, pour que l'opération de formation à laquelle nous collaborons soit sérieuse et pertinente et qu'elle puisse avoir des suites positives pour les participants, nous nous assurons que les organisateurs immédiats de l'activité en question possèdent de la part de leurs supérieurs un mandat clair de l'organiser et qu'ils connaissent les limites et les implications de celui-ci. Nous nous appliquons aussi à ce que ces supérieurs - les dirigeants de l'organisme - soient mis au courant de l'envergure de l'opération. Pour la qualité de notre travail, il est important de savoir qu'ils en acceptent lucidement les implications et les conséquences; par exemple, qu'ils soient consentants à modifier certains points de vue et à apporter une attention sérieuse à des besoins nouveaux susceptibles d'être manifestés par les participants à un stage.

c) Décupler notre action par la formation de formateurs

Comme, par notre action pédagogique, nous voulons favoriser chez le plus grand nombre possible de personnes l'accession à une action collective démocratique, nous tendons à décupler notre action et à jouer le rôle de formateurs. Ainsi, au moment de la préparation d'une activité, nous nous intéressons aux qualités des participants et aux possibilités qu'ils auront de transmettre leur acquis pédagogique par la suite. C'est une préoccupation que nous nous efforçons de faire partager par ceux qui nous commandent des activités pédagogiques. Nous les aidons à réaliser l'importance de recruter des participants qui sont plutôt du type animateur et transmetteur de méthodes et connaissances. En développant leurs aptitudes pour l'animation et la transmission, ceux-ci devraient être en mesure - dans leur organisme ou à l'Institut - de procéder et d'aider à la formation de personnes qui, elles, réaliseront une action.

d) Assurer la qualité des activités par leur insertion dans les structures

Toujours dans le but de décupler notre action et afin de nous assurer que les programmes auxquels nous nous associons sont bien ceux que veulent les dirigeants de l'organisme concerné, nous insistons pour travailler avec des homologues, c'est-à-dire avec des personnes qui, dans l'organisme, sont responsables de l'éducation et qui reconnaissent, au moins dans l'ensemble, les méthodes d'éducation des adultes. De plus, nous sommes attentifs au fait que ces personnes ou les services qu'elles dirigent sont reconnus officiellement et ont des relations directes avec la direction et les cadres supérieurs de l'organisme. Nous manifestons cette exigence, non seulement pour nous assurer du caractère officiel des programmes pour lesquels on requiert la collaboration de l'ICD, mais surtout parce que nous considérons que plus une activité pédagogique est intégrée aux structures, plus grandes sont les possibilités de durée et de développement des programmes; aussi, meilleur est le profit pour les stagiaires.

Dans le cas où telle personne ou tel service homologue n'existe pas dans l'organisme, nous nous appliquons, en consultation, à aider celui-ci à se pourvoir des structures minimums nécessaires en cette matière.

e) Faire profiter le mouvement coopératif de notre situation de carrefour

Étant donné que depuis la fondation de l'Institut, nous avons pu travailler avec les dirigeants bénévoles, les cadres salariés et les employés de tous les secteurs coopératifs (sans oublier les corps intermédiaires, les ministères et divers organismes) des niveaux provincial, régional et local et parce que nous avons été à même d'établir des contacts positifs avec de nombreux coopérateurs à titre individuel, nous sentons que nous pouvons jouer un rôle unique et privilégié dans notre action pédagogique auprès de l'un ou l'autre organisme coopératif. Nous pouvons être un point de jonction et permettre à des organismes - particulièrement au moment de la programmation d'activités pédagogiques - de se rejoindre sur le plan de la pensée ou de l'action. En nous appuyant sur notre connaissance des préoccupations et des attitudes des divers groupes avec lesquels nous travaillons, nous sommes en mesure de jouer un rôle pédagogique et d'aider toutes les parties à prendre réciproquement conscience l'une de l'autre selon les besoins. L'action interrogatoire que nous menons auprès des organismes avec lesquels nous travaillons est favorablement alimentée par la connaissance que nous avons du mouvement, des idées et des préoccupations naissantes ou véhiculées régulièrement chez les individus.

Enfin, l'Institut Desjardins, centre coopératif d'éducation des adultes, considère qu'il est fidèle à l'esprit coopératif et à la notion d'école coopérative quand il s'efforce d'associer les usagers de la maison au perfectionnement de la pensée et des instruments pédagogiques. En cette matière, nous associons déjà une bonne partie des organisateurs et des participants d'activités pédagogiques à la définition des besoins et à la précision de la pédagogie en cours d'opération; à titre particulier de propriétaires usagers, les organismes coopératifs ont une responsabilité spéciale dans ce cas. Sans diminuer d'aucune façon les prérogatives et les devoirs de tous ceux qui fréquentent l'Institut Desjardins, nous nous demandons si, par un usage plus intéressé qu'actuellement, le mouvement coopératif ne devrait pas s'engager de façon plus active dans l'orientation et l'activité de l'ICD. Nous croyons qu'en le faisant, il aurait la possibilité d'y trouver un réel profit et de permettre à l'ICD de mieux satisfaire tous les objectifs par lesquels il définit celui-ci.

État et résultat des relations de l'icd avec le mouvement coopératif

a) Des relations aux effets partiels

Nous pensons que les relations que, depuis sa fondation, l'ICD entretient avec l'ensemble du monde coopératif sont de qualité appréciable. L'ICD a rendu une série de services pédagogiques variés, a accru ses connaissances générales et a perfectionné ses instruments de travail. Cependant, si nous tenons compte des exigences de l'éducation des adultes ainsi que des objectifs du monde coopératif et, plus particulièrement de ceux de l'ICD, nous devons constater qu'avec les organismes pris individuellement les relations formelles n'ont pas été de durée permanente et que les opérations entreprises n'ont pas eu les suites que normalement elles devraient avoir, eu égard à leur nature et aux conditions de réalisation.

b) Des activités réussies

Ces activités uniques et isolées sont de divers types déjà énumérés : stages de sensibilisation ou de formation à l'animation, définition de rôles, de tâches et d'objectifs... Prises isolément, elles comportent tous les éléments minimums de « l'opération qu'on peut considérer bonne et réussie », c'est-à-dire : elles ont été programmées selon ceux-ci, elles ont été réalisées par animation et information et, en cours d'opération, les objectifs généraux et immédiats y ont été précisés. De plus, si nous nous fions au comportement des participants en cours d'opération ainsi qu'à leurs opinions et aux déclarations formelles des organisateurs, nous considérons que ces objectifs ont été atteints de façon satisfaisante à chaque occasion (par exemple, selon le cas, les participants ont découvert et compris les aspects positifs et négatifs de l'animation ou ont précisé leurs rôles et tâches d'administrateurs) .

c) Des facteurs de continuité

Le résultat de ces opérations est que, dans la plupart des cas - pour ne pas dire la totalité - l'ICD a réalisé avec un organisme donné une activité pédagogique et que celle-ci n'a pas eu de prolongement, même si elle réunissait les quelques facteurs propres à favoriser la continuité.

Lors de la définition des besoins et de la programmation de cette activité, on a envisagé l'éventualité de la réalisation d'activités complémentaires et la possibilité que de nouveaux sujets d'intérêt soient révélés durant l'opération et qu'ils puissent alimenter une programmation future. Ces projections ont été établies avec les représentants de l'organisme concerné qui les ont considérées comme apparentées aux vues et projets de l'organisme en question.

d) Des besoins de continuité

Dans toutes ces activités pédagogiques - de quelque type qu'elles aient été - les participants ont, dans l'ensemble, quoique à des degrés variés selon les individus, adopté le même comportement à un moment ou l'autre de l'activité : tous ont abordé le sujet de leurs rôles, de leurs tâches et des objectifs de leur action de coopérateurs et ils ont fait de même en ce qui concerne leurs supérieurs ou leurs subordonnés. Dans la plupart des cas, ils ont fait un constat de définitions incomplètes et imprécises et non partagées par tous.

