Le mieux c'est de garder Radio-Québec : une autre télévision au service du public

RAPPORT DU DÉBAT PUBLIC CONCERNANT L'AVENIR DE RADIO-QUEBEC

le mardi, 25 avril 1989

Rédaction du rapport: Lina Trudel

Montréal, le 12 juin 1989.

Table des matières

1 - PRÉSENTATION

2 - ALLOCUTION D'OUVERTURE

3 - EXPOSES DES PANELISTES

Par: M. Guy ROCHER

Par: M. François JOBIN

Par: M. Pierre-Emile Beaulieu

Par: Madame Esther Désilets

4 - SYNTHÈSE DES INTERVENTIONS

5 - LES PISTES DE SOLUTIONS ET LES RECOMMANDATIONS

1 - PRÉSENTATION

La courte existence de ce réseau éducatif québécois a été marquée par plusieurs remises en question. De nombreux facteurs peuvent expliquer les difficultés rencontrées par Radio-Québec dans la réalisation de son mandat, et l'ambiguïté de départ relative à sa raison d'être y est certainement pour quelque chose. Il est, en effet, important de rappeler que le mandat éducatif de Radio- Québec a servi, en grande partie, de prétexte pour permettre au Québec de contourner la juridiction exclusive du fédéral en matière de radiodiffusion et de se doter ainsi d'un réseau de télévision bien québécois. Radio-Québec a donc été entraînée, dès sa création, à chevaucher entre la réalisation de deux mandats: être officiellement un réseau éducatif et jouer officieusement le rôle d'un réseau de télévision québécois. Cette ambivalence a marqué toute l'évolution de Radio-Québec. Il ne faut donc pas s'étonner de constater que Radio-Québec ne soit plus actuellement un réseau vraiment éducatif, même au sens large, et qu'il ne soit pas non plus un réseau généraliste tout à fait comme les autres.

Ce double mandat est aussi à l'origine de beaucoup de malentendus entre Radio-Québec et les divers milieux, car les attentes face à Radio-Québec étaient forcément centrées sur son mandat officiel.

Depuis la création de Radio-Québec jusqu'à la tenue de ce débat public, l'Institut canadien d'éducation des adultes (ICEA) est intervenu à toutes les étapes importantes de l'évolution de Radio- Québec. Au départ, nous avions contesté fortement le premier plan de développement de Radio-Québec et réclamé une consultation populaire afin que la population se prononce sur les orientations de ce réseau qui devait lui appartenir. Cette consultation eut lieu en 1975 et un consensus général s'est exprimé en faveur d'un réseau vraiment éducatif (non scolaire) et régionalisé.

En 1978, ce même consensus s'est exprimé dans le cadre des travaux du comité sur le développement de Radio-Québec (le comité Rocher). Huit ans plus tard, Radio-Québec n'était plus une télévision éducative régionalisée, mais une télévision éducative et culturelle pour le grand public et par surcroît commerciale. C'est en effet en 1986, que furent abolis, malgré une très forte opposition, les comités et les structures régionales de production. Depuis lors on ne cesse de se demander «Où s'en va Radio-Québec » ?

Les changements majeurs apportés à la programmation de cette année et la chute dramatique des cotes d'écoute ont contribué à relancer, à nouveau, le débat sur le mandat éducatif de ce réseau public.

Des orientions à débattre collectivement

Selon l'Institut, la situation de Radio-Québec était à ce point sérieuse qu'il fallait craindre pour son avenir. Convaincu que le sort de ce réseau éducatif concerne le public en général et les groupes sociaux, l'ICEA a voulu leur offrir un lieu pour s'informer et débattre publiquement des orientations de Radio- Québec.

Afin d'alimenter cette réflexion et dépasser le simple niveau des dénonciations, l'ICEA. avait demandé à cinq conférenciers de nous exposer leur analyse de la situation et s'était adressé à un certain nombre d'associations leur demandant de préparer à, l'avance, une courte intervention sur leurs perceptions et attentes face à Radio-Québec.

Vous trouverez donc dans ce rapport les exposés complets des conférenciers et une synthèse des interventions des participants et participantes. Fait à noter, environ 150 personnes provenant d'horizons très différents ont répondu à l'invitation de l'ICEA. C'est donc dire que l'avenir de Radio-Québec préoccupe beaucoup de gens. Nous avons, en effet, été à même de constater, lors du débat, que les participants et participantes même s'ils ont critiqué sévèrement Radio-Québec, tenaient à ce réseau éducatif.

Dans le contexte de la commercialisation à outrance de la télévision, Radio-Québec pourrait offrir une alternative intéressante à la population. La majorité des témoignages et interventions ont cependant démontré que Radio-Québec a dévié considérablement de cette trajectoire. On a aussi identifié plusieurs facteurs qui sont à l'origine du fait que Radio-Québec soit devenue une télévision de plus en plus semblable aux autres. En général, cependant, on ne croit pas que cette évolution était inéluctable, et on demeure confiant dans la possibilité de voir Radio-Québec revenir à son mandat éducatif et culturel. Aussi plusieurs pistes de solutions ont été suggérées pour favoriser cette réorientation de Radio-Québec.

2 - ALLOCUTION D'OUVERTURE

Par: M. Jacques GODBOUT, auteur et cinéaste

Il ne faut pas s'illusionner: toute discussion à propos d'une bonne ou d'une mauvaise télévision est probablement un exercice inutile. Le champ audiovisuel n'est plus aujourd'hui un lieu de débat moral, c'est tout au plus un enjeu politique. Jusqu'à tout récemment, à l'époque de la rareté, l'Etat était gardien des ondes. La technologie en multipliant les canaux a non seulement banalisé la télévision, elle en a fait un simple objet de commercialisation.

Nous avons désormais une presse électronique qui peut livrer à domicile, 24 heures sur 24, plus de programmes audiovisuels que l'on n'en peut regarder. Or, pour paraphraser un titre récent, "Plus le choix à la télévision est grand, moins on a de liberté". L'explication est simple, le bassin de spectateurs ne s'est pas multiplié par 30 ou par 50 quand sont arrivés le UHF, le câble et les satellites. C'est la même population que s'arrachent désormais tous les diffuseurs qui sont tous devenus des marchands et depuis le bassin de créateurs ne s'est pas lui non plus multiplié. En fait les sociétés de télévision sont comme les compagnies de boisson gazeuse qui offrent 30 marques faites d'eau et de sucre dont seules les essences varient. Ce qui croît c'est le nombre de marques de commerce, mais parce qu'elles offrent toutes des variations sur un même thème, il n'y a pas de véritable accroissement de la liberté.

Radio-Québec, produit et diffuse sa boisson gazeuse. (On vient d'en voir un commercial). Nous sommes réunis pour en discuter le goût. Certains voudraient une essence citronnée, d'autres y mettraient un peu plus de sucre, mais est-ce vraiment la peine d'en débattre?

Dans une lettre à son frère Théo, Vincent Van Gogh demande: «Comment devient-on médiocre»? Bien sûr, «en faisant des compromis dit-il, en renonçant à nos principes, en niant ce que l'on croit et, ajoute-t-il, en tentant de plaire au plus grand nombre». Van Gogh n'a fait aucun compromis, il est mort n'ayant vendu qu'une seule toile de toute sa vie. Aujourd'hui, ses tournesols sont à Tokyo payés dans les millions de dollars.

Van Gogh était génial. La télévision peut-elle être géniale? Evidemment pas. Elle pratique le spectacle continu et ses entractes, plutôt que d'être de silence, sont fait de messages commerciaux. Van Gogh produisait des oeuvres qui durent encore, ses tableaux existent encore, on les vole, on les vend, on les admire 100 ans plus tard. Personne ne va conserver les émissions de télévision déjà diffusées. Elles sont faites pour l'instant, jetables comme le journal d'hier, on n'y peut pas emballer les épluchures de légumes mais c'est tout comme. La télévision n'est qu'un moyen de communication. Peut-on la prendre au sérieux?

J'ai vécu, il y a quelques semaines, une expérience mémorable. Présidant le jury du Festival des films sur l'art, j'ai visionné pendant toute une semaine, du matin au soir, des films documentaires dont le propos se situait au niveau de la culture. J'ai eu la certitude, cette semaine-là, que l'art était d'une grande importance et que la vie de l'esprit était essentielle. J'aurais voulu partager avec des milliers de personnes cette pratique d'un haut niveau. Or, on sait que la majorité des films de ce festival ne seront jamais télédiffusés, ils s'adressent à un trop petit auditoire. La télévision ne s'intéresse pas au mémorable.

Peut-on prendre la télévision au sérieux? De moins en moins, je crois, depuis qu'elle diffuse de plus en plus. Et même au plan de l'information, il est difficile de la prendre au sérieux. Guy Debord souligne que le spectateur qui regarde toujours pour savoir la suite des nouvelles n'agira jamais. Informer devient un double contrôle que va assurer assurément le Canal All News de Radio- Canada.

Evidemment, l'Etat pourrait offrir aux citoyens une alternative culturelle, éducative et d'information en contre-partie du laisser-aller des télévisions commerciales. Mais à cette question la réponse des gouvernements ces années-ci, vous le savez mieux que moi, c'est «peut-être».

En attendant un «oui» ou un «non» fermes et qui ne viendront probablement pas, Radio-Canada est devenue une télévision commerciale d'Etat et Radio-Québec une télévision d'Etat commerciale. L'une et l'autre société, à des degrés divers, vendent des téléspectateurs à leurs commanditaires. Radio-Québec pousse même le compromis jusqu'à permettre à ses journalistes d'être des hommes sandwiches ou des femmes sandwiches, habillés et coiffés par des boutiques dont on fait la promotion. Que se passe- t-il?

Nous habitons une société où l'on ne s'adresse plus à des citoyens, mais à des consommateurs. La pensée dominante n'est plus celle des hommes de culture mais celle des managers. Les gouvernements veulent plaire. Leur cote d'écoute à eux c'est le sondage d'opinions et les hommes politiques ne croient plus qu'ils ont des valeurs à transmettre et à défendre mais qu'ils sont élus pour satisfaire des désirs. Nos parlements sont désormais gérés, de ministère en ministère, comme des entreprises de commerce. Dans cette perspective, il est même étonnant que nous ayons encore un système d'éducation public. Peut-être Lavallin va-t-il l'avaler un jour!

