L'éducation non formelle au Québec

ICEA 1988

RECHERCHE ET REDACTION:    ROCH BIBEAU

Dépôt légal, 4e trimestre 1988 Bibliothèque nationale du Québec

Le ministère de la Main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu du Québec ainsi que l'Institut international de planification de l'éducation UNESCO ont contribué au financement de cette recherche.

Table des matières

 

Liste des tableaux

Avant-propos

Ce document sur l'éducation non formelle au Québec a été réalisé à la demande de l'Institut international de planification de l'éducationUNESCO, dans le cadre de ses recherches sur la diversification du champ éducatif.

La multiplication des activités d'éducation non formelle a changé radicalement la forme du champ éducatif: l'école n'est pas le seul lieu où les individus et les communautés peuvent poursuivre des objectifs de formation.

A partir de recherches existantes, ce document tente de répondre à quelques questions soulevées par le développement des programmes de formation hors des institutions scolaires au Québec:

  • quelles sont les formes que prend la diversification des activités éducatives et quelle en est la dynamique?
  • quels sont les effets du fonctionnement de ces activités éducatives diversifiées?
  • quels sont les problèmes de coordination et de planification que posent cet élargissement et cette diversification du champ éducatif?

L'ICEA. souhaite que ce document contribue à mieux faire connaître l'existence et la spécificité des activités non formelles au Québec, autant auprès des intervenants internationaux que québécois du monde de l'éducation.

Nous remercions Madame Michèle Jean qui était sous-ministre au ministère de la Main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu du Québec et qui a confié cette recherche à l'ICEA; Monsieur Gabriel Caron de l'IIPE pour ses commentaires et ses conseils; ainsi que Madame Andrée Demers, Messieurs Pierre Doray et Pierre Paquet qui formaient le comité d'encadrement de la recherche.

Esther Désilets, directrice générale Bernard Vallée, chargé de projet ICEA

Préliminaire

On retrouvera à l'intérieur de ce document une description et une analyse des activités éducatives structurées réalisées pour les adultes, mais ne faisant pas partie des programmes réguliers du réseau scolaire québécois. Nous regroupons ces activités sous le vocable d'éducation non formelle.1

Nous procéderons plus spécifiquement à :

  • une évaluation quantitative des activités, organismes et clientèles rattachés au développement de l'éducation non formelle au Québec;
  • une évaluation de la spécificité de l'éducation non formelle au plan de ses objectifs, des contenus véhiculés et des modes de programmation et de réalisation de ses activités;
  • une exploration des rapports de l'éducation non formelle avec le système scolaire et avec l'Etat, notamment du point de vue du financement, de la reconnaissance des acquis de formation et du partage des rôles entre le système scolaire formel et l'éducation non formelle.

Cette démarche résulte d'une commande conjointe de l'Institut international de planification de l'éducation (IIPE) et de l'Institut canadien d'éducation des adultes (ICEA).2

De nombreuses préoccupations, à la fois analytiques et pratiques en justifient la pertinence, auxquelles n'est sans doute pas étrangère la prolifération actuelle des activités éducatives non formelles.

Parmi l'ensemble des axes de recherche privilégiés dans le plan quinquennal de l'IIPE, le présent projet d'étude se rattache d'emblée au deuxième axe:

"La diversification des activités éducatives et les problèmes que pose à la planification de l'éducation leur articulation dans la perspective du développement".3

L'IIPE se dit intéressée au rôle de cette éducation dans la modernisation des sociétés rurales et à son adaptation aux impératifs de développement des sociétés industrielles.

Cet intérêt introduit deux questions essentielles:

Comment la diversité des pratiques éducatives, notamment les pratiques non formelles, peuvent-elles contribuer à un effort de développement social?

Comment des pratiques éducatives non formelles peuvent-elles s'intégrer à une démarche de planification de l'activité éducative dans une société confrontée à de nombreux problèmes de développement?  Car on le sait, les pratiques d'éducation non formelle tendent à échapper aux modèles traditionnels de planification, plus aptes à contrôler des activités dont les objectifs et les fonctions sont normalisés.

Quant à l'ICEA, les attentes se formulent comme suit:

  • outiller les groupes impliqués dans l'éducation non formelle, spécialement dans les activités de formation populaire autonome, de formation syndicale et de formation en entreprise, en vue d'en défendre l'intérêt et la spécificité;
  • faciliter une démarche de reconnaissance formelle de l'intérêt de l'éducation non formelle. Cet objectif renvoie à l'examen des programmes gouvernementaux de financement de l'éducation non formelle ainsi qu'à la reconnaissance des acquis de formation.

La supervision de la réalisation du présent document a été confiée à l'ICEA dans le cadre d'une subvention du ministère du Travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu du Québec. Cette subvention couvre la majeure partie des frais de cette étude.

En fait, ces questions ne sont pas étrangères aux préoccupations exprimées sur le terrain par les intervenants en éducation des adultes au Québec, bien qu'elles soient formulées de manière un peu différente. Ainsi au travers de la notion de planification se pose la question du rôle des appareils d'Etat dans l'éducation non formelle. Comment concilier les impératifs d'autonomie dans la définition et la réalisation des activités éducatives et les exigences de contrôle des appareils d'Etat qui occupent une place privilégiée dans le financement de plusieurs activités, et qui sont dépositaires des pouvoirs de définition et d'application des principales mesures de développement social?

A un autre plan, les questions de l'IIPE invitent à mesurer le chemin parcouru. Le rapport éducation/société s'est considérablement modifié au cours des trente dernières années. Le sens de la contribution de l'éducation non formelle au développement social n'est plus le même. Cela nous amène à questionner la spécificité de l'apport de l'éducation non formelle au développement social du Québec dans les années quatrevingt et par-delà interroge la spécificité même et le statut de ce type d'activités éducatives.

Ces enjeux, au coeur des préoccupations de ceux et celles qui investissent dans les pratiques d'éducation non formelle, seront autant de prismes à partir desquels on pourra situer, dans ce document, l'expérience du Québec en matière d'éducation non formelle.

Section 1 : L'éducation non formelle au Québec: près d'un adulte sur deux participant à l'éducation des adultes s'adresse à une gamme très diversifiée d'organismes non scolaires.

1.1    Les données disponibles et leurs limites

Pour introduire le portrait concret de la diversité des activités éducatives non formelles au Québec, peut-être est-il nécessaire de faire état des données disponibles à cet effet, de même que des limites inhérentes à ces données.

Au début de ses travaux en 1980, le CEFA (Commission d'étude sur la formation des adultes au Québec) traçait ce bilan des données disponibles sur les activités éducatives des adultes:

"L'éducation des adultes c'est l'éducation offerte par les maisons d'enseignement publiques et privées du Québec, mais c'est aussi celle que se donnent par eux-mêmes certains adultes, celle qu'ils vont chercher dans des organisations volontaires d'éducation populaire (O.V.E.P.), des associations de toutes sortes (syndicales, professionnelles, féminines, coopératives, religieuses, etc.) et enfin la formation donnée par les entreprises et les différentes corporations.

Des données fiables, voire même minimales sur l'ensemble du champ de l'éducation des adultes, nous n'en avions pas. Impossible de cerner, même à grands traits le profil des adultes qui participent à des activités éducatives et celui des adultes qui n'y participent pas.

Dans un article publié en 1977 pour l'Organisation de coopération et de développement économiques (O.C.D.E.), Dickinson et Verner faisaient remarquer qu'il n'existe pas au Canada de service central qui procède à la collecte de données fiables sur la participation à l'éducation des adultes; par surcroît, ajoutaient-ils, il n'y a eu que très peu d'études exhaustives, canadiennes ou provinciales, sur ce sujet. Signalons cependant que deux études d'envergure, l'une en Colombie-Britannique et l'autre en Ontario ont été réalisées au cours de la dernière décennie; durant la même période, plus de 30 enquêtes ont été effectuées aux Etats-Unis et dans les Etats américains, sans compter celles qu'avaient entreprises Johnstone et Rivera en 1963. Il en résulte donc, qu'au Canada en général et au Québec en particulier, nous ne disposions jusqu'à récemment que des renseignements partiels qui ne cernent qu'une partie seulement de l'éducation des adultes. Prenons le cas, par exemple, de Statistique Canada qui a mené un certain nombre d'enquêtes sur ce sujet pendant quelques années; devant les difficultés rencontrées en voulant tenir compte de la participation à l'éducation des adultes sous toutes ses formes, on se résigna, rapportent Dickinson et Verner, à n'inclure dans les rapports que les "activités" des établissements et des services qui sont les plus proches du système d'enseignement proprement dit".4

Depuis ce constat, deux entreprises systématiques de collecte de données sur les activités éducatives des adultes au Québec et au Canada ont été réalisées, l'une à l'instar de la C.E.F.A. réalisée en 1982, l'autre sous la responsabilité de Statistique Canada et réalisée en 1983.5 Ces deux études sont, de fait, des sondages réalisés auprès d'adultes québécois et canadiens quant à leur participation à certaines activités éducatives.

Ces données ont fait l'objet de nombreux traitements notamment par   P. Doray et A. Demers pour le compte de l'ICEA et par P. Paquet pour le compte de la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal. 6

C'est à partir de ces traitements que nous avons pu identifier les principaux organismes dispensateurs de formation, leurs clientèles privilégiées et le type de formation dispensée.

Toutefois, nous avons rencontré des problèmes importants au niveau de la convergence des résultats de ces sondages et des traitements subséquents qui en ont été réalisés. Les problèmes proviennent essentiellement des différences dans la définition des unités d'analyses. Ainsi la définition de l'étudiant adulte, le statut des activités éducatives (temps partiel, temps plein), la classification des types de formation font l'objet de différences parfois très marquées. Ce qui n'est pas sans conséquence au plan des résultats statistiques. On pourra comprendre la nature de ces différences dans le travail de P. Doray, mais surtout de P. Paquet.7

Néanmoins, les grandes dimensions du portrait global de l'activité éducative des adultes au Canada et au Québec trouvent à quelques éléments près, leur confirmation à travers ces diverses études.

Quant a nous, nous n'avons privilégié aucune de ces études de manière particulière. Nous avons puisé à toutes les sources selon la qualité de leur apport à notre propos particulier.

1.2 Repère : Un aperçu général de l'organisation des activités éducatives au Québec

Avant de présenter les principaux organismes non scolaires dispensant des activités de formation, il nous est apparu utile de les situer par rapport aux établissements scolaires et au système scolaire québécois dans son ensemble.

Bien que la dynamique de l'éducation non formelle ne puisse être analysée principalement en fonction de l'évolution du système scolaire8, il n'en demeure pas moins que les liens entre ces deux ensembles sont à la fois nombreux et diversifiés.  La description des principales articulations du système scolaire québécois permettra de brosser un tableau d'ensemble du champ des pratiques éducatives au Québec, et de déterminer l'importance relative des activités éducatives non formelles. De plus, le lecteur ou la lectrice non familier avec le Québec et son évolution, pourra mieux s'y retrouver.

1.2.1 Aperçu général du système scolaire québécois

La configuration actuelle du système scolaire québécois s'est principalement dessinée au cours des années cinquante et soixante.

Au Québec, au cours de ces années, se fit jour un formidable mouvement social, mobilisant élites intellectuelles, organisations syndicales et coopératives, revendiquant ce que l'on a appelé la modernisation de la société québécoise. Modernisation, parce que même si elle était largement urbanisée et majoritairement salariée, la population n'en vivait pas moins à l'heure d'un Etat qui n'avait pas enregistré ce changement et qui misait d'abord et avant tout sur des valeurs traditionnelles caractéristiques d'une société dont l'agriculture serait le principal pivot. De plus, ce conservatisme s'ancrait largement dans un nationalisme défensif, protecteur des valeurs et traditions d'un groupe minoritaire en Amérique du Nord et au Canada même: les Canadiens français.

La modernisation s'imposait du point de vue de larges fractions de la population québécoise en raison de l'inégal développement du Québec par rapport à d'autres régions économiques en Amérique du Nord. Ainsi non seulement cette population québécoise avait-elle un accès plutôt limité à la répartition de la richesse (faibles salaires, industries précaires, chômage important), elle était aussi exclue des échelons décisionnels politiques et économiques au profit des représentants d'un autre groupe linguistique: les Canadiens anglais. Et ce, sans compter la faiblesse des équipements collectifs relatifs à la santé et à l'éducation.

L'effort de modernisation que commandait cette situation visait à rattraper le niveau de développement social de régions voisines bénéficiant sensiblement d'un même potentiel. Cependant, la faiblesse de la capitalisation économique des élites, doublée aux lacunes importantes dans la formation de la main-d'oeuvre, ont fait converger vers les appareils d'Etat cette mission de modernisation dont les mots d'ordre seraient: mobiliser et instrumenter la population pour atteindre un niveau de développement comparable aux régions voisines.

Evidemment, cette mission avait un préalable: développer des appareils d'Etat capables d'orienter, diriger et contrôler cet effort de développement. La société québécoise s'est effectivement donnée un Etat aux moyens et à la capacité d'action considérables et peut-être sans précédent dans l'ensemble du Canada. On se sera d'abord donné les moyens financiers (contrôle de l'épargne par le régime des rentes, Caisse de dépôt et de placement) puis ensuite, on aura cherché à se donner des instruments d'intervention dans l'économie (contrôle du secteur énergétique, création de sociétés d'Etat) pour finalement développer un réseau de services socio-sanitaires parmi les plus articulés.

Cet effort de développement économique s'accompagnait d'importants discours sur la nécessité de développer le système d'éducation pour pallier aux lacunes importantes dans la formation de base et amorcer un virage significatif quant au niveau de spécialisation de la main-d'oeuvre. Ce dernier aspect était perçu comme fondamental dans la perspective d'une transformation du champ industriel trop marqué par des industries précaires à faible potentiel technologique.

Il y eut donc mise sur pied d'un système-scolaire public complet de la pré-maternelle à l'université, accessible à tous au plan économique .9

L'effort global, réalisé en peu d'années par les appareils d'Etat québécois dans la mise sur pied de ce système, demeurera l'un des plus impressionnants qui soit.

"La part consacrée à l'éducation au Québec passe de 5.5% du P.N.B. (1965-1966) à 9.3% en 1971-1972, soit près de 30% du budget du gouvernement provincial. En cela, le Québec s'incrit dans le sillon des sociétés occidentales qui font toutes un effort impressionnant à ce chapitre".10

Les acquis de cet investissement collectif en éducation sont nombreux. Au niveau primaire et secondaire, les taux de scolarité atteignent près de 100%. Au niveau collégial, on y rejoint plus de 25%, alors que la création du réseau des universités du Québec permettra de rejoindre plus de 8% de la population jeune. Notons aussi l'effort de décloisonnement géographique. Les unités du système d'enseignement se distribuent sur l'ensemble du territoire québécois.

1.2.2 Le développement de l'éducation desadultes au Québec

Avant 1960, l'éducation des adultes demeure presqueexclusivement une activité extra scolaire. Elle ne fait l'objet d'aucun investissement significatif dans le réseau scolaire.

L'éducation non formelle au Québec constitue la forme presqueexclusive de la participation des adultes à l'éducation entre 1800 et 1960. Ses fonctions principales: combler les lacunes de la formation de base; participer à l'effort d'émancipation économique, politique et culturelle de groupes sociaux particulièrement démunis (vg agriculteurs) ou dans l'élaboration de projets originaux d'alternative économique (vg secteur de la coopération).

La montée des activités d'éducation non-formelle ne s'insère pas dans un plan de développement global de la société québécoise, dans le sens qu'il s'agirait de l'émanation d'un consensus entre différents groupes sociaux ou d'une activité d'un organisme central de planification. Il s'agit plutôt d'initiatives privées, élaborées selon les conjonctures en fonction de besoins pressants. Tout au plus pourra-t-on identifier derrière ces initiatives la cohérence visionnaire des tenants de l'idéologie coopérative d'une part, et la volonté cléricale de préserver les valeurs traditionnelles de la société canadienne française fondée sur le développement et le maintien de l'activité agricole. Cette même volonté conduira aussi le clergé à investir les cercles d'activités et de formation syndicales afin de se prémunir contre les importations idéologiques. Bref, des activités d'éducation non formelle axées sur la promotion collective mais dans le maintien des structures traditionnelles de la société.

Toutefois, dans la foulée du développement du système scolaire au Québec au cours des années soixante, les services d'éducation aux adultes connaissent aussi une croissance importante au sein du réseau scolaire.

"Pratiquement inexistants ou tout au moins marginaux avant 1965, les services d'éducation des adultes des commissions scolaires rejoignent en 1977-1978 près de 200,000 personnes. Au niveau universitaire, le pourcentage des étudiants à temps partiel par rapport à la population étudiante totale passe de 14% en 1962 à 51% en 1978-1979. Le budget du ministère de l'Education du Québec en éducation des adultes non-universitaire passe de 3.5 millions en 1965 à 117,5 millions en 1978-1979. Le fédéral contribuera pour plus de 90% de ces sommes." 11

"La clientèle adulte des commissions scolaires passe à 144,000 inscriptions-matières en 1965-1966 et à 294,000 dès 1967-1968. Elle poursuit, depuis un accroissement plus lent mais non moins continu (environ 409,340 étudiants inscrits en 1980-1981).

L'accroisssement de la clientèle des CEGEP est encore plus marqué; celle-ci passe de 8,000 à 32,800 adultes, de 1967-1968 à 1970-1973, soit une augmentation de 40%. En 1980-1981, elle était de 56,000. Au niveau universitaire, les seules inscriptions aux cours crédités des services d'éducation des adultes sont passées de 31,000 en 1971 à 44,000 en 1974-1975. Le nombre d'étudiants à temps partiel était de 92,000 en 1979." 12

Pour faire place à cette clientèle adulte, on a néanmoins dû déroger à certaines règles formelles de cheminement académique pour satisfaire aux besoins spécifiques des clientèles adultes.

En même temps que se développait le réseau formel accessible d'abord et avant tout pour les clientèles jeunes, des pratiques éducatives reliées au réseau scolaire formel mais qui n'en adoptaient pas toutes les règles, prenaient beaucoup d'ampleur.

Il s'est développé toute une série d'activités éducatives s'éloignant plus ou moins considérablement des exigences formelles des plus caractéristiques. L'assouplissement de très léger, peut parfois aller à une remise en cause profonde de certains critères formels. Par exemple, il pourra parfois s'agir d'assouplissement des critères d'admission pour des clientèles n'ayant pas les pré-requis jugés autrement indispensables ou encore de rythme d'apprentissage modulé aux capacités spécifiques de la clientèle. Dans une perspective d'assouplissement encore plus importante, on pourra rencontrer des clientèles qui composent leur propre cheminement au travers d'une multiplicité d'activités éducatives sans que leur performance ne soit annotée formellement. On se rapproche alors beaucoup de la notion de cheminement autodidactique.

Ainsi, les instances centrales de planification ont laissé une marge de manoeuvre appréciable aux paliers inférieurs du système dans la détermination de règles d'accessibilité, de contenus de programmes, de modèles pédagogiques, etc., dans le but de rejoindre les groupes-cibles problèmes.

On pourrait même aller plus loin en mentionnant que cette latitude a amené une certaine confusion dans la complémentarité des fonctions des divers paliers du système en éducation des adultes, là où cette latitude s'est principalement exercée, appuyée en cela par un financement relativement généreux.

Les missions étaient nombreuses: rattrapage au plan de la formation de base, formation spécialisée et professionnelle dans une perspective de perfectionnement ou de réorientation de carrière, adaptation à de nouveaux champs de services professionnels (ex: gérontologie), réflexion sur divers enjeux sociaux, activités de promotion collective dans les milieux populaires et syndicaux.

Trois types d'initiatives ont surtout caractérisé ce réseau scolaire "semi-formel", si on peut utiliser l'expression: les services aux collectivités, l'éducation populaire dans les commissions scolaires, et les programmes de formation professionnelle, dit de formation sur mesure dont nous verrons la description plus loin.

La force principale de ce réseau scolaire semi-formel résidait dans sa capacité de s'ajuster rapidement, de répondre à l'expression des besoins de formation en évolution, tout en développant une pédagogie adaptée aux clientèles-cibles.

Les acquis auront été nombreux:

  • gratuité partielle des services publics de formation des adultes aux niveaux secondaire et collégial;
  • le développement d'activités de rattrapage scolaire;
  • l'amorce d'une politique de subvention aux activités d'éducation populaire des organismes populaires et syndicaux;
  • un programme d'allocation de formation pour les travailleurs et travailleuses sans emploi;
  • une diminution des disparités régionales par la création de plus de 120 services d'éducation des adultes aux niveaux secondaire, collégial et universitaire;
  • un début de diversification des stratégies éducatives par la mise en place de projets et plus tard de services à la collectivité. 13

Bref, le réseau scolaire joue un grand rôle dans la formation des adultes. Néanmoins les organismes non scolaires y occupent aussi une place importante. A la prochaine sous-section, nous établirons l'importance respective de chacun.

1.3 Les principaux organismes non scolaires dispensant de la formation au Canada et au Québec

La diversité des organismes non scolaires oeuvrant en éducation des adultes est une réalité clairement établie au Canada et au Québec. On peut identifier quatre types d'organismes, soit les entreprises, les organisations bénévoles, les syndicats et associations professionnelles, les écoles privées ou commerciales. 14

Essayons d'établir leur importance respective en matière d'activités organisées de formation auprès des adultes canadiens et québécois et comparons leur apport à celui des établissements scolaires.

Du côté de la formation à temps partiel, on peut constater l'importance clé des entreprises, des organisations bénévoles et des syndicats qui organisent près de quarante-cinq pour cent des activités éducatives. Si l'on ajoute les écoles privées ou commerciales, cette proportion atteint soixante pour cent. Evidemment, si l'on tient compte aussi des activités à temps plein, les établissements d'enseignement, en raison de leurs objectifs et de leurs structures prennent une place prépondérante avec plus de la moitié des activités de formation.

Tableau 1 : organisme assurant la formation, selon le genre d'activités suivies, le régime de formation et le sexe, Canada, 1983

ORGANISME ASSURANT LA FORMATION***

 

Université

Collège/ CEGEP

école de niveau primaire ou secondaire

Ecole privée ou commerciale

Soustotal

Employeur

Syndicat, association professionnelle

Organisa-

Bibliothè-

Total

 

 

 

tion bénévo-

que

 

 

 

 

 

le

 

(100%)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Formation à temps partiel  seulement Formation liée a l'emploi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hommes

11,5

17.2

6,6

5,0

40,3

42,1

14,8

2.8

0,1**

901 ,121

Femmes Total

I8,5

22,1

11,7

6,2

58,4

25,9

12,0

3,5

0,1**

651 ,974

Intérêt personnel

14,4

19,3

8,7

5,5

47,9

35 ,3

13,6

3,1

0,1**

1,558,095

Hommes

11.2

17,9

20,3

18,3

67,6

2,4*

4,0*

25,7

0.3**

369,014

Femmes Total

6,5

14,0

18,2

21,4

60,1

1,1*

3,2

35,1

0,4**

989 ,848

Ensemble des activité:

7,8

15,0

18,7

20,6

62,1

1,5

3,4

32,6 -

0,4**

1 ,358 ,862

Hommes

11 ,4

17,4

10,6

8,9

48,3

30,5

11,6

9,4

0,2**

1,270,135

Femmes Total

11,3

17,2

15,6

15,4

59,4

11,0

6,7

22,6

0,3**

1,641,822

 

11.3

17,3

13,4

12,5

54,6

19,5

8,8

16,8

0,2**

2,911,957

Formation a plein temps et à temps partiel Formation liée à l'emploi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hommes

13,7**

29,3*

10,0**

9,4**

62,4

18,3*

14.0**

5,3**

-

38,586

Femmes

19,2*

29,6*

15,8**

10,2**

74,9

18,1**

8.1**

3,9**

-

36,289

Total

16,4*

29,5

12,8*

9,8**

68,4

15,8*

11,2*

4,7**

-

74,876

Intérêt personnel

 

 

:     *

 

 

 

 

 

 

Hommes

19,5**

21 ,8*

7,1**

21 ,2**

69,6

5,9**

8,7**

15,8**

-

18,057

Femmes Total Ensemble des activité;

25,2*

18,8**

10,6**

16.9*-

71,5

2,2**

3,5**

22,8*

-

32,221

23,2*

19,9*

9,3**

18,4*

70,8

3,5**

5,4**

20,3*

-

50,279

Hommes

15,5*

26,9

9,1**

13,2

64,7

14,3*

12,2**

8,7**

-

56 ,644

Femmes

22,0

24,6

13,3*

13,4

73,3

8,0**

5,9**

12.8*

 

        68,510

Total

19,1

25,6

11,4*

13,3

69.4

10,9*

8,8*

10,9*

 

125,154

 

 

 

 

L

 

 

 

 

L

*    Selon la méthode retenue par Statistique Canada,  "les données sont affectées d'une forte erreur d'échantillonnage et doivent être utilisées avec prudence."

