NOTES

 

PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC SUR LA QUESTION DE LA REFORME CONSTITUTIONNELLE (ÉBAUCHE)

Accepté par le Bureau de direction le 12 octobre 1979, sous réserve des commentaires et précisions des membres.

Préambule

Le 3 juin 1979, la Fédération des francophones hors Québec adoptait des principes fondamentaux formant une position constitutionnelle définitive basée sur le rapport de son Comité politique: "Pour ne plus être... sans pays".

Etant donné l'importance vitale du débat constitutionnel et par souci d'alimenter l'intérêt de tous ceux qui sont intervenus dans le débat, la Fédération des francophones hors Québec a tenu à préciser sa position et à la faire connaître à la grandeur du pays.

Historique

Le 26 février 1979, le Comité politique de la Fédération des francophones hors Québec publiait son rapport sous forme de projet de réforme constitutionnelle: "Pour ne plus être... sans pays". Suite à cette publication, une période de consultation nationale débutait pour aboutir le 21 avril 1979 à une Rencontre nationale au cours de laquelle furent présentées les positions des neuf provinces.

C'est ainsi que le 3 juin 1979 les membres de la F.F.H.Q. décidaient d'accepter les principes fondamentaux du rapport "Pour ne plus être... sans pays" ainsi que les additions apportées par la consultation démocratique et de les incorporer en un document formant la position officielle de la F.F.H.Q. sur la question de la réforme constitutionnelle.

Ainsi, ayant d'abord établi les faits en ce qui a trait à la problématique des francophones hors Québec par la publication de "Les Héritiers de Lord Durham", volume I (avril 1977); les "Héritiers de Lord Durham", volume II (mai 1977); "Deux poids, deux mesures" (avril 1978), ayant aussi négocié, parfois en vain, des ententes administratives avec le Gouvernement central, la F.F.H.Q. a procédé à l'élaboration du cadre politique dans lequel devra s'inscrire l'avenir des francophones hors Québec.

Pourquoi une position constitutionnelle pour la F.F.H.Q.

Dans le contexte du débat actuel sur la réforme de la Constitution canadienne (l'Acte de l'Amérique du nord britannique) il est important que la F.F.H.Q., porte-parole dans le domaine politique des francophones hors Québec, puisse participer au débat à partir d'une position globale, claire et précise.

Avec ce document, la F.F.H.Q. met à la disposition des francophones hors Québec, des principes fondamentaux indispensables, dans toute nouvelle constitution canadienne, au bien-être de nos communautés. Également avec le rapport du Comité politique: "Pour ne plus être... sans pays", les francophones hors Québec ont à leur disposition un instrument d'information, de discussion et de négociation visant d'une part la reconnaissance officielle, dans les textes constitutionnels, des droits des francophones hors Québec et d'autre part, l'élaboration dans nos communautés, d'une idéologie politique axée sur des projets concrets.

LES GRANDS PRINCIPES FONDAMENTAUX ET LES INSTITUTIONS ESSENTIELLES

1- Deux peuples fondateurs

Dans une nouvelle constitution le principe des deux peuples fondateurs, français et anglais, devra être reconnu comme étant la base même de la fondation de la Confédération canadienne.

2- Charte des droits fondamentaux

Les droits fondamentaux sont à la base même de notre société libre et démocratique. Il ne faut pas, toutefois, que la défense de ces droits fondamentaux, souvent très généraux, masque l'oppression discrète de collectivités défavorisées. Il faut donc, dans une nouvelle Constitution, une Charte des droits fondamentaux assez précise pour garantir la liberté individuelle de tous les citoyens, ainsi que leur droit collectif de réclamer le transfert de services au plan local ou la mise en place de structures administratives respectant le caractère propre de leur communauté.

De plus, la Charte des droits fondamentaux doit reconnaître, de façon absolument claire et dans des dispositions très complètes, les droits particuliers des autochtones, ce qui résultera à une structure institutionnelle reflétant leur droit inaliénable d'exercer un contrôle sur les pouvoirs essentiels au développement de leurs communautés sur les plans social, économique et culturel.

3- Charte des droits linguistiques

Il est proposé la reconnaissance officielle de la dualité canadienne par l'insertion, dans la Constitution, d'une Charte de droits linguistiques individuels et collectifs prenant tantôt le caractère d'instruments d'égalité et de promotion de l'individu souvent isolé et sans pouvoir politique, et tantôt le caractère d'instruments de promotion sociale pour les collectivités minoritaires de langue officielle.

4- Tribunal administratif

Afin d'éviter des crises politiques et d'apporter un élément de sécurité indispensable aux communautés minoritaires, souvent sans ressources importantes, il est proposé d'instituer un système de tribunal administratif. Le mandat de ce tribunal pourrait être: déterminer les litiges relatifs à la Charte des droits linguistiques et à la Charte des droits fondamentaux; tenir des enquêtes sur toute question linguistique; exercer l'ensemble des pouvoirs aujourd'hui dévolus au Commissaire aux langues officielles et examiner des mesures spéciales prévues au chapitre des droits collectifs et réclamées par les citoyens dans l'exercice de leur pouvoir d'initiative.

6- Une Chambre haute

Pour refléter concrètement la réalité canadienne à tous les niveaux décisionnels, il est proposé la transformation du Sénat en une Chambre haute représentative des dix provinces et sur une base paritaire des deux peuples fondateurs. Elus, les membres de cette Chambre haute jouiraient de vastes pouvoirs y compris un droit de veto suspensif sur tout projet de loi de la Chambre des Communes et la nomination des juges de la Cour Suprême du Canada et du tribunal administratif proposé plus haut; la Chambre haute devra ratifier la nomination des hautsfonctionnaires (sous-ministres, sous-ministres adjoints), des chefs et directeurs des agences gouvernementales et sociétés d'État, des ambassadeurs du Canada à l'étranger et de tous les juges nommés.

7- Constitutions provinciales

Les membres de la F.F.H.Q. affirment que les Constitutions provinciales devront aussi offrir des garanties linguistiques et autres, reflétant la dualité culturelle du pays. Ces garanties devront trouver place à côté de dispositions relatives aux institutions politiques et aux principes fondamentaux devant être reconnus officiellement.

Les provinces devront aussi s'entendre sur le partage des pouvoirs avec le gouvernement fédéral afin d'éviter le dédoublement des pouvoirs.

Certaines communautés francophones hors Québec se proposent également d'ajouter à la Constitution Canadienne et à leur constitution provinciale des particularités touchant des droits déjà acquis à ces communautés.

8- Modification à la Constitution

Pour tout amendement à la Constitution, il est proposé qu'une formule soit trouvée tenant compte de la dualité linguistique canadienne selon un contexte fédéral. C'est en respectant ce principe qu'une solution devra être formulée afin d'éviter qu'une modification de la Constitution canadienne ne soit que du ressort du Parlement fédéral.

Conclusion

Sans l'implantation de ces principes fondamentaux dans une Constitution Canadienne, les francophones continueront d'être trahis et bafoués par des injustices de la part d'un partenaire devenu majoritaire et, avec qui, il avait signé un acte Confédératif devant leur donner un pays commun.

C'est pour cela que la F.F.H.Q., a voulu dans ce document, faire ressortir les principes fondamentaux indispensables et minimum devant être inscrits dans la Constitution Canadienne. Sans cela les Francophones hors Québec seront encore une fois à la recherche...d'un pays.

Pour de plus amples renseignements, adressez-vous à:

La Fédération des Francophones hors Québec # 1404 1 rue Nicholas OTTAWA, Ontario K1N 7B6

Tél.: (613) 563-0311

ou à l'une de ses associations-membres ou l'un de ses membres associés dont la liste est jointe.

COMMUNIQUE DE PRESSE : LA F.F.H.Q. EXIGE DES AMENDEMENTS MAJEURS A LA LOI CONSTITUTIONNELLE

EMBARGO: 16:30 HEURES, LE MERCREDI 26 NOVEMBRE 1980

OTTAWA La Fédération des francophones hors Québec a exigé aujourd'hui des amendements majeurs à la Loi constitutionnelle de 1980 afin qu'elle devienne véritablement un outil de développement des communautés francophones hors Québec.

Comparaissant devant le Comité mixte spécial sur la Constitution du Canada, la présidente de la F.F.H.Q., Mlle Jeannine Séguin, a déclaré

"que les francophones hors Québec voulaient une charte des droits linguistiques qui leur garantisse un minimum vital pour leur développement et qui ne soit pas seulement une illusion sans lendemain".

"Nous reconnaissons l'importance d'enchâsser des droits individuels et collectifs dans la constitution canadienne, mais nous reconnaissons également que la résolution présentement à l'étude doit être grandement amélioré si nous voulons vraiment assurer une véritable égalité linguistique entre francophones et anglophones du Canada", a précisé Mlle Séguin.

"Après 113 ans de luttes avec les autorités provinciales pour la reconnaissance de leurs droits linguistiques, les francophones hors Québec estiment qu'il est temps que le gouvernement fédéral assume ses responsabilités envers la protection et la promotion de la langue et de la culture françaises partout au pays. Ce faisant, il ne doit pas cependant porter atteinte au dynamisme et aux pouvoirs dont dispose déjà le Québec pour assurer son développement en tant que principal foyer de la francophonie nord-américaine", a déclaré la présidente.

Les francophones hors Québec déplorent notamment le fait que la loi constitutionnelle de 1980 ne reconnaisse pas le principe des deux peuples fondateurs, anglais et français, et l'odieux tripotage qu'ont subi les propositions fédérales en matière de droits linguistiques depuis la conférence constitutionnelle de septembre dernier.

"Comment affirmer qu'on protège les droits des communautés francophones hors Québec quand on évite de soumettre l'Ontario et le Nouveau-Brunswick aux dispositions de l'article 133 de l'A.A.N.B. Surtout que 80% des francophones hors Québec résident dans ces provinces. Les considérations politiques semblent primer sur la plus élémentaire logique et la plus élémentaire justice dans ce pays", a affirmé Mlle Séguin.

La F.F.H.Q. recommande que le principe de l'égalité des langues française et anglaise tel qu'exprimé dans l'article 133 de l'A.A.N.B. s'applique à toutes les provinces, avec application immédiate pour l'Ontario et le Nouveau-Brunswick.

Au chapitre des droits à l'enseignement, la F.F.H.Q. condamne la formulation actuelle de l'article 23 du projet fédéral car il risque d'enchâsser le statu quo et le droit de revendiquer des francophones hors Québec au lieu de leur donner des droits réels comparables à ceux dont jouit déjà la minorité anglophone du Québec.

La F.F.H.Q. a donc recommandé que l'article 2 3 soit reformulé de façon à assurer la reconnaissance pour les francophones hors Québec du droit à l'éducation dans leur langue du pré-scolaire au post-secondaire inclusivement et du droit à des écoles et des conseils scolaires homogènes de même qu'à la gestion de leurs institutions d'enseignement.

Parmi les autres recommandations présentées par la F.F.H.Q., mentionnons l'établissement d'un mécanisme chargé de l'application de la Charte des droits linguistiques, la suppression ou la reformulation de l'article 1 de façon à ce qu'il ne puisse pas diminuer la portée des droits linguistiques; des modifications aux articles 34 et 43; et l'inclusion de la loi des Territoires du Nord-Ouest de 1877 à l'annexe 1 de la nouvelle Constitution.

La présidente de la F.F.H.Q. a conclu ses remarques en souhaitant que les propos de M. Jean Chrétien à l'effet que "les minorités francophones doivent, en premier lieu, profiter de la révision constitutionnelle" se concrétisent dans la réalité. "Nous invitons les membres du comité à tenir compte de nos neuf recommandations et à adopter une vision du Canada qui s'enracine dans son histoire et qui prépare un avenir pour le Canada où nous aurons notre juste place", a déclaré Mlle Séguin.

MÉMOIRE DE LA FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC PRÉSENTÉ AU COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA CONSTITUTION DU CANADA OTTAWA, LE 26 NOVEMBRE 1980

INTRODUCTION

La Fédération des francophones hors Québec regroupe, depuis 1976, les neuf associations provinciales qui se consacrent depuis longtemps à la défense des droits des francophones qui vivent dans les neuf provinces canadiennes à majorité anglophone. Nous sommes donc directement concernés par la Loi constitutionnelle de 19 80 et nous remercions les membres du Comité mixte d'avoir reconnu cet état de chose en nous invitant à témoigner aujourd'hui.

Le débat amorcé depuis le dépôt de ce projet de résolution ne manque pas de soulever bien des oppositions. On souligne que le projet de rapatriement unilatéral de la Constitution transforme l'équilibre des pouvoirs entre le fédéral et les provinces, qu'il est illégal et qu'il s'attaque aux prérogatives exclusives des provinces en matière d'éducation.

Nous n'avons pas l'intention d'élucider ces questions. En tant que porte-parole de centaines de milliers de francophones hors Québec, nous voulons défendre nos droits légitimes en tant que partie intégrale des deux peuples fondateurs de ce pays, sans préjudice aux droits des autochtones. Notre participation au débat actuel doit se faire sur la qualité et l'étendue des droits linguistiques qui nous seraient accordés dans la Loi constitutionnelle de 1980.

Les francophones hors Québec reconnaissent depuis longtemps l'importance et la nécessité d'enchâsser des droits individuels et collectifs dans la Constitution canadienne. Nous reconnaissons également que la résolution présentement à l'étude n'est pas complète et qu'elle doit être grandement améliorée si nous voulons vraiment assurer une véritable égalité linguistique entre francophones et anglophones du Canada.

Après 113 ans de luttes avec les autorités provinciales pour la reconnaissance de leurs droits linguistiques, les francophones hors Québec doivent se rendre à l'évidence qu'il est temps que le gouvernement fédéral assume ses responsabilités envers la protection et la promotion de la langue et de la culture française, partout au pays, tout en ne portant pas atteinte au dynamisme et aux pouvoirs dont dispose déjà le Québec pour assurer son développement en tant que principal foyer de la francophonie nord-américaine.

Alors que l'assimilation galopante continue à effriter nos rangs, les francophones hors Québec n'ont plus le temps d'attendre que tous les niveaux de gouvernement se mettent d'accord sur l'ensemble des points en litige dans le dossier constitutionnel.

Nous voulons une charte des droits linguistiques qui nous garantisse un minimum vital pour notre épanouissement et qui ne soit pas seulement une illusion sans lendemain.

Nous ne pourrons pas cautionner une Charte des droits linguistiques qui perpétuerait le statu quo ou le deux poids, deux mesures entre les francophones du Canada et les anglophones du Québec. Nous voulons donc que les membres du comité apportent des amendements majeurs à la résolution avant de faire rapport à la Chambre des communes. Les recommandations que nous formulerons constituent un strict minimum vital pour que la Loi constitutionnelle de 1980 puisse devenir un premier jalon de développement des communautés francophones hors Québec.

LE BILINGUISME INSTITUTIONNEL LES ARTICLES 16 A 22

Les francophones hors Québec déplorent le fait que la Loi constitutionnelle de 1980 ne reconnaisse pas explicitement le principe des deux peuples fondateurs de ce pays. Les peuples francophone et anglophone sont à l'origine du pacte fédératif de 1867. De ce fait, toute tentative de changement constitutionnel doit éviter de perpétuer les injustices qu'ont subies les francophones hors Québec depuis 113 ans et doit reconnaître l'égalité fondamentale des peuples de langue et de culture française et anglaise.

En ce qui touche le bilinguisme officiel, une première lecture des articles 16 à 22 semble permettre aux francophones hors Québec d'entretenir certains espoirs pour l'avenir. En effet, l'article 16 établit dans la Constitution canadienne le statut et des droits et privilèges égaux quant à l'usage du français et de l'anglais dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada.

La Charte des droits linguistiques dans la Loi constitutionnelle a priorité sur toutes les autres lois. L'article 25 rend inopérantes les dispositions de toute autre règle de droit qui serait incompatible avec les dispositions de la Loi constitutionnelle. Il semble s'agir là d'un acquis important compte tenu du fait que tel n'est pas le cas avec l'actuelle Loi fédérale sur les langues officielles.

D'autre part, selon l'article 21, toutes les protections existantes au moment de l'entrée en vigueur de la loi ne pourraient être abolies ou diminuées. Par exemple, les droits et privilèges de l'article 133 sont maintenus pour le Québec, de même que ceux de l'article 23 de l'Acte du Manitoba. Mais, quelle protection

auront les francophones hors Québec dans les huit autres provinces? Quelles sont les minorités qui seront protégées par la Loi constitutionnelle de 1980? L'ensemble des anglophones du Québec et 6% des francophones hors Québec?

Entre le projet soumis par le gouvernement fédéral à la conférence constitutionnelle de septembre dernier et le projet de Loi constitutionnelle de 198 0 nous constatons que le contenu visant la protection des droits des minorités francophones hors Québec a été considérablement dilué. L'article 133 de l'A.A.N.B. ne s'applique plus à l'Ontario ni au Nouveau-Brunswick.

Le Premier ministre Trudeau a déjà déclaré sans équivoque que la Charte des droits, dont les droits linguistiques, n'était pas négociable. Nous devons constater que ces changements sont, malgré tout, l'effet de négociations, en particulier avec le Premier ministre Davis dont le refus, au cours de la rencontre de septembre, de l'application de l'article 133 à l'Ontario, a été catégorique. L'Ontario, pourtant, comprend plus de 50% des francophones hors Québec, Et pourquoi ne pas inclure le NouveauBrunswick alors que cette province est sur le point de reconnaître l'égalité de ses deux communautés linguistiques et que son Premier ministre s'est dit prêt à accepter l'extension des dispositions de l'article 133 à sa province?

La Loi constitutionnelle, telle qu'elle est présentée, accordet-elle aux minorités francophones hors Québec ces pouvoirs et ces droits qui garantiraient réellement l'utilisation du français dans toutes les institutions fédérales comme l'énonce l'article 16? Comme le disait M. Jean-Robert Gauthier dans son discours du 23 octobre 1980, à la Chambre des communes en parlant des francophones hors Québec: "... que les minorités ont besoin de plus de pouvoirs et de droits que les majorités".

Les limites

Une lecture plus attentive des articles 16 à 22 du projet de loi nous fait découvrir plusieurs limites au principe énoncé.

Il convient de relever l'ambiguïté de l'article 16 luimême. Il reprend l'article 2 de la Loi sur les langues officielles dont les tribunaux n'ont pas encore réussi à préciser la portée exacte. Il est donc à supposer que cette ambiguïté d'interprétation demeurera, surtout quand on considère la tradition juridique canadienne.

Par ailleurs, le principe énoncé dans l'article 16 établit l'égalité de statut et des droits et privilèges du français, mais uniquement selon des fins prévues dans la Charte. Or, l'obligation d'utiliser le français est très limitée tel que le relève le doyen de l'école de droit de l'Université de Moncton, Me Michel Bastarache:

"L'égalité dont il est question ici est celle qui existe quand les langues sont utilisées aux fins prévues par la Charte, mais l'obligation d'utiliser les langues est très limitée." 1

En effet, les articles 17 à 22, qui précisent l'application du principe énoncé dans l'article 16, en limitent la portée, au point où les francophones hors Québec verront leur droit d'utiliser le français aussi limité qu'avant l'enchâssement qui est proposé maintenant.

Par exemple, l'égalité s'adresse aux langues et non aux individus de sorte qu'on peut se demander qui pourrait réclamer l'application de la loi.

Il s'agit là, nous semble-t-il, d'une ambiguïté majeure. A ce sujet Me Dale Gibson soulignait:

"The other major ambiguity stems from the fact that grammatically the section grants equality to the languages themselves, rather than to any individual, thus leaving it unclear as to who, if anyone, could seek to enforce the declared equality." 2D'autres ambiguïtés relèvent des mots utilisés. Quel est le sens précis des "institutions" dont il est question? On note des différences de significations entre le texte anglais et le texte français: "in all institutions" devient "dans les institutions" dans le texte français (art. 16); "travaux du Parlement" a-t-il la même signification que "other proceedings" dans le texte anglais? (art. 17) Quel sens accordera-t-on à "tribunaux établis par le Parlement" et à "any court"? (art. 19)

D'autant plus que les versions françaises et anglaises sont toutes les deux officielles!

Une autre limite se retrouve dans le sens que l'on donnera au droit accordé à l'article 20 de communiquer dans la langue officielle de son choix avec les bureaux du gouvernement fédéral. Relevons une mise en garde de Me Gibson:

"Section 20, which provides for the right to communicate in either language with certain offices of the Government of Canada, is considerably more explicit, at least with regard to the "head or central office" of a governmental institution. By restricting this right to communications with the "office", of course, important situations of contact between citizens and governmental institutions are excluded". 3

La loi établit-elle deux classes de francophones hors Québec selon qu'ils sont proches ou loin des bureaux du gouvernement?

Bien que l'article 21 établisse que la Charte n'enlève rien aux droits acquis des langues officielles protégées aux termes d'une autre disposition de la Constitution du Canada, protège-t-elle les droits garantis dans d'autres lois comme les parties de la Loi sur les langues officielles du Canada qui ne sont pas intégrées dans la Constitution? Pourtant, l'article 22 protège des droits linguistiques non-constitutionnels, mais pour les langues autres que le français et l'anglais.

Les articles 21 et 22 laissent voir la vision statique avec laquelle le gouvernement traite les langues officielles alors qu'il prévoit une évolution dans le cas des autres langues. Nous retrouverons cette même approche statique et peu créatrice face à la langue d'enseignement (article 23).

Pour les francophones hors Québec, ravagés par l'assimilation galopante, le projet ne fait qu'encourager le statu quo et, donc, leur disparition rapide.

Est-ce ce genre "d'égalité" qui fera du français et de l'anglais la pierre angulaire du Canada de demain? Selon l'affirmation de M. Serge Joyal (le 8 octobre 1980). Ne s'agit-il pas davantage de la consécration du statu quo constitutionnel, de la cristallisation dans la Constitution du "deux poids, deux mesures", auquel nous sommes soumis depuis 1867?

Le projet constitutionnel laisse les francophones hors Québec à la merci des législatures qui voudront bien "améliorer le statut du français et de l'anglais ou de l'une de ces langues, ou d'en développer l'usage" (art. 16(2)). La Loi constitutionnelle 198 0 ne prévoit aucun outil concret, aucune institution permettant l'exercice des droits et privilèges qu'elle veut garantir en principe à l'article 16.

Les législatures provinciales, sauf au Québec, n'ont que rarement favorisé leur minorité officielle. Il paraît avantageux pour les minorités francophones hors Québec que leurs droits et privilèges soient protégés par les tribunaux plutôt que par les législatures.

Les francophones hors Québec demandent que les limites à l'exercice du droit au français telles qu'exprimées dans l'article 16 soient enlevées. Faisons disparaître une fois pour toutes le deux poids, deux mesures. Nous exigeons que l'exercice de ce statut et des droits et privilèges de la langue française soit garanti sans équivoque. Nous formulons donc les recommandations suivantes:

  1. QUE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1980 AINSI QUE LE PRÉAMBULE DE LA FUTURE CONSTITUTION CANADIENNE RECONNAISSENT LE PRINCIPE DES DEUX PEUPLES FONDATEURS, FRANÇAIS ET ANGLAIS, SANS PRÉJUDICE AUX DROITS DES AUTOCHTONES, COMME LA BASE MÊME DE LA FONDATION DE LA CONFÉDÉRATION CANADIENNE ET DES INSTITUTIONS QUI L'INCARNENT.
  2. QUE LE PRINCIPE DE L'ÉGALITÉ DES LANGUES FRANÇAISE ET ANGLAISE TEL QU'EXPRIMÉ DANS L'ARTICLE 133 S'APPLIQUE À TOUTES LES PROVINCES, AVEC APPLICATION IMMÉDIATE POUR L'ONTARIO ET LE NOUVEAU-BRUNSWICK.
  3. QUE LES CITOYENS AIENT LE DROIT D'EMPLOYER LA LANGUE OFFICIELLE DE LEUR CHOIX DEVANT TOUS LES TRIBUNAUX JUDICIAIRES ET ADMINISTRATIFS ÉTABLIS PAR LE PARLEMENT OU LES LÉGISLATURES PROVINCIALES.
  4. QUE L'ARTICLE 2 0 DU PROJET DE RESOLUTION CONCERNANT L'USAGE DES LANGUES OFFICIELLES S'APPLIQUE AUX GOUVERNEMENTS DE TOUTES LES PROVINCES.

ARTICLE 23: DU DROIT À L'INSTRUCTION EN FRANÇAIS POUR LES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC

Un autre article qui intéresse plus particulièrement les francophones hors Québec est l'article 23 qui prévoit le droit à l'instruction dans la langue de la minorité. Il n'est point besoin ici de savantes démonstrations académiques pour montrer qu'en milieu minoritaire l'école constitue le premier véhicule pour l'épanouissement de la langue et de la culture. C'est un moyen privilégié en vue d'assurer la transmission de notre propre système de valeurs. Nous croyons qu'une telle réalité est reconnue d'emblée. Il nous apparaît essentiel de voir si l'article 23 permettra de garantir aux francophones l'accès à une éducation dans leur langue.

L'article 23(1) se présente davantage comme un objectif que se fixe le législateur que la consécration effective du droit à l'instruction française pour les francophones hors Québec. Car, l'exercice concret d'un droit comme le droit à l'éducation, nécessite l'existence d'institutions précises et la volonté des gouvernements d'assurer l'encadrement et d'affecter les ressources humaines et financières pour en assurer la réalisation. Selon nous, l'article 23(1) ne peut obliger un gouvernement provincial à ouvrir, par exemple, une école française. C'est d'ailleurs l'opinion exprimée par Me Daniel Proulx, professeur à la faculté de Droit de l'Université d'Ottawa.

"Les minorités francophones se verront, en effet, investies de droits de "créance" contre leurs gouvernements provinciaux qui conservent toujours leur juridiction exclusive dans le domaine de l'éducation, mais cela ne leur assurera l'exercice d'aucun droit à l'instruction dans leur langue. Et, puisque la mise en oeuvre de ce droit relève de leurs gouvernements provinciaux respectifs, ces minorités seront de toute évidence dépourvues de tout recours efficace devant les tribunaux dont le rôle, il n'est pas utile de le rappeler ici, se limite à contrôler la légalité ou la constitutionnalité de l'activité législative, réglementaire ou administrative. Par conséquent, aucune constitution ni aucun tribunal ne pourront jamais forcer un gouvernement provincial à ouvrir une école française en dehors du Québec si ce gouvernement refuse d'agir en ce sens, pas plus qu'il ne pourrait forcer un gouvernement à trouver du travail aux chômeurs ou à construire des logements si, par exemple, on enchâssait dans la Constitution, les droits au travail et au logement." 4

De plus, le libellé de l'article 23(1) est vague et laisse place à tellement d'interprétations que nous pouvons imaginer, des maintenant (si le passé est garant du futur), que les gouvernements provinciaux vont rechercher toutes les échappatoires possibles pour refuser de dispenser des services d'instruction en langue française.

Parlons tout d'abord du concept de la langue maternelle puisque c'est ce qu'en somme veulent signifier les termes "première langue apprise et encore comprise". L'article 2 3 prévoit que les citoyens, dont la langue maternelle est le français, pourront faire instruire leurs enfants dans cette langue au niveau primaire et secondaire. Or, qu'advient-il de parents dont l'origine ethnique est française, mais qui ne parlent plus le français? Ceux-ci, de toute évidence, ne pourront réclamer le droit pour leurs enfants à l'enseignement en français, même si au cours des dernières années, ils avaient renoué avec la langue de leurs ancêtres et voudraient qu'elle soit transmise à leurs enfants. On peut se demander également quels seront les critères utilisés pour déterminer combien de citoyens ont encore le français pour "première langue apprise et encore comprise". Tout comme on peut se demander quelle(s) autorité(s) sera(ont) habilitée(s) à mesurer et à voir à l'application de ce critère.

L'article 23(1) est silencieux à ce sujet.

L'article 23 est également silencieux quant à la définition qu'il faut donner aux termes "région", "fonds publics" et "installations d'enseignement". Il faut, à notre avis, définir clairement ce que le législateur entend par le terme "région". S'agit-il d'une unité scolaire, d'un hameau, d'un village, d'un comté ou d'une province? Ce terme est particulièrement important puisque c'est dans le cadre de la "région" que l'on déterminera s'il y a un nombre suffisant d'enfants pour justifier la mise sur pied de services d'enseignement en langue française. Nous nous interrogeons également sur la provenance de "fonds publics" qui financeront la mise sur pied d'installations d'enseignement dans la langue de la minorité. Il est inacceptable que dans un régime fédéral l'on ne veille pas à préciser qui défraiera les coûts de l'enseignement dans la langue de la minorité. Etant donné le silence qui caractérise l'article 23 à ce niveau, pouvons-nous conclure que le gouvernement fédéral n'entend plus laisser uniquement aux provinces cette responsabilité. Et, dorénavant, le fédéral (pour assurer le respect de la Charte dans le domaine de l'éducation) prend-il sur lui de soutenir financièrement les écoles s'adressant à la minorité francophone? Le fédéral veut-il, toujours pour assurer le respect de la Charte, accroître sa participation à des programmes à frais partagés dans le domaine des langues officielles dans l'enseignement? Ce serait solliciter indûment le texte de l'article 23(1) que d'entrevoir de telles possibilités. Nous sommes en droit toutefois de demander qu'on clarifie et qu'on précise lequel des deux ordres de gouvernement assumera la charge financière et les modalités de la mise en vigueur du droit à l'instruction en français pour les francophones hors Québec.

Toujours dans le cadre de la clarification des termes, que signifie les dites "installations d'enseignement". Est-ce que ce terme doit être interprété de façon restrictive, tel l'aménagement de locaux pour l'enseignement en langue française pour la minorité? Le terme réfère-t-il à la création d'établissements scolaires homogènes de langue française ou peut-il être interprété comme devant conduire à l'obligation de créer des conseils scolaires homogènes?

Les difficultés d'interprétation de l'article 23 nous amènent ici a. approfondir la réflexion pour illustrer l'importance qu'il y aurait à clarifier les termes. Prenons le passage où il est fait mention que les parents pourront faire instruire leurs enfants dans la langue de la minorité dans les régions ou le nombre d'enfants le justifie. Il est évident que si ce droit est interprété de façon généreuse, il pourrait constituer une amélioration certaine pour les francophones hors Québec. Il nous est toutefois permis d'être sceptique a ce sujet.