Mais il n'est pas étonnant que la privatisation ait d'abord touché les moyens de communication. Air Canada vendu, on pourra toujours brader Radio-Canada et Radio-Québec suivra bien le chemin de Québec Air. Le modèle auquel on se réfère parce qu'il est proche et connu est continental, c'est celui des Etats-Unis. Or, si les Etats-Unis se passent d'un réseau d'Etat, pourquoi pas nous? Le discours de la privatisation est clair. Il n'est pas que de madame Thatcher.

Je voudrais citer à ce sujet un professeur à l'Université de Paris-Dauphine, maître de conférence à l'Institut d'études politiques de France, M. François Mariet.« Notre postulat», dit- il, «est délibérément démocratique», (et je me permettrai de souligner les mots au fur et à mesure qu'il les utilise) «notre postulat est délibérément démocratique: que le marché de la télévision soit libre, la concurrence aussi parfaite que possible et les clients feront valoir leurs choix». Alors maintenant on a une démocratie pour les clients! «La télévision commerciale est ce qui se rapproche le plus, dit-il, de la démocratie télévisuelle au sens éthymologique du terme, c'est-à-dire que les téléspectateurs décident et jugent. Chaque jour, à chaque minute, les téléspectateurs élisent leurs émissions et leurs chaînes favorites ou préférées. La télévision commerciale est démocratique par nécessité, dit-il, tandis qu'il faut beaucoup de vertus à la télévision publique pour ne l'être qu'un peu. Avec la télévision commerciale, le pouvoir appartient aux parents et aux enfants. A eux de se comporter en consommateurs responsables». Moins l'Etat mettra son nez dans la télévision, mieux celle-ci s'en portera. Je pense que cette prise de position très claire de M. Mariet est certainement l'une de celles qui dominent en ce moment.

A ce discours du Français, François Mariet, on peut peut-être ajouter celui de l'Américain, Neil Postman, celui-ci est professeur à l'Université de New-York et théoricien de la communication. Postman ne veut même pas discuter de la valeur culturelle de la télévision. Pour lui elle ne peut être qu'un divertissement. Et Postman d'ajouter, "je n'ai pas l'intention d'élever d'objections contre les futilités à la télévision, car les meilleures choses à l'écran sont ces futilités justement, qui ne menacent rien et personne et de toute façon on ne juge pas une civilisation sur sa production de trivialités évidentes, mais sur ce qu'elle affirme être important. C'est là justement que se trouve le problème, car la télévision est triviale et n'est vraiment dangereuse que quand ses aspirations sont les plus élevées". Aux yeux de Postman ce sont ceux qui prennent la télévision au sérieux qui sont dangereux: vous en êtes!

Pour lui la télévision ne peut concurrencer la bibliothèque, c'est évident. Mariet veut une télévision qui soit semblable (mettons) au marché des magazines et revues que l'on voit assez merveilleusement dans ces nouvelles boutiques à travers Montréal où l'on vend des revues du monde entier sans contrôle, diversifiées, concurrentielles, amusantes, commerciales. Postman dit que la télévision ne peut être qu'à ce niveau de toute manière et que tout effort pour la rendre éducative et culturelle est un mensonge dangereux.

Or, cinquante ans de progrès techniques et d'enrichissement nous ont donné cinq heures par jour de loisir approximativement, nous disent les sociologues. Tous les progrès de la science et le prolongement de la durée de la vie nous ont donc menés dans un fauteuil puisque de ces cinq heures de nouveaux loisirs que nous laissent les robots, nous en passons trois devant l'écran cathodique. La télévision peut-elle, à ce compte, n'être que divertissement?

Nous sommes aujourd'hui devant un paysage audiovisuel de plus en plus confus. Les frontières entre la programmation des chaînes privées et des chaînes d'Etat tient du plus beau flou artistique qu'on puisse connaître. Les vedettes, les journalistes, comme les cadres du management, passent d'un canal privé à un canal public sans hésiter, comme s'il s'agissait d'une même télévision. Ah! il s'agit peut-être d'une même télévision. C'est peut-être nous qui sommes idiots.

Car ultimement, toutes les chaînes, privées ou publiques sont financées par les deniers publics. Les coûts des annonces publicitaires sont des abris fiscaux, la confusion est si bien entretenue que depuis deux ans le gouvernement canadien, sans aucune protestation de qui que ce soit, subventionne la télévision privée. Voyez Téléfilm Canada qui investit dans des émissions que TVA et que Quatre-Saisons diffusent, voyez l'Office national du Film qui accepte de diffuser, de vendre à rabais, en première passe, des films sur les réseaux commerciaux subventionnant ainsi à coup de 3 ou 400,000 $ dollars les réseaux privés. Personne ne proteste. Peut-être parce que tout est semblable et que tout peut se changer, tout peut s'inverser.

Peut-être est-ce que la télévision, après tout, n'est qu'un divertissement, un music-hall domestique, une sorte de radio populaire avec des images qui a pour but de rassembler le plus grand nombre possible de spectateurs. Comment s'en étonner, car Guy Debord en parle dans ses commentaires sur la société de spectacles, il dit "il n'existe plus rien dans la culture et la nature aujourd'hui qui n'ait été transformé et pollué selon les moyens et les intérêts de l'industrie moderne. La télévision fait partie de ces pollutions et de ces transformations de l'industrie moderne".

La télévision n'est plus l'affaire des gens de culture et des intellectuels. Je vous avoue avoir rencontré, il y a quelques semaines, ces gens de culture que sont pour moi les Raymond David, ou les Marc Thibault, lors d'une réunion, et je les voyais me parlant d'une autre télévision et se désolant de ce qui se passait. Bien sûr! Mais la télévision n'est plus pour eux, n'est plus d'eux, n'est plus dirigée par ce genre de personnes; elle a transformé notre civilisation en lieu de spectacles et pendant que l'on restait le nez collé au petit écran, l'industrie se fusionnait, sans se cacher, de plus en plus intimement au gouvernement.

Il y a de moins en moins de distance aujourd'hui entre le discours de l'Etat et celui des chambres de commerce. La confusion que l'on perçoit dans le mandat de la télévision publique, sachons-le, c'est la face visible de la prise en charge de l'Etat par les sociétés commerciales.

Si la télévision donc ne peut être géniale, si elle ne sait qu'être triviale, à quoi peut servir une chaîne publique? A contrarier les effets d'entraînement du commerce, peut-être? A refuser de jouer le rôle de système de communication pour le plus grand nombre? A refuser la médiocrité au non de l'intelligence et de la survie de l'espèce?

Personnellement quand je veux respirer à la télévision, plus souvent qu'autrement je me retrouve dans la marge: à PBS, à TVOntario, ou à TV 5. Or il me semble qu'un canal de diffusion québécois me manque qui oserait m'étonner, m'instruire, me provoquer. La télévision de Radio-Québec hésite, me semble-t-il, entre la cuisine et la salle de classe. Dans la cuisine on discute de sexe, dans la salle de classe des animateurs omniscients prétendent nous expliquer le monde, le Tiers-Monde, ou la circulation de l'argent.

Entre deux messages commerciaux, la programmation semble faite pour la génération du babyboom, les sujets personnels en particulier, individuels, privés l'emportent sur la dimension sociale ou documentaire. Radio-Québec, au plan du contenu, c'est la télévision du nouvel âge, au plan formel c'est la télévision du Moyen-âge.

Pour retrouver une télévision publique originale, éducative et provoquante, il faudrait accepter de replacer la culture au centre de nos vies. Il faudrait reconnaître à la pensée la première place. Je crains que nous en soyons loin. En attendant, on peut toujours discuter du goût des eaux gazeuses, mais est-ce vraiment cela qui est en cause?

En réalité, au plan épistémologique, la télévision est surtout importante parce qu'elle est structurante, parce qu'elle nous amène à penser le monde d'une façon différente, peu importe la qualité des émissions. La preuve en est que l'Institut, ce soir, qui prétend vouloir nous amener à réfléchir à la présence de Radio-Québec, a commencé par nous présenter un long commercial, suivi par ces dix minutes qui sont en train de se terminer, qui sont minutées, on a prévu un panel de personnalités imminentes qui chacune auront quelques minutes pour parler, on a demandé, par lettre, aux représentants des associations de préparer chacun leur petit 5 minutes d'intervention, pour que ce ne soit pas trop long. En somme la mise en scène est là, le minutage est là, l'Institut veut ce soir faire un bon talk show. C'est cela l'effet corrosif de la télévision, le spectacle l'emporte désormais sur la pensée, l'Institut ne pouvait faire autrement.

3 - EXPOSES DES PANELISTES

Par: M. Guy ROCHER, Professeur à la faculté de droit de l'Université de Montréal et ex-président du comité qui s'est penché en 1978 sur le développement de radio-Québec

Paradoxalement, je dirai que la seule raison pour laquelle je suis ici, c'est que je regarde peu la télévision depuis un certain temps! Comme si j'avais lu à l'avance le texte de Jacques Godbout, je me rends compte que pour les mêmes raisons que lui je suis un faible consommateur. J'ai été beaucoup plus consommateur autrefois, cependant, à une époque où j'ai été impliqué dans l'avenir de Radio-Québec. C'était en 1977-1978 et à ce moment-là, Radio-Québec était en grève, à peu près au bord de la fermeture, et je puis dire que, lorsque le président de l'époque, M. Labonté, a présenté au gouvernement son plan triennal, la réaction du gouvernement (c'était le gouvernement Lévesque dans son premier mandat) a été de dire «le pire, c'est de garder Radio-Québec». C'était vraiment ce qu'on croyait de Radio-Québec, c'était la perception que l'on en avait. C'était un mal que l'on jugeait de moins en moins nécessaire, si bien que, devant ce plan triennal, la réaction du gouvernement a été de nommer un comité pour évaluer l'opportunité de garder Radio-Québec. Et j'ai eu la responsabilité de présider ce comité à l'époque. J'avais demandé à M. Lévesque quand il m'avait nommé s'il voyait en moi le fossoyeur.