**  Selon la méthode retenue par Statistique Canada, "les données ne sont pas suffisamment fiables pour être publiées"; à titre indicatif nous les présentons en suqgérant de ne s'y référer qu'avec la plus grande prudence.

*** Un certain nombre de répondants n'ont pas fourni cette information; les calculs relatifs à l'organisme assurant la  formation ne tiennent pas compte de ces personnes.

SOURCE:    Supplément de l'enquête de Statistique Canada sur la population active, janv.  1984

.

Tablea II : organisme assurant la formation, selon le genre d'activités suivies, le régime de formation et le sexe, Québec, 1983

ORGANISME ASSURANT LA FORMATION***

 

Université

ColIège/ CEGEP

Ecole de niveau primaire ou secondaire

Ecole privée ou commerciale

Soustotal

Employeur

Syndicat, association profession-

Oganisaion bénévole

Bibliothèque

Total (100X)

Formation à temps partiel  seulement Formation liée à l'emploi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hommes

17,5

11,2*

11,1*

4,0**

43,8

38.6

14,7

2,8**

-

208,835

Femmes

25,9   

17,3*

14,8*

8,9**

66,9

20,7

9,5*

2,7**

0,1**

131,094

Total Intérêt personnel

20,7

13,5

12,6

5,9

52,7

31,7

12,7

2,8**

0,1"

339,029

Hommes

10,6**

11,5**

16,9*

26,8

65,8

1 ,8**

2,3**

29,2

0,8**

102,689

Femmes

7,9*  I

8,3*

12,5

28,8

57.6

0.7**

3,8"

37,4

0,6**

299,765

Total Ensemble des activité;

8,6   

9,1

13,7

28,3

59,7

1,0**

3,4*

35,3

0,6**

402,454

Hommes

15,2

11.3

13,0

11.6

51,1

26,5

10,6

11,5

0,3**

311,524

Femmes

13,4   

11.1

13,2

22,7

b0,4

6,8

5,5*

26,9

0,4**

430 ,859

Total

14,2

11,2

13,1

18,0

56,5

15.1

7.6

20,4

0,4**

742,383

Formation à plein temps et à temps partiel Formation liée à l'emploi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Honnies

16,8**

26 ,3**

24 ,5**

            13,4**

              80.9

4,5**

2,1**

12,5**

-

8,364

Femmes

22,1**

30,5**

21,3**

|            13,2**

37,1

12,9**

-

-

_

6,519

Total Intérêt personnel

19,2**

28,1**

23,1**

13,3**

33,6

8,2**

1,2**

7,0**

-

14,883

Hommes

23,8**

21 ,5**

5,8**

31 ,5**

82,5*

7,6**

3,0**

6,9**

-

6,216

Femmes

5,4**

17,9**

2,8**

            29,2**

!             55,2'

           

3,0**

41 ,8**

           

7,174

Total Ensemble des activités

13,9**

19,5**

4 ,2**

           30,2**

             67,8

3,5**

3,0**

25,6**

-

13,390

Hommes

19,8**

24 ,2**

]            16,5**

21.1**

81 ,6

5,8**

2.5**

10,1**

-

14,530

Femmes

13,3**

23,9**

           11 ,6**

21.6**

              70,4

6,2**

1,6**

21 ,9**

-

13,693

Total

16,7**

24,1*

             14,1**

            21,3**

              76,2

6,0**

2,0**

15,8**

-

28,273

*   Selon la méthode retenue par Statistique Canada, "les données sont affectées d'une forte erreur d'échantillonnage et doivent être utilisées avec prudence."

**  Selon la méthode retenue par Statistique Canada, "les données ne sont pas suffisamment fiables pour être publiées"; à titre indicatif nous les présentons en suggérant de ne s'y référer qu'avec la plus grande prudence.

*** Un certain nombre de répondants n'ont pas fourni cette information; les calculs relatifs 3 l'organisme assurant la formation ne tiennent pas compte de ces personnes.

SOURCE:    Supplément de l'enquête de Statistique Canada sur la population active, janv. 1984.

Par ailleurs, l'importance relative de chaque groupe d'organismes diffère selon que l'on tienne compte du Canada ou du Québec, hormis bien sûr pour les établissements d'enseignement. Si dans l'ensemble du Canada, les employeurs sont les plus importants initiateurs d'activités éducatives après les établissements d'enseignement (et après les écoles privées ou commerciales dans le cas de la formation à temps plein et à temps partiel), au Québec leur importance relative diminue considérablement. Les organisations bénévoles prennent une plus grande importance que les employeurs 15 que ce soit pour la formation à temps partiel seulement, ou la formation à temps plein et à temps partiel. Quant aux syndicats et associations professionnelles, leur rôle est sensiblement le même au Canada et au Québec dans la formation à temps partiel. Par contre, dans la formation à temps plein et à temps partiel, le rôle des syndicats québécois devient à peu près négligeable. Nous expliquerons plus loin les différences observées, notamment en ce qui a trait à la grande vitalité des organisations bénévoles au Québec.

Il faut remarquer que les regroupements d'organismes dispensateurs de formation non scolaire dans le tableau précédent pourraient faire illusion en laissant croire qu'on a là quatre initiateurs principaux d'activités de formation homogène. Il est utile de rappeler qu'au sein de chacun de ces regroupements, il existe une très grande diversité d'initiatives selon le type d'employeur, le type d'organisation bénévole, le type de syndicat, etc. Aucune de ces activités, honnis certaines activités réalisées au sein des écoles privées ou commerciales, n'a de caractère standardisé comme dans les établissements d'enseignement. Ceci donne une idée du foisonnement très important des activités de formation suivies par près de la moitié des vingt pour cent d'adultes canadiens et québécois participant à l'éducation des adultes. Evidemment, la difficulté de cerner avec précision les caractéristiques des activités impulsées par ces organismes n'en n'est que plus grande.

1.4 Les activités de formation assurées par les différents organismes dispensateurs 16

Les employeurs dispensent presque essentiellement de la formation liée à l'emploi (94%) alors que le syndicats offrent principalement des cours liés à l'emploi (75%) mais aussi des cours d'intérêt et d'enrichissement personnel (12%). Quant aux organismes bénévoles, ils s'impliquent principalement dans des cours récréatifs (36%). Les établissements d'enseignement se différencient selon leur niveau académique. Les universités donnent principalement dans la formation générale (50%) et la formation liée à l'emploi (33%) alors que les collèges s'impliquent dans la formation professionnelle (40%) et la formation d'enrichissement et d'intérêt personnel (25%). Quant aux écoles primaires et secondaires, elles répartissent assez également leurs activités entre la formation professionnelle et celle d'enrichissement et d'intérêt personnel. Les écoles privées ou commerciales s'intéressent presque exclusivement à la formation de type sociale ou culturelle.

D'un autre point de vue, si l'on considère le rôle respectif des organismes dispensateurs selon chaque type de formation, on constate qu'au Canada la formation à temps partiel des adultes liée à l'emploi est assurée principalement par les établissements d'enseignement (48%) et les entreprises (35%). Si on parle de la formation a temps plein et à temps partiel, les établissements d'enseignement assurent près de 70% de la formation professionnelle. (Voir tableaux I et II).

Pour les autres activités éducatives, les organisations bénévoles, les établissements d'enseignement et les écoles privées ou commerciales se partagent presque également ce secteur d'activités.

1.5 Le rôle des organismes dispensateurs d'activités éducatives en fonction des différents types de clientèles

Avant de décrire les clientèles-cibles rejointes par les différents organismes, rappelons les principales caractéristiques d'ensemble des populations adultes participantes aux activités de formation.

A. Demers17 rappelle que les taux de participation aux activités de formation diminue en fonction de l'âge, et ce drastiquement après 45 ans. De plus, les populations jeunes s'intéresseront davantage à une formation de type professionnelle alors que les plus âgés s'intéresseront davantage à une formation en sports loisirs (voir tableau III). Par ailleurs, au Québec environ un homme sur six et une femmes sur cinq participent à des activités de formation. Les hommes s'inscriront davantage aux activités de formation de type professionnel alors que les femmes s'intéresseront plus à la formation dite de développement personnel. Un homme participant sur deux aura suivi une formation professionnelle comparativement à une femme sur quatre (voir tableaux IV et V).

Si on considère le statut d'emploi et le niveau de formation scolaire initiale, force est de constater que la majorité des clientèles occupent un emploi et que le taux de participation augmente avec le niveau de scolarité. Les participants occupant un emploi et ceux dont le niveau de scolarité est élevé, s'inscriront principalement à une formation de type professionnel ou académique. Pour les autres, en particulier ceux et celles ayant une faible scolarité, seule la forma tion personnelle semble accessible (voir tableau VI).

TABLEAU  III : Genre de formation suivie par les participants, selon l'âge, Québec

TABLEAU  IV : Taux de participation aux divers types de formations, selon le sexe, Québec 1983.

TABLEAU V : Répartition des participants et des participantes selon le genre de formation suivie, Québec 1983

En s'appuyant sur les données que nous venons de présenter, nous pouvons déjà intuitionner les profils des clientèles rejointes par les différents organismes dispensateurs.

Ces profils peuvent être établis en fonction du niveau de scolarité, du sexe et du statut d'emploi des participants. Les participants ayant une scolarité de niveau primaire se sont surtout adressés aux associations volontaires (31%), aux commissions scolaires (niveau primaire et secondaire: 15%), aux écoles privées (21%), aux syndicats, associations professionnelles et employeurs (20%). Les participants ayant une scolarité de niveau secondaire s'adresseront aussi aux associations volontaires, aux commissions scolaires et aux écoles privées mais dans une proportion moindre. La formation sur les lieux de travail demeure cependant la plus importante pour ce type de clientèle alors qu'elle s'avérait difficilement accessible pour la clientèle de niveau primaire. Finalement, les clientèles ayant une formation collégiale ou universitaire s'adresseront principalement aux établissements d'enseignement et dans une mesure moindre aux entreprises. Elles délaissent de manière importante les organisations volontaires, les commissions scolaires et les écoles privées (voir tableau VII)

Par ailleurs, les personnes ayant un emploi se répartissent assez également entre les différents organismes dispensateurs d'activités de formation, alors que les personnes sans emploi s'adresseront dans un cas sur trois à des associations volontaires. Fait à noter, les associations volontaires dispenseront la formation à près de 40% de la clientèle de plus de 55 ans. Les milieux de travail recruteront principalement leur clientèle entre 25 et 44 ans.

La CEFA complète le tableau en identifiant les clientèles-cibles selon le type d'organisation et de formation suivie. 18

Si l'on regroupe les activités de formation non liées à l'emploi sous le vocable de formation de type sociale et culturelle, on s'aperçoit que les promoteurs rejoignent des clientèles se différenciant selon le niveau de scolarité. Si les municipalités, coopératives et syndicats rejoignent surtout des hommes ayant de 8 à 11 années d'étude, les associations volontaires sont nettement plus impliquées auprès des femmes ayant une formation de niveau primaire. Cette dernière clientèle rejointe principalement via les centres communautaires, s'intéresse certes aux travaux d'aiguille et aux arts mais aussi au développement personnel et social.

Tableau VI : Répartition des participants selon l'organisme dispensant la formation, selon la situation face à l'emploi, Québec 1983

Tableau VII : Répartition des participants selon leur niveau de scolarité antérieur, selon l'organisme dispensant la formation, Québec 1983

Quant à la formation de type professionnel, les hommes s'inscrivent principalement dans les réseaux privés (écoles privées, lieux de travail, etc.) alors que les femmes s'inscrivent principalement dans le réseau public. P. Paquet confirme cette tendance notée par la CEFA à partir de l'enquête de Statistique Canada. 19

"L'analyse des résultats par sexe permet de constater que pour la "formation liée à l'emploi", au Canada, les établissements d'enseignement occupent une place plus importante auprès des femmes (58%) que des hommes (48%) alors que pour la formation assurée par l'employeur, la situation inverse prévaut: les entreprises assurent 42% de la "formation liée à l'emploi" offerte aux hommes et 26% de celle offerte aux femmes. Lorsqu'il s'agit d'activités d'intérêt personnel, les écarts entre hommes et femmes sont nettement moindres.

Au Québec on retrouve les mêmes tendances en matière de "formation liée à l'emploi". Les établissements d'enseignement y assurent les 2/3 des activités offertes aux femmes mais seulement 44% de celles dont bénéficient les hommes. Les entreprises ont un rôle majeur (30% des activités) auprès des hommes, mais plus limité auprès des femmes (21%). Pour les activités d'intérêt personnel, les différences hommes-femmes sont fort limitées."

1.6 À la recherche du sens et de l'intérêt de cette diversité d'activités éducatives extra-scolaires

Les données précédentes illustrent bien, si besoin était, la très grande diversité des initiatives en matière d'éducation des adultes, que ce soit en fonction de l'organisme dispensateur, du type de formation dispensée ou de la diversité des clientèles rejointes par chacun des organismes. Les données quantitatives nous renseignent certes sur les aspects les plus formels de l'éducation non formelle, mais beaucoup moins clairement sur les facteurs expliquant la diversité des initiatives, leur apport qualitatif aux expériences de développement social et à l'ensemble du secteur de l'éducation au Québec.

Ainsi quel est l'apport des organismes non-scolaires de formation à la formation professionnelle? Comment expliquer l'aptitude de certains organismes à rejoindre des clientèles à faible niveau de ressources? Comment se définissent les rapports de ces organismes dispensateurs de formation au système scolaire formel? Etc.

Pour répondre à ces questions et à bien d'autres, il nous faut utiliser d'autres types de matériaux, une autre approche capable de nous faire saisir les significations de l'éducation non formelle prise dans son ensemble, mais aussi apte à cerner les différences profondes qui la caractérisent. Cela nous conduira à une démarche plus inductive, s'inspirant d'une lecture attentive de la dynamique qui caractérise chaque groupe d'organismes dispensateurs de formation et conduisant à proposer quelques hypothèses générales d'interprétation de leur apport.20

Section 2 : Trois visages dominants de l'éducation non formelle au Québec : l'éducation populaire autonome, la formation professionnelle et la formation de croissance personnelle

La classification des activités d'éducation non formelle, comme toute classification d'ailleurs, doit être reçue avec beaucoup de prudence. Elle indique des tendances tout en reconnaissant qu'il existe toujours certains cas limites qui s'insèrent plutôt mal dans une catégorie exclusive.

Néanmoins, la classification que nous proposons a le mérite de rendre compte des directions les plus marquantes vers lesquelles a évolué la dynamique de l'éducation non formelle au Québec. Elle donne aussi sens à la prolifération des activités éducatives constatée à la section précédente.

Le principe de cette classification est plutôt simple. Nous avons greffé aux données statistiques précédentes des données qualitatives sur la nature des objectifs poursuivis par les organismes d'éducation non formelle dans la structuration de leurs activités. Cela permet de saisir leur contribution spécifique à certains secteurs de formation, comme la formation professionnelle, de faire le lien entre une série d'activités en apparence disparates et finalement de comprendre la distribution différenciée des clientèles.

Nous pouvons ainsi regrouper les pratiques éducatives non formelles ainsi que les organismes qui les supportent en fonction des objectifs suivants:

  • l'activation des processus de croissance personnelle;
  • l'accroissement et la diversification des habiletés professionnelles;
  • le contrôle des conditions de vie et la prise en charge des itinéraires de vie collective et individuelle.

Dans les pages qui suivent, nous ferons une description des problématiques de planification, d'organisation pédagogique et d'impacts propres à chaque type d'activités.

2.1 L'activation des processus de croissance personnelle

Sous la rubrique "croissance personnelle", nous regroupons les activités de formation visant moins l'acquisition de savoirs structurés que l' élargissement de la culture personnelle à des fins d'esthétisme, de mieux-être, et de diversification des habiletés personnelles. Concrètement, nous faisons référence aux activités organisées par les intervenants suivants: des institutions culturelles (musées, bibliothèques, sites historiques); des clubs, cercles, centres d'observation consacrés au développement du loisir scientifique et naturiste (astronomie, centre d'interprétation de la nature) ; des centres d'initiation aux activités sportives; des écoles de langues et finalement des cliniques de santé physique ou mentale.

Ces activités éducatives connaissent au Québec un développement fulgurant, et ce depuis dix ans environ. Le caractère récent de ce développement ne nous permet pas le recul nécessaire pour bien caractériser la dynamique qui l'anime, ni non plus pour en évaluer l'apport, d'autant plus que les données disponibles sont encore fragmentaires. Néanmoins, elles permettent quand même d'en évaluer l'ampleur.

Selon les données traitées par A. Demers,21 près de quarante pour cent des participants à l'éducation des adultes et répondant à l'enquête de Statistique Canada s'inscrivent à des activités de sports, de loisirs et d'initiation aux langues. Rappelons en guise de comparaison que les activités de formation professionnelle ne regroupent que trente-huit pour cent des participants à l'éducation des adultes (voir tableau VIII).

S'il nous est facile de déterminer l'importance relative de ce genre d'activités, les informations sur les organismes dispensateurs sont plus difficiles à traiter. S'il est clair que les établissements d'enseignement jouent un rôle dans ce secteur, les organismes d'éducation non formelle intervenant dans ce secteur occupent la majeure partie du terrain.

Fait nouveau au Québec, on assiste dans ce secteur à l'émergence d'un véritable marché "privé" de formation s'inspirant des pratiques commerciales les plus traditionnelles et sans contrôle organisé de la qualité de la formation. D'ailleurs, plusieurs organismes de protection de consommateurs font état de certaines pratiques commerciales douteuses ou abusives.22

Tableau VIII : Répartition des participants, selon le genre de formation suivie,  Québec 1983

Néanmoins, que les organismes dispensateurs soient privés, à but lucratif ou non, la pratique dominante dans ce secteur semble supposer que le participant ait à investir une contribution financière pour avoir accès aux activités. Il est évident que l'Etat soutient certaines de ces activités, notamment pour les institutions culturelles ou certains clubs de loisirs scientifiques. Néanmoins, la contribution des participants semble, dans la plupart des cas, constituer l'élément central de financement.

D'ailleurs de manière générale, la demande de formation est l'élément régulateur de la dynamique des activités de croissance personnelle. Le renouvellement des budgets pour les organismes publics ou privés est fortement lié à l'ampleur de cette demande, qu'on cherchera à stimuler par les voies publicitaires.

Comme nous le disions plus haut, l'ampleur récente du phénomène, le caractère fragmentaire des données ne nous permettent pas de tracer un bilan des impacts de ce genre de formation. De plus, ces activités s'adressent peu à des groupes déjà constitués. Au contraire, elles semblent miser plus sur l'individualité des besoins de formation. Il est donc plus difficile de cerner les retombées collectives de ces processus de formation. On peut toutefois noter que ceux-ci accompagnent l'émergence assez récente d'intérêts pour la pratique sportive, les voyages {langues) et les thérapies alternatives (médecines douces, techniques de relaxation, etc.). On analysera en profondeur a la section 3.2 la dynamique sociale à laquelle s'imbrique ces activités et qui donne une orientation spécifique à l'évolution de l'ensemble de l'éducation non formelle.

Notons en terminant que le genre de formation fait parfois l'objet d'une attestation écrite de l'organisme dispensateur. La valeur d'une telle attestation dépend de la réputation de l'organisme dispensateur dans les cercles où une telle attestation est présentée. Peu d'organismes peuvent prétendre actuellement à une reconnaissance sociale élargie de la valeur de telles activités.

2.2 L'accroissement et la diversification des habiletés professionnelles

Sous la rubrique accroissement et diversification des habiletés professionnelles, le portrait est à la fois plus facile à tracer en raison de l'abondance des données, mais aussi plus complexe à cause des interrelations nombreuses entre les organismes dispensateurs.

Nous avons dit que selon l'enquête de Statistique Canada plus de 38% des adultes participant à l'éducation des adultes s'inscrivent à une formation reliée à l'emploi.

Dans le cas de la formation à temps partiel, les établissements d'enseignement assurent 48% des activités alors que les entreprises en assurent environ 35%. Si on ajoute la formation à temps plein, les établissements d'enseignement accroissent leur importance avec 70% des activités de formation professionnelle (voir tableaux précédents).

Les clientèles regroupées par les entreprises sont à dominante masculine, généralement détentrice d'un emploi et ayant une formation préalable au moins égale à un cours secondaire. Quant aux femmes, elles s'adressant principalement aux établissements d'enseignement.

En formation professionnelle, les initiatives des organismes d'éducation non formelle sont fortement soutenues, stimulées et encadrées par les gouvernements fédéral et provincial qui y dépensent des sommes impressionnantes.

Nous déterminerons dans les prochaines pages l'importance de cet effort financier. De plus, fait intéressant, de nombreuses activités d'éducation non formelle sont réalisées au sein des établissements d'enseignement, ce qui permet de nuancer les données précédentes. Nous voudrions exposer dans les lignes qui suivent l'originalité et la complexité de la collaboration entre les gouvernements, les établissements d'enseignement et les entreprises en matière de formation professionnelle.

2.2.1  Les instruments de Planification

Les efforts en formation professionnelle au Canada sont d'abord fondés sur un effort réel de détection des besoins de formation professionnelle susceptibles d'être comblés dans le cadre des priorités nationales de développement économique. On peut tracer une liste des principaux instruments publics d'identification des besoins de formation. Ajoutons que plusieurs grandes entreprises ont aussi leurs propres instruments de prévision.

A ce sujet, est-il utile de préciser que les petites et moyennes entreprises n'ont pas de tels outils et que les outils des grandes entreprises ne sont pas adaptables. Il s'agit d'une lacune certaine étant donné le rôle des P.M.E. en matière d'emploi.23

On compte trois types d'instruments publics d'identification des besoins de formation professionnelle, soit les modèles généraux de prévision, les études sectorielles et les instruments sectoriels.24

La Commission sur l'informatisation, l'emploi et le travail semble accorder plus de valeur aux études et instruments sectoriels dont la pratique devrait s'étendre. Leur précision apparaît plus grande que les modèles généraux de prévisions, présentent plusieurs limites à caractère méthodologique et sont relativement peu connus. Ce sera d'ailleurs principalement à partir de ces approches sectorielles que seront déterminés les priorités poursuivies en matière de formation professionnelle.25 Voyons comment se complètent les différents instruments de planification.

En fait, les plans annuels régionaux de formation élaborés par les commissions de formation professionnelle (CFP) constituent la cheville ouvrière de l'effort de planification en formation professionnelle. Le gouvernement fédéral finance les activités des CFP présentes dans chaque région au Québec. Dans un premier temps, les CFP constituent et animent des comités consultatifs régionaux, formés de représentants des principaux groupes intéressés à la formation professionnelle. A partir de cette consultation, de même que des résultats des études et instruments sectoriels pertinents pour la région, les CFP coordonnent les travaux d'estimation des besoins de formation en vue de la préparation du plan annuel de formation pour la région.

L'arbitrage entre les régions quant aux ressources qui soutiendront ces plans annuels de formation est réalisé par un comité conjoint fédéral-provincial en fonction des priorités nationales établies par les modèles généraux de prévision, les études et les instruments sectoriels.

A la prochain section, nous examinerons les priorités de formation et la nature des programmes de formation émanant de ces efforts de planification.

2.2.2 Les programmes de formation professionnelle et l'Accord Canada-Québec

Comment concilier les priorités dégagées à partir de ces instruments de planification et les besoins concrets et spécifiques de formation professionnelle dans une entreprise en particulier? Le mécanisme est à la fois original et complexe.

Le gouvernement fédéral au Canada a acquis depuis plusieurs décennies un rôle prépondérant en matière de formation professionnelle, et ce, malgré le fait que l'éducation, en vertu de la constitution canadienne, soit de juridiction exclusivement provinciale; on comprendra aisément l'ampleur du débat fédéral-provincial en cette matière. De manière a concilier les intérêts respectifs des deux niveaux de gouvernements, ceux-ci concluent depuis vingt ans un accord général sur cette question, accord renouvelé en 1986 pour une période de trois ans et connu sous le nom de "Accord Canada-Québec sur la formation professionnelle des adultes". Dans cet accord, on précise le type de formation professionnelle qui sera privilégiée et l'implication financière du gouvernement fédéral.

