août 1995
INSTITUT CANADIEN D'ÉDUCATION DES ADULTES
5225. RUE BERRI, BUREAU 300, MONTRÉAL, QUÉBEC H2J2S4 TÉLÉPHONE: (514) 948-2044, TÉLÉCOPIEUR: (514) 948-2046
Principal carrefour des réseaux publics, syndicaux et communautaires, l'ICEA accompagne et soutient le développement de l'éducation des adultes depuis près de cinquante ans. Dans une vision large de l'éducation permanente, l'Institut s'intéresse à tous les domaines de la formation continue ainsi qu'aux différents réseaux formels ou non formels qui interviennent en éducation des adultes. L'ensemble de son action est guidé par un souci constant de mettre de l'avant le point de vue des adultes et de favoriser l'accès tout autant que le développement de services répondant à leurs besoins de formation, qu'ils soient professionnels, personnels, sociaux ou culturels. Pour l'ICEA, les Etats généraux constituent une occasion privilégiée pour redonner à l'éducation des adultes la place légitime qui lui revient dans le débat entourant l'avenir de notre système d'éducation.
En effet, les mutations économiques, technologiques, politiques et sociales de la dernière décennie ont profondément bouleversé notre société, notamment le paysage de l'éducation des adultes. Le rythme par trop accéléré des changements et l'usage qu'on en fait entraînent un développement marqué par de profonds déséquilibres dont un accroissement important des inégalités sur le plan du pouvoir, de l'avoir et du savoir. L'ampleur de ces déséquilibres menace l'évolution de nos sociétés; la connaissance constitue et constituera désormais le principal facteur de croissance sociale et économique. Il importe donc de revoir en profondeur le système d'éducation et la place de l'éducation des adultes dans un processus large de l'éducation permanente.
L'éducation étant devenue un processus continu, l'éducation des adultes représente de fait, un levier de développement individuel et collectif, que l'on ne peut plus se permettre de marginaliser. Il est indispensable aujourd'hui, de repenser les liens entre la formation initiale et la formation des adultes, entre les études et le travail ainsi que les interactions entre l'éducation et la qualité de vie en société.
Face à la complexité de la situation, l'ICEA a entrepris, depuis plusieurs années, une réflexion en profondeur sur les nouveaux défis à relever en matière d'éducation et de formation continue. Cette démarche de réflexion a conduit, en juin 1994, à la publication du «Livre mauve» Apprendre à l'âge adulte: état de situation et nouveaux défis. L'ICEA a tenu par la suite à soumettre son analyse à une large consultation, qui a donné lieu à la tenue d'une vingtaine de rencontres régionales ou sectorielles, avec des partenaires de différents secteurs d'activités liés à l'éducation des adultes. Cette consultation a permis de confirmer dans l'ensemble l'analyse de la situation contenue dans le livre mauve. Elle a aussi permis de la concrétiser, notamment en ce qui a trait aux orientations et solutions à privilégier. Pour l'ICEA, cette démarche de réflexion constitue une contribution des plus riches dans le contexte des États généraux sur l'Education.
Dans la première partie de ce mémoire, nous brosserons un bref portrait de l'état de la situation en éducation des adultes. Si le constat n'est pas nouveau, il met l'accent sur le retard important du Québec dans le domaine de la formation continue, sur les problèmes majeurs de fonctionnement du système ainsi que sur la conception étroite de l'éducation des adultes. Nous n'avons pas voulu nous en tenir à un simple constat de la situation mais identifier aussi les facteurs à l'origine des obstacles qui freinent l'accessibilité des adultes à la formation et ceux qui remettent en question la pertinence et la qualité des programmes et des services. Cet état de situation s'attache aussi à cerner le rôle des principaux acteurs.
Dans la seconde partie, l'ICEA suggère des pistes d'orientations et des solutions à privilégier selon quatre grands axes, visant à garantir un développement large et intégré de l'éducation des adultes. Elle identifie de plus un certain nombre de moyens qui permettraient, dans une étape ultérieure des Etats généraux, d'arrêter des choix stratégiques pour l'élaboration et la mise en place d'un nouveau système d'éducation.
Le Québec accuse un retard important dans le domaine de l'éducation des adultes et de la formation continue comparativement aux autres pays industrialisés. En effet, malgré le discours ambiant sur l'importance de la formation professionnelle des adultes, le Québec n'a toujours pas pris le virage de la formation continue. Ce retard se manifeste de multiples façons et entraîne des conséquences néfastes pour les personnes et la société toute entière.
