Mémoire de la F.C.F.A du Canada : citoyenneté canadienne Comité des Affaires sociales, des Sciences et de la Technologie - Sénat du Canada

16 février 1993

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Notes pour une présentation de la FÉDÉRATION DES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES ET ACADIENNE DU Canada devant le Comité permanent des Affaires sociales, des Sciences et de la Technologie (Sénat du Canada) dans le cadre de son Étude sur la notion, le développement et la promotion de la citoyenneté canadienne

Marc Godbout, Directeur général

Mireille Duguay, Directrice de la recherche

Sylvio Morin, Directeur des communications

Ottawa Le 16 février 1993

INTRODUCTION

La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA. du Canada) est heureuse de comparaître devant votre comité afin de faire part de ses réflexions dans le cadre de votre étude sur la notion, le développement et la promotion de la citoyenneté canadienne.

Fondée en 1975, notre Fédération représente le million de francophones du Canada qui vivent à l'extérieur du Québec.

Son mandat est de défendre et de promouvoir les droits et les intérêts des communautés francophones et acadiennes qu'elle représente et de véhiculer auprès des autorités politiques les revendications de ces groupes. Donc, ses interventions sont avant tout de nature politique.

Nous oeuvrons dans tous les secteurs, dont les principaux sont la Constitution, la Loi sur les langues officielles, l'éducation, la culture et les communications, l'alphabétisation, le pluralisme, le développement institutionnel, la francophonie internationale et le secteur du Troisième Âge.

Aujourd'hui, nous voulons déposer auprès de votre comité deux documents que nous croyons reliés directement au sujet de votre étude: Dessein 2000 : Pour un espace francophone ainsi que Les communautés francophones et acadiennes face au pluralisme.

Le premier document définit comment les communautés francophones et acadiennes veulent relancer leur participation à la société canadienne et à véritablement donner tout son sens à la notion de dualité linguistique; l'autre consacre plutôt notre vision face au pluralisme et comment nous voulons concilier cette réalité canadienne avec notre propre développement.

Permettez-nous maintenant de vous décrire chacun des documents

DESSEIN 2000

En juin 1989, les membres de la F.C.F.A. du Canada (appelée alors Fédération des francophones hors Québec), réunis en Assemblée générale annuelle, demandaient à la Fédération de mettre sur pied un comité qui aurait pour mandat de proposer à la francophonie canadienne des orientations en vue d'un projet de société pour les dix prochaines années.

Le comité national mis sur pied afin de mener à bon port ce mandat a produit le rapport Dessein 2000: Pour un espace francophone qui est le fruit de deux années de consultations, réflexion et de recherches. Le rapport a été rendu public en janvier 1992.

Dans un premier temps, Dessein 2000 examine le contexte dans lequel le développement des communautés francophones et acadiennes devra se faire. H identifie ainsi certains des défis que nous devons relever.

Dessein 2000 propose trois principes de développement des communautés francophones et acadiennes du Canada :

  • la prise en charge de leur développement;
  • des partenariats qui appuient cette prise en charge; et
  • la pleine participation des francophones à la société canadienne.

Ces principes s'articulent dans des espaces dans tous les domaines qui touchent les francophones. Dessein 2000 en identifie cinq : politique, économique, institutionnel, culturel et électronique. Par ailleurs, on reconnaît qu'il en existe d'autres.

1. Quelques définitions

Un espace francophone est essentiellement un domaine où les francophones sont maîtres. C'est la place des francophones, place qu'ils contrôlent eux-mêmes, en fonction de leur besoin.

La prise en charge veut dire des lieux de pouvoir pour les francophones. En d'autres mots, c'est en exerçant leur contrôle que les francophones se prennent en charge. La prise en charge de son développement se traduit en mettant sur pied ses propres institutions et en les gérant; en trouvant en soi-même les solutions à ses problèmes, les façons de répondre à ses besoins. La prise en charge est ce qui fait que des espaces francophones prennent forme.

Les partenariats peuvent être définis comme des mécanismes de coopération qui unissent différentes organisations, institutions ou communautés qui partagent des intérêts ou des points communs.

Ces partenariats peuvent être institutionnalisés ou non. Si l'on parle de partenariats institutionnalisés, on peut penser à des stratégies communes d'action et d'intervention ou encore à des organismes responsables d'administrer les différents projets (la Fédération canadienne pour l'alphabétisation en français par exemple). Des concertations sur certains enjeux, des échanges d'information et de ressources sont des exemples de partenariats qui ne doivent pas être institutionnalisés. On peut parler de partenariat entre communautés d'une province ou d'une province à l'autre, entre organismes communautaires, entre entreprises, entre institutions, entre individus (par exemple des gens d'affaires ou du personnel enseignant). On doit aussi parler de partenariat avec certains éléments de la société québécoise comme le mouvement coopératif, les gens d'affaires, les médias, le secteur culturel, etc.

La pleine participation à la société canadienne se fait à différents niveaux - local, régional, provincial, interprovincial, fédéral et dans différents domaines (culture, économie, éducation, etc.). Elle est autant le fait des individus que des institutions francophones.