Les priorités du gouvernement fédéral sont les suivantes:

favoriser l'adaptation des qualifications professionnelles de la main-d'oeuvre en chômage aux besoins et à l'évolution de l'économie en vue d'améliorer les chances d'emploi et de rénumération;

favoriser la mise à jour et le perfectionnement de la main-d'oeuvre active pour l'adaptation aux changements technologiques;

encourager les industries à élaborer et à développer la formation des gens de métier ou des travailleurs dans les professions de haute spécialisation en pénurie de main-d'oeuvre;

permettre le recyclage des travailleurs touchés par les nouvelles technologies . 26

Pour atteindre ces objectifs dans le cadre de l'Accord Canada-Québec, l'intervention du gouvernement fédéral se structurera autour de deux pôles: les achats directs de formation en institution et la formation sur mesure en établissement.

Dans le cadre des achats directs de formation en établissement, le gouvernement fédéral paiera les frais des activités de formation27 surtout de la main-d'oeuvre en chômage, réalisées dans le cadre des programmes réguliers de formation professionnelle offerts par les établissements d'enseignement québécois. On pense ici notamment aux programmes d'insertion sociale et professionnelle des commissions scolaires. Il s'agit de cours réguliers (temps plein et partiel) intensifs pour adultes en vue de terminer l'acquisition d'une formation générale de base ou d'élever leur niveau de perfectionnement professionnel. Ce sont des programmes réguliers dont les critères d'accès ont été allégés pour tenir compte des acquis des adultes ou des besoins des entreprises lorsqu'elles sont commanditaires des cours.

Autre exemple de programmes de formation des établissements d'enseignement sollicitées dans le cadre des achats directs de formation: la

formation dans les centres spécialisés rattachés à différents cégeps. Les centres spécialisés offrent des services d'enseignement dans les secteurs reconnus comme prioritaires pour le développement du Québec de même que des services de recherche et d'aide technique aux entreprises. Ces centres ont été créés pour aider a solutionner les problèmes associés aux changements technologiques.28

Toutefois, le nouvel "Accord Canada-Québec" prévoit donner moins d'importance aux achats directs de formation au profit de ce qu'on appellera la formation sur mesure en établissement (FME).29 Sur les cent trente-neuf millions dépensés par le gouvernement fédéral dans le cadre de l'Accord, cent vingt-cinq millions vont à l'achat direct de formation en 86-87. Toutefois, au terme de l'Accord, ce montant aura été réduit de 24% au profit de la FME.

De quoi s'agit-il?

"L'achat de formation sur mesure désigne l'achat d'activités de formation en établissement spécifiquement adaptées aux besoins d'une entreprise, d'un organisme sans but lucratif ou d'un secteur d'activités économiques. (...) un type de formation en établissement qui permet de concevoir et d'organiser des activités de formation fondées sur un diagnostic précis des besoins de formation liés à une situation spécifique, sur l'élaboration ou l'adaptation d'un programme de formation en fonction du diagnostic établi et sur le réinvestissement des apprentissages dans la situation." 30

Comment se fera cet achat de FME? Celui-ci se réalisera par le biais des commissions de formation professionnel (CFP) présentes dans chaque région du Québec auprès des établissements de formation et dont nous avons vu le rôle précisément.31

Notons que l'Accord Canada-Québec prévoit que les achats de FME devront prioritairement être réalisés auprès des établissements d'enseignement du Québec, mais qu'en cas d'absence de possibilités de répondre à la demande, la CFP pourra s'adresser directement à l'entreprise.

"Au départ, le gouvernement fédéral se proposait de subventionner directement les entreprises de sorte qu'elles puissent se procurer des services de formation auprès des institutions de leur choix, privées ou publiques".32

Le Québec est finalement parvenu à convaincre Ottawa de l'intérêt de la FME en établissement. Mais comme le souligne H. Paré, l'importance du rôle des établissements publics est loin d'être assurée.33

2.2.3 L'éducation non formelle face à l'Accord Canada-Québec

L'intérêt que nous portons à l'Accord Canada-Québec est justifié par les liens qui s'établissent entre la dynamique spontanée de l'éducation non formelle et la planification étatique. A l'aide des fonds publics et des équipements scolaires existants, on permet à des groupes de définir leurs besoins de formation et les contenus des programmes d'activités adaptés à ces besoins. Les ressources institutionnelles doivent répondre à cette demande dans la mesure où elle s'inscrit dans le cadre général de planification de l'emploi:

"Le Canada et le Québec reconnaissent que le secteur privé a un rôle important à jouer dans l'identification des besoins liés aux exigences du marché du travail".34

Il y a là admission d'un principe fort intéressant quant à l'effort conjoint (Etat/groupes sociaux privés) de planification de l'utilisation des ressources publiques. Ainsi peut-on s'assurer de mieux rencontrer les intérêts des groupes bénéficiaires de la formation. C'est d'ailleurs le sens du rôle des comités consultatifs des CFP.

Toutefois, avec qui précisément l'Etat accepte-t-il de partager son pouvoir de planification des dépenses de formation? Quels sont les acteurs qui seront effectivement représentatifs de l'intérêt du secteur privé en matière de formation professionnelle auprès des CFP?

On peut apporter une réponse directe et indirecte qui influencera directement sur les contenus de formation qui seront privilégiés:

en aucun temps, il n'est fait mention de l'importance de la participation des travailleurs et travailleuses à la définition des besoins de formation par "le secteur privé". Aucun mécanisme concret ne prévoit cette participation. Pour H. Paré, le danger est grand.

"Si les mécanismes opérationnels touchant la formation sur mesure ne prévoient pas explicitement la participation de tous les intéressés aux différentes étapes du processus, cette formule se limitera inévitablement aux besoins très immédiats des employeurs (c'est nous qui soulignons) et orientera les travailleurs et les travailleuses vers des formations pointues et non créditées, des apprentissages disparates, morcelés et inapplicables à d'autres situations de travail". 35

On confirmera ces craintes en faisant l'évaluation de la formation en entreprise un peu plus loin.

En février 1985, la Commission sur l'informatisation, l'emploi et le travail portait un jugement relativement sévère sur le PNFI.

"... il semble qu'il soit très mal connu des petites entreprises. La grande entreprise, en général bien structurée en terme de planification des resources humaines, utilise ce programme. Elle a des instructeurs qualifiés et une organisation en place. Il est beaucoup plus difficile d'organiser ce type de formation dans la PME à cause notamment du manque de ressources humaines et financières d'où son incapacité à connaître les programmes pertinents à ses besoins et à s'y rendre eligible.

De façon générale, il ressort que les rigidités institutionnelles des programmes sont un handicap majeur à leur accessibilité à toutes les tailles d'entreprises." 36

2.2.4 Les inquiétudes face a la formation professionnelle réalisée en entreprise

Plusieurs organismes intéressés à la formation professionnelle se sont réjouis du rôle prépondérant des établissements d'enseignement pour la FME. Cette réaction n'est pas sans relation avec l'évaluation de la qualité de la formation réalisée en entreprise.

"Plus l'entreprise est petite, plus la formation "sur le tas" est importante et plus elle a un caractère ponctuel plutôt que de s'insérer dans le cadre d'un plan de formation lié au développement projeté par l'entreprise. On a noté également que la formation en entreprise bénéficie davantage aux cadres et aux professionnels et que les autres catégories d'employés, premières victimes des changements techniques, sont laissées pour compte.

... les femmes, quelle que soit la catégorie professionnelle, ont proportionnellement moins de possibilités en matière de formation que les autres travailleurs. De plus, la participation des travailleurs aux prises de décision en regard de la formation demeure insuffisante particulièrement là où ils ne peuvent l'obtenir par le biais de conventions collectives." 37

Cette évaluation de la Commission sur l'informatisation, l'emploi et le travail date déjà de quelques années. Elle inquiète de plus d'un point de vue. Depuis déjà quelques années, on note que le réseau scolaire formel fait de plus en plus appel à l'entreprise pour la formation professionnelle.

T. Hamel fait découler de l'examen des énoncés de politiques du gouvernement du Québec en matière de formation professionnelle le constat suivant:

"Nous croyons que l'on assiste actuellement à une transformation majeure de l'appareil scolaire et plus spécifiquement de sa filière professionnelle. Alors qu'auparavant on tentait au moyen de réformes de l'appareil scolaire, de répondre aux besoins économiques, politiques, idéologiques de formation de la force de travail... on ferait reposer de plus en plus une partie de la formation sur l'entreprise elle-même. La politique de formation de la force de travail s'effectuerait en d'autres lieux (l'entreprise au lieu de l'école) selon d'autres modalités (stages, alternance éducation-travail, apprentissage sur le tas au lieu de l'atelier) selon d'autres reconnaissances des acquis i.e. une dissociation entre les capacités acquises et leur reconnaissance par l'entreprise." 38

Les nouvelles formules tout comme la FME d'ailleurs, sauront-elles dépasser les limites usuelles de la formation en entreprise? C'est du moins le mandat que s'est donné le gouvernement du Québec.

Dans son énoncé sur "Un projet d'éducation permanente" il propose de corriger la situation de manière incitative par le biais de "formules renouvelées de partnership en vue de promouvoir l'accessibilité, la qualité et le développement de la formation en entreprise". Pour ce, on pose quelques conditions que devrait remplir la formation professionnelle:

"La formation en entreprise doit servir à la fois les intérêts économiques des entreprises et les besoins de formation des travailleurs...

La deuxième condition à assurer concerne le type de formation à promouvoir. Certes la formation en entreprise est orientée vers une pratique déterminée; plus que toute autre, c'est une formation sur mesure. Mais elle doit être, en même temps, une formation qualifiante, qui permet la mobilité et l'adaptation des travailleurs, l'enrichissement des tâches et la maîtrise des techniques, la responsabilité et l'épanouissement personnel...

La troisième condition a trait à la participation des travailleurs à l'orientation de leur formation. La formation des travailleurs fait évidemment partie d'une gestion dynamique de l'entreprise; elle vise en bout de ligne, l'efficacité ou la productivité maximale motivées par les objectifs de rentabilité. Mais elle doit tout autant respecter les exigences de la qualité de vie au travail; elle doit considérer le travailleur comme un sujet responsable. Aussi faut-il promouvoir la participation des travailleuses et des travailleurs à l'élaboration du plan de formation de leur entreprise, ainsi qu'au choix des objectifs et des moyens à prendre pour les atteindre".39

Nous n'avons pas de données nous permettant de mesurer les impacts des mesures incitatives préconisées.

2.2.5 Quelques données complémentaires

Notre recherche ne nous a pas permis d'identifier de données mesurant les impacts économiques et technologiques à court ou moyen terme de la formation professionnelle. Les chiffres laissent voir une participation importante40 : plus de 150 000 personnes inscrites à une formation professionnelle (temps plein et temps partiel) dans les commissions scolaires et les cégeps seulement. Quel aura été l'impact dans l'organisation de l'itinéraire de vie de ces individus? Quel aura été l'impact sur les taux de chômage? On peut difficilement le concevoir. Fait certain, la formation professionnelle fait l'objet d'un investissement important: près de la moitié des sommes dépensées en formation des adultes au Québec le sent à cette fin. 41

Parmi l'ensemble des activités éducatives non formelles il s'agit certes du secteur qui concentre le plus d'énergies. Le constat s'établira de lui-même à partir de l'examen de l'éducation populaire au Québec.

2.3    Le contrôle des conditions de vie et la prise en charge des itinéraires de vie collective

Dernier grand type d'activités éducatives non formelles au Québec: celles reliées au contrôle des conditions de vie et à la prise en charge des itinéraires de vie collective. Les deux précédentes catégories faisaient surtout référence à des sphères d'activités socio-culturelles et socio-économiques. Cette dernière catégorie pourrait être qualifiée de socio-politique. Les préoccupations essentielles au centre de ces activités éducatives sont celles de la qualité d'insertion des individus et des groupes au sein des structures du pouvoir politique et civil, insertion de laquelle dépend la qualité du contrôle exercé sur ses propres conditions de vie individuelles ou collectives. Ces activités éducatives sont à caractère politique, au sens d'un questionnement direct ou indirect sur la nature des rapports sociaux.

Les promoteurs de ces activités éducatives ont tendance à vouloir rejoindre les groupes ou clientèles ayant objectivement intérêt à ce questionnement, en raison de la faiblesse des ressources collectives que l'organisation sociale leur permet. Ainsi n'est-il pas étonnant de voir au sein de ces activités des clientèles aux ressources personnelles plus faibles: des participants sans emploi, à faible scolarité. On y retrouve aussi une large concentration de femmes. Il s'agit bien souvent pour ces groupes de la seule possibilité d'accès à des activités de formation, car celles-ci sont généralement accessibles économiquement et qu'elles ne présupposent pas l'appartenance à un milieu de travail ou des prérequis scolaires.

Ces initiatives sont animées par un ensemble très diversifié d'organismes. Outre les commissions scolaires, il y a les organisations qualifiées de volontaires et sans but lucratif, soit des comités de citoyens, des coopératives, des groupes féministes ou écologistes. Ce sont des organisations de première ligne impliquées auprès des groupes sociaux vivant souvent des situations d'oppression sociale. Il existe près de 850 organismes de ce type, accrédités par le ministère de l'Education du Québec comme organisme volontaire d'éducation populaire (OVEP), et au moins quatre cents autres sont en attente d'accréditation. Ils dépendent d'ailleurs essentiellement de l'Etat pour leur financement. (Nous verrons plus loin une description plus détaillée de ces organisations.)

Finalement, dernier type d'organismes impliqués en éducation populaire: les organisations syndicales. Certes les groupes rejoints diffèrent de ceux des OVEP: population en emploi, avec souvent une scolarité de niveau secondaire.

Néanmoins, les organisations syndicales poursuivent souvent les mêmes visées éducatives, soit augmenter la capacité de prise en charge par les individus de leur conditions de vie (au travail). Les activités éducatives de ces organisations veulent initier aux fonctions syndicales, au fonctionnement collectif et à la remise en question des normes technocratiques et juridiques régissant le fonctionnement des mi-

lieux de travail: lois des relations de travail, normes de sécurité. On y retrouve aussi certaines amorces d'options politiques plus radicales.

2.3.1 Une définition de l'éducation populaire

L'ensemble des initiatives dont nous venons de parler sont fréquemment identifiées sous le vocable d'éducation populaire. Cette notion est souvent définie de façon différente selon qu'elle est vécue dans le réseau des commissions scolaires ou des OVEP. On y retrouve néanmoins plusieurs similitudes.

Pour l'iCEA 42

"L'éducation populaire autonome désigne l'ensemble des activités éducatives organisées dans le cadre des organisations volontaires autonomes (syndicats, associations de consommateurs, de locataires, de chômeurs, de personnes du troisième âge, coopératives, etc.) mises sur pied par les classes populaires et axées sur la promotion collective. Or, cette éducation populaire faite par les organismes volontaires et syndicaux est bel et bien de l'éducation, si l'éducation des adultes vise réellement la prise en charge par les citoyens et les citoyennes de leur devenir collectif, force est de constater que les organismes populaires et syndicaux ont fait davantage, à ce chapitre, que les institutions elles-mêmes et ce, avec des moyens forts réduits. Ce sont les besoins des personnes, leur vécu individuel et collectif qui déterminent à la fois les contenus des activités d'éducation populaire et les méthodes utilisées, comme ce sont les problèmes avec lesquels ils et elles sont aux prises qui déterminent l'action nécessaire pour transformer les situations. L'éducation populaire est apprentissage et réflexion critique, elle est action collective de transformation de la réalité".

Pour le comité provincial étudiant l'éducation populaire dans les conmissions scolaires, l'éducation populaire correspond aux caractéristiques suivantes:43

  • le savoir dispensé se veut intimement lié aux intérêts des individus, groupes ou communautés. En ce sens, il prend appui sur les situations vécues et est dispensé en vue de son réinvestissement.
  • "l'apprentissage se fait dans l'action et par l'action: on se forme à l'analyse, on apprend à définir ses besoins réels, à se créer des solidarités, à choisir ses alternatives de formation et d'engagement social, à prendre en charge son projet de formation."
  • les méthodes d'apprentissage varient, "depuis l'atelier, la conférence, le colloque jusqu'aux diverses approches de formation sur mesure, en passant par le cours, le journal de quartier et l'émission de télé-communautaire."
  • les formats d'intervention sont divers et vont du cours a. contenu pré-déterminé à l'animation communautaire et support à l'action communautaire.

On remarque dans ces deux définitions l'insistance mise sur la relation du processus de formation aux problèmes individuels ou collectifs des participants, de même qu'à l'action d'engagement social ou politique. De plus, on notera la diversité des moyens et des formules utilisés dans le processus de formation selon les caractéristiques des participants et des problématiques vécues par ceux-ci. Finalement, on insiste sur l'intérêt d'une démarche collective de formation.

2.3.2 Les thèmes privilégiés en éducation populaire

A la section 1.2, nous avons mentionné qu'avant 1960 les activités éducatives pour adultes avaient été pour l'essentiel réalisées par des organismes non scolaires.

Le développement du réseau scolaire qui suivra au cours des années soixante modifiera sensiblement la situation en développant des programmes d'activités pour les clientèles adultes.

"Les réseaux de l'éducation, aussi bien que le Ministère lui-même, n'ont jamais considéré que leur mission éducative devait se cantonner au seul cadre et au seul modèle proprement scolaires. La demande sociale s'est d'ailleurs faite toujours plus pressante pour que les maisons d'enseignement mettent leurs ressources humaines et matérielles au service de la population et contribuent aussi au développement des personnes et des communautés. C'est dans ce courant social qu'on a vu naître et se développer de nombreux programmes de services à la collectivité, d'activités socio-culturelles et d'éducation populaire." 44

Evidemment, cette préoccupation est aussi le résultat de revendications de nombreuses organisations impliquées en éducation populaire à propos de l'accessibilité des ressources institutionnelles pour les clientèles ne correspondant pas aux exigences formelles du système scolaire.

Le développement de ce réseau institutionnel en éducation populaire n'atténuera pas la présence des organisations populaires autonomes. On assistera plutôt à deux types de pratiques en éducation populaire: celles du réseau institutionnel animées par les commissions scolaires et celles des OVEP. Ainsi au cours des années quatre-vingt, le réseau institutionnel axera progressivement son intervention dans deux domaines:

l'éducation populaire proprement dite à partir de cours ou d'activités de formation structurés et proches des préoccupations du milieu, activités financées par le MBQ ou autofinancées, l'animation communautaire et le soutien à l'action communautaire, aussi financée par le MEQ. 45

La différence entre les deux domaines réside essentiellement dans le caractère organisé et structuré des activités. L'éducation populaire favorise des activités de formation mieux définies et identifiées comme activités spécifiques de formation. L'action communautaire s'oriente plus vers une formation dans l'action, nécessairement plus diffuse et moins explicite.

Trois tableaux illustrent les thèmes privilégiés dans le réseau institutionnel en ce qui a trait à l'éducation populaire et à l'action communautaire (voir tableaux IX, X et XI).

Pour le secteur éducation populaire, on notera qu'en terme d'heuresgroupes, les secteurs d'activités les plus importants financés par le MEQ, sont, par ordre décroissant: développement de la personnalité, famille, habiletés manuelles et domestiques, condition féminine et masculine ainsi que participation et intervention sociale. En ce qui a trait aux activités auto-financées, les secteurs les plus importants sont: habiletés manuelles et domestiques, arts et culture, santé mentale et physique et alimentation.

En ce qui a trait au soutien à l'action communautaire, les groupes de conditions féminine et masculine constituent une clientèle importante et stable pour les autres, on enregistre de fortes variations selon les années.

Les tableaux illustrent la grande variété des thèmes privilégiés dans le réseau institutionnel d'éducation populaire. Néanmoins, force est de constater l'importance des problématiques liées au mieux-être de la personne.

Ces tableaux sont aussi intéressants dans la mesure où ils illustrent les différences quant à l'approche préconisée au sein du réseau institutionnel d'éducation populaire et celle des organismes volontaires d'éducation populaire. Pour bien cerner ces différences, il nous faut d'abord faire certaines distinctions entre les OVEP. Plusieurs organismes sont regroupés dans trois structures distinctes véhiculant deux conceptions de l'éducation populaire autonome.

Tableau IX : thèmes privilégiés dans les activités de formation selon le nombre d'heures-groupe et le nombre de finissants (1982 à 1986) pour le secteur éducation populaire financée par le ministère de l'éducation dans les commissions scolaires

Secteur-Activité

1982-1983

1983-1984

1984-1985

1985-1986

Heures-groupe

Nombre de

finissants

Heures-groupe

Nombre de finissants

Heures-groupe

Nombre de finissants

Heures-troupe

Nombre de

finissants

1.   Alimentation

9,399

7,450

10,386

10,562

9,227

7 829

10 160

6 881

2. Santé physique et mentale

10 670

11992

12 627

10 257

14 687

12 817

16 734

12 483

]. Développement de la personnalité

23 250

13 470

23 822

12 370

24 823

11 516

17 940

8 506

4. Faille

15 904

10 733

16115

12 093

16 425

9 931

14 499

8 322

5. Parent et école

2 247

1993

3 731

2 875

2 948

2 800

2 719

2 662

6. Arts et culture

200

114

251

118

634

331

1578

697

7. Habilités lamelles et drastiques

18 636

10 277

14 643

8 556

14 228

7 616

9 884

4 515

8. Consommation

1461

833

1038

780

1395

7B5

927

551

9.  Économie et gestion

3 526

2 503

3 173

2 274

3 627

2 217

3 794

2 545

10. Condition féminine et condition masculine

15 402

10 457

15 351

8 370

13 739

7 412

9 476

5 118

11. Retraite et pré-retraite

6 743

4 307

8 226

5 781

8 184

5 100

8 601

5 981

12. Vie politique

646

558

869

512

605

295

482

474

13. Les droits sociaux

844

638

811

432

1081

633

770

304

14. Participation et intervention sociale

11 224

9 098

13 740

10 017

12 704

8 300

10 864

6 554

15. Communication et média

2 583

1415

2 295

I 560

3 094

1 695

6 012

1942

16. Environnement

487

329

333

207

633

455

738

456

17. Divers

6538

4 901

5 711

5 405

5 673

3 218

5 025

2 193

TOTAL PROVINCIAL

129 754

91068

133 122

92 169

133 707

82 945

120 203

70 184

Tableau X : thèmes privilégiés dans les activités de formation selon le nombre d'heures-groupe et le nombre de finissants dans le secteur de l'éducation populaire autofinancée dans les commissions scolaires

Secteur-Activité

1912-1983

1983-1984

1984-1985

1985-1986

Heures-groupe

 

Nombre de finissants

Heures-groupe

Nombre de finissants

Heures-groupe

Nombre de finissants

Heures-groupe

Nombre de finissants

1. Alimentation

7 439

8 448

9 119

8 451

12 380

13 191

10 004

10 183

2. Santé physique et mentale

12 236

10 905

13 892

13 243

13 411

12 758

8 911

7 107

3. Développement de la personnalité

3 469

2 057

3 674

2 373

3 911

3 081

3 543

2 372

4. Famille

1 719

1648

1746

2 572

1457

1069

340

195

5. Paient et école

109

190

200

90

63

50

0

0

6. Arts et culture

26 191

16 206

24 760

14 471

21085

12 993

19878

11309

7. Habiletés manuelles et domestiques

27 149

11512

27 322

11 114

23 797

10 004

16 961

7 614

8. Consommation

173

99

192

202

243

254

333

99

9. économie et gestion

3 475

1790

2 366

1096

1643

1366

1 193

999

10. Condition féminine et condition masculine

588

309

232

537

430

366

432

236

11. Retraite et pré-retraite

341

333

704

608

613

662

867

721

12. Vie politique

218

121

18

17

72

66

102

84

13. Les droits sociaux

138

51

189

72

36

21

120

58

14. Participation et intervention sociale

3 994

1 981

903

573

1858

1 285

3 615

1 171

15. Communication et média

1295

734

1 156

789

247

142

199

94

16. Environnement

8

12

-

 

-

-

94

50

17. Divers

12 066

7 212

15 777

7 701

18331

9 356

13 521

7 829

TOTAL PROVINCIAL

100 608

63 528

102 550

63 909

99 577

66 664

80 113

50 121

Tableau XI : thèmes privilégiés dans les activités de formation selon le nombre de groupes pour le secteur d'action communautaire dans les commissions scolaires (1982-1986)

Types de groupes      

 

Type de groupes

MURE

Types de groupes

Nombre

Types de groupes

NOMBRE

Par ordre décroissant

1982-1983

PAR ORDRE DÉCROISSANT

1983-1984

PAR ORDRE DECROISSANT

1984-1985

PAR ORDRE DÉCROISSANT

1985-1986

1. Condition féminine

93

1. Condition féminine

12

I. Condition féminine

102

1. Condition féminine

 

2. Act. cult. et lois.

62

2. Comités Educ. Adultes

62

2. Comités Educ. Adultes

71

et masculine

98

3. Handicapés

48

3. Bénévoles

54

3. Divers

63

2. Action culturelle et loi

sirs 76

4. Conté d'école

45

4. fournie travail

46

4. Handicapés

56

3. Us jeunes

59

5. Personnes âgées

41

5. Handicapés

44

5. Les jeunes

46

4. Divers

51

6. Économie travail

39

6. Divers

42

6. Action cult et loisirs

45

5. Bénévoles

51

7. Divers

38

7. les jeunes

39

7. Pers. âgées

44

6. Économie et travail

49

8. Comités de cit. & env

.36

8. Act. cult. et loisirs

32

8. économie et travail

39

7. Coûtés Educ. Adultes

48

9. Bénévoles

35

9. Personnes âgées

31

9. Analphabètes

32

8. Personnes handicapées

4!