Le comité a travaillé pendant plusieurs mois, a présenté un rapport au gouvernement à partir duquel, finalement, le gouvernement a repris confiance en Radio-Québec. C'est de ce rapport qu'est sorti la législation de 1978 qui a relancé Radio- Québec sur la voie, une nouvelle voie je dirais, la voie d'une télévision à la fois éducative et régionale. J'ai relu ce rapport, pour voir comment je le réécrirais 12 ans après. Je le signerais encore parce que j'ai le sentiment que, périodiquement, il faut sauver Radio-Québec et c'est peut-être ça qu'on est encore en train de revivre. Quand j'entends dire que «le mieux, c'est de garder Radio-Québec», ça me rappelle cette période de 1977-1978 où on était vraiment au bord de fermer Radio-Québec. Je voudrais ce soir parler de ces deux caractères de Radio-Québec, qui la singularisent: une télévision éducative et régionale.

Pour moi, Radio-Québec représente une entreprise extrêmement difficile et extrêmement exigeante puisqu'elle se veut, et on le lui a imposé ainsi, une télévision éducative. Je suis un vieux professeur, j'enseigne depuis près de 40 ans, je sais ce que c'est, une entreprise éducative, parce que j'ai vécu toute ma vie de l'ignorance des autres, et de la mienne aussi! Il y a des médecins qui ont vécu de la maladie, moi j'ai vécu de 1'ignorance. C'est ce qui m'a permis d'élever ma famille!

L'ignorance des autres, ce n'est donc pas pour moi un mal, c'est même un certain bien dont je profite, jusqu'à un certain point. Trêve de plaisanteries: vivre de l'ignorance et constamment penser à l'ignorance, c'est un grand défi. Si c'est un défi très difficile dans une entreprise d'enseignement, ce l'est encore bien plus dans une entreprise de média de masse. C'est un défi presque surhumain que l'on a imposé à Radio-Québec ou que Radio-Québec s'est imposé. A cet égard, en vieil éducateur ou en vieux professeur que je suis, je me sens donc en sympathie avec Radio- Québec.

Il est bien plus difficile de réaliser un programme éducatif, encore plus dans une télévision de masse que dans une université, parce qu'on s'adresse à une masse qui n'est pas devant nous. On ne s'adresse pas à un petit auditoire captif, comme celui qu'on a dans une salle de cours. Et surtout, on est dans une période où les mass-médias sont de plus en plus considérés non plus comme éducatifs mais comme des amuseurs publics.

A cause de cela, je crois qu'il faut revenir sur la notion du caractère éducatif de Radio-Québec. Et je dirais pour ma part qu'il y a deux traits sur lesquels je voudrais mettre l'accent très rapidement. Le premier, c'est qu'une télévision éducative exige un rapport éducatif avec un auditoire. A mon avis, il n'y a pas d'éducation sans une communication éducative, sans une communication qui ne soit pas à sens unique, mais qui soit un dialogue, une discussion, qui peut être même une engueulade, une contestation. Bref, l'éducation ne va pas sans une interaction et cette interaction est particulièrement difficile lorsque on est dans le domaine des médias. Cela suppose donc, à mon avis, de la part de Radio-Québec, une réflexion constante, non seulement sur sa programmation, mais plus encore sur son auditoire.

Je trouve que très souvent, dans les médias, on est centré sur les artistes, les animateurs, les joies des réalisateurs, les besoins de la technique, mais pas beaucoup sur l'auditoire. Bien sûr, nous avons vu tout à l'heure dans le «commercial» de Radio-Québec une enquête auprès d'enfants. Mais ce ne sont pas les enfants qui m'intéressent tout particulièrement, ce sont les adultes. Quel est l'intérêt de Radio-Québec pour les adultes, pour la composition de l'auditoire adulte, pour les carences et les besoins de cet auditoire et surtout pour la relation précise que l'on peut avoir avec cet auditoire et les moyens d'établir cette relation?

Parmi les moyens d'établir cette relation, je souligne, en second lieu, que l'action éducative doit s'adresser à cette faculté humaine généralement la plus négligée dans l'enseignement: la faculté d'étonnement. Si des étudiants s'ennuient en classe, si des téléspectateurs décrochent, c'est qu'on n'est pas allé chercher leur curiosité, on n'a pas éveillé leur attention, on n'a pas fait appel à leur étonnement. Qu'on ne se m'éprenne pas: je ne parle pas de l'étonnement béat que peut produire le gadget ou le clinquant. Je parle de l'étonnement de l'intelligence qui est tout à coup saisie par son ignorance, qui prend conscience de son ignorance et qui est invitée à s'ouvrir à la connaissance. C'est l'étonnement qui engage l'esprit dans une démarche de réflexion ou d'enquête, qui se poursuivra bien au-delà d'un cours ou d'une émission.

La télévision éducative ainsi conçue est très exigeante. Pour la réaliser, une condition s'impose: il faut avoir une recherche bien organisée, une recherche bien planifiée, une recherche qui soit branchée, non pas sur le nombre d'auditeurs ou de téléspectateurs mais branchée sur le caractère éducatif de la boîte, c'est-à-dire un solide bureau de recherche à l'intérieur de la boîte qui se préoccupe d'évaluation, évaluation des programmes mais aussi évaluation de la réaction de l'auditoire, de l'attention aux auditoires, de l'évolution du contexte des médias en ce moment. Cette recherche me paraît beaucoup trop négligée dans l'ensemble des médias au Québec, mais particulièrement à Radio-Québec.

Le deuxième caractère de Radio-Québec, sur lequel je veux terminer, c'est que le rapprochement avec les auditoires me paraît appeler un retour à la notion de régionalisation. Je sais ici que mon message va probablement tomber à plat, que je m'adresse à un auditoire de Montréalais et non pas de Rimouskois et que nous ne nous rendons pas compte ici à Montréal que nous faisons une télévision régionale, c'est-à-dire une télévision de la région de Montréal que nous diffusons à l'extérieur. Deuxièmement et surtout, la régionalisation n'est plus à la mode. On se gausse facilement maintenant de la participation, dont on faisait si grand état autrefois. Et pourtant, personnellement, je continue à croire que la régionalisation est un élément inhérent au caractère éducatif de Radio-Québec. C'est-à-dire que pour moi, le moteur qui a vraiment donné, pendant quelque temps, un sens à la vocation éducative de Radio-Québec, ça a été sa régionalisation.

Le moment où Radio-Québec a le plus réfléchi sur sa vocation éducative, c'est quand Radio-Québec a fait un certain effort, au début des années 80, pour se régionaliser un peu sérieusement. La régionalisation est, à mon avis, un des éléments de nourriture de la programmation éducative, c'est un élément essentiel pour engager la relation et le dialogue avec l'auditoire, pour établir un réseau d'artisans qui soit autre que seulement montréalais et pour faire de la télévision autre chose qu'une passivité devant un petit écran. Mais j'entends une vraie régionalisation, et non pas le semblant dans lequel, à mon avis, on est tombé depuis la législation de 1986: on a alors mis fin à une expérience qui ne faisait que commencer à donner ses fruits.

Je termine en disant qu'au-delà de ces quelques remarques, il y a des considérations budgétaires qui vont s'imposer. Si l'on veut vraiment donner à Radio-Québec sa place, il faudra convaincre le gouvernement que cette institution fait partie du système d'éducation québécois. Je ne dis pas du système d'enseignement, je dis du système d'éducation. Nous parlons souvent volontiers du système d'éducation pour parler du système d'enseignement, c'est évidemment une petit erreur de sémantique. Mais le système d'éducation entendu au sens élargi comprend à mon avis une institution aussi essentielle que Radio-Québec et en ce sens les dépenses de Radio-Québec appartiennent aux dépenses essentielles du système d'éducation québécois.

Par: M. François JOBIN, de l'Association des réalisateurs de Radio-Québec

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à préciser qu'à titre d'artisan de la télévision, non seulement je regarde la télévision, mais encore, je n'ai pas honte de le dire. Contrairement à Neil Postman qu'a cité monsieur Godbout, je crois que la télévision peut offrir des contenus valables, enrichissants même. J'irai même plus loin en citant à mon tour Ignacio Ramonet, le rédacteur en chef du «Monde diplomatique» qui disait lors de son récent séjour chez nous que «l'audiovisuel constitue aujourd'hui le principal véhicule de culture» et qu'à ce titre, on ne peut plus l'ignorer ou lever le nez dessus. Il est vrai que les ondes sont actuellement entre les mains de gens qui n'y voient qu'un moyen de réaliser un profit. Mais il n'est écrit nulle part que la télévision doive en rester là.

Passons maintenant au propos de la soirée.

J'ai envie de commencer par un paradoxe: si, comme certains le croient, Radio-Québec coûte cher, c'est précisément parce qu'elle ne coûte pas encore assez cher. Autrement dit, les sommes que l'Etat investit dans cette institution ne sont pas encore suffisantes pour permettre à Radio-Québec de réaliser son plein potentiel.

Devant cette quasi indigence - qui est devenue à Radio-Québec presque une seconde nature - et devant l'impossibilité (ou le refus) d'augmenter la subvention de base, on a essayé par le passé de trouver des solutions:

[1] La publicité

L'apparition de Radio-Québec sur le marché comme diffuseur de commerciaux a eu des conséquences sur la personnalité de la maison. S'engager dans cette voie signifiait qu'on acceptait d'avance de jouer le jeu des cotes d'écoute. Or, les objectifs éducatifs et culturels de Radio-Québec sont pratiquement incompatibles avec les lois de l'audience massive. Devant le dilemme mandat éducatif vs séduction de l'auditoire, Radio-Québec n'a jamais vraiment choisi. Elle s'est mise à moins bien faire son travail de diffuseur culturel sans se résoudre - parce qu'elle n'en avait pas vraiment les moyens et aussi, selon toute vraisemblance, parce que quelque part au fond d'elle-même elle éprouvait comme une pointe de culpabilité - à sauter carrément dans l'arène du divertissement. Il en a résulté un produit mi-chair mi-poisson qui a dérouté l'auditoire avant de le décevoir au point de le chasser. Evidemment, la baisse de l'auditoire a entraîné une chute des revenus de la publicité.

