NOTES

 

PRÉSENTATION

Principal carrefour des réseaux publics, syndicaux et communautaires impliqués en éducation des adultes, l'Institut canadien d'éducation des adultes (ICEA) considère toujours la démocratisation de l'éducation comme un enjeu social majeur. C'est à ce titre que l'Institut tient à faire connaître sa position sur l'Énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre.

Fondé en 1946, l'ICEA regroupe les grandes centrales syndicales québécoises et des syndicats indépendants, des institutions publiques d'enseignement, des organismes communautaires et des groupes de femmes, des organismes de formation et d'animation, ainsi que des membres individuels préoccupés par la formation des adultes.

L'ICEA constitue ainsi un lieu privilégié d'information, de recherche, d'expertise, de concertation et d'intervention dans les dossiers des politiques en éducation des adultes, des communications et de l'éducation populaire.

INTRODUCTION

Du point de vue des adultes

L'Institut canadien d'éducation des adultes (ICEA) réagira à l'Énoncé de politique sur le développement de la main d'oeuvre à partir de l'expertise qu'il a développée en éducation des adultes dans son sens le plus large, incluant l'ensemble des lieux et des modes de formation, dans une perspective d'éducation permanente.

Nous n'interviendrons pas sur la totalité des thèmes abordés dans l'énoncé. Le mémoire de l'ICEA comportera trois grands axes: l'importance des ressources, humaines dans le contexte actuel, l'accessibilité de la formation à l'ensemble de la main-d'oeuvre et l'implication de tous les partenaires au sein de la structure proposée.

Nous insisterons en particulier sur l'importance de miser sur l'ensemble des ressources humaines, en liant le développement des compétences au plein emploi et à la lutte contre la pauvreté et l'accroissement des écarts sociaux. On ne peut se permettre, via une politique de main-d'oeuvre, de mettre en place une démarche à deux vitesses qui consacrerait l'exclusion d'une partie importante de la population.

Précisons d'emblée que, pour l'ICEA, une politique de développement de la main-d'oeuvre devrait s'appuyer sur un projet éducatif pour les adultes qui reste encore à définir. Le présent énoncé ne saurait tenir lieu de politique globale en éducation des adultes. Cependant, l'absence d'une telle politique se fait cruellement sentir, au moment où s'élaborent des politiques sectorielles dans les divers ministères impliqués dans les champs de l'éducation des adultes et de la formation professionnelle. Nous tenons à réaffirmer que la formation est une démarche qui ne saurait être définie en fonction des seuls besoins du marché du travail, si urgents soient-ils. L'ICEA recommandera donc que le gouvernement du Québec se donne, d'urgence, une politique globale en éducation des adultes.

De plus, soulignons que les avancées réalisées par le gouvernement du Québec en développement de la main d'oeuvre risquent fort d'être annulées si la formation fondamentale n'est pas réaffirmée en tant que première compétence professionnelle. Il nous apparaît utile de rappeler qu'une solide formation de base constitue un appui certain pour se doter de connaissances complémentaires. C'est là un atout majeur sur lequel devrait miser avec force le plan gouvernemental de relèvement des compétences de la population.

La création d'une culture de formation ne pourra se réaliser sans l'implication des milieux de travail, des milieux de l'éducation et de la population. Cela exigera que les réseaux publics d'enseignement et les organismes communautaires impliqués dans le champ de la formation trouvent leur place dans les structures de décision du nouveau partenariat de la Société de développement de la main-d'oeuvre.

Nous croyons donc que les besoins globaux de formation des adultes doivent être pris en considération. Et nous souhaitons vivement que les orientations du gouvernement du Québec en matière de développement de la main d'oeuvre s'inspirent d'une vision plus large de la formation continue et des motivations des personnes à contribuer à leur environnement social et économique.

I - L'ESPOIR DU DÉVELOPPEMENT: LES RESSOURCES HUMAINES

La formation de la main-d'oeuvre est aujourd'hui au coeur des orientations gouvernementales qui visent le développement des secteurs industriels à forte valeur ajoutée. C'est un virage que la société québécoise se doit de prendre. Mais le Québec ne peut se permettre de ne viser qu'à être «compétent et compétitif». Il doit aussi viser l'équité.

Or, l'Énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre, en insistant d'abord sur l'ajustement de l'offre et de la demande en main-d'oeuvre, relègue au second plan le défi d'intégration au marché du travail de toutes les personnes qui en sont exclues, ou dont les emplois sont précaires, vulnérables.

De l'avis de l'ICEA, relever un tel défi représente l'enjeu majeur du développement économique et social et une politique de développement de la main-d'oeuvre doit y contribuer.

Pour ce faire, l'ICEA croit que le gouvernement du Québec doit viser l'accessibilité de la formation, à la fois par l'assouplissement de ses structures et par la réforme des pratiques de formation. Il doit aussi modifier la composition de la Société de développement de la main-d'oeuvre et préciser son mandat, pour éviter que celle-ci ne consacre, une fois de plus, l'exclusion des plus démunis et consolide, par le fait même, un Québec à deux vitesses.