La participation politique est probablement la plus importante parce que c'est l'arène où les décisions importantes sont prises. Par conséquent, il est nécessaire d'entretenir et de développer notre leadership, particulièrement celui des jeunes et celui des femmes.

C'est donc par ces trois principes, ou moyens, que l'on développe des espaces qui nous appartiennent. Mais en plus, les espaces francophones reposent sur deux processus, pas nécessairement nouveaux mais combien importants, à savoir le développement communautaire et notre intégration, ou notre participation active, au système politique canadien. C'est tout cela qui donne lieu aux espaces francophones.

2. Les espaces

L'espace politique des francophones se joue à trois niveaux : municipal, provincial et fédéral. Les francophones doivent participer à ces trois niveaux. Il comprend évidemment toutes les questions constitutionnelles et juridiques, ce qui signifie un ensemble de garanties, de protections, de reconnaissances, etc.

L'espace économique est aussi central que l'espace politique, mais pour d'autres raisons. L'espace économique francophone est celui qui va nous permettre de créer des lieux de pouvoir économique, évidemment, mais aussi dans d'autres domaines. En termes clairs, l'argent et son contrôle sont un moyen de développer d'autres espaces francophones, par exemple dans les domaines institutionnel et culturel.

Dessein 2000 considère d'ailleurs que les gouvernements doivent absolument devenir partenaires des communautés francophones et acadiennes dans la prise en charge de leur espace économique.

L'espace culturel vise d'abord à faciliter la création francophone en créant des possibilités de développement professionnel pour les artistes francophones tout en faisant leur promotion. L'espace culturel vise aussi à faciliter et accroître la diffusion des produits culturels francophones en développant et en consolidant les infrastructures qui en sont responsables. Par ailleurs, l'espace culturel francophone a absolument besoin de la participation gouvernementale pour se développer. Et, à ce chapitre, les grandes institutions culturelles doivent absolument mieux desservir les francophones partout au Canada. Enfin, l'espace culturel sera renforcé par la participation active des institutions francophones, notamment les écoles, dans la valorisation de l'histoire des communautés francophones et acadiennes.

L'espace institutionnel est fondé sur un principe que les francophones connaissent depuis longtemps : des institutions entièrement francophones et ce, dans tous les domaines : l'éducation, les services sociaux et de santé, la culture, etc. Les partenariats et la mise en commun des ressources sont de bons moyens de concrétiser l'espace institutionnel.

L'espace électronique est en fait un espace de communications. Cet espace vise d'abord à ce que les institutions et associations francophones utilisent toutes les ressources que proposent les nouvelles technologies, la télématique par exemple, afin de maximiser leurs propres ressources.

On propose également d'élargir l'infrastructure responsable de l'éducation à distance à l'ensemble des communautés francophones et acadiennes. De plus, étant donné le caractère essentiel de la radio et de la télévision pour nos communautés, Dessein 2000 recommande que l'ensemble des médias, tel que la Société Radio-Canada, fasse la promotion des communautés francophones et acadiennes et que l'on mette sur pied une chaîne d'information continue en français.

3. Conclusion

Dessein 2000 vise autant à assurer le développement des communautés qu'à véhiculer un état d'esprit. En effet, à la base de tout développement d'espaces francophones, on remarque la nécessité d'un changement d'attitude. Il s'agit d'une attitude plus audacieuse, plus positive et peut-être plus dynamique aussi. C'est avec cette attitude que l'on créera des espaces francophones, ces espaces qui sont en fait la place des francophones, celle qui leur revient d'occuper. Mais nous croyons que les communautés francophones et acadiennes du Canada ont encore besoin de l'appui du gouvernement pour assurer leur développement. Le gouvernement est un partenaire essentiel dans la création d'espaces francophones.

LES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES ET ACADIENNE FACE AU PLURALISME

Publié en décembre 1991, ce document origine de la 13e Assemblée générale annuelle de la Fédération de 1988 dont le thème était «Francophonie-Multicultiralisme-Francophilie». Alors même que le gouvernement fédéral venait d'adopter l'une après l'autre deux nouvelles lois fondamentales quant à la définition du Canada, celle des Langues Officielles et l'autre sur le Multiculturalisme, les communautés francophones et acadiennes ont senti le besoin une réflexion plus approfondie sur le sujet de la deuxième. C'est ainsi qu'une recherche a été mise sur pied afin de:

  • examiner le regard que posent aujourd'hui les groupes ethno-culturels sur la question des langues officielles au Canada, près de vingt après la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme;
  • clarifier les liens qui existent ou qui pourraient exister entre ces groupes et les francophones vivant à l'extérieur du Québec;
  • explorer la question de l'accueil des nouveaux arrivants par les communautés et les institutions des communautés francophones et acadiennes;
  • considérer des stratégies nationales et provinciales qui pourraient être élaborées par les associations des communautés francophones et acadiennes.