[2] La coproduction

En versant un pourcentage de son budget de production à l'entreprise privée, Radio-Québec espérait faire d'une pierre deux coups. D'une part, on investissait de petites sommes dans l'espoir de recueillir en bout de piste des émissions qu'on n'avait pas les moyens de produire à l'interne, d'autre part, on prodiguait à l'industrie privée de l'audiovisuel un coup de pouce pour lui permettre d'acquérir une certaine autonomie.

C'est vrai que Radio-Québec a profité de productions qui n'auraient pas vu le jour sans un apport de Télé-film Canada. Mais peut-on parler de réussite? «Michel Jasmin», à ce que je sache ne s'est pas révélé un succès, «Vidéotour» bat de l'aile pour la deuxième année, «L'Agenda» a été retiré de l'antenne et «Table-rase» ne tardera pas à le suivre, «Visa Santé» réussit comme elle peut, «Lumière», malgré l'excellence de sa facture ne parvient pas à décoller. Malgré des téléfilms de fort bonne tenue, la grille reste terne, indigeste, plutôt pauvre. Les grands succès de la maison demeurent les productions internes réalisées par les artisans-maison: «Passe-Partout», «Parler pour parler», «Droit de parole», «Nord/Sud» et cette année, «Le Club des cent watts».

Par ailleurs, l'entreprise privée est-elle plus autonome pour autant? On peut en douter car enfin bon nombre de compagnies de production qui ont vu le jour grâce aux largesses gouvernementales ne manqueraient pas de disparaître si un jour la source étatique de financement se tarissait.

Que l'Etat donne une «chiquenaude initiale» aux entreprises indépendantes, c'est normal. Mais le public qui paie est en droit de s'attendre à ce que ces dernières apprennent à voler de leurs propres ailes. Sinon l'Etat se voit obligé de maintenir deux systèmes parallèles, le public et le privé, avec les mêmes sous. C'est un peu ce qui se passe à l'heure actuelle: la ponction effectuée dans le budget de Radio-Québec a non seulement appauvri la télévision éducative mais a introduit pour ces sommes deux nouveaux paliers de gestion. Chacun de ces paliers prélève dans le gâteau, qui sa part de profit, qui sa part de frais d'administration. Résultat: l'argent ne va pas entièrement sur ce qui paraît à l'écran et tout le monde adopte une mentalité d'assisté.

[3] La gestion

Enfin, pour mieux utiliser ses ressources, pour mieux administrer le peu d'argent dont elle disposait, Radio-Québec a eu recours à de nouvelles mesures administratives. Du jour au lendemain, les gestionnaires sont devenus les maîtres de la boîte afin de s'assurer que chaque sou dépensé valait la peine de l'être.

Ce phénomène n'est pas exclusif à Radio-Québec, ni même au monde de la télévision. C'est un phénomène de société. Nous sommes à l'ère de la gestion. Cela nous vient probablement de la fin des années soixante alors que l'Amérique, celle de l'Oncle Sam, découvrait les diplômés en gestion, ces mêmes MBA dont la revue Atlantic dénonçait il y a deux ans le manque d'imagination et d'initiative.

Il n'est de pire gestion que celle qui perd de vue son objet pour ne plus voir qu'elle-même. Au lieu d'un outil, elle devient un frein.

Dans le monde de la télévision, la gestion a pris le pas sur la création télévisuelle. Les gestionnaires ont jugé que les créateurs ne possédaient pas les outils pour bien administrer leurs émissions. Ils avaient raison. Mais plutôt que de les leur fournir, ils ont eu tendance - tels les coloniaux d'une autre époque - à se substituer à ceux qu'ils auraient dû aider, en s'accaparant la conception des émissions, souvent sans même s'en rendre compte. (Les décisions de gestions influencent la forme des émissions, que les gestionnaires en conviennent ou non).

Cela a donné naissance à des produits hybrides, économiques sur papier, mais en réalité peu rentables et trop souvent inintéressants parce que ne tenant pas compte des réalités de la production.

Bernard Lemaire, de Cascades, déclarait l'autre jour à La Presse qu'il embauchait des diplômés dans la mesure où ceux-ci acceptaient de faire un stage en usine: «Ça leur évite de poser des questions stupides», disait-il.

En télévision, on ne peut en dire autant. On ne compte plus les directeurs et les adjoints qui n'ont jamais mis les pieds sur un plateau ou dans une salle de montage. Anticipe-t-on un déficit, on nomme tout de suite un comité pour l'analyser, lequel conclut généralement qu'il faut couper dans la production. Rarement récupère-t-on chez les gestionnaires, et cela, c'est grave.

Voilà donc le sombre portrait de ce qu'est devenu Radio-Québec vu par un artisan qui y travaille. Y a-t-il des solutions?

Sûrement! Mais elles ne passent pas nécessairement d'abord par Radio-Québec. La première doit venir de l'Etat.

Celui-ci doit reconnaître que l'audiovisuel est actuellement le véhicule privilégié de la culture, qu'il est la culture et qu'à ce titre, un Etat - surtout un Etat comme le nôtre où l'expression culturelle vacille - doit le prendre à sa charge en priorité. Cela veut dire augmenter la subvention pour permettre à l'institution de se déployer et de remplir véritablement sa mission.

Quant aux revenus d'appoint, je crois qu'on pourrait faire un effort d'imagination. Voici quelques exemples en vrac qui pourraient être initiés tant par Radio-Québec que par le gouvernement:

  • Se tourner agressivement vers l'étranger pour trouver des partenaires à la coproduction, par exemple, pour des séries dont chacun des partenaires assume la production d'un élément, en retour de quoi il jouit des droits sur l'ensemble.
  • Mettre sur pied une campagne de financement populaire, soit pour la programmation dans son ensemble, soit pour des produits particuliers.
  • Imposer une taxe sur l'ensemble des coûts de la publicité diffusée sur les autres chaînes. Cette mesure existe déjà en Suède et sert aussi à financer les chaînes publiques françaises.
  • Mettre sur pied un «lobby» auprès des ministères afin de les attirer à Radio-Québec pour y réaliser leurs besoins en audiovisuel. C'est le modèle qu'avait autrefois adopté l'ONF à Ottawa.
  • Explorer la création d'une télé-loto dont les profits seraient versés à la production de Radio-Québec.
  • Création d'un «Fonds spécial pour la diffusion de la culture québécoise» auquel les grandes entreprises seraient invitées à participer librement en échange de privilèges fiscaux. La contribution serait obligatoire pour toutes les entreprises étrangères désirant s'implanter au Québec.
  • Imposition d'une taxe minime sur l'achat de matériel audiovisuel domestique ou professionnel ou les deux, dont le montant serait versé au «Fonds spécial».

L'autre moyen de retrouver la qualité passée et peut-être l'auditoire de naguère serait de rendre enfin aux créateurs ce qui leur appartient. Ceci n'est pas une revendication bêtement corporative, mais une constatation: actuellement en matière de formules d'émissions, seuls les artisans sont en mesure de savoir de quoi ils parlent. Ils vivent dans le quotidien de la production, quotidien que la plupart des décisions de gestion ignorent le plus souvent. Cette proposition n'exclut pas des préoccupations de saine gestion, elle la remet simplement à sa place.

Si on choisissait d'aller dans cette direction, on pourrait peut- être espérer réaliser un jour Radio-Québec. Radio-Québec est potentiellement le plus important facteur de cohésion culturelle que le Québec ait jamais possédé. Et on ne s'en sert pas au quart de sa capacité.

La question n'est pas de se demander si on peut se payer une chaîne comme Radio-Québec, la vraie question c'est plutôt de savoir si on peut s'offrir le luxe de s'en priver.

LA VOLONTÉ D'ÊTRE RADIO-QUÉBEC

Par: M. Pierre-Emile Beaulieu, du Syndicat général des employés de Radio-Québec

Mon exposé est basé sur un texte qui a été élaboré par des membres du Syndicat général des employés de Radio-Québec et adopté par la suite en assemblée générale. Ce texte sera acheminé à la présidente-directrice générale de Radio-Québec.

Etant donné le temps dont je dispose, mon exposé sera centré sur la partie du texte qui concerne la programmation.

A l'automne 1988, à la suite des premiers signes de la baisse de l'auditoire de Radio-Québec, les journalistes ont parlé de «débarque», de «déconfiture», de «débandade». C'est sûrement là un indice de malaises. Ces réactions et surtout les contre- performances de l'auditoire, cette année à Radio-Québec, ont au moins le mérite de sonner l'alarme et de relancer sur la place publique le débat sur le mandat éducatif de Radio-Québec.

Ainsi, malgré les efforts pour rendre la programmation de Radio- Québec plus populaire et attrayante, ces deux dernières années, et ce, par toutes sortes de moyens (formule populaire, contenu allégé, animateur vedette, campagne publicitaire agressive, etc.), malgré donc tous ces moyens, l'auditoire n'a pas suivi. Dès la saison 1987-1988, les cotes d'écoute ont plafonné pour la première fois depuis au moins la fin des années 70. Cette saison- ci (1988-1989), on a assisté à une baisse d'auditoire. Actuellement l'auditoire moyen hebdomadaire pour l'ensemble du Québec est de 25 à 30% inférieur à celui de la même époque l'an passé. Il s'agit donc d'une baisse assez considérable. Les principales émissions qui caractérisent Radio-Québec depuis plusieurs années ont, toutefois, su conserver leur auditoire et même dans certains cas l'augmenter. Mentionnons notamment «Parler pour parler», «Droit de parole», «Nord-Sud», «Question d'argent», le cinéma.

Que se passe-t-il donc? Pourquoi l'auditoire de Radio-Québec a-t- il cessé de croître et même pourquoi a-t-il régressé? Il n'y a pas de cause unique. La situation est complexe et les explications le sont tout autant.

Une première explication, c'est évidemment la concurrence qui est plus forte que jamais sur le marché de la télévision francophone avec l'arrivée de Télévision Quatre-Saisons en septembre '86, avec l'arrivée l'an passé de nouveaux canaux spécialisés (Canal Famille, TV5, Musique Plus) et aussi avec la pénétration accrue du magnétoscope. Par exemple, à Montréal on retrouve un magnétoscope dans presque 50% des foyers. Tout cela contribue à fragmenter de plus en plus l'écoute.