Le libellé de l'article 23(1) nous interdit de croire que les francophones hors Québec seraient en droit de réclamer l'instruction totalement en français, des programmes d'études, des structures pédagogiques, ou la construction d'écoles homogènes françaises. Ceci n'est pas un mince problème puisque cela pourrait continuer à perpétuer les écoles mixtes. Quiconque a un peu étudié cette question constate, tout comme l'a fait en 1979 le rapport du comité politique de la F.F.H.Q., que:

"... l'école bilingue est un milieu d'assimilation et de tensions culturelles et que seul un milieu homogène se prête à l'enseignement. Les dernières dix années nous ont aussi confirmé que l'école homogène ne sème pas la division ou l'incompréhension entre élèves francophones et anglophones justement parce qu'elle ne crée pas de situation de domination d'un groupe sur l'autre et que les chances de communiquer d'égal à égal en dehors du milieu scolaire sont renforcées." 5

Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à tenir de tels propos. Le Commissaire aux langues officielles, M. Max Yalden, soulignait, dans son rapport pour l'année 1978, les difficultés inhérentes aux écoles mixtes.

"Cette fréquente absence d'un enseignement en français, déjà déplorable en soi, a au moins le mérite d'être visible, mais il nous faut signaler ici une autre "malfaçon" bien plus insidieuse: la médiocrité de cet enseignement lorsqu'il existe. Cet "existant", qui représente souvent à peine 20% du temps d'enseignement, est en outre dispensé dans des locaux que se partagent Anglophones et Francophones. Comme de juste, la seule langue parlée dans les bureaux, les espaces communs et les aires de jeu de ces écoles est l'anglais. Il n'y a donc pas à s'étonner que ces établissements soient, depuis toujours, combattus par les groupes francophones qui y voient, à juste titre, le meilleur moyen d'assimilation de leurs enfants." 6

Le libellé de l'article 23 laisse donc aux législatures provinciales le soin de déterminer le degré d'instruction en français que l'on pourra conférer aux francophones hors Québec. La formulation actuelle de l'article 23(1) ne peut garantir, au plus, que l'accès à l'instruction en français pour les francophones hors Québec dans les régions où le nombre le justifie. Le droit à l'instruction en français ne doit pas être confondu avec le droit pour les francophones hors Québec de réclamer pour leurs enfants l'école française. On peut donc aménager des classes françaises dans des écoles regroupant une majorité d'anglophones. Une telle interprétation de l'article 23(1) est possible et elle équivaut donc à enchâsser davantage le statu quo que de reconnaître des droits. L'article 23, de par son libellé vague ne peut donc, à notre avis, donner la possibilité aux francophones hors Québec d'obtenir des écoles françaises homogènes ou le droit de gérance de ces écoles. Dans cette perspective, les francophones hors Québec ne peuvent se réjouir outre mesure de ce que pourrait dorénavant leur consentir l'article 23(1) si évidemment il devait s'appliquer tel que formulé actuellement.

Un autre problème que l'on peut relever à la lecture de l'article 23(1) est celui du nombre suffisant d'enfants de nature à justifier la mise sur pied d'installations d'enseignement dans la langue de la minorité. Tout comme on se demande quelle autorité législative ou administrative déterminera quand il y a effectivement un nombre suffisant d'enfants. Est-ce que ce seront les conseils scolaires, les ministères provinciaux de l'éducation, le gouvernement fédéral ou les tribunaux? Le moins que nous puissions demander est que nous sachions qui décidera de "l'applicabilité" du droit à l'instruction en français. Ce droit n'en est plus vraiment un lorsque son exercice se trouve conditionné à des considérations numériques. A cet égard, nous constatons que la Charte de la langue française au Québec (Loi 101) ne soumet pas la minorité anglophone de cette province à des considérations numériques en ce qui a trait à l'accès à l'instruction dans la langue minoritaire.

Cette difficulté n'avait d'ailleurs pas échappé au Premier ministre du Nouveau-Brunswick, M. Richard Hatfield, qui, lors de la conférence constitutionnelle de septembre, demandait que dans l'attribution du droit pour les minorités francophones à une instruction dans leur langue maternelle, on fasse disparaître toute mention relative au nombre.

Il nous apparaît de plus que cette condition a l'application du "droit" à l'éducation en français procède d'une vision historique très statique. Elle nous place dans un carcan. Car, n'y aurait-il pas lieu d'imaginer que grâce au développement technologique qu'a atteint notre société on puisse rejoindre les communautés francophones dispersées; que ce soit par le biais d'un réseau de télévision ou de radio éducative. En fait, il nous semble que l'article 23(1) nous enferme dans une conception traditionnelle de l'enseignement en faisant fi des possibilités technologiques. Nos sociétés sont appelées à connaître, dans les prochaines années, une véritable révolution dans le secteur des moyens d'information et de communication. Il nous semble donc pertinent qu'une nouvelle Charte des droits, qui risque de régir nos collectivités pour de nombreuses décennies, fasse en sorte de prévoir pour le moyen et le long terme.

Autre aspect assez paradoxal de l'article 23, dans la mesure ou il pourrait effectivement s'appliquer, est qu'il ne garantit que l'accès à l'instruction aux niveaux primaire et secondaire. Pourquoi les francophones hors Québec n'auraientils pas droit à des institutions d'enseignement pré-scolaires et post-secondaires. Ce problème, qui n'en est pas un pour la minorité anglophone du Québec, nous apparaît très important pour les francophones hors Québec qui, si on fait exception du Nouveau-Brunswick, ne possèdent toujours pas d'institutions post-secondaires exclusivement de langue française. Force nous est donc de constater que l'article 23(1) confirme et perpétue une situation de deux poids, deux mesures en ce qui touche la situation des anglophones du Québec par rapport aux francophones hors Québec. Ainsi, les anglophones du Québec ont accès à des écoles maternelles, des écoles primaires et secondaires, à des collèges et des universités dispensant l'enseignement dans leur langue, tout comme ils jouissent du contrôle et de la gestion de leurs institutions scolaires. De leur côté, les francophones hors Québec devraient se contenter de l'accès à une instruction dans leur langue qu'aux niveaux primaire et secondaire. Encore qu'à ce niveau, rien ne leur garantisse explicitement l'accès à l'école homogène française ou le pouvoir de contrôler et de gérer leurs institutions scolaires.

L'article 23(1) devrait être reformulé de façon à faire disparaître le deux poids, deux mesures. On éviterait ainsi d'avoir neuf définitions de ce qu'est, par exemple, un nombre suffisant d'enfants ou de ce que sont en fait les "installations d'enseignement" auxquelles pourront avoir accès les francophones hors Québec. De plus, devant l'absence de tout mécanisme régissant l'application de ce droit ou imposant certaines règles précises auxquelles devraient se soumettre les provinces anglophones, le droit à l'éducation risque de demeurer tout aussi aléatoire qu'à l'heure actuelle. Surtout dans le cadre de revendications de la part des francophones hors Québec à de nouvelles "installations d'enseignement".

Dans sa forme actuelle, l'article 23(1) place le fardeau de la preuve sur le dos des minorités francophones hors Québec. En leur donnant le droit de revendiquer, celles-ci auront a investir temps, argents et énergies en vue de faire respecter leur droit à l'éducation dans leur langue. Elles devront supporter des délais énormes avant qu'une décision soit rendue par l'appareil judiciaire.,

Il est, selon nous, possible de contourner cette difficulté par le biais de la mise sur pied d'un tribunal spécial. Ce tribunal aurait, par exemple, pour tâche d'assurer une interprétation la plus uniforme possible du droit à l'éducation dans la langue minoritaire et de solutionner les cas litigieux en ce qui a trait à l'interprétation de la Charte des droits linguistiques. Le comité politique de la F.F.H.Q. s'était d'ailleurs penché sur cette question et suggérait que ce tribunal spécial, nommé Commission culturelle bi-nationale, pourrait jouir de pouvoirs quasi-judiciaires et posséder un mandat assez large touchant entre autres les aspects suivants:

"la détermination des litiges relatifs aux droits fondamentaux et aux droits linguistiques portés à son attention par la Chambre de la fédération, le gouvernement fédéral, un gouvernement provincial, ou directement par les citoyens qui se croient lésés;

la tenue d'enquêtes sur toute question linguistique soit a la demande de la Chambre de la fédération, soit de son propre chef;" 7

A la suite de notre analyse de l'article 23, nous recommandons :

  1. QUE L'ARTICLE 23 DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1980 SOIT REFORMULÉ DE FAÇON À ASSURER LA RECONNAISSANCE POUR LES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC DU DROIT A L'ÉDUCATION DANS LEUR LANGUE DU PRÉ-SCOLAIRE AU POST-SECONDAIRE INCLUSIVEMENT ET DU DROIT À DES ECOLES ET DES CONSEILS SCOLAIRES HOMOGENES DE MEME QU'A LA GESTION DE LEURS INSTITUTIONS D'ENSEIGNEMENT .
  2. QUE L'ON ETABLISSE UN MECANISME JOUISSANT DE POUVOIR TRES ETENDUS DONT LE MANDAT SERAIT DE REGLER LES LITIGES QU'ENTRAINERA L'APPLICATION DE LA CHARTE DES DROITS LINGUISTIQUES.

AUTRES ARTICLES À SURVEILLER

"La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés énoncés ci-après, sous les seules réserves normalement acceptées dans une société libre et démocratique de régime parlementaire." (article 1)

Cet article est général dans son application et permet que tous les droits et libertés inscrits dans la Charte soient soumis à ces "seules réserves normalement acceptées dans une société libre et démocratique de régime parlementaire".

Dans notre système où existe une tradition de suprématie parlementaire, cet article peut amener le système judiciaire à éviter de remettre en question des décisions législatives. Nous avons assisté aux longs plaidoyers des provinces contre la Charte des droits précisément basés sur la suprématie législative. Ceci affecte 'directement la réponse des tribunaux à un citoyen qui voudrait contester la décision d'une commission scolaire ou d'une autorité scolaire quant au nombre suffisant, par exemple.

Comment les tribunaux interpréteront-ils "sous les seules réserves"? "Normalement acceptées"? "Société libre et démocratique"? Ces difficultés d'interprétation menacent d'affecter le sens d'articles déjà généraux et ouverts à de nombreuses interprétations, tel l'article 23. Et peut-on prévoir comment les législatures se serviront de ces largesses d'interprétation?

Les francophones hors Québec s'interrogent sur la nécessité de l'article 1.

  1. ILS RECOMMANDENT QUE L'ARTICLE 1 SOIT SUPPRIMÉ OU REFORMULÉ DE FAÇON A CE QU'IL NE PUISSE PAS SERVIR À DIMINUER OU À ANNULER LA PORTEE DE LA CHARTE DES DROITS LINGUISTIQUES.

Les articles 34 et 43, sous prétexte de flexibilité et de souplesse, ouvrent subtilement la porte à des tractations fédérales-provinciales qui pourraient aller à l'encontre des intérêts des francophones hors Québec, selon les gouvernements en place. Il s'agit là d'un principe qui, inscrit dans la Constitution, permet à une province avec l'appui du gouvernement central d'opérer des modifications à la Constitution sans suivre le processus général. Pour les francophones hors Québec, il s'agit là d'une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête de façon permanente. Qu'est-ce qui pourra empêcher les provinces de limiter une foule de services en français chez elles avec la complicité d'un gouvernement fédéral indifférent. La situation qui prévaut actuellement au Manitoba est sûrement de nature à faire réfléchir les membres du Comité mixte.

Nous recommandons :

  1. QUE LES ARTICLES 34 ET 43 PERMETTANT DES MODIFICATIONS A LA CONSTITUTION PAR ENTENTE ENTRE LE GOUVERNEMENT FEDERAL ET UNE PROVINCE SOIENT AMENDES DE FAÇON A CE QUE LES DROITS DES MINORITES DE LANGUE OFFICIELLE NE PUISSENT EN AUCUN TEMPS ETRE DIMINUES OU ANNULES PAR L'EMPLOI DE CES ARTICLES.

C'est avec étonnement que nous avons constaté que la Loi des Territoires du Nord-Ouest de 1877 ne faisait pas partie de l'annexe I qui énumère les textes législatifs et les décrets faisant partie de la Constitution (article 52).

L'article 11 de la Loi des Territoires du Nord-Ouest de 1877 faisait du français et de l'anglais les langues officielles de ces territoires. Or, on peut prévoir que les tribunaux seront appelés un jour à décider si l'Alberta ou la Saskatchewan, ou encore les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon constituent des administrations bilingues en vertu de cette loi de 1877.

Si le français et l'anglais, en vertu de cette loi de 1877 étaient confirmés dans ces deux provinces, leurs législatures pourraient abolir le statut du français puisque la loi l'établissant ne fait pas partie de l'annexe I qui énumère les textes législatifs et les décrets faisant partie de la Constitution (article 52).

Aussi, nous recommandons:

  1. 9. QUE LA LOI DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST DE 1877 SOIT INCLUSE A L'ANNEXE I ET FASSE PARTIE DE LA NOUVELLE CONSTITUTION.

Il faut souligner l'ambiguïté de plusieurs autres articles dans la loi constitutionnelle qui donnent à l'ensemble de la proposition une allure un peu bâclée. Les rédacteurs de la Charte des droits et libertés auraient eu avantage à consulter des textes clairs et précis tels la Charte des droits des États-Unis et la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Ces ambiguïtés nous permettent d'avancer qu'un effort de clarification est nécessaire avant que la Loi constitutionnelle ne soit finalement adoptée. Sinon, il faut s'attendre à un encombrement énorme dans les cours de justice. Et, les législatures à tous les niveaux auront tôt fait de trouver les failles qui leur permettront de ne rien changer à leur façon de faire actuelle.

Regardons la tradition juridique canadienne pour voir ce que les francophones hors Québec peuvent attendre des tribunaux. Cela s'avère d'autant plus important que le projet constitutionnel vise à leur confier un rôle prépondérant. Voici ce qu'en dit Me Michel Bastarache, doyen de l'école de droit de l'Université de Moncton, dans un avis en date du 20 octobre 1980:

"Jamais, à ma connaissance, n'avons-nous vu au Canada un citoyen obtenir une ordonnance en vertu de laquelle un tribunal forçait une législature à faire quelque chose." 8

"En fait, la sanction en matière constitutionnelle est toujours négative au Canada, les tribunaux s'étant toujours contentés de conclure qu'une loi ou un règlement donnés sont inopérants." 9

"Le projet lui-même ne fait place à aucun mécanisme de mise en oeuvre et ne manquera pas de mettre sur les minorités le fardeau financier et politique d'introduire des actions en vue de faire respecter leurs droits, face à un système judiciaire souvent indifférent ou hostile." 10

L'avis de Me Dale Gibson, de Winnipeg, en date du 2 3 octobre 19 80, va sensiblement dans le même sens.

"They (Canadian and British Courts) tend to be chary when called upon to examine the wisdom of decisions made by governmental offices particularly those who hold elected office. It is probable that if someone complained to a court that a decision taken by a local school board or provincial educational authority that there are not sufficient minority language children in a particular area to justify minority language educational facilities, the court would decline to review that decision." 11"And that most lawyers familiar with the mind set of the present Canadian judiciary would doubt that Canadian Courts will be willing to become actively involved in the enforcement of Section 2 3 of the new proposal." 12

Selon le depute d'Ottawa-Vanier à la Chambre des communes:

"Le projet de résolution à l'étude est extrêmement important pour nous, car il permettra que nous ne soyons pas soumis à la suprématie de nos gouvernements provinciaux, mais bien sous l'égide, dans une Constitution, protégés par des droits qui y sont enchâssés et qui sont interprétés par une cour de justice qui, nous l'espérons, aura autant de générosité et de lucidité que nous en avons eu depuis plusieurs années." 13

La primauté de la suprématie judiciaire par rapport à la suprématie parlementaire, si ardemment souhaitée par M. Gauthier, ne se dégage pas aussi clairement du projet constitutionnel. Et, à moins d'amendements importants qui préciseront la portée du texte et détermineront les obligations de la Loi, le sort des minorités francophones hors Québec risque de ne pas bénéficier d'améliorations sensibles que la suprématie soit judiciaire ou parlementaire.

CONCLUSION

Les francophones hors Québec ne sont pas disposés à abdiquer le fait qu'ils font partie d'un des deux peuples fondateurs de ce pays. C'est à ce titre justement que nous réclamons l'égalité de statut avec la majorité anglophone.

Nous revendiquons la reconnaissance de nos droits linguistiques. Nous réclamons également les outils nécessaires pour les exercer librement, et ce, dans tous les domaines vitaux pour nos collectivités: éducation, justice, institutions politiques, culture, communications, loisirs, services sociaux.

Les francophones hors Québec veulent l'enchâssement d'une Charte des droits linguistiques mais il ne veulent pas n'importe quelle Charte.

D'autant plus que nous n'avons dans la Loi constitutionnelle de 19 80 qu'un début de nouvelle Constitution et que le principe de l'égalité des deux peuples fondateurs, non reconnu explicitement jusqu'à présent, devra se traduire dans les institutions fédératives qui devront être mises en place.

Le projet constitutionnel, tel que présentement rédigé, véhicule une vision figée, statique et étroite de l'avenir des francophones hors Québec. Et, à moins que les changements que nous proposons n'y soient intégrés, il ne modifiera en rien le processus d'assimilation actuellement en cours. Les francophones hors Québec ne voudront pas appuyer un projet de Loi constitutionnelle de 1980 qui enchâsserait de façon permanente le "deux poids, deux mesures" qui caractérise la situation des deux minorités de langue officielle du pays.

Nous invitons les membres de ce comité à adopter une vision du Canada qui s'enracine dans son histoire et qui prépare un avenir pour le Canada où nous aurons notre juste place.

RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS

La Fédération des francophones hors Québec soumet à l'attention du Comité les recommandations suivantes:

  1. QUE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1980 AINSI QUE LE PRÉAMBULE DE LA FUTURE CONSTITUTION CANADIENNE RECONNAISSENT LE PRINCIPE DES DEUX PEUPLES FONDATEURS, FRANÇAIS ET ANGLAIS, SANS PRÉJUDICE AUX DROITS DES AUTOCHTONES, COMME LA BASE MEME DE LA FONDATION DE LA CONFÉDÉRATION CANADIENNE ET DES INSTITUTIONS QUI L'INCARNENT.
  2. QUE LE PRINCIPE DE L'EGALITE DES LANGUES FRANÇAISE ET ANGLAISE TEL QU'EXPRIME DANS L'ARTICLE 133 S'APPLIQUE À TOUTES LES PROVINCES, AVEC APPLICATION IMMÉDIATE POUR L'ONTARIO ET LE NOUVEAU-BRUNSWICK.
  3. QUE LES CITOYENS AIENT LE DROIT D'EMPLOYER LA LANGUE OFFICIELLE DE LEUR CHOIX DEVANT TOUS LES TRIBUNAUX JUDICIAIRES ET ADMINISTRATIFS ÉTABLIS PAR LE PARLEMENT OU LES LÉGISLATURES PROVINCIALES.
  4. QUE L'ARTICLE 20 DU PROJET DE RÉSOLUTION CONCERNANT L'USAGE DES LANGUES OFFICIELLES S'APPLIQUE AUX GOUVERNEMENTS DE TOUTES LES PROVINCES.
  5. QUE L'ARTICLE 23 DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1980 SOIT REFORMULÉ DE FAÇON À ASSURER LA RECONNAISSANCE POUR LES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC DU DROIT À L'ÉDUCATION DANS LEUR LANGUE DU PRÉ-SCOLAIRE AU POST-SECONDAIRE INCLUSIVEMENT ET DU DROIT À DES ÉCOLES ET DES CONSEILS SCOLAIRES HOMOGENES DE MEME QU'À LA GESTION DE LEURS INSTITUTIONS D'ENSEIGNEMENT.
  6. QUE L'ON ÉTABLISSE UN MÉCANISME JOUISSANT DE POUVOIRS TRÈS ÉTENDUS DONT LE MANDAT SERAIT DE RÉGLER LES LITIGES QU'ENTRAÎNERA L'APPLICATION DE LA CHARTE DES DROITS LINGUISTIQUES .
  7. QUE L'ARTICLE 1 SOIT SUPPRIMÉ OU REFORMULÉ DE FAÇON À CE QU'IL NE PUISSE PAS SERVIR À DIMINUER OU À ANNULER LA PORTÉE DE LA CHARTE DES DROITS LINGUISTIQUES.
  8. QUE LES ARTICLES 34 ET 4 3 PERMETTANT DES MODIFICATIONS À LA CONSTITUTION PAR ENTENTE ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET UNE PROVINCE SOIENT AMENDÉS DE FAÇON À CE QUE LES DROITS DES MINORITÉS DE LANGUE OFFICIELLE NE PUISSENT EN AUCUN TEMPS ETRE DIMINUÉS OU ANNULÉS PAR L'EMPLOI DE CES ARTICLES.
  9. QUE LA LOI DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST DE 1877 SOIT INCLUSE À L'ANNEXE I ET FASSE PARTIE DE LA NOUVELLE CONSTITUTION.

COMMUNIQUE DE PRESSE : LES AMENDEMENTS CHRETIEN CONSTITUENT UN NET RECUL POUR LES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC

LE 14 JANVIER 1980

OTTAWA La présidente de la F.F.H.Q. a déclaré aujourd'hui que les amendements déposés par le ministre Jean Chrétien lundi soir devant le Comité mixte spécial sur la Constitution constituaient un net recul pour les francophones hors Québec par rapport à ce qui existait déjà dans le projet de loi.

"Les francophones hors Québec ont le sentiment d'avoir été laissés complètement de côté par le gouvernement fédéral dans cette série d'amendements, car on n'a pas tenu compte de nos représentations demandant des modifications majeures aux articles touchant les droits linguistiques", a déclaré la présidente de la Fédération, Mlle Jeannine Séguin.

"Il est évident que le ministre de la Justice n'a pas écouté nos témoignages et ceux de nos associations provinciales devant le Comité mixte et nous allons faire porter tous nos efforts sur les membres du Comité mixte afin qu'ils présentent des amendements nous assurant un minimum de protection pour nos droits dans leur rapport final à la Chambre des communes au début de février", a précisé Mlle Séguin.

L'amendement proposé à l'article 23 s'oppose encore plus directement à la Loi 101 du Québec sans rien donner aux francophones hors Québec. Il faut se demander quand le caucus libéral fédéral du Québec montrera son intérêt a notre égard au lieu de surprotéger la minorité anglophone de cette province

La Fédération ne comprend pas pourquoi le gouvernement fédéral ne veut pas imposer le bilinguisme à l'Ontario et nous garantir partout au pays des droits à l'éducation en langue française alors qu'il est en train d'imposer une nouvelle Constitution à toutes les provinces.

"Nous allons étudier plus en détail ces amendements et attendre le rapport final du Comité mixte sur la Constitution avant de nous prononcer de façon définitive sur la Loi constitutionnelle 1981", a déclaré la présidente.

LA POSITION CONSTITUTIONNELLE DU QUÉBEC EST TOUT À FAIT COMPATIBLE AVEC LES ATTENTES DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC

Mesdames et messieurs, nous sommes ici quelque vingt organismes francophones nationaux et provinciaux, représentant presque un million de francophones vivant dans d'autres territoires que le québec. c'est dire que les francophones hors Québec constituent plus de 12% de l'ensemble des Francophones du Canada. La FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC EN EST LE porte-parole national.

Elle est constituée de dix associations porte-parole provinciales et territoriale» son rôle, essentiellement politique, est d'agir auprès des gouvernements, des structures politiques et des institutions quelles qu'elles soient, pour faire valoir le point de vue des communautés francophoNES hors Québec et pour obtenir les programmes et services de nature à favoriser leur développement» nos composantes, les associations provinciales, font de même dans les provinces.

Les Francophones hors Québec luttent toujours pour faire reconnaître leurs droits scolaires dans la majorité des provinces. Ils luttent toujours pour obtenir des écoles et la gestion de leurs écoles. et, là où des écoles existent, elles sont gérées par des commissions scolaires anglophones avec très peu de représentation francophone» l'article 23 de la Charte des droits et libertés nous permet de revendiquer des écoles françaises et la gestion de ces écoles comme en témoigne l'avis de la cour d'appel de l'ontario de 1983-

Les Francophones hors Québec agissent également auprès des gouvernements fédéral et provinciaux pour qu'ils se donnent une politique de développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. nous voulons qu'une telle politique se traduisent en programmes et services qui s'adressent aux besoins spécifiques des communautés francophones hors Québec par le biais des ententes fédérales-provinciales. Ces ententes existent déjà dans les domaines de l'enseignement à tous les niveaux, de la santé, des communications, DE L'emploi, de la formation professionnelle, des entreprises économiques, des sports et loisirs, etc» les Francophones hors Québec veulent être partie de cette entente pour bénéficier de la même aide gouvernementale que la majorité anglophone. nous croyons que le québec, comme participant à part entière des ententes fédérales-provinciales, pourrait jouer un rôle déterminant en faveur des minorités de langue officielle.

En adoptant une telle position, le Québec confirme son statut de foyer de la culture française au canada et réaffirme son rôle de leadership au sein de la francophonie canadienne qu'il pourrait jouer, comme je viens de le dire, dans le cadre des ententes fédérales-provinciales.

Les Francophones hors Québec profitent de l'occasion pour inviter l'ensemble des institutions québécoises, peu importe le champ de leurs activités, à un dialogue et à un échange avec les organismes francophones hors québec. un tel climat d'entraide ne peut qu'être bénéfique à l'ensemble de la francophonie canadienne.

Je désire profiter de l'occasion pour inviter le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux à reconnaître la spécificité du québec et à négocier équitablement de façon que le Québec puisse s'associer honorablement à l'accord constitutionnel de 1982.

Je me permets de rappeler l'engagement que le Premier ministre du canada, monsieur brian mulroney, a pris lors du Discours du Trône, tant envers les minorités de langue officielle qu'envers le Québec dont il espère obtenir la signature à l'accord constitutionnel de 1982.

Les Francophones hors Québec sont heureux d'avoir pu, grâce à l'invitation du gouvernement du QUÉBEC, participer à la présentation de la position constitutionnelle du québec cet après-midi.

Le Québec a confirmé son leadership au sein de la francophonie CANADIENNE EN ADOPTANT UNE POSITION CONSTITUTIONNELle qui tient compte des besoins et des attentes des francophones vivant à l'extérieur du québec plutôt que d'adopter une position de repli sur soi et de défense de ses seuls intérêts.

Le Québec a choisi de respecter la portée de l'article 23 de la Charte des droits et libertés. Cet article, comme vous le savez, constitue la seule garantie constitutionnelle des droits des francophones hors québec. il était donc d'une importance capitale pour nous que le québec, dans la position constitutionnelle qu'il propose pour pouvoir adhérer à l'accord de 1982, reconnaisse et respecte cet article 23. c'est avec doigté et savoir-faire que le gouvernement du québec a formulé sa position de façon que les francophones hors québec ne risquent pas de perdre ce seul droit qui leur est reconnu dans la Constitution.

En conclusion, je tiens à exprimer la gratitude des Francophones hors Québec au gouvernement du Québec pour la position constitutionnelle qu'il vient de prendre. nous le remercions également de nous avoir permis de participer à cet événement.

Merci de votre attention. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Pour publication immédiate Le jeudi 15 avril 1982

SELON LA F.F.H.Q.: LE MOMENT DE VERITE COMMENCE LE 17 AVRIL

OTTAWA - La présidente de la Fédération des francophones hors Québec, Mad. Jeannine Séguin, a déclaré que "ce n'est pas le rapatriement de la Constitution ni sa promulgation comme tels qui vont améliorer le sort des minorités francophones hors Québec, mais bien l'application qui en sera faite par les gouvernements fédéral et provinciaux à partir du 17 avril 1982",

Les droits que la nouvelle Constitution reconnaît aux minorités francophones sont très limités par rapport aux demandes que n'ont cessé de formuler les francophones hors Québec depuis des décennies. Ces demandes touchent, outre la reconnaissance officielle du français dans les institutions fédérales et le droit à l'enseignement en français, un système juridique en français, la reconnaissance officielle du français dans les législatures et institutions provinciales, un réseau de communication reflétant la réalité francophone hors Québec, des services sociaux et communautaires en français.

La F.F.H.Q., selon Mad. Séguin, s'attend donc à ce que les droits linguistiques inscrits dans la Charte seront appliqués de façon généreuse non seulement dans le cadre des institutions fédérales, mais surtout au sein des administrations provinciales qui affectent le plus directement le vécu des francophones hors Québec. Ce faisant, les francophones hors Québec n'attendent rien de moins que se réalise ce qu'avait promis le ministre Jean Chrétien dans une déclaration à la Presse canadienne le 24 novembre 1980:

"Ce sont les minorités francophones qui doivent, en premier lieu, profiter de la révision constitutionnelle".

Mad. Séguin a précisé que la F.F.H.Q. et chacune des associations provinciales qui la composent veilleront à ce que la Charte des droits linguistiques soit respectée et appliquée afin d'améliorer réellement la situation des communautés francophones hors Québec, même si cela impliquera certainement un recours aux tribunaux.

Il va sans dire que les francophones hors Québec se prévaudront au maximum des droits qui leur sont reconnus dans la Charte pour assurer leur développement individuel et collectif. Ils continueront de revendiquer auprès des autorités fédérales et provinciales les droits fondamentaux qu'ils jugent nécessaires à leur épanouissement.

Mad. Séguin conclut que "si les francophones hors Québec n'ont pas réussi à participer à l'élaboration de la Constitution promulguée aujourd'hui, il est clair qu'ils s'attendent a être invités et à participer à la première conférence fédérale-provinciale sur la Constitution qui doit avoir lieu d'ici un an " .

LES DROITS CONSTITUTIONNELS DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC

LE 22 OCTOBRE 1982

ÉLÉMENTS D'UNE STRATÉGIE

I. BUTS ET OBJECTIFS

Ce document reprend, en le précisant, la stratégie adoptée par l'assemblée générale des 12 et 13 juin.

Depuis sa fondation, la F.F.H.Q. revendique, sous une forme ou sous une autre, la reconnaissance officielle du français et de la collectivité francophone dans toutes les provinces et les services conséquents à cette reconnaissance, ce qui implique l'obtention d'institutions vitales dont les Francophones auraient le contrôle et assureraient la gestion.

La Constitution a été rapatriée. Les Francophones hors Québec doivent tendre par tous les moyens à exercer les droits qu'elle leur reconnaît tout en travaillant à l'élargissement de ces droits.

Concrètement, la F.F.H.Q. et ses membres centrent leurs efforts sur trois (3) objectifs dont la réalisation amènerait des progrès sensibles à leur situation individuelle et collective.

Ces objectifs sont:

  • Obtenir des jugements de cour sur des cas-types, provenant de différentes régions du pays et couvrant les différents aspects de la Charte, particulièrement en ce qui concerne les droits scolaires, qui expliciteraient en élargissant l'application des droits constitutionnels des Francophones hors Québec.
  • Obtenir, dans une première étape, la reconnaissance officielle du français et des FrancoOntariens par la législature ontarienne.
  • Participer à la première conférence fédéraleprovinciale sur la Constitution en vue d'amener une application concrète des droits reconnus dans la Charte et d'obtenir un élargissement de nos droits constitutionnels.