10. Santé communautaire

32

10. Habitation -

 

10. Bénévoles

31

9. Famille

40

11. Comité Éduc. Adultes

29

logement

26

11. Faille

30

10. Garderies

37

12. Les jeunes familles

21

11. Comité d'école 12. Tables rondes de

25

12. Comités d'école 13. Garderies

23 20

11. Coûtés de citoyens et environnent

33

13. Analphabètes

22

groupes populaires

20

14. Santé communautaire

20

12. Personnes âgées

30

14. Mono-parentaux

19

13. Santé communautaire

19

15. Comités de citoyens

 

13. Analphabètes

27

15. Tables rondes de groupes populaires

17

14. Monoparentaux Comités de citoyens

 

et environnement 16. Tables rondes de

19

14. Coûtés d'école 15. Tables rondes de

27

14. Média Communautaires

13

et environment

18 ch.

groupes populaires

16

groupes populaires

27

17. Consommateurs garderies

11 ch.

15. Garderies 16. Famille

17 15

17. Habitation logenent

16

16. Habitation • logenent

22

11. Habitation log.

 

17. Analphabètes

14

18. Monoparentaux

14

17. Média communications

21

Agriculteurs

10 ch.

18. Média Communautaires

12

19. Média Communautaires

12

18. Consommateurs

18

19. Assistés sociaux

1

19. Agriculteurs

11

20. Mouvements religieux

10

19. Monoparentaux

14

20. Mouvements religieux

i

20. Communautés ethniques

10

21. Consommateurs

10

20. Santé communautaire

10

21. Communautés ethniques

5

21. Consommateurs

7

22. Agriculteurs

6

21. Assistés sociaux

S

12. Dét. et ex-détenns

 

22. Alcooliques

4

23. Assistés sociaux

S

22. Communautés ethniques

8

et délinquants

4

23. Assistés sociaux

 

24. Dét. et ex-détenus

 

23. Mouvements religieux

7

23. Alcoologiques

 

Mouvements religieux

3 ch.

et délinquants

2

24. Agriculteurs

5

 

 

24. Dét. et ex-détenus

 

25. Communautés ethniques

2

25. Détenus et ex-détenus

 

 

 

 

et délinquants

2

 

26. Alcooliques

 

 

et délinquants

 

2

TOTAL PROVINCIAL

 

693

TOTAL PROVINCIAL

658

TOTAL PROVINCIAL

735

 

809

 

Source: Rapport du comité provincial..., Op. cit., p. 19.

  • Le Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec (MEPACQ) regroupe plus de 400 organismes locaux d'éducation populaire affiliés à l'une ou l'autre de ces douze structures régionales de concertation.
  • Le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ) comptant trente-deux groupes.
  • Le Regroupement des organismes volontaires d'éducation populaire (ROVEP), comptant une cinquantaine de groupes intéressés principalement aux problématiques reliées à la famille.

Notons que le ROVEP est né d'une scission des organismes qui se sont par la suite regroupés dans le MEPACQ. Le ROVEP semble partager une conception de l'activité éducative axée sur la croissance et le développement personnel, thème liés de près à ceux du réseau institutionnel d'éducation populaire.

"... croissance de la personne, préparation à la vie à deux, construction d'un foyer avec un ou plusieurs enfants, relations entre deux fiancés, entre époux, entre parents et enfants".46

Le RGPAQ a été formé au début des années quatre-vingt pour faire face aux problèmes d'analphabétisation constatés chez de larges tranches de la population québécoise.47

Ce regroupement veut répondre à deux niveaux de besoins. D'une part, il veut favoriser la concertation entre les groupes, assurer une diffusion de l'information, développer les échanges pédagogiques de façon à mieux répondre aux besoins des participants qui fréquentent les groupes. D'autre part, les groupes considèrent qu'ils ont un message politique à porter: que la lutte contre l'analphabétisme relève des conditions socio-économiques vécues par les populations les plus démunies et ne peut se résumer aux simples activités de formation offertes par les groupes et les commissions scolaires. Un travail de sensibilisation large auprès de la population s'impose et une reconnaissance politique du problème est aussi essentielle pour favoriser et développer l'accès aux activités d'alphabétisation. S'ils font partie d'une structure distincte, les groupes membres du RGPAQ demeurent néanmoins proches idéologiquement des organisations au sein du MEPACQ et plusieurs d'entre eux en font aussi partie.

Le MEPACQ présente vraisemblablement une pratique plus radicale d'éducation populaire, plus nettement axée sur la critique et la transformation des structures sociales et associée de près à des luttes sociales ou a des projets précis d'alternative sociale.

D'ailleurs la conception de l'éducation populaire qui est à la base du MEPACQ parle d'elle-même:

"L'éducation populaire autonome est: l'ensemble des démarches d'apprentissage et de réflexion critique par lesquelles des citoyens mènent collectivement des actions qui amènent une prise de conscience individuelle et collective au sujet de leurs conditions de vie ou de travail et qui visent, à court, moyen et à long ternie, une transformation sociale, économique, culturelle et politique de leur milieu" .

On a là un premier trait distinctif de l'éducation populaire autonome face à celle réalisée en institution: l'éducation populaire autonome (du moins celle du principal regroupement d'organismes populaires) s'inscrit dans une dynamique explicite de changement social. Autre distinction importante: l'intervention directe pour plusieurs groupes du MEPACQ peut être considérée comme une activité de formation en soi, même sans processus explicite de formation. C'est pourquoi l'ICEA prétend que les données de Statistique Canada, rapportées à la Section I, sous-estiment l'importance du rôle des OVEP.

A partir des projets subventionnés, on peut brosser un tableau encore plus précis des préoccupations de formation de ces organismes. Ainsi les groupes d'alphabétisation vont chercher plus de 22% des subventions. Par la suite, mais loin derrière, les regroupements communautaires, la famille, la condition féminine, les handicapés et le logement constituent les thématiques des projets les mieux subventionnés (voir Tableau XII).

Même si on voit poindre une préoccupation plus marquée au sein des OVEP pour les problématiques posant la relation individu-milieu (regroupements communautaires, logement, etc.) la distinction entre les OVEP et le réseau institutionnel réside beaucoup plus dans la perspective d'approche qu'au niveau des thèmes privilégiés. Les différences énoncées plus haut quant à la définition de l'éducation populaire apparaissent plus significatives à cet égard.

2.3.3 Organisation et financement

S'il faut en croire les données, le réseau des commissions scolaires aurait rejoint en 1985-1986 plus de 809 groupes du côté de l'action communautaire et plus de 70,000 participants auront complété un processus de formation du côté de l'éducation populaire.

Les OVEP auraient rejoint plus de trois cent vingt-cinq mille personnes pour la même période. Evidemment, il est difficile d'évaluer l'intensité du contact éducatif. Pourtant cette évaluation ne tient compte que des activités reconnues admissibles par le programme de soutien financier du ministère, dont les critères sont jusqu'à présent assez restrictifs. Elle ne tient pas compte non plus de la population que rejoignent les centaines de groupes d'éducation populaire qui, à cause du budget restreint consacré par le ministère à ce programme, n'ont pu bénéficier d'une accréditation mais qui réalisent de nombreuses activités éducatives soutenues par des organismes caritatifs ou d'autres programmes de subvention de l'action volontaire de d'autres ministères fédéral et provinciaux.

Cet effort d'éducation populaire se réalise dans un contexte où les ressources financières de l'Etat sont soit coupées ou en croissance zéro. Dans les commissions scolaires, les budgets ont été coupés de près de 50% au début des années quatre-vingt et n'ont à peu près pas augmenté depuis. Ils équivalent actuellement à environ six millions de dollars.  En formation populaire autonome, le financement étatique plafonne à neuf millions de dollars (1988-1989) et on a gelé le processus d'accréditation des nouveaux OVEP depuis 1984. Plusieurs organismes dûment accrédités n'obtiennent même pas de fonds.

Tableau XII : projets et subventions gouvernementales accordées pour chaque thème (famille) d'éducation populaire 1986-1987 dans le réseau des OVEP

CODE ET FAMILLE

SUBVENTIONS ACCORDEES

NOMBRE DE PROJETS

% ACCORDÉ PAR FAMILLE

1. Logement & Habitation

530 421

55

6.70

2. Garderies

69 613

13

0.88

3. Familles

769 005

46

9.72

4. Handicapés

485 576

48

6.16

5. Alphabétisation

1 745 898

68

22.08

6. Communications communautaires

323 480

. 45

4.10

7. Condition féminine

683 853

74

8.68

8. Consommation

372 293

33

4.72

9. Mouvements coopératifs

70 485

6

0.89

10. Environnement

31 476

10

0.40

11. Regroupement

814 558

14

10.30

12. Activités à caractère culturel et rel.

140 797

12

1.79

13. Action culturelle

24 622

6

0.31

14. Bénévoles

210 080

50

2.65

15. Droits sociaux

292 300

27

3.69

16. Personnes âgées

117 906

15

1.50

17. Comité de citoyens et éducation pop.

373 756

42

4.73

18. Santé et bien-être

410 672

52

5.19

19. Économie et travail

402 179

39

5.10

20. Affaires internationales

32 633

7

0.41

Totaux

2 901 603

662

100.00%

Source: Direction générale de l'éducation des adultes, ministère de l'Education, 1987.

Mais au-delà des saunes investies, c'est la valeur même du processus de financement qui inquiète. La détermination de l'importance du financement se réalise sur une base annuelle et les paramètres servant à sa détermination sont discrétionnaires. Les OVEP ne jouissent d'aucun statut juridique reconnu.

Finalement les mécanismes de concertation semblent plus ou moins fonctionnels tant dans le réseau institutionnel lui-même qu'entre les OVEP et ce réseau. L'absence de tels mécanismes ne facilitent guère la définition de priorités de développement qui pourraient forcer un financement plus généreux. C'est un peu dans cette perspective que l'on doit interpréter les efforts récents du Comité provincial sur les orientations en éducation populaire réalisés dans les commissions scolaires et ceux du Comité national sur l'éducation populaire autonome qui ont proposé au MEQ des éléments d'une nouvelle politique de reconnaissance, de soutien et de développement de l'éducation populaire.48

Quant au programme de soutien à la formation syndicale, son budget reste lui aussi inchangé depuis plusieurs années. Sous la forme de subvention per capita, il ne dépassait pas 9,5 millions en 1987-1988 pour rejoindre les 104,491 membres des organisations syndicales accréditées.

Les ressources autonomes importantes (cotisations) du mouvement syndical, lui permettent d'être plus indépendant du financement étatique pour ses activités de formation que ne peuvent l'être le mouvement populaire et celui des femmes.

2.3.4 L'apport de l'éducation populaire

La réflexion entreprise dans les commissions scolaire se réalise aussi au sein des OVEP. L'urgence de cette réflexion est peut-être encore plus évidente.

On constate de la part de l'Etat une volonté nette d'utiliser ces organismes en fonction de priorités gouvernementales, alors que parallèlement l'Etat reconnaît de plus en plus clairement les traits spécifiques de ces organismes éducatifs:

  • la possibilité de rejoindre des populations défavorisées économiquement ou socialement marginalisées face auxquelles le réseau scolaire formel s'avère impuissant en raison des barrières d'accessibilité (emploi, coûts) ou de non-pertinence des contenus;
  • le développement d'une approche pédagogique spécifique s'enracinant au coeur de la marginalité sociale de ces clientèles;
  • l'initiative de dynamismes sociaux novateurs autour de projets collectifs entraînent une autonomisation des populations concernées susceptibles de diminuer les coûts sociaux que commande le support nécessaire à ces populations;
  • le faible coût d'opération de ces organismes si on les compare à ceux qu'entraînent la mise en place ou le fonctionnement de services publics devant accomplir le même travail.

Bref, l'enjeu n'apparaît pas être la survie de ce type d'éducation non formelle dont la valeur apparaît majeure. La question serait plutôt celle du modèle d'encadrement étatique de ce genre d'activités. Veuton transformer ces organismes volontaires en acteurs de première ligne auprès de ces populations en difficulté? Leur approche pédagogique, leur structure légère, la non permanence de leur infrastructure en font des éléments potentiellement très intéressants dans un cadre de planification des services. Un tel cadre de planification n'est pas encore nettement déployé mais déjà on en reconnaît certaines manifestations. Ainsi, le réseau de prise en charge des personnes âgées au Québec fait une large place aux organisations bénévoles. Et cette opération est directement financée par l'Etat.

Les organismes d'éducation populaire autonome pourront-ils réussir à garder leur autonomie dans un tel contexte de planification étatique? On comprend, facilement le questionnement et les inquiétudes qu'entretiennent à ce sujet les organismes d'éducation non formelle.

A un autre plan, on peut aussi évaluer l'apport de l'éducation populaire à partir des projets qu'elle a pu susciter ou renforcer. Ainsi, au cours des années soixante-dix, l'éducation populaire aura été associée à la mise sur pied d'une impressionnante liste de projets: organismes de protection des consommateurs et des locataires, réseaux de garderies, de cliniques juridiques, de centres de santé, élaboration de schéma d'aménagement urbain, réseaux de coopératives d'habitation, etc. Plusieurs de ces initiatives ont été par la suite récupérées au sein de réseaux d'organismes publics (centres locaux de services communautaires, Office de la protection du consommateur, Services d'aide juridique, Régie du logement).

Ce réseau d'éducation populaire autonome demeure toujours aujourd'hui un des principaux lieux où sont mis en lumière les nouvelles problématiques sociales (violence faite aux femmes, chômage des jeunes, saccage de l'environnement, course aux armements etc.), où sont expérimentés de nouveaux services communautaires à la population (maison d'hébergement, alternatives en santé mentale, coopératives de production et de service, etc.) et où se développent de nouvelles approches des droits sociaux et politiques (lutte contre les discriminations, immigration, respect de la vie privée, impact des nouvelles technologies, démocratie participative, etc.).

Du côté de la formation syndicale, les activités d'éducation non formelle, outre l'initiation des individus au fonctionnement collectif des organisations, seront associées à la mise sur pied de trois projets majeurs: transformation du code du travail dans le but d'obtenir l'interdiction des briseurs de grèves; définition et opérationnalisation d'une transformation majeure des lois et des mécanismes régissant la prise en charge des accidents et des maladies professionnelles; mise sur pied de structures inter-syndicales (front commun) dans la négociation collective des conditions de travail des employés du secteur public.

A travers ces activités éducatives s'est développée une forte critique des orientations politiques des gouvernements en place.

Pourtant, au cours des années quatre-vingt, les impacts de ces activités paraîtrons moins visibles. On constate un mouvement de régression du militantisme dans les organisations populaires revendiquant des changements politiques ou sociaux, bien que le nombre d'organisations ne cesse de croître.

Plusieurs militants auront constaté les difficultés majeures que rencontrent plusieurs organisations populaires et syndicales au niveau de la mobilisation. Toutefois, ces problèmes de mobilisation ne semblent pas freiner les projets d'éducation non formelle ni l'augmentation du nombre d'OVEP qui demandent l'assistance financière du gouvernement. S'agit-il d'un mouvement qui multiplie les initiatives dans une conjoncture défavorable? S'agit-il d'une transformation même du militantisme qui prendrait plus la forme du développement d'un réseau de services alternatifs allant même dans certains cas jusqu'à la sous-traitance pour des organismes gouvernementaux, que d'une opposition extraparlementaire très politisée? Les données ne nous permettent pas de conclure mais cependant elles révèlent une tendance à redéfinir le rôle et le mandat de ces intervenants en matière d'éducation non formelle.

Section III : l'éducation non formelle au Québec : des fonctions éducatives originales à reconnaître

Le foisonnement des activités éducatives non formelles et leurs différences marquées nous ont conduit à donner sens aux manifestations et aux retombées de cette différenciation. La section précédente aura été réalisée dans cette perspective.

Mais peut-on concevoir un lien d'identité unifiant l'ensemble des pratiques d'éducation non formelle, et qui imposerait, au-delà des différences, la spécificité de leur réalité et de leur apport au domaine de l'éducation au Québec? L'intérêt de cette question est aussi d'un autre ordre. Si l'on veut saisir l'élément moteur du processus de différenciation de l'éducation non formelle, il nous faut identifier la dynamique sociale à laquelle elle s'articule.

Thomas J. La Belle propose une définition de ce lien d'identité:

"any organized, systematic educational activity carried on outside the framework of the formal system to provide selected types of learning to particular subgroups in the population..." 49

En d'autres mots, l'éducation non formelle correspond à un ensemble d'activités structurées de formation mais de type non scolaire, c'està-dire ne correspondant pas à:

"institutionalized, chronologically graded and hierarchically structured education system, spanning lower primary school and the upper reaches of the university.... hierarchical ordering, compulsory attendance, admissions requirements, standardized curricula, prerequisites and certificates".50

De plus, si l'éducation non formelle peut être planifiée et systématique, elle ne dépend pas de "standardized means or ends for its existence as does formal education" ou encore n'a pas à être "state sanctionned schooling" 51

De plus, La Belle distingue l'éducation non formelle de l'éducation informelle ("the lifelong process by which every person acquires and accumulates knowledge, skills, attitudes and insights from daily experiences and exposure to the environnement") de la manière suivante:

"A major difference between these two processes rests with the deliberate instructional and programmatic emphases present in non-formal education but absent in informal education".

Echappant à la standardisation, à l'institutionnalisation et à la sanction formelle d'organismes centraux de planification, l'éducation non formelle recèle une série d'expériences éducatives véhiculant des propositions diversifiées d'actes éducatifs, tant dans leur mode de programmation, de réalisation et d'encadrement des clientèles qu'au plan des contenus véhiculés ou des objectifs poursuivis. Leur seul trait commun: échapper aux exigences les plus caractéristiques des systèmes formels d'éducation. Les données de la section I et II confirment cette multiplicité de réponses offertes pour satisfaire les besoins de formation des divers groupes sociaux.

Par ailleurs, on peut s'interroger sur la dynamique sociale qui donne source à cette multiplicité de réponses, et qui confère à l'éducation non formelle ce caractère polymorphe et polysémique.

3.1 L'éducation non formelle au Québec : la résultante d'une dynamique spontanée de réponse à des besoins de formation

La dynamique sociale de laquelle émerge les initiatives éducatives non formelles est à un premier niveau très concrète. Des individus, impliqués dans des cheminements personnels ou collectifs, développent à des stades particuliers de ces démarches, des constats sur la nécessité et l'utilité d'une formation pour les renforcer ou les modifier.  S'en suit une réflexion sur les contenus et les formes les plus appropriées d'une activité de formation.

L'éducation non formelle doit d'abord être comprise comme concrète, à ras le sol, sans déterminants théoriques ou politiques, adaptée à des besoins d'individus en cheminement.

Ces pratiques sont celles d'individus ou de groupes qui, se fondant sur des grilles très diversifiées de lecture des besoins éducatifs, proposent différents types de contenus et différents modèles d'apprentissage à des clientèles particulières. Ces propositions s'éloigneront, consciemment ou non, du modèle scolaire formel.

Il nous faut insister sur le mode spécifique de planification et de programmation des activités éducatives induit par cette dynamique. Celle-ci enclenche généralement une démarche immédiate et non différée de réponse aux attentes éducatives perçues. Quel que soit le type d'activités non formelles (éducation populaire, formation professionnelle, activités de croissance personnelle) on constate que les contenus véhiculés sont très liés temporellement aux problématiques sociales et individuelles les plus préoccupantes. On n'a qu'à rappeler l'évolution des secteurs d'intervention en éducation populaire, la préoccupation des changements technologiques en formation professionnelle et l'accent sur la pratique sportive en formation de croissance personnelle.

Cette sensibilité aux besoins éducatifs propres à certaines conjonctures provient principalement des mécanismes utilisés pour permettre à ces besoins de s'exprimer et d'être pris en charge. La tendance actuelle au Québec privilégie à cette fin le concept de formation sur mesure, concept que nous avons exposé à la section précédente.

Rappelons ici le concept de formation sur mesure utilisé dans les cégeps ou les commissions scolaires, la formation sur mesure en établissement qui est au centre de l'Accord Canada-Québec en matière de formation professionnelle, le principe de l'achat de formation orienté selon des plans régionaux annuels de planification. Pour les activités de croissance personnelle, l'ajustement à la demande de formation se réalisera dans bien des cas par la régulation qu'opérera le marché. Pour plusieurs des organismes impliqués dans ces activités, l'ampleur quantitative de la demande de formation constitue un facteur lourd de renouvellement des budgets (organismes publics) ou de promotion de certaines activités (organismes à but lucratif).

Pour l'éducation populaire autonome, la diligence d'une réponse adaptée aux demandas éducatives ne provient pas d'un mécanisme particulier. Elle provient plutôt de la qualité du lien d'identité entre ceux et celles qui expriment une demande de formation et ceux et celles qui y répondent. Cette relation d'identité se constate souvent au niveau du partage de conditions et d'itinéraires de vie, ou encore au niveau d'une implication commune dans un projet de développement ou encore dans le partage des mêmes réseaux de sociabilité.

Ce lien d'identité ne doit pas être vu seulement dans l'expression de la demande éducative et la définition d'une réponse adaptée. Il se poursuit dans une relation pédagogique horizontale et souvent dans un projet d'action concrète. En ce sens, l'éducation populaire autonome pousse vraisemblablement le plus loin cette relation d'identité, ou en d'autres termes, le caractère endogène52  de la démarche de planification en éducation non formelle.

Car celui-ci est aussi présent dans les autres types d'activités en éducation non formelle, bien que moins articulé. En formation professionnelle plus particulièrement, la formation sur mesure permet aux entreprises de définir les activités de formation les plus adaptées à leurs besoins. Néanmoins, on a vu que l'absence de participation réelle et reconnue des travailleurs et travailleuses de ces entreprises à la définition des activités de formation, ou encore l' incapacité des PME à participer de façon fonctionnelle à ce processus, pouvaient mener à des contenus de formation peu adaptés aux intérêts des premiers concernés .

Le caractère endogène de la démarche de planification en éducation non formelle peut être perverti, même en éducation populaire autonome. H. Lamoureux53 souligne que cette perversion se produit quand les organisations populaires sont prises à charge par certains groupes d'intellectuels ou de militants carriéristes, ouvrant la porte à l'inadéquation de la formation et à la démobilisation.

Dans un autre ordre d'idée, on comprendra la réticence des organismes impliqués en éducation non formelle à s'engager dans une démarche de planification à moyen terme axée sur des priorités bien précises. Il en va de même de la réticence à subordonner leur dynamique à une démarche étatique de planification. Celle-ci, bien souvent à moyen terme, concentre des caractéristiques antinomiques à la dynamique de l'éducation non formelle, soit celles d'une planification exogène et différée. On risquerait d'amputer la dynamique d'éducation non formelle de sa sensibilité, de sa capacité à projeter au premier plan des lectures différentes des besoins éducatifs. On reviendra à ce thème en traitant des rapports de l'éducation non formelle au système scolaire.

Mais auparavant, il nous faut traiter de deux questions qui auront sans doutes germé dans la tête de nos lecteurs et lectrices à la suite d'une telle présentation de la dynamique de l'éducation non formelle. Doiton conclure de ce qui précède que les organismes dispensateurs de formation sont incapables de dépasser le caractère local et conjoncturel de la demande de formation pour l'inscrire dans des préoccupations éducatives et sociales plus larges et à moyen terme? D'autre part, est-ce dire qu'il ne peut exister de conciliation possible entre la démarche étatique en matière d'éducation et de développement social et la dynamique d'éducation non formelle? Ce sont des questions que nous voudrions traiter plus à fond dans les lignes qui suivent.