Une deuxième explication concerne le plafonnement des performances à Radio-Québec. Depuis au moins la fin des années 70 jusqu'à il y a deux ans, c'est-à-dire jusqu'à la saison 1986-1987, on avait assisté à une progression constante de l'auditoire d'au moins 10 à 15% par année. Mais cela ne pouvait durer indéfiniment. Il fallait bien s'attendre à assister à un plafonnement de cet auditoire, car finalement il faudra bien admettre que la part d'une télévision éducative et culturelle restera toujours bien inférieure à celle des réseaux traditionnels. Les gens passent plus de temps à se divertir qu'à s'informer et à s'instruire.

Par contre, si on compare notre télévision éducative aux autres télévisions de sa catégorie (évidemment toute comparaison est boiteuse, mais on peut quand même comparer), Radio-Québec se compare, par exemple, avantageusement à TVO, la télévision éducative ontarienne et à PBS, la télévision publique américaine.

A part ces deux explications qui sont extérieures à Radio-Québec, il y a encore d'autres causes qui peuvent expliquer le plafonnement de la saison passée et surtout le recul de l'auditoire cette année. Ce sont des causes reliées, soit à des décisions internes de programmation, soit à des décisions gouvernementales concernant Radio-Québec.

Une première cause interne, c'est le chambardement de la programmation. Au cours des deux dernières saisons on a introduit pas moins de dix nouvelles séries dont la moitié étaient des quotidiennes. Ce sont là des changements importants et beaucoup trop brusques. Evidemment il fallait développer la coproduction, on l'a fait à toute vapeur pour rencontrer les exigences du gouvernement. Tous ces changements dans la programmation et dans la stratégie horaire ont sûrement contribué à décontenancer notre auditoire. Quand on connaît la fragilité des habitudes d'écoute et la difficulté de les créer, on comprend mieux comment ces chambardements-là ont pu nuire à Radio-Québec.

Une deuxième cause, tout aussi importante que la précédente, c'est que plusieurs de ces nouvelles séries ont été introduites en dehors de tout processus de planification et de toute identification de besoins, surtout en ce qui concerne les coproductions. Car, encore une fois, il fallait augmenter le plus vite possible la part accordée aux coproductions et cela a entraîné de nombreux courts-circuits dans le processus de planification. En outre, plusieurs de ces séries ont été improvisées à la dernière minute. Elles n'ont pas été suffisamment développées si bien qu'à leur entrée en ondes, elles n'étaient pas prêtes. Ce genre d'improvisation ne constitue pas la façon la plus efficace de se construire un auditoire.

Une troisième cause interne des difficultés que connaît Radio-Québec actuellement, c'est le manque d'originalité et de caractère distinctif de sa programmation. La majorité des nouvelles séries introduites depuis deux ans sont des produits conformes à ce qui se fait ailleurs: ce sont surtout des magazines de services; on a introduit aussi un jeu questionnaire. Donc ce n'est pas avec ce genre de produit que Radio-Québec va réussir à se démarquer dans un marché qui est de plus en plus compétitif. Il ne faut pas oublier que c'est avec des produits originaux, bien souvent du jamais vu ailleurs, que Radio-Québec a réussi à faire sa marque et à se bâtir un auditoire fidèle. On n'a qu'à penser à «Droit de parole», à «Téléservice», à «S.O.S. J'écoute», à «Parler pour parler», à «Nord-Sud», à «Retraite-Action», etc.

Enfin, voici une quatrième cause qui ne dépend pas directement de Radio-Québec. Cette cause dont les autres panélistes ont aussi parlé et qui semble faire l'unanimité, c'est le manque de ressources financières. C'est une cause très importante. La subvention gouvernementale est gelée depuis plusieurs années, ce qui équivaut en fait à un recul à chaque année parce que le taux d'inflation continue d'augmenter. Cela place Radio-Québec dans une situation d'autant plus inconfortable que cette année, les revenus autonomes (c'est-à-dire les revenus publicitaires et la commandite) ont commencé à plafonner. Et en même temps que le gouvernement a gelé la subvention de Radio-Québec, il lui a aussi demandé d'augmenter sa productivité. C'était une des exigences du gouvernement, quand celui-ci a décidé, en 1987, de ne pas privatiser Radio-Québec et de lui conserver son mandat éducatif. Cela équivalait à demander à Radio-Québec de faire plus avec moins. Radio-Québec y est arrivée depuis deux ans en multipliant les émissions de service et les «shows de chaises». Ca coûte moins cher et ça rapporte bien, comme on dit pour les petites annonces, cependant ça rapporte bien en quantité d'heures diffusées, mais pas tellement en qualité ni en nombre de téléspectateurs, comme on a pu le constater depuis un an ou deux. Résultat: on a assisté à un surdéveloppement des émissions de service au détriment des émissions d'affaires publiques et des émissions culturelles.

Bref, il se développe à Radio-Québec depuis quelques années une programmation qui manque d'originalité, de diversité, de caractère, de dynamisme, et ce autant dans ses contenus que dans ses formules.

Finalement, au-delà de tous ces problèmes et de toutes ces difficultés, c'est l'absence d'une vision claire et précise du mandat de Radio-Québec qu'il faut déplorer et peut-être surtout l'absence de volonté d'appliquer concrètement ce mandat. Il existe de grandes déclarations de principe concernant le mandat éducatif et culturel de Radio-Québec et ce, dans plusieurs textes officiels élaborés par Radio-Québec depuis 4 ou 5 ans. Qu'on pense à «Radio-Québec maintenant» qui a été un texte déposé par Radio- Québec en 1985, ainsi qu'aux prises de position du président- directeur général de l'époque devant la Régie des services publics. Ces grandes déclarations de principe et définissent assez bien ce que devrait être une télévision éducative et culturelle. Sauf que, ce qui a manqué ces dernières années c'est la volonté d'appliquer ces principes.

Par conséquent, selon nous, il est inutile d'inventer de nouvelles orientations. On n'a qu'à reprendre celles qui ont déjà été définies et qui ont déjà servi de balises au développement de la programmation de Radio-Québec, au développement d'émissions qui continuent de faire la marque de Radio-Québec. Il s'agirait donc seulement de reprendre ces nouvelles orientations et de les traduire en objectifs concrets. C'est d'ailleurs ce que tente actuellement de faire la nouvelle présidente-directrice générale, avec son plan directeur, pour les trois prochaines années. Il s'agit, cette fois-ci, de s'assurer que ces objectifs vont vraiment être mis en application.

Il est important que Radio-Québec retrouve cette volonté d'être Radio-Québec. Il est important aussi que le gouvernement appuie clairement Radio-Québec afin de lui permettre de bien jouer son rôle, car c'est une institution essentielle pour le développement éducatif et culturel de la collectivité québécoise.

Recommandations

Notre texte comporte plusieurs recommandations. Je me bornerai à souligner plus particulièrement celles qui concernent la programmation.

Au départ, on demande au gouvernement du Québec de hausser significativement la subvention qu'il accorde à Radio-Québec annuellement. Ensuite, concernant la programmation, voici nos principales recommandations:

  • Que Radio-Québec remette en honneur le processus de planification de la programmation. (Cela rejoint ce que M. Rocher disait tout à l'heure à propos de la préoccupation que l'on doit avoir de l'auditoire). Respecter le processus de planification de la programmation, ça veut dire des démarches d'identification de besoins, l'établissement de priorités à partir de ces analyses, le choix d'émissions découlant de ces priorités. Ça veut dire aussi le développement des émissions avant leur entrée en ondes.
  • Que ce processus soit respecté tant pour la production- maison et les acquisitions que pour la coproduction.
  • Que Radio-Québec rééquilibre sa programmation: qu'on fasse moins d'émissions de service et davantage d'émissions d'affaires publiques et d'émissions culturelles.
  • Qu'en programmation culturelle, Radio-Québec développe davantage les dramatiques, comme on avait déjà commencé à le faire il y a plusieurs années: qu'on fasse aussi plus de spectacles, et davantage de place au cinéma québécois. Qu'en information culturelle, Radio-Québec poursuive l'effort déjà amorcé avec «Lumières» et «Le clap» et développe aussi d'autres secteurs; par exemple, on pourrait penser au domaine du livre.
  • Qu'en culture générale, on produise des émissions sur l'histoire du Québec; qu'on présente des documents sur l'histoire et les civilisations, des documents sur la science, etc.
  • Qu'en affaires publiques, Radio-Québec enrichisse aussi sa programmation: qu'on fasse une émission d'analyse et de commentaires de l'actualité québécoise. Cela manque actuellement à Radio-Québec, «Première Ligne» étant plutôt une émission d'affaires publiques générales qui n'est pas collée à l'actualité. Qu'on diffuse aussi des documentaires sur les grands enjeux de la société québécoise: enjeux politiques, enjeux économiques, enjeux culturels.
  • Que Radio-Québec accentue la contribution des régions à sa programmation.
  • Enfin, que Radio-Québec multiplie les collaborations avec les institutions et organismes publics, para-publics et privés pour développer davantage sa programmation éducative formelle.
Par: Madame Esther Désilets, directrice générale de l'Institut canadien d'éducation des adultes

Je tenterai de résumer ici l'essentiel des préoccupations portées par l'ICEA concernant l'avenir de Radio-Québec. Quatre éléments nous semblent particulièrement à considérer dans ce débat: le mandat éducatif, la programmation, la régionalisation et le financement.

Le mandat éducatif

Nous aborderons plus particulièrement le mandat éducatif au sens large de Radio-Québec, soit l'éducation non-formelle. Selon l'Institut, le rôle principal de ce réseau éducatif c'est d'élargir l'accès à la culture et au savoir au plus grand nombre de personnes possibles et ce, avec une approche non élitiste.

Rejoindre le plus grand public possible avec des moyens télévisuels attrayants et captivants, tout en rendant les téléspectateurs mieux informés, plus critiques, plus autonomes, et plus en mesure de remplir adéquatement leurs rôles sociaux, constitue un défi de taille qui n'est pas facile à réaliser.