La réalisation de l'un ou l'autre de ces objectifs ou des trois suppose une mobilisation des Francophones hors Québec, une action politique bien orchestrée auprès des hommes politiques fédéraux et provinciaux et un recours aux tribunaux avec des causes spécifiques et suffisamment variées quant au point en litige et à la provenance. Le succès de cette démarche exige la concertation, la discipline et la participation d'experts particulièrement dans l'approche juridique. Le moment serait mal choisi de vouloir tout régler d'un coup ou de s'imaginer que, peu importe la cause, le succès est garanti.

Tout en maintenant les actions proposées et en voie de réalisation dans la stratégie adoptée en juin, il convient de nous entendre sur un processus de coordination, sur des objectifs d'opération précis, spécifiques et réalisables et sur les rôles qui doivent être assumés aux différents niveaux de notre structure.

PROCESSUS DE COORDINATION DE LA STRATEGIE CONSTITUTIONNELLE

2.1 Principe:

Comme tous les Francophones doivent être impliqués dans cette démarche, peu importe où il se situent dans la structure, la F.F.H.Q. doit assurer la coordination et la cohérence de la démarche au niveau national, les associations provinciales doivent faire de même dans leur province respective et les conseils régionaux doivent coordonner l'action dans leur milieu, ce qui aura comme effet de produire une action globale cohérente et ordonnée.

Ce processus de coordination doit être appliqué dans la sensibilisation et la mobilisation des communautés et organismes francophones hors Québec et dans l'identification, la préparation et la présentation de cas types significatifs devant les tribunaux et dans les démarches politiques auprès des gouvernements qu'entraîne la réalisation de nos objectifs.

2.2 L'application concrète de ce principe

2.2.1 Au niveau national:

a) Lobbying de la F.F.H.Q, auprès du gouvernement fédéral et des politiciens fédéraux

  • pour être à l'ordre du jour de la première conférence fédérale sur la Constitution;
  • pour obtenir une aide financière du fédéral pour permettre l'aboutissement des cas-types devant les tribunaux;
  • pour susciter des pressions extérieures sur le gouvernement d'Ontario en vue d'une reconnaissance législative du fait franco-ontarien.

b) Action de la F.F.H.Q.:

  • pour contribuer à sensibiliser et à mobiliser les Francophones tournées de la présidente face aux buts, objectifs et contenu de la démarche;
  • pour appuyer techniquement les démarches juridiques des membres consultant juriste pour coordonner les causes ;
  • pour diffuser l'information et la documentation nécessaire pour la bonne marche de l'ensemble;
  • pour assurer l'appui et la concertation des organismes nationaux francophones.
  • pour évaluer périodiquement le progrès de la démarche en fonction de notre stratégie.

2.2.2 Au niveau provincial:

a) Lobbying de chacune des associations provinciales auprès de leur gouvernement provincial respectif.

  • pour obtenir, par écrit, leur accord à ce que nous soyons a l'ordre du jour de la conférence fédéraleprovinciale sur la Constitution;
  • pour dégager la volonté politique de leur gouvernement d'appliquer les droits linguistiques et scolaires reconnus à la minorité francophone dans la Constitution;
  • pour amener leur gouvernement à reconnaître législativement leur minorité francophone et à appuyer les pressions sur l'Ontario.

b) Actions des associations provinciales.

  • pour sensibiliser et mobiliser les Francophones de leur province respective face aux buts, objectifs et contenu de la démarche;
  • pour identifier et documenter les causes types dans leur province appui technique;
  • pour alimenter la démarche régionale et provinciale de façon à ce qu'elle soit cohérente;
  • pour assurer l'appui et la concertation des organismes francophones de la province;
  • pour contribuer à l'évaluation périodique des progrès de la démarche

2.2.3 Au niveau régional:

Travail de mobilisation des Francophones de leur milieu.

  • pour revendiquer des services concrets selon les droits donnés par la Charte;
  • pour revendiquer soit des classes françaises, soit des écoles françaises, soit des conseils scolaires français, soit un système complet d'éducation français selon la situation;
  • pour identifier et proposer des cas-types dans le domaine de l'instruction en français et d'établissement d'enseignement de la minorité financés sur les fonds publics.

DEMANDES DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC À FAIRE INSCRIRE À L'ORDRE DU JOUR D'UNE PROCHAINE CONFERENCE FÉDÉRALE-PROVINCIALE SUR LA CONSTITUTION

Le 22 octobre 1982

Attendu que la Constitution canadienne, nouvellement rapatriée, comprend une Charte des droits linguistiques ;

Attendu que les Francophones hors Québec désirent amorcer le processus par lequel leurs droits linguistiques et scolaires dans la Constitution seront élargis pour répondre à leurs besoins si souvent exprimés ;

Attendu que le gouvernement fédéral s'est lié à la Charte et qu'il ne lui reste qu'à la faire appliquer dans les domaines de sa compétence;

Attendu que les gouvernements provinciaux ont signé l'entente constitutionnelle, et donc la Charte des droits linguistiques, que cette entente ne s'est pas encore traduite concrètement dans les faits (hors le Québec qui n'a pas signé mais qui est lié par l'A.A.N.B., le Manitoba par l'article 23 de sa propre constitution et le Nouveau-Brunswick qui s'est lié par la Charte), que leur volonté politique en vue d'appliquer généreusement cette Charte des droits linguistiques reste a s'exprimer;

Attendu que les progrès au niveau des droits linguistiques, surtout scolaires, pour les Francophones relèvent, en gros, maintenant des provinces étant donné que le gouvernement fédéral a obtenu tout ce qu'il lui était possible, et que les législations et les services au niveau provincial affectent de façon primordiale la quotidienneté des Francophones hors Québec et que c'est à ce niveau que le fait français doit être reconnu.

Attendu que des améliorations peuvent être apportées à la Charte des droits linguistiques dans la mesure de l'engagement des gouvernements provinciaux qui devront accepter de mettre en place des mécanismes d'application des droits reconnus dans la Charte;

Attendu que les communautés francophones de chaque province sont les premières intéressées à ces améliorations et qu'elles sont les premières responsables dans leur province respective de l'action à mener auprès de leur gouvernement provincial;

Attendu que la F.F.H.Q. est le porte-parole des Francophones hors Québec et est responsable de l'action à mener auprès du gouvernement fédéral ;

la F.F.H.Q propose qu'à la première conférence fédérale-provinciale sur la Constitution soient discutés les sujets suivants en vue d'un élargissement des champs d'application de la Charte des droits linguistiques et scolaires:

  • Qu'une aide financière du fédéral soit accordée aux provinces qui accepteraient d'aller au-delà de la Charte des droits linguistiques tels qu'exprimés dans les articles 16 à 24 de la Constitution canadienne.
  • Que les provinces (qui ne l'ont déjà fait) reconnaissent le fait français chez elles, par une législation et par des services en français dans les différents secteurs de vie des Francophones aux niveaux fédéral et provincial: emploi, éducation, communications, tribunaux, santé, services sociaux, économie, loisirs et sports, etc.

Ces demandes visent à étendre le champ d'application de la Charte des droits linguistiques au niveau provincial de façon à obtenir la reconnaissance du fait français dans chacune des provinces via des services en français et par des législations là où c'est possible avec la complicité financière du fédéral.

ANNEXE : DOSSIER CONSTITUTIONNEL

Le 10 novembre 1981

La F.F.H.Q. demande à M. Pierre-Elliott Trudeau qu'il convoque une conférence fédérale-provinciale sur la Charte des droits linguistiques (cf.: proposition de Jean-Robert Gauthier à la Chambre des communes).

Le 10 novembre 1981

La F.F.H.Q. demande à ses membres d'obtenir de leur gouvernement un accord qu'il participera à cette conférence fédéraleprovinciale, où les Francophones hors Québec seraient à l'ordre du jour, condition que M. Trudeau mettait à la convocation de cette conférence.

Résolution AG-82-R 038

"Que la F.F.H.Q. prépare un document d'une page décrivant l'essentiel des demandes des Francophones hors Québec pour être mis à la disposition des associations provinciales afin que celles-ci puissent exercer les pressions nécessaires auprès de leur premier ministre provincial."

(proposé par: C. Gervais; appuyé de: D. Desaulniers)

Rencontre des président(e)s en juillet 1982

Les président(e)s se donnent comme objectif d'obtenir une participation à la prochaine conférence fédérale-provinciale sur la Constitution pour présenter les demandes suivantes:

  • Qu'une aide du federal soit accordée aux provinces qui acceptent d'aller au-delà de la Charte des droits linguistiques tels qu'exprimés dans les articles 16 à 23;
  • que les provinces reconnaissent le fait français chez elles ;
  • que soit enchâssé, dans la Constitution, le droit à des services en français dans les différents secteurs de vie des communautés francophones.

LA NOUVELLE CONSTITUTION CANADIENNE LAISSE LES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC SUR LEUR FAIM

Le 25 novembre 1982

Les espoirs qu'avait semés chez les Francophones hors Québec la promesse d'un renouvellement de la Constitution canadienne sont devenus désillusions après le 5 novembre 1981. Bien que la charte des droits linguistiques inscrivent certains acquis dans la Constitution canadienne tant au niveau de l'enseignement que de la langue, les quelques droits reconnus aux Francophones hors Québec s'avèrent minimes face aux besoins immenses qu'avaient engendrés cent ans de répression culturelle au Canada anglais.

Il est clair que les mentalités et les attitudes ne se changent pas du jour au lendemain» La lenteur avec laquelle les gouvernements provinciaux développent une volonté politique positive face à leur minorité officielle reste, à une exception près, déconcertante malgré quelques progrès durement arrachés.

Bien sûr, depuis une dizaine d'années, plusieurs programmes et législations ont été mis en oeuvre pour promouvoir le développement de la langue et de la culture française hors Québec. Les gouvernements provinciaux ont dans une certaine mesure et à des degrés évidemment divers, reconnu la langue française sur leur territoire respectif. Des progrès ont été enregistrés dans le domaine de l'éducation et des services gouvernementaux notamment. En Ontario, par exemple, la politique de l'étapisme du gouvernement Davis n'en a pas moins amené à une amélioration au niveau de la prestation des services gouvernementaux de langue française.

Au Nouveau-Brunswick, depuis 1981, l'on a reconnu formellement l'égalité des communautés linguistiques anglophone et francophone de la province.

Au niveau fédéral, la loi sur les langues officielles et les divers programmes de soutien aux groupes minoritaires ont donné une vigueur nouvelle aux revendications des Francophones hors Québec.

Une tolérance accrue se manifeste chez la population anglophone à l'endroit du fait français. On n'a, pour s'en convaincre, qu'à regarder la popularité grandissante des programmes d'immersion française chez les Anglophones. Les effectifs inscrits aux programmes d'immersion ont plus que doublé depuis 1976-77 au niveau élémentaire sinon au niveau secondaire.

En somme, si les progrès sont constants en terme d'amélioration au niveau des programmes et des services s'adressant aux Francophones hors Québec, il n'en demeure pas moins qu'ils sont très lents et que persistent encore des problèmes

fondamentaux eu égard au développement des communautés francophones hors Québec. De vastes secteurs de la vie culturelle, sociale et économique échappent encore aux Francophones hors Québec. Pensons ici à toute la question de la gestion scolaire, aux services sociaux et communautaires, à un système de radio et de télévision qui exprimerait leur réalité culturelle ou à l'obtention de services de loisirs ou de sports en langue française.

Au chapitre du dossier constitutionnel, les négociations qui ont abouti, au printemps de 1982 à la proclamation d'une charte des droits et des libertés au Canada, ont été, pour les Francophones hors Québec, décevantes à bien des égards. Les gains obtenus sont loin d'être substantiels.

Les négociations constitutionnelles ont permis d'inscrire des droits scolaires et les dispositions de la loi fédérale sur les langues officielles dans la Charte des droits. À part le Québec et le Manitoba qui y étaient obligés par l'A.A.N.B., seul le Nouveau-Brunswick a choisi de devenir bilingue et de donner à sa minorité française un statut d'égalité juridique. L'Ontario, avec plus de la moitié de la population francophone hors Québec, s'y est refusé.

Selon la Constitution, la langue française sera, avec l'anglais, langue de communication dans toutes les institutions et ministères fédéraux à travers le pays là où la demande est importante. Il incombera aux tribunaux, en dernière instance, de préciser ce que constitue une demande importante. On peut, par ailleurs, penser que la Loi sur les langues officielles, de par l'enchâssement de certains de ses articles dans la Constitution, aura acquis un statut de prépondérance sur l'ensemble des autres lois fédérales, ce qui s'avérerait un acquis pour les Francophones hors Québec.

L'article 23 apparaît sans doute comme l'acquisition la plus importante pour les Francophones hors Québec puisqu'il leur donne le droit tant recherché d'un enseignement dans leur langue et même, dans certains cas, le droit à des établissements d'enseignement. Des critères objectifs identifient ceux qui pourront se prévaloir de ce droit. Cependant, l'exercice du droit à un enseignement en français est assujetti à la condition, "là où le nombre le justifie". N'estce pas réduire ce droit à un statut de privilège? D'autant plus que "le nombre suffisant" a un sens différent selon qu'il s'agit de l'instruction en français (article 23, 3a) ou d'établissement d'enseignement (art. 23, 3b).

Ce droit à l'instruction dans la langue de la minorité, à même les fonds publics, pourrait cependant s'exercer dans un climat tout à fait anglophone. Ainsi, les provinces, qui ont juridiction dans le domaine scolaire, pourront accorder aux Francophones des cours d'immersion, des classes françaises dans des écoles anglaises, des écoles bilingues et prétendre répondre aux exigences du paragraphe 3a de l'article 23. Ce serait le statu quo face à ce qui existe maintenant dans la plupart des provinces.

Heureusement, le paragraphe 3 du même article, accordant le droit d'enseignement à même les fonds publics, garantit des établissements d'enseignement de la minorité linguistique française mais toujours "là où le nombre le justifie". Il est cependant pertinent de se demander si l'exercice de ce droit permettra aux Francophones d'établir leurs commissions scolaires? Et comment permettra-t-il aux minorités françaises de contrôler leur système d'éducation face à la structure gouvernementale forcément anglophone?

Comme dans le domaine du bilinguisme au sein des institutions fédérales, l'exercice du droit à l'enseignement dans la langue de la minorité devra être précisé par les tribunaux ce qui impliquera des coûts élevés pour ceux qui voudront s'en prévaloir. Les réticences des provinces à majorité anglophone qui auront à assurer les fonds nécessaires ne laissent pas prévoir un exercice facile de ce droit pour les

minorités francophones. L'histoire des luttes acharnées des minorités francophones pour obtenir quelques heures d'enseignement en français ici, des écoles mixtes là, ou des écoles françaises dans certaines provinces nous invite à beaucoup de réalisme.

Les droits garantis par la nouvelle Constitution demeurent donc largement en deçà des revendications que font entendre depuis plusieurs années les minorités francophones. La Charte des droits s'avère insuffisante dans son ensemble pour garantir les droits linguistiques individuels et collectifs des Francophones hors Québec. Faut-il, comme le proclamaient les hérauts de la Constitution, voir dans cette Charte des droits les débuts d'un processus qui mènera les minorités francophones vers une reconnaissance de leur droits et leur permettra éventuellement de contrôler leur développement? Plus important, que feront les Francophones hors Québec maintenant que la Constitution à été "canadianisée"?

De toute évidence, la situation démographique des Francophones hors Québec ne s'est pas améliorée. Les ravages de l'assimilation n'ont pas été contrés par les efforts de regroupements et d'organisations qu'ont déployés les minorités francophones depuis la publication de l'ouvrage "Les héritiers de Lord Durham".

Les leviers de développement qu'elles ont commencé à se donner demeurent très fragiles dans les domaines aussi vitaux que l'économie, les communications, les services sociaux et communautaires. Les énergies qu'ont déployées les minorités francophones et les efforts qu'elles continuent de dépenser pour sensibiliser les gouvernements provinciaux à leurs besoins restent à peu près sans réponse à l'exception du Nouveau-Brunswick et, éventuellement "peut-être" le Manitoba.

Dans la situation où les place la Constitution, les minorités francophones devront, comme par le passé, puiser en elles-mêmes les ressources pour se donner les mécanismes nécessaires à leur développement. Elles devront recourir aux tribunaux pour faire appliquer de la façon la plus large possible les droits que leur reconnaît la Charte des droits linguistiques. Leurs efforts devront à nouveau se porter vers les législatures et vers les politiciens pour faire reconnaître, dans les modifications constitutionnelles à venir, les droits qui leur reviennent.

La ténacité et la détermination que les minorités francophones ont démontrées dans le passé pour survivre et se maintenir malgré les oppositions soutenues et l'environnement souvent hostile demeurent le moteur de leur action.

Richard Chevrier

René-Marie Paiement

NOTES POUR UNE PRÉSENTATION DE MLLE JEANNINE SÉGUIN. PRÉSIDENTE DE LA FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC AU COMITÉ MIXTE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES COMMUNES SUR LES LANGUES OFFICIELLES

Le mardi 1er mars 1983

Nous apprécions grandement l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui de venir faire part aux honorables députés et sénateurs des modifications que nous estimons nécessaires à la Loi sur les langues officielles.

Nous sommes heureux de constater, à la lecture des modifications proposées à la Loi sur les langues officielles par le comité, qu'un certain nombre de suggestions que nous avions formulées devant ce comité en mars 1981 ont été retenues, en particulier pour ce qui est de la primauté de la Loi sur les langues officielles sur les autres lois et de la nécessité d'inclure le concept d'offre active de service.

Nous aimerions toutefois saisir le comité de quelques autres modifications qui seraient de nature à bonifier l'esprit et la lettre de la Loi et, par la suite, nous pourrons répondre à vos questions.

Nous sommes d'accord avec le comité pour établir la nature déclaratoire et exécutoire de la Loi sur les langues officielles.

Nous sommes d'avis également que pour assurer la nature déclaratoire et exécutoire de la Loi, il importe de renforcer l'autorité, les pouvoirs et l'autonomie du Commissaire aux langues officielles face à l'appareil bureaucratique. Un bon nombre des modifications que nous proposons s'inscrivent d'ailleurs dans cette perspective.

A l'article 4 portant sur les actes du pouvoir législatif, nous croyons nécessaire que la décision de l'autorité à l'effet que l'urgence de l'établissement d'une règle, d'une ordonnance, d'un décret, d'un règlement ou d'une proclamation dans les deux langues officielles entraîne un retard préjudiciable à l'intérêt public, soit soumise à l'approbation du Commissaire aux langues officielles. La même règle devrait s'appliquer selon nous à l'article 5.(2).

A l'article 7 portant sur l'impression d'avis et d'annonces, nous suggérons de supprimer le passage "de la région de la Capitale nationale ou d'un district bilingue fédéral créé en vertu de la présente Loi". Ceci serait de nature à conférer à cet article une valeur moins limitative et permettrait la publication de ces avis et de ces annonces à l'échelle du pays et non seulement dans la région de la Capitale nationale.

A l'article 9, nous souscrivons en majeure partie aux recommandations du comité voulant intégrer les concepts "là où la demande est importante et/ou là où le nombre le justifie". Nous rappelons toutefois que ces concepts devront être interprétés de façon généreuse par les ministères et organismes fédéraux et leurs filiales en ce qui a trait à la prestation des services en langue française à l'extérieur des régions bilingues. Nous croyons également que l'intégration, dans la loi, du concept de l'offre active de service, inciterait les Francophones à se prévaloir des services en français et pourrait résulter en une utilisation accrue des services en langue française. Par contre, à l'article 9, nous supprimerions les passages suivants: "ouverts dans un district bilingue fédéral" et "dans la mesure où il leur est possible de le faire".

A l'article 10, pour éviter que continuent à perdurer indûment des services aux voyageurs encore trop souvent unilingues anglais, nous suggérons de supprimer l'article 10.(3).

Pour ce qui est des articles 12 à 18 sur les districts bilingues nous sommes d'avis, à l'instar du comité, que ces articles-ci devraient être abrogés. Nous croyons qu'il existe d'autres moyens d'assurer des services en langue française aux Francophones vivant à l'extérieur du Québec.

Les articles 19 à 34 qui font allusion au mandat et aux attributions du Commissaire aux langues officielles nous apparaissent de toute première importance. Nous avons à ce sujet quelques observations à faire. Comme nous le mentionnions précédemment, dans la mesure où l'on veut consacrer la primauté de la Loi sur les langues officielles et conférer à l'article 2 une valeur déclaratoire et exécutoire, il importe que le législateur se donne les moyens d'assurer la mise en oeuvre effective de la Loi. Nous pensons qu'un de ces moyens consiste à accroître les pouvoirs d'intervention actuellement consentis au Commissaire aux langues officielles.

Si nous sommes d'accord avec la recommandation du Commissaire concernant l'article 28 à l'effet que celui-ci pourrait tenir une audience publique relativement à toute instruction sur le statut des langues officielles, nous pensons toutefois qu'il faut accorder au Commissaire, suite à l'instruction d'une plainte, le pouvoir d'émettre des directives exécutoires pour solutionner les infractions à la Loi sur les langues officielles. Ainsi, aux articles 30 à 33, il est nécessaire d'ajouter les dispositions suivantes: que lorsqu'un ministère, organisme ou institution fédéral déroge aux dispositions de la Loi, la responsabilité de fixer un échéancier et d'émettre les directives pour apporter les correctifs appropriés, soit confiée au Commissaire. La responsabilité d'appliquer les directives du Commissaire et de faire en sorte que l'échéancier fixé pour apporter des correctifs soit respecté devrait être spécifiquement attribuée dans la loi au sous-chef ou autre chef administratif de tout ministère, département ou institution mis en cause.

Nous avons été à même de constater, au cours des dernières années, la bureaucratisation de la réforme linguistique ainsi que l'absence d'imputabilité des hauts gestionnaires de la fonction publique, dans le cadre de cette réforme, face au Parlement. Par conséquent, nous réitérons le souhait que le comité mixte sur les langues officielles devienne un comité permanent pour permettre aux députés et aux sénateurs de suivre plus efficacement cette question.

Pour ce qui est des rapports annuels du Commissaire, nous sommes d'avis que dans les 30 jours suivant le dépôt du rapport au Parlement, le comité mixte sur les langues officielles devrait se pencher sur les recommandations à présenter au Parlement face aux problèmes identifiés par le Commissaire. Le gouvernement devrait également s'engager à réagir formellement aux recommandations que lui ferait le comité et définir les actions qu'il entend prendre.

Enfin, en ce qui a trait à la durée du mandat du Commissaire, nous favorisons plutôt un mandat de cinq ans avec possibilité de renouvellement pour un autre cinq ans.

A l'article 35, nous croyons nécessaire d'ajouter deux passages au libellé proposé par le comité. Après la mention "où il y a une demande importante", ajouter: "et/ou là où le nombre le justifie; après la mention "Commissaire aux langues officielles", ajouter: "après consultation avec les organismes porte-parole des minorités de langue officielle".

A la lumière de la vérification linguistique qu'a rendue publique la semaine dernière le bureau du Commissaire, sur la question de la langue de travail, nous ne pouvons faire autrement que de souscrire aux recommandations suivantes contenues dans le 4ième rapport du comité:

"Que la Loi sur les langues officielles soit amendée de façon à inclure un article stipulant que les deux groupes de langues officielles du Canada doivent être représentés équitablement au sein des institutions du Parlement et du gouvernement du Canada, et ce, à tous les échelons".

et

"Que la Loi sur les langues officielles soit amendée de façon à inclure un article stipulant que les employés des ministères, organismes et sociétés de la Couronne devraient pouvoir, sujet aux dispositions de la Loi sur les langues officielles relatives aux services à donner au public, accomplir leurs fonctions dans la langue officielle de leur choix".

A l'article 38, nous sommes en désaccord avec la proposition du Commissaire "d'étudier la possibilité de modifier la Loi sur les langues officielles afin qu'elle soit interprétée comme favorisant le maintien et l'épanouissement des autres langues parlées au Canada". Bien que nous ne nous opposions pas au développement du patrimoine multiculturel, nous pensons que le Commissaire a amplement de travail dans le dossier des langues officielles et de la réforme linguistique au sein des institutions fédérales. Il existe à l'heure actuelle un ministère d'État au multiculturalisme dont la première responsabilité est, sauf erreur, de favoriser le maintien et l'épanouissement du patrimoine multiculturel. De plus, l'article 27 de la Charte des droits et des libertés garantit la promotion, le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel. En somme, nous ne croyons pas qu'il relève du mandat du Commissaire de s'occuper de ces questions et nous recommandons de supprimer l'article 38 de la Loi sur les langues officielles.

La dernière observation que nous voulons faire concerne la question des ententes fédérales-provinciales. Pour nous il est important que les ententes fédérales-provinciales soient non pas seulement rédigées dans les deux langues officielles mais également qu'elles comportent des dispositions précises pour qu'une partie des sommes versées aux provinces dans le cadre de l'éducation, des services de santé ou du développement économique par exemple, servent à développer des programmes et des services dans la langue de la minorité de langue officielle.

Nous espérons que ces quelques suggestions sauront alimenter la réflexion du comité sur l'important dossier des langues officielles. Nous souhaitons d'ailleurs avoir l'occasion de revenir devant les membres du comité pour aborder d'autres aspects de la réforme linguistique.

Nous sommes tout disposés à répondre maintenant aux questions qu'a pu soulever notre présentation.

LA POSITION CONSTITUTIONNELLE DU QUÉBEC DEMEURE AMBIGUË FACE À L'ARTICLE 23

Mesdames et messieurs,

Le gouvernement du Québec vient d'énoncer la position qu'il entend prendre dans ses négociations avec le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux qui pourraient l'amener à signer l'accord constitutionnel de 1982.

Mesdames et messieurs, je suis le président de la Fédération nationale des francophones hors Québec qui représentent plus de 12% de la population francophone du canada» les représentants de quelque vingt organismes francophones nationaux et provinciaux se sont rendus, comme moi, à québec pour assister à la présentation du premier ministre du québec. nous répondions à une invitation du gouvernement du Québec pour laquelle nous le remercions.

La présence d'autant de représentants des communautés francophones hors Québec montre toute l'importance que nous accordons à la position du québec. elle témoigne aussi de notre intérêt dans ces négociations que le québec entreprend en vue de signer l'accord de 1982.

Cet accord, signé par tous les gouvernements, sauf le gouvernement du québec, à donné aux francophones hors québec leur seule garantie de la reconnaissance de leurs droits, et plus spécifiquement de leurs droits scolaires. il s'agit de l'article 23 qui reconnaît aux enfants de parents de langue maternelle française le droit à leurs écoles et le droit à la gestion de leurs écoles» mettre en danger cet article 23, c'est miner les possibilités de développement et de survie de nos communautés de langue officielle.

Les Francophones hors Québec dont les luttes pour faire reconnaître leurs droits remontent à fort loin dans l'histoire n'entendent pas renoncer facilement aux droits que leur reconnaît l'article 23.

En proposant de réouvrir le débat sur cet article 23, comme condition de sa signature de l'accord de 1982, le québec remet en question ce droit fraÎchement acquis des francoPHONES hors Québec. L'opting out proposé par le Québec face À cet article invite, selon nous, les différents gouvernements provinciaux à remettre en cause leur engagement de 1982 face à leur minorité de langue officielle.

Nous pouvons affirmer ceci avec d'autant plus d'assurance que l'application pratique des dispositions de cet article 23 dans la grande majorité des provinces n'est pas encore faite et rencontre toutes sortes d'obstacles dont le premier est l'absence de volonté politique de nos gouvernements provinciaux.

Nous reconnaissons que, dans sa position constitutionnelle, le Québec a tenté de sauvegarder ses intérêts tout en essayant de ne pas remettre en question la seule garantie constitutionnelle des communautés francophones hors québec.

Malheureusement, l'ambiguïté de cette position, du Québec, conjuguée à l'absence d'une volonté politique de la part de nos gouvernements provinciaux, place les francophones hors québec dans une situation de faiblesse dans le contexte canadien. Nous sommes justifiés par l'agir historique de nos gouvernements de penser que, même si l'article 23 n'allait pas être diminué dans sa formulation, il restera lettre morte dans son application. la justification de cette inertie des gouvernements viendra, entre autres, de la position constitutionnelle du québec qui n'a pas su se faire le défenseur de la francophonie canadienne.

Malgré leur déception devant la position ambiguë du Québec, les Francophones hors Québec restent attachés à leur culture» Ils restent attachés au Québec qui continue d'Être pour eux le foyer de la culture française au canada et le lieu de leur ressourcement.

Les Francophones hors Québec doivent donc compter plus que jamais sur leurs propres ressources, si diminuées soientelles, pour assurer leur développement. Ils peuvent compter sur l'engagement pris par le Premier ministre du Canada, monsieur Brian Mulroney, dans son Discours du Trône à l'effet que son gouvernement allait assurer le renforcement de la dualité linguistique au canada et prendre les moyens nécessaires pour assurer le développement des communautés de langue officielle.

Les Francophones hors Québec doivent aussi pouvoir compter malgré les divergences, sur la vitalité du Québec. Ils lancent donc un appel, au-delà de la position constitutionnelle du gouvernement du québec, à tous les québécois et à toutes les quebecoises, a toutes les institutions quebecoises quels que soient leurs champs d'activites pour un appui dans leurs efforts non seulement de survie mais de développement.

Je vous remercie. Je répondrai maintenant à vos questions.

POSITION DE LA FFHQ NÉGOCIATIONS CONSTITUTIONNELLES QUÉBEC/OTTAWA

L'article 23 de la Charte sera à l'ordre du Jour des prochaines négociations constitutionnelles entre le Québec et le gouvernement fédéral .

L'importance de cet article pour la communauté francophone hors-Québec nécessite la préparation d'une position de la F.F.H.Q. et de ses membres, afin que les intérêts des Francophones hors Québec, soient compris et considérés lors de ces négociations . La Fédération doit développer une position indépendante et conforme à ces intérêts . Le maintien et le renforcement, partout au pays, d'écoles homogènes françaises gérées par les francophones ne semble pas pouvoir se concrétiser sans le support d'une garantie constitutionnelle qui permet d'obtenir des jugements favorables . La position de la Fédération doit donc insister sur l'importance fondamentale d'un droit constitutionnel réel et exécutoire, et non d'une simple déclaration de principe . L'article 23, malgré ses imperfections, représente uns telle garantis et on ne doit pas en modifier la substance ni les éléments qui en permettent une interprétation généreuse . Le réécrire ouvrirait la porte à une diminution de son contenu, car les provinces, qui n'ont guère réagi depuis l'adoption de la Charte, seraient sans doute fort satisfaites de revenir au régime de St-Andrews de 1977, où elles ne s'engageaient qu'à des efforts pour assurer les droits scolaires de leur minorité où le nom bre le justifiait . Le poids politique actuel des francophones hors Québec ne leur permet pas d'espérer infléchir l'un des protagonistes vers uns. rédaction de 23 plus favorable aux Minorités. Le comité ad hoc estime donc qu'il faut chercher à travailler à l'intérieur du texte actuel de 23 .