3.2 L'éducation non formelle au Québec : la résultante d'un débat sur le sens de l'activité éducative dans les sociétés industrielles

Ci-haut, nous avons présenté l'éducation non formelle comme résultante d'une dynamique à la fois spontanée et concrète. Mais celle-ci en demeure rarement à ce premier plan.

Les multiples expériences d'éducation non formelle ont généré des conceptions plus globalisantes sur le sens de l'activité éducative selon les divers contextes ou stades de développement social. Ces conceptions en viennent à transcender les diverses situations concrètes pour s'établir comme modèle général d'interprétation des besoins de formation et ainsi influencer la pratique concrète des formateurs. On peut retrouver de tels modèles en éducation populaire mais aussi en formation professionnelle ou de croissance personnelle.54

Ces modèles, du moins généralement, n'altèrent pas la sensibilité à l'expression de la demande concrète de formation. Ils visent plutôt à développer une continuité dans les actions de formation entreprises, à rattacher les réponses à une analyse élargie de la conjoncture sociale.

Evidemment, de tels modèles ne font pas l'unanimité tant à cause de la multiplicité des groupes qui y ont intérêt que de l'importance des questions débattues. Il y a évidence, mais il semble important de le rappeler: l'évaluation du rapport éducation-société est tributaire des différentes analyses socio-politiques que véhiculent les groupes sociaux en fonction de leur place et intérêts distincts. De plus, les débats sur le rapport éducation-société s'articulent autour de plusieurs questions de fond: l'égalité des chances des différents groupes sociaux autant pour avoir accès à l'école que pour pouvoir compléter la formation offerte par le réseau formel d'éducation; l'adéquation des contenus de formation face à l'évolution des forces productives; le rapport entre formes d'apprentissage, contenu de formation et caractéristiques des clientèles participantes, l'activité éducative comme processus de reproduction des structures sociales ou comme contribution à une transformation profonde de celles-ci. Selon les conjonctures, les réponses à ces questions ont varié.

On peut néanmoins dire que la dynamique de l'éducation non formelle au Québec s'est structurée autour d'une certain nombre d'acquis qui auront été autant de points de repère à partir desquels on a pu constater une certaine continuité dans cette dynamique. Ils auront aussi enraciné celle-ci dans une perspective qui dépasse le court terme et le morcellement des demandes de formation, soit une véritable perspective de développement social. Les acquis sont ceux de l'accessibilité de la formation, d'une activité éducative privilégiant une formation de base et qualifiante, et plus largement, un modèle de promotion collective.

Avant de présenter ces acquis, il nous faut dire que ceux-ci émanent essentiellement des pratiques d'éducation populaire, qui sont à la fois les plus anciennes et vraisemblablement les plus répandues du moins jusqu'à une époque toute récente. La formation professionnelle et de croissance personnelle ont connu un essort significatif au cours des dernières années et il semble plus difficile de cerner les paramètres définitifs autour desquels ces pratiques s'articuleront. Toutefois, à la lecture des données de la section précédente, on peut présumer que certains de ces paramètres vont à l'encontre des acquis développés en éducation populaire. Pensons ici à l'accessibilité réduite autant en formation professionnelle (absence d'accès pour les femmes ou la maind'œuvre peu qualifiée) qu'en croissance personnelle (barrière des coûts) ; à la formation professionnelle axée sur les besoins immédiats et à court terme; à l'individualisation des processus de formation en croissance personnelle.

Nous discuterons de ces contradictions au fur et à mesure de la présentation des pôles majeurs de structuration de l'éducation non formelle au Québec.

3.2.1 L'accessibilité

La priorité accordée à l'accessibilité de la formation pour l'ensemble des groupes sociaux se traduit dans les organisations d'éducation populaire par des pratiques de formation soucieuses de cet objectif. On a vu à la section précédente les caractéristiques principales de ces pratiques.

On aura aussi développé plusieurs analyses critiques quant à la façon dont le système scolaire s'acquittait de cette responsabilité. L'intérêt de cette critique était double. D'une part, elle s'insérait dans le prolongement des objectifs généraux de l'éducation populaire, soit l'égalisation des chances des individus dans l'accès aux ressources sociales, et à priori, aux ressources éducatives. D'autre part, les initiatives éducatives non formelles ont constitué longtemps les seules réponses aux besoins éducatifs exprimés par les adultes. Evidemment leurs faibles ressources, leur caractère très diversifié en ont fait des réponses imparfaites face à l'ampleur des besoins. Les organisations d'éducation populaire d'avant les années soixante se sont donc associées aux mouvements sociaux réclamant un effort conséquent et normalisé pour développer l'égalisation de l'accès à la formation. Depuis ce temps, les organisations d'éducation populaire auront évalué constamment les orientations prises dans le développement du système formel, orientations qui ne seront pas sans conséquences sur les pratiques d'éducation non formelle dans leur ensemble. Ainsi on mettra en évidence les limites inhérentes aux systèmes formels d'éducation, on s'associera aux initiatives qui viseront à en assouplir certaines règles et finalement on se liguera contre les coupures budgétaires qui frapperont le système scolaire au début des années quatre-vingt.

les limites des systèmes formels

Dans la plupart des sociétés industrielles, l'importance accordée à la nécessité d'une main-d'œuvre spécialisée et les revendications populaires pour l'accès à l'éducation auront conduit les instances étatiques à la mise sur pied d'un système scolaire assurant à tous les individus un accès obligatoire à une formation de base et un accès possible à une formation spécialisée.55

Comme toute initiative centralisée, le système scolaire québécois fonctionnera selon des règles relativement formelles ou normalisées, déjà décrites en introduction,56 de manière à faciliter un contrôle bureaucratique sur un système aussi vaste engageant d'énormes resources. De plus, la classification des individus selon l'excellence de leurs aptitudes aura conduit à l'idée qu'il est important de vérifier celles-ci sur la base d'un modèle d'évaluation standardisé, qui en fait confère à seules quelques aptitudes la possibilité de faire accéder les individus qui en sont porteurs aux cycles supérieurs de formation.

On aura compris, que dans un système formel aussi vaste et centralisé, la mise au point des contenus et des activités éducatives, leur renouvellement commandent des processus relativement lents et décalés par rapport aux changements sociaux. On aura aussi compris que le rapport de ce système à des ressources quantitativement limitées, commandera de privilégier certaines missions éducatives, certaines activités, certains contenus au détriment d'autres, non par mésestimation de l'importance de ces dernières mais par la nécessité de choisir. Il est par ailleurs évident que ces choix ne sont pas seulement réalisés en fonction des ressources limitées, mais aussi de valeurs représentant plus ou moins bien celles des divers groupes sociaux.

Bref, on ne s'étonnera pas qu'un tel système n'embrasse pas tous les besoins éducatifs, qu'il est plutôt lent à intégrer la nécessité de renouveler certains contenus éducatifs. On ne s'étonnera pas non plus que certains individus, certaines collectivités aient plus de difficulté que d'autres à satisfaire aux critères formels de ce système, à se reconnaître ou à reconnaître la pertinence ou l'utilité de certains contenus ou certaines activités. Ici, par exemple, se pose toute la spécificité des clientèles adultes par rapport aux clientèles jeunes. Le rapport à l'éducation médiatisée par une expérience de vie et des attentes spécifiques se définit en termes très différents chez les adultes.

Plusieurs critiques auront d'ailleurs formulé ce point en parlant des disparités quant à l'accessibilité au réseau scolaire, disparités fondées entre autres sur la non-reconnaissance des différents acquis culturels des populations potentiellement participantes. On parlera aussi de rupture profonde entre l'activité éducative conçue dans un milieu de vie séparée des conditions réelles de vie des populations participantes.57

Les limites des systèmes formels auront alimenté beaucoup d'initiatives d'éducation non formelle. On pense particulièrement ici aux organisations impliqués dans les campagnes d'alphabétisation, ou encore à tout ce volet du Programme national de formation en établissement (volet temps plein) stimulant les individus à compléter une formation de base au niveau secondaire au travers de programmes spéciaux adaptés58. On pense aussi aux modèles pédagogiques développés en éducation populaire pour des clientèles de milieu "dit" défavorisés. Plus largement, la mise en exergue des limites des systèmes formels, aura conduit à la définition d'activités réalisées au sein même du réseau formel, mais que l'on pourrait qualifier de "semi formelles", et auxquelles auront été associées de très près les organisations populaires.59

Les coupures budgétaires et la remise en cause de certains paramètres d'accessibilité

La nécessité, la valeur et l'intérêt des activités éducatives semi-formelles ont constamment été remis en questions. D'abord elles heurtaient la logique bureaucratique qui ne pouvait standardiser ce genre d'activités et par conséquent remettait en cause la valeur scolaire de ces activités. De plus, progressivement les ressources financières et humaines allouées à ces activités ont été détournées vers d'autres missions du réseau scolaire, sans compter les coupures budgétaires du début des années 1980 qui allaient frapper de plein fouet ce secteur.  Ce qui n'alla pas sans remettre en question les frêles acquis quant à l'accessibilité des adultes.

Les femmes, les jeunes travailleurs et travailleuses peu qualifié(e)s ou les groupes immigrants demeurent des clientèles marginales. Plus encore, les programmes les plus correctifs de ce point de vue connaissent depuis 1976-1977 des plafonnements de budget sinon des coupures importantes: formation générale à temps complet, formation professionnelle à temps complet, formation linguistique pour les immmigrant(e)s, formation des producteurs agricoles, éducation populaire.

Les restrictions, qui indirectement, ont questionné le soutien aux organisations populaires (on a souligné à la section II les problèmes de financement) ont fait et font encore l'objet de nombreuses protestations. La Commission d'enquête sur la formation des adultes a rappelé l'importance des problèmes d'accessibilité et l'urgence des mesures à prendre. L'énoncé de politique du Gouvernement du Québec en 1984 semble vouloir partager le constat mais les mesures concrètes sont plus rares.

En fait, il semble bien que ces nombreuses restrictions marquent en fait un changement d'optique dans les relations entre les activités formelles et activités non formelles d'éducation. Nous approfondirons cette problématique à la section 3.4.

3.2.2  La primauté d'une formation de base ou d'une formation professionnelle qualifiante.

Mise à part l'accessibilité, la formation de base est un autre enjeu central autour duquel se structure la dynamique de l'éducation non formelle. Pour celui-ci, cependant, les tendances sont moins nettes, probablement en raison du caractère relativement récent de l'essor de la formation professionnelle en entreprise.

Le modèle dominant de formation en entreprise60 recherche une inter-relation étroite des filières de formation avec les filières d'emplois. L'analyse est simple. Sur cette interrelation se fondent les meilleures perspectives de croissance économique (main d'oeuvre qualifiée) et les meilleures possibilités individuelles d'accès à la redistribution des fruits de cette croissance (bon emploi). L'accès aux meilleurs emplois requiert non seulement l'excellence des aptitudes individuelles, mais leur capacité d'insertion concrète dans les exigences de la division technique du travail, et ce, par une formation professionnelle bien adaptée à ces exigences.

Bien que ce modèle inspire une large partie des activités de formation en entreprise, les critiques se font plus insistantes et proviennent de sources très diversifiées. Ainsi de nombreux dirigeants de grandes entreprises déplorent les lacunes de la formation de base du personnel, rendant ainsi plus difficiles les processus de réaffectation du personnel. Toutefois, ils n'estiment pas leur responsabilité engagée à cet égard.

Pour les représentants des milieux syndicaux, ce modèle de formation domine parce que les travailleurs et travailleuses n'ont pas voix au chapitre et ne peuvent définir la formation en fonction de leurs intérêts.

Le développement prochain de la formation sur mesure en établissement, qui prendra de plus en plus d'importance par rapport aux achats directs de formation en institution n'est pas sans inquiéter. Quels seront les paramètres privilégiés?

La position des organismes syndicaux s'inspire d'une conception élargie des finalités de l'activité éducative. Celles-ci doivent dépasser les exigences de la division technique du travail. Elles doivent inclure non seulement la participation mais aussi le contrôle de la mise en oeuvre des moyens de production, de même que le contrôle des conditions de vie (habitat, environnement, conditions de travail) et des itinéraires de vie qui en découlent.

Ainsi que les filières de formation soient en inter-relation étroite avec les filières professionnelles, n'est pas une évidence qu'il faille accepter sans questionner la valeur même de ces filières professionnelles. La perspective politique sous-jacente à cette prise de position s'inscrit dans la continuité des analyses critiques des causes de sousdéveloppement. Un contexte de mutation rapide amène des transformations importantes des filières professionnelles; or, un rapport emploi/éducation trop étroit annonce une déclassification professionnelle de larges couches sociales que même le recyclage serait impuissant à stopper en l'absence de ressources de reconversion professionnelle et personnelle.

Cela illustre la nécessité du maintien voire du renforcement, d'activités éducatives permettant aux individus de développer une capacité d'analyse des conditions régissant leur itinéraire de vie.  De plus, elles doivent favoriser la mise en place des ressources de reconversion permettant de s'adapter aux changements d'itinéraires. Cette perspective éducative accorde beaucoup d'importance à la qualité d'une formation de base61 et d'une formation générale faisant appel au maximum d'étalement de la diversité des capacités individuelles. En matière de formation professionnelle, cela conduit à favoriser des

démarches de formation qui dépassent le caractère local du procédé d'une entreprise pour aller vers une connaissance technique globale du procédé ou de la technologie utilisée. On devrait pouvoir ainsi conférer une véritable reconnaissance de la formation acquise afin de la faire valoir dans plus d'une entreprise.

Dans le contexte actuel des changements technologiques, il s'agit certes là de l'enjeu le plus fondamental de la dynamique d'éducation non formelle. Néanmoins, le chemin à parcourir pour une reconnaissance générale des acquis de formation semble encore long...

3.2.3 Promotion collective et promotion individuelle

Il est finalement un dernier pôle majeur autour duquel s'est structurée la dynamique de l'éducation non formelle au Québec. Celle-ci s'est maintes fois intégrée à des démarches collectives débouchant sur des projets concrets d'action sociale.

Cette orientation a toujours bien caractérisé la dynamique de l'éducation populaire. Nous avons cité à la section 2 l'impressionnante liste de réalisations auxquelles se sont associés les organismes d'éducation populaire autonome. Derrière ces réalisations, le concept de promotion collective, agit comme un fil conducteur tissé à même la pratique mais aussi issu d'une analyse du sens à donner à l'activité éducative dans une véritable perspective de développement social. Nous pourrions résumer ainsi cette analyse:

  • L'émancipation personnelle (comprise ici comme l'élargissement de l'éventail de choix d'itinéraires de vie) des individus provenant des milieux ouvriers ou populaires s'avère difficilement réalisable sans insertion dans une démarche d'émancipation des collectivités ou des groupes sociaux d'appartenance.
  • Le deuxième postulat s'appuie et prolonge le premier. Tout développement social, en particulier au plan économique, ne peut se réaliser sans accroître, pour les populations directement concernées, les possibilités de contrôle sur la mise en oeuvre des moyens de production et des conditions de vie qui en résulteront {habitat, environnement, condition de travail). En fait, le développement social suppose l'accroissement du potentiel politique (compris ici comme potentiel de création d'un rapport de force bénéfique face à d'autres groupes sociaux) des groupes concernés mais aussi la capacité pour ceux-ci d'élaborer des projets concrets .
  • Le troisième postulat quant à lui réfère à la complexité du système des rapports sociaux accompagnant le développement de l'industrialisation. L'accroissement des exigences reliées à l'exercice de divers rôles sociaux ne provient pas de la multiplication de ceux-ci, mais bien de leur cloisonnement accentué par une codification juridique complexe et changeante. De plus, les mécanismes de gestion des rapports sociaux deviennent de plus en plus technocratiques et accentuent la distance des individus face au contrôle des mécanismes décisionnels (vg. lois du travail et la judiciarisation des rapports patrons-employés). Ces facteurs plaident pour une activité éducative permettant aux individus de développer des habitudes d'interprétation et de compréhension des codes juridiques et technocratiques régissant rôles et rapports sociaux. Mais contrairement aux visées les plus couramment répandues, l'activité éducative ne doit pas seulement développer une fonctionnalité sociale des individus, mais aussi une capacité de questionner la pertinence et la légitimité de ces codes, tout en développant des modèles, des projets alternatifs.

Ces trois postulats convergent vers la délimitation d'un modèle spécifique de développement de l'éducation populaire.

On a déjà parlé de l'importance de la formation de base, indispensable au développement d'une capacité analytique et d'une polyvalence du rôle contribuant à "l'autonomie" de l'individu. Mais il faut aller plus loin en associant cette démarche individuelle à celle du groupe de référence ou d'appartenance. L'éducation populaire s'adresse à des groupes dont les membres sont reliés par un lien d'identité. Ce lien peut être celui de situations de vie partagées au plan du travail, de l'habitation ou à un plan plus éloigné, la condition physique, sexuelle ou socio-économique. Ce lien, explicitement nommé comme condition de participation à la formation, facilite le processus de rassemblement, peut-être même bien plus que le contenu spécifique de la formation.

D'ailleurs, dans plusieurs cas, l'un des premiers aspects du processus de formation sera de construire ou de reconstruire des schémas de sociabilité entre les individus au travers d'activités ou de thèmes qui semblent bien éloignés de la perspective de promotion collective: artisanat, travaux d'aiguille, etc. A partir de ces activités se dessinent éventuellement des implications, des prises en charge de problèmes ou de projets collectifs, dont les plus évidents auront concerné au cours des dernières années le logement, les schémas d'aménagement, la mise sur pied d'organisations de défense face à certains pouvoirs privés ou publics.

Bref, la formation s'oriente tant par ses objectifs que son contenu, vers l'analyse, la confirmation ou la transformation du mode de vie, du champ relationnel du groupe concerné, ou de la précision de son principe d'identité, notamment par le biais de la mise sur pied de projets concrets.

Ce modèle de promotion collective suppose donc que la réussite des projets éducatifs soit conditionnelle aux variables d'accessibilité, d'une relation pertinente établie entre contenu éducatif et problèmes d'itinéraires des participants, de modèles pédagogiques favorisant une participation directe.

Si ce modèle de promotion collective constitue un filon important d'interprétation de la dynamique d'éducation non formelle au Québec, on ne peut néanmoins passer sous silence une certaine désaffection face à ce modèle au cours des années quatre-vingt au Québec. L'émergence récente et spectaculaire des activités de croissance personnelle repose sur une conception plus individualiste du rôle de l'individu dans le développement social, conception renforcée par les modifications du fonctionnement du marché du travail et la mise en question du rôle de l'Etat dans le développement social.

Analysons dans un premier temps la problématique relative au marché du travail. Si on peut encore parler de croissance économique, bien qu'elle soit moins importante qu'avant, il n'en demeure pas moins que cette croissance n'a plus les mêmes effets sur le marché de l'emploi. Ainsi, il n'y a pas de restriction sensible du chômage, tout au plus les taux se sont stabilisés. Mais au-delà de l'aspect quantitatif, de nombreux changements qualitatifs se produisent dans le fonctionnement du marché du travail. Enumérons-en quelques-uns:

  • stagnation des plans de carrières classiques due au ralentissement économique et à l'engorgement des organigrammes amenant à la relativisation de la voie verticale au profit de la valorisation de changements qualitatifs dans le cheminement de carrière;
  • le plafonnement ou la régression du secteur public oriente de plus en plus les individus vers le secteur privé surtout concentré dans la petite et moyenne entreprise. La réduction de la demande de main-d'oeuvre dans le secteur "secondaire" au profit de l'essor de ce secteur dans les pays de l'hémisphère sud, associée à la baisse des barrières tarifaires internationales et à la compétition technologique, créent une pression très forte sur le fonctionnement du secteur privé. On assiste ainsi à un net recul de la sécurité d'emploi et à la résurgence d'un climat de compétitivité, de précarité et d'insécurité. Même le salaire minimum stagne ou régresse en terme de valeur réelle. Les augmentations de salaires connaissent un ralentissement marqué et les nouveaux emplois "technologiques" offrent souvent des salaires plus bas que les emplois disparus ;
  • la composition de la population active se modifie considérablement et pourrait-on dire constamment. On assiste ainsi à un net accroissement de la participation des femmes associée à un recul de la participation des deux extrémités de l'échelle des âges. En fait, s'il y a hausse de motivation à travailler chez les femmes, chez une partie des jeunes adultes, des travailleurs vieillissants et des chômeurs chroniques, on constate le phénomène inverse. Ainsi assiste-t-on à des passages nombreux entre population active et population inactive au sens donné à ces termes par Statistique Canada;
  • l'apparition des mesures anti-discriminatoires élargissent les possibilités d'emploi de catégories nouvelles de la main-d'oeuvre (femmes, minorités ethniques, handicapés) et restreignent les possibilités de la main-d'oeuvre traditionnelle.

Ces changements sur le marché du travail accompagnent une profonde remise en question du rôle de l'Etat. L'endettement public, le vaste mouvement de libéralisme économique promu au Québec par des groupes ayant largement bénéficié du rôle de l'Etat, ont créé une certaine mobilisation autour du désengagement de l'Etat dans le développement social.

Il y a de nombreuses redéfinitions des priorités, et au plan des équipements collectifs (santé, éducation), l'heure n'est plus à la croissance mais à la rationalisation et à la définition de certains correctifs au plan de l'équité d'accès aux services.

Ces changements dans la vocation du rôle de l'Etat et du fonctionnement du marché du travail ont fort vraisemblablement favorisé l'émergence d'un nouvel individualisme redéfinissant, le rapport individu-collectivité. Tout d'abord, le courant de libéralisme économique aura accru la légitimité sociale de la réussite financière et du bien-être matériel en conférant une plus grande crédibilité aux gens d'affaires et en valorisant les initiatives d'entrepreneur ship.  Dans un monde concurrentiel et incertain, l'excellence professionnelle et gestionnelle devient l'élément central d'une stratégie de différenciation sociale et de démarcation individuelle, gage indispensable de la réussite.

De façon plus large, on assiste à une revalorisation du thème de la différence individuelle, de l'effort à accomplir (relever des défis, être gagnant) d'une vision dynamique de l'individu, perçu comme un être en cheminement au détriment d'une vision statique, c'est-à-dire un être défini par son origine ou son statut et tributaire du groupe. Dans cette conception, il y a dépolarisation des conflits sociaux, remplacés par le défi de l'affirmation et de la cohabitation des différences. 62

Le contrôle des habitudes de vie n'échappe pas à l'emprise de cet effort personnel. Le contrôle des habitudes de vie associé à l'exploration de techniques de connaissance de soi, de relaxation, etc. apparaît comme un gage indispensable d'un fonctionnement corporel et mental harmonieux.

Comme l'effort de développement des services étatiques est révolu, il appartiendra à chaque individu d'en tirer le meilleur parti. Il devra développer ses potentiels individuels et utiliser au maximum ses ressources. Il devra ainsi développer des comportements d'autonomie économique individuelle (vg. préparation à la retraite, retour au marché du travail pour la femme, etc.), ou encore développer des comportements adaptés à l'environnement. Ainsi, au plan de la santé, les facteurs de risques (tabagisme, alimentation, sédentarité) seront de la responsabilité individuelle des personnes. La nécessité d'une formation de croissance et d'autonomie personnelle sera de plus en plus ressentie (initiation à l'activité sportive, alimentation, préparation à la retraite, etc.).

La condition essentielle à cette autonomie individuelle dans un contexte d'affaiblissement du support collectif, demeurera plus que jamais l'accès à l'emploi.

Le difficile accès à un emploi forcera bon nombre d'individus à combler leurs lacunes éducatives, à diversifier leur capital culturel. Mais en même temps, les milieux de travail se sont transformés. Les nouvelles technologies, la restructuration du champ industriel, la vogue de nouveaux modèles de gestion en entreprise identifieront des besoins inédits et très diversifiés de formation, malgré beaucoup d'incertitude quant aux contenus les plus appropriés.

L'importance de cette tendance à la "capitalisation" des ressources personnelles s'appuiera aussi sur les mouvements de remise en cause des modèles de dépendance professionnelle et de "technologisation" des ressources de santé (vg. sage-femmes, auto-examen, médecines douces, etc.). Le mouvement des femmes, entre autres, sera associé de près a ces remises en question qui identifieront des besoins tout à fait inédits de formation.