D'un côté, l'on doit tenir compte du besoin qu'ont les gens, après une journée de travail, de vouloir se distraire et prendre la vie plus doucement; de l'autre, il ne faut pas tomber dans le piège du divertissement à tout prix en se disant que de toute façon tout est éducatif.

Résumons brièvement cannent devrait se traduire le mandat éducatif de Radio-Québec, du point de vue de l'ICÉA:

  1. Radio-Québec ne doit pas être une télévision généraliste mais plutôt une télévision spécialisée;
  2. Radio-Québec doit chercher à intéresser le plus de gens possible tout en n'étant pas un réseau «grand public»;
  3. Radio-Québec doit être une télévision complémentaire, qui peut répondre aux besoins des groupes plus minoritaires, mais qui vise à donner à l'ensemble de la population les clés nécessaires pour comprendre les grand enjeux de société;
  4. Et enfin Radio-Québec doit être une télévision impliquée dans le milieu en lien avec les réseaux éducatifs et culturels.

Voilà donc un premier portrait de ce que devraient être Radio- Québec et son mandat. Mais où en sommes-nous présentement? Pourquoi l'ICÉA reprend-il le débat? Parce que plusieurs groupes et individus questionnent les avenues prises par Radio-Québec ces dernières années, avenues qui, selon eux, l'éloignent de son mandat initial.

La programmation

A l'examen de la grille horaire de Radio-Québec, nous constatons effectivement que Radio-Québec n'est pas une télévision comme les autres. La grande différence provient du fait que Radio-Québec consacre 71% de sa programmation à l'information et 29% aux émissions de fiction et de divertissement.

Mais on ne peut pas remplacer l'éducation au sens large par l'information au sens large. D'autant plus que la façon de traiter l'information a Radio-Québec n'est pas tellement différente de l'approche adoptée aux autres réseaux. On y fait de l'information au quotidien avec les sujets à la mode.

Pour être complémentaire, Radio-Québec ne peut pas adopter la même approche que les autres radiodiffuseurs et traiter des sujets majeurs en quelques minutes. Il faut aller beaucoup plus loin, plus en profondeur, et permettre une meilleure compréhension du dossier en référant à l'ensemble des points de vue. Sur ce point, Radio-Québec nous a laissés sur notre appétit.

Radio-Québec a quand même réussi de «bons coups». Pensons, entre autres émissions, à «Nord-Sud», au «Club des 100 Watts», à «Première ligne». Mais, ce n'est pas suffisant. En essayant de ressembler aux autres réseaux et en flirtant avec le dangereux piège de la cote d'écoute, Radio-Québec s'est détournée de son mandat. Nous sommes présentement en mesure d'évaluer les résultats, alors que seulement 3% de la population écoute Radio- Québec.

La régionalisation

Abordons maintenant la question de la structure régionale de l'information à Radio-Québec. On ne peut en effet réouvrir le dossier de Radio-Québec sans parler de régionalisation. Il ne faut pas oublier qu'à l'origine la régionalisation était vue comme le principal moyen de faire de Radio-Québec une télévision différente, reflétant l'ensemble de la société québécoise.

Mais cette idée n'a jamais pris une place importante à Radio- Québec. On a traîné la régionalisation comme un boulet. Et en 1985, quand le vent a tourné du côté du développement économique, de la productivité et de la rentabilité, la régionalisation a complètement perdu sa place.

Et, à partir du moment où Radio-Québec n'était plus une télévision éducative régionalisée, elle est devenue de plus en plus commerciale.

La publicité

Cela nous amène à traiter de la publicité. Il est difficile, en ce domaine comme dans celui de la régionalisation, de revenir en arrière. Mais nous sommes quand même obligés de constater que la publicité a influencé la programmation de Radio-Québec et le contenu des émissions.

Radio-Québec est, à notre connaissance, la seule télévision éducative au monde à avoir recours à de la publicité de marque pour son financement. Si ailleurs on a évité cette solution, c'est sûrement pour des raisons importantes.

Des alternatives?

Existe-t-il aujourd'hui encore des alternatives à cette situation? Oui. Et l'objectif de l'ICÉA n'est pas de faire le procès de Radio-Québec, mais bien plutôt de se donner les moyens, collectivement, de GARDER Radio-Québec.

Permettons-nous donc, en terminant, de rêver et d'imaginer ce que pourrait être Radio-Québec.

D'abord, une télévision qui nous parle de notre histoire. Par exemple: en 1992, ce sera le 350e anniversaire de la fondation de Montréal. Pourquoi ne pas imaginer une série qui ferait revivre l'histoire de Montréal et de ceux et celles qui l'ont édifiée, y compris les différentes communautés culturelles qui font partie maintenant de cette histoire.

Pensons également à une télévision qui traite en profondeur les dossiers chauds qui engagent l'avenir de notre société:

  • Des émissions qui informent, conscientisent, qui n'incitent pas à la passivité mais à l'action. Par exemple, sur la réforme de l'assurance-chômage, ou encore sur le libre- échange, l'immigration;
  • Des émissions qui mettent à contribution les différents points de vue, en particulier par le témoignage de ceux et celles qui sont directement concernés.

Aussi, une télévision qui fait appel aux talents créateurs québécois et met en valeur cette gamme inouïe d'artistes, d'écrivains, de réalisateurs, reconnus internationalement. Il serait tout-à-fait approprié que notre télévision soit pour eux un média privilégié.

Et enfin, une télévision qui nous montre ce qui se fait de mieux ailleurs au niveau de la télévision éducative et culturelle.

Pour ce faire, cela prend des moyens financiers, c'est vrai. La publicité, dans ce sens, n'est pas la seule solution. Pourquoi ne pas penser à une souscription publique sur le modèle de la chaîne publique américaine PBS, ou encore, pourquoi ne pas aller chercher le maximum, de financement possible de Téléfilm Canada pour les documentaires et dramatiques?

Et, bien entendu, augmenter le financement public de Radio- Québec.

On a appelé cela un rêve, mais celui-ci peut devenir réalité. C'est une question de volonté, c'est un choix à faire. Nous avons besoin de plus en plus de Radio-Québec dans notre société. Il faut se donner les moyens pour la garder.

Il faut, pour cela, que le Gouvernement du Québec reconnaisse la culture comme notre principale richesse et accepte d'investir adéquatement pour la promouvoir.

4 - SYNTHÈSE DES INTERVENTIONS

4.1 LE MANDAT ÉDUCATIF DE RADIO-QUÉBEC

Les critiques ne furent pas tendres à l'égard de Radio-Québec mais personne n'a remis en question la pertinence de l'existence d'un réseau de télévision à caractère éducatif et culturel au Québec. De façon générale, on semble, cependant, considérer que Radio- Québec ne remplit plus adéquatement son mandat éducatif. La majorité des interventions ont d'ailleurs porté sur cette question de fond.

Certaines critiques touchaient l'ensemble de la programmation, d'autres portaient sur des volets plus spécifiques. D'entrée de jeu, la première intervention de la salle nous a tracé un portrait assez saisissant de l'évolution de Radio-Québec. Selon ce participant, Radio-Québec a suivi une évolution contraire à celle qu'a connu la société québécoise. Alors que le niveau de scolarisation a augmenté considérablement au Québec, Radio-Québec, qui prétend avoir un mandat éducatif, nous a offert des niveaux de contenu en constante régression. On a aussi fait remarqué que ce paradoxe s'applique à l'ensemble de la télévision commerciale.

Beaucoup de participants et participantes ont dénoncé le fait que la télévision était devenue, en quelque sorte, un commerce comme les autres et ont déploré le fait que Radio-Québec n'ait pas su échapper à cette tendance. La télévision en général et Radio- Québec en particulier ne «fait plus oeuvre de création». Les émissions ne sont pas des créations mais des produits et des marchandises. On «sonde les gens pour connaître leur goût et on fournit un produit de masse insipide». La télévision «ne prend plus de risque», elle n'étonne plus son public et n'innove plus. C'est ce qui faisait dire à M. Jacques Godbout que «si la télévision ne peut être géniale, si elle ne sait qu'être triviale, à quoi peut servir une chaîne publique?»

Une télévision éducative doit faire plus et mieux

Il était difficile, dans le cadre d'un débat public, d'approfondir la notion de télévision éducative et personne n'a voulu s'attaquer à préciser clairement ce qu'il faut entendre par télévision éducative. De façon implicite, cependant, les gens s'attendent à ce qu'un réseau ayant un mandat éducatif et culturel fasse plus et mieux que les réseaux qui se consacrent presque entièrement au divertissement. On a souligné qu'il fallait faire une différence entre la réalisation d'émissions d'information et d'émissions d'éducation. Lorsque l'on parle d'émissions éducatives et culturelles, on parle d'émissions axées sur la création, d'émissions qui approfondissent davantage les contenus, qui abordent les questions d'une façon différente, qui traitent des enjeux de société et offrent au public des outils pour mieux comprendre ce qui se passe.

On a fait remarquer que Radio-Québec, sur ce plan, se démarquait de moins en moins des autres télévisions. On y traite des mêmes sujets avec une approche souvent tout aussi superficielle. Il s'agit bien sûr d'une critique générale. Plusieurs ont mentionné que certaines émissions de Radio-Québec, telles «Première Ligne», «Nord-Sud», échappent à cette tendance et correspondent davantage à ce que l'on attend d'une télévision éducative.

Selon un représentant de la Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ), Radio-Québec, en s'inscrivant dans la course à l'audience, a fini par oublier son objectif éducatif. Ce réseau ne fait pas que des «shows» de télévision, il doit aussi faire oeuvre d'éducation. Pour ce faire, il doit tendre à mieux concilier les exigences inhérentes au médium et les principes de base qui doivent guider toute démarche éducative, a savoir:

  • la préparation et la recherche,
  • la transmission de contenus qui favorisent la compréhension, le sens critique et la capacité d'analyser,
  • l'évaluation et la rétroaction.