Le comité propose deux scénarios à la Fédération.

Premier scénario

Le droit constitutionnel à l'éducation et à la gestion des écoles est fondamental pour les Francophones hors Québec . Après avoir longtemps lutté pour le maintien de ces écoles, ils ont enfin obtenu la reconnaissance de ce droit . Ils ne peuvent accepter aucune mesure susceptible de diminuer cette garantie .

La F.F.H.Q. n'a donc rien à négocier avec le Québec Ses intérêts ne sont pas desservis par une diminution de la portée de 23 au Québec . Le parallèle entre le sort réservé à la minorité anglophone du Québec et à la la Cour Suprême du Canada. Le Québec doit donc appliquer 23 sur son territoire aussi complètement que ne doivent le faire les autres provinces .

Avantage: Cette position permet le maintien du minimum déjà obtenu jusqu'au développement d'une Jurisprudence plus complète . Elle contrebalance l'attitude et la stratégie du Québec qui vise à consacrer la réalité d'un Québec français dans un Canada anglais.

Inconvénient :Cette position manifeste un durcissement et va attirer une réaction négative de Québec ..Elle reflète une attitude défensive . La réaction d'Ottawa est difficile à évaluer, elle dépend du degré d'empressement de M. Mulroney de signer un accord avec Québec. Mais puisqu'il donne l'impression d'être ouvert à la négociation, il incitera la Fédération à plus de souplesse .

Deuxième scénario :

Le droit constitutionnel à l'éducation et à la gestion des écoles est fondamental pour les francophones hors Québec . Après avoir longtemps lutté pour le maintien de ces écoles, ils ont enfin obtenu la reconnaissance de ce droit. Ils ne peuvent accepter aucune mesure susceptible de diminuer cette garantie.

Les francophones hors Québec sont particulièrement intéressés car l'application du paragraphe 23(1) qui garantit des écoles homogènes aux enfants de parents de langue maternelle française ou de ceux qui ont fait leurs études primaires en français au Canada (clause Canada) ainsi que par la portée de l'alinéa 23(3)(b) qui confirme le droit aux écoles et le droit de gestion. Si le Québec est prêt ;

  1. A reconnaître la nécessité et l'importance d'une garantie constitutionnelle du droit à l'instruction dans la langue de la minorité, du droit aux écoles homogènes et du droit de gestion des minorités ;
  1. A accepter en conséquence d'appliquer sur son territoire les paragraphes 23 (l) et 23(3)(b) ;
  1. À faire pression pour que l'on supprime la condition de nombre à 23 (3)(a) puisque le nombre minimal au Québec est un élève ;

La Fédération est prête à:

  • reconnaître que le Québec a besoin de flexibilité en matière de droits linguistiques et scolaires, sous réserve de la protection de sa minorité anglophone venant d'ailleurs au Canada ou du Québec ;
  • Reconna£tre que le Québec doit contrôler et intégrer ses immigrants qui ne sont pas couverts par le paragraphe 23(1) et supporter le Québec s'il demande l'exemption du paragraphe 23(2) ou sa suppression,

Avantage : Sans sacrifier le principe le plus important, cette position manifeste une attention envers les griefs du Québec et constitue une position négociée : chacun doit faire une part de concession.

Inconvénient: Cette position va aliéner Alliance Québec qui tient beaucoup à 23(2). Elle ne permet pas de faire maximum que peut offrir la fédération .

Recommandation :

Le comité recommande que la Fédération adopte une position plus proche de la seconde option que de la première . En effet, cette position préserve les intérêts des francophones tout en permettant une négociation .

La Fédération doit clairement faire comprendre tant au Québec qu'à Ottawa qu'il n'est "pas question de reculer sur le principe de l'enchâssement des droits et que le parallèle entre les deux minorités de langues officielles doit être respecté. La Fédération doit aussi faire comprendre que les compromis qu'elle accepte ne nuisent pas à ses intérêts fondamentaux.

Si Québec n'accepte que la clause Canada, il doit aussi accepter 23 (3)(b); son exclusion du critère de la langue maternelle n'a pas nul, jusqu'ici, au développement de la Jurisprudence mais son acceptation donnerait encore plus de poids au concept le plus important pour les francophones hors Québec, qui n'est pas l'accès mais bien le caractère homogène des écoles .

La souplesse nécessaire à de telles négociations ne doit aucunement, répétons-le, mener au sacrifice de garanties essentielles pour notre survie .

ANNEXE 2 : Position de la F.F.H.Q. sur l'article 23

Scénario 1

L'article 23 représente la seule garantie constitutionnelle pour le maintien, le renforcement et l'établissement partout au pays, d'écoles homogènes françaises gérées par les Francophones.

Réouvrir l'article 23 à des négociations avec les provinces peut signifier un retour en arrière pour les Francophones hors Québec» L'inertie des provinces à appliquer l'article 23 depuis l'adoption de la Charte des droits et libertés ne permet pas d'espérer qu'elles seraient maintenant plus généreuses pour leur minorité de langue officielle qu'elles ne l'ont été jusqu'ici.

L'annonce de la position constitutionnelle du Québec ne doit donc, en aucune façon, remettre en cause ce droit constitutionnel des Francophones hors Québec. Il est, au contraire, nécessaire pour les Francophones hors Québec d'insister sur le caractère réel et exécutoire de cette disposition de la Constitution canadienne, tout en reconnaissant, par ailleurs, au Québec le droit de renforcer son statut au sein de la Fédération canadienne.

La position du Québec en ce qui touche la Constitution risque de remettre en cause l'article 23 et de nuire aux intérêts fondamentaux des Francophones hors Québec. En conséquence, la F.F.H.Q. s'oppose, avec regret, à une telle position. L'article 23 doit demeurer intact et entier.

Scénario 2

L'article 23 représente la seule garantie constitutionnelle pour le maintien, le renforcement et l'établissement, partout au pays, d'écoles homogènes françaises, gérées par les Francophones.

Dans la mesure où le Québec reconnaît l'importance de cette garantie constitutionnelle, qu'il accepte en conséquence d'appliquer sur son territoire 23 (1) (clause Canada) et 23 (3) (b) (droit à l'école et la gestion) et qu'il est prêt à faire pression pour supprimer 23 (3) (A) (là ou le nombre le justifie), la Fédération, de son côté, est prête à accepter d'appuyer le besoin de flexibilité en matière de droits linguistiques et scolaires du Québec et de supporter le Québec dans sa demande d'exemption de (23) (2) ou de sa suppression ainsi que dans sa demande de plus de contrôle dans l'intégration des immigrants non couverts par 23 (1).

Vu que la position constitutionnelle du Québec, telle que présentée aujourd'hui, affirme le maintien de l'article 23 dans ce qu'il contient d'essentiel pour les Francophones hors Québec, la Fédération trouve normal de l'appuyer.

Pour diffusion immédiate

Le vendredi 11 mars 1983

À QUAND UNE CONFÉRENCE SUR LES DROITS LINGUISTIQUES DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC?

OTTAWA - La présidente de la F.F.H.Q., Mlle Jeannine Séguin, se réjouit et appuie la tenue de la conférence fédérale-provinciale sur les droits des autochtones et souhaite que les pourparlers qui se tiendront les 15 et 16 mars à Ottawa soient des plus fructueux.

Pour Mlle Séguin, cette rencontre entre les leaders des communautés autochtones, les premiers ministres provinciaux et le premier ministre canadien, crée un précédent intéressant. Il est à souhaiter, aux dires de la présidente de la F.F.H.Q., qu'une conférence fédérale-provinciale où l'on discuterait de la situation et des droits linguistiques des Francophones hors Québec soit organisée dans un avenir rapproché.

"D'ailleurs, a précisé Mlle Séguin, le Premier ministre Trudeau, les premiers ministres Hatfield et Pawley, le chef du Nouveau Parti Démocratique, M. Ed Broadbent, le député d'Ottawa-Vanier aux Communes, M. Jean-Robert Gauthier et d'autres, ont appuyé, au cours des derniers mois, l'idée d'inclure la question des droits linguistiques dans le cadre d'une conférence fédérale-provinciale."

Pour Mlle Séguin, une telle conférence pourrait permettre de discuter le type d'aide que le gouvernement fédéral est prêt à consentir pour aider les provinces a accroître de façon effective les droits et les services à leur minorité francophone. Ce serait également l'occasion, pour les premiers ministres provinciaux des provinces à majorité anglophone, de faire part à la population canadienne des programmes qu'ils entendent mettre en oeuvre pour assurer le développement et l'épanouissement de leur communauté de langue et du culture françaises.

"Les Francophones hors Québec se demandent, à juste titre, ce que certains gouvernements provinciaux ont fait, depuis la promulgation de la Charte des droits et libertés en avril 1982, pour améliorer le statut de la langue française dans leur province respective." À toutes fins pratiques, aux dires de Mlle Séguin, la question des droits linguistiques reste donc d'actualité et il est à espérer que cette question sera abordée lors d'une prochaine conférence fédérale-provinciale, de conclure Mlle Séguin.

Pour diffusion immédiate

Le 7 mars 1984

LES PREMIERS MINISTRES PROVINCIAUX CONTINUERONT-ILS À SABOTER L'UNITÉ NATIONALE?

OTTAWA - Le président de la Fédération des Francophones hors Québec, M. Léo LeTourneau, incite le Premier ministre Trudeau a relancer le débat national sur l'unité canadienne auprès de ses homologues provinciaux à l'occasion de la rencontre fédérale-provinciale sur les droits des Autochtones.

Selon la F.F.H.Q., il est prématuré de conclure, comme l'a fait cette semaine M. Trudeau, que le processus de bilinguisation au Canada est irréversible. Le refus de la plupart des premiers ministres provinciaux de traduire leur engagement constitutionnel de 1981 dans des amendements constitutionnels qui reconnaîtraient un statut officiel aux minorités francophones hors Québec et leur garantiraient des services en langue française en fournit une démonstration fort claire.

Il est évident, selon M. LeTourneau, que les services qui affectent davantage le vécu quotidien des communautés francophones relèvent d'abord des gouvernements provinciaux et municipaux. Et c'est à ces niveaux qu'il y a le moins de volonté politique pour reconnaître leurs droits et accorder des services de base aux communautés francophones.

Toujours selon M. LeTourneau, il appartient aux gouvernements provinciaux de montrer leur bonne foi en fournissant aux communautés francophones des services d'une qualité équivalente à celle des services qu'ils donnent à la majorité dans les domaines de l'éducation, de la santé, des services sociaux, des communications, de la culture, de l'économie, du juridique, etc.

L'avenir des communautés francophones hors Québec est lié à de tels services et au développement d'institutions qui leur soient propres dans ces différents domaines. On ne pourra parler d'une unité nationale qui a du sens que lorsque les communautés francophones hors Québec bénéficieront de services institutionnels adéquats garantis.

La Fédération demande donc à M. Trudeau de s'assurer que l'ensemble des fonds accordés par le fédéral aux provinces favorisent l'implantation du bilinguisme au Canada.

"Il est essentiel, affirme M. LeTourneau, que ces fonds fédéraux accordés aux provinces servent au développement de services en langue française et répondent aux besoins des communautés francophones hors Québec. Ça se fait déjà dans le domaine de l'éducation. Pourquoi est-ce que ça ne se ferait pas dans les domaines de la santé, du développement régional, des communications, de l'emploi, etc.?".

"Le gouvernement fédéral se doit d'exercer un leadership ferme dans le dialogue avec les provinces en vue d'assurer une véritable égalité linguistique partout au Canada", de conclure M. LeTourneau.

DOSSIER CONSTITUTIONNEL

JUIN 1984

Ce dossier recouvre trois réalités: l'élargissement des droits garantis aux Francophones hors Québec dans la Constitution canadienne, l'application des droits déjà enchâssés dans la Charte des droits et les recours pour en forcer l'application à savoir les tribunaux.

Dans les mois qui viennent, la Fédération entend développer une stratégie qui accélère le processus d'application de la Charte, multiplier les recours devant les tribunaux et obtenir une plus grande disponibilité de fonds pour permettre aux citoyens canadiens de langue officielle d'utiliser ces recours.

Sans négliger l'élargissement des droits dans la Constitution, il faut davantage viser l'obtention de services en français des gouvernements provinciaux et revendiquer la reconnaissance officielle du français au niveau des provinces. (Exemple; la lutte du Manitoba et la Loi C-26).

Du côté de la Fédération

La Fédération propose un projet d'information sur l'article 23 de la Charte des droits qui comprendrait une série de dix articles à paraître dans les hebdos de septembre à novembre 1984.

La Fédération tentera de faire augmenter les fonds disponibles au Programme d'aide juridique du Secrétariat d'État pour aider les Francophones hors Québec qui désireraient présenter leur cause devant les tribunaux en fonction de la Charte des droits. Elle visera dans un même temps à faire simplifier les procédures d'accès à ces fonds.

La Fédération se propose de maintenir des consultants juridiques à la disposition des membres ou de groupes qui désireraient initier des causes devant les tribunaux et d'encourager ses membres à retenir les services de procureurs capables de plaider en langue française.

La Fédération se propose d'être plus active au niveau des différentes causes plus tôt dans leur déroulement dans la mesure où cette contribution sera voulue et demandée. Elle serait prête à intervenir à titre de co-requérante dans ces causes dès les premières cours pour appuyer concrètement les membres ou les groupes impliqués dans une telle démarche.

La Fédération continuera de diffuser l'information concernant ces causes auprès des membres et de répondre aux demandes d'information ou de documentation.

La Fédération entend susciter des requêtes devant les tribunaux qu'il s'agisse de droits scolaires ou d'application de la Charte des droits linguistiques dans son ensemble.

En conclusion, la Fédération veut accélérer le développement de ce dossier et mettre les énergies nécessaires pour en planifier et alimenter le déroulement avec les membres.

Du côte des provinces

L'action concrète en ce qui touche l'application des droits inscrits dans la Charte des droits ainsi que les recours devant les tribunaux originent dans les communautés.

Les associations provinciales membres de la Fédération devraient activer leurs interventions dans les communautés pour :

  • accroître les demandes de services en français auprès des gouvernements;
  • susciter des recours juridiques en fonction de la Charte des droits linguistiques qu'il s'agisse de droits linguistiques ou scolaires ;
  • initier des causes juridiques quand la situation le demande ;
  • informer les communautés sur les droits que leur reconnaît la Constitution canadienne ;
  • revendiquer la reconnaissance officielle du français dans les provinces qui ne l'ont pas encore fait.

Les associations provinciales devraient activer le dossier constitutionnel au niveau de leur province en :

  • développant un contenu constitutionnel en fonction de leurs communautés ;
  • en planifiant une stratégie d'action auprès du gouvernement pour obtenir des services en français et faire reconnaître le français officiellement;
  • en coordonnant l'action constitutionnelle dans les communautés et au niveau des groupes ;
  • en impliquant la Fédération partout où c'est possible;
  • en diffusant une information pertinente sur les droits constitutionnels des Francophones hors Québec ;
  • en donnant de la visibilité à la question linguistique.

Conclusion

Ce qu'une province obtient de son gouvernement sert aux autres.

Une action coordonnée et planifiée produit des résultats et ces résultats gagnent d'être diffusés.

Le dossier constitutionnel est essentiel au développement des communautés puisqu'il leur assure, si mené à terme, une reconnaissance qui leur permet de se développer sur tous les plans.

La lutte juridique ne diminue en rien la nécessité d'une lutte politique bien orchestrée ; elle lui fournit un levier essentiel.

MÉMOIRE PRÉSENTÉ PAR LA FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC DEVANT LE COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR L'ENTENTE CONSTITUTIONNELLE DE 1987.

Juillet 1987

Membres du Comité,

La Fédération des francophones hors Québec est heureuse de se présenter devant vous aujourd'hui pour faire part de ses commentaires à l'endroit de l'accord constitutionnel signé le 3 juin dernier par les onze premiers ministres. La FFHQ a suivi avec attention tout le processus des négociations constitutionnelles et a livré publiquement ses réflexions et ses demandes pour que le texte de l'entente réponde le plus précisément possible aux besoins et aspirations des francophones de l'extérieur du Québec.

La mise sur pied de votre comité par le gouvernement fédéral nous apparaît donc comme une nouvelle étape des discussions qui. permettront, nous l'espérons, d'améliorer le texte de l'accord constitutionnel.

Tout d'abord, nous croyons que l'alinéa 2.(1) a), qui rend les francophones de l'extérieur du Québec "présents" dans le reste du pays, a une portée restrictive. Le texte restreint de façon très considérable le concept de la dualité canadienne en ramenant la reconnaissance des communautés, initialement proposée par la rencontre du Lac Meech, à la reconnaissance de l'existence de personnes d'expression française ou anglaise. De cette façon, nous croyons que la formulation de "Canadiens d'expression française" comporte un danger.

La difficulté que comporte la formulation actuelle réside dans le fait que la dualité canadienne coincide avec la notion de langues officielles, mais ne la complète pas. S'il y a reconnaissance de deux langues officielles c'est parce qu'une réalité culturelle et sociologique le rend nécessaire. La dualité doit être référable à l'existence de deux grandes communautés culturelles dont la permanence constitue une condition essentielle à la fédération canadienne. La politique des langues est un instrument devant assurer la pleine participation des communautés de langues officielles aux affaires de l'État.

La conséquence de ceci donnerait une interprétation de la Loi constitutionnelle qui favoriserait la permanence et. la pleine, participation des minorités de langue officielle.

Une règle d'interprétation qui serait fondée sur la reconnaissance de collectivités ou de communautés traduirait de façon plus juste l'objectif que nous venons de présenter.

À l'heure actuelle il existe une seule règle d'interprétation: l'article27. Cet article n'est pas adapté à la réalisation de l'objectif que nous venons de décrire, À la rigueur, il pourrait être interprété de façon à faire obstacle à la reconnaissance véritable de la dualité canadienne. Il nous parait nécessaire de formuler de façon aussi positive et certaine le concept de dualité que le concept de multiculturalisme inscrit à l'article 27 de la

Charte canadienne de sorte à y faire contrepoids. Les droits scolaires de la minorité doivent être interprétés de façon à assurer sa survie culturelle et pas seulement l°accès à un enseignement en langue française hors du Québec. Le droit d'utiliser le français en cour doit être interprété comme permettant à la minorité d'avoir un accès égal aux tribunaux dans sa langue. Ces besoins sont différents de ceux que véhicule l'article 27 qui emploi pourtant, les termes promotion et valorisation pour définir la règle d'interprétation constitutionnelle favorisant le respect de Le respect de toutes les cultures.

La reformulation est d'autant plus nécessaire que les tribunaux est jusqu'ici interprété de façon restrictive les droits linguistiques contenus dans la Charte, canadienne des droits et libertés et nous estimons qu'il pourrait en être de même dans l'avenir avec l'alinéa 2 (1)a).

En deuxième lieu, la FFHQ s'inquiète sérieusement du paragraphe 2.(2). Ça dernier impose au Parlement du Canada et aux législatures provinciales le râle de protéger la caractéristique fondamentale du pays. Cette obligation assurera, dans le scénario le plus optimiste, la permanence de personnes d'expression française à l'extérieur du Québec. En d'autres termes, la protection contre des. mesures qui favoriseraient l'assimilation; c'est-à-dire au mieux le statu quo. C'est pourquoi nous voudrions voir inscrit le rôle de promotion ce qui permettrait de modifier le statu quo

Les francophones de l'extérieur du Québec ne peuvent pas compter uniquement sur une propension naturelle des instances politiques à s'engager à faire la promotion de la caractéristique fondamentale du Canada.

Malheureusement, les événements des dernières semaines viennent confirmer cet état de fait. Ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Léo Piquette en Alberta est la manifestation la plus flagrante du chemin qui reste à parcourir pour donner au français, dans la réalité, le même statut d'égalité que l'anglais. Non seulement le comité législatif de l'Alberta a-t-il sommé le député Piquette de s ' excuser pour avoir posé une question en français à l'assemblée de cette province (question qu'il n'a d'ailleurs pu jamais compléter), pire encore, on a mis le français sur le même pied que toutes les langues étrangères. Ce. n'est pourtant pas le sens de la définition de la caractéristique fondamentale du pays.

Si le projet de Loi sur les langues officielles déposée en juin dernier prévoit que le Parlement fédéral devra assurer la promotion et le développement des communautés de langue officielle, ce dont nous sommes satisfaits, il n'y a rien qui empêche d'inscrire ce principe dans le document sur lequel s'établissent les fondements mêmes de notre pays, à savoir la Constitution.

L'importance d'inscrire l'obligation de promotion est accentué par le fait qu'on a inscrit dans l'accord le paragraphe 2.(4), qui n'existait pas dans l'entente du 30 avril. Ce paragraphe confirme en effet que le paragraphe 2. (2) ne crée aucun droit substantif additionnel en matière de droits linguistiques qui seraient opposables aux législatures provinciales et au Parlement fédéral. Les pouvoirs et prérogatives des provinces et du Parlement demeurent intacts. Que resta-t-il de la clause interprétative dans ce cas? À quoi l'appliquer? Tout au plus, elle va servir à interpréter les droits linguistiques inscrits dans la Constitution. Or, ces droits sont limités à trois provinces, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et le Québec.

La fragilité des communautés francophones s'est encore démontrée avec la publication récente des données statistiques sur la langue maternelle qui ont révélé à nouveau une baisse du nombre de francophones au pays. Cette fragilité oblige donc des garanties constitutionnelles qui soient fortes et qui engagent à des obligations positives. S'il est vrai de dire que la langue française est menacée au Québec, cela est doublement plus criant de vérité encore pour las communautés francophones de l'extérieur du Québec.

En troisième lieu, nous sommes heureux que les discussions du Lac Meech et la ratification éventuelle de l'accord du 3 juin ramèneront le Québec dans le giron familial du Canada, comme l'avait souligné le Premier Ministre Mulroney, "dans l'honneur et la dignité".

"L'erreur" historique de 1982 s'est corrigée en 1987 par une volonté politique nationale de reconnaître le caractère distinct du Québec. L'une des faiblesses fondamentales de l'accord constitutionnel de 1982 était justement de ne faire aucune place à l'affirmation des principes de dualité canadienne et de spécificité québécoise, comme fondements à la fédération.

Il faudrait en effet être aveugle pour ne pas reconnaître que le Québec est une province différente des autres. Sa population majoritairement francophone, un code civil bien distinct, des institutions socio-économiques qui lui sont propres et qui lui appartiennent dans une très large mesure, autant d'éléments qui font que le Québec se soit forgé et construit de façon distincte.

Nous remercions les membres du Comité, de l'occasion qui nous a été offerte d'exprimer notre point de vue sur l'accord constitutionnel du 3 juin. Nous espérons que les améliorations que nous avons proposées seront bientôt partie intégrante de notre constitution. Les suggestions que nous avons soumises ne sont pas incompatibles avec les conditions posées par le Québec peur adhérer à la Loi constitutionnelle. Nous souhaitons que toute modification qui sera apportée à l'accord puisse se faire dans la même esprit de consensus, de collaboration et d'harmonie qui a prévalu lors des rencontres du 30 avril au Lac Meech et du 3 juin à l'Edifice Langevin à Ottawa.

LES FRANCOPHONES À L'EXTÉRIEUR DU QUÉBEC ET LES NÉGOCIATIONS CONSTITUTIONNELLES

INTRODUCTION

Un document de réflexion et d'action présenté à la population canadienne et québécoise par les francophones du Canada

Par la voix de leur association nationale La Fédération des francophones hors Québec

Ottawa Version d'avril 1987

POUR L'EXPOSÉ CONSTITUTIONNEL DE LA F.F.H.Q.

AVANT-PROPOS

Le coeur des prochaines négociations constitutionnelles portera sur la place du Québec dans la fédération canadienne. L'actuel gouvernement québécois a déclaré vouloir entretenir avec Ottawa "des relations qui tiennent compte à la fois de l'appartenance du Québec à la communauté canadienne et de son plein épanouissement économique, culturel et social dans le cadre d'une constitution renouvelée".

C'est bien connu qu'en matière de langue, non seulement au Canada mais dans tous les pays du monde, rien n'est simple ni facile» Une langue n'est pas seulement un simple véhicule de communication, elle exprime aussi une vie et la façonne. Conséquemment face aux cinq demandes du Québec pour adhérer à l'accord constitutionnel de 1982 il est impossible pour nous, francophones hors Québec, d'avoir une attitude tiède ou neutre. On ne saurait en effet reprocher au Québec sa recherche inlassable d'un rééquilibrage des rapports de force avec Ottawa et d'une meilleure stabilité, mais, derrière ces visées hautement justifiées par la situation particulière du Québec au Canada se profile un questionnement tout aussi légitime de la part des francophones hors Québec.

Selon nous, les prochains échanges constitutionnels avec le Québec ne peuvent être désincarnés de l'ensemble du contexte linguistique canadien dans lequel s'insère près d'un million de francophones hors Québec. Ainsi, la F.F.H.Q dépose aujourd'hui le texte de son exposé constitutionnel énonçant l'importance qu'elle accorde aux prochaines négociations, les orientations qu'elle entend suivre et les objectifs qu'elle souhaite atteindre en vue de faire du Canada une terre d'épanouissement pour tous les francophones.

YVON FONTAINE, président F.F.H.Q.

Ceci doit être signé par tous les présidents de nos associations membres (voir feuille ci-jointe).

LES MEMBRES DU COMITÉ DE RÉFLEXION DE LA FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC:

LES FRANCOPHONES À L'EXTERIEUR DU QUÉBEC ET LES PROCHAINES NEGOCIATIONS CONSTITUTIONNELLES

Le Canada se lancera bientôt dans un exercice qui lui est désormais familier; la négociation constitutionnelle. Tout comme ils l'avaient fait lors de la dernière ronde de négociations et particulièrement durant les événements mouvementés de 1980-81, les francophones à l'extérieur du Québec, par l'entremise de leur association nationale, la Fédération des francophones hors Québec, entendent participer à ce débat d'abord pour faire part à la population et aux instances politiques de leurs préoccupations, ensuite, pour faire connaître leurs aspirations» La F.F.H.Q. considère en effet que la prochaine négociation déborde largement Ottawa et le Québec puisque les décisions prises pourraient avoir des effets sur les francophones vivant à l'extérieur du Québec.

La reconnaissance des besoins précis du Québec en Amérique du Nord est incontestable, toutefois, elle ne doit en aucun cas s'opposer à la proclamation de l'égalité des communautés de langue officielle partout au Canada. Il faut en effet reconnaître le caractère spécial du Canada comme territoire que se partagent deux grandes collectivités linguistiques. Cette reconnaissance est pour nous aussi fondamentale qu'est la reconnaissance de la spécificité pour le Québec.

"Tout en reconnaissant la spécificité du Québec et le bien-fondé de ses interventions visant à obtenir un plus large degré d'autonomie, les francophones hors Québec croient majoritairement que le Canada sera viable comme État fédéral s'il est capable d'accepter de traduire dans ses lois et ses institutions le dualisme canadien. Mais ce dualisme ne peut être limité à la reconnaissance constitutionnelle de droits linguistiques; il doit s'étendre à la reconnaissance de communautés nationales distinctes de façon à leur assurer un statut juridique, une sécurité culturelle et une représentativité véritables". 14

Il faut donc tenir compte de cette réalité dans la formulation de nouvelles bases constitutionnelles.

LE CONTEXTE DE LA NÉGOCIATION

Au plan politique, le contexte de la négociation n'est plus du tout le même que celui qui a présidé à la signature de l'entente du 5 novembre 1981. Les acteurs politiques ont changé: on ne retrouve que très peu des politiciens qui ont contribué au débat constitutionnel de la décennie précédente. Les nouveaux acteurs politiques ont des préoccupations et des façons de faire qui leur sont propres et on a à Québec un gouvernement fédéraliste qui veut adhérer à l'accord constitutionnel.

Le contexte juridique a changé lui aussi, la Loi constitutionnelle de 1982 a en effet modifié en profondeur notre Constitution, non seulement parce qu'elle contient maintenant de nouvelles dispositions, mais aussi parce que plusieurs de celles-ci se trouvent au coeur même du débat constitutionnel qui s'amorce.

La Loi constitutionnelle de 1982 instaure une nouvelle formule d'amendement constitutionnel en vertu de laquelle de nouvelles majorités doivent être atteintes pour effectuer des changements à la Constitution. Cette formule d'amendement suscite le mécontentement du Québec et sa redéfinition est à l'ordre du jour des prochaines discussions.

Par ailleurs, la Loi constitutionnelle de 1982 contient à présent une Charte des droits et libertés. Cette Charte comprend une section réservée aux droits linguistiques et un article fort important relatif aux droits scolaires des minorités linguistiques. Or, comme nous le verrons dans un document consacré à cette question, ces nouvelles dispositions n'ont pas donné les résultats escomptés par les francophones hors Québec.

LES FAIBLESSES DU COMPROMIS DE 1982

La Loi constitutionnelle de 1982 est un compromis politique au même titre que les autres lois constitutionnelles qui l'ont précédée. Un compromis qui n'est pas à l'abri de critiques. D'abord, le Québec ne l'a pas accepté en s'objectant au processus autant qu'au contenu, en particulier l'article 6 de la Charte relatif à la libre circulation des personnes, certaines parties de l'article 23 concernant l'accès aux écoles de la minorité, de même que la formule d'amendement dans son ensemble. Ensuite, on a omis d'adresser le problème du partage des compétences entre les niveaux de gouvernement» Finalement, le compromis de 1982 n'a pas permis l'adoption d'un préambule en matière d"égalité linguistique.

Outre les préoccupations du Québec, la F.F.H.Q. veut faire valoir que les droits linguistiques reconnus aux articles 16 à 20 de la Charte ne semblent pas apporter de solution efficace aux difficultés qu'éprouvent les francophones de plusieurs régions du pays à obtenir des services dans leur langue. Bien que ces articles ne soient pas explicitement à l'ordre du jour des prochaines négociations, la FFHQ tentera de faire valoir dans la mesure du possible certaines améliorations à apporter aux garanties offertes aux francophones hors Québec.