Ainsi, le niveau de scolarisation des adultes au Québec est parmi les plus faibles des pays de l'OCDE. Près de 44% de la population adulte ne possède toujours pas de diplôme d'études secondaires et 75% des personnes actuellement sur le marché du travail n'auraient pas reçu de formation professionnelle structurée. Cette situation est lourde de conséquences puisque plusieurs spécialistes prévoient que la moitié des emplois créés en l'an 2000 exigeront 17 ans de scolarité. Cette sous-scolarisation constitue certainement un facteur explicatif important du chômage plus élevé que l'on connaît au Québec (12%) par rapport aux autres pays industrialisés (7,9%).
En dépit de la croissance importante que connaît l'éducation des adultes, et des efforts consentis pour développer la formation professionnelle, le secteur de l'éducation des adultes n'est toujours pas réellement reconnu comme partie intégrante du système d'éducation. Considérée comme un appendice du système, l'éducation des adultes se retrouve marginalisée. Ce constat se vérifie tant transversalement que de haut en bas de la pyramide de la gestion du système d'éducation.
Quant aux entreprises, tout en exigeant du système d'éducation une formation professionnelle mieux ajustée au marché du travail, elles assument peu leur responsabilité, en ce qui concerne le perfectionnement et le recyclage de leurs employés. Il faut espérer que cette situation sera corrigée par une application judicieuse de la loi 90 sur le développement et la formation de la main-d'oeuvre.
Ce retard se manifeste aussi de façon particulièrement dramatique dans le domaine de la formation des formateurs. Les conditions de travail précaires, combinées au peu de soutien pédagogique et de formation, contribuent à faire de l'éducation des adultes le parent pauvre du système d'éducation. Le sous-développement de la formation à distance, le sous-investissement dans les nouvelles technologies de l'information et des communications (NTIC) viennent renforcer ce retard. Plus inquiétant encore pour l'avenir de notre société, c'est le constat global qu'il nous faut faire du peu d'importance et de valeur que l'on attribue au savoir et à la connaissance au Québec. La consultation nous a permis de prendre conscience de toute l'ampleur de ce phénomène. Le taux élevé d'abandons et d'échecs, la faible motivation de beaucoup de personnes à entreprendre une démarche de formation, pourtant nécessaire, et à enrichir leurs connaissances, le mépris souvent manifesté par les médias pour les intellectuels et les analyses plus poussées sont autant d'indicateurs inquiétants de la faible vitalité de notre environnement culturel et intellectuel.
Bref, le mal est profond, il faudra donc repenser sérieusement la mission et les finalités du système d'éducation et renouveler en conséquence les modes d'apprentissage et les méthodes d'enseignement.
Les différents problèmes que l'on observe en éducation des adultes ne se situent pas tant au niveau des ressources et des efforts consentis que dans la manière de concevoir, de gérer et d'administrer les programmes et les services offerts aux adultes. Il s'agit sans contredit du principal constat qui se dégage de notre consultation.
Tout d'abord, on ne peut que déplorer la trop grande multiplicité des programmes dans le champ de la formation des adultes. Les dédoublements entre les programmes administrés par le fédéral et le provincial, ou par divers ministères québécois, auxquels il faut ajouter les chevauchements existants entre les divers ordres d'enseignement, ont contribué à faire de l'éducation des adultes un véritable monstre bureaucratique. Les efforts entrepris jusqu'à maintenant pour simplifier le système sont nettement insuffisants. Sous l'égide de la SQDM, un processus important d'harmonisation et d'intégration des programmes est actuellement en cours et tous les intervenants souhaitent de bonne foi voir s'améliorer la situation.
Malheureusement, les contraintes financières viennent souvent saper les efforts de concertation. En effet, la nécessité pour les institutions de s'autofinancer favorise, dans les faits, bien davantage le développement de rapports de compétition entre les différents intervenants que la collaboration et la concertation. Ajoutons, que la multiplication récente des firmes privées de formation a contribué à exacerber cette concurrence. Les activités d'éducation des adultes ont pris, ces dernières années, l'allure d'un véritable commerce. En effet, le marché de la formation est florissant; organisation de certificats, cours commandités et activités de formation sur mesure produisent des profits substantiels qui servent souvent d'autres fins que celles de la formation des adultes.