En ce qui a trait à l'évaluation, plusieurs ont insisté sur la nécessité pour Radio-Québec de développer des moyens plus efficaces lui permettant d'identifier dans quelle mesure ses émissions contribuent réellement à relever le niveau d'éducation et de culture générale de la population. Selon les commentaires de plusieurs personnes, Radio-Québec n'a pas su jouer son rôle d'instrument privilégié d'éducation permanente. A cet égard, on a trouvé très intéressante la proposition de M. Guy Rocher de considérer Radio-Québec comme «une institution qui doit faire partie du système d'éducation».

Le message en somme était clair. La Société Radio-Québec, en voulant être autre chose que ce qu'elle devait être, a mécontenté tout le monde. La population qui recherche avant tout le divertissement, pur et dur, ne semble pas considérer que «le mieux pour eux c'est de regarder Radio-Québec» alors que les publics qui recherchent des contenus plus éducatifs et culturels sont aussi, de plus en plus, insatisfaits de Radio-Québec.

Abandonner la course aux cotes d'écoute

Selon les participants et participantes, Radio-Québec doit laisser de côté la course a l'audience et s'adresser à des publics et à son public, c'est-à-dire à ceux et celles qui veulent non pas des cours télévisés, mais des contenus plus enrichissants. Reprenant les propos de madame Esther Désilets, un participant insista sur le fait que Radio-Québec n'est effectivement pas une télévision généraliste mais une télévision spécialisée. Dans ce contexte, Radio-Québec est encore moins justifiée de commettre «l'erreur de pensée des gens qui dirigent nos télévisions» de croire qu'il y a un public alors qu'en réalité il n'y a «que des publics». Il faut donc que Radio-Québec, par le biais de la recherche et surtout en se rapprochant davantage des milieux, en arrive à mieux identifier les besoins de ses divers publics. Radio-Québec au fil des ans a opté pour un cheminement bien différent. Selon plusieurs témoignages, Radio-Québec s'est en effet éloignée de presque tous les milieux; celui de la culture, de l'éducation, du cinéma d'auteur, des documentaires, des communautés culturelles ainsi que des régions.

4.2 DES LACUNES IMPORTANTES

La régionalisation

A la surprise générale, ce soir là, la régionalisation semblait encore à l'ordre du jour. Selon monsieur Guy Rocher, il ne fait pas de doute «que le rapprochement avec les. auditoires me paraît appeler un retour à la notion de régionalisation». Beaucoup d'intervenants et d'intervenantes ont apporté des témoignages qui illustraient bien cette interaction entre le milieu et les structures de production régionales. Un représentant de l'Union des producteurs agricoles (UPA) faisait remarquer que, par le biais de la régionalisation, il était plus facile de combler le besoin de communication entre le consommateur et le producteur et d'établir, de façon plus globale, des liens plus étroits entre le milieu rural et le milieu urbain.

Une représentante du Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec (MEPACQ) a rappelé qu'en région, une certaine collaboration s'était établie entre les organismes volontaires du milieu et les comités régionaux de Radio-Québec.

Ces échanges permettaient à ces groupes d'élargir la portée de leur travail d'éducation populaire et à Radio-Québec d'être plus collée aux besoins de la population. La disparition des structures régionales a interrompu cette communication. En région, on trouve assez injuste d'avoir été les seuls (ou presque) à faire les frais des coupures budgétaires, alors qu'on y est le moins bien servi au chapitre des instruments de communication. La régionalisation de Radio-Québec faisait certainement partie de ce qu'un représentant de l'Association nationale des téléspectateurs (ANT) a appelé la «médecine douce» en matière de télévision.

Il n'est peut-être pas anodin de constater que les seules personnes à avoir soulevé la question de la régionalisation, étaient des gens extérieurs au milieu de la télévision. Dans le cadre de ce débat, les participants et participantes ont exprimé leur point de vue et on sentait une écoute attentive et intéressée de la part de l'auditoire. Cependant, on sentait aussi qu'il y avait au second plan plusieurs débats latents, dont celui entre public et créateurs. Nous y reviendrons plus loin.

Les communautés culturelles

A titre de réseau éducatif et culturel, Radio-Québec a un rôle très important à jouer pour favoriser l'intégration des immigrants et immigrantes, et la solidarité entre les diverses communautés culturelles et les «Québécois de souche». Selon les représentants et représentantes de ces communautés, Radio-Québec n'a pas, là non plus, rempli adéquatement son mandat. Toutes les émissions consacrées aux groupes ethniques ont disparu de l'antenne (on pense à «Planète» et à «Arrimage») et ces communautés ne sont pas plus significativement représentées à l'intérieur des émissions régulières. On a souligné que 92% des personnes originant de ces communautés vivent à Montréal et qu'elles constituent 35% de la population de cette ville.

Le documentaire

La porte-parole du comité documentaire de l'Association des réalisateurs et réalisatrices de films du Québec (ARRFQ) nous a démontré, de façon magistrale, à quel point la réduction de la place du documentaire, à Radio-Québec, était révélatrice de l'orientation prise par ce réseau ces dernières années. Radio- Québec ne diffuse que «cinq documentaires par année et refuse de diffuser depuis deux ans les documentaires longs métrages».

«Entre 1978 et 1982, Radio-Québec participe au financement de 16 longs métrages contre 5 pour Radio-Canada. Cinq ans plus tard, la tendance est complètement renversée, Radio-Canada finance 13 longs métrages documentaires et Radio-Québec 7». La tendance à l'intérieur des réseaux publics consiste à remplacer de plus en plus «les documentaires par des reportages de 5 à 10 minutes». Encore là, on constate que Radio-Québec est moins justifiée que quiconque de faire de tels choix.

L'étude réalisée pour l'ARRFQ sur la situation du documentaire a démontré que la population apprécie beaucoup les documentaires et qu'on souhaite en voir davantage à la télévision. Les radiodiffuseurs, prétextant le non-intérêt du public, ont donc limité l'accès du public à des documents qui précisément approfondissent des sujets d'intérêt public.

«Ce qui est très inquiétant, c'est que le documentaire est une des formes privilégiées d'accès à des points de vue différents à la télévision, d'opinion et d'approfondissement. On parlait de l'importance de débattre d'enjeux sociaux, politiques et culturels, c'est beaucoup par le documentaire que ce type de débat s'est fait jusqu'à maintenant et d'autant plus que les documentaires ont toujours eu d'excellentes cotes d'écoute à Radio-Québec».

La survie du documentaire constitue un enjeu important. Cette intervention était d'autant plus pertinente qu'une production documentaire doit maintenant nécessairement être associée à un radiodiffuseur pour obtenir du financement de Télé-Film Canada. Radio-Québec a donc une double responsabilité vis-à-vis les documentaires: en acceptant de les diffuser, elle leur permet en même temps d'exister.

L'information économique

L'économie est à la mode et il était tout à fait normal et souhaitable que ce réseau éducatif accorde une place importante à l'information et a l'éducation économique. La compréhension des réalités économiques est, en effet, essentielle aux individus non seulement à titre de consommateurs et consommatrices mais aussi de citoyens et citoyennes.

Selon un économiste de l'UQAM, Radio-Québec a fait des efforts louables dans ce domaine. Le contenu des émissions, comme «L'indice» et «Question d'argent», est cependant davantage centré sur les finances et la consommation que sur l'économie. Selon cet intervenant, il est essentiel et possible, à la télévision, d'expliquer de façon simple et compréhensible le fonctionnement de l'économie et les politiques économiques des gouvernements. Si la «culture économique» était plus développée dans une société, «les débats politiques seraient moins insignifiants». Voici en quels termes il insistait sur l'importance de développer la culture économique.

«Peut-être que les politiciens ne pourraient plus se permettre, en guise de débat sur le libre-échange, par exemple, de faire peur constamment et de se servir d'épouvantails à moineaux (...); peut-être que le ministre des finances ne pourrait pas impunément, comme ça, dire qu'on n'a plus le choix, que c'est ça qu'il va falloir faire (...). Peut-être, de façon générale, que les politiciens ne pourraient plus passer des mesures sous le manteau, des mesures qui impliquent le développement des 20 prochaines années, sans que ça passe inaperçu».

4.3

A la lecture du relevé du débat, nous avons pu constater que les échanges ont débordé de beaucoup le niveau de la simple critique. En effet, les participants et participantes n'ont pas uniquement signalé les lacunes de Radio-Québec, ils ont aussi identifié un ensemble de facteurs pouvant expliquer ses déboires actuels et proposé quelques pistes pour solutionner un certain nombre de problèmes.

Le financement de la télévision publique

La réduction des budgets a bien entendu été signalée comme étant une des causes importantes de la contre-performance actuelle de Radio-Québec. Un participant a cependant fait remarquer que ce n'était pas surtout un problème de sous-financement, mais d'orientation. L'effet le plus désastreux du plafonnement des subventions se traduit dans l'obligation de recourir davantage aux revenus publicitaires pour financer les productions.

Le financement publicitaire est forcément toujours synonyme de course à l'audience et Radio-Québec n'a pas pu échapper à cet engrenage. Des artisans de Radio-Canada, dont un représentant de la Coalition pour la défense du réseau français de Radio-Canada, ont fait, à cet égard, le parallèle avec la situation qui prévaut à Radio-Canada. Ce n'est pas uniquement le mandat de Radio-Québec qui est compromis par des pratiques commerciales, celui de Radio- Canada est aussi fortement ébranlé. On a signalé que les dérapages de la société Radio-Canada ont aussi fait l'objet, cette année, de plusieurs dénonciations dans les journaux et de plaintes de la part de l'auditoire.

Un participant en a profité pour faire un vibrant réquisitoire en faveur de la télévision publique. «Quand je parle de défense de la télévision publique, moi je pense que c'est un enjeu très important pour une société. Il n'y a plus de perron d'église, il n'y a plus de village, il y a les universités, les écoles, mais quand on devient un adulte il n'y a pas beaucoup de lieux dans une société pour se refléter, pour discuter, pour observer la société. La télévision publique doit être un miroir réfléchissant, réfléchissant parce que ça nous renvoie notre image, mais réfléchissant aussi dans l'autre sens du terme».

Concernant l'influence de la publicité sur le contenu, on s'est toutefois limité à établir le constat, sans proposer de solution précise.

La télévision publique représentait donc aux yeux de la majorité des participants et participantes une solution, mais une solution que l'on est en train de travestir et qui, par ailleurs, est loin d'être parfaite.