NOS ASPIRATIONS

D'une part, en mai 1986, le ministre des Affaires intergouvernementales du Québec, l'Honorable Gil Rémillard, rendait publiques cinq propositions constitutionnelles dont l'acceptation par les autres partenaires de la fédération pourrait amener le Québec à apposer sa signature à l'entente de 1982. D'autre part, les francophones hors Québec ont également des préoccupations d'ordre constitutionnel et croient que certaines des demandes du Québec peuvent avoir des répercussions sur l'avenir des communautés francophones vivant à l'extérieur du Québec. La F.F.H.Q. croit donc important de s'inscrire dans le débat constitutionnel dans le but de faire part de ses préoccupations aux instances politiques du pays et, tout en appuyant d'emblée la spécificité du Québec, réussir à faire reconnaître formellement le fait français dans les autres provinces et territoires du Canada. C'est parce que nous croyons à un pays qui respecte ses communautés linguistiques, un pays que les francophones à l'extérieur du Québec pourraient légitimement reconnaître comme le leur, que nous prenons à nouveau la parole aujourd'hui en souhaitant que les prochaines négociations constitutionnelles aboutissent également à améliorer le sort des francophones à l'extérieur du Québec.

LA SPÉCIFICITÉ DU QUÉBEC ET LES FRANCOPHONES À L'EXTERIEUR DU QUÉBEC

Fédération des francophones hors Québec Ottawa Version d'avril 1987

ÉGALITÉ DES LANGUES

Notre Constitution proclame solennellement l'égalité des langues officielles au Canada en des termes vigoureux:

Le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada.

On y retrouve la même déclaration quant aux institutions de la législature et du gouvernement du Nouveau-Brunswick. Quant au Québec, l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 place le français et l'anglais sur un pied d'égalité dans les domaines qui y sont mentionnés; l'article 23 de la Loi de 1870 confirme essentiellement la même situation linguistique au Manitoba, Aussi, en Ontario, en vertu d'une loi provinciale, le français a un statut quasi officiel.

La Fédération des francophones hors Québec croit que la prochaine étape des négociations constitutionnelles doit assurer un fondement philosophique et juridique solide à la notion d'égalité des langues française et anglaise au Canada, et, pour y arriver, il faut reconnaître l'existence de ces deux grandes collectivités linguistiques canadiennes. Cette notion a toujours été sous-jacente aux efforts entrepris depuis 1968 pour doter le Canada d'une politique linguistique vraiment efficace. La Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme en avait fait le fondement de sa démarche et y avait consacré des pages éloquentes.

Selon nous, pour pouvoir discourir sur la place du Québec dans la fédération canadienne et sur l'affirmation de sa spécificité, il faut tenir compte de l'ensemble du contexte linguistique canadien.

SPÉCIFICITE DU QUÉBEC

Le Québec réclame une reconnaissance constitutionnelle de sa spécificité. Cette demande est d'ailleurs le point de départ des autres demandes et constitue une condition à son adhésion au pacte fédératif de 1982.

La spécificité du Québec n'est pas une notion complètement nouvelle; déjà en 1967, le Premier ministre Daniel Johnson l'évoquait en revendiquant lors de la conférence constitutionnelle sur le Canada de demain un statut particulier pour le Québec, en se fondant sur les idées qu'il défendait en 1965 dans "Egalité ou indépendance". Exprimée sous diverses formes depuis la décennie 1970, cette notion réapparaît systématiquement depuis lors dans les antichambres des conférences constitutionnelles. On l'invoque pour demander un statut particulier, pour reconnaître les droits historiques du Québec, pour proposer la souveraineté-association, pour obtenir une formule de modification constitutionnelle qui permette au Québec d'exercer les pouvoirs dont il a besoin pour continuer à se développer harmonieusement. On constate donc que la spécificité du Québec sert de toile de fond à des demandes plus précises au niveau constitutionnel, soit dans les institutions, soit dans les compétences.

Toutefois, il subsiste quelques questions quant au contenu et aux conséquences pratiques que le Québec entend tirer de la reconnaissance explicite de cette notion. C'est ainsi que pour préciser le contenu de la notion, on parlera tantôt de spécificité du peuple québécois, tantôt encore du caractère distinct de la société québécoise, ou bien du foyer principal mais non exclusif des francophones au Canada.

C'est évidemment au Québec qu'il incombe de définir cette notion. On peut accepter de protéger constitutionnellement une vision du pays que l'on comprend mais c'est difficile à ce moment-ci puisque cette notion n'est toujours pas claire. Le ministre des Affaires intergouvernementales du Québec a parlé dans son discours de mai 1986 de "sécurité culturelle". S'il s'agit de reconnaître le régime juridique de droit civil propre au Québec ou la nécessité pour lui de préserver vigoureusement sa langue et ses institutions, les francophones à l'extérieur du Québec approuvent pleinement ces objectifs. Cependant, si la spécificité québécoise devait aller au-delà de cette reconnaissance, les francophones hors Québec s'inquiéteraient de la possibilité que cette affirmation de la spécificité du Québec serve à affaiblir la reconnaissance de l'égalité des collectivités linguistiques au Canada. La Fédération des francophones hors Québec estime en effet que l'oubli dans lequel on voudrait tenir les francophones à l'extérieur du Québec au plan national serait contraire à la réalité et aux désirs de ces communautés de s'épanouir en français et marquerait un tournant majeur dans l'évolution du Canada.

Une reconnaissance dans la Constitution de la spécificité québécoise va nécessairement entraîner des conséquences à long terme sur l'évolution du Canada. Qu'il s'agisse d'une mention dans un préambule ou d'un article d'interprétation, le résultat recherché par une déclaration explicite de la spécificité du Québec semble toujours être le même? assurer un développement futur de la fédération canadienne gui en tiendra compte» Dans les réformes des institutions fédérales, dans l'interprétation judiciaire du partage des compétences législatives ou des droits linguistiques reconnus par la Constitution, les instances politiques et judiciaires devront désormais tenir compte de la spécificité du Québec. Tout doute devra donc mener à des interprétations et des développements favorables aux intérêts historiques et vitaux du Québec. Les francophones hors Québec exercent le même raisonnement pour ce qui est de la reconnaissance de la dualité canadienne dans le préambule de la Constitution.

IMPORTANCE DE L'ÉGALITÉ DES COLLECTIVITÉS LINGUISTIQUES

La dualité canadienne reconnaît le rôle majeur et le mandat national des députés francophones qui siègent à Ottawa, incluant certainement les députés fédéraux du Québec, dans la reconnaissance, le maintien et le renforcement de la présence francophone au sein de toutes les institutions fédérales. En effet, sans cette égalité des collectivités linguistiques, la nécessité de toujours avoir à l'échelon fédéral une présence et une influence des francophones s'atténue. Au gouvernement du Canada, dans les organismes décentralisés relevant du Parlement ou du gouvernement du Canada, au sein des sociétés de la Couronne fédérale, la présence des francophones est essentielle au développement de politiques nationales qui reflètent véritablement la nature particulière du pays et qui ont une incidence profonde sur la francophonie québécoise et canadienne, notamment les communications et le développement régional. Les députés fédéraux élus par les communautés francophones du pays ont à cet égard un rôle crucial et déterminant. Ils doivent veiller à ce que l'égalité des deux communautés linguistiques se reflète dans les institutions fédérales et dans les politiques nationales.

AFFIRMATION DE LA SPECIFICITE DU QUÉBEC ET DE LA DUALITE CANADIENNE

La dualité canadienne, ainsi comprise, ne va pas à l'encontre de la spécificité québécoise. Les francophones à l'extérieur du Québec sont conscients de l'importance de la demande québécoise et sont disposés à lui donner leur appui s'ils reçoivent la garantie formelle que leur propre réalité ne sera pas escamotée.

Le Québec peut exercer tous les pouvoirs dont il a besoin pour protéger la langue française et la culture québécoise, mais pas au détriment ou à l'exclusion du mandat national du Parlement et du gouvernement du Canada de permettre le développement, la promotion et l'épanouissement de la langue française et de la culture francophone à l'extérieur du Québec.

CONCLUSION

La Fédération des francophones hors Québec prie instamment les autorités politiques qui vont participer à ces négociations de joindre à la reconnaissance de la spécificité du Québec une reconnaissance aussi forte et explicite de l'égalité des collectivités francophone et anglophone au Canada. La spécificité québécoise imprègne les autres demandes du Québec; certaines de celles-ci peuvent avoir un impact sur les communautés francophones à l'extérieur du Québec et c'est pourquoi la Fédération des francophones hors Québec imprègne également son analyse des demandes du Québec de la notion d'égalité des collectivités linguistiques.

LES QUATRE AUTRES PROPOSITIONS DU QUÉBEC ET LES FRANCOPHONES À L'EXTÉRIEUR DU QUÉBEC

FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC OTTAWA, VERSION D'AVRIL 1987

LES PROPOSITIONS DU QUÉBEC ET LES FRANCOPHONES À L'EXTERIEUR DU QUÉBEC

Le Québec a présenté en mai 1986 cinq propositions qu'il désire voir adoptées afin de signer l'entente constitutionnelle de 1982. Ces propositions s'articulent comme suit:

  • reconnaissance du Québec comme société distincte ;
  • reconnaissance d'un droit de veto pour le Québec ;
  • limitation du pouvoir fédéral de dépenser ;
  • compétence accrue du Québec en matière d'immigration ;
  • participation du Québec à la nomination des juges québécois de la Cour suprême et reconnaissance de ce tribunal dans la Constitution.

Nous avons déjà présenté notre perception et nos objectifs quant à la reconnaissance du Québec comme société distincte. Les deux autres propositions du Québec soit la reconnaissance d'un droit de veto et d'un contrôle provincial sur le pouvoir fédéral de dépenser exigent des remarques plus approfondies car elles peuvent influer sur des questions chères aux communautés francophones à l'extérieur du Québec. D'autre part, la Fédération des francophones hors Québec n'a aucune difficulté à accepter le bien-fondé des deux dernières propositions, soit la compétence en immigration et la consécration de la Cour suprême du Canada.

COMPÉTENCE QUÉBÉCOISE EN MATIÈRE D'IMMIGRATION

Pour des raisons qui lui sont propres et qui relèvent de sa situation particulière en Amérique du nord, le Québec sent le besoin d'exercer une compétence accrue et formellement reconnue dans la Constitution en matière d'immigration» La Fédération des francophones hors Québec reconnaît la légitimité de ce besoin puisqu'il découle du caractère linguistique distinct de la société québécoise. Le Québec doit être en mesure de contrôler et d'ajuster sa politique d'immigration à ses besoins démographiques, économiques, sociaux et humanitaires» Il doit pouvoir préserver son caractère francophone et développer ses mécanismes d'intégration et de respect des communautés culturelles qu'il accueille» La Fédération des francophones hors Québec appuie donc cette proposition québécoise.

LA COUR SUPRÊME DU CANADA

La Cour suprême est le plus haut tribunal du pays» Elle a le mandat de veiller sur les droits et libertés des Canadiens, formellement consacrés dans la Charte des droits» Elle a développe depuis sa création en 1875 un imposant corps de jurisprudence sur le partage des compétences.

Elle veille sur la légalité des décisions des fonctionnaires et des multiples instances administratives avec lesquelles le citoyen doit traiter constamment et elle s'assure que le citoyen sera traité équitablement par l'administration. C'est l'arbitre ultime des conflits et la gardienne de la Constitution. La formule de modification prévoit que la composition de la Cour ne peut être modifiée sans l'assentiment unanime de tous les partenaires fédératifs, tandis que son mandat peut être modifié par le consentement des 2/3 des provinces qui représentent 50% de la population et du gouvernement fédéral. La Fédération des francophones hors Québec appuie toute demande visant à enchâsser de façon spécifique dans la Constitution l'existence et le rôle du plus haut tribunal du pays. En enchâssant l'existence de la Cour, on peut reconnaître son caractère d'institution nationale, et, comme institution nationale, la Cour devrait refléter l'égalité des collectivités linguistiques au pays. Présentement, la structure de la Cour reflète la dualité juridique droit civil-common law.

La loi sur la Cour suprême exige que trois des membres de la Cour soient des civilistes en provenance du Québec. C'est que comme arbitre final de tous les litiges au Canada, la Cour est appelée à trancher des litiges impliquant le droit civil. De plus, bien qu'un juge n'ait pas pour mission de représenter sa province d'origine mais bien d'appliquer le droit, ses analyses découlent de sa vision des choses, ce qui fait que la diversité régionale permet une plus grande variété d'opinions. L'exigence de nommer trois juges civilistes du Québec est donc doublement fondée. Nous reconnaissons donc la légitimité de la demande du Québec selon laquelle cette garantie doit être enchâssée dans la Constitution. Nous sommes également d'accord avec la demande du Québec de participer à la nomination des juges de la Cour suprême du Canada. En plus de cela vu l'importance de cette institution dans l'évolution de la fédération canadienne, surtout depuis l'entrée en vigueur de la Charte en décembre 1981 nous croyons que toutes les provinces canadiennes devraient participer au processus de nomination des juges provenant de leurs régions respectives.

MODIFICATION À LA CONSTITUTION ET DROIT DE VETO DU QUÉBEC

La formule actuelle de modification comporte quatre mécanismes différents. Premièrement, de façon générale, une modification s'effectue avec le consentement des 2/3 des provinces comprenant 50% de la population canadienne et le consentement du Parlement du Canada. Une province peut se retirer d'une telle modification; elle ne reçoit une compensation financière que si la modification vise l'éducation ou la culture.

Le second mécanisme exige l'unanimité, il accorde donc un droit de veto à chacune des provinces et au Parlement. Ce mécanisme sera invoqué, entre autres, en matière linguistique et en matière de composition de certaines institutions nationales.

Le troisième mécanisme permet plus de flexibilité: les questions qui intéressent une ou quelques provinces et le fédéral feront l'objet de l'assentiment des provinces concernées et le gouvernement fédéral. Ce mécanisme s'applique aux droits linguistiques constitutionnels en vigueur dans une province seulement.

Enfin, les questions relevant de la Constitution interne du niveau fédéral ou d'une province peuvent être librement réglées par l'institution concernée.

Le droit de retrait compensé constitue la pierre angulaire du système. Il permet à une modification d'entrer en vigueur dans sept provinces mais jusqu'à trois provinces peuvent décider de ne pas l'appliquer. Cependant, comme l'exprimait le ministre des Affaires intergouvernementales du Québec, on ne se retire pas d'une institution nationale. La formule est donc inapplicable aux modifications du mandat du Sénat ou de la Cour suprême, par exemple, et pourtant des modifications peuvent y être apportées sans le consentement du Québec .

Le Premier ministre du Québec a déjà évoqué publiquement l'instauration d'une formule exigeant le consentement de sept provinces représentant 75% de la population canadienne. Toute province dont la population représente à la date de la modification, ou a déjà représenté, au moins 25% de la population totale du pays disposerait d'un droit de veto» Le Québec n'a pas précisé s'il désire appliquer cette formule uniquement aux institutions fédérales ou s'il désire qu'elle remplace la formule actuelle des 2/3 des provinces avec un retrait compensatoire.

LA FORMULE DE MODIFICATION ET LES FRANCOPHONES DU CANADA

La formule de modification de la Constitution doit préserver la participation active de la collectivité francophone du Canada à l'évolution de toute la Constitution et non seulement à l'évolution de nos institutions nationales. Tout comme pour le maintien de la présence francophone dans ces institutions, le Québec a un rôle fondamental à jouer dans leur développement mais aussi dans l'évolution de l'équilibre fédératif.

C'est un rôle politique qu'il a d'ailleurs constamment assumé tout au long de l'histoire canadienne, malgré que la Cour suprême, en 1982, n'ait pas reconnu de convention donnant un droit de veto au Québec sur les modifications constitutionnelles. La participation du Québec aux modifications constitutionnelles et son pouvoir d'influer sur celles-ci apparaissent à la Fédération des francophones hors Québec comme des garanties que la voix des francophones se fera entendre sur le plan national. De plus, l'exigence numérique nécessitera la formation de consensus régionaux quant aux modifications constitutionnelles, assurant ainsi une participation équitable de toutes les régions du pays au processus. C'est pourquoi la Fédération des francophones hors Québec favorise le remplacement de la présente formule générale par la formule dite du 7/75.

Certains intervenants ont aussi évoqué la possibilité de revenir à la formule de Victoria. Cette formule prévoyait que le consentement nécessaire pour effectuer une modification constitutionnelle devait comprendre celui de toute province ayant compté 25% de la population totale du Canada, celui de deux provinces de l'ouest comprenant 50% de la population de ces provinces, et celui de deux provinces atlantiques. La Fédération des francophones hors Québec considère que cette formule atteint le même objectif que la formule du 7/75; en conférant un droit de veto régional, elle permet la recherche de consensus et elle attribue un droit de veto au Québec.

En définitive, nous considérons que le consentement du Québec est essentiel à toute modification constitutionnelle.

Par ailleurs, la formule actuelle comporte des mesures spéciales en matière linguistique qui sont d'un intérêt particulier pour les francophones à l'extérieur du Québec. La Fédération des francophones hors Québec présente donc ses observations à ce sujet.

MODIFICATION CONSTITUTIONNELLE ET DROITS LINGUISTIQUES

Deux dispositions sont applicables aux droits linguistiques garantis dans la Constitution. Il s'agit des paragraphes 41 c) et 43 b) .

Le paragraphe 43 b) de la Loi constitutionnelle de 1982 autorise des modifications aux droits linguistiques constitutionnels applicables dans une province seulement. Ces modifications ne nécessitent que l'accord de la province visée et du fédéral. Le paragraphe 43 b) s'applique donc aux paragraphes 16 (2) à 20 (2) de la Charte qui établissent des droits linguistiques pour le Nouveau-Brunswick, ainsi qu'à l'article 23 de la Loi de 1870 sur le Manitoba qui prévoit les obligations linguistiques de cette province. Il est possible que les provinces de la Saskatchewan et de l'Alberta soient aussi visées, dépendant du sort que les tribunaux réserveront à l'article 110 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest de 1885.

Le paragraphe 41 c) exige l'unanimité pour toute autre disposition constitutionnelle en matière linguistique» Cette méthode s'applique donc aux paragraphes 16 (1) à 20 (1) de la Charte qui définissent les obligations linguistiques fédérales, à l'article 23 qui accorde aux minorités linguistiques provinciales d'importants droits en matière scolaire, et à l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. En effet, l'article 133 n'est pas applicable uniquement au Québec, il crée des droits et obligations pour cette province mais aussi pour les institutions fédérales. En 1979, la Cour suprême a confirmé que l'article 133 est indivisible et que ni le Parlement ni l'Assemblée nationale ne peuvent le modifier unilatéralement. On ne peut donc se servir du paragraphe 43 b) de la Loi constitutionnelle de 1982 pour modifier la partie québécoise de l'article 13 3.

L'exigence de l'unanimité consacre le caractère intangible des droits linguistiques garantis. Par le paragraphe 16 (3) de la Charte, un législateur peut augmenter ces droits, mais ne peut les diminuer sans modifier la Constitution. Dans l'affaire Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick c. Association of parents for fairness in education, la Cour suprême s'est servi de la formule souple de modification du paragraphe 43 b) pour restreindre son interprétation des droits linguistiques: selon elle, cette formule souple a pour but d'inciter plus de provinces à se joindre au système linguistique mis en place par la Charte. Mais cette formule souple pourrait aussi servir à réduire les droits linguistiques déjà prévus. Par exemple, une conjoncture politique donnée pourrait mener à la modification du paragraphe 20 (2) de la Charte relatif aux droits des résidents du Nouveau-Brunswick à recevoir des services publics dans leur langue, afin d'assujettir ce droit à des conditions semblables à celles que le paragraphe 20 (1) impose au niveau fédéral. Ce serait un recul sur la situation présente qui confère ce droit sans restriction. Par contre, pour modifier l'article 23 de la Charte et l'assujettir à des conditions plus sévères, l'unanimité sera requise. L'unanimité sera aussi requise pour améliorer l'article 23 en supprimant par exemple la condition du nombre que l'on retrouve au paragraphe 23 (3).

La Fédération des francophones hors Québec consacrera un chapitre distinct aux changements qu'elle souhaiterait voir apportés en matière de droits linguistiques. Elle souligne cependant que la modification de la Constitution doit permettre la flexibilité dans l'évolution positive et rendre difficile la perte de droits acquis. Elle constate que les anglophones du Québec disposent de droits mieux protégés que ceux des Acadiens du Nouveau-Brunswick ou des Franco-Manitobains, puisque les droits des Anglo-Québécois garantis à l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 ne peuvent être modifiés que par le consentement unanime de tous les partenaires fédératifs, tandis que les droits des Acadiens peuvent être modifiés par le seul consentement du Parlement du Canada et de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick? aussi, les droits des Franco-Manitobains peuvent être modifiés par le seul consentement du Parlement et de l'Assemblée législative du Manitoba.

La Fédération des francophones hors Québec demande donc que l'on profite du présent débat constitutionnel pour modifier les paragraphes 41 c) et 43 b) de la Loi constitutionnelle de 1982. L'augmentation de droits linguistiques dans une province, ou l'adhésion de cette province aux articles 16 à 20 de la Charte, pourrait s'accomplir par la voie du paragraphe 43 b) ; toute diminution des droits linguistiques constitutionnels serait soumise à la procédure du paragraphe 41 c) qui requiert l'unanimité» Ainsi, le Québec pourrait jouer un rôle important de gardien des droits linguistiques des minorités, aux côtés du palier fédéral. Nul doute que si une telle protection avait existé en 1890, le Québec se serait objecté à la perte des droits des Franco-Manitobains à la gestion de leurs écoles, ou en 1913, à la perte par les Franco-Ontariens du droit à l'enseignement en français. L'exigence de l'unanimité avant de réduire des droits linguistiques acquis confère au Québec un important droit de veto qu'il peut faire jouer à l'avantage des francophones du reste du Canada. Par contre, le maintien de la souplesse quant il s'agit d'augmenter ces droits permet l'évolution de ceux-ci vers leur reconnaissance et leur acceptation nationale afin de traduire dans le droit le principe de l'égalité des collectivités linguistiques au Canada.

CONTRÔLE PROVINCIAL DU POUVOIR FÉDÉRAL DE DEPENSER

Depuis longtemps, le gouvernement du Canada dépense de l'argent dans des secteurs d'activités dont la Constitution attribue la responsabilité législative aux provinces. Il y a quatre formes de dépenses fédérales: les paiements de péréquation, les ententes fédérales-provinciales et les programmes à frais partagés, les subventions fédérales versées directement aux organismes et entreprises et les prestations sociales versées aux personnes. Depuis longtemps, le Québec s'insurge contre ce qu'il qualifie d'ingérence fédérale dans les affaires internes des provinces. Ces tensions ont donné lieu à des querelles parfois acerbes au sujet de l'utilisation correcte des fonds fédéraux. Voilà maintenant que le Québec réclame un contrôle sur l'exercice du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Ce contrôle, il n'en précise pas les modalités, mais il le situe à deux niveaux; l'approbation par les provinces des programmes à frais partagés et l'inclusion dans la Constitution de paramètres généraux concernant la péréquation.

Quoiqu'elle puisse sembler technique et reliée strictement à des intérêts gouvernementaux, la première partie de cette proposition du Québec intéresse les francophones à l'extérieur du Québec puisque ceux-ci bénéficient directement ou indirectement de plusieurs programmes fédéraux de financement, dont l'enseignement en langue française, et ne voudraient pas que les contrôles proposés aient un effet nuisible sur ces programmes dont ils ont besoin.

Selon nous, l'égalité juridique des collectivités linguistiques doit se traduire par des initiatives qui permettront aux communautés francophones à l'extérieur du Québec de continuer à se développer. Ces initiatives doivent relever d'abord de la responsabilité du gouvernement du Canada. Le maintien de la présence francophone hors des frontières du Québec est une responsabilité nationale qui incombe au pays tout entier et qui devrait être assumée pas tous les gouvernements. Pour diverses raisons, les gouvernements des provinces anglophones, tout en manifestant leurs bonnes intentions et en prenant, dans certains cas, des initiatives intéressantes, n'ont pas jusqu'ici fait preuve du leadership nécessaire pour véritablement développer les multiples facettes de la francophonie canadienne.

Les situations varient d'une province à l'autre, c'est pourquoi l'implication financière du gouvernement fédéral est, dans bien des cas pour les francophones hors Québec, indispensable. Indispensable parce que la plupart des fonds fédéraux destinés aux communautés de langues officielles proviennent de l'exercice de ce pouvoir de dépenser. Si ce pouvoir devait être limité, il ne doit en aucun cas modifié le mandat national du gouvernement fédéral envers ses minorités de langue officielle. On ne peut donc accepter un contrôle provincial sur ce pouvoir de dépenser sans garantie formelle selon laquelle le gouvernement du Canada continuera à assurer à travers un financement approprié le maintien et le développement des francophones en situation minoritaire.

Il n'y a pas que dans ces domaines que les programmes fédéraux sont essentiels pour nous. Plusieurs communautés francophones se trouvent dans de petites provinces qui n'ont pas les capacités financières ni l'infrastructure nécessaire à l'établissement de politiques de développement régional d'envergure. Les provinces comme le Québec et l'Ontario bénéficieraient certainement de l'octroi de fonds additionnels, fonds qu'ils pourraient affecter à l'atteinte de leurs objectifs de développement régional, mais le Nouveau-Brunswick, ne dispose pas de la même capacité financière et technique et la seule péréquation ne suffit pas à lui permettre d'assumer seul une politique de développement régional. Il convient de rappeler que l'agriculture, le tourisme, la petite et moyenne entreprise bénéficient des programmes fédéraux tout autant que la santé, l'éducation et la culture.

La Fédération des francophones hors Québec estime donc que le pouvoir de dépenser du gouvernement du Canada doit demeurer intact et continuer à permettre l'établissement de programmes à frais partagés. La fédération comprend néanmoins les inquiétudes du Québec et des autres provinces concernant l'utilisation faite par le gouvernement du Canada de ce pouvoir important. Elle accepte donc que les modalités d'exercice de ce pouvoir soient soumises à un processus impliquant les provinces et croit que le mécanisme idéal doit être trouvé dans le cadre d'une réforme des institutions fédérales. Mais puisque les négociations présentes n'englobent pas la réforme des institutions, et puisque l'on ne connaît pas les modalités que le Québec a en tête ni la portée de ce contrôle provincial qu'il souhaite, la Fédération des francophones hors Québec se limite à des observations générales sur la question.

D'autre part, lorsque viendra l'heure de mettre ce mécanisme en place, il faudra veiller à ce qu'il n'entrave nullement les initiatives fédérales en faveur des communautés linguistiques au Canada. Les initiatives du gouvernement fédéral en matière de culture, de communications, d'éducation en langue française, doivent se poursuivre. Les communautés francophones à l'extérieur du Québec doivent pouvoir continuer à s'adresser au gouvernement du Canada pour se doter de journaux ou de radios, pour obtenir des centres scolaires et communautaires, et généralement pour se doter des outils nécessaires à leur développement. Même si le Québec veut que les provinces aient leur mot à dire dans le financement de l'éducation postsecondaire, la Fédération des francophones hors Québec désire s'assurer que les fonds fédéraux versés aux centres d'éducation postsecondaire de langue française hors du Québec ne seront pas soumis à l'approbation préalable des provinces.

CONCLUSION

La Fédération des francophones hors Québec poursuit des objectifs particuliers au cours de cette ronde de négociations constitutionnelles. Elle désire s'assurer que ses intérêts ne seront pas négativement affectés par des ententes qui porteraient sur des questions apparaîtraient éloignées de ses préoccupations traditionnelles, mais qui pourraient avoir des conséquences insoupçonnées. C'est ainsi qu'il faut comprendre nos réflexions. Ne pouvant participer directement au processus de négociation, nous désirons cependant que l'on tienne compte de nos préoccupations lorsque l'on négociera une nouvelle formule de modification constitutionnelle, lorsqu'on voudra constitutionnaliser la Cour suprême du Canada, lorsqu'on établira les modalités d'un contrôle provincial sur l'exercice du pouvoir de dépenser du gouvernement du Canada. En effet, nous estimons que ces négociations doivent respecter les impératifs suivants:

  • consacrer le caractère national de la Cour suprême du Canada afin de renforcer son rôle de protection de la Constitution et des minorités linguistiques, et permettre au Québec ainsi qu'à toutes les provinces canadiennes de participer au processus de nomination des juges provenant de leurs régions respectives;
  • adopter une formule générale de modification constitutionnelle qui remplace les mécanismes actuels par un droit de veto du Québec sur toute modification, et non seulement sur les modifications limitées aux institutions fédérales;
  • amender la formule de modification de la Constitution afin de permettre la flexibilité pour augmenter les droits linguistiques mais aussi afin de rendre difficile la diminution de ces droits; pour ce faire, réserver la formule du paragraphe 43 b) de la Loi constitutionnelle de 1982 à l'augmentation des droits linguistiques applicables dans une province, et soumettre toute réduction de ces droits à la formule de l'unanimité prévue au paragraphe 41 c) de la Loi constitutionnelle de 1982;
  • reconnaître l'existence du pouvoir fédéral de dépenser exerçable par d'autres moyens que la seule péréquation; que les modalités d'exercice de ce pouvoir impliquent les provinces et que le mécanisme d'implication soit trouvé dans le cadre d'une réforme des institutions fédérales;
  • s'assurer que cette formule de contrôle provincial n'empêche en aucun cas les initiatives fédérales en faveur du développement des communautés francophones à l'extérieur du Québec.

Dans un dernier temps, nous présenterons les objectifs particuliers des francophones à l'extérieur du Québec au sujet de modifications à apporter à la Constitution en matière de droits linguistiques.

LES DROITS LINGUISTIQUES DE LA CHARTE ET LES FRANCOPHONES À L'EXTERIEUR DU QUÉBEC

Fédération des francophones hors Québec Ottawa Version d'avril 1987

INTRODUCTION

La question linguistique appartient au pouvoir politique et ne relève en aucune manière des autorités juridiques. La Cour suprême du Canada a prononcé un jugement clair là-dessus le 1er mai 1986 :

"A la différence des droits linguistiques qui sont fondés sur un compromis politique, les garanties juridiques tendent à être de nature plus féconde parce qu'elles se fondent sur des principes. Certaines d'entre elles, par exemple celle énoncée à l'article 7 de la Charte, sont formulées de manière si large que les tribunaux seront souvent appelés à l'interpréter. D'autre part, même si certains d'entre eux ont été élargis et incorporés dans la Charte, les droits linguistiques ne reposent pas moins sur un compromis politique. Cette différence essentielle entre les deux types de droits impose aux tribunaux une façon distincte d'aborder chacun. Plus particulièrement, les tribunaux devraient hésiter à servir d'instruments de changement dans le domaine des droits linguistiques. Cela ne veut pas dire que les dispositions relatives aux droits linguistiques sont immuables et qu'elles doivent échapper à toute interprétation par les tribunaux» Je crois cependant que les tribunaux doivent les aborder avec plus de retenue qu'ils ne le feraient en interprétant des garanties juridiques. (Le juge Beetz pour la majorité de la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick c. Association of Parents for fairness in education, (1986) 1 R.C.S. 549, p. 573.)