«Un Québec compétent et compétitif», qui utilise la force de ses ressources humaines, doit travailler à combler l'écart entre les personnes qui ont un emploi durable et convenable, et celles qui n'y ont pas accès, l'écart entre les personnes qui ont accès à une formation qualifiante, et celles qui en sont exclues.

Le rapatriement

L'ICEA partage l'objectif du gouvernement d'éviter les dédoublements inutiles. Nous appuyons par conséquent la volonté de rapatrier au Québec les fonds fédéraux voués à la formation et au développement de la main-d'oeuvre. Lors de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, l'ICEA avait recommandé que soit réaffirmée la compétence du Québec en matière de culture, d'éducation, d'alphabétisation, de formation générale et professionnelle. Pour l'ICEA, il est donc impérieux que le Québec rapatrie dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre, non seulement les budgets fédéraux mais surtout ses pleins pouvoirs.

L'Institut veut toutefois réaffirmer sa position face à l'utilisation des fonds de la caisse de l'assurance-chômage pour la formation. Nous endossons l'idée que les personnes sans emploi puissent profiter de leur période de chômage pour se donner une formation. Cependant, depuis sa création, la raison d'être de la Caisse d'assurance-chômage a toujours été de fournir un support au revenu des personnes sans travail qui avaient contribué à cette caisse. Nous nous sommes objectés à ce que l'on réduise les mesures de soutien aux chômeurs et aux chômeuses pour financer des activités de formation de la main-d'oeuvre en emploi et pour soutenir la planification des ressources humaines des entreprises.

Ce détournement de l'objectif initial nous apparaît aujourd'hui encore inacceptable, d'autant qu'à la faveur de la réforme de la Loi sur l'assurance-chômage et des derniers budgets fédéraux, le gouvernement fédéral s'est largement désengagé du financement de la formation et du régime lui-même. Il faudra donc être vigilants sur la façon dont se fera le transfert des fonds au moment du rapatriement pour ne pas reproduire au Québec l'injustice dont sont victimes aujourd'hui les chômeuses et les chômeurs.

La contribution des entreprises

Alors que l'énoncé de politique s'applique à démontrer que l'implication des entreprises dans la formation doit augmenter de façon importante, l'ICEA s'étonne de la modestie des mesures proposées. Le crédit d'impôt pour les entreprises, qui apparaît comme l'outil majeur prévu par le gouvernement québécois pour la création d'une culture de la formation, n'est assorti d'aucune garantie que la formation offerte sera vraiment qualifiante et transférable pour les travailleuses et les travailleurs. Alors que ce crédit existe depuis deux ans sans que les résultats obtenus soient encore probants, on peut douter qu'il incite vraiment les petites et moyennes entreprises (PME) à s'engager dans l'aventure de la formation, en l'absence de toute forme d'obligation. Leur implication est pourtant essentielle puisqu'elles emploient collectivement une grande partie de la main-d'oeuvre et qu'elles font très peu de formation.

Plusieurs pays, pourtant inscrits dans le même univers de compétition et de globalisation des marchés (France, Allemagne, Suède), contribuent davantage à la formation de leur main-d'oeuvre, et leurs entreprises participent à des programmes plus contraignants.

Plusieurs mécanismes visant à impliquer les entreprises ont déjà été suggérés et pourraient être expérimentés. Ils ne sont pourtant pas repris par l'énoncé. Que l'on pense à la taxe de 1% de la masse salariale proposée par le rapport De Grandpré sur l'adaptation au libre-échange, celle de 2% avancée par la commission Jean sur l'éducation des adultes, l'obligation de créer des comités paritaires de formation, etc...

Le gouvernement ne compte-t-il que sur le crédit d'impôt et le partenariat pour que les entreprises sentent l'urgence de miser sur leurs ressources humaines?

L'ICEA PROPOSE

Que le gouvernement explore de nouvelles mesures plus efficaces et plus contraignantes visant à s'assurer de l'implication des entreprises dans la formation de la main-d'oeuvre.

L'ajustement de l'offre et de la demande en main-d'oeuvre

L'ICEA est d'accord avec l'urgence de «développer une culture de la formation continue sur le marché du travail», de «raffermir l'approche sectorielle» et «d'imbriquer les politiques et interventions en matière de main-d'oeuvre avec celles du développement régional en faveur du développement de l'emploi». Toutefois, nous questionnons la priorité démesurée attribuée à la recherche de l'équilibre entre l'offre et la demande de main- d'oeuvre par le biais de la formation.

En effet, même si toutes les pénuries de main-d'oeuvre étaient comblées à très court terme, le problème de l'emploi ne serait pas réglé, celui du développement du Québec non plus. Miser uniquement sur l'ajustement ou l'adaptation de la main-d'oeuvre est insuffisant. A notre avis, un réel développement de la main- d'oeuvre doit viser, en priorité, l'accessibilité de la formation pour tous et pour toutes. Il doit donc «s'accrocher» à une politique de plein emploi. Une main-d'oeuvre compétente est nécessaire, essentielle même, mais il faut aussi soutenir les efforts des individus, par la création d'emplois susceptibles de fournir une issue à leur démarche de formation.

La précarisation de plus en plus grande de la structure d'emploi oblige à une réflexion collective. Il faut certes miser sur les secteurs économiques capables d'être