D'une activité à l'autre, nous constatons qu'ils regroupent en termes interrogatifs ou contestateurs leurs préoccupations autour des sujets suivants :

Le fait que, dans chacune des activités pédagogiques, les participants se soient interrogés sur eux-mêmes et leurs dirigeants en cristallisant leur recherche autour des sujets que nous venons d'énumérer est à lui seul suffisant, nous semble-t-il, pour engendrer une continuité d'activités pédagogiques. Sans compter que, dans certains cas, il avait été prévu, comme nous l'avons déjà mentionné, que certains de ces sujets étaient susceptibles d'aider l'organisme à programmer des opérations complémentaires propres à assurer un développement des participants par des stages subséquents de travail sur les sujets concernés.

e) Des activités interrompues

f) Quelques réflexions

Les exigences pédagogiques selon lesquelles l'ICD oriente son fonctionnement et les objectifs qu'il tend à atteindre sont considérés comme des éléments dynamiques. Pour cette raison, nous entendons bien continuer à les reviser rationnellement et de façon régulière. Pour ce faire, nous voulons continuer aussi à y associer tous nos usagers propriétaires et, particulièrement, les organismes coopératifs, par des relations que nous tendrons à intensifier et à systématiser. Dans cet ordre d'idées, nous sommes intéressés à réfléchir avec nos organismes à l'usage que nous pourrions faire de types d'action mis de l'avant par leurs représentants lorsque, à l'Institut, ceux-ci parlent des besoins d'éducation dans leur milieu.

  1. Avant de mettre sur pied d'autres activités pédagogiques ou avant d'accélérer celles qui existent déjà, le mouvement coopératif aurait avantage à faire des études sérieuses de ses besoins réels, des valeurs auxquelles il adhère et des moyens concrets qu'il entend exploiter et mettre à la disposition des coopérateurs pour qu'ils puissent respecter ces valeurs et s'en servir comme moteur.
  2. De façon à ce que ces études soient des opérations dynamiques, il faudrait développer des formules par lesquelles les coopérateurs seraient appelés à y participer le plus possible. En définitive, l'idéal serait peut-être que ces études soient entreprises et développées à même le déroulement des activités pédagogiques et sans interrompre celles-ci.
  3. Les programmes de formation et d'éducation, à l'intérieur de chaque entreprise ou de chaque organisme, devraient intégrer tous les niveaux de travailleurs et de dirigeants bénévoles de façon à ce que tous les participants soient mis en contact - les adaptations nécessaires étant faites - avec les mêmes valeurs, les mêmes exigences.
  4. Ces programmes intégrés verticalement dans chacun des organismes et dans chacun des secteurs coopératifs devraient, par la même occasion, être concordants sur le plan horizontal. En d'autres mots, si toutes les personnes à tous les niveaux doivent apprendre et se former selon un esprit unique et selon des valeurs identiques, la même obligation tient pour tous les secteurs et tous les organismes coopératifs qui se réclament d'une idéologie commune.
  5. Les dirigeants et les cadres supérieurs devraient être intégrés les premiers dans des activités qui visent à développer leurs attitudes de formateurs avant que l'on intensifie un développement et un entraînement aux autres niveaux.
  6. Les programmes fournis à tous les niveaux et à tous les secteurs devraient être coordonnés de façon dynamique pour qu'ils puissent s'influencer mutuellement et pour que des variations dans un secteur puissent être exploitées de façon positive pour le développement de l'ensemble.
  7. Les activités pédagogiques, par souci d'efficacité, devront faire appel à la participation maximum des intéressés au moment de la définition des besoins et lors des périodes de réflexion et de formation mêmes. Tous les niveaux devront être sensibilisés de façon concrète aux implications et aux conséquences d'une participation dans la formation et le développement.
  8. Pour que les programmes de formation et de développement soient rentables, il faut qu'ils soient formellement intégrés dans les structures et qu'ils soient reliés à tous les secteurs de direction de l'organisme. De cette façon, tous étant impliqués, il devient possible d'entretenir la souplesse et l'attitiude de développement qui sont nécessaires pour assurer que les changements occasionnés par les programmes de formation ne soient pas vus comme des dérangements, mais plutôt comme des facteurs d'amélioration.

g) Universalité du problème

Le problème que nous venons de mentionner dans cet article n'est pas particulier au monde coopératif mais il y est peut-être plus important compte tenu de la nature de ce milieu, de ses ressources et de ses objectifs; certains diraient de sa mission. Ses sujets de contestation, d'interrogation et de réflexion que nous avons énumérés se retrouvent, avec quelques différences mineures, dans tous nos groupes socio-économiques; les conséquences négatives de l'interruption d'un programme d'activités pédagogiques sont celles que connaissent grand nombre d'éducateurs et particulièrement les mouvements d'éducation des adultes; enfin, les questions que nous venons de nous poser relativement à la concordance entre la position des dirigeants d'organismes, leurs organisateurs d'activités pédagogiques et ceux qui réalisent celles-ci, intéressent toutes les organisations pour peu qu'elles aient de l'envergure et qu'elles soient en voie de développement.

L'ICD, pour sa part, entend bien jouer son rôle en cette matière et assumer les responsabilités que lui ont confiées les organismes coopératifs lors de sa fondation. Nous considérons que nous devons continuer à évaluer notre action pour la remettre en cause de façon positive et y faire régulièrement les ajustements nécessaires, non pas pour nous tenir strictement dans le courant du mouvement, mais bien à l'avant-garde de celui-ci. Ce mouvement attend de nous que nous l'aidions à formuler certaines pensées et à déterminer certaines actions pédagogiques propres à assurer son développement permanent.

La chaire de coopération de l'université de sherbrooke

Claude Pichette (Directeur du Département d'économique, Université de Sherbrooke.)

En mai 1967, une entente était conclue entre le Conseil de la Coopération du Québec et l'Université de Sherbrooke pour la création d'une Chaire de la Coopération dans les cadres du département de Science économique de cette Université.

La Chaire de Coopération s'engageait à mettre sur pied un enseignement de la Coopération et à créer un programme de recherches dans ce domaine.

L'enseignement

Dans le cadre du cours menant au baccalauréat spécialisé (licence) en Science économique fut créé un cours de 90 heures (6 crédits) portant à la fois sur la doctrine, l'histoire, la sociologie, la démographie, la géographie et l'économique de la coopération.

Un second cours de 90 heures au niveau de la Maîtrise ès Arts (Science économique) était également créé. Ce cours porte exclusivement sur l'analyse économique de la Coopération.

L'enseignement universitaire de la coopération étant peu répandu au Québec et étant complètement nouveau à l'Université de Sherbrooke nous avons fait appel à deux des plus grands spécialistes de la coopération pour lancer notre enseignement. C'est ainsi que pendant l'année 1967-1968 les professeurs Henri Desroche, de l'École Pratique des Hautes Études de Paris et Paul Lambert, économiste de l'Université de Liège, ont dispensé respectivement 75 heures d'enseignement en coopération dans le cadre du cours de baccalauréat spécialisé.