C'est en ces termes que le juge Beetz a considérablement refroidi les espoirs des francophones à l'extérieur du Québec qui estimaient que les articles 16 à 20 de la Charte allaient servir de pierre angulaire à la politique linguistique du gouvernement du Canada. Ils croyaient surtout que les autorités politiques seraient réprimandées par les tribunaux lorsqu'elles montreraient peu d'empressement à mettre en oeuvre les mesures requises pour transformer ces droits en des réalités tangibles. Ils croyaient enfin que la consécration constitutionnelle du principe de l'égalité linguistique leur permettrait d'obtenir des interprétations des autres droits qui tiendraient compte de cet objectif. Il n'en fut rien.

LES DROITS LINGUISTIQUES : DES DROITS POLITIQUES

La Cour suprême déclare d'abord, dans un arrêt rendu le même jour que l'arrêt Société des Acadiens il s'agit de l'affaire Macdonald c. Ville de Montréal, (1986) 1 R.C.S. 460 que l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 instaurait "un système limité de bilinguisme" (p. 496) et donnait au rédacteur d'une procédure judiciaire le droit de choisir la langue dans laquelle elle serait rédigée; l'article 133 ne donnait cependant aucun droit au récipiendaire de la procédure de l'obtenir dans sa langue et ne conférait aucune obligation à l'État de lui fournir cette procédure dans sa langue.

Dans l'arrêt Société des Acadiens, la Cour conclut que le compromis de 1982 reprend celui de 1867. Le juge Beetz constate la similitude de langage entre l'article 19 de la Charte et l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. Les deux dispositions instaurent une forme limitée de bilinguisme; les deux dispositions ne donnent pas plus de droits que leur texte interprété plutôt littéralement ne le laisse voir. L'article 19 de la Charte donne donc le droit à une personne de parler français ou anglais en cour, mais ne lui donne pas le droit d'être compris directement par le juge dans la langue choisie.

De plus, la présence de l'article 19 dans le dispositif d'une Charte des droits qui assure des recours judiciaires, qui garantit aussi d'autres droits fondamentaux et qui consacre l'égalité linguistique, n'a aucun effet sur son interprétation. Les droits linguistiques sont des droits politiques; l'égalité linguistique est un "principe de progression" plutôt qu'un concept assurant un traitement égal des collectivités devant la justice.

Les francophones à l'extérieur du Québec ne comprennent pas bien pourquoi les droits linguistiques devraient être traités différemment des autres droits fondamentaux de la Charte. L'article 15 de la Charte garantit le "bénéfice égal des lois", est-ce un droit politique qui sera interprété restrictivement? L'article 27 est un article d'interprétation dont l'objet est de "préserver le patrimoine multiculturel des Canadiens", est-ce un article politique qui n'aura aucun effet? La Cour s'en est pourtant servi en matière de liberté religieuse. L'article 6 garantit la liberté de circulation et d'établissement des citoyens canadiens, c'est un droit à caractère politique, sera-t-il interprété restrictivement? Finalement, l'article 3 consacre le droit de vote aux élections fédérales et provinciales, nous connaissons peu de droits aussi politiques que celui-là qui est au coeur de nos institutions démocratiques, sera-t-il interprété restrictivement?

Le résultat concret de l'analyse de la Cour suprême du Canada, c'est que les articles 16 à 20 de la Charte n'auront que peu d'effets pratiques sur la situation concrète des francophones à l'extérieur du Québec. L'article 20 en particulier confère au public le droit à des services gouvernementaux dans sa langue; mais comment va-t-on interpréter la notion de "service» et celle "d'institution du Parlement ou du gouvernement"? Et surtout, comment rappeler à l'ordre le gouvernement ou ses agences, comme la Gendarmerie Royale du Canada ou la nouvelle agence aérospatiale dont on a parlé si les droits reconnus à l'article 20 doivent uniquement "progresser"? Depuis maintenant 18 ans, le Canada s'est lancé sur la voie de l'égalité linguistique. La progression devrait être assez avancée pour que la force juridique de la Constitution autorise nos tribunaux à lui donner une nouvelle impulsion.

Les francophones à l'extérieur du Québec trouvent plutôt inutile cette notion de "progrès"; ils ont besoin de droits actuels, de droits qu'ils peuvent faire valoir devant les tribunaux du pays lorsque leurs élus n'en font que peu de cas. Ils ont besoin de droits reliés non plus à l'égalité des langues, mais à l'égalité des collectivités linguistiques.

Sur ce plan, l'interprétation de l'article 23 de la Charte est encourageante. La Cour d'appel de l'Ontario lui a donné un contenu réel; ce jugement de 1984 a ensuite conduit la législature à modifier sa loi scolaire afin d'accorder officiellement aux Franco-Ontariens, pour la première fois depuis la Confédération, un droit à la gestion de leurs écoles. La Cour suprême ne s'est prononcé qu'une seule fois sur l'article 23: il s'agissait de comparer les critères d'accès à l'école anglaise de la loi 101 à ceux de la Charte. Dans l'affaire Québec association of protestant school boards c. Procureur général du Québec, (1984) 2 R.C.S. 66, la Cour a reconnu le caractère spécial de l'article 23 et la différence entre cet article et les autres droits fondamentaux de la Charte. Mais cette constatation a conduit la Cour à des conclusions opposées à celles de l'affaire Société des Acadiens; la Cour a reconnu que l'article 23 était remédiateur, qu'il voulait corriger les faiblesses passées et les régimes scolaires en vigueur au moment où il fut adopté, qu'il reconnaissait aux francophones à l'extérieur du Québec les mêmes droits que les Anglo-Québécois. L'interprétation de l'article 23 a bénéficié d'une notion qui a semblé faire défaut à celle des articles 16 à 20; celle de l'égalité des collectivités linguistiques. Les articles 16 à 20 seront privés d'efficacité s'ils ne sont pas interprétés à la lumière de ce principe. Un jour ou l'autre, il faudra bien que des négociations constitutionnelles consolident les droits des francophones à l'extérieur du Québec en matière linguistique et donnent aux tribunaux un mandat mieux défini pour leur permettre de jouer à cet égard un rôle fondamental reconnu par la Charte. La Fédération des francophones hors Québec désire donc exposer ici les modifications qu'elle souhaite voir apportées à l'article 16 de la Charte afin d'accomplir cet objectif. Sa démarche s'inscrit dans la foulée de la reconnaissance constitutionnelle du principe fondamental de l'égalité des collectivités linguistiques au Canada et les changements proposés profiteront aux citoyens québécois tout autant qu'aux francophones à l'extérieur du Québec.

Les modifications proposées toucheront d'abord l'interprétation des droits linguistiques et le mandat des tribunaux» L'interprétation est pour nous indissociable de la notion d'égalité, nous apporterons donc des suggestions à ce chapitre.

LE CONTENU DE L'ARTICLE 16

L'article 16 de la Chartes

  1. Le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada? ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada.
  2. Le français et l'anglais sont les langues officielles du Nouveau-Brunswick; ils on un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions de la législature et du gouvernement du Nouveau-Brunswick.

En soi, la déclaration qu'une langue est officielle n'a pas de valeur juridique» C'est néanmoins un geste symbolique important car cela revêt la langue visée de tout le prestige de l'État et cela cautionne en quelque sorte les mesures concrètes qui suivent.

L'article 16 contient une telle déclaration. Il était temps que la Constitution canadienne fasse enfin place à une telle reconnaissance. Le régime linguistique découlant de cette déclaration y trouve toute sa légitimité.

L'article 16 contient aussi une déclaration d'égalité. La portée de cette déclaration est loin d'être claire. Les tribunaux inférieurs ont eu à se pencher sur la déclaration d'égalité linguistique que l'on retrouve à l'article 2 de la Loi sur les langues officielles du Canada et ils n'ont pas tranché la question de façon concluante. Pour les uns, l'égalité linguistique est un principe aussi symbolique que la déclaration des langues officielles et c'est dans les articles suivants que l'on retrouve l'expression concrète de ce principe. Pour les autres, l'égalité linguistique est un droit au même titre que les autres droits linguistiques et elle peut donc faire l'objet de sanctions judiciaires immédiates si on y contrevient.

La Fédération des francophones hors Québec considère que la seconde interprétation doit prévaloir dans le cadre de la Charte. Il ne s'agit plus en effet d'interpréter une simple loi, mais la Constitution. La Cour suprême refuse d'appliquer sa propre jurisprudence rendue sous l'empire de la Déclaration Canadienne des Droits car elle affirme que la nature même du texte constitutionnel commande de s'éloigner de l'interprétation restreinte que l'on donne à une simple loi. Elle devrait, selon nous, adopter la même attitude à l'égard de l'interprétation de l'article 16 de la Charte et se détacher des raisonnements applicables à la Loi sur les langues officielles.

La Fédération des francophones hors Québec considère que l'on doit établir clairement l'égalité linguistique comme étant un principe applicable immédiatement et non dans un avenir plus ou moins incertain. On doit établir clairement le rôle des tribunaux dans le respect de ce principe et son application. S'il y a lieu de mettre des freins à certaines mesures, le législateur peut avoir recours à l'article 1, comme pour tout autre droit.

Cet objectif pourra être atteint en précisant la portée du paragraphe 16 (1).

L'INTERPRETATION DES DROITS LINGUISTIQUES ET L'ARTICLE 16

On a vu que les tribunaux ne semblent pas disposés à interpréter généreusement le contenu des droits linguistiques garantis aux articles 16 à 20 de la Charte. Pour la Cour suprême, il s'agit là de droits politiques et on doit faire preuve de retenue dans leur interprétation. Cependant, dans les arrêts Blaikie (no.l) de 1979 et de Blaikie (no. 2) de 1981, cette même autorité avait accepté d'étendre la portée des obligations de bilinguisme législatif de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 à des formes juridiques inconnues en 1867. Dans le Renvoi sur les droits linguistiques au Manitoba de 1985, la Cour avait confirmé le caractère impératif de ces exigences et les avait reliées à la fonction sociale des droits linguistiques. La Cour semble donc éprouver un certain malaise à situer son rôle dans la mise en oeuvre des droits linguistiques. Tantôt elle leur donne une portée évolutive, tantôt elle leur insuffle un contenu minimal.

Les tribunaux canadiens ont plus d'expérience dans la sanction de droits fondamentaux classiques que dans la sanction de droits collectifs de nature sociale comme le sont les droits linguistiques. D'ailleurs, les droits civils et politiques traditionnels cadrent mieux avec l'attitude judiciaire canadienne. Nos tribunaux respectent la souveraineté du Parlement et la règle de droit. Ils ne se sentent pas habilités à se prononcer sur la sagesse des lois mais statuent facilement sur leur conformité à la Constitution, même si la question en litige est politique. Ils ont plus de facilité à prononcer la nullité de lois qu'ils estiment contraires à la Constitution qu'à ordonner au législateur ou au gouvernement de poser des gestes pour mettre les droits en oeuvre. Ils connaissent l'activisme des tribunaux américains mais n'ont pas encore démontré leur intention de suivre ces traces.

La F.F.H.Q. souhaite que les francophones à l'extérieur du Québec puissent s'adresser à eux pour faire déclarer certaines décisions administratives contraires à l'égalité linguistique, et surtout pour enjoindre les législateurs et les administrateurs à cesser de tergiverser sur la place exacte de telle virgule dans la loi et à prendre les mesures requises pour corriger les situations menant à l'absence pratique de tout droit.

La Fédération des francophones hors Québec espère que les tribunaux pourront déclarer les politiques de recrutement et d'affectation du personnel de certaines institutions fédérales contraires aux droits garantis à l'article 20 de la Charte. Elle souhaite que les tribunaux enjoignent les ministères à affecter leur personnel de telle sorte qu'il soit possible à un fonctionnaire de travailler dans sa langue et que la langue française ait véritablement un statut, des droits et des privilèges égaux dans la fonction publique fédérale.

Pour en arriver là, il semble que les tribunaux aient besoin d'un mandat clair et une base solide. Ils pourront s'appuyer sur la reconnaissance du principe de l'égalité des collectivités linguistiques au Canada, mais cela ne répond pas nécessairement à leur préoccupation selon laquelle ces droits sont des droits politiques. L'article 16 devrait donc être modifié pour leur conférer ce mandat. Ce n'est pas un mandat inusité et ce n'est pas révolutionnaire. Cela n'écarte pas la responsabilité première des élus d'élaborer les politiques requises. C'est simplement la reconnaissance que les droits linguistiques au Canada doivent être traités comme tout autre droit fondamental reconnu par la Charte. L'interprétation doit être semblable: une interprétation souple, évolutive, adaptée, assujettie aux "limites raisonnables dans une société démocratique".

L'interprétation doit tenir compte du but de la garantie, de sa position dans la Charte et sa relation avec les autres droits linguistiques. On doit pouvoir en exiger le respect par le recours prévu à l'article 24.

ÉGALITE DES LANGUES, ÉGALITÉ DES COLLECTIVITÉS LINGUISTIQUES

Cette interprétation souhaitée par la Fédération des francophones hors Québec sera rendue possible par une indication claire de l'objet des droits linguistiques garantis. Cet objet ne peut être que l'égalité des collectivités linguistiques. Nous l'avons déjà mentionné; l'égalité des langues, reconnue aux paragraphes 16(1) et (2) de la Charte, n'a aucune valeur sans l'égalité des collectivités linguistiques. Proclamer une égalité théorique des langues, c'est justement faire une déclaration de principe très agréable mais très peu efficace en pratiques l'égalité des langues permet de statuer qu'on ne peut interdire l'usage du français ou de l'anglais dans le prétoire, mais à quoi sert cette protection si on n'a aucune garantie d'être compris? L'égalité des langues rend-elle illégale une mesure permettant de déterminer une langue de procès et permettant de choisir les juges, jurés et procureurs en conséquence? L'égalité des langues rend-elle illégales les institutions semi-publiques linguistiquement homogènes comme les hôpitaux francophones, les universités francophones et les commissions scolaires francophones? En vérité, ce serait un bien étrange droit que celui de perdre les quelques institutions francophones que l'on a pu gagner au cours des ans, pour le bon motif que doit régner partout un bilinguisme de bon aloi au nom de l'égalité des langues.

La Fédération des francophones hors Québec considère que l'inclusion d'un préambule à la Loi constitutionnelle de 1867 dans lequel est reconnue l'égalité des collectivités francophone et anglophone au Canada rencontrera cet objectif. Une clause interprétative au même effet serait aussi acceptable.

L'ÉGALITÉ LINGUISTIQUE ET LE PRINCIPE DE PROGRESSION

L'autre obstacle à une interprétation dynamique des articles 16 à 2 0 de la Charte semble résider dans le "principe de progression". Nous avons déjà indiqué notre méfiance envers ce principe. Si nous concevons facilement que tout ne peut pas être fait instantanément ce qui est d'ailleurs impossible puisque le régime linguistique du Canada continuera de progresser nous estimons néanmoins que le principe de progression ne peut servir de paravent à l'inaction.

Le principe de progression est "apparu" en 1975 lorsque la Cour suprême, dans l'arrêt Jones c. Procureur général du Nouveau-Brunswick, a statué que l'article 13 3 ne représentait pas la seule mesure juridique possible en matière de droits linguistiques au Canada. Il n'était pas contraire à la Constitution de compléter l'article 133 par des lois à caractère linguistique comme la Loi sur les langues officielles du Canada.

Le paragraphe 16(3) de la Charte semble bien confirmer cette attitude:

La présente Charte ne limite pas le pouvoir du Parlement et des législatures de favoriser la progression vers l'égalité de statut ou d'usage du français ou de l'anglais.

La Cour s'est servi de ce principe comme d'une confirmation de son mandat restreint en matière linguistique. Elle considère qu'elle ne doit pas ajouter au compromis politique de 1982 parce que le paragraphe 16(3) de la Charte remet cette responsabilité au législateur. Selon la Cour, le paragraphe 16(3) indique l'intention du constituant de remettre aux élus le soin de régler le rythme de progression vers l'égalité linguistique.

Sans avoir statué explicitement sur la portée du principe d'égalité linguistique de l'article 16, la Cour semble laisser sous-entendre que l'égalité linguistique ne saurait avoir de réalité sans une intervention législative à laquelle elle refuse de se mêler.

Pour les francophones à l'extérieur du Québec, c'est le retour à la case de départ: les langues sont égales, mais pas encore; c'est aux politiciens et non aux tribunaux d'établir le rythme de progression vers l'égalité; en attendant, les articles 16 à 20 seront interprétés littéralement.

En considérant la situation antérieure à 1982, on doit reconnaître que peu de progrès ont été faits.

La Fédération des francophones, hors Québec estime donc important que le principe de progression soit clarifié afin de dégager le rôle propre des tribunaux et du législateur. Selon elle, le principe de progression doit permettre l'extension de mesures linguistiques à des domaines non couverts par la Charte plutôt que de servir de frein à l'intervention judiciaire dans les domaines couverts par la Charte.

CONCLUSION

Puisqu'il est fondamental pour le Québec que la Loi constitutionnelle de 1867 reflète un fait social et une réalité juridique par la reconnaissance de sa spécificité, et compte tenu de la nécessité pour les francophones hors Québec d'affirmer également la dualité canadienne dans un préambule, il nous apparaît essentiel d'apporter de légères modifications aux garanties linguistiques énoncées à l'article 16 de la Charte afin de corriger les problèmes que posent actuellement l'interprétation restrictive qui en a été donnée par les tribunaux.

LA FFHQ ET LE DOSSIER DES NÉGOCIATIONS CONSTITUTIONNELLES

Les démarches de la FFHQ du 30 avril 1987 au 1er octobre 1989

Ottawa Octobre 1989

LA FFHQ, ET LE LAC MEECH: L'ANALYSE

À la suite de l'accord de principe du 30 avril, la Fédération des francophones hors Québec qualifia de «relativement satisfaisante» la modification constitutionnelle mais recommandait de scinder le paragraphe 2(2) en deux parties pour y inscrire l'obligation de promotion. Elle allait d'ailleurs reconnaître l'importance d'acquiescer aux demandes du Québec, position qu'elle maintiendra tout au long des débats constitutionnels (communiqué du 26 mai 1987, p. 21; lettre de Fontaine à Bourassa du 25 mai 1987, p. 5).

Le 3 juin, la F.F.H.Q. fut consternée d'apprendre que le rôle des législatures était limité à la protection sans compter que l'Accord Langevin vidait la dualité linguistique de sa dimension collective pour la ramener à son niveau individuel (communiqué du 3 juin 1987, p. 21).

Bien que le Comité spécial mixte d'août 1987 ait entendu et retenu le bien-fondé de nos préoccupations, il s'était gardé de faire des recommandations à ce sujet sinon qu'indiquer que cette question devait être débattue «dans les meilleurs délais» (communiqué du 28 septembre 1987, p. 22) .

Le 12 janvier 1988, M. Mulroney répondit à la lettre de la F.F.H-Q. du 2 octobre 1987 et nous indique que «le fédéral aurait souhaité aller plus loin avec le rôle de promotion et que l'idée d'inscrire ce rôle à la prochaine ronde constitutionnelle «mérite d'être considérée sérieusement» (lettre de Mulroney à Fontaine, 12 janvier 1988, p. 6)

Au mois de mars 1988, la F.F.H.Q. s'adresse par voie de lettre aux Premiers ministres provinciaux et fédéral afin de leur demander des modifications à l'Accord du 3 juin qualifié «d'incomplet et d'inacceptable». Cette correspondance établissait clairement que l'appui de la Fédération était conditionnel à la réalisation de quatre modifications (lettre de Fontaine à Mulroney, 2 mars 1988, p. 6).

À la fin du mois, le Bureau de direction reçu le mandat de «maximiser certains items nationaux» dont, entre autres, obtenir une déclaration du fédéral le liant à l'obligation de promotion de la dualité, de s'assurer du contenu d'une deuxième ronde et de convoquer une conférence des Ministres de l'éducation.

Inquiet du ton ferme de la F.F.H.Q., monsieur Mulroney cru discerner un changement de position par rapport à la lettre du 2 octobre 1987. Le Premier ministre nous mit en garde à l'effet que des gens pourraient se servir des francophones hors Québec pour rejeter l'Accord (lettre de Mulroney à Fontaine, 30 mars 1988, p. 7).

Dans une lettre à Grant Devine, monsieur Mulroney indique au Premier ministre de la Saskatchewan son intention de traiter de la question des droits des minorités linguistiques «in their broadest context» lors de la conférence constitutionnelle suivant la ratification de Meech.

En août 1988, le Bureau de direction réitérait l'appui conditionnel de la F.F.H.Q comme étant la position officielle de son C.N.P.P. et résolut de travailler sur la notion de promotion de la francophonie canadienne dans le but d'en arriver à proposer un nouveau libellé.

À la suite du Conseil national des présidentes et des présidents de décembre 1988, la F.F.H.Q. continua d'appuyer les demandes du Québec mais convenu d'obtenir des gouvernements fédéral et québécois des propositions concrètes sur le contenu de l'ordre du jour d'une deuxième ronde, la tenue d'une conférence fédérale/provinciale sur l'article 23 et la signature d'ententes Canada/communautés (C.N.P.P., 9, 10 et 11 décembre 1988, Ottawa, p. 20) .

À la fin du mois de janvier, Lowell Murray nous informe de la réaction du gouvernement face aux trois conditions de la F.F.H.Q. Se référant à la lettre de M. Mulroney à M. Devine, le Ministre des relations intergouvernementales mit en relief l'engagement du Premier ministre à inscrire la question des minorités linguistiques à l'ordre du jour de la prochaine conférence (lettre de Murray à Doucet, 30 janvier 1989, p. 8).

Aujourd'hui, nos communautés ont réussi à conclure des ententes en Saskatchewan tandis que les négociations se poursuivent au Manitoba et en Alberta.

Le lac Meech: parce que ça nous concerne aussi

Tout au long du débat constitutionnel, la F.F.H.Q. a reconnu l'importance du rapatriement du Québec de même que la légitimité de ses demandes. Mais l'Accord déborde les simples revendications du Québec et touche directement nos communautés. Or, l'intervention de la F.F.H.Q. dans le dossier n'est pas due à une quelconque hostilité face aux préoccupations québécoises mais bien à la formulation boiteuse de la dualité linguistique.

Il ne suffit pas d'avoir traité de cette dualité pour nous satisfaire. Les clauses qui l'entoure demeurent selon nous inadéquates. Nous continuerons donc à sensibiliser nos dirigeants à cette question.

ANNEXE 1 : Inventaire des correspondances

Voici l'essentiel des échanges intervenus entre la F.F.H.Q. et les principaux acteurs de la scène politique canadienne concernant l'entente Meech.

  1. Des L. Murray à: Y. Fontaine

15 MAI 1987 : le gouvernement commente l'entente - les minorités linguistiques ont une reconnaissance explicite (dualité) on complète «de façon plus que satisfaisante» la constitution actuelle»

  1. De: Y. Fontaine à: R. Bourassa

25 MAI 1987 : la F.F.H.Q. réagit à l'entente du 30 avril 1987 - l'entente est relativement satisfaisante corrections suggérées vis-à-vis la clause «société distincte» et l'engagement de «promotion» en plus de la «protection»»

  1. De: Y. Fontaine à: B. Mulroney

2 OCTOBRE 1987: la FFHQ réagit au dépôt du rapport du Comité mixte spécial (Ottawa) déception que le rôle de «promotion» ne soit pas recommandé satisfaction que l'on recommande que la question de la «promotion» soit inscrite à une conférence ultérieure des Premiers ministres.

  1. De: J. Turner à: Y. Fontaine

14 DÉCEMBRE 1987s le parti libéral réitère son appui à l'entente une fois le Québec rapatrié, possibilité de modifier la constitution le Parti libéral tient à inscrire le rôle de «promotion» pour tous les gouvernements.

  1. De: B. Mulroney à: Y. Fontaine

12 JANVIER 1988: réponse à lettre adressée par la F.F.H.Q. le 2 octobre 1987 le rôle de «protection» de la dualité est un pas en avant même si le fédéral aurait souhaité aller plus loin avec le rôle de «promotion» l'idée d'inscrire le rôle de «promotion» à prochaine conférence constitutionnelle «mérite d'être considérée sérieusement» .

  1. De: Y. Fontaine à; B. Mulroney

2 MARS 1988: la F.F.H.Q. se positionne clairement: l'Accord du 3 juin est «incomplet et inacceptable» les recommandations sont les suivantes: (i) dualité linguistique reconnue à un niveau collectif plutôt qu'individuel, (ii) on doit reconnaître un rôle de «promotion» de la dualité, (iii) ces rôles de «protection» et de «promotion» doivent s'étendre aux «gouvernements» et non seulement aux parlements et législatures, (iv) abolir le paragraphe 2(4) indiquant que les pouvoirs et prérogatives des gouvernements demeurent intacts. L'appui de la F.F.H.Q. est conditionnel à la réalisation de ces modifications la même lettre a été envoyée à tous les Premiers ministres provinciaux (résolution CNPP-88-R 003, conférence téléphonique du 2 février 1988) le 7 mars 1988 (copie de la lettre annexée).

  1. De: B. Mulroney à: Y. Fontaine

30 MARS 1988: réponse à la lettre du 2 mars 1988 le fédéral constate un changement dans la position de la F.F.H.Q. par rapport à la lettre du 2 octobre 1987 dans cette lettre du 2 octobre 1987, la F.F.H.Q. n'aurait traité alors que d'une prochaine conférence des Premiers ministres, selon M» Mulroney le fédéral souligne aussi une déclaration de novembre 1987 à l'effet que la FFHQ voulait éviter «que des gens se servent des francophones pour dire que l'Accord du lac Meech doit être rejeté» (cope de la lettre annexée).

  1. De: B. Mulroney à: G. Devine

8 AVRIL 1988 : le fédéral réagit au dépôt de la Loi 2 (Saskatchewan) l'impact de la législation dépasse les frontières de la Saskatchewan cette loi peut être vue soit comme un premier pas (si on lui donne suite) ou comme un pas en arrière (des droits historiques sont abolis) le gouvernement fédéral aurait souhaité que l'on aille plus loin, plus vite le gouvernement fédéral a l'intention de traiter la question des droits des minorités linguistiques «in their broadest context» lors de la conférence constitutionnelle suivant la ratification de Meech (copie de la lettre annexée).

  1. De: M. Poucet à: L. Murray

27 JANVIER 1989: la F.F.H.Q. voudrait donner suite à la lettre du Premier ministre Mulroney (12 janvier 1988) la F.F.H.Q. est prête à appuyer Meech si (1) la question des francophones hors Québec est inscrite à la prochaine conférence constitutionnelle et si (2) il y a une conférence fédérale/provinciale traitant de l'article 23 de la Charte on souligne aussi qu'une demande au Secrétariat d'État sera faite quant à la possibilité de conclure des ententes Canada/communautés.

  1. De: L. Murray à M. Poucet

30 JANVIER 1989: réponse à la lettre de la F.F.H.Q. (27 janvier 1989) en faisant référence à la lettre Mulroney Devine (8 avril 1988), M. Murray parle de l'engagement du Premier ministre à inscrire la question des minorités linguistiques pour la prochaine conférence constitutionnelle la question de l'article 23 de la Charte serait alors traitée cet engagement concrétiserait la lettre Mulroney Fontaine (12 janvier 1988) (copie de la lettre annexée).

  1. De: G. Matte aux: Premiers ministres provinciaux

22 FÉVRIER 1989: lettre en vue de la conférence fédérale/provinciale du 27 février 1989 on réitère les deux (2) demandes principales de la F.F.H.Q. (ordre du jour de la prochaine conférence et mise en oeuvre de l'article 23 de la Charte).

ANNEXE 2

Inventaire des résolutions des réunions du Conseil national des présidentes et présidents et du Bureau de direction.

  1. CNPP 21 ET 22 NOVEMBRE 1987, EDMONTON C.N.P.P.-87-R 048

Les membres de la Fédération ne se sont pas entendus sur une position constitutionnelle et n'ont pu établir de consensus. Ils ont donc convenu de mettre sur pied un comité ad hoc ayant la responsabilité de rédiger la position de la Fédération.

  1. CNPP EXTRAORDINAIRE, 2 FÉVRIER 1988, CONFÉRENCE TÉLÉPHONIQUE. C.N.P.P. 88-R 002

Adoption du rapport du Comité ad hoc spécial des affaires constitutionnelles.

C.N.P.P. 88-R 003

La Fédération adopte la recommandation suivantes par voie de lettre, demander à tous les Premiers ministres des modifications à l'Accord (voir lettres aux Premiers ministres).

C.N.P.P. 88-R 004

Formation du Comité de stratégie constitutionnelle.

  1. C.N.P.P.. MARS 1988. QUÉBEC

Dépôt du rapport du Comité de stratégie constitutionnelle et présentation de deux options:

C.N.P.P.-88-R 015

Résolution de maximiser certains «items nationaux» dont entre autres 1) obtenir une déclaration du gouvernement fédéral, le liant à l'obligation de promotion, et que celui-ci demande au Québec et au Nouveau-Brunswick de l'appuyer; 2 ) que cette question et d'autres préoccupations soient débattues lors d'une deuxième ronde et 3) que l'on convoque une conférence des Ministres de l'éducation en vue de la mise en oeuvre de l'article 23.

  1. BUREAU DE DIRECTION. 20 AVRIL 1988. OTTAWA

Certaines demandes incluses dans la résolution C.N.P.P.-88-R 015 du C.N.P.P. de mars 1988 ont été transmises au gouvernement fédéral.

  1. BUREAU DE DIRECTION. 29. 30 ET 31 AOÛT 1988. MONCTON

La position officielle de la F.F.H.Q. est celle adoptée par son C.N.P.P. de mars 1988, dans laquelle elle réclame des modifications à l'Accord constitutionnelle.

B.D.-88-R 031

Que la F.F.H.Q. développe cette notion de «protection et de promotion» de la «francophonie canadienne» et qu'elle soumette le résultat de ses travaux aux membres, dans le but d'en arriver éventuellement à suggérer un nouveau libellé à l'Accord.

RÉUNION DES PRÉSIDENTS DE L'OUEST, 25 NOVEMBRE 1988. EDMONTON

Demande de rencontre Frank McKenna, M. G. Doer et Mme S. Carstairs mais faire attention de ne pas être perçus antiQuébec, ni comme étant d'accord avec les anglophones du Québec.