Bref, se développera une très forte diversification des besoins de formation en éducation des adultes, diversification associée à l'individualisation de la responsabilité de l'émancipation personnelle.

Mais au-delà de la diversification des contenus, c'est la dynamique même de l'éducation non formelle qui se définit. Il s'agit essentiellement d'une dynamique de promotion individuelle, s'adressant souvent à une clientèle différenciée, regroupée sur la base d'un raccordement plus ou moins accidentel d'une motivation commune ou d'une situation de vie ponctuelle.

Dans ce modèle, l'éducation non formelle est un lieu constamment renouvelé et à l'affût de connaissances nouvelles spécifiques capables d'enrichir à point nommé la démarche individuelle. Les activités d'éducation non formelle sont plus tributaires du "supermarché" où des individus puisent des produits spécifiques nécessaires a un stade particulier de leur démarche individuelle.

Ainsi, n'est-il pas étonnant de rencontrer des activités d'éducation non formelle de type privé où l'adéquation des contenus et du modèle pédagogique versus les attentes des participants se régularise au travers de la loi de l'offre et de la demande.

Ces activités de croissance personnelle constituent la majorité des activités d'éducation non formelles recensées. Indiquent-elles un changement profond et durable de la dynamique d'éducation non formelle ou s'agit-il d'un phénomène conjoncturel? Fait certain, elles contribuent à une diversification majeure du champ de l'éducation non formelle. De plus, elles compliquent l'analyse des retombées de l'éduca-

tion non formelle. Pour l'éducation populaire et la formation professionnelle, la mesure d'impacts est possible par le biais des projets réalisés ou d'une comptabilisation des acquis professionnels. Dans le cas des activités de croissance, l'individualisation des processus de formation rend difficile toute vue d'ensemble. Ces activités agissent sur la collectivité de manière "secondaire", c'est-à-dire par un effet quantitatif relié au nombre d'individus ayant complété tel type de formation. Ainsi l'initiation à l'activité sportive devient intéressante au plan collectif (ex. santé) quand un nombre significatif d'individus s'en sont prévalus.

Bref, il y aurait un intérêt certain à des enquêtes plus exhaustives sur ces activités.

3.3 L'adéquation dela dynamique d'éducationnon formelle a la planification étatique

Nous avons souligné que l'éducation non formelle émerge des diverses propositions sur le rôle de l'éducation dans le développement social et les formes que doivent prendre les différentes initiatives susceptibles d'actualiser ce rôle. L'éducation non formelle se renouvelle avec les diverses conjonctures qui marquent l'évolution des forces productives et les interactions entre les groupes sociaux. Mais en même temps, de sa pratique concrète se dégage des éclairages nouveaux sur l'ensemble de ces débats.

Dans une telle dynamique, l'éducation non formelle ne peut s'inscrire que dans des structures légères, particulièrement perméables à l'évolution des conjonctures sociales. C'est dans cette perspective que nous avons interprété la tendance actuelle en éducation non formelle de privilégier des mécanismes de formation sur mesure afin de suivre de très près l'évolution des demandes éducatives.

Les mécanismes de formation sur mesure constituent en quelque sorte une amorce de réponse aux problèmes de planification. La planification rigide de l'éducation non formelle amputerait celle-ci de la dynamique fondamentale, soit celle d'évoluer au rythme des demandes éducatives.

Néanmoins, la formation sur mesure ne résout pas l'ensemble des problèmes de planification.  Ainsi, à partir de quelques infrastructures

pourra-t-on soutenir les activités de formation sur mesure et quelle part de financement devra y être attribuée? D'autre part, comment prévoir l'évolution des ressources nécessaires quand il s'agit de répondre à la demande? Finalement, peut-on concilier les demandes éducatives avec de légitimes priorités sociales en éducation? Pour illustrer ce questionnement, pensons seulement aux problèmes de recrutement et de conditions de travail des ressources humaines impliquées dans la formation.

Nous n'avons pas de réponse théorique à ces questions. Toutefois, nous pouvons essayer de voir comment se sont actualisées les réponses dans la pratique de l'éducation non formelle au Québec. Il existe deux pratiques dominantes à cet égard, l'une en formation professionnelle, l'autre en éducation populaire.63

3.3.1 Les orientations actuelles en matière de financement

Que ce soit en formation professionnelle ou en éducation populaire, l'orientation est la même en matière de financement des infrastructures des organismes dispensateurs d'activités de formation, mais les impacts sont très différents.

En formation professionnelle, que ce soit pour les achats directs de formation ou pour la formation sur mesure., le financement du gouvernement fédéral réduit l'importance allouée aux coûts dits de base, c'està-dire entre autres les coûts rattachés à l'encadrement pédagogique. Si matière d'éducation populaire, la même situation prévaut. On réduit le financement des infrastructures au profit du soutien de l'activité directe de formation.

On pourrait comprendre le bien fondé de cette orientation au nom d'une recherche d'efficacité des ressources investies. De plus, cela s'avère un incitatif à revoir constamment les priorités de formation des organismes dispensateurs qui doivent justifier leur existence au mérite de leur action réelle, tout en les forçant à la diversification des sources de financement.

La situation des organismes d'éducation populaire est néanmoins très différente de ceux impliqués en formation professionnelle. Pour ceuxci, les paramètres budgétaires sont établis sur une base triennale. De plus, comme il s'agit souvent d'établissement de formation ou d'entreprises ayant une pratique établie de formation,64 les infrastructures sont déjà établies. Pour les établissements de formation, les manques à gagner éventuels qu'impliquera l'Accord Canada-Québec pourraient être compensés par le Gouvernement du Québec qui a signé l'Accord tout en promettant une performance de qualité.

Il en va tout autrement en éducation populaire. Le budget global est établi annuellement, sans que les coordonnées prévalent à leur établissement ou à leur évolution ne soient connues. Ces budgets auront d'ailleurs été réduits drastiquement au début des années quatre-vingt. Par ailleurs, peu d'organismes non institutionnels peuvent compter sur une infrastructure bien établie et autonome au plan du financement.65 On comprendra la précarité des organismes impliqués: faiblesse du financement, incertitude quant au devenir et faiblesse des ressources consacrées aux infrastructures.

3.3.2 Des pratiques différenciées de planification

Les différences notées dans le financement de la formation professionnelle et de l'éducation populaire traduisent en fait des différences de priorités et des différences de reconnaissance des organismes impliqués.

Il apparaît clair que la formation professionnelle au Canada fait l'objet de priorité, tant du côté des gouvernements fédéral et provincial, des entreprises et des travailleurs et travailleuses. De plus, les querelles de juridiction constitutionnelle forcent la discussion sur les paramètres à partir desquels le gouvernement fédéral va justifier son pouvoir de dépenser dans un domaine de juridiction provinciale. Tout cela converge vers la délimitation des intentions et des moyens en matière de formation professionnelle. L'Accord Canada-Québec indique tant par sa durée que par le maintien des budgets une volonté très nette d'aller de l'avant.

A un autre plan, cet accord reconnaît explicitement à certains intervenants, autres que le bailleur de fonds, le pouvoirs et la légitimité d'intervenir dans la détermination des activités de formation qui seront privilégiées. Dans le cadre de la formation professionnelle, ces intervenants sont essentiellement les responsables des entreprises qui pourront intervenir à deux niveaux: soit à la définition des projets de formation sur mesure requis par leur entreprise et aussi au choix des projets retenus aux niveaux régional et provincial par le biais des CFP. On sait que l'Accord prévoit donner de plus en plus d'importance à cette dynamique. 66

L'expression des demandes des entreprises doivent néanmoins être conciliables avec les priorités générales du gouvernement fédéral et doivent être retenues à une table régionale fonctionnant selon des plans annuels de planification. Les projets régionaux doivent par la suite faire l'objet d'un arbitrage provincial.

Finalement, la réalisation des activités s'articule à des infrastructures déjà bien établies, soit les établissements d'enseignement ou le cas échéant des entreprises, et qui possèdent une expertise en la matière.

Il y a donc en formation professionnelle une tentative de concilier la dynamique spontanée de l'éducation non formelle à un cadre général de planification sociale.

La situation se présente assez différemment en éducation populaire autonome. D'abord, la pratique budgétaire du gouvernement provincial est loin de confirmer la priorité qu'on semble vouloir lui reconnaître dans les énoncés politiques. Les programmes d'aide financière sont des programmes discrétionnaires pouvant être remis en question chaque année.  Ils rendent peu possible la planification à moyen terme.  De plus, contrairement à la formation professionnelle, il n'existe aucune allocation pour les individus inscrits aux activités de formation, sauf s'il s'agit d'une activité dispensée par une commission scolaire. Finalement, il existe de multiples sources de financement peu ou pas coordonnées entre elles.

A un autre plan, les organismes d'éducation populaire ne jouissent pas d'une reconnaissance légale ou explicite dans la détermination des priorités de formation. Si dans la pratique, il existe quelques consultations des représentants de ces organismes, il n'existe pas de reconnaissance formelle des mécanismes de concertation que pourraient être les actuels regroupements régionaux et nationaux des organismes d'éducation populaire.67

Finalement, l'accès aux infrastructures institutionnelles est fonction du degré d'ouverture de la commission scolaire régionale aux dossiers de l'éducation populaire non institutionnelle et autonome.

Il est évident que la situation de l'éducation populaire dans les coumissions scolaires est quelque peu différente. Néanmoins, les problèmes de coordination sont là aussi très nombreux. Pour modeler l'offre de service à la demande, le ministère de l'Education du Québec a décentralisé vers les commissions scolaires l'organisation de l'éducation populaire. Toutefois, l'absence de mesures de concertation a conduit à des mesures ministérielles freinant les pratiques développées dans les commissions scolaires. On a aussi coupé presque unilatéralement de moitié les budgets au début des années quatre-vingt forçant les intervenants à financer autrement les services. Cette absence de mécanismes de concertation touche aussi les commissions scolaires entre elles qui n'ont pas encore défini la spécificité de leur offre de service. Il n'existe pas non plus de concertation établie avec les organismes d'éducation populaire autonome.

3.4 En guise de conclusion: l'éducation non formelle face au réseau scolaire.

L'ensemble de notre démarche a mis en lumière les éléments qui fondent la spécificité de l'éducation non formelle et qui plaident fortement en faveur de sa reconnaissance comme dynamique essentielle de l'expérience éducative d'une société. Ses structures souples et légères, sa diversification, sa capacité de renouvellement, lui permettent de répondre à des fonctions éducatives que peut difficilement assumer le système formel d'éducation. Rappelons-en quelques-uns:

  • une formation sur mesure répondant aux exigences précises ou ponctuelles du marché du travail;
  • la possibilité d'apporter des réponses correspondant à certaines options idéologiques ou théoriques d'éventuels demandeurs selon des besoins "de l'heure";
  • une capacité d'adaptation ou d'émergence de nouveaux "entrepreneurs" assurant un renouvellement des contenus et des méthodes basé sur un mécanisme de régulation simple: la loi de l'offre et de la demande;
  • la faiblesse ou l'inexistence des coûts spéciaux en raison de la contribution volontaire des participants ou de la commercialisation du processus de formation réduisant la nécessité de la planification étatique;
  • des modèles pédagogiques favorisant la formalisation des acquis expérientiels et s'enracinant au coeur des situations de marginalité et d'oppression sociale des clientèles;
  • la possibilité de rejoindre des populations défavorisées économiquement ou s'adaptant mal aux exigences formelles du réseau scolaire;
  • l'initiation de dynamismes sociaux novateurs autour de projets collectifs;
  • les faibles coûts de l'éducation non formelle.

Peut-on conclure que l'on évolue au Québec vers une plus grande reconnaissance de l'éducation non formelle?

Dans les sociétés industrielles, les mutations sociales profondes et rapides ont mis en évidence les limites des grands systèmes formais d'éducation: difficulté d'accessibilité, lenteur dans l'adaptation et le renouvellement des contenus, manque de ressources pour couvrir les nouveaux champs de connaissance etc. Les initiatives d'éducation non formelle se sont avérées un complément essentiel de fonctionnement au système formel d'éducation: soupape compensatoire et complémentaire face aux besoins éducatifs non couverts par le système formel, soit à cause de leur manque de ressources ou parce que leurs caractéristiques intrinsèques ne leur permettent pas de répondre a certains types de besoins éducatifs.

Toutefois, ces initiatives ne sont pas que soupapes. Elles sont aussi une forme de contribution sociale des plus essentielle: l'éducation non formelle est un lieu d'expérimentation de voies et de moyens alternatifs susceptibles de contribuer à adapter le système scolaire aux besoins éducatifs en perpétuelle évolution.

Il y a quelques années, la tendance principale des systèmes formels était de récupérer et d'intégrer les expériences éducatives non formelles les plus significatives. Pensons ici à l'approche pédagogique en milieu défavorisé, à l'approche féministe de résolution des problèmes de santé physique et mentale, etc. Aujourd'hui, se dessine lentement mais sûrement une tendance à reconnaître la multiplicité des lieux de formation et, en conséquence, le potentiel spécifique de l'éducation non formelle. Les réseaux d'éducation non formelle acquièrent une place de plus en plus significative dans l'accomplissement de la fonction éducative au Québec.

S'il était un temps au Québec où l'on investissait le réseau scolaire de toutes les missions éducatives, cette époque semble bien révolue, comme en témoigne un avis du Conseil supérieur de l'Education:

"A mesure que la société évoluait, le système scolaire prenait de l'expansion, car on le chargeait de toutes sortes de missions et d'enseignements. Avec le temps, on s'est rendu compte qu'il ne pouvait suffire à répondre à toutes les commandes ni s'adapter à toutes les situations personnelles des élèves et des étudiants. Il ne le pouvait d'autant moins que la société était lancée dans un rythme d'évolution si rapide que même les autres institutions sociales, politiques, économiques, religieuses s'en trouvaient débordées". 68

Ce constat du Conseil supérieur de l'éducation émerge au sein d'une réflexion plus large sur ce qu'on appelle dans le document du Conseil les nouveaux lieux éducatifs. Si la réflexion du Conseil est plutôt récente, la réalité des "nouveaux" lieux éducatifs date déjà.

La nouveauté réside plutôt dans cette volonté de reconnaissance du rôle et de la spécificité des activités éducatives non formelles que manifeste en avant-garde le Conseil supérieur de l'éducation, bien que l'on ne puisse parler encore des perspectives concrètes de complémentarité. On a vu au chapitre précédent que cette volonté de reconnaissance recelait peut-être une tentative de subordination.

"L'institution scolaire n'est plus seule à occuper l'espace éducatif, elle doit désormais le partager avec d'autres. Il lui appartient donc, pour être mieux en mesure de remplir sa fonction, de reconnaître la présence d'autres lieux éducatifs qui ont chacun des objectifs qui leur sont propres et qu'ils sont seuls habilités à pouvoir atteindre, notamment à cause des structures légères qui leur permettent d'être plus près des désirs et des besoins de la population".69

Mais quelles sont les habiletés particulières des "nouveaux lieux" éducatifs. L'IIPE propose trois traits pour cerner ces habiletés particulières. Face au réseau scolaire formel, l'éducation non formelle offrirait des fonctions de compensation, de complémentarité et alternatives.

On dira que les activités éducatives non formelles sont compensatoires pour deux raisons: elles répondent aux besoins de formation de base, professionnelle ou générale en l'absence d'un réseau scolaire constitué ou pour pallier aux insuffisances de celui-ci; mais en même temps, les

activités éducatives non formelles prennent à charge les clientèles qui n'ont pu accéder au réseau scolaire ou à l'un de ses paliers, ou encore qui n'ont pu en satisfaire les exigences. Pensons ici aux programmes d'alphabétisation menés à l'extérieur du réseau scolaire.

Les activités éducatives non formelles sont complémentaires en prenant à charge les besoins de formation face auxquels le réseau scolaire ne se reconnaît pas de mission ou encore pour lesquels le caractère flexible de l'éducation non formelle permet de donner de meilleures réponses. Pensons ici aux changements technologiques accélérés et aux besoins de formation que commande leur insertion dans un milieu de travail spécifique.

On dira finalement des activités éducatives non formelles qu'elles sont alternatives en raison:

  • du rapport relativement étroit entre le contenu de la formation et les conditions de vie du participant. La constitution de ce rapport étroit provient du fait que la participation à ces activités fait l'objet d'un choix et d'une motivation explicite du participant, en relation explicite, supposons-nous, avec un cheminement personnel ou une situation de vie. Mais il y a plus. Les activités éducatives non formelles se réalisent souvent au sein du milieu de vie du participant renforçant ainsi cette relation explicite entre contenu éducatif et conditions de vie. Pensons à la formation en milieu de travail, par exemple.
  • Du caractère général d'ouverture aux expériences pédagogiques novatrices, à la fois à cause de cette relation contenu éducatif/condition de vie déjà évoquée mais aussi comme manière de fonder le caractère distinctif légitimant les activités éducatives non formelles. Les méthodes pédagogiques privilégiées vont de l'implication directe et active des participants à l'enseignement à distance en passant par les approches inductives allant de l'observation de la pratique à la théorie ou encore l'élaboration de projet concret résultant de la formation (projet de coopérative d'habitation, etc.).

On aura vu au chapitre précédent les données permettant d'illustrer ces diverses fonctions de l'éducation non formelle, que ce soit à propos de l'une ou l'autre des trois grandes initiatives d'éducation non formelle au Québec. Mais il nous semble que cette codification ignore la force vive de la dynamique sociale animant l'éducation non formelle, et par là limite l'analyse de son apport, en l'associant à des fonctions périphériques au système formel d'éducation.

Il nous faut revenir à ce que nous disions plus tôt. L'éducation non formelle, c'est une dynamique de liberté d'entreprise impulsée par l'expression et l'identification de besoins éducatifs spécifiques à divers sous-groupes de la population. Cette expression de besoins est toujours antérieure à l'existence d'un système formel d'éducation, qui demeure une réponse institutionnelle à larges moyens mais décalé dans le temps. En fait, bien avant la constitution de cette réponse, diverses initiatives éducatives auront émergé. Le cas du Québec est patent à cet égard. Les initiatives éducatives non formelles ont constitué longtemps les seules réponses aux besoins éducatifs exprimés. Evidemment leurs faibles ressources, leur caractère très diversifié en ont fait de réponses imparfaites.

Toutefois, la réponse formelle n'embrassait pas toutes les questions. La dynamique de l'éducation non formelle allait se redéfinir pour tenir compte de ces questions non résolues tout en étant à l'affût de l'expression d'autres demandes éducatives associées à l'évolution des conjonctures.

La force de renouvellement de la dynamique éducative non formelle provient de la qualité du lien d'identité entre ceux et celles qui y répondent. Pour certaines initiatives éducatives, nous l'avons vu, la qualité de ce lien d'identité est fondée sur un rapport de marché. Pour d'autres, et c'est le cas de l'éducation populaire, cette relation d'identité est fondée sur le partage des conditions et des itinéraires de vie entre formateurs et clientèles.

En termes différents, nous pourrions rappeler que la distinction fondamentale entre le système formel et l'éducation non formelle réside dans son principe de planification. Dans le cas du système formel, cette planification est différée et exogène. Dans le cas de l'éducation non formelle, la planification est immédiate et endogène. La subordination de l'éducation non formelle a des fonctions périphériques au système formel serait une amputation catastrophique de la dynamique éducative non formelle. En fait, ce serait l'amputer de sa sensibilité, de sa capacité de renouvellement, de sa capacité à projeter au premier plan des lectures différentes des besoins éducatifs.

Cela serait d'autant plus catastrophique qu'historiquement le système formel s'est nourri de ces lectures pour se renouveler. On l'aura vu dans le cas du réseau semi-formel.

Aujourd'hui, la tendance semble changer. Le réseau scolaire, s'il faut en croire le Conseil supérieur de l'Education, doit viser une certaine stabilisation dans la définition de ses fonctions et reconnaître qu'il ne peut pas être la seule réponse éducative, conception qui a largement marqué son développement.

Toutefois, et c'est là un enjeu majeur, s'il doit définir la spécificité de son apport, doit-il pour autant fixer les paramètres d'évolution des autres initiatives éducatives? La réponse par l'affirmative est parfois tentante dans l'optique d'une rationalisation des énergies humaines et des coûts financiers.

Faut-il pour autant refuser tout effort de planification? Est-ce que la planification sociale est incompatible à l'expression changeante des demandes et des initiatives éducatives?

On aura vu que la détermination des initiatives éducatives formelles en matière de formation professionnelle fait l'objet d'un effort relativement sophistiqué de planification, malgré la multiplicité d'intervenants.

La juridiction partagée fédérale/provinciale force la détermination d'un plan à moyen terme au sein duquel il devient possible d'ajuster son évolution.

Il s'agit certes d'une condition essentielle à remplir pour parler de planification, en permettant aux organismes éducatifs non formels de développer entre eux des mécanismes de coordination des projets jugés prioritaires. Elle permet aussi un exercice de planification étatique conciliable avec l'autonomie des organisations éducatives. A quand un tel effort en éducation populaire?

Annexes

1.  La définition de l'"adulte" en matière da formation 70

1.1 La définition de l'"adulte" en matière de formation.

Il n'existe pas de critère unique accepté par tous pour caractériser l'"adulte" au sens où nous l'entendons ici, c'est-à-dire par rapport à la formation. Lors des sondages Gallup de 1982 et 1983 réalisés pour le compte de l'ICEA et de la CAAE, l'"adulte" était défini comme:

"Toute personne qui ayant dépassé l'âge de la scolarité obligatoire telle que définie par chaque province, a un travail rémunéré ou à d'autres activités."71

Le critère de base devenait alors l'interruption d'études après la période de formation initiale, soit pour entrer sur le marché du travail, soit pour faire autre chose. Aucune durée minimale à la fin de la période de formation initiale n'était déterminée avant que la personne ne puisse être considérée comme "adulte".

D'autres études menées à des fins comparatives de pays à pays, par des organisations internationales telle l'OCDE, ont retenu comme critère de base celui de l'âge. Ainsi lorsqu'il s'est agit d'analyser la participation des adultes à des formations de niveau supérieur, les "étudiants adultes" ont été définis comme les personnes âgées de 25 ans et plus, inscrites a de telles activités.72 cette enquête de l'OCDE visait à analyser la présence des adultes sous deux formes: 1) dans le cadre des enseignements réguliers (à plein temps ou à temps partiel) conduisant à un grade universitaire; 2) les autres activités d'éducation des adultes, peu importe la forme ou qui les dispense, en autant qu'il s'agit d'une formation de niveau supérieur.

L'enquête de janvier 1984 menée par Statistique Canada auprès de la population de 17 ans et plus définit l'"étudiant adulte" en fonction d'un autre critère, le régime d'études à temps partiel. Une telle définition, aussi légitime soit-elle, soulève cependant certaines difficultés .

Selon ce critère, tous les étudiants à temps partiel âgés de 17 ans et plus (et seulement eux) ont été considérés comme des "étudiants adultes". Mais il est vraisemblable qu'un certain nombre d'étudiants à temps partiel n'ont jamais connu d'interruption d'études, n'ont pas vécu d'expérience de travail autrement que de façon occasionnelle ou temporaire ou encore n'ont pas eu à quitter l'école pour assumer des responsabilités familiales. Dans de tels cas, il nous semble plus approprié d'assimiler ces étudiants à la catégorie des "jeunes" plutôt qu'à celle des "adultes".

Par ailleurs, à cause du critère retenu (la poursuite d'études à temps partiel), tous les étudiants à plein temps ont été exclus des calculs visant à établir les taux de participation à l'éducation des adultes ainsi que des descriptions relatives aux caractéristiques des participants ou à celles des études poursuivies.73 Les données recueillies par Statistique Canada lors de l'enquête de janvier 1984 ne concernent que les études à temps partiel, au cours de l'année 1983.