En 1968-69 et 1969-70 nous avons accueilli à nouveau le professeur Desroche. Sociologue de formation, doté d'une vaste expérience de la coopération, consulté dans le monde entier, ayant effectué des missions d'études dans un grand nombre de pays, le professeur Desroche nous apportait un bagage énorme de connaissance et d'expériences. En 1969-70, dans une période de 30 heures, le professeur Desroche était spécifiquement chargé d'apporter aux étudiants une initiation aux aspects doctrinaux, historiques, sociologiques de la coopération dans le monde. Cette partie du cours est suivie d'une période de 60 heures consacrée à l'analyse économique de la coopération. À l'aide d'ouvrages et d'articles de revues scientifiques, on tente de préciser la nature de la Coopérative pour faire ressortir les caractères essentiels qui distinguent cette organisation de l'entreprise capitaliste. On cherche également à préciser ce qui dans la théorie économique traditionnelle de la firme est valable pour l'analyse économique de la coopérative. Au-delà de cela, à l'aide d'ouvrages et d'articles de revues scientifiques, on cherche à bâtir une explication théorique spécifique des fonctions de la Coopérative.

Des travaux pratiques complètent l'enseignement théorique. Dans ces travaux, on recherche particulièrement les réponses aux questions que nous pose la théorie.

Dans le cadre du cours de Maîtrise nous poursuivons cette recherche des outils nécessaires à l'explication théorique de ce qu'est et de se que fait la coopérative comme organisation différente de l'entreprise capitaliste. Nous faisons surtout appel aux outils de la théorie micro-économique et de la théorie économique du bien-être.

Comme au cours de baccalauréat spécialisé, le cours de Maîtrise est complété par des travaux pratiques d'envergure.

La recherche

La recherche vise deux buts principaux : connaître le mouvement coopératif québécois en général et arriver à mieux préciser la nature de la coopérative comme institution économique. Pour atteindre ces buts, des recherches monographiques sont menées par des étudiants du cours gradué en Coopération ou par des étudiants qui ont déjà complété ce cours. Des monographies sur les secteurs coopératifs agricole, d'épargne et de crédit, de consommation et des pêcheries sont en préparation.

D'autres travaux portent sur des problèmes touchant le mouvement coopératif comme celui de la fiscalité. Enfin, des travaux de recherche fondamentale s'appliquent à définir la nature de la coopérative.

Ces travaux sont menés avec la collaboration constante du mouvement coopératif, ce qui s'inscrit d'ailleurs dans la logique du geste posé en 1967.

Publications

En collaboration avec le Conseil de la Coopération du Québec, la Chaire de Coopération a lancé en octobre 1969 le premier numéro des Cahiers de la Coopération. Intitulé « Le Développement intercoopératif : ses modèles et ses combinaisons », cet ouvrage du professeur Henri Desroche est le fruit à la fois de sessions d'étude conduites par le professeur Desroche auprès de dirigeants du mouvement coopératif québécois et de son enseignement à la Chaire de Coopération de l'Université de Sherbrooke.

Les Cahiers de la Coopération ont été créés pour faire connaître des travaux de valeurs portant sur la Coopération en général. Ils ne sont pas restreints à la publication d'ouvrages de nature économique mais sont ouverts aux travaux réalisés selon les différentes disciplines des Sciences sociales.

Divers

De plus, la Chaire de Coopération collabore avec le mouvement coopératif à différents comités mis sur pied par le Conseil de la Coopération du Québec comme par exemple le Comité d'étude et d'action coopérative et le Comité de la fiscalité.

Chaire de Coopération et éducation coopérative

L'enseignement dispensé à la Chaire de Coopération dans le cadre des cours menant aux diplômes de baccalauréat spécialisé et de maîtrise ès Arts en Économique n'est pas à proprement parler ce qu'on est convenu d'appeler de l'éducation populaire. Mais il s'inscrit certainement dans ce qu'on peut appeler l'éducation coopérative et par ses prolongements rejoint l'éducation populaire.

En fait, l'enseignement qu'on dispense et la recherche qu'on poursuit à l'Université de Sherbrooke devraient avoir des effets sur l'ensemble de la vie coopérative québécoise; au niveau du mouvement, au niveau des gouvernements et au niveau de l'Université elle-même.

Le mouvement

En créant la Chaire de Coopération, les dirigeants du mouvement coopératif voyaient là d'une part un moyen de créer une relève dans le mouvement. D'autre part, ils voyaient là un moyen d'infuser des idées nouvelles, un dynamisme nouveau au mouvement.

Les gouvernements

Grâce à la Chaire de Coopération, des économistes ayant reçu une formation en Coopération iront occuper des postes dans les différents gouvernements. Ces économistes ne pourront faire autrement que d'avoir de la Coopération une vision différente de ceux qui ayant reçu une formation traditionnelle sont tentés de considérer la Coopérative comme une entreprise comme les autres. On peut espérer que des économistes déjà sensibilisés aux questions coopératives, ayant une connaissance scientifique propre à la coopérative sauront apporter des solutions plus appropriées encore aux problèmes de structure et de croissance du mouvement.

L'Université

L'Université de Sherbrooke n'est pas la première au Québec à s'occuper de Coopération. L'Université Laval de Québec et l'Université de Montréal ont vu depuis longtemps certains de leurs professeurs s'occuper de Coopération. L'Université de Sherbrooke vient ajouter son oeuvre à celle qui a été faite ailleurs auparavant. L'originalité de Sherbrooke sera peut-être de le faire d'une façon institutionnalisée et systématique.

À chaque année, des étudiants ayant reçu une formation en Coopération iront occuper des postes dans le mouvement coopératif ou dans les gouvernements, ce qui ne pourra manquer de jouer un rôle sur le mouvement dans son ensemble.

Mais en créant la Chaire de Coopération à l'Université de Sherbrooke, le mouvement coopératif a certainement rendu un grand service à l'Université en général. Le mouvement a, par le fait même, amené des universitaires à s'intéresser à une institution qui n'a certes pas reçu l'attention qu'on a portée à d'autres institutions. Les économistes en particulier, peut-être plus que leurs collègues des autres sciences sociales, ont négligé l'analyse théorique de la coopérative.

La Chaire de Coopération s'est donnée pour objectif de faire porter son enseignement sur l'aspect analytique de la Coopération et de ne pas s'en tenir au seul aspect descriptif. En cela, il faut reconnaître que c'est là presque un travail de pionnier. L'analyse économique de la Coopération est loin de jouir d'un appareil économique analytique aussi élaboré et aussi intégré que celui qui existe pour d'autres secteurs de l'économie. Cela n'est pas sans rendre notre travail plus difficile et plus laborieux.

Mais malgré tout, on constate avec plaisir que plusieurs économistes se sont penchés sur l'étude théorique de la coopérative. Des économistes réputés ont publié des articles sur différents aspects de la coopérative dans des revues économiques renommées comme l'American Economic Review, Review of Economic Studies, Economica, etc.

En somme, l'enseignement universitaire de la Coopération devrait avoir des effets directs et indirects, des effets immédiats et des effets à long terme. En formant des hommes qui auront reçu une formation en Coopération, la Chaire de Coopération, nous osons le croire, contribue au développement de la Coopération en raison des décisions que ces hommes seront appelés à prendre, qu'ils soient dans les gouvernements ou dans le mouvement coopératif. C'est en somme de l'éducation coopérative qui ne peut pas manquer d'avoir un effet sur l'éducation populaire dans son ensemble que fait la Chaire de Coopération de l'Université de Sherbrooke.

L'enseignement de la coopération à l'université sir george williams, montréal

George Davidovic (Professeur, Université Sir George Williams, Montréal.)