  1. C.N.P.P. 9, 10 ET 11 DÉCEMBRE 1988. OTTAWA C.N.P.P.-88-R 040

(...) il est proposé que la F.F.H.Q. appuie l'Accord tel qu'adopté en 1987.

C.C.N.P.-88-R 043

Le C.N.P.P. émet trois (3) conditions à remplir pour appuyer l'Accord;

obtenir des engagements des gouvernements fédéral et québécois des propositions concrètes en rapport aux trois points suivants :

  • Inscription de l'enchâssement des droits des francophones à l'ordre du jour de la deuxième ronde constitutionnelle;
  • tenue d'une conférence fédérale/provinciale sur l'article 23;
  • signature d'ententes Canada/communautés indépendantes d'ententes Canada/provinces là où il n'y en a pas (Alberta).
  1. BUREAU DE DIRECTION. 25 JANVIER 1989. HALIFAX

Faire parvenir une lettre à Lowell Murray afin d'obtenir l'engagement écrit du gouvernement fédéral. Aussi, acheminer au Secrétariat d'État, une dernière demande concernant les ententes Canada/communautés.

  1. C.N.P.P.. 3, 4 ET 5 MARS 1989. TORONTO

Suite à une rencontre avec M. L. Bouchard en vue d'explorer si le gouvernement fédéral était prêt à rencontrer les conditions émises par la F.F.H.Q., il n'y a pas eu de position ferme du gouvernement quant au contenu d'une deuxième ronde. Le dossier portant sur les ententes Canada/communautés n'est pas encore débloqué.

ANNEXE 3

Inventaire des communiqués

  1. Conférence de presse/communiqué, 26 mai 1987 Sur l'entente de principe du 30 avril;
  • Il faut rendre plus exigeant le devoir du Parlement et des législatures provinciales envers les francophones hors Québec. Ils doivent non seulement protéger mais aussi promouvoir la dualité linguistique.
  • Recommandations: l. Paragraphe 2(2) doit être scindé en deux (2) parties pour inscrire l'obligation de promotion; 2 a) Parlement du Canada, 2 b) législatures.
  • Le concept de dualité (Canada anglophone et Canada francophone) apparaît intéressant. Aussi, la Fédération des francophones hors Québec appuie, en principe, les cinq (5) demandes du Québec et son retour dans le giron constitutionnel.
  1. Communiqué, 3 juin 1987
    • La F.F.H.Q. est consternée d'apprendre que le rôle des législatures sera limité à la protection.
    • La définition de la caractéristique fondamentale est vidée de sa dimension collective et ramenée à un niveau individuel avec l'expression «Canadiens d'expression française».
    • Reconnaît l'importance de l'adhésion du Québec.
  2. Communiqué, 28 septembre 1987

Réactions au rapport du Comité mixte;

  • Le Comité a retenu le bien-fondé de nos préoccupations mais s'est gardé de faire des recommandations à ce sujet.
  • Le Comité indique que cette question devrait être débattue «dans les meilleurs délais» (deuxième ronde ?) ; pour la F.F.H.Q., à défaut de modifier immédiatement l'Accord nous devons nous en remettre à la prochaine rencontre des Premiers ministres,
  1. Communiqué. 12 novembre 1987

Mise au point de la F.F.H.Q. et de la S.A.A.N.B.

  • Les deux organismes appuient McKenna dans ses démarches. Ils sont aussi conscients que, d'un point de vue politique, il serait dangereux pour les communautés francophones de rejeter l'entente si les changements demandés ne sont pas obtenus.
  • On suggère trois (3) façons d'assurer la bonification des droits des Acadiennes et Acadiens et des francophones hors Québec: a) que le gouvernement fédéral ne s'objecte pas à toute résolution du Nouveau-Brunswick ayant pour but de modifier la Constitution pour s'inscrire comme caractéristique fondamentale du Nouveau-Brunswick le contenu de la loi sur l'égalité des communautés linguistiques officielles; b) d'obtenir une garantie des autres provinces qu'elles vont mettre en oeuvre les droits constitutionnels en vertu de l'article 23; c) d'obtenir l'engagement de traiter les droits des minorités de langues officielles dans une deuxième ronde de négociations.
  1. Communiqué, 15 novembre 1988
  • Campagne électorale de 1988s les trois chefs répondent à la F.F.H.Q.
  • Le Parti conservateur croit qu'il faut «traiter généreusement les minorités linguistiques au Canada» mais ne s'engage pas encore à ce que les droits de ces minorités soient l'objet de discussions lors d'une prochaine ronde constitutionnelle.
  1. Communiqué, 30 août 1989
  • La F.F.H.Q. tient à «souligner les efforts fournis par la S.A.A.N.B. pour faire en sorte que la Constitution canadienne comporte des garanties additionnelles pour l'ensemble de la francophonie hors Québec».

MÉMOIRE PRÉSENTE AU PREMIER MINISTRE DU QUÉBEC MONSIEUR ROBERT BOURASSA

PRÉSENTATION DE CERTAINES OPTIONS QUANT AU MÉMOIRE DE BASE

Ottawa 16 janvier 1990

I LA FFHQ ET L'ENTENTE CONSTITUTIONNELLE DE 1987

Référence ; mémoire p. 6 (recommandation)

La recommandation qui traite de la question de la «protection» et de la «promotion» pourrait être remplacée par ce qui suit :

Dans cet esprit, la F.F.H.Q. demande aujourd'hui au gouvernement du Québec de faire en sorte que l'item d'un renforcement (ou d'une consolidation) du cadre constitutionnel touchant la situation des communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire soit prioritairement au centre des pourparlers politiques qui se déroulent présentement ; pourparlers dont nous ignorons l'ampleur et la portée, mais qui pourrait aboutir à un accord politique parallèle. Ce geste et cet appui du Québec nous apparaissent cruciaux dans les circonstances actuelles.

Disons au départ que l'objet de nos revendication est sans nul doute le «cadre constitutionnel» des francophones hors Québec. L'objectif que l'on vise à atteindre peut dès lors prendre deux formes. Ou bien on vise un «renforcement» de ce cadre, ce qui implique l'adoption de nouvelle disposition traitant de sujets qui ne sont pas présentement dans la constitution ; ou alors, on vise une «consolidation» de l'actuel cadre constitutionnel, ce qui signifie que l'on retouche ou améliore les dispositions déjà existantes dans les domaines, par exemple, de l'article 23 de la Charte ou des dispositions sur les langues officielles du Canada (art. 16 à 20 de la Charte).

D'un point de vue stratégique, on peut penser que le gouvernement du Québec se sentirait plus confortable avec la deuxième option (consolidation) , particulièrement s'il s'agit de négocier un accord parallèle.

Finalement, pour être conforme avec nos autres textes, nous avons choisi les termes «communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire», mais il serait possible, pour alléger le texte, d'écrire «minorités linguistiques».

III LES RAPPORTS POLITIQUES ENTRE LE GOUVERNEMENT DU QUÉBEC ET LES COMMUNAUTES FRANCOPHONES

Référence ; mémoire p. 15 (recommandation)

La recommandation qui traite de la question de la responsabilité des rapports entre le gouvernement du Québec et les communautés francophones hors Québec pourrait être remplacée par ce qui suit :

Nous demandons en conséquence au premier ministre qu'il étudie la possibilité d'établir, à l'intérieur de son gouvernement, une structure permettant aux relations entre le Québec et nos communautés d'avoir cours sans qu'il y ait interférence avec des intérêts dictés par le dossier des négociations constitutionnelles. Qu'il s'agisse de l'octroi de responsabilités différentes à l'intérieur des actuels ministères ou qu'il s'agisse d'une réforme plus importante, ladite structure assumerait,

(...)

Comme on peut le voir, il s'agit d'abord et avant tout de mettre en relief notre objectif de base, qui est d'«épurer» nos relations avec Québec, tout en laissant une importante marge de manoeuvre pour les discussions qui se tiendront entre nos représentants et le premier ministre sur la question de l'attribution de la responsabilité même du dossier des relations Québec communautés francophones hors Québec.

NOTE:

Les deux propositions qui précèdent s'appliquent évidemment aux items no. 1) et 5) du document synthèse « LES HUIT DEMANDES DE LA FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC » que l'on retrouve à la toute fin du mémoire.

COMITÉ PARLEMENTAIRE : CHARGÉ D'ÉTUDIER LA PROPOSITION McKENNA

OUVRONS-NOUS LES YEUX: LE SORT DU CANADA EST EN JEU

TEXTE SOUMIS PAR LA FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC

Ottawa

Le 11 avril 1990

COMITÉ SUR MEECH

INTRODUCTION

La FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC suit avec beaucoup d'intérêt le dossier constitutionnel depuis nombre d'années. Au cours des négociations de 1982 menant à l'enchâssement de la Charte des droits et libertés, nous avions fait pression pour une reconnaissance de droits scolaires maintenant insérés à l'article 23 de la Charte.

Dès 1985, alors que le Québec déposait ses conditions pour retourner à la table des négociations constitutionnelles, la Fédération débutait une série d'études visant à cibler les domaines où une intervention constitutionnelle était essentielle.

À la signature de l'entente constitutionnelle de 1987, notre organisme a comparu devant le Comité parlementaire chargé d'étudier l'accord du Lac Meech. Le rapport du Comité soulignait d'ailleurs à la page 55 :

En réponse aux autres critiques formulées à l'égard de la disposition concernant la «dualité linguistique», le gouvernement fédéral affirme que les provinces n'étaient pas prêtes à aller plus loin pour l'instant et qu'on poursuivra les efforts en vue d'élargir les droits des minorités, notamment lors des prochaines négociations constitutionnelles.

Le 22 mars dernier, le Premier ministre du Canada décidait d'entendre à nouveau les citoyennes et citoyens du pays sur l'Accord. À la base des discussions, le fédéral a déposé la motion du Nouveau-Brunswick.

Nous apprécions grandement la possibilité d'être entendus par ce Comité. L'entente de 1987, tout comme le texte de réflexion du Premier ministre McKenna, nous concernent directement. En adressant la question de la dualité canadienne, les onze gouvernements de ce pays ont entraîné notre organisme sur ce qui s'avère la longue route du Lac Meech.

Comme la plupart des gens de ce pays, nous sommes préoccupés par le climat social et politique qui plane au Canada. L'accord du Lac Meech a été conclu à l'origine entre les deux majorités pour rétablir une dynamique propre à nous permettre de traiter des questions fondamentales pour un pays libre et démocratique. Il en est aujourd'hui à nourrir l'incompréhension, voire l'intolérance et ceux qui risquent de beaucoup y perdre, ce sont les minorités du Canada, qui ne détiennent pas de balance de pouvoir.

Nous voulons croire que les présentes audiences permettront une ultime réflexion de la part de l'une des sociétés les plus choyées sur la planète.

N'est-il pas temps de s'ouvrir les yeux avant que le sort du Canada ne soit déjà joué?

I LES VÉRITABLES ENJEUX DE MEECH

Le présent Comité a reçu mandat de travailler à partir de la résolution constitutionnelle de l'Assemblée législative du NouveauBrunswick (ci-après appelée résolution McKenna). Nous croyons qu'avant de débuter l'analyse proprement dite de la résolution, il est essentiel de commenter les récentes déclarations et gestes posés par certains de nos politiciens d'ici et d'ailleurs au pays.

Le geste de Terre-Neuve

Il serait très difficile de ne pas débuter par Terre-Neuve. Sous prétexte de vouloir protéger les intérêts supérieurs de la nation, le Premier ministre Wells en est à la détruire. À vouloir défendre les minorités linguistiques, il en fera les grandes perdantes de cette réforme constitutionnelle fondamentale. La communauté francophone de Terre-Neuve, déjà sans aucun appui de son gouvernement provincial, aura à subir ses sautes d'humeur constitutionnelles et les effets d'une Assemblée législative revenant sur sa parole.

La FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC s'explique très mal le bien-fondé d'un geste aussi brutal que celui posé par monsieur Wells d'opposer un non catégorique à l'adhésion du Québec dans la famille constitutionnelle canadienne.

Le Premier ministre de Terre-Neuve n'est-il pas à même de comprendre un seul élément de toute la problématique que pose pour la région de l'Atlantique la rupture du Québec avec le reste du Canada? Du seul point de vue économique, toutes les régions du pays ressentiraient gravement un tel changement structurel et l'Atlantique n'y ferait certes pas exception, bien au contraire.

Monsieur Wells, celui qui est à même de comprendre les nuances d'une constitution, celui qui endosse vigoureusement le contenu de la Loi constitutionnelle de 1982 et de sa Charte des droits, celui-là même qui accepte que les droits des peuples autochtones et la notion de multiculturalisme soient constitutionnalisés, comment peut-il aujourd'hui dire non au Québec pour ce qu'il est en voulant limiter sa reconnaissance au préambule de la Constitution?

Nous ne dénions pas la responsabilité du gouvernement de Terre-Neuve de voir aux intérêts de sa province. Bien au contraire. Nous sommes d'avis que monsieur Wells a soulevé des préoccupations légitimes touchant l'avenir et le développement de sa province. Cependant, nous comprenons mal comment il peut travailler dans les intérêts de cette même population en coupant de façon aussi radicale les ponts avec le Québec.

Même au niveau des principes, monsieur Wells avait affirmé clairement qu'il était inacceptable qu'un seul Premier ministre tienne en otage tout le reste du pays. Bien sûr, le NouveauBrunswick et le Manitoba n'ont toujours pas ratifié l'entente. On doit admettre par contre que l'approche du Nouveau-Brunswick est plus constructive qu'un non catégorique au Québec. Et si même les intentions du gouvernement de Terre-Neuve ne sont pas de dire non au Québec, il doit tout de même comprendre qu'il s'agit de l'impression que plusieurs dégagent de son geste.

Il doit y avoir plus que jamais une volonté de réintégrer le Québec et, en ces temps critiques, la seule apparence d'un rejet du Québec nous paraît inacceptable.

Les propos des autres

Le ministre Lucien Bouchard déclare que l'on pourrait hypothétiquement se retrouver dans une situation où il faudrait choisir entre Terre-Neuve et le Québec. Le ministre québécois des Affaires intergouvernementales, Gil Rémillard, va plus loin en annonçant que le Canada pourrait parfaitement vivre sans TerreNeuve .

Mais que doit-on comprendre au juste de ces déclarations quasi-incendiaires? Les visées politiques derrière ces propos nous échappent. Nous voyons difficilement comment des dirigeants qui souhaitent d'abord et avant tout la ratification de l'entente puissent croire que pareil discours mènera à un dénouement de l'impasse.

Le seul parti qui a raison de se réjouir d'une telle attitude, c'est le Parti québécois. Parce que, foncièrement et logiquement, il rejette cette entente. Mais les responsables du Parti libéral du Québec souhaitent quant à eux la réintégration du Québec dans le giron constitutionnel.

Le Premier ministre Bourassa a réaffirmé son engagement à ce que l'entente puisse être finalement acceptée par tous les parlements de ce pays. Il a cependant insisté pour dire que le Québec n'accepterait pas de pratiquer un fédéralisme à genoux. La F.F.H.Q. appuie totalement cette position. Nous croyons que le Québec doit réintégrer dans l'honneur et la dignité en refusant que soient réduites ses cinq demandes initiales.

Mais ce même gouvernement pourra-t-il maintenir son refus catégorique vis-à-vis la continuité du processus de réforme constitutionnelle en ne donnant aucune indication sur ses intentions de traiter ou non de certaines préoccupations fort légitimes? Nous pouvons certainement comprendre cette rigidité, mais nous sommes aussi convaincus qu'elle aurait grand avantage à être nuancée dans le meilleur intérêt de tout le pays et du Québec.

En ce sens, nous souhaitons ardemment que la résolution adoptée par l'Assemblée législative du Québec n'aura pas pour conséquence d'emprisonner le gouvernement de la province et de l'empêcher de considérer quoique ce soit pouvant dénouer l'impasse tout en assurant l'intégrité de l'Accord de 1987.

La FFHQ et l'accord du Lac Meech

Nous croyons d'ailleurs qu'il serait opportun à ce stade-ci de clarifier la position de notre organisme sur cet accord du Lac Meech.

Comme la plupart des groupes concernés, la F.F.H.Q. a consacré beaucoup d'énergie à discuter de cette entente. Nous avons multiplié les discussions, les analyses, nous avons tenté d'y dégager les forces et les faiblesses pour notre développement collectif, bref, il y a peu d'ordre du jour de nos réunions depuis trois ans où le point «Lac Meech» n'apparaît pas.

Réunie à Winnipeg le 17 février dernier, la FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC a résolu d'appuyer inconditionnellement l'accord du Lac Meech. Nous étions alors d'avis que ce geste était nécessaire pour signifier au pays toute l'importance que nous accordons à la réintégration du Québec dans le giron constitutionnel. Nous avons aussi résolu qu'il était essentiel de débuter immédiatement un processus visant à traiter des questions auxquelles les Canadiens et Canadiennes attachent une grande importance.

Nous étions convaincus et nous le sommes toujours qu'un nouvel échec constitutionnel entraînerait une conjoncture sociale et politique fragmentée et tendue et qu'il serait alors extrêmement difficile, voire impossible de s'attaquer à d'autres problèmes.

Le développement des communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire touche le coeur même de la spécificité canadienne. En 1982, le Canada leur a reconnu le droit à un enseignement dans leur langue maternelle. Aujourd'hui, il entend avec l'accord du Lac Meech, reconnaître leur présence et l'importance de les protéger. Il s'agit là d'actions positives qui devront être complétées et ajustées avec le temps.

Aussi, allons-nous reporter à tout jamais la question des peuples autochtones? Collectivité déracinée et oubliée, victime de la colonisation et encore trop souvent incomprise, nous ne pouvons balayer du revers de la main le traitement que nous leur avons réservé, comme si aucune injustice n'avait été commise. Une société juste, démocratique et généreuse doit assumer de façon responsable cette créance historique.

L'égalité des sexes a été enchâssée en 1982. Il demeure cependant que cette notion absolument fondamentale au tissu social canadien ne pourra se concrétiser que par un engagement concerté de la part de nos gouvernements dans certains secteurs-clés, tels le traitement salarial et les politiques de garderie.

Au simple point de vue institutionnel, il a été maintes fois répété qu'une réforme du Sénat s'avérerait essentielle dans le contexte moderne du parlementarisme canadien. Allons-nous continuer à être complètement passifs sur cette question?

On le voit donc bien, certaines de ces questions devront être abordées lors de négociations constitutionnelles alors que d'autres devront plutôt faire partie de pourparlers entre les divers gouvernements, surtout au niveau des rencontres annuelles de ministres. Que l'on transige à un niveau ou à un autre, il est important de comprendre que l'exclusion du Québec risque de monopoliser nos énergies à gérer une crise plutôt qu'à faire avancer tous ces dossiers.

La F.F.H.Q. et la proposition McKenna

Pour toutes les raisons soulevées ci-dessus et désireuse de voir l'impasse actuelle dénouée, la FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC a réagi favorablement à la proposition McKenna. Nous considérons, à plus d'un égard, rassurante l'approche du NouveauBrunswick qui vise à adopter l'Accord de 1987 sans modification tout en traitant de préoccupations légitimes soulevées jusqu'ici.

Nous pourrions difficilement cacher notre étonnement vis-àvis les réactions qu'a provoquées le dépôt de cette proposition. Au Québec particulièrement, on a accusé le Nouveau-Brunswick de vouloir dénaturer l'entente de 1987 et de vouloir en diluer le contenu.

Nous avons analysé l'ensemble de la proposition du NouveauBrunswick. Nous avons par la suite rencontré le Premier ministre

McKenna à ce sujet. Nous sommes en mesure de conclure qu'il s'agit certes là d'un geste concret et réaliste visant à mettre un terme à la dangereuse impasse que nous vivons.

Il nous semble essentiel de rappeler qu'aucun vote des assemblées législatives n'est exigé avant le 23 juin. Un des objectifs poursuivis avec le retour du Québec était de permettre la continuité du processus de réforme. Ce que nous propose le gouvernement McKenna, c'est justement la poursuite du dialogue constitutionnel sans toutefois remettre en question l'accord conclu au Lac Meech.

Il nous apparaît raisonnable de demander à nos gouvernements d'indiquer leurs intentions vis-à-vis certaines de ces propositions. La proposition McKenna se veut flexible et les gouvernements doivent prendre le temps de la discuter. Ainsi pourront-ils fixer des objectifs communs et assurer ainsi la poursuite du dialogue.

En ce sens, nous croyons qu'il est de notre responsabilité de faire part au présent Comité de notre analyse de la section qui nous touche le plus directement dans la proposition McKenna: la clause reconnaissant au gouvernement fédéral le rôle de promouvoir la dualité canadienne.

Notre but n'est pas de convaincre tous les gouvernements, y compris le Québec, que l'on doit insérer cette obligation dans l'entente avant le 23 juin. Il faut passer Meech avant toute chose. Il s'agit plutôt de présenter la position de la FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC sur cette clause de promotion en espérant qu'elle pourra contribuer, dans la mesure du possible, à nourrir un débat constructif et éclairé dans un processus continu de réforme constitutionnelle au Canada.

Nous terminerons ce survol de la proposition McKenna en soulignant un point crucial pour la communauté acadienne du Nouveau-Brunswick. L'enchâssement de la Loi reconnaissant l'égalité des deux communautés linguistiques est une revendication de longue date dans cette province. Nous souhaitons ardemment que le gouvernement McKenna, quoiqu'il advienne de sa proposition, saura une fois de plus démontrer son leadership en procédant, par le biais de l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982, à un enchâssement de cette Loi 88.

II LA CLAUSE DE LA PROMOTION

En rédigeant ce qui deviendrait l'article 2 de la Constitution du pays, les Premiers ministres ont tracé le portrait linguistique du Canada. À raison, les observateurs ont mis beaucoup d'accent sur la reconnaissance du Québec comme société distincte. Il s'agissait d'un pas majeur dans l'évolution constitutionnelle du Canada. À bien des reprises, les experts et les gouvernements ont insisté pour dire que la spécificité du Québec débordait la question de la langue.

Ce qui touche cependant directement la question linguistique est certainement la clause traitant de la dualité canadienne. Pour la première fois dans l'histoire du Canada, on reconnaît directement et officiellement l'existence de Canadiennes et Canadiens d'expression française et anglaise partout au pays. Certains vivent en situation minoritaire alors que d'autres sont concentrés sur un territoire.

Dans l'ensemble, cette description socio-linguistique du pays a soulevé moins de débats que les rôles que l'on a bien voulu accorder à chaque gouvernement. Le dépôt de la proposition McKenna le démontre bien. Le rôle pour le gouvernement fédéral de promouvoir la dualité linguistique a été dénoncé sévèrement par certains experts constitutionnels du Québec et d'ailleurs.

Nous croyons que ce rôle attribué au fédéral ne menace en rien la sécurité linguistique et culturelle du Québec et qu'il signifie un gain majeur pour les communautés francophones hors Québec.

Pour démontrer lebien-fondé de cette affirmation, nous croyons qu'il est de la plus grande importance d'analyser objectivement l'article et le contexte dans lequel il a été introduit.

L'origine de la promotion

Lorsque l'accord du Lac Meech a été signé en 1987, notre organisme a exprimé des préoccupations du fait qu'au-delà du rôle de protéger la caractéristique fondamentale du Canada, on ne reconnaît pas un rôle de promotion au gouvernement fédéral comme c'est le cas du Québec vis-à-vis son caractère distinct.

Nous avons donc par la suite profité de toutes les platesformes qui nous ont été offertes pour expliquer l'importance de promouvoir la dualité canadienne. Nos communautés doivent faire reposer leur développement sur des assises durables et c'est pourquoi nous avons tant insisté pour que l'on aille plus loin que la simple «protection» de la dualité.

En lisant les commentaires de certains professeurs et penseurs du Québec il est devenu évident que cet élément de la proposition McKenna touchant la promotion de la dualité allait recevoir à tout le moins un accueil tiède dans cette province. On semble voir dans cette clause un pas vers la bilinguisation du Québec, voire son anglicisation.

Il est fondamental de comprendre que cette modification n'est pas l'apanage de groupes s'opposant à un Québec à caractère francophone. Ce sont nous, francophones de tout le pays, qui avons demandé sans relâche ce rôle pour le gouvernement fédéral. Nous croyons pouvoir démontrer dans ces quelques lignes qu'il ne s'agira absolument pas de déséquilibrer le compromis de Meech, bien au contraire.

La nature de la promotion

Le rôle de promotion est inscrit dans un article de nature interprétative. L'article 2 de l'Accord ne pourrait être plus clair à ce sujet.

Qu'en est-il de la nature du rôle de promotion à l'intérieur même de cet article? Clairement, il s'agit d'une notion à caractère évolutif et dynamique. Particulièrement lorsqu'il apparaît au côté de la notion de «protection», qui est de nature beaucoup plus statique et passive, la promotion signifie l'accomplissement de gestes tangibles aboutissant à des effets concrets.

Pour beaucoup de nos communautés, le devoir de «promotion» s'inscrirait aussi au titre d'une mesure «remédiatrice» de bien des injustices de l'histoire. On retrouve d'ailleurs l'article 23 de la Charte des droits et libertés touchant l'éducation des communautés minoritaires qui est lui-même, aux dires de la Cour Suprême du Canada, un article de nature «remédiatrice».

Il est tout à fait souhaitable que notre constitution puisse contenir des outils pro-actifs pour les gouvernements. Si nous voulons assurer l'épanouissement de cette caractéristique exceptionnelle du Canada, soit la présence d'une grande communauté francophone, nous devrons être prêts à accepter ce genre d'engagement.

Plus de 250 millions d'anglophones en Amérique, une ouverture sans précédent des marchés économiques et une pénétration toujours plus manifeste de la culture américaine nous obligent à réagir à plusieurs niveaux. Sans faire cavalier seul, le domaine constitutionnel joue certainement un rôle prépondérant lorsqu'il nous engage à des actions concrètes au niveau linguistique.

L'objectif de la promotion

Les textes constitutionnels doivent tendre à se compléter, non se contredire et encore moins se répéter. Lorsqu'on reconnaît la dualité canadienne, que vise-t-on au juste qui n'est pas déjà dans la constitution?

Certains ont vu dans la clause de dualité, surtout lorsqu'elle est accompagnée d'une clause de «promotion», un engagement vers la bilinguisation.

Nous croyons fermement qu'il s'agit là d'une dénaturation de cette clause. Le bilinguisme fait déjà l'objet d'une partie importante de la Loi constitutionnelle de 1982, les articles 16 à 20. On retrouve à cette section, une description classique du bilinguisme institutionnel d'un État; des services dans les deux langues au niveau du gouvernement fédéral et la possibilité de travailler dans la langue de son choix, pour ne nommer que ces deux points.

La dualité linguistique s'apparente plutôt à la notion de collectivité. Ce que l'on vise, ce n'est pas des droits individuels, mais beaucoup plus une reconnaissance d'un fait sociologique, qui est la présence de deux grandes communautés linguistiques à l'intérieur du territoire canadien.

Lorsqu'on enchâsse l'obligation de promouvoir cette dualité, on indique à nos dirigeants leur devoir d'assurer à ceux et celles appartenant à ces groupes, l'accessibilité à des institutions propres à leur développement. Il est évident que l'objectif aurait une signification beaucoup plus tangible pour des communautés qui en sont encore à un niveau limité de leur développement.

La communauté acadienne du Nouveau-Brunswick ou les anglophones du Québec représentent certainement le genre de communautés qui bénéficient d'importantes structures pour leur épanouissement dans des secteurs-clés (éducation et services sociaux). Il est probable que des communautés francophones comme celles de Terre-Neuve ou de l'Alberta auront beaucoup plus à espérer de cette clause.

Si les Canadiennes et Canadiens comprennent bien l'objectif que nous visons avec la reconnaissance d'un rôle de promotion de la dualité par le fédéral, ils l'accepteront plus facilement. Les récents sondages nous ont démontré que si la notion de bilinguisme perd de sa popularité, il demeure que la population est en faveur d'un appui au développement social des minorités linguistiques.

Aussi, l'objectif de la promotion n'est certes pas de permettre au gouvernement fédéral de s'ingérer dans le champs de compétences des provinces. La clause 2 (4) de l'Accord est très claire à cet effet»

Accepter que le fédéral promeuve la dualité, c'est reconnaître qu'il y a un équilibre linguistique au Canada, que cet équilibre est fragile et qu'il faut prendre des mesures concrètes pour que le visage linguistique du pays demeure celui décrit dans l'accord du Lac Meech : une population francophone concentrée au Québec et présente dans le reste du Canada et une communauté anglophone concentrée dans le reste du pays et présente au Québec.

L'effet de pendule de la promotion

On a souvent soulevé l'effet d'asymétrie inclus dans l'article 2 de l'Accord. D'un côté, il y a la notion de dualité linguistique et le rôle de tous les gouvernements de la protéger. De l'autre côté, il y a la clause de société distincte et le rôle attribué au Québec de protéger et de promouvoir sa spécificité.

La proposition McKenna et sa clause de «promotion» de la dualité a été critiquée par certains penseurs au Québec comme portant sérieusement atteinte à cette nécessaire asymétrie. Nous croyons qu'il serait faux d'y attribuer un tel effet.

La FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC croit qu'il est essentiel que l'asymétrie de l'accord du Lac Meech demeure. Le Québec exprime une spécificité unique au Canada et en Amérique du Nord et la Constitution du pays doit absolument refléter cette réalité.

Cependant, nous aimons croire que ce qui est justement unique n'est pas le fait que notre constitution accorde un rôle de protection et de promotion à un gouvernement provincial et que tous les autres gouvernements aient un rôle de protection d'un fait sociologique précis. Ce qui est unique au Canada, c'est d'abord et avant tout le fait qu'il y ait une société distincte sur les plans historique et institutionnel et qu'il y ait à travers tout le pays des communautés de langue officielle francophones et anglophones. Il s'agit à notre avis de la véritable asymétrie du Lac Meech et elle demeure intacte avec la proposition McKenna.

Le Nouveau-Brunswick ne fait qu'ajouter aux moyens d'action des gouvernements sans toucher à la description linguistique et sociologique du Canada. Comme nous allons le décrire dans les prochaines lignes, cet ajustement dans le rôle des gouvernements ne va pas à l'encontre des intérêts du Québec et constitue certainement un gage de sécurité culturelle et linguistique pour les communautés francophones hors Québec.

(1) Le Québec

Répétons-le, la spécificité du Québec dépasse la seule question linguistique. C'est ce qui fait d'ailleurs que l'on parle d'une «société» distincte dans l'Accord et que l'on a jugé, à tort ou à raison, qu'il ne fallait pas énumérer tous les éléments de cette réalité.