Tout en admettant que les besoins de formation des adultes soient principalement reliés au travail, il faut aussi reconnaître l'importance des besoins de formation découlant des mutations sociales et culturelles en cours. Mentionnons notamment, le besoin de comprendre les enjeux de société pour pouvoir assumer ses responsabilités de citoyens. Une étude réalisée récemment sur la participation de l'éducation des adultes révèle que, bien que les personnes s'inscrivent à des programmes d'abord pour des motifs d'ordre professionnel, elles affirment dans 54.7% des cas, suivre des cours par intérêt personnel.1
La formation reliée à l'emploi demande aussi d'être élargie. On constate, en effet, qu'un ajustement trop étroit et mécanique de la formation professionnelle aux exigences immédiates du marché du travail conduit souvent à un cul-de-sac. L'évolution rapide du marché du travail et des technologies rend difficile les prévisions et la planification des besoins. Face à ce constat, les entreprises comme les syndicats recherchent une formation de base solide et des compétences larges et polyvalentes.
Bien que l'éducation des adultes ait connu une croissance d'effectifs considérable, des obstacles importants continuent de limiter l'accès de plusieurs catégories de personnes telles les femmes, les immigrants, les personnes «sans chèque», les adultes qui désirent étudier à temps partiel, ainsi que les personnes peu scolarisées ou analphabètes.
Si l'on reconnaît qu'il est important de se former, par ailleurs on introduit continuellement des clauses normatives dans les programmes de formation entraînant l'exclusion d'un nombre croissant de personnes. C'est le financement qui détermine les critères d'accessibilité et ce sont souvent les personnes les plus motivées à se former qui s'en trouvent pénalisées.
En dépit de certaines mesures visant à favoriser le retour aux études, dont le test de développement général qui reconnaît les préalables fonctionnels, de nouveaux obstacles sont aussi apparus au cours des dernières années. Mentionnons notamment l'augmentation des exigences pour l'obtention du diplôme d'études secondaires (DES) ainsi que l'importante diminution des budgets affectés au programme de rattrapage scalaire. Les coûts d'inscription, les horaires, la disponibilité des formations, surtout en région, et leur durée constituent d'autres obstacles importants qu'il serait possible dans plusieurs cas de corriger rapidement s'il y avait une volonté politique.
Il nous faut faire état de certains efforts importants déployés ces dernières années pour améliorer la pertinence des programmes et services de formation. Les orientations inscrites dans le nouveau régime pédagogique applicable en formation générale des adultes au secondaire, nous apparaissent dans l'ensemble tout à fait valables. Ce nouveau régime étant malheureusement encore peu connu, son application demeure limitée. Le programme de formation sur mesure en alphabétisation constitue un autre acquis reconnu par tous les intervenants. De même, l'augmentation des budgets accordés aux groupes d'éducation et d'alphabétisation populaires autonomes permettra à ces groupes de mieux répondre aux besoins des personnes les plus démunies. Malgré ces efforts louables, il faut aussi constater qu'il y a place encore pour des améliorations importantes.
La non reconnaissance des diplômes et des certificats de l'éducation des adultes,par les entreprises et souvent même par d'autres institutions d'enseignement, contribue à semer le doute sur la qualité et la pertinence de tels programmes. La reconnaissance se fait à la pièce et en bout de ligne les unités de formation mises ensembles ne sont pas reconnues et offrent peu de débauchés. De même, les services de supports, d'accueil, d'encadrement et de suivi sont en général déficients, ce qui contribue sans doute à expliquer le décrochage important des adultes. Un système de reconnaissance des acquis qui valoriserait les divers apprentissages et les compétences acquises par les adultes tout au cours de leur vie est encore loin d'être intégré au système d'éducation. Pourtant, les institutions publiques ne sont plus les seuls agents de l'éducation et de la formation.
Un autre problème très largement déploré concerne le manque de soutien et de formation des formateurs d'adultes. Le peu de considération que l'on porte à ces derniers est un bon révélateur de l'importance que l'on accorde à l'éducation des adultes. De plus, malgré les exigences du marché du travail en ce qui a trait aux nouvelles technologies, on ne peut que constater l'énorme chemin qu'il reste à parcourir pour offrir aux étudiants adultes, ainsi qu'à leurs formateurs, les moyens de répondre à ces besoins. En général, le matériel fait dramatiquement défaut et lorsqu'il existe, il demeure peu accessible aux étudiants adultes. Cette situation révèle une parfaite inadéquation entre la réalité des besoins des adultes et ceux reliés à l'emploi.