L'économie coopérative a fait ses débuts en 1844, par l'établissement le la Coopérative de Rochdale, dont les fondateurs sont connus dans l'histoire coopérative sous le nom des Pionniers Équitables de Rochdale. Cette coopérative s'était posé comme objectif, dès le début, entre autres, le développement de l'éducation. En effet, l'article premier de ses statuts originaires disait : « Dès que cela sera possible, cette société entreprendra l'organisation des forces de la production, de la distribution, de l'éducation et du gouvernement où en d'autres termes l'établissement d'une colonie se suffisant à elle-même et dans laquelle les intérêts seront unis, ou bien elle viendra en aide à d'autres sociétés pour établir de telles colonies. »

Comme on le voit, l'éducation, mot que j'ai souligné, était l'un des trois objectifs principaux de la coopérative de Rochdale. L'importance que ses fondateurs attribuaient à l'éducation fut exprimée d'une façon plus concrète quelques années plus tard, en 1854, lors de la revision de ses statuts. À cette occasion, il a été prescrit que, pour les fins de l'éducation, un fonds sera constitué par l'allocation de deux et demi pour cent du surplus annuel, et « par l'accumulation de toutes les amendes perçues pour l'infraction à ses statuts. »

Les coopératives, à travers le monde entier, ont suivi l'exemple de Rochdale et développé une activité éducative, sous une forme ou sous une autre, de pair avec leur activité économique. De plus, de par leur caractère même, de par leur organisation démocratique, de par la participation de leurs membres - en réalité des usagers de leurs services - dans le contrôle et la conduite de leurs affaires, toutes les organisations coopératives doivent toujours et partout être, qu'elles le veuillent ou non, des centres d'éducation populaire, simplement en jouant leur rôle économique au service du peuple. C'est la raison pour laquelle, en 1960, la Conférence de l'UNESCO, tenue à Montréal, a déclaré que la coopération est la meilleure institution pour l'éducation des adultes.

Combien est important le rôle éducatif du mouvement coopératif dans le monde ! On peut facilement se l'imaginer, si l'on prend en considération le fait qu'aujourd'hui il y a des centaines de milliers de coopératives de différentes catégories à travers le monde avec des centaines de millions de personnes qui leur sont affiliées, directement ou indirectement.

Avec le temps, à part son rôle éducatif direct, l'économie coopérative a attiré l'attention des institutions d'éducation, surtout des universités, sur ses problèmes complexes et nombreux, économiques et sociaux. Une étude que j'ai entreprise, il y a quelques années, sur l'enseignement universitaire de la coopération et dont les résultats ont été publiés par la Cooperative Union of Canada, Ottawa, sous le titre : « University Teaching of Cooperation in Various Countries », a révélé que des centaines d'universités à travers le monde ont déjà introduit le sujet « Cooperation » dans leurs programmes.

Il y a cependant encore des universités qui refusent de faire de la coopération le sujet de leur enseignement. Cette attitude a été bien exprimée par une université britannique qui, en réponse à mon questionnaire, disait : « Dans nos études universitaires, la coopération est traitée comme l'une des formes variées d'entreprises et n'est pas promue séparément. »

La réalité est, cependant, qu'une coopérative n'est pas seulement une forme d'entreprise, comme par exemple, une société anonyme ou une société en commandite. Elle est une organisation fondamentalement différente de toutes les autres formes d'entreprises, publiques ou privées, individuelles ou collectives, capitalistes ou communistes.

La coopérative est la seule forme d'entreprise qui est opérée par ceux qu'elle sert, par ses usagers, par ceux qui sont en même temps ses clients, ses propriétaires et ses opérateurs. Elle est aussi la seule forme économique qui ne fait et ne peut jamais faire de profit à même ceux qu'elle sert, ses membres, les usagers. Elle a ses méthodes particulières d'établissement,

ses formes spéciales d'organisation, ses principes particuliers d'administration - administration démocratique - ses formes de financement, ses lois particulières de développement, de concentration économique et bien d'autres caractéristiques.

Ces caractéristiques particulières de l'institution coopérative sont naturellement devenues l'objet d'études scientifiques particulières. De là, une discipline spéciale s'est graduellement formée dans le cadre des sciences économiques et sociales. Et, inévitablement, la coopération est devenue le sujet d'enseignement universitaire.

Pour autant que j'ai pu le déterminer par l'étude mentionnée ci-haut, l'Université de Wisconsin, aux États-Unis, était, en 1913, la première au monde à introduire le sujet « Coopération » dans son curriculum. Mais c'est surtout après la Première Guerre Mondiale, et l'établissement d'une chaire de la Coopération au Collège de France par le grand économiste et théoricien de la coopération, Charles Gide, que l'enseignement de la coopération s'est graduellement développé à travers le monde, pour faire des progrès rapides après la Deuxième Guerre Mondiale.

En ce qui concerne le Canada, jusqu'aux années toutes récentes, l'enseignement universitaire n'avait fait que de très modestes progrès. Seulement deux universités - celles de Winnipeg et de Moncton - ont pu exprimer, lors de mon enquête mentionnée ci-dessus, qu'elles avaient un enseignement spécial de la coopération et ceci dans des proportions très limitées. Quant au Québec, aucune de ses universités n'avait d'enseignement spécial de la coopération.

Ces dernières années, cependant, le Québec a pris le leadership dans tout le Canada en ce qui concerne cet enseignement. Dans l'année académique 1967-1968, l'Université de Sherbrooke a introduit le sujet « Coopération » dans son programme et l'Université Sir George Williams le fit l'année suivante, en 1968-1969. De cette façon, le Québec est la seule province au Canada ou la coopération est enseignée dans deux universités

et, dans les deux cas, d'une façon sérieuse, comme un cours complet. En même temps, l'Université Sir George Williams est la seule université, non seulement au Canada mais dans le monde entier, où la coopération est enseignée dans les deux langues mondiales - en français et en anglais. Mais avant de nous référer d'une façon concrète à l'enseignement de celle-ci, il serait utile de donner quelques brèves informations quant à son développement.

L'Université Sir George Williams s'est développée à partir de l'activité éducative de l'Union Chrétienne des Jeunes Gens (YMCA) de Montréal. Elle porte le nom de Sir George Williams qui, en 1844, fonda la YMCA, - à Londres - sept années avant celle de Montréal, la première en Amérique du Nord.

L'Université S.G.W. a obtenu sa charte de la Législature provinciale en 1848. La Charte lui conférait le droit d'opérer comme un collège ou université en son propre nom sous une forme corporative et publique, tandis que, jusque-là, elle opérait sous une charte de la YMCA. En 1959, par un amendement de la loi relative à son incorporation, la position de l'Université a été clarifiée. C'est alors que son nom fut chargé en : Université Sir George Williams.

L'enseignement de la coopération fut introduit dans le curriculum de l'Université Sir George Williams sous la dénomination : « Théorie et Pratique de la Coopération. » Son introduction est due aux efforts du directeur du Département d'Économie de l'Université, le professeur Arthur Lermer.

Il y a déjà quelques années que nous nous rencontrions aux séances du CIRIEC Canadien, dont il est le président. À l'occasion de l'une de ces rencontres, il me fit part de son intention d'organiser un cours de coopération dans son Département. En 1967, lorsque mes fonctions de directeur de recherche de la Cooperative Union of Canada ont prit fin, il m'offrit de prendre la responsabilité de l'enseignement de la coopération à l'Université Sir George Williams.

Le Professeur Lermer a exprimé les raisons qui l'ont induit à introduire la coopération dans le programme de l'Université lors de la remise des diplômes aux étudiants du cours français de 1968-69, qui a eu lieu le 17 novembre 1969. À cette occasion, il a dit dans son discours entre autres : «... il faut vraiment regretter que le nombre d'universités canadiennes qui ont introduit l'enseignement de la coopération soit encore limité. La raison en est, certes, que traditionnellement les économistes concentrent leur attention sur les prix, les salaires, sur la politique monétaire et fiscale, sur la théorie du commerce et sur les cycles économiques. Par contre, le champ très vaste des institutions industrielles, économiques et sociales, est plutôt négligé dans leurs préoccupations. Et ceci va naturellement au détriment de notre économie complexe et dynamique dont le sort dépend largement du système de l'économie participationniste... »

« L'un des aspects fondamentaux de notre économie très développée et complexifiée est exprimé d'une façon éclatante par le terme « économie mixte », une économie ou les décisions principales sont laissées d'une part aux mécanismes du marché et d'autre part, sont prises par les gouvernements aux divers échelons, soit directement, soit par l'intermédiaire des sociétés de la Couronne ou d'autres institutions ».