Le rapport de la recherche était déposé en juin 1990 et en novembre de la même année, la Fédération adoptait une déclaration de principes pour une politique face au pluralisme que nous reproduisons ici:

DÉCLARATION DE PRINCIPE POUR UNE POLITIQUE FACE AU PLURALISME

ÉTANT DONNÉ

que le Canada est à l'aube de transformations démographiques irréversibles et que dans quelques années, la population dite «multiculturelle» sera plus nombreuse que les communautés francophone et anglophone dite «de souche»;

que les Canadiennes et Canadiens sont généralement peu ou mal informés sur les questions relatives à l'immigration et ses bénéfices socio-économiques et que, par ce fait même, il subsiste beaucoup de mythes et de stéréotypes pouvant mener à l'intolérance et au racisme;

qu'il est important pour les communautés francophones et acadiennes que :

  • les immigrantes et immigrants, anciens et nouveaux, adhèrent de leur plein gré et sans aliénation à l'idéologie nationale de la dualité linguistique, indépendamment de la communauté linguistique à laquelle ils s'intègrent;
  • les néo-francophones de même que les immigrantes et immigrants qui optent pour apprendre le français aient tous l'opportunité et les moyens de s'intégrer aux communautés francophones et acadiennes;

que la francophonie canadienne peut et devra s'adapter aux transformations à venir afin de renflouer le nombre de Canadiennes et Canadiens d'expression française désireux de participer pleinement au développement des communautés francophones et acadiennes.

LA FCFA DU CANADA ADOPTE UNE POLITIQUE FACE AU PLURALISME SUR LA BASE DES PRINCIPES SUIVANTS :

  • La F.C.F.A. du Canada reconnaît l'existence de trois communautés nationales : les autochtones, les francophones et les anglophones. Chacune de ces communautés est de nature pluraliste et est composée de Canadiennes et Canadiens de race et d'origine ethnique différentes. Ces trois grandes communautés sont responsables du bien-être de l'une et l'autre et doivent composer ensemble dans les transformations sociales à venir.
  • Indépendamment de sa race ou de son origine ethnique, une personne a le droit de s'intégrer aux communautés nationales et participer à leur épanouissement, tout en préservant son héritage patrimonial. La F.C.F.A. du Canada considère qu'aucune ethnie ne devrait avoir prédominance sur une autre, à l'intérieur d'une communauté nationale et linguistique.
  • La F.C.F.A. du Canada reconnaît l'égalité des Canadiennes et Canadiens indépendamment de leur sexe, race ou origine ethnique et s'engage à promouvoir le caractère pluraliste du Canada et de sa communauté à travers son discours, ses actions et sa politique de tolérance et de non-racisme.
  • Le gouvernement canadien et les gouvernements provinciaux doivent faire le nécessaire pour informer les Néo-Canadiennes et Néo-Canadiens de l'existence de la communauté autochtone, la communauté francophone et la communauté anglophone. Les gouvernements doivent également renforcer la visibilité des langues officielles à partir du moment du premier contact avec les immigrantes et immigrants et les informer de l'existence de communautés francophones et acadiennes.
  • Les communautés francophones et acadiennes doivent s'engager sans plus tarder dans un processus d'ouverture face au pluralisme et, plus particulièrement, face aux immigrantes et immigrants désireux de s'intégrer aux communautés francophones et acadiennes.
  • Ces principes constituent la position officielle de la F.C.F.A. du Canada. Celle-ci s'engage à ce que l'ensemble des ses démarches respectent l'essence des principes énoncés dans sa politique.

Depuis la publication du rapport, la Fédération a entrepris de mettre sur pied:

  • une recherche-action qui vise l'intégration des immigrantes et immigrants d'expression française au sein des communautés francophones et acadiennes;
  • la production d'un vidéo mettant en relief la réalité multiculturelle au sein des communautés francophones et acadiennes;

Ces deux projets attendent toujours un financement approprié de la part du gouvernement fédéral.

De plus, la Fédération siège maintenant au Comité national de la campagne anti-racisme que pilote le ministère de la Citoyenneté et du Multiculturalisme tout comme elle a entrepris de développer des stratégies de rapprochement avec les organismes représentant les groupes ethno- culturels.

CONCLUSION

En conclusion, il apparaît très important de souligner aux membres de votre comité qu'aucune définition de la citoyenneté canadienne ne peut escamoter la dimension de dualité linguistique, Il s'agit d'une caractéristique fondamentale du Canada qui a été présente tout au long de son existence et qui continue de l'animer. En faire fi accentuerait davantage la perception que notre pays se polarise en un Canada anglais et un Québec français. Or, notre appartenance ne situe ni dans l'un, ni dans l'autre mais bien à la croisée de ces deux notions. Nos communautés peuvent justement contribuer à rétablir l'équilibre d'appartenance au pays.

Pour ce qui est du pluralisme, nous croyons possible d'établir des échanges productifs qui accentueront davantage notre appartenance collective à la citoyenneté canadienne dans le respect mutuel de nos différences.

Voilà essentiellement les éléments que nous voulions faire valoir auprès de votre comité. Nous espérons que ces documents pourront contribuer à enrichir votre étude. Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.

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