Les productions privées et le fonctionnement bureaucratique

Un autre élément qui, selon certains, a contribué à affaiblir Radio-Québec, fut de l'obliger, comme disait M. François Jobin, «à verser un pourcentage de son budget de production à l'entreprise privée». M. Pierre-Émile Beaulieu avait d'ailleurs précisé dans son exposé que ces productions avaient été introduites à Radio- Québec sans aucun respect du processus normal de planification et de préparation des émissions à caractère éducatif.

«Il fallait augmenter le plus vite possible la part accordée aux coproductions (...). Les nouvelles séries ont été introduites en- dehors de tout processus de planification et de toute identification de besoins».

Les participants et participantes dans la salle ne se sont pas beaucoup attardés à cette question des coproductions, ils ont davantage insisté sur les problèmes inhérents au fonctionnement lourd et bureaucratique des réseaux publics, qu'un participant a appelé des «brontosaures». Du point de vue des créateurs et créatrices, ainsi que des réalisateurs et réalisatrices indépendants, le problème c'est que l'argent ne va pas surtout à la production mais à l'administration. «Pour chaque personne qui travaille à la production et à la création à Radio-Québec, je suis sûr qu'il y en a trois pour les administrer».

La critique de M. Jobin relative au fait que la «gestion a pris le pas sur la création» a semblé recevoir une large adhésion de la part de l'auditoire. Sa conclusion cependant ne semblait pas aussi unanimement partagée. On est d'accord pour redonner plus de place aux créateurs, niais pas leur donner tout le pouvoir. La télévision est peut-être maintenant définie et orientée surtout par des gestionnaires, mais le représentant de l'ANT a fait remarquer qu'en général la télévision était uniquement «définie par les mêmes gens qui la font», le public n'est jamais là.

Esther Désilets terminait, à ce sujet, son allocution en affirmant qu'il fallait redonner la télévision non seulement aux créateurs, mais aussi à son public. Un service public qui a, par surcroît, un mandat éducatif et culturel, doit être non seulement un lieu de création pour les artistes mais un lieu de communication avec le public. M. Guy Rocher a aussi beaucoup insisté sur cette interaction entre une télévision éducative et son public.

Un tel réseau doit être à l'écoute des besoins du public et retrouver la volonté de servir tous les publics.

4.4 Quelques conclusions du représentant de la direction de Radio-Québec

La direction de Radio-Québec avait été invitée à participer à la table-ronde et elle a décliné l'invitation de l'ICEA. Radio-Québec a mis en branle, depuis quelques mois, un processus de révision de sa stratégie qui devrait déboucher sur l'adoption d'un plan directeur triennal. La direction ne voulait donc pas être placée dans la situation de justifier, d'une part, «les décisions des 20 dernières années» et d'annoncer, d'autre part, ses orientation pour l'avenir, étant donné qu'elles ne sont pas encore adoptées par le Conseil d'administration.

De plus, Radio-Québec a procédé récemment à de nombreuses consultations, et a fait réaliser une étude perceptuelle sur Radio-Québec. Le débat du 25 avril offrait donc un lieu de plus pour alimenter la réflexion de Radio-Québec.

L'ICEA avait cependant demandé au représentant de la direction de Radio-Québec, M. André Beaudet, de nous livrer à la fin de la soirée quelques conclusions relatives au débat.

M. Beaudet a bien entendu nuancé un certain nombre de critiques, notamment, celles portant sur la place des communautés culturelles, et les liens entre Radio-Québec et les divers milieux. Il a précisé que Radio-Québec avait maintenant un réseau de répondants dans l'ensemble des «commissions scolaires» au Québec.

Il a aussi souligné certains points de vue contradictoires exprimés lors du débat; ceux, entre autres, sur la question relative aux coproducteurs. A propos des attentes exprimées sur la programmation, bien qu'il les ait qualifiées de «liste d'épicerie», il a admis qu'il y avait là beaucoup d'éléments très intéressants et il a invité l'ICEA à transmettre le plus rapidement possible à la direction de Radio-Québec les conclusions de ce débat.

Pour faciliter l'utilisation de ce rapport et refléter la richesse des interventions, nous reproduisons ici l'ensemble des pistes de solutions et recommandations suggérées lors du débat. Nous ne croyons pas qu'il s'agisse là d'une liste d'épicerie, nous avons, au contraire, l'impression que ces éléments de solutions touchent à l'essentiel des problèmes qui confrontent actuellement Radio-Québec.

5 - LES PISTES DE SOLUTIONS ET LES RECOMMANDATIONS

Les solutions d'ordre général

«L'Etat pourrait offrir aux citoyens et citoyennes une alternative culturelle, éducative et d'information en contre-partie du laisser-aller des télévisions commerciales».

«Pour retrouver une télévision publique originale, éducative et provoquante, il faudrait accepter de replacer la culture au centre de nos vies».

«Il faudrait convaincre le gouvernement que Radio-Québec fait partie du systèmes d'éducation québécois».

«Il faut revenir sur la notion du caractère éducatif de Radio- Québec. Une télévision éducative exige un rapport éducatif avec un auditoire. L'éducation ne va pas sans une interaction et cette interaction est particulièrement difficile lorsque l'on est dans le domaine des médias. Cela suppose donc, à mon avis, de la part de Radio-Québec, une réflexion constante, non seulement sur sa programmation, mais plus encore sur son auditoire».

Plus précisément, on suggéra:

  • «Le rapprochement avec les auditoires appelle un retour a la notion de régionalisation»;
  • Il faut aussi que Radio-Québec mette plus d'efforts dans la recherche, «une recherche qui soit branchée non pas sur le nombre d'auditeurs mais sur le caractère éducatif de Radio- Québec» ;
  • Radio-Québec devrait être en mesure d'évaluer de façon systématique l'impact de ces émissions au plan non pas quantitatif mais qualitatif;
  • Radio-Québec devrait abandonner la course à l'audience sur le même terrain que celui des télévisions traditionnelles. Radio-Québec n'a pas à s'adresser toujours au public en général, mais à divers publics et à des publics en particulier;
  • Radio-Québec doit retrouver le goût du risque et innover;
  • Radio-Québec doit se rapprocher davantage du milieu de la culture et de l'éducation;

attentes et les besoins relatifs à la programmation éducative et culturelle.

La télévision éducative devrait être:

  • «Une télévision qui nous parle de notre histoire». On suggère, par exemple, que Radio-Québec profite du 350e anniversaire de Montréal en 1992 pour préparer une série sur l'histoire de Montréal et de ceux et celles qui l'ont faite;
  • Une télévision qui traite en profondeur des enjeux et phénomènes qui engagent l'avenir de notre société. «Des émissions qui informent, conscientisent et qui n'invitent pas à la passivité, des émissions qui mettent à contribution les différents points de vue»;
  • Une télévision qui fait davantage appel aux talents créateurs et artistiques québécois;
  • Une télévision qui nous montre ce qui se fait de mieux, ailleurs, dans le domaine de la télévision éducative et culturelle;

Une télévision qui reflète adéquatement les diverses réalités sociales et les communautés culturelles;

Une télévision qui ne fait pas uniquement de l'information brève sur des sujets canne l'économie, l'environnement, etc..., mais qui transmet une «culture économique et environnementale»;

De façon plus spécifique on a proposé:

  • Que Radio-Québec rééquilibre sa programmation: qu'on fasse moins d'émissions de service et davantage d'émissions d'affaires publiques et d'émissions culturelles;
  • Que dans sa programmation culturelle, Radio-Québec développe davantage les dramatiques, comme on avait déjà commencé à le faire il y a plusieurs années: qu'on fasse aussi plus de spectacles, et davantage de place au cinéma québécois. Qu'en information culturelle, Radio-Québec poursuive l'effort déjà amorcé avec «Lumières» et «Le clap» et développe aussi d'autres secteurs; par exemple, on pourrait penser au domaine du livre;
  • Qu'en culture générale, on produise des émissions sur l'histoire du Québec; qu'on présente des documents sur l'histoire et les civilisations, des documents sur la science, etc;
  • Qu'en affaires publiques, Radio-Québec enrichisse aussi sa programmation: qu'on fasse une émission d'analyse et de commentaires de l'actualité québécoise. Cela manque actuellement à Radio-Québec, «Première ligne» étant plutôt une émission d'affaires publiques générales qui n'est pas collée à l'actualité. Qu'on diffuse aussi des documentaires sur les grands enjeux de la société québécoise: enjeux politiques, enjeux économiques, enjeux culturels;
  • Que Radio-Québec accentue la contribution des régions à sa programmation.1

Concernant la place du documentaire. il a été proposé:

Qu'à titre de réseau éducatif, Radio-Québec accorde une place plus importante au documentaire.

Les moyens

  • Réclamer une augmentation des subventions gouvernementales versées à Radio-Québec. Profiter du contexte des élections qui s'en viennent pour organiser un mouvement de pression en faveur de Radio-Québec;
  • Mettre sur pied une campagne de financement populaire, soit pour la programmation dans son ensemble, soit pour des produits particuliers;
  • Imposer une taxe sur l'ensemble des coûts de la publicité diffusés sur les autres chaînes. Cette mesure existe déjà en Suède et sert aussi à financer les chaînes publiques françaises;
  • Mettre sur pied un «lobby» auprès des ministères afin de les attirer à Radio-Québec pour y réaliser leurs besoins en audiovisuel. C'est le modèle qu'avait autrefois adopté l'ONF à Ottawa;
  • Explorer la création d'une Télé-loto dont les profits seraient versés à la production de Radio-Québec;
  • Créer un «Fonds spécial pour la diffusion de la culture québécoise» auquel les grandes entreprises seraient invitées à participer librement en échange de privilèges fiscaux. La contribution serait obligatoire pour toutes les entreprises étrangères désirant s'implanter au Québec;2
  • Etablir des collaborations plus étroites avec les institutions d'enseignement, les organismes socio-culturels et les milieux culturels.

NOTES

1 Ces cinq recommandations, ci-haut mentionnées, sont tirées du texte de monsieur P.E. Beaulieu.

2 Ces cinq recommandations, ci-haut mentionnées, sont tirées du texte de M. François Jobin.

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