« Il serait parfaitement logique et dans l'esprit d'une telle société pluraliste, qu'on prenne en considération l'existence d'une autre dimension, d'un autre secteur, qui constitue une partie intégrante du système économique aux dimensions multiples, c'est-à-dire de l'organisation coopérative. »

« À notre époque ou la démocratie « participationniste » occupe une position centrale dans la pensée des gens véritablement concernés, la coopération offre non seulement de grandes possibilités pour nombre de personnes, mais elle forme aussi un autre centre de décision qui peut contribuer à un meilleur équilibre de notre économie pluraliste. »

« De nos jours, cette forme d'entreprise gagne de plus en plus d'importance dans tous les systèmes existants : dans le système d'économie mixte de l'Ouest, dans le système soviétique et aussi, et tout particulièrement, dans les pays en voie de développement. »

« Reconnaissant la valeur et la signification du système coopératif et sa tendance à prendre la place qui lui revient, nous avons cru nécessaire de manifester un intérêt très vif aux problèmes coopératifs et à la science de la coopération. On peut ajouter que nous envisageons déjà l'extension de notre enseignement de la coopération aux cours destinés aux diplômés. »

L'inauguration officielle du cours « Théorie et Pratique de la Coopération », à l'Université Sir George Williams, a eu lieu avec quelque retard (à cause de certains événements qui se sont déroulés à l'université même), mais elle avait un caractère très solennel, ce 6 mars 1969, sous la présidence du vice-recteur de l'Université (devenu recteur depuis), le Docteur John O'Brien, et en présence de nombreux professeurs de l'université, de dirigeants du mouvement coopératif venus de tous les coins du Québec ainsi que d'Ottawa, de personnalités invitées ainsi que d'étudiants.

La cérémonie était rehaussée par la présence de M. C.-H. Barbier, un coopérateur et un éducateur de renommée mondiale qui, pendant toute la période d'après-guerre, était le représentant de l'Alliance Coopérative Internationale au sein du Comité pour l'Éducation des Adultes de l'UNESCO. Il était spécialement venu de Suisse pour prendre part à la cérémonie et prononcer une conférence. Nous tâcherons de la résumer.

La thèse développée par M. Barbier se référait à « la Coopération et son enseignement » : comment on enseigne la coopération et qu'est-ce que la coopération nous enseigne. L'autre sujet sur lequel il jeta une lumière toute particulière était : « les relations université-coopération ».

M. Barbier développa, entre autres, les pensées suivantes :

La plus ancienne université du monde fut créée en 1252 par Robert de Sorbon, à Paris; elle est connue de nos jours sous le nom de la Sorbonne. Je n'examinerai pas les rapports entre la coopération et l'université dès l'origine de celle-ci, mais seulement dès le moment ou la coopération prit naissance. À l'origine, il n'y avait pas d'antinomie entre coopération et université, c'était deux mondes qui ne se connaissaient pas et croyaient n'avoir rien en commun. Et les Pionniers de Rochdale auraient été très étonnés, si on leur avait dit qu'un jour ce qu'ils faisaient serait l'objet d'enseignements dans les universités. Aussi, a-t-il fallu du temps pour que ces deux mondes se connaissent et finissent par se rencontrer. Ce n'est donc que peu à peu que la coopération a obtenu le droit de cité dans l'université. On lui a consacré une leçon occasionnelle, puis plusieurs leçons, puis des cours.

Aujourd'hui, l'enseignement de la coopération dans le monde est devenu un phénomène qui compte et qui a déjà fait l'objet d'études particulières.

Dans l'enseignement de la coopération, il n'y a qu'un fait qui compte : la vérité objective. La rigueur scientifique est particulièrement nécessaire ici. Elle donne alors à la coopération non pas une tribune de propagande mais un nouveau crédit, une reconnaissance, une sorte de naissance à des destinées nouvelles.

L'Université Sir George Williams a fait oeuvre de pionnier dans l'éducation des adultes. En destinant un cours de coopération à la jeunesse, elle adopte des visées à la fois adéquates pat rapport à notre temps, et en elles-mêmes valables.

Certes, il y a des difficultés à l'enseignement de la coopération, de grandes difficultés. Je me permets de faire appel à toutes les organisations coopératives canadiennes pour qu'elles financent généreusement l'étude de la coopération dans les universités et par les universités. Ouvrir de nouveaux cerveaux à nos problèmes est aussi important que d'ouvrir de nouveaux magasins. C'est pourquoi je me permets d'insister sur la conjonction université-coopération. Ici, également, je me permets de lancer un appel à l'université pour que, reconnaissant que

la coopération est un enseignement nécessaire aujourd'hui au même titre que la physique et les mathématiques, l'université, elle aussi, fasse les investissements pour ces études.

Grâce à la conjonction université-coopération, grâce à la conjonction des volontés et des investissements, nous obtiendrons des résultats valables.

En ce qui concerne les enseignements qui découlent de la pratique actuelle de la coopération, ils sont multiples et de toutes natures : économiques, sociaux et moraux.

Le premier de ces enseignements est qu'une économie fraternelle, « a brotherhood economy », comme l'a dit le célèbre écrivain japonais Kagawa, n'est pas impossible. Alors, le premier enseignement de la coopération est l'espérance. Et elle nous offre une extraordinaire promesse car, aujourd'hui, 235 millions de coopérateurs travaillent chaque jour à l'avènement d'une économie fraternelle. Et Célestant Bouglé, mon professeur à la Sorbonne, a dit avec raison : « Bienheureux les coopérateurs parce qu'ils travaillent pour les autres en travaillant pour eux-mêmes... parce que, guidés par ce haut idéal, ils peuvent, eux, faire des économies sans avarice, des affaires sans affairisme, de l'utilitarisme sans égoïsme. »

La coopération, économie fraternelle, est aussi l'une des formes les plus vivantes, les plus concrètes du respect des droits de l'homme.

Le deuxième enseignement qui émane aujourd'hui des activités coopératives est celui-ci : l'économie de service instaurée par les coopératives a manifesté une grande viabilité. Elle a remporté la victoire, puisqu'elle a su contraindre l'écomonie à gestion de profit à se courber, dans une certaine mesure au moins, à la loi du service.

Par la pratique de la solidarité, de l'entraide, par l'association des personnes, la coopération a été l'initiateur des fameux principes économiques de concentration.

Le rôle de l'économie coopérative dans le domaine de l'éducation est d'une importance particulière. Ayant des membres, les coopératives ont entrepris de les servir non seulement en tant qu'entités économiques mais en tant que personnes. Or, quel est le plus grand besoin de l'être humain aujourd'hui, sinon celui de l'éducation permanente ? Et le Docteur Georges Fauquet a bien dit dans son « Secteur coopératif » : « Défaillante dans sa tâche éducatrice, la coopération serait défaillante également dans sa tâche économique ».

Le troisième enseignement qui découle de la pratique coopérative, c'est son animation à la base, animation de la base, animation par la base. Dans les pays en voie de développement, le seul remède ayant chance de succès, c'est l'animation de la base qui permet l'application de méthodes coopératives. La coopération a un grand rôle à jouer et un grand enseignement à donner au monde, car le grave problème des pays en voie de développement n'est susceptible d'aucune autre solution que la solution coopérative.

Le cours « Théorie et Pratique de la Coopération », donné à l'Université Sir George Williams, est un cours de crédit, mais jusqu'ici sujet à choix, non-obligatoire. Il est donné deux heures par semaine, a une durée d'une année académique et embrasse une grande variété de problèmes de l'économie coopérative, tant théorique que pratique, comme son nom l'indique, d'ailleurs.

Parmi les problèmes couverts par le cours on peut mentionner :

L'intérêt suscité par le cours en coopération à l'Université Sir George Williams est très encourageant. Lors de l'introduction du cours en l'année académique 1968-1969, seulement 48 étudiants étaient inscrits. L'année suivante, le nombre s'est élevé à 70, ce qui veut dire une augmentation de 22 étudiants.

La caractéristique particulière du cours de coopération à l'Université Sir George Williams est que, bien que ce soit une université de langue anglaise, l'enseignement de la coopération se fait tant en français qu'en anglais. Le cours en français, qui fut organisé avec le concours du Conseil de la Coopération du Québec, est avant tout destiné aux dirigeants et aux cadres coopératifs et a, par conséquent, un caractère plutôt d'éducation des adultes. Ce cours semble avoir un succès particulier. Le nombre d'étudiants inscrits à ce cours s'est élevé de 33 en

1968-1969, à 55 l'année académique suivante. Le cours en anglais est spécialement destiné aux étudiants réguliers de l'Université.

Vu le succès acquis par le cours de coopération, les autorités compétentes de l'Université ont décidé de pousser plus loin son enseignement. Elles ont déjà envisagé la possibilité des cours destinés aux diplômes pour l'obtention de la maîtrise et du doctorat en coopération. Ceci ouvre, naturellement, des perspectives nouvelles et larges à l'enseignement de la coopération à l'Université Sir George Williams.

La presse coopérative au québec

Jean-Paul Légaré (Directeur du journal Ensemble !, organe officiel du Conseil de la Coopération du Québec.)

Le développement de la coopération est étroitement lié à l'éducation et à l'information des membres et du public en général. Tout le présent cahier a tenté de démontrer cette nécessité de l'éducation coopérative. La presse coopérative se présente donc comme l'un des moyens de poursuivre l'éducation des sociétaires et du public.

Le mouvement coopératif, au Québec, rejoint plus de 2 millions de personnes qui sont réparties dans les diverses régions de la province et dans les différents secteurs socio-économiques. On conçoit facilement qu'une population de coopérateurs de cette importance doive se donner des organes de communication. En effet, force vivante et dynamique, le mouvement coopératif a besoin de moyens d'expressions, de liaison.

On ne peut parler de la « presse coopérative » au Québec qu'en termes très généraux et il faut bien admettre, au départ, que cette presse est relativement modeste. Par ailleurs, il faut souligner qu'il s'agit d'une presse interne, c'est-à-dire qui circule surtout chez les personnes intéressées à la coopération.

Dans le présent chapitre, nous tenterons de définir sommairement les fonctions d'une presse interne et divers types de cette presse, et d'ouvrir des horizons sur la nécessité d'une presse que l'on pourrait qualifier, par rapport au mouvement coopératif, de presse externe.

Presse interne

On pourrait attribuer trois fonctions à une presse interne comme celle du mouvement coopératif, soit d'être : un lien, un informateur et un propagandiste. Les conditions particulières du Québec donnent une importance accrue aux moyens d'information. En effet, dans notre province vaste et à faible densité de population, les coopératives sont souvent isolées et éloignées les unes des autres. Dans un tel contexte, les organes d'information prennent une importance particulière.

Un lien

Le but premier de la presse coopérative est donc de relier entre eux les membres des coopératives aussi bien d'un même secteur d'activités que de secteurs divers. Les média d'information sont donc des moyens privilégiés de raffermir la solidarité aussi bien des coopérateurs que de leurs institutions.

Un informateur

Quand on considère qu'il y a, au Québec, environ 2,700 coopératives dont la majorité sont groupées dans plus d'une vingtaine de fédérations ou institutions à caractère provincial, on devine que ces coopératives en perpétuelle évolution engendrent une activité dynamique considérable. Il y a donc là une matière généreuse à information et c'est justement le rôle de la presse coopérative que d'être le reflet de cette activité.

Ce qui vaut pour le Québec, vaut aussi sur des plans plus vastes; ainsi, dès 1924 le Bureau International du Travail prenait l'initiative de publier les « Informations Coopératives » afin d'aider les mouvements coopératifs nationaux à se connaître mieux les uns les autres.

A quelques niveau qu'ils appartiennent, les coopérateurs ont besoin d'être informés sur les multiples aspects de la vie coopérative; par ailleurs, la diffusion des applications de la démocratie coopérative permet de mettre en lumière des expériences heureuses qui ont une valeur d'entraînement. La diffusion de l'information coopérative a aussi le mérite de contribuer au développement harmonisé du mouvement coopératif dans ses diverses manifestations.

On pourrait analyser longuement les répercussions d'une bonne information chez les coopérateurs, mais contentons nous de cette constatation faite dans la revue du 50e anniversaire du Bureau International du Travail qui dit « les transformations apportées dans la structure des mouvements coopératifs n'auraient pas été possibles si un effort considérable n'avait été entrepris dans le domaine de la formation et de l'information coopératives ».

Un propagandiste

Étant engagée à la défense d'une cause, on ne peut cacher que la presse coopérative joue, à l'occasion, un rôle de propagandiste. La presse de ce type répond ainsi à un besoin. En effet, il est indispensable que soient constamment propagés les principes, l'idéologie et la doctrine de la coopération. On aura souvent l'impression que ces moyens d'information prêchent à des convertis. Il ne faut pas oublier cependant que la pratique de la coopération demande une reconversion constante, un recyclage, une remise à jour des principes, parce que l'application de la coopération est en constante évolution aussi bien au Québec que partout dans le monde.

Pour atteindre véritablement son but, la presse coopérative doit donc engager la participation des coopérateurs et, débordant le cercle des convaincus, gagner d'autres adhérents à la cause.

La presse coopérative contribue donc à la transmission directe ou indirecte d'une philosophie et de méthodes qui, appliquées aux divers secteurs économiques et sociaux, font prendre conscience à des milliers d'hommes, coopérateurs de la base ou cadres du mouvement coopératif, du rôle qu'ils ont ou doivent jouer. Ainsi s'opère lentement, grâce à l'information, une transformation des mentalités et des groupes. L'information contribue à cette mutation qui permet aux sociétaires de faire de plus en plus par eux-mêmes ce qu'ils demandaient auparavant aux autres de faire pour eux et de devenir plus responsables.

Lien entre les personnes, informateur et propagandiste, la presse coopérative contribue donc puissamment au maintien et à l'évolution de la formule coopérative.

Deux types de presse

Toute presse doit correspondre à un public qui a des besoins bien déterminés. Dans le cadre de la presse interne du monde coopératif, nous distinguerons donc deux types de presse, soient l'horizontale et la verticale.

Ces deux types de presse se rencontrent habituellement à l'intérieur d'un mouvement à secteurs multiples comme c'est le cas pour le mouvement coopératif québécois. On retrouvera donc une presse verticale qui explore l'activité de la base au sommet dans un secteur coopératif donné, par exemple, le secteur agricole; et la presse horizontale qui doit couvrir tout le champ des activités des divers secteurs, jouant ainsi une fonction intersectorielle indispensable.

A l'intérieur du mouvement coopératif québécois, l'on rencontre tout un arc-en-ciel de publications qui vont du bulletin à la revue et au journal tabloïd. Toutes ces publications, à l'exception du journal Ensemble !, peuvent se classer dans la catégorie des organes de type vertical.

Le journal ENSEMBLE !