La clause de la dualité nous indique clairement que sur le plan linguistique, le Québec est un territoire peuplé majoritairement de francophones et qu'il y a une minorité anglophone ayant un statut particulier, au même titre que les francophones hors Québec. Par rapport à ces deux réalités, le gouvernement du Québec joue en ce moment un rôle pro-actif.

Il applique la Charte de la langue française qui vise justement à promouvoir le français dans la vie quotidienne des Québécoises et Québécois.

Vis-à-vis sa minorité linguistique, le Québec offre plus d'institutions de développement que partout ailleurs au pays, y compris au Nouveau-Brunswick. Pour ce faire, le gouvernement du Québec a signé avec le gouvernement fédéral des ententes-cadres dans les domaines de l'enseignement et des services sociaux, telles l'application de la Loi 142 sur les services de santé en anglais. Il est donc clair qu'à l'heure actuelle, le Québec protège et fait la promotion d'une communauté linguistique minoritaire sur son territoire.

Finalement, soulignons que dans la conjoncture actuelle et la Cour Suprême l'a reconnu dans sa décision touchant la Charte de la langue française ce n'est pas l'anglais qui est menacé au Québec ou à l'extérieur du Québec, mais bien plutôt la langue française. Une analyse du portrait linguistique du Canada et de l'Amérique du Nord mène inévitablement à cette conclusion.

La FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC est donc d'avis que, dans la conjoncture actuelle, si le gouvernement fédéral, dans son champs de compétences et en s'appuyant sur la clause de promotion, faisait la promotion du français au Québec, alors il respecterait l'esprit et l'objectif de la clause de «société distincte» et de «dualité» qui est d'assurer une concentration de francophones au Québec» Le fédéral devra aussi assurer à la communauté anglophone la permanence de ses outils de développement.

Nous croyons qu'il s'agit là d'une interprétation honnête et fondée de la proposition McKenna et de l'intention visée par le gouvernement du Nouveau-Brunswick.

(2) Le hors Québec

La situation hors Québec est évidemment très différente. On y retrouve une concentration d'anglophones qui, de par leur situation au Canada et en Amérique du Nord, ne sont en aucun point menacés au niveau linguistique. Cette caractéristique du Canada ne nécessite certes pas de promotion pour se maintenir, ni même de protection.

La dualité reconnaît aussi qu'il y a des communautés francophones dans chaque province et territoire à l'extérieur du Québec. Il s'agit là du coeur de nos intérêts.

Le sort de ces minorités linguistiques est incomparable avec celui des anglophones du Québec. Peu choyées par l'histoire de notre pays et laissées souvent sans institutions pourtant fondamentales à leur épanouissement, les communautés francophones ont été dans une situation fort précaire et le spectre de l'assimilation se fait toujours sentir. Qu'à cela ne tienne, il sont toujours plus d'un million au pays et ces francophones sont partie intégrante de la spécificité canadienne.

Nous sommes d'avis que si le fédéral ne fait que protéger une situation en ce moment inacceptable dans plusieurs provinces pour les francophones, alors on assure en rien le maintien de la dualité canadienne. Aussi, si le Québec s'objectait à un tel rôle du fédéral, alors c'est tout le développement de ces même communautés qui est inutilement handicapé.

(3) Le long terme

Nous avons donc souligné qu'actuellement, le portrait sociolinguistique du pays fait en sorte qu'il n'y a que le français qui soit menacé d'assimilation. Partant, une reconnaissance constitutionnelle de la dualité linguistique et du rôle de la promouvoir entraîne ce que l'on pourrait appeler l'«effet de pendule».

D'une part, on doit agir de façon pro-active pour maintenir et développer le français partout au Canada. D'autre part, on assure le maintien, pour la minorité anglophone du Québec, de son réseau institutionnel qui, s'il devait être diminué, justifierait une intervention du fédéral dans son champs de compétences.

Nous croyons donc que si la Constitution du pays reconnaît au Québec le rôle de promouvoir sa spécificité, restreindre alors le fédéral, à l'intérieur de son champs de compétences, à un rôle de protection revient à créer une asymétrie inutile puisqu'elle ne touche que les moyens d'action.

Nous voudrions rappeler en terminant que la FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC n'arrête pas une position définitive sur le sujet. Agir de la sorte relèverait d'une rigidité inutile. Ce que l'on retrouve ci-dessus, c'est notre interprétation de la clause de promotion de la dualité linguistique déposée par le Nouveau-Brunswick. Nous serions disposés à analyser des propositions venant de d'autres provinces, y compris du Québec.

Nous avons des défis facilement identifiables dans chacune de nos communautés. Nous voulons nous assurer de détenir les outils nécessaires pour leur faire face. En aucune manière, il ne faudrait que cela se fasse sur le dos de la plus grande collectivité francophone d'Amérique. Cependant, nous nous attendons, à bon droit il nous semble, à ce que l'on ne fasse pas de nos communautés les grandes perdantes de ces discussions. Nous ne prêtons d'ailleurs cette intention à aucun gouvernement actuellement. Voilà pourquoi la reprise du dialogue nous paraît urgente et essentielle.

III LE TEMPS DES CHOIX

Nous appuyons sans réserve la volonté du gouvernement du Québec d'adhérer à la fédération canadienne qu'à la seule condition qu'il y ait une reconnaissance tangible et efficace de sa spécificité» Nous devons absolument reconnaître l'apport exceptionnel de la présence québécoise au tissu social et politique du Canada. L'entêtement historique des Canadiennes et Canadiens à préserver une identité nationale distincte de la société américaine ne pourrait être aussi justifié sans la présence du Québec.

Il est absolument crucial que tous les intervenants se ressaisissent pour dire oui au Québec et oui au Canada tel que nous voulons le bâtir.

Même s'ils constituent des pas dans la bonne direction, l'accord du Lac Meech et la proposition McKenna ne règlent pas toute la situation des francophones hors Québec. Nous devons adopter une approche beaucoup plus souple et généreuse, sans quoi nous allons nourrir une crise linguistique qui, depuis quelques années, prend une ampleur inquiétante et mène à des actes inutiles et blessants comme ce fut le cas particulièrement en Ontario.

Croire que tout ce débat n'a pas d'impact sur notre quotidien serait se méprendre grandement» L'exemple le plus perceptible est le retard du gouvernement fédéral à déposer son projet de réglementation qui donnerait vie à la nouvelle Loi sur les langues officielles. Nous sommes convaincus que l'intransigeance manifestée par certains groupes anti-francophones et le climat de tension qui prévaut au Québec expliquent beaucoup mieux ce retard que la continuité de consultations qui sont, en pratique, terminées depuis des mois.

Si la dualité linguistique est une réalité que nous voulons voir préserver à long terme; si nous voulons nous assumer comme une société capable de traiter avec respect et générosité tous ceux et celles qui participent à cette spécificité nationale, nous devrons alors accepter que les questions linguistiques fassent partie de nos préoccupations quotidiennes.

Tout en reconnaissant que certaines communautés sont mieux développées que d'autres et qu'actuellement, seul le français est menacé d'assimilation au Canada, nous devrons être prêts à accepter la protection et la promotion d'un minimum de structures institutionnelles pour toutes les minorités linguistiques au Canada.

Le prix que payent les gens de ce pays afin d'assurer une permanence de la dualité linguistique leur est remis à plus d'un égard. Comme nous l'avons souligné, il permet l'affirmation d'une réalité unique en Amérique du Nord. La dualité linguistique permet aussi au Canada de jouer un rôle remarquable et remarqué dans les plus prestigieux forums internationaux. Que ce soit aux rencontres du Commonwealth ou aux Sommets de la Francophonie, notre pays maintient un leadership qui sert les intérêts de notre nation. La richesse d'une dualité linguistique se vit aussi à bien d'autres niveaux et nous croyons que la grande majorité des Canadiennes et Canadiens ont eu l'occasion de l'expérimenter à un niveau personnel.

Notre conviction est que nos gouvernements, faute d'un choix éclairé, risquent d'ébranler dangereusement cet équilibre fragile et ainsi plonger le pays dans un climat tendu et statique qui n'augure rien de très rassurant pour nos communautés.

IV CONCLUSION

En février dernier, jugeant qu'il était essentiel que le Québec réintègre la famille canadienne et afin d'éviter un blocage constitutionnel, nous avons appuyé l'entente du Lac Meech, telle que rédigée en 1987. Nous avons toujours soutenu les cinq conditions du Québec. Par ailleurs, le gouvernement fédéral a répondu à une de nos préoccupations en reconnaissant que la clause de dualité linguistique ne devait pas clore la question des minorités linguistiques au Canada.

Nous tenions fermement à être à l'ordre du jour de la prochaine conférence constitutionnelle. C'est ce que nous confirmait le Premier ministre Mulroney dans sa lettre au Premier ministre Devine de la Saskatchewan le 8 avril 1988:

in addition to the items already on the agenda of the first constitutional conference to follow ratification of the Meech Lake Accord, the Government of Canada intends to address the issue of minority language rights in their broadest context ... (c'est nous qui soulignons)

Le 30 Janvier 1989, dans une lettre adressée à notre organisme, le leader du gouvernement aux Relations fédéralesprovinciales réitérait l'engagement de son gouvernement sur la question des minorités linguistiques:

Je tiens à porter à votre attention l'engagement du Premier ministre (...) d'aborder la question des droits des minorités linguistiques dans leur sens le plus large

Fort de cet engagement, souhaitant la continuité des réformes constitutionnelles et désirant éviter un deuxième isolement du Québec, nous avons jugé qu'il était de notre devoir de travailler à la ratification de l'entente, sans modification.

Nous croyons qu'il serait très dangereux, voire irresponsable, de minimiser les impacts d'un nouvel isolement du Québec. Cette blessure collective légitimerait à un certain degré le discours de ceux et celles qui croient que le Canada n'est pas prêt à faire une place significative au Québec dans la fédération canadienne. À vrai dire, il est probable que certaines blessures soient déjà ressenties, qu'il y ait ou non une ratification de l'entente. Ignorer ces réalités serait contraire à notre compréhension de la dynamique canadienne.

Lorsqu'une province prétend être plus à l'aise à vouloir joindre les États-Unis qu'à accepter le Québec, il y a de bonnes raisons pour ce dernier d'être préoccupé. Mais le Québec devra être capable de jouer son rôle de «foyer de la francophonie» en acceptant de voir les intérêts de nos communautés où ils sont et d'éviter de conclure trop rapidement à une attaque à sa spécificité.

Le Nouveau-Brunswick, une province particulièrement sensible à la question des francophones hors Québec, a déposé sa proposition en vue d'appuyer l'entente, laquelle proposition est à la base de la création de ce Comité. Ce gouvernement a démontré une volonté de donner aux minorités linguistiques la place qui leur revient. Non seulement le Nouveau-Brunswick a-t-il proposé un rôle de promotion de la dualité linguistique pour le fédéral, mais il s'est aussi engagé lui-même, dans son champs de compétences, à promouvoir l'égalité des deux communautés linguistiques de cette province. Nous réitérons d'ailleurs notre souhait de voir la Loi sur l'égalité des communautés linguistiques enchâssée, indépendamment du débat touchant la ratification de l'Entente de 1987.

La FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC appuie la démarche du Nouveau-Brunswick dans la mesure où elle assure la continuité du processus de réformes au pays et qu'elle ne touche pas l'intégrité de l'accord de 1987, comme nous avons tenté de le démontrer dans le présent mémoire.

Le tout, respectueusement soumis.

COMITÉ PARLEMENTAIRE CHARGÉ D'ÉTUDIER LA PROPOSITION McKENNA (SYNTHÈSE)

SYNTHÈSE DE LA PRÉSENTATION DE LA FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC

Ottawa

Le 11 avril 1990

COMITÉ SUR MEECH

RÉSUMÉ

OUVRONS-NOUS LES YEUX: LE SORT DU CANADA EST EN JEU

I LES VÉRITABLES ENJEUX DE MEECH

Nous croyons qu'avant de débuter l'analyse proprement dite de la résolution du Nouveau-Brunswick, il est essentiel de commenter les récentes déclarations et gestes posés par certains de nos politiciens d'ici et d'ailleurs au pays.

Le geste de Terre-Neuve

Sous prétexte de vouloir protéger les intérêts supérieurs de la nation, le Premier ministre Wells en est à la détruire. À vouloir défendre les minorités linguistiques, il en fera les grandes perdantes de cette réforme constitutionnelle fondamentale.

La FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC s'explique très mal le bien-fondé d'un geste aussi brutal que celui posé par monsieur Wells d'opposer un non catégorique à l'adhésion du Québec dans la famille constitutionnelle canadienne.

Le Premier ministre de Terre-Neuve n'est-il pas à même de comprendre un seul élément de toute la problématique que pose pour la région de l'Atlantique la rupture du Québec avec le reste du Canada? Du seul point de vue économique, toutes les régions du pays ressentiraient gravement un tel changement structurel et l'Atlantique n'y ferait certes pas exception, bien au contraire.

Nous ne dénions pas la responsabilité du gouvernement de Terre-Neuve de voir aux intérêts de sa province. Nous sommes d'avis que monsieur Wells a soulevé des préoccupations légitimes touchant l'avenir et le développement de sa province. Cependant, nous comprenons mal comment il peut travailler dans les intérêts de cette même population en coupant de façon aussi radicale les ponts avec le Québec.

Les propos des autres

Le ministre Lucien Bouchard déclare que l'on pourrait hypothétiquement se retrouver dans une situation où il faudrait choisir entre Terre-Neuve et le Québec. Le ministre québécois des Affaires intergouvernementales, Gil Rémillard, va plus loin en annonçant que le Canada pourrait parfaitement vivre sans Terre-Neuve .

Mais que doit-on comprendre au juste de ces déclarations quasi-incendiaires? Les visées politiques derrière ces propos nous échappent. Nous voyons difficilement comment des dirigeants qui souhaitent d'abord et avant tout la ratification de l'entente puissent croire que pareil discours mènera à un dénouement de l'impasse.

Le Premier ministre Bourassa a réaffirmé son engagement à ce que l'entente puisse être finalement acceptée par tous les parlements de ce pays. Il a cependant insisté pour dire que le Québec n'accepterait pas de pratiquer un fédéralisme à genoux. La F.F.H.Q. appuie totalement cette position.

Mais ce même gouvernement pourra-t-il maintenir son refus catégorique vis-à-vis la continuité du processus de réforme constitutionnelle en ne donnant aucune indication sur ses intentions de traiter ou non de certaines préoccupations fort légitimes? Nous sommes convaincus que cette rigidité aurait grand avantage à être nuancée dans le meilleur intérêt de tout le pays et du Québec.

La F.F.H.Q. et l'accord du Lac Meech

Nous croyons d'ailleurs qu'il serait opportun à ce stade-ci de clarifier la position de notre organisme sur cet accord du Lac Meech.

Réunie à Winnipeg le 17 février dernier, la FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC a résolu d'appuyer inconditionnellement l'accord du Lac Meech. Nous étions alors d'avis que ce geste était nécessaire pour signifier au pays toute l'importance que nous accordons à la réintégration du Québec dans le giron constitutionnel. Nous avons aussi résolu qu'il était essentiel de débuter immédiatement un processus visant à traiter des questions auxquelles les Canadiens et Canadiennes attachent une grande importance.

Nous étions convaincus et nous le sommes toujours qu'un nouvel échec constitutionnel entraînerait une conjoncture sociale et politique fragmentée et tendue et qu'il serait alors extrêmement difficile, voire impossible de s'attaquer à d'autres problèmes.

La F.F.H.Q, et la proposition McKenna

La FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC considère à plus d'un égard, rassurante l'approche du Nouveau-Brunswick qui vise à adopter l'Accord de 1987 sans modification tout en traitant de préoccupations légitimes soulevées jusqu'ici.

Nous pourrions difficilement cacher notre étonnement vis-àvis les réactions qu'a provoquées le dépôt de cette proposition. Au Québec particulièrement, on a accusé le Nouveau-Brunswick de vouloir dénaturer l'entente de 1987 et de vouloir en diluer le contenu.

Il nous semble essentiel de rappeler qu'aucun vote des assemblées législatives n'est exigé avant le 23 juin. Il apparaît raisonnable de demander à nos gouvernements d'indiquer leurs intentions vis-à-vis certaines propositions. Ainsi pourrons-nous fixer des objectifs communs et assurer ainsi la poursuite du dialogue.

II LA CLAUSE DE LA PROMOTION

La nature de la promotion

Clairement, la clause de promotion de la dualité linguistique est une notion à caractère évolutif et dynamique» Particulièrement lorsqu'elle apparaît au côté de la notion de «protection», qui est de nature beaucoup plus statique et passive, la promotion signifie l'accomplissement de gestes tangibles aboutissant à des effets concrets.

Pour beaucoup de nos communautés, le devoir de «promotion» s'inscrirait aussi au titre d'une mesure «remédiatrice» de bien des injustices de l'histoire.

L'objectif de la promotion

Certains ont vu dans la clause de dualité, surtout lorsqu'elle est accompagnée d'une clause de «promotion», un engagement vers la bilinguisation.

Nous croyons fermement qu'il s'agit là d'une dénaturation de cette clause. Le bilinguisme fait déjà l'objet d'une partie importante de la Loi constitutionnelle de 1982, les articles 16 à 20. La dualité linguistique s'apparente quant à elle beaucoup plus à la notion de collectivité. Ce que l'on vise, ce n'est pas des droits individuels, mais beaucoup plus une reconnaissance d'un fait sociologique, qui est la présence de deux grandes communautés linguistiques à l'intérieur du territoire canadien.

Lorsqu'on enchâsse l'obligation de promouvoir cette dualité, on indique à nos dirigeants leur devoir d'assurer à ceux et celles appartenant à ces groupes, l'accessibilité à des institutions propres à leur développement. Il est évident que l'objectif aurait une signification beaucoup plus tangible pour des communautés qui en sont encore à un niveau limité de leur développement.

Aussi, l'objectif de la promotion n'est certes pas de permettre au gouvernement fédéral de s'ingérer dans les champs de compétences des provinces. La clause 2 (4) de l'Accord est très claire à cet effet.

L'effet de pendule de la promotion

On a souvent soulevé l'effet d'asymétrie inclu dans l'article 2 de l'Accord. D'un côté, il y a la notion de dualité linguistique et le rôle de tous les gouvernements de la protéger. De l'autre côté, il y a la clause de société distincte et le rôle attribué au Québec de protéger et de promouvoir sa spécificité.

La FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC croit qu'il est essentiel que l'asymétrie de l'accord du Lac Meech demeure.

Cependant, nous aimons croire que ce qui est unique au Canada, c'est d'abord et avant tout le fait qu'il y ait une société distincte sur les plans historique et institutionnel et qu'il y ait à travers tout le pays des communautés de langue officielle francophones et anglophones. Il s'agit à notre avis de la véritable asymétrie du Lac Meech et elle demeure intacte avec la proposition McKenna.

Le Nouveau-Brunswick ne fait qu'ajouter aux moyens d'action des gouvernements sans toucher à la description linguistique et sociologique du Canada.

Actuellement, le portrait socio-linguistique du pays fait en sorte qu'il n'y a que le français qui soit menacé d'assimilation. Partant, une reconnaissance constitutionnelle de la dualité linguistique et du rôle de la promouvoir entraîne ce que l'on pourrait appeler l'«effet de pendule.

D'une part, on doit agir de façon pro-active pour maintenir et développer le français partout au Canada. D'autre part, on assure le maintien, pour la minorité anglophone du Québec, de son réseau institutionnel qui, s'il devait être diminué, justifierait une intervention du fédéral dans son champs de compétences.

III LE TEMPS DES CHOIX

Même s'ils constituent des pas dans la bonne direction, l'accord du Lac Meech et la proposition McKenna ne règlent pas toute la situation des francophones hors Québec Nous devons adopter une approche beaucoup plus souple et généreuse, sans quoi nous allons nourrir une crise linguistique qui, depuis quelques années, prend une ampleur inquiétante et mène à des actes inutiles et blessants comme ce fut le cas particulièrement en Ontario

Croire que tout ce débat n'a pas d'impact sur notre quotidien serait se méprendre grandement. L'exemple le plus perceptible est le retard du gouvernement fédéral à déposer son projet de réglementation qui donnerait vie à la nouvelle Loi sur les langues officielles. Nous sommes convaincus que l'intransigeance manifestée par certains groupes anti-francophones et le climat de tension qui prévaut au Québec expliquent beaucoup mieux ce retard que la continuité de consultations qui sont, en pratique, terminées depuis des mois.

Tout en reconnaissant que certaines communautés sont mieux développées que d'autres et qu'actuellement, seul le français est menacé d'assimilation au Canada, nous devrons être prêts à accepter la protection et la promotion d'un minimum de structures institutionnelles pour toutes les minorités linguistiques au Canada.

CONCLUSION

Nous croyons qu'il serait très dangereux, voire irresponsable, de minimiser les impacts d'un nouvel isolement du Québec. Cette blessure collective légitimerait à un certain degré le discours de ceux et celles qui croient que le Canada n'est pas prêt à faire une place significative au Québec dans la fédération canadienne.

Lorsqu'une province prétend être plus à l'aise à vouloir joindre les États-Unis qu'à accepter le Québec, il y a de bonnes raisons pour ce dernier d'être préoccupé. Mais le Québec devra être capable de jouer son rôle de «foyer de la francophonie» en acceptant de voir les intérêts de nos communautés où ils sont et d'éviter de conclure trop rapidement à une attaque à sa spécificité.

Le Nouveau-Brunswick, une province particulièrement sensible à la question des francophones hors Québec, a déposé sa proposition en vue d'appuyer l'entente, laquelle proposition est à la base de la création de ce Comité. Non seulement le Nouveau-Brunswick a-til proposé un rôle de promotion de la dualité linguistique pour le fédéral, mais il s'est aussi engagé lui-même, dans son champ de compétences, à promouvoir l'égalité des deux communautés linguistiques de la province.

La FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC appuie la démarche du Nouveau-Brunswick dans la mesure où elle assure la continuité du processus de réformes au pays et qu'elle ne touche pas l'intégrité de l'accord de 1987.

Mise à jour du dossier constitutionnel : Assemblée générale annuelle

Fédération des francophones hors Québec

Vancouver 16 juin 1990

* Ce dossier se rapporte au point 14 de la trousse de l'A.G.A.

La présente mise à jour se rapporte au point 14 de la trousse de l'A.G. A.

Elle vise à faire le point sur les principales démarches de notre organisation dans le dossier Meech depuis notre dernier C.N.P.P. en février dernier à Winnipeg.

Nous allons aussi analyser brièvement le contenu et les impacts de l'entente signée entre les Premiers ministres à Ottawa samedi dernier, le 9 juin.

I- LA F.F.H.Q. ET LE DOSSIER CONSTITUTIONNEL

Réunis à Winnipeg le 17 février dernier, les présidentes et présidents de la FÉDÉRATION ont résolu d'appuyer intégralement l'Entente du lac Meech. Nous avions demandé à cette époque que les préoccupations soulevées par nos communautés et d'autres groupes d'intérêt soient traitées immédiatement.

Voici le texte des deux résolutions :

IL EST RÉSOLU QUE la F.F.H.Q. demande la mise sur pied du processus permettant de traiter immédiatement, et dans son sens le plus large, la question des communautés de langue officielle, de même que les questions touchant l'égalité des femmes, le statut des territoires, les autochtones et la réforme du Sénat;

IL EST RÉSOLU QUE, pour assurer la continuité du processus de réformes constitutionnelles, la F.F.H.Q. se reconnaisse le devoir d'appuyer l'Entente du lac Meech.

À la suite de cette prise de position, nous avons poursuivi notre série de rencontres avec des représentants du fédéral et de certaines provinces et nous avons rencontré le Premier ministre McKenna du Nouveau-Brunswick .

Un mois à peine après notre rencontre de Winnipeg, le gouvernement du NouveauBrunswick déposait, le 21 mars 1990, sa proposition d'accompagnement à l'Accord du lac Meech.

La F.F.H.Q. a réagi positivement à cette initiative puisqu'elle permettait que l'Entente de 1987 soit adoptée et que les préoccupations de nos communautés soient traitées immédiatement, ce qui rejoignait notre résolution de Winnipeg.

Nous étions très satisfaits que l'on propose une responsabilité pour le gouvernement fédéral de promouvoir la dualité linguistique. Aussi, l'intention exprimée par le gouvernement du Nouveau-Brunswick de constitutionnaliser la Loi 88 augurait bien pour les Acadiennes et Acadiens de cette province.

Le gouvernement fédéral ayant décidé d'étudier en détail la proposition McKenna, le Comité Charest fut mis sur pied. La F.F.H.Q. et plusieurs associations membres ont comparu devant ce groupe de travail.

Dans son mémoire titré Ouvrons-nous les yeux : le sort du Canada est en jeu et déposé le 11 avril, la F.F.H.Q. a rappelé les véritables enjeux de ce débat constitutionnel. Nous voulions souligner l'état de paralysie totale dans laquelle se retrouverait le Canada s'il ne débloquait pas son processus de réforme. L'isolement du Québec devait cesser.

Toujours dans ce mémoire, nous avons analysé en long et en large la clause attribuant au gouvernement fédéral la responsabilité de promouvoir la caractéristique fondamentale du Canada : la dualité linguistique. Nous avons soutenu que cette clause était absolument essentielle pour nos communautés et qu'elle ne portait pas atteinte à l'équilibre atteint dans Meech entre la dualité canadienne et la reconnaissance du Québec comme société distincte.

Le 17 mai, le Comité Charest déposait finalement son rapport. On y retrouve 22 recommandations. La FÉDÉRATION réagit favorablement au document dans la mesure où il traite de nos recommandations en appuyant entre autres le rôle de promotion pour le fédéral. Aussi, on y suggère que la question des minorités figure à la prochaine ronde de négociation constitutionnelle.

Le 9 juin dernier, la conférence-marathon des Premiers ministres se terminait avec une entente permettant en fait de ratifier le texte constitutionnel de 1987 intégralement et de fixer des objectifs précis pour les prochaines rencontres des Premiers ministres.

La FÉDÉRATION s'est dite satisfaite de l'entente conclue à Ottawa puisqu'elle pourrait mettre un terme à la paralysie du processus de réforme et qu'elle permet enfin au Québec de réintégrer la table de négociation. Au moment où nous tenons notre Assemblée annuelle, les provinces de Terre-Neuve et du Manitoba n'ont toujours pas ratifié l'Entente de 1987.

II- L'ENTENTE D'OTTAWA

L'entente signée à Ottawa le 9 juin dernier est divisée en trois parties.

1) L'entente constitutionnelle

L'entente constitutionnelle est un communiqué de la conférence des Premiers ministres. On y annonce entre autres que la réforme du Sénat sera la grande priorité des prochaines négociations constitutionnelles. Une commission nationale sera d'ailleurs formée; elle sera chargée d'entendre les Canadiennes et Canadiens sur cette importante réforme. Un rapport devrait être déposé à la prochaine conférence des Premiers ministres.

On souligne aussi la formation d'une autre commission nationale chargée celle-ci d'étudier le contenu d'une éventuelle clause Canada. Finalement, tous les Premiers ministres s'engagent à adopter une série de modifications constitutionnelles.

2) Les modifications constitutionnelles

Les modifications constitutionnelles sont des clauses visant à modifier la constitution actuelle. Celles-ci devraient être adoptées le plus tôt possible après la ratification de Meech. Elles sont au nombre de onze et ne constituent pas des changements directs aux principales clauses de l'Entente du lac Meech.

3) L'avis juridique sur la société distincte

Cet avis a été reçu par le président de la conférence des Premiers ministres, en l'occurrence monsieur Mulroney. Il n'a aucune force légale et ne vise qu'à atténuer les craintes de certains Premiers ministres.

Pour nos communautés francophones, il y a certainement trois points à retenir de cette entente.

D'abord, il y a la formation d'une commission nationale ayant comme mandat de proposer un projet de réforme du Sénat. L'entente d'Ottawa spécifie les bases sur lesquelles devrait être complétée cette réforme.

Le Sénat devrait être élu, il devrait assurer une représentation plus équitable des petites provinces et surtout, il devrait détenir des pouvoirs réels ... afin d'être le reflet de la dualité canadienne. Notre réflexion de la fin de semaine et l'étude de Me Fontaine tombe très à point à cet égard et devra retenir une attention particulière.

Deuxièmement, la fameuse clause Canada. Précisément le 16 juillet prochain, débutera une série de consultations à travers le pays visant à définir le tissu social canadien. Le débat n'est pas récent et il faut s'attendre à ce que plusieurs visions du Canada se confrontent. En conséquence, la vigilance sera de mise pour que les gains obtenus dans l'Accord du lac Meech (reconnaissance de la dualité canadienne) ne soient pas dilués à travers cet exercice.

Finalement, les Premiers ministres se sont engagés à ce que les questions intéressant les minorités francophones et anglophones soient à l'ordre du jour des prochaines rondes de négociation. Cette décision fait suite à la lettre que nous avait fait parvenir à cet effet le sénateur Murray le 30 janvier dernier. On se souviendra d'ailleurs qu'en avril 1988, en réaction à l'adoption de la Loi 2 en Saskatchewan, le Premier ministre Mulroney s'était engagé à traiter de la question des minorités in their broadest context.

Il sera donc de la plus grande importance que l'on élabore des revendications précises pour les négociations qui auront lieu dans les prochaines années. On peut penser que notre Projet de société facilitera ce grand exercice de réflexion collective.

NOTES

1 Me Michel Bastarache, avis juridique du 20 octobre 1980, p. 3, Moncton.
2 Me Dale Gibson, avis juridique du 23 octobre 1980, p. 3, Winnipeg.
3 Me Dale Gibson, Ibid., p. 4, Winnipeg.
4 Daniel Proulx: "L'enchâssement des droits linguistiques, Une leurre pour les francophones hors Québec", Le Devoir, le 17 octobre 1980.
5 F.F.H.Q.: "Pour ne plus être... sans pays", p. 39.
6 Max Yalden: Rapport annuel 1978, p. 41.
7 F.F.H.Q.: "Pour ne plus être... sans pays", p. 65.
8 Me Michel Bastarache, op. cit., p. 11.
9 Ibid., p. 13.
10 Ibid., p. 14
11 Me Dale Gibson, op. cit., p. 7.
12 Ibid., pp. 7-8.
13 Jean-Robert Gauthier, Débat des communes, 23 octobre 1980, p. 3998.
14 Bastarache, Michel, Dualisme et égalité dans la Constitution nouvelle, Revue de l'Université de Moncton, vol. 13, no. 3, Moncton, N.-B., septembre 1980.
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