Bien que les études à temps partiel représentent le moyen principal de retour aux études parmi la population adulte, il n'en demeure pas moins qu'un certain nombre d'adultes (population que nous chercherons à préciser dans le cadre du présent projet) poursuivent des études à plein temps et qu'il est tout aussi intéressant de connaître cette sous-population, même si nous savons au point de départ qu'elle est quantitativement peu nombreuse. Quelle proportion des étudiants à plein temps peuvent être considérés comme des "adultes" par opposition aux "jeunes", c'est-à-dire à ceux que l'on peut définir comme encore en formation initiale? Quelles sont les caractéristiques de ces adultes peu nombreux (peut-on supposer) qui réussissent à poursuivre des études à plein temps? Qui assure leur formation et qui paye pour celle-ci? Voilà quelques questions auxquelles nous tenterons de répondre, dans la mesure où les données de l'enquête de janvier 1984 permettent de le faire. Notre rapport cherchera à compléter le portrait tracé dans le document Une personne sur cinq (lequel décrit uniquement les personnes ayant suivi des activités de formation à temps partiel) en traitant également des adultes inscrits à des activités éducatives à plein temps seulement ou encore à plein temps et à temps partiel. 74

En retenant comme critère de base de la définition de l'"étudiant adulte" les études à temps partiel, nous estimons que le rapport Une personne sur cinq introduit un biais plutôt qualitatif que quantitatif. Il est possible qu'en fin de compte en excluant les "jeunes" oui étudient à temps partiel et en réintégrant les "adultes" oui étudient à plein temps, les taux de participation à l'éducation des adultes soient relativement peu modifiés. Toutefois il nous paraissait intéressant de reconsidérer les résultats de l'enquête de janvier 1984 non plus en fonction du régime d'études mais plutôt en fonction du phénomène de "rupture" entre la période de formation initiale et le retour aux études, à temps plein ou à temps partiel, en 1983.

Dans la mesure où, au cours des dix dernières années, les transformations actuelles ou appréhendées de l'appareil de production ont conduit à des études en profondeur des questions de formation, de recyclage ou d'adaptation de la main-d'oeuvre,75 il paraît de plus en plus nécessaire de repenser l'objet d'étude que représente l'éducation des adultes de manière à ce que les analyses, dans ce domaine, couvrent à la fois les études à temps partiel et celles à plein temps, les activités de formation dispensées par les institutions d'enseignement mais aussi celles réalisées par d'autres pourvoyeurs de services éducatifs: entreprises, associations professionnelles, syndicats, organisations bénévoles...76

Le nouveau bassin d'"étudiants adultes" que nous chercherons à constituer à partir des données recueillies lors de l'enquête de janvier 1984 devrait permettre de réduire (sinon d'éliminer) les limites dues à une analyse fondée sur le seul régime d'études à temps partiel.

1.2 Les critères utilisés pour distinguer les "jeunes"des "adultes"

Le questionnaire de Statistique Canada ne colportait aucune question visant directement le phénomène de l'interruption d'études. Nous ne sommes donc pas en mesure, d'entrée de jeu, de préciser quelle proportion de la population de 17 ans et plus (poursuivant en 1983 des études à plein temps ou à temps partiel) avait terminé sa formation initiale et peut donc être considérée comme composée d'"étudiants adultes" et quelle proportion de cette même population doit être considérée comme composée de "jeunes" encore en formation initiale. C'est en faisant jouer différents critères (l'âge, le niveau de scolarité et le rapport au marché du travail) que nous parviendrons à distinguer les "jeunes" des "adultes", dans chacun des trois blocs: les étudiants à temps partiel seulement, les étudiants à Plein temps et a temps partiel, les étudiants à plein temps seulement.

Dans le présent document, est identifiée comme "jeune" toute personne de 17 ans à 24 ans qui en raison de son niveau de scolarité ou de son rapport au marché du travail peut être considérée comme encore en période de formation initiale. L'"étudiant adulte" correspond à la personne qui en raison de son âge, de son niveau de scolarité ou de son expérience de travail, est présumée avoir connu une période d'interruption d'études d'au moins six mois avant de suivre des activités de formation, en 1983. C'est donc le phénomène de rupture avec la période de formation initiale qui nous servira de critère de base pour distinguer l'"adulte" du "jeune", en matière de formation.

La méthode que nous avons retenu, dans le cadre du présent document, pour différencier les "jeunes" des " adultes" peut être qualifiée de prudente en ce qu'elle tend à sous-évaluer la proportion d'"étudiants adultes" parmi les personnes âgées de 17 ans à 24 ans. Les conditions posées font en sorte que les cas à la frontière ont été assimilés aux "jeunes" plutôt qu'aux "adultes". Aussi, les personnes ne correspondant pas expressément aux conditions fixées pour être déclarées "étudiants adultes", ont été assimilées à des "étudiants jeunes".

1.2.1 L'âge

Toutes les personnes âgées de 25 ans et plus feront partie de la population adulte.77  La zone grise où il nous faudra trancher correspond aux personnes âgées de 17 ans à 24 ans qui ont suivi des activités de formation, en 1983. Les personnes de 17 ans à 24 ans qui n'ont bénéficié d'aucune activité de formation en 1983 font automatiquement partie de la population adulte.

1.2.2 Le niveau de scolarité

Etant limité dans notre approche par les données contenues dans les fichiers de Statistique Canada, les informations relatives à l'âge des répondants de 17 ans à 24 ans, auxquelles nous pouvions avoir accès, étaient les suivantes: la catégorie des personnes âgées de 17 ans à 19 ans et celle des personnes âgées de 20 ans à 24 ans. Quant au niveau de scolarité atteint, les données de Statistique Canada nous permettaient de faire les distinctions suivantes: les personnes n'ayant aucune instruction ou n'ayant pas dépassé le niveau primaire; les personnes ayant poursuivi des études de niveau secondaire (en partie ou au complet); les personnes ayant poursuivi des études postsecondaire (en partie); les personnes ayant obtenu un diplôme de niveau postsecondaire; les personnes ayant poursuivi des études de niveau universitaire.

Faute de pouvoir traiter séparément les personnes âgées de 17 ans, de 18 ans et de 19 ans et faute de pouvoir distinguer entre celles qui ont complété leurs études secondaires et celles qui ne les ont pas terminées, nous avons choisi de considérer comme "jeunes" les personnes de 17 ans à 19 ans qui n'ont pas poursuivi d'études audelà du niveau secondaire, si elles étaient inscrites à plein temps à des activités de formation, en 1983 ou encore à des activités à temps partiel en 1983 mais ont déclaré en janvier 1984 être inscrite à plein temps dans une institution d'enseignement. Donc une personne âgée de 17 ans à 19 ans ayant poursuivi des activités de formation à plein temps en 1983 n'a été définie comme "étudiant adulte" à moins qu'une expérience de travail pertinente ne le justifie.

En vertu du niveau de scolarité atteint, les personnes âgées de 20 ans à 24 ans qui n'ont pas poursuivi leurs études au-delà du niveau secondaire ont été assimilées à des "adultes", qu'il s'agisse d'étudiants à plein temps ou à temps partiel. En principe, partout au Canada, on peut accéder aux études universitaires après douze années d'études (sauf au Québec où la 2e année d'études collégiales générales équivaut à une 13e année de scolarité). C'est donc dire que normalement l'"étudiant jeune" termine sa 12e année à l'âge de 17 ans (au Québec, sa 13e année d'études à l'âge de 18 ans).

A 20 ans, les personnes qui n'ont poursuivi que des études postsecondaires partielles et même celles qui détiennent un diplôme de niveau collégial pourraient théoriquement être considérées comme des "étudiants adultes". Toutefois, compte tenu du fait que l'enquête de janvier 1984 portait sur les activités de formation suivie en 1983 et compte tenu des différents facteurs pouvant faire en sorte que des étudiants de 20 ans (ou même plus âgés) soient encore en formation initiale, nous avons imposé des conditions plus strictes aux personnes âgées de 20 ans à 24 ans ayant déclaré une scolarité de niveau postsecondaire: n'ont alors été classées comme "étudiants adultes" que les personnes dont l'expérience de travail telle que définie ci-après, nous permet de présumer l'existence d'une période de "rupture avec l'école" depuis la fin de leur formation initiale.

1.2.3 Le rapport au marché du travail

une autre façon d'appréhender le phénomène de rupture avec la période de formation initiale consiste à considérer l'expérience accumulée sur le marché du travail ou encore les efforts pour s'y insérer (la quête d'emploi). Dans les deux cas, nous avons retenu l'idée d'une période minimale de 6 mois pour que les personnes âgées de 17 ans à 24 ans puissent être assimilées à des "étudiants adultes". Les personnes ayant accumulé une expérience de travail ou ayant été en quête d'emploi durant moins de 6 mois, lorsqu'elles ont bénéficié d'activités de formation en 1983, ont été assimilées aux "étudiants jeunes".

Quelques conditions supplémentaires ont été posées pour faire face à certains cas douteux. Ainsi les personnes en formation en 1983 ayant déclaré occuper un emploi à temps partiel "parce qu'elles allaient à l'école" ont été considérées comme des "étudiants jeunes" même si elles avaient accumulé une expérience de travail de plus de 6 mois. De même, les personnes en quête d'un emploi depuis plus de 6 mois ont été considérées comme des "étudiants adultes" seulement si elles recherchaient un emploi permanent à plein temps. Les personnes en formation en 1983 qui cherchaient un emploi temporaire ou un emploi permanent à temps partiel ont été classées comme "étudiants jeunes".

Nous ne sommes pas en mesure, a partir des données à notre disposition, de tenir compte directement des expériences autres que celles acquises sur le marché du travail, qu'il s'agisse des responsabilités familiales ou d'autres expériences de vie qui se situeraient en rupture avec la condition d'"étudiant en formation initiale". Toutefois, nous croyons qu'à l'aide des instruments de mesure déjà proposés pour identifier les "étudiants adultes" (soit en raison de l'âge, soit en raison du niveau de scolarité atteint) nous devrions indirectement rejoindre une bonne majorité des "étudiants adultes" ayant connu un phénomène de rupture avec la période de formation initiale sous une forme autre que le rapport au marché du travail. Dans les circonstances, nous ne pouvons être plus précis.

Quelles seront les conséquences pratiques, sur la composition de la population adulte, des mécanisme de discrimination entre "jeune" et "adultes" tels que nous venons de les définir? A la différence du rapport Une personne sur cinq, ceux et celles qui étudiaient à plein temps en 1983 seront considérés comme "étudiants adultes" s'ils répondent à l'un ou l'autre des 3 critères ci-haut mentionnés. Donc tous les "étudiants adultes" peu importe le régime d'études (à plein temps ou à temps partiel) seront comptabilisés pour établir les taux de participation à l'éducation des adultes.

Par contre, seront exclues de notre population adulte les personnes âgées de 17 ans à 24 ans ayant bénéficié d'activités de formation à temps partiel ou à plein temps si elles sont présumées être encore en formation initiale.

D'entrée de jeu, nous pouvons postuler que parmi les personnes ayant suivi des activités de formation à temps partiel, une forte majorité correspondra à notre définition d'"étudiant adulte". Parmi les personnes ayant poursuivi des études à plein temps seulement ou à plein temps et à temps partiel, la situation inverse devrait prévaloir (i.e. une majorité d'"étudiants jeunes"). L'une des questions à laquelle nous entendons apporter une réponse dans le présent dossier consistera à estimer l'importance relative des "adultes" parmi les étudiants à plein temps et celles des "jeunes" parmi les étudiants à temps partiel.

Les tableaux 1 et 2 décrivent respectivement la répartition des "jeunes" et des "adultes", au Canada et au Québec, en fonction des trois critères retenus pour distinguer ces deux sous-populations et, dans le cas des personnes qui ont bénéficié d'activités éducatives en 1983, en fonction du régime de formation (à plein temps, à temps partiel ou les deux à la fois). Globalement au Canada comme au Québec, selon les critères que nous avons retenus pour distinguer les "jeunes" des "adultes", la population couverte par l'enquête de janvier 1984 est composée de 93% d'"adultes" et de 7% de "jeunes".

En vertu du critère de l'âge, toutes les personnes de 25 ans et plus ont été définies comme des "adultes". Parmi les personnes âgées de 17 ans à 24 ans classées en fonction du niveau de scolarité atteint au moment de l'enquête, au Canada, on retrouve à peu près autant d'"adultes" (48%) que de "jeunes" (52%); au Québec également: 49,5% d'"adultes" et 50,5% de "jeunes". Parmi les personnes âgées de 17 ans a 24 ans que nous avons départagées en fonction de leur rapport au marché du travail, une forte majorité (86% au Canada et 83% au Québec) a été assimilée aux "adultes". Les autres étudiants avaient accumulé une certaine expérience de travail, mais insuffisante pour correspondre à notre définition d'"adulte".

Par définition, la population "jeune" correspond aux personnes âgées de 17 ans à 24 ans que nous avons considérées comme encore en formation initiale. Il s'agit surtout d'étudiants à plein temps (6,5% au Canada et 6% au Québec sur les 7% que représentent les "jeunes"). La population "adulte" (93% de la population couverte par l'enquête) quant à elle, se partage de la façon suivante: au Canada 20% de personnes ont suivi des activités de formation et 73% n'en ont pas bénéficié, en 1983; au Québec, 18% des personnes ont reçu de la formation et 75% non, au cours de cette même année. Contrairement aux "jeunes", les "étudiants adultes" ont suivi surtout des activités à temps partiel seulement {au Canada, 17% des 20% d'"étudiants adultes"; au Québec, 16% des 18% d'"étudiants adultes").

Les tableaux 3 et 4 mettent l'accent sur la population étudiante (jeune et adulte), au Canada et au Québec, en 1983. Parmi les "étudiants adultes" âgées de 17 ans à 24 ans, environ les 2/3 (65% au Canada et 72% au Québec) ont bénéficié d'activités de formation à temps partiel seulement alors que 90% des personnes âgées de 25 ans et plus étaient dans la même situation. Parmi les "jeunes", 9 personnes sur 10 étudiaient à plein temps, en 1983. (cf le tableau 3).

Le tableau 4 illustre la différence de composition des populations étudiantes a plein temps ou à temps partiel. Parmi les étudiants à plein temps, à toutes fins pratiques, 7 personnes sur 10 sont des "jeunes" tandis que la quasi totalité des étudiants à temps partiel sont des "adultes".

Cette population "jeune", soit un peu plus du quart des personnes qui ont suivi des activités éducatives en 1983 (et 7% de la population couverte par l'enquête), sera évacuée de la suite du présent rapport. Nous ne retiendrons, dans les sections suivantes, que les personnes identifiées comme des "adultes", qu'elles aient ou non bénéficié d'activités de formation, en 1983.

Tableau 1 : répartition de la population, selon la situation face à la formation, Canada, 1983

CRITERES DE DEFINITION DE L'ADULTE

PERSONNES AGEES DE 17 A 24 ANS

PERSONNES AGEES DE 25 ANS ET PLUS

TOTAL

 

Expérience

Niveau de

Sous-total

 

 

 

de travail

scolarité

 

 

 

 

(critère 1)

(critère 2)

 

(critère 3)

 

REGIME DE FORMATION

%

%

X

%

 

Personnes aux études à

10,4

40,6

27,1

_

5,4

plein temps seulement

6.9

3,1

4.8

1,4

2,0

Jeunes

 

 

 

 

 

Adultes

 

 

 

 

 

Personnes aux études à

 

 

 

 

 

temps partiel et à temps

 

 

 

 

 

plein

 

 

 

 

 

Jeunes

3.0

7,7

5,6

-

1.1

Adultes

2.1

0,7

1.3

0.6

0,7

Sous-total à plein temps

 

 

 

 

 

Jeunes

13,4

48,8

32,6

-

6,5

Adultes

9.0

3.8

6,1

2.0

2.8

Sous-total à temps partiel

 

 

 

 

 

Jeunes

0,7

4,0

2,5

-

0,5

Adultes

19,1

5,2

11.4

18,3

16,9

Ensemble des personnes aux

 

 

 

 

 

études

 

 

 

 

 

Jeunes

14,1

52,3

35,1

-

7,0

Adultes

28,1

9,0

17,6

20,2

19,7

Personnes qui ne sont pas

 

 

 

 

 

aux études

 

 

 

 

 

Jeunes

-

-

-

-

-

Adultes

57,9

38,7

47,3

79,8

73,3

Grand total

 

 

 

 

 

Jeunes

14,1

52,3

35,1

-

7,0

Adultes

85,9

47,7

64,9

100,0

93,0

Total: %

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

N

1,623,503

1,996,698

3,620,201

14,670,145

18,290,446

Selon la méthodes retenue par Statistique Canada, "les données sont affectées d'une forte erreur d'échantillonnage et doivent être utilisées avec prudence".

Source:  Supplément de l'enquête de Statistique Canada sur la population active, janvier 1984

Tableau 2 : répartition de la population selon la situation face à la formation, Québec, 1985

CRITERES DE DEFINITION DE L'ADULTE

PERSONNES

AGEES DE 17

A 24 ANS

PERSONNES AGEES DE 25 ANS ET PLUS

TOTAL

Expérience de travail (critère 1)

Niveau de scolarité (critère 2)

 

 

 

Sous-total

 

 

 

 

 

 

 

 

(critère 3)

 

REGIME DE FORMATION

%

%

%

 

 

Personnes aux études à

 

 

 

 

 

plein temps seulement

 

 

 

 

 

Jeunes

12.9

38,1

26,0

-

5.2

Adultes

5.0*

2,2*

3,5

1,3

1,8

Personnes aux études à

 

 

 

 

 

temps partiel et à temps

 

 

 

 

 

plein

 

 

 

 

 

Jeunes

3,4*

7,4

5,5

-

1,1

Adultes

1,4"

0,4**

0,9**

0,6*

0,6

Sous-total à plein temps

 

 

 

 

 

Jeunes

16.4

45,4

31,6

-

6,3

Adultes

6.5

2,6**

4,4

1,9

2.4

Sous-total à temps partiel

 

 

 

 

 

Jeunes

0,7**

5,0*

2,9

-

0,6

Adultes

17,4

5,6

11.2

17.1

15.9

Ensemble des personnes aux

 

 

 

 

 

études

 

 

 

 

 

Jeunes

17,1

50,5

34,5

-

6,8

Adultes

23,8

8,2

15,7

19,0

18,3

Personnes qui ne sont pas

 

 

 

 

 

aux études

 

 

 

 

 

Jeunes

-

-

-

-

-

Adultes

59,1

41,3

49,8

81,0

74,8

Grand total

 

 

 

 

 

Jeunes

17,1

50,5

34,5

-

6,8

Adultes

82.9

49,5

65,5

100,0

93,2

Total: %

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

N

461,830

503,641

965,471

3,900,450

4,865,921

*   Selon la méthode retenue par Statistique Canada, "les données sont affectées d'une forte erreur d'échantillonnage et doivent être utilisées avec prudence".

**  Selon la méthode retenue par Statistique Canada, "les données ne sont pas suffisamment fiables pour être publiées";  à titre indicatif nous les présentons en suggérant de ne s'y référer qu'avec la plus grande prudence.

Source:  Supplément de l'enquête de Statistique Canada sur la population active, janvier 1984.

Tableau 3 : répartition de la population étudiante, selon les critères de définition de l'"adulte" et selon le régime de formation, Canada et Québec, 1983

* Selon la méthode retenue par Statistique Canada, "les données sont affectées d'une forte erreur d'échantillonnage et doivent être utilisées avec prudence"

SOURCE: Supplément de l'enquête de Statistique Canada sur la population active, janv. 1984

Tableau 4 : répartition de la population étudiante, selon le régime de formation, Canada et Québec, 1983

SOURCE: Supplément de l'enquête de Statistique Canada sur la population active, janv. 1984

Annexe 2 : La définition des activités de formation 78

Il était fort utile que l'enquête de janvier 1984 nous fournisse certaines informations sur la nature des activités de formation suivies en 1983 et sur la motivation des personnes qui en ont bénéficié (même si ces informations se limitent aux seules études à temps partiel). Toutefois, pour différentes raisons, le traitement des données alors recueillies s'avère assez complexe. Il est difficile de définir des catégories fiables pour étudier la nature (le contenu) des activités de formation ou la motivation de ceux qui y participent.

En ce qui concerne la nature des activités de formation, l'enquête de Statistique Canada posait deux questions. La première question demandait "le titre ou le nom" du dernier cours suivi.79  C'est Statistique Canada qui par la suite a procédé à la classification des réponses. La seconde question demandait aux répondants d'identifier à laquelle des cinq catégories suivantes on pouvait rattacher le dernier cours suivi: formation générale, cours ayant trait au travail, cours récréatif ou d'artisanat, cours d'enrichissement ou d'intérêt personnels, autre cours. 80

Quant à la motivation, en demandait aux "étudiants adultes" de préciser dans lequel des deux buts principaux suivants ils avaient reçu cette formation: pour améliorer leurs possibilités d'emploi ou par intérêt et enrichissement personnels.

Lorsque l'on examine de plus près les résultats obtenus, on constate qu'il est difficile de considérer comme satisfaisante l'une ou l'autre variable prise individuellement. Ce qui à priori semble clair et univoque devient alors flou si ce n'est contradictoire. Cela peut tenir, en partie, à la subjectivité des réponses. Mais il faut également tenir compte de la complexité des situations de formation ainsi que des motivations justifiant l'inscription à de telles activités.

Un des aspects majeurs du dossier de l'éducation des adultes, c'est le lien entre la formation et l'emploi ou, pour le dire d'une autre façon, la distinction entre les activités de formation ayant trait au travail (ou liées à l'emploi ou suivies pour accroître les compétences...) et les autres activités éducatives (formation générale, activités culturelles ou récréatives) suivies plutôt par intérêt personnel, en vue de favoriser son propre développement (pour des motifs autres que professionnels) .

Compte tenu des difficultés déjà signalées, lorsque l'on veut traiter des contenus de formation et de la motivation des participants pour distinguer entre la formation "liée à l'emploi" et celles de type "développement personnel", on se trouve alors confronté à la question suivante: sur quelle(s) variable(s) ou combinaison de variables fonder nos analyses?

Dans le rapport Une personne sur cinq 81  l'auteure a choisi de mettre l'accent sur la question où les répondants devaient eux-mêmes identifier, parmi un choix de cinq catégories, le genre de formation reçue lors du dernier cours. Lors des analyses complémentaires des résultats de l'enquête, les choix faits par certains chercheurs ont été différents. Certains des dossiers de l'ICEA. ont privilégié une analyse en fonction d'un regroupement des catégories établies à posteriori par Statistique Canada, à partir des titres de cours spécifiés par les répondants.82

Dans un dossier portant uniquement sur la "formation liée à l'emploi", W. Garnett Picot, de Statistique Canada, a quant à lui opté pour une combinaison de variables. La "formation liée à l'emploi" correspond soit 1) aux cours dont la motivation83  principale était d'accroître les possibilités d'emploi, 2) au cours organisés84  ou financés85par l'employeur ou 3) aux activités de formation destinées à accroître la compétence professionnelle:86 il s'agit, pour l'accroissement de la compétence professionnelle {le 3e critère) de toute activité de formation reçue au cours de l'année 1983 et non seulement, comme pour les deux premiers critères, du dernier cours suivi.87

Dans le cadre du présent dossier, pour analyser la nature des activités de formation, compte tenu de nos objectifs, nous avons également retenu l'idée d'une combinaison de variables, mais selon un modèle différent de celui employé par w. Garnett Picot. Tout d'abord, dans la mesure où nous voulons comparer les activités liées à l'emploi et les autres activités de formation, nous nous limiterons à analyser les données relatives au dernier cours suivi puisque c'est seulement dans ce cas qu'ont été colligées les informations relatives à l'organisation du cours, à son financement et à la motivation de la personne qui l'a suivi.

La "formation liée à l'emploi" correspondra à tous les cours suivis dans le but d'améliorer les possibilités d'emploi88 (peu importe le genre de cours dont il s'agissait), auxquels s'ajouteront les cours ayant trait au travail89 même si les répondants ont affirmé avoir suivi ceux-ci d'abord par intérêt ou en vue d'un enrichissement personnel. Les quatre autres catégories de cours dont le but principal déclaré était l'intérêt et l'enrichissement personnels formeront notre bassin d'activités de formation de nature autre que professionnelle (i.e. la formation suivie par intérêt personnel).

En écartant la classification à posteriori réalisé par Statistique Canada à partir du titre du dernier cours suivi (question 19), nous nous trouvons à priviliégier le "jugement" des répondants en nous appuyant sur la motivation déclarée par eux et sur la catégorie de formation à laquelle ils identifient le derniercours suivi.En combinant ces deux dernières variables, nous croyons arriver à une meilleure approximation de ce que l'on peut qualifier de "formation liée à l'emploi" .

Lorsque la motivation déclarée correspond à l' amélioration des possibilités d'emploi, nous pouvons supposer que les réponses sont claires et univoques. Toutefois, lorsque l'on parle d'intérêt et d'enrichissement personnels, comme but principal, il semble que les réponses doivent être traitées avec prudence. Outre le fait que le libellé de la question "forçait" en quelque sorte le répondant à choisir entre l'un ou l'autre type de motivation, il paraît requis de tenir compte du genre de formation suivie. Et si un cours de formation générale peut avoir été suivi aussi bien dans le but d'améliorer ses possibilités d'emploi qu'en visant un enrichissement personnel, il nous semble pertinent d'identifier les cours ayant trait au travail à la "formation liée à l'emploi" même si le but recherché par le participant est identifié d'abord en terme d'intérêt personnel.