Au sommet de la pyramide des publications du monde de La coopération, il faut placer le journal Ensemble !, le seul qui soit véritablement du type de la presse horizontale que nous avons décrit ci-dessus. Ensemble ! est un lien intercoopératif qui contribue à maintenir l'unité dans la diversité des secteurs coopératifs; il est un point de rencontre qui prolonge l'action du Conseil de la Coopération du Québec dont il est l'organe officiel. Le journal existe depuis trente ans et des projets sont en cours en vue de lui donner un rayonnement plus considérable. On a donc la preuve que les institutions-membres du Conseil de la Coopération du Québec tiennent à ce lien intercoopératif, instrument de communication entre les divers secteurs du mouvement.

Le monde de la coopération possède une voix; il importe que cette voix soit le reflet de la puissance du mouvement lui-même, qu'elle atteigne les dirigeants, le personnel et les sociétaires. Il n'est pas interdit de penser que cette voix puisse se faire entendre par-delà le cercle coopératif.

Survol de la presse verticale

II ne serait pas opportun de faire ici une analyse fouillée des divers types de presse coopérative au Québec. Nous nous contenterons donc de ne considérer que certains des aspects de ces organes d'information des institutions coopératives.


Tableau des publications coopératives

Ensemble !,

Le Conseil de la Coopération du Québec

Ma caisse populaire,

La Fédération des Caisses populaires du Québec

La revue Desjardins,

La Fédération des Caisses populaires

Le journal COOP,

La Fédération des Magasins CO-OP

L'Artisan,

La Société des Artisans

Notre journal,

L'Assurance-Vie Desjardins

Présence,

La Sauvegarde

Agri-coop,

La Coopérative Fédérée de Québec

Journal Caisse,

La Fédération de Montréal des Caisses Desjardins

Caisse d'Économie,

Fédération des Caisses d'Économie du Québec

Cooprix et le Consommateur,

Fédération des Magasins CO-OP

L'ICD,

L'Institut Coopératif Desjardins

L'Abeille et l'Érable,

Les Producteurs de Sucre d'Érable et la Société coopérative des Apiculteurs

On pourrait aussi mentionner d'autres bulletins comme Le Journal Populaire, publié par la Banque Populaire, etc.

Destination

La majorité des publications s'adressent aux dirigeants des institutions coopératives; quelques-unes comme l'Artisan, Cooprix et Ma caisse populaire rejoignent les coopérateurs ou les sociétaires; enfin, deux publications surtout, Journal Coop et Ma caisse populaire s'adressent en partie au grand public.

Tirage

« Ma caisse populaire » est la publication qui vient en tête pour le tirage avec tout près d'un demi million de circulation; vient ensuite le Journal Coop avec un tirage de 125,000 exemplaires et l'Artisan avec une circulation de 90,000 exemplaires.

Nature de l'information

80% de l'information publiée dans les publications ci-dessus porte sur l'institution concernée. La matière qui couvre l'ensemble du mouvement coopératif occupe 15% de l'espace alors que l'information d'intérêt général n'occupe que 5% de l'espace.

Les catégories

La douzaine des publications coopératives se présente sous des formats variés; on retrouve six journaux tabloïd, six ou sept bulletins et quelques revues. Dans l'ensemble, cette presse est relativement modeste, il faut souligner toutefois que la Revue Desjardins est particulièrement soignée et se présente comme une revue de prestige.

On retrouve également une grande variété dans la fréquence de publication des divers média. Alors que le Journal Coop est hebdomadaire, Ensemble ! est publié bimensuellement et la plupart des autres publications sont trimestrielles.

La majorité des publications sont offertes gratuitement sauf Ensemble !, la Revue Desjardins et l'Abeille et l'Érable.

Trois publications se caractérisent par leur contenu. Ainsi, « Ma caisse populaire » est avant tout consacrée aux questions d'éducation et d'économie familiale; « Cooprix et le Consommateur » s'attarde aux questions du monde de la consommation; enfin, signalons que « l'Abeille et l'Érable » est une revue technique et de vulgarisation des questions qui préoccupent avant tout les sociétaires membres des coopératives de producteurs de sucre d'érable et de miel.

La revue « Pleines Voiles » destinée particulièrement aux pêcheurs-coopérateurs a été publiée durant 25 ans et, au cours des récentes années, par le Service des Pêches du Conseil de la Coopération du Québec. Cette revue a suspendu sa publication voilà quelques mois. L'information à l'intention des pêcheurscoopérateurs a alors été intégrée au journal Ensemble ! qui consacre une page de chacun de ses numéros à cette fin.

On nous permettra de signaler ici que la plupart des publications coopératives étant adressées gratuitement à leurs destinataires, la récente hausse des tarifs postaux leur a imposé des contraintes difficiles à surmonter. Dans quelques cas, on envisage même de suspendre la publication alors que, dans d'autres cas, la fréquence de publication a été réduite.

La presse externe

Pour traduire les réalités de la presse que nous avons appelée « coopérative » au Québec, nous avons dû nécessairement mettre l'accent sur les publications à caractère interne. En effet, la majorité de l'information coopérative au Québec répond à des nécessités internes et s'adresse aux populations « coopératives ».

Il n'existe pas à proprement parler, dans la province de Québec, de presse coopérative à caractère externe, c'est-à-dire qui répandrait des idées au-delà du cercle du monde coopératif. On doit alors se poser des questions. Que faire pour répandre l'information coopérative ? Que faire pour attirer de nouveaux coopérateurs ? Il s'agit là d'une responsabilité du mouvement coopératif; en effet, s'il ne fait pas cette information, on est en droit de se demander qui la fera.

Faudrait-il se tourner vers un journal populaire entièrement coopératif et à large diffusion ? Cette formule existe en d'autres pays; on retrouve en France, par exemple, le journal « Le Coopérateur de France » publié à tous les quinze jours à un million cinq cents mille exemplaires et destiné aux sociétaires des coopératives. Il s'agit là d'un journal à caractère surtout familial et culturel. Compte tenu des obligations financières qu'elle implique, nous doutons que cette formule soit actuellement applicable au Québec.

La solution la plus réaliste dans l'immédiat semble donc l'utilisation plus large des moyens de communication de masse qui existent actuellement. Les institutions coopératives auraient avantage à unir leurs forces pour repenser leur formule de diffusion de la doctrine coopérative et de l'actualité du monde coopératif québécois. Nous n'avons abordé dans le cadre de ce chapitre que la presse écrite. Dans la perspective d'une information de masse, toutefois, il est évident qu'il faudra se tourner davantage vers la presse électronique : radio et télévision.

Autres publications

Si la presse coopérative au Québec est modeste et de caractère interne, il faut constater que les autres types de publications ne pèchent pas par leur abondance. Tout au plus, peut-on signaler la publication des rapports annuels, de dépliants et de quelques livres spécialisés. Toutefois, quand on jette un regard sur les publications à caractère coopératif lancées au cours du dernier quart de siècle, on est frappé par l'abondance de la matière. Grâce à une subvention du Ministère des Institutions financières, compagnies et coopératives, le Conseil de la Coopération du Québec a affecté un expert chargé particulièrement de classifier la documentation coopérative.

Conclusion

Dans un monde aussi complexe que le nôtre, l'information joue un rôle vital. Une organisation qui négligerait l'information serait vite frappée d'asphyxie ou de sclérose. Nous n'aurons pas à revenir ici sur l'importance considérable des institutions coopératives dans la vie économique et sociale du Québec. On peut s'étonner, cependant, que de façon générale les réalisations coopératives ne reçoivent pas le traitement qu'elles méritent de la part des organes d'information. Dans le contexte québécois, les institutions coopératives occupent une place majeure, elles constituent une portion valable de la réalité québécoise. Il nous reste à espérer que des moyens soient mis en oeuvre pour rendre justice à cette réalité sur le plan de l'information.

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Sommaire (volumes) :

  1. Le citoyen face au pouvoir
  2. Qu'est-ce qui se passe en éducation
  3. Pour comprendre l'économique
  4. Vivre à deux
  5. Couture et habillement
  6. Alimentation
  7. Initiation aux arts plastiques.

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American Co-operation

Archives internationales de sociologie de la coopération

CUNA INTERNATIONAL, INC. Public Relations Department. Canadian Briefs

CAISSE CENTRALE DE CRÉDIT COOPÉRATIF. Notes documentaires

Canadian Co-operative Digest

CONSEIL INTERNATIONAL DE RECHERCHES EN DÉVELOPPEMENT COOPÉRATIF. Bulletin

Co-op Commentary Le Coopérateur suisse Coopération agricole Coopération; idées, faits, techniques The Cooperator

The Credit Union Magazine

The Credit Union Way

L'École coopérative

Économie coopérative

Ensemble!: organe officiel du C.C.Q.

Informations coopératives (BIT)

Informations coopératives (IEC)

inter-Co-op

International Cooperative Training Journal

International Review of Community Development

Ma caisse populaire

Revue de la coopération internationale

Revue des études coopératives

La Revue Desjardins

UNITED COOPERATIVES OF ONTARIO. News

La Voie coopérative

What's New in Co-op information

Institutions-membres du conseil de la coopération du Québec

LA COOPÉRATIVE FÉDÉRÉE DE QUÉBEC

Président : Roland Pigeon

Directeur général : Geo.-Étienne Turcotte

1055, rue du Marché Central, Montréal 355, P.Q.

Téléphone : (514) 384-6450 (Montréal).

LA FÉDÉRATION DES MAGASINS CO-OP

Président : J.-A. Dionne

Directeur général : Jacques Towner

1535 ouest, boulevard Hamel, Québec 8, P.Q.

Téléphone : (418) 681-0261 (Québec).

PÊCHEURS UNIS DU QUÉBEC

Président : Antonin Giasson

Directeur général : Guy Bernier

787, rue du Marché Central, Montréal 355, P.Q.

Téléphone : (514) 381-8511 (Montréal)

LA FÉDÉRATION CO-OP HABITAT DU QUÉBEC

Président : Marc-Adélard Tremblay

Directeur général : Claude Lafleur

2030, boulevard Père Lelièvre, Québec 8, P.Q.

Téléphone: (418) 681-6291 (Québec).

LA FÉDÉRATION DE QUÉBEC DES U.R. DES C.P.D.

Président : Emile Girardin

Directeur général : Paul-Émile Charron

Avenue des Commandeurs, Lévis, P.Q.

Téléphone : (418) 835-2661 (Québec).

LA FÉDÉRATION DES CIES D'ASS. MUT. CONTRE LE FEU

Président : J.-R. Paiement

Directeur général : Gilles Rocheleau

2030, boulevard Père Lelièvre, Québec 8, P.Q.

Téléphone : (418) 681-6381 (Québec).

LA FÉDÉRATION DE MONTRÉAL DES CAISSES DESJARDINS

Président : J.-R. Paiement

Directeur général : André Lamarche

1681, Parc Lafontaine, Montréal 177, P.Q.

Téléphone : (514) 526-0421 (Montréal).

LA FÉDÉRATION RÉGIONALE DES CH. COOP. DE L'OUEST QUÉBÉCOIS

Président : Odilon Boutin

Gérant : Camille Dion

Case postale 99, Taschereau, (Abitibi) P.Q.

Téléphone : (819) 796-2275 (Amos).

LA FÉDÉRATION DES CAISSES D'ÉCONOMIE DU QUÉBEC

Président : Avila Bourbonnais

Directeur général : Robert Soupras

5705 est, rue Sherbrooke, Montréal 426, P.Q.

Téléphone: (514) 259-2567 (Montréal).

LA FÉDÉRATION DES COOPÉRATIVES ÉTUDIANTES DU QUÉBEC

Président : J.-Pierre Guérin

Directeur général :

5215, rue Berri, Montréal 176, P.Q.

Téléphone : (514) 270-2111 (Montréal).

LA SOCIÉTÉ DES ARTISANS

Président : Me René Paré

Directeur général : Louis-Philippe Savard

333 est, rue Craig, Montréal 129, P.Q.

Téléphone : (514) 861-5781 (Montréal).

L'ASSURANCE-VIE DESJARDINS

Président : Alfred Rouleau

Directeur général : Oscar Mercure, c.a.,

Avenue des Commandeur, Lévis, P.Q.

Téléphone : (418) 835-2407 (Québec).

LA MUTUELLE SSQ

Président : Paul-Émile Charron

Directeur général : Jacques de la Chevrotière

2525, boulevard Laurier, Québec 10, P.Q.

Téléphone : (418) 651-7000 (Québec).

ASSURANCES U.C.C., COMPAGNIE MUTUELLE

Président : Lionel Sorel

Directeur général : Carmin Graveline, F.S.A.,

1259, rue Berri, Édifice Girardin, Montréal 132, P.Q.

Téléphone : (514) 849-2104 (Montréal).

LA SAUVEGARDE, COMPAGNIE D'ASSURANCE SUR LA VIE

Président : Alfred Rouleau

Directeur général : Clément Gauthier

152 est, rue Notre-Dame, Montréal 127, P.Q.

Téléphone : (514) 861-2651 (Montréal).

LA SOCIÉTÉ D'ASSURANCE DES CAISSES POPULAIRES

Président : Adrien Bernard

Directeur général : François Adam

100 est, route Trans-Canada, Lévis, P.Q.

Téléphone : (418) 835-2212 (Québec).

LES PRODUCTEURS DE SUCRE D'ÉRABLE DU QUÉBEC

Président : Jean-Marie Fortier

Directeur général :

59, avenue Bégin, Lévis, P.Q.

Téléphone : (418) 835-2204 (Québec).

L'INSTITUT COOPÉRATIF DESJARDINS

Président : Gérard Rivard

Directeur général : Gérard Barbin

Avenue des Commandeurs, Lévis, P.Q.

Téléphone : (418) 835-2345 (Québec).

SOCIÉTÉ DE FIDUCIE DU QUÉBEC

Président : Me L. Edouard Morier

Directeur général : Jean-Marie Couture

152 est, rue Notre-Dame, Montréal 127, P.Q.

Téléphone : (514) 875-2063 (Montréal).

LA SÉCURITÉ, COMPAGNIE D'ASS. GÉN. DU CANADA

Président : François Adam

Directeur général : François Adam

1259, rue Berri, 10e étage, Montréal 132, P.Q.

Téléphone : (514) 849-3261 (Montréal).

L'ASSOCIATION COOPÉRATIVE FÉMININE DU QUÉBEC

Présidente : Mme Rosé Bérubé

Directrice générale : Mlle Cécile Hamel

1535 ouest, boulevard Hamel, Québec 8, P.Q.

Téléphone : (418) 681-0261 (Québec).

CONSEIL DE LA COOPÉRATION DU QUÉBEC

Président : M. Alfred Rouleau

Directeur général : M. Yvon Daneau.

2030, boulevard Père-Lelièvre, Québec 8, P.Q.

Téléphone : (418) 527-3467

Notes

* Le Conseil d'Administration est composé, selon la loi, de 15 cultivateurs sociétaires. Ces derniers sont élus démocratiquement par les délégués des six régions, réunis en assemblée générale, et ce, proportionnellement au nombre de membres résidant dans chacune des régions. Ils sont responsables de l'administration de la Coopérative entre les assemblées générales.
** Dans cet article, le terme éducation recouvre les sens qu'au Québec on lui donne souvent de façon officielle quoique impropre : formation, perfectionnement, enseignement, éducation proprement dite.
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