Au cours des dernières années, le ministère de l'Education a abandonné peu à peu son leadership en matière de formation des adultes. Tant les objectifs que l'offre de services sont dorénavant soumis aux impératifs économiques. Si elle a forcé le système à s'ouvrir aux réalités extérieures, cette situation entraîne des effets pervers importants dont l'abandon de plusieurs services adaptés aux besoins des adultes, comme nous l'avons mentionné précédemment.
En raison des liens très étroits existants entre la formation continue et l'emploi, ce sont les ministères de l'Emploi et de la Sécurité du Revenu qui définissent désarmais les politiques de formation professionnelle et d'aide à l'emploi En créant la SQDM, on espérait pouvoir rapatrier au Québec les programmes fédéraux de développement de la main-d'oeuvre. Cet objectif ne s'est malheureusement pas concrétisé. Le gouvernement fédéral continue de développer ses propres programmes et, au Québec, la SQDM gère les programmes de formation en emploi ou à la recherche d'emploi alors que le ministère de la Sécurité du Revenu s'occupe des personnes relevant du régime d'aide sociale. Le total des sommes investies par Ottawa et Québec au chapitre du développement de la main-d'oeuvre et de l'employabilité s'élève à environ 2 milliards de dollars. Lorsque l'on compare l'ampleur de ces ressources aux résultats obtenus en matière de création d'emplois, force nous est de conclure qu'il faut peut-être aborder les choses autrement.
Les groupes d'éducation et d'alphabétisation populaires, bien qu'ayant développé, pour certaines catégories de personnes, des approches et des pratiques des plus intéressantes, ne sont toujours pas reconnus à titre de partenaires importants et crédibles en éducation. L'abandon des subventions pour fins de formation syndicale, confirme la non reconnaissance par les gouvernements de la mission éducative des syndicats. De plus, les réseaux institutionnels d'éducation continuent d'ignorer le rôle éducatif des médias et ce, malgré le développement des nouvelles technologies de l'information qui ne manqueront pas de jouer un rôle important dans l'éducation de demain. Enfin, les formateurs et les étudiants adultes n'ont toujours pas voix au chapitre en ce qui concerne l'élaboration, l'organisation et l'évaluation de la formation.
L'éducation des adultes constitue un outil important pour permettre aux individus et aux divers acteurs sociaux de faire face aux défis de nos sociétés complexes et en changement constant. Paradoxalement, nous avons constaté, lors de notre consultation, que les intervenants et les formateurs en éducation des adultes vivaient un sentiment profond d'insécurité.
Les changements s'accélèrent, les exigences à l'égard des compétences et de la productivité sont souvent démesurées et contribuent à placer les adultes dans une situation permanente d'insécurité et vulnérabilité. 11 importe donc de reconsidérer notre approche en éducation des adultes, et d'éviter que le «discours» sur la formation continue ainsi que les exigences actuelles ne conduisent à une plus grande exclusion et à une dévalorisation des personnes.
Pour faire face plus adéquatement aux défis de la société de l'information et du savoir, les acteurs sociaux et l'ensemble des citoyens misent spontanément sur le système d'éducation. Bien que très souvent ciblé comme étant la cause de tous nos maux, à commencer par le chômage, notre système d'éducation, trop lourd et mal adapté aux besoins actuels, se doit d'être profondément transformé. Face à la crise des finances publiques, aux pressions qu'exercent l'accélération des changements et la mondialisation des marchés, la tentation est forte, d'exiger de l'école des rendements plus immédiats et tangibles en regard de l'emploi et de la croissance économique.
S'il existe une forte corrélation entre la scolarité et l'emploi, il est tout aussi important de prendre acte des nouvelles exigences de formation fondamentale, polyvalente et civique que réclame le nouvel environnement social et technologique. Face aux attentes souvent démesurées et contradictoires adressées à l'école, il nous semble nécessaire de profiter de ces États généraux pour refaire un consensus large sur la mission et les finalités du système d'éducation.
Concevoir une réforme globale d'un système d'éducation dans une période de mutations et de changements accélérés constitue un défi de taille. Il nous semble capital de privilégier, dans un tel contexte, une approche souple et large qui saura composer avec la complexité et les dimensions souvent contradictoires des réalités et des rapports sociaux.
Il nous faudra notamment pouvoir concilier le nécessaire leadership du ministère de l'Education, en matière d'orientation et de régulation du système d'éducation, avec la décentralisation de l'organisation de la formation, ainsi qu'avec le renforcement des liens avec les entreprises, les médias et les associations. De plus, s'il importe de favoriser une meilleure adaptation du système aux changements, il faudra aussi viser à fournir aux personnes et aux collectivités les outils pour les maîtriser en établissant, pour ce faire, un meilleur équilibre entre les savoirs théoriques et pratiques, entre la polyvalence et la spécialisation. Il faudra en outre favoriser une meilleure intégration de l'éducation des adultes et de la formation continue au système d'éducation tout en préservant les acquis de l'approche andragogique.
La réforme de l'éducation des adultes étant profondément dépendante de celle de la formation initiale, nous ne pouvons proposer des changements en formation continue sans nous attaquer d'abord aux lacunes de la formation initiale; nous croyons donc, qu'il faut repenser l'ensemble du système dans une perspective d'éducation permanente.
Pour promouvoir un développement plus large et intégré de l'éducation des adultes, nous proposons quatre axes d'orientation:
Bien que l'identification des grands choix stratégiques à retenir s'avère prématurée dans le cadre de cette première étape de consultation, nous avons tenu à soumettre à votre réflexion un certain nombre de pistes d'orientations et de solutions plus spécifiques. Cette démarche vise à mieux préciser la portée des grands principes et objectifs à privilégier, et à suggérer des mesures et des voies de développement pouvant contribuer à l'atteinte de ces objectifs.
Le renouvellement rapide des connaissances et des technologies, la capacité presque illimitée des machines d'emmagasiner, de traiter l'information, de réaliser des tâches manuelles et intellectuelles répétitives contribuent à transformer en profondeur les modes de transmission et d'acquisition des connaissances. Les personnes seront désormais obligées de faire des aller-retour constants entre les études et les diverses activités socioprofessionnelles. L'éducation devient dès lors un processus continu d'acquisition et de mise à jour des connaissances et des compétences. Il n'est donc plus possible de concevoir un système d'éducation centré uniquement sur la formation initiale et de limiter l'éducation des adultes à une fonction de rattrapage d'une formation de base insuffisante. L'éducation des adultes prend donc une importance accrue. D'ailleurs, les adultes constituent déjà près de la moitié de la clientèle scolaire.2 Les formations, initiale et continue, font clairement partie d'un même continuum.
Le système d'éducation des jeunes et des adultes doit en conséquence être axé davantage sur l'apprentissage de savoirs et des compétences fondamentales plutôt que sur la simple transmission de connaissances académiques. En raison aussi de la complexité de nos sociétés et des mutations sociales importantes qui viennent modifier l'organisation de la vie en société et les rapports sociaux, il devient capital de développer chez les jeunes et les adultes des compétences intellectuelles, techniques et civiques plus poussées. Gomme nous l'avons démontré dans notre document Apprendre à l'âge adulte, les mutations actuelles induisent de nouveaux besoins de formation que le système d'éducation, en collaboration notamment avec les médias, doit prendre davantage en compte.
Outre la maîtrise des outils de base comme de savoir parler, écrire et compter, il importe aussi de savoir apprendre, penser et traiter l'information, de savoir analyser et lire son milieu, pour être en mesure de porter des jugements critiques, de s'impliquer et d'influencer le cours des événements. Pour resituer le système d'éducation dans une perspective d'éducation permanente, nous suggérons les pistes d'orientations suivantes.
Le développement intégral des personnes prend appui sur un système de formation continue aux principales composantes étroitement inter reliées: l'alphabétisation et la formation de base; l'insertion sociale et professionnelle; la formation professionnelle et technique; l'éducation populaire et l'action communautaire.
Les modalités et conditions d'apprentissage des adultes sont fort différentes de celles des jeunes. Les adultes ont accumulé des connaissances et des expériences qui demandent à être conceptualisées, systématisées et actualisées. Ils présentent aussi des besoins spécifiques et vivent des contraintes diverses. Les activités de formation doivent donc partir de ce que sont les adultes, de ce qu'ils vivent et veulent, et valoriser leurs expériences pour les aider à cheminer, à acquérir de nouvelles connaissances et à renforcer leurs compétences.
Les acquis de l'approche andragogique doivent à cet égard être préservés et renforcés. Cette approche prend effectivement appui sur la motivation et les forces des personnes et reconnaît l'importance du projet de formation comme moyen de réalisation d'un projet de vie.
Le développement des collectivités vise la prise en charge par les citoyens de leur milieu de vie et de leur territoire d'appartenance. Cette prise en charge se fonde sur des valeurs d'entraide, d'échange et de solidarité et prend appui sur les ressources communautaires et les réseaux institutionnels, dont principalement les établissements scolaires.
Face au chômage endémique, au peu de création d'emploi, à l'exode des jeunes, les communautés locales et régionales ont compris la nécessité, outre les initiatives d'entrepreneurs hip, de revenir à des projets collectifs pour rompre le cercle vicieux du sous-développement et revitaliser le tissu social. La stratégie consiste à regrouper les intervenants socio-économiques et à utiliser l'ensemble des leviers (établissements scolaires, médias, entreprises, associations) du milieu, pour favoriser un développement social et économique plus durable. Les corporations de développement économique et communautaire (CDEC et les services d'aide au développement des collectivités (SADC) qui se sont multipliés au cours de la dernière décennie, illustrent bien cette approche. Issus d'une tradition et de pratiques fortement enracinées, les organismes volontaires d'éducation populaire (DVEP) assurent quant à eux des services essentiels d'éducation communautaire, d'alphabétisation populaire pouvant favoriser une meilleure réinsertion sociale et professionnelle.
Pour leur part, les commissions scolaires, les cégeps et les universités ont, malheureusement, au cours des deux dernières décennies, abandonné leurs services aux collectivités. Ces services aux collectivités s'inscrivent pourtant dans la mission de formation continue des établissements d'enseignement. Autour de l'école du quartier ou du village, autour du collège ou de la constituante universitaire de la région, autour des multiples ressources éducatives de ces institutions, les citoyens devraient pouvoir se donner les moyens de prendre plus efficacement leurs responsabilités et de reprendre un meilleur contrôle des différentes facettes du développement de leur milieu de vie.
Pour que le système d'éducation des adultes favorise le développement des personnes et des collectivités, nous suggérons un certain nombre d'orientations.
Rares sont les adultes pouvant se permettre de consacrer plusieurs années de leur vie à l'obtention d'un diplôme d'études. Les exigences académiques pour accéder à la formation générale et professionnelle ou obtenir un emploi, sont souvent trop rigides et pas toujours justifiées. Certains correctifs ont récemment été apportés tel la reconnaissance des préalables fonctionnels mais ils demeurent insuffisants. Plusieurs personnes, dont les femmes, cherchent d'abord à acquérir une formation professionnelle adéquate leur permettant de retourner sur le marché du travail. Elles auront pour ce faire besoin de s'alphabétiser ou de combler certaines lacunes au niveau de la formation générale de base. Le système doit donc être assez souple pour répondre à ce «besoin», ce qui suppose une meilleure intégration entre les services de formation générale et professionnelle.
D'autres personnes aspirent, par contre, à poursuivre des études plus avancées et ce à un rythme qui leur convient. L'accès à la formation générale à temps partiel doit donc être supporté et favorisé. Ce qui n'est pas le cas actuellement.
En ce qui concerne les personnes immigrantes, le problème n'est pas nécessairement lié à la qualification. Les besoins se rapportent davantage à la connaissance de la langue et de la culture du pays d'accueil ainsi qu'à la mise à niveau de leur formation. Là encore, le système n'a pas la souplesse voulue pour s'adapter à cette réalité et reconnaître leur qualification.
En formation professionnelle, le contexte actuel oblige à renforcer les collaborations avec le monde du travail, d'autant que les institutions d'enseignement ne sont pas en mesure de renouveler constamment leurs équipements. Il importe dès lors de développer des approches de formation permettant des aller-retour entre l'école et le travail, et d'encourager les entreprises à prendre en charge une plus grande part des activités de formation à l'intention de leurs employés.
Il s'avère donc nécessaire d'offrir aux adultes différentes voies d'apprentissage, celle sur mesure, l'alternance étude-travail, l'auto-formation et la formation à distance, ainsi que la formation reliée à des activités bénévoles et à l'engagement social. Le système d'éducation des adultes doit reconnaître en conséquence une pluralité de lieux de formation. Afin d'éviter les dédoublements, il importe de mieux cerner et préciser les rôles complémentaires de chacun des intervenants, entre les niveaux d'enseignement, avec les entreprises, de même qu'avec les médias et les associations communautaires et populaires.
Pour favoriser un développement plus souple et intégré de l'éducation des adultes, nous suggérons de:
Les chevauchements de juridiction entre le fédéral et le provincial en matière de développement et de formation de la main-d'oeuvre, les dédoublements de programmes et le développement à la fois bureaucratisé et anarchique de l'éducation des adultes au Québec, constituent très certainement un problème auquel il faut s'attaquer en priorité. La solution n'est pas évidente puisque l'éducation des adultes et la formation continue relèvent de plusieurs ministères et comptent plusieurs types d'intervenants.
Le financement de l'éducation des adultes provient de multiples sources et repose sur des priorités changeantes et souvent contradictoires. Au lieu de découler des orientations et des choix de priorités, l'évolution de l'éducation des adultes a été au contraire marquée par son financement.
À l'intérieur des structures scolaires, le secteur de l'éducation des adultes échappe en fait à tout contrôle démocratique. Le nouveau régime pédagogique prévoit la participation des étudiants, mais peu d'effort est consenti pour concrétiser cet objectif. Les enseignants et les formateurs d'adultes ayant en général un statut précaire sont aussi peu impliqués dans la conception et l'évaluation des programmes et des services. Quant aux commissaires d'écoles et aux membres des conseils d'administration des Cégeps, nous avons pu constater que l'éducation des adultes ne semble pas constituer pour eux un champ de préoccupations très important La SQDM représente actuellement le seul lieu où s'opère la participation des acteurs socio-économiques. Son champ d'intervention couvre un secteur important, mais il est loin d'englober l'ensemble de la problématique de l'éducation des adultes.
Pour que l'éducation des adultes soit davantage partie prenante du système d'enseignement, et qu'elle soit orientée en fonction des besoins des personnes et de l'ensemble des acteurs sociaux, il faudra mettre en place, ou renforcer, les mécanismes visant à favoriser une plus grande concertation et implication des divers intervenants et acteurs dans les processus de décision.
Afin de démocratiser et de simplifier la gestion, nous suggérons de:
L'Institut à l'instar de très nombreux intervenants, souhaite de tout coeur que le processus de réflexion et de consultation auquel donne lieu les États généraux, débouche sur une réforme en profondeur du système d'éducation.
Mous croyons que cette réforme ne doit pas viser seulement l'adaptation au présent mais qu'elle doit surtout chercher à faire du système d'éducation, un outil privilégié permettant aux personnes et aux collectivités de maîtriser leur devenir.
Nous avons tenté d'attirer votre attention sur une des principales mutations qui marque le système d'éducation, le caractère continu de la formation. Ce nouveau paradigme ne remet pas en cause le rôle fondamental de la formation initiale mais oblige simplement à prendre davantage en compte le fait que l'éducation ne peut plus être uniquement centrée sur celle-ci.
Le renouvellement rapide des connaissances et des technologies obligera les personnes à mettre constamment leurs connaissances et leurs savoir-faire à jour. Pour être en mesure de faire face à ces nouveaux défis, il nous faudra développer une véritable culture de la formation continue et inscrire la réforme du système d'éducation dans une perspective d'éducation permanente. Le Québec a pris un retard considérable dans ce domaine.
Le savoir étant devenu le principal facteur de développement personnel et de progrès social, il nous semble nécessaire de faire du relèvement du niveau de scolarisation et de formation des adultes, un objectif prioritaire. D'autant que 70% de la main-d'oeuvre de l'an 2000 est déjà sortie de l'école. Ne pas prendre le virage de la formation continue, c'est prendre le risque de condamner une partie importante de la population à la dépendance et à l'exclusion.
Nous avons tenté dans notre mémoire de vous communiquer notre analyse de la situation de l'éducation des adultes et de vous soumettre quelques pistes d'orientations et de solutions visant à réformer un système, aujourd'hui inadéquat.
L'Institut, en collaboration avec ses partenaires, entend poursuivre cette démarche de réflexion sur les orientations et les solutions à privilégier. Ce sera dans le même esprit de collaboration que l'ICEA participera à la suite des travaux de la Commission sur les Etats généraux.