C'est donc en comparant ces deux blocs ("formation liée à l'emploi" et autres activités suivies par intérêt personnel) que nous chercherons à préciser sommairement qui bénéficie de quel genre de formation (à temps partiel) et qui organise ou finance ces activités.

Bibliographie sélective

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COMMISSION D'ETUDE SUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE, Apprendre: une action volontaireet responsable. Direction de l'édition du ministère des Communications du Québec, Québec, 1982.

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CONSEIL SUPERIEUR DE L'EDUCATION, Les nouveaux lieux éducatifs, février 1987.

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REGROUPEMENT DES ORGANISMES VOLONTAIRES D'EDUCATION POPULAIRE, Rapport final de recherche sur les organismes volontaires familiaux du Québec. Québec, 1980.

Notes

1 On retrouvera à la section III de ce document une discussion plus approfondie du concept d'éducation non formelle.

2 L'IIPE, dans son protocole d'entente avec l'ICEA, définissait ainsi ses attentes:

  • Une brève présentation du Québec et de ses spécificités dans le contexte canadien;
  • une analyse du champ diversifié de l'éducation tel qu'il se présente en ce moment du point de vue des participants et des organisateurs: qui participe dans quoi et qui organise quoi?
  • une analyse historique du processus de diversification du champ éducatif au cours des trois dernières décennies: les déterminants et ses effets;
  • une analyse du rôle de la politique et de la planification éducatives (rôles respectifs de l'Etat central, du gouvernement provincial et des différents secteurs de la société civile; mécanismes de prise de décision et d'organisation, variables selon les domaines d'éducation, etc.

3 Brochure de présentation de l'IIPE, p. 14.

4 Commission d'étude sur la formation des adultes, Apprendre une action volontaire et responsable. Québec 1982.

5 Devereaux, M.S. Une personne sur cinq: enquête sur l'éducation des adultes au Canada. Ottawa, Secrétariat d'Etat, Statistique Canada, 1985.

6 Demers, A. : La mosaïque québécoise de la participation à l'éducation des adultes. ICEA 1986.

Doray, P.: La participation à la formation des adultes au Québec en 1983. Dossier réalisé par l'ICEA, mars 1985.

Paquet P.: L'accès des adultes à la formation au Canada. Faculté de l'éducation permanente, Université de Montréal, 1985.

7 Paquet, P.,  Op. cit.  On retrouvera à l'annexe I la reproduction de la discussion méthodologique réalisée par M. Paquet, à la fois sur la définition de l'éducation des adultes et sur la définition des activités de formation.

8 Nous développerons cette hypothèse à la section III de ce document.

9 Le système scolaire québécois offre un cheminement académique à quatre niveaux: le primaire, le secondaire, le collégial et finalement le niveau universitaire. Il existe un regroupement administratif particulier des établissements dispensant des cours au niveau primaire et secondaire. Ceux-ci sont regroupés au sein de commissions scolaires spécifiques selon leur appartenance régionale et confessionnelle. Les commissions scolaires administrées par des commissaires élus au suffrage universel régissent les pratiques éducatives dans chacun des établissements selon leurs particularités régionales ou confessionnelles mais en conformité avec les directives provenant du ministère de l'Education du Québec. Les commissions scolaires, bien que largement financées par le gouvernement du Québec, ont un pouvoir de taxation autonome par le biais de l'impôt foncier. Cela leur confère une certaine latitude dans l'organisation des activités éducatives. Chaque commission scolaire du Québec possède un service d'éducation des adultes (S.E.A.) dont nous reparlerons plus loin dans le document. Au niveau collégial, les établissements d'enseignement sont communément appelés C.E.G.E.P. (Collège d'enseignement général et professionnel). Ils dispensent un enseignement dit général, modulé aux exigences d'entrée des divers programmes universitaires, de même qu'un enseignement professionnel terminal préparant les étudiants et étudiantes au marché du travail. Les programmes de formation sont généralement définis en relation aux besoins spécifiques de chaque région du Québec où ils sont implantés. Il existe une quarantaine de cégeps au Québec. Chaque cégep possède aussi un service d'éducation des adultes de même que la plupart des institutions universitaires.

10  L'ICEA, Pour une démocratisation de l'éducation des adultes. Ed. Albert St-Martin, 1981, p. 20.

11 ICEA, Pour une démocratisation de l'éducation des adultes. Ed. Albert St-Martin, 1981, p. 21.

12 CEFA, Op. cit.. Version agrégée, p. 11.

13  ICEA, Op. cit.. p. 22.

14 Dans ce dernier cas, on peut s'étonner de la classification des écoles privées ou commerciales comme organisme non scolaire. Certaines sont membres à part entière du réseau scolaire institutionnel, d'autres, sans en faire partie, n'en adoptent pas moins les critères de réalisation des programmes et des itinéraires d'apprentissage et sont à ce titre reconnus par le ministère de l'Education du Québec. Les données ne nous permettent pas de réaliser une classification incluant ces distinctions. Nous avons quand même tenu à les inclure dans notre description, ne serait-ce que pour attirer l'attention sur des initiatives et une dynamique qui ne peuvent être assimilables sans nuances importantes au système formel d'éducation.

Ainsi, les écoles privées ou commerciales n'ont pas une action homogène, tant du point de vue du domaine de formation couvert, du type de programme ou de cheminement, des objectifs poursuivis. Si dans certains cas leurs activités s'insèrent bien dans le réseau formel d'éducation, cela n'exclut pas des objectifs et une dynamique qui diffèrent sensiblement de ceux actualisés dans le réseau scolaire, et pour lesquels leur contribution originale a fondé justement la reconnaissance par le système formel. Pensons ici a certains instituts spécialisés en formation technique.

15 Pour l'Institut canadien d'éducation des adultes, les données mesurant l'importance de la contribution des organisations bénévoles dans l'organisation des activités de formation n'étalent pas correctement cette contribution. Les données concernent les activités de formation relativement bien structurées et identifiées comme telles par les participants. Toutefois, dans la pratique, plusieurs activités des organisations bénévoles contribuent à la formation des participants sans qu'elles soient identifiées ou structurées comme telles. Pour ne donner qu'un exemple, pensons ici au développement des aptitudes à l'expression personnelle et au fonctionnement collectif suscité par la participation à des assemblées délibérantes. Cette formation informelle ne peut vraiment être cernée qu'à partir d'une approche monographique.

16 La classification des activités de formation peut varier considérablement d'un auteur à l'autre. Si on s'entend bien pour la • formation liée à l'emploi ou formation professionnelle, du moins à quelques nuances près, la classification des activités de formation non liées à l'emploi fera l'objet de dénominations très diverses. P. Paquet parlera de formation d'intérêt personnel, la CEFA parlera de formation de type sociale ou culturelle. Sous ces vocables, entreront leurs cours récréatifs, les cours de formation générale, les cours d'enrichissement et d'intérêt personnel, les cours d'artisanat, etc. (Voir l'annexe 1 pour une discussion plus approfondie)

17 Demers, A., Op. cit.. Cahier # 1, p. 5,

18 CEEA, Op. cit.. Annexe 2.

19 P. Paquet, Op. cit.. p. 89.

20 Soulignons que les enquêtes statistiques recensées précédemment ont privilégié le point de vue du participant aux activités de formation, ne nous permettant qu'un éclairage indirect sur les organismes dispensateurs. Il y aurait un intérêt certain à ce qu'une étude systématique soit entreprise sur ceux-ci, du point de vue d'un approfondissement de la spécificité de l'éducation non formelle. Une telle étude permettrait d'explorer avec rigueur et précision la nature de ces activités, les objectifs pédagogiques poursuivis, les clientèles-cibles. Nous aurions là des éléments d'information permettant de mieux étoffer les dossiers du financement et de la reconnaissance des acquis. En l'absence d'une telle étude, les matériaux recensés dans ce document ne seront que forcément parcellaires.

21 Demers, A., Op. cit.

22 L'association de coopération et d'économique familiale (ACEF) est l'un de ces organismes. De plus, on est à mettre sur pied à Montréal un centre de données sur les activités de formation afin de mieux connaître ces activités et d'éclairer le public.

23 Les P.M.E. au Québec sont les principales créatrices de nouveaux emplois.

24 Les modèles généraux de prévision:

  • Système de projections des professions au Canada (SPPC) : modèle fédéral d'estimation des besoins à moyen et long terme administré par la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada (C.E.I.C);
  • Modèle québécois de prévision par profession (M.Q.P.P.): mêmes fonctions que le programme précédent mais pour le Québec et administré par le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu (MMSR) ;
  • Modèle à court terme (2 ans) d'estimation des déséquilibres professionnels: le MMSR effectue des prévisions à court terme de déséquilibre de main-d'oeuvre par groupe professionnel et par région.

Les études sectorielles:

a)  Le CEIC commande annuellement diverses études sectorielles pour compléter:

  • les analyses de profession et les répertoires des profils de
  • formation professionnelle animés par le ministère de l'Education du Québec;
  • les études désignant les professions jugées d'importance nationale;
  • les plans annuels de formation élaborés annuellement dans chacune des régions du Québec dans le cadre de l'Accord Canada-Québec (ce que nous verrons plus loin).

Les instruments sectoriels

  • Caisse d'accroissement des compétences professionnelles du gouvernement fédéral dont le but est de fournir à des organismes sans but lucratif la modernisation des installations de formation dans les professions d'importance nationale;
  • Centre de productivité sectoriel mis sur pied pour promouvoir la productivité des entreprises de leur secteur et qui offrent des services de diagnostic des besoins de formation;
  • les comités de main-d'oeuvre pour le reclassement de la maind'oeuvre (plans de formation adoptés au profil des candidats) et de la protection de l'emploi (diagnostic et plan de redressement en cas de menace de disparition des emplois).

25 Commission sur l'informatisation, l'emploi et le travail. Vers une maîtrisesociale du changement technologique. Conférence sur l'électronique et l'informatique, Québec, 1985, p. 89-92.

26 Ces objectifs sont définis dans le cadre des deux principaux programmes d'action du gouvernement fédéral en matière de formation professionnelle soit le programme national de formation en établissement à temps plein ou partiel (PNFE) et le programme national de formation en industrie (PNFI). On en donnera ici les grandes lignes.

a)      Programme national de formation en établissement à temps plein, à temps partiel (PNFE):

Objectifs:

favoriser l'adaptation des qualifications professionnelles de la main-d'oeuvre en chômage aux besoins et l'évolution de l'économie en vue d'améliorer les chances d'emploi et de rémunération (volet temps plein);

favoriser la mise à jour et le perfectionnement de la maind'oeuvre active pour l'adaptation aux changements technologiques ou industriels (volet temps partiel).

Admission:

personnes qui ont dépassé d'un an l'âge de fréquentation scolaire obligatoire ou celles qui n'ont pas fréquenté l'école régulière depuis au moins 12 mois consécutifs. 30% des places dans les métiers féminins non-traditionnels sont réservées aux femmes (volet temps plein); personnes dont le secteur d'emploi est relié à la formation (volet temps partiel).

Organismes dispensateurs:

service d'éducation aux adultes des commissions scolaires et des collèges d'enseignement général et professionnel, sous la responsabilité du ministère de l'Education du Québec.

Modalités:

aucun frais de scolarité;

allocation de formation permise ou maintien des allocations

d'assurance-chômage;

formation à temps plein, de jour ou de soir, d'une durée de 2

à 52 semaines, ou formation à temps partiel, entre 30 et 80

heures;

programme de cours officiels ou sur mesure approuvé par le

Québec qui conduit à une reconnaissance officielle des

études par le MEQ, ou une reconnaissance locale ou

provinciale.

b)      Programme national de formation en industrie (PNFI):

 Formation chez l'employeur comprenant deux volets:

  • formation générale dans l'industrie (FGI) 
  • formation dans les métiers en pénurie de main-d'oeuvre spécialisée (FMPMS).

 FGI:

formation dans les professions pour lesquelles il y a une demande; pour recycler les travailleurs touchés par les nouvelles technologies ou par les changements dans les activités économiques.

FMPMS:

encourager les industries à élaborer et à développer la formation des gens de métier ou des travailleurs dans les professions de haute spécialisation en pénurie de maind'œuvre.

Formation prévue dure de 90 heures à deux ans selon la complexité de la profession et prend plusieurs formes: en cours de production, cours sur les lieux de travail, cours à temps plein ou partiel dans un établissement de formation (alternance travailcours) .

Modalités: la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada passe un contrat avec un ou plusieurs employeurs en vertu duquel elle s'engage à rembourser une partie des frais de formation et des salaires des stagiaires.

27 Les frais peuvent être à la fois ceux des établissements ou des participants. Ainsi, on pourra permettre les allocations d'assurancechômage aux participants ou encore rembourser les frais de formation et les salaires selon qu'il s'agisse du PNFE ou du PNFI

28 Il existe plusieurs centres spécialisés: ordinique, technologie physique, pêches maritimes, meuble et bois ouvré, textile, mode et vêtement, informatique,  électronique,  aérotechnique, métallurgie, tourisme, technologie agricole, exploitation minière.

29 Les cégeps et les commissions scolaires offrent de la FME. Il s'agit d'une formation sur mesure connue pour répondre aux objectifs spécifiques des commanditaires voulant perfectionner leurs ressources humaines.  Les établissements font de la publicité ou des offres de services aux entreprises, pour procéder par la suite à l'analyse des programmes de formation et la formulation de programmes adaptés. Différents commanditaires achètent des cours dans les établissements avec ou sans subventions publiques:  employeurs,  associations, ministères, etc.

30 Accord Canada-Québec sur la formation professionnelle. Article 1.18.

31 Un autre rôle des CFP est la collaboration avec les services d'orientation et de counselling dans le processus de sélection des stagiaires aux programmes de formation.

32 Paré, h.   Une analyse de l'Accord Canada-Québec sur la formation professionnelle des adultes ICEA, mai 1987, p. 14.

33 Idem, p. 14

34 Campeau, D., L'Accord Québec-Canada. 1986-1989 et la formation sur mesure en établissement. Avril 1987, p. 1

35 Paré, H., Op. cit. p. 15.

36 Commission ..., Op. cit., p. 95.

37 Commission..., Op. cit.. p. 96-97.

38 Hamel, T., L'enseignement professionnel au Québec: vers une soumission plus étroite de l'école à l'entreprise. INRS Education, Québec 1983, p. 15.

39 Gouvernement du Québec, Un projet d'éducation permanente. Québec 1984, p. 54.

40 Données 1984, citées par Lemieux A., Robert S., L'organisation de l'éducation des adultes au Québec. Agence d'ARC, p. 118.

41 Lemieux, À., Robert S., Op. cit.. p 96.

42 ICEA, Pour une démocratisation de l'éducation des adultes. 1980, pp. 32-33.

43 "L'éducation populaire dans les commissions scolaires", Rapport des travaux et des recommandations du comité provincial à l'intention de la Direction générale de l'éducation des adultes pour le gouvernement du Québec (DGEA). Avril 1986, pp. 10-11.

44 MEQ, Op. cit.. p. 45.

45 Selon la définition du Rapport du Comité provincial sur les orientations en éducation populaire réalisée dans les Commissions scolaires (mai 1987, p. 17) l'animation communautaire consiste en une intervention possible du service d'éducation des adultes qui identifiant ou analysant une situation collective donnée, intervient pour qu'un ou des groupes se créent et agissent pour changer cette situation collective.

Le soutien à l'action communautaire consiste à aider un groupe de personnes, rassemblées en collectif à cause d'une situation sociale problématique commune, à acquérir les maîtrises collectives dont il a besoin pour modifier cette situation.

46 "Rapport final de recherche sur les organismes volontaires familiaux du Québec", ROVEP 1980, cité par Paradis M.F. situation de l'éducation populaire autonome. Septembre 1987, Document de travail.

47 Au Québec, un adultes sur trois a moins de neuf ans de scolarité et près de 7% des adultes ont moins de cinq ans de scolarité. Dans le premier cas, on parlera d'analphabétisme fonctionnel et dans le deuxième cas d'analphabétisme complet. Dans le dernier cas, il s'agit de plus de trois cents mille personnes concernées par le problème. La CEFA recommandait que les campagnes d'alphabétisation vise plus particulièrement cent mille personnes.

48 Rapport du Comité provincial sur les orientations proposées pour l'éducation populaire réalisée par les commissions scolaires, déposé par la Commission scolaire du Long-Sault, juin 1987.

L'éducation populaire autonome au Québec: Situation actuelle et développement, rapport du comité national de révision du programme d'aide aux organismes volontaires d'éducation populaire, présenté au ministre de l'Education du Québec, décembre 1987.

49 La Belle, T.J., Formal, Non formal and Informal Education: À Holistic Perspective on Lifelong Learning, in Revue internationale de pédagogie. XXVIII 1982, pp. 159-175, p. 161.

50 La Belle, T.J., Op. cit.. p. 163.

51 La Belle, T.J., Idem, p. 163. Notons que l'auteur rappelle que chaque mode d'éducation (formelle, non formelle, informelle) possède des caractéristiques à la fois formelles, non formelles et informelles. Nous n'utiliserons pas ces distinctions dans le cadre de ce document.

52 Nous référons ici à une dynamique de réponse aux besoins éducatifs qui soit à la fois immédiate et impulsée par ceux là même qui y ont intérêt.

53 Lamoureux, H., A propos des groupes populaires in Offensives. Volume 1, # 2, 1981.

54 Nous exposons ces modèles au cours des prochaines pages.

55 On n'a qu'à rappeler ici l'expansion considérable des réseaux scolaires dans les sociétés industrielles au cours des années soixante (voir section 1.2).

56 Voir la définition que donne T. La Belle des caractéristiques du système formel.

57 ICEA, Op. cit.

58 L'inquiétante proportion de "drop out" dans les écoles secondaires conférera encore plus d'importance à ces programmes spéciaux.

59 Voir section 1.2.

60 On a fait état à la section II d'une évaluation générale des pratiques de formation les plus répandues en entreprise.

61 La Commission d'enquête québécoise sur la formation des adultes constatait au début des années quatre-vingt de graves lacunes dans la formation de base de nombreux adultes québécois. Le taux d'analphabétisme fonctionnel en était une manifestation assez spectaculaire. Cette commission fit une mise à jour des éléments que devrait contenir une telle formation de base:

la découverte de ses (l'individu en formation) propres ressources; le développement de capacités autonomes d'apprentissage (analyse, sens critique, résolution de problèmes spécifiques); l'acquisition de capacités de décisions et d'action au travers de l'apprentissage des principaux rôles sociaux (parents, travailleurs , consommateurs);

la sensibilisation aux réalités de son environnement immédiat (ex: santé) mais aussi aux réalités vécues par d'autres groupes sociaux.

L'importance de cette formation de base s'évalue en fonction des possibilités de vie qu'elle devrait conférer. Comme le mentionne le "Adult Basic Education Committee Interim Report" de la Saskatchewan Continuing Education:

to increase education for purposes of self improvement;

to acquire the academic prerequisites to enter technical vocational

trade or other post secondary training programs;

to prepare for employment;

to develop living and social skills.

Cette formation de base apparaît ainsi comme une condition essentielle à la poursuite d'une formation professionnelle spécialisée ou centrée sur le développement d'habiletés personnelles ou sociales spécifiques, ou encore d'une formation générale axée sur l'approfondissement de connaissance associées au développement d'une culture personnelle.

62 Cette analyse s'inspire largement des propos de A. Thibeault, responsable de programme à la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal.

63 Nous ne traiterons pas ici des activités de croissance personnelle puisque bien souvent le financement n'en est pas assuré par l'Etat.

64 Pour celles-ci, le Programme québécois de formation offre un soutien compensatoire au programme fédéral, notamment pour la conception du projet et les ressources humaines.

65 Pour pallier cette difficulté, certains organismes se sont transformés en entreprises de services pour d'autres organismes, ce qui n'est pas toujours sans poser problème sur la priorité à accorder à l'action de formation ou à l'action d'auto-financement.

66 Au point de départ de la négociation Ottawa-Québec, le gouvernement fédéral voulait faire de cette dynamique l'essentiel de son projet de formation professionnelle.

67 Suite aux pressions des organismes volontaires, le ministère de l'Education a annoncé au printemps '88 de mesures qui pourraient constituer une amorce de reconnaissance de ce mouvement d'éducation populaire autonome: mise sur pied d'un comité de liaison permanent sur l'éducation populaire autonome pour aviser le ministre, financement de fonctionnement des trois principales structures nationales de représentation des organismes, comités d'appel concernant les décisions d'accréditation et d'allocation budgétaire, admissibilité pour fins de subvention d'une partie des frais d'infrastructure des groupes. L'avenir dira si ces mesures seront suivies d'une véritable politique de développement du réseau autonome en éducation populaire, car force est de constater que les investissements de l'Etat dans ce domaine ont très peu augmenté depuis le milieu des années '80 et ne représentent en '88 que 0.18% du budget du ministère de l'Education!

68 Conseil  supérieur de  l'Education,  Les  nouveaux lieux éducatifs. Fév. 1987, p. 49.

69 Idem, p. 50.

70 Extrait du document de P. Paquet, Op. cit.

71 ICEA-CAAE, Du point de vue des adultes. Montréal-Toronto, oct. 1982, p. 4.

72 Cette enquête menée sous l'égide du Conseil des ministres de l'Education (Canada) ne visait que les activités éducatives correspondant au premier cycle universitaire, qu'elles soient dispensées ou non par des institutions d'enseignement. Pour connaître les résultats de l'étude faite sur la situation au Canada, consulter l'ouvrage suivant: Paquet, Pierre, La participation des adultes à l'enseignement supérieur. Montréal, Université de Montréal: Faculté de l'éducation permanente, mars 1984, 125 pages.

73 Certaines données relatives aux personnes ayant étudié à plein temps, et à temps partiel, en 1983, ont été fournies en annexe du rapport du Secrétariat d'Etat, mais le coeur du document ne tient pas compte de cette sous-population (Devereaux, M.S. op. cit., pp. 52-54).

74 Selon les données du rapport du Secrétariat d'Etat, au Canada, 20% des étudiants a plein temps ont également suivi ."un cours d'éducation des adultes" en 1983 (soit environ 335,400 personnes) Devereaux, M.S., Op. cit., p. 52.

75 Citons à titre d'exemple la Commission fédérale d'enquête sur le congé éducation et la productivité mise en place en mai 1978, la Canmission québécoise d'étude sur la formation des adultes instituée en janvier 1980, le Groupe de travail sur le congé de perfectionnement créé en janvier 1983 et enfin, le Jury consultatif national sur le congé de perfectionnement dont le rapport a été rendu public en mars 1984.

76 L'enquête de janvier 1984 sur l'éducation des adultes a abordé ce dernier aspect (les différents pourvoyeurs de services éducatifs), mais seulement dans le cas des études à temps partiel. Nous ne disposons d'aucune information sur la formation à plein temps que peuvent suivre les adultes, par exemple en dehors des institutions d'enseignement. Nous ne connaissons pas non plus la nature des formations suivies à plein temps par des adultes dans le cadre des institutions d'enseignement.

77 A l'âge de 25 ans, seules certaines personnes inscrites au doctorat dans les université pourraient encore théoriquement être considérées comme en formation initiale. Compte tenu du nombre limité de cas correspondant à cette situation, nous avons choisi de définir comme "adultes" toutes les personnes âgées de 25 ans et plus.

78 Extrait du document de P. Paquet, Op. cit..

79 Question 19 de l'enquête sur l'éducation des adultes.

80 Question 20 de l'enquête sur l'éducation des adultes.

81 DEVEREAUX, M.S., Op. cit.. pp. 19-44.

82 Dossiers de Pierre Doray et Andrée Demers réalisés pour le compte de l'ICEA, à paraître.

83 Question 22 : Dans quel but principal... a-t-il (elle) suivi ce cours?

84 Question 21: Qui a organisé le dernier cours qu'a suivi ... c'est-à-dire qui l'offrait?

85 Question 25 : Qui a assumé les frais de scolarité ou de formation?

86 Question 12: En 1983... a-t-il (elle) reçu au travail ou ailleurs, une formation destinée à accroître sa compétence professionnelle?

87 picot, W. Garnett, Adult Training and Related Labour Market Issues, à paraître

88 Question 22 relative au but principal (la motivation).

89 La question 20 identifie cinq catégories de réponse possible, dont les cours ayant trait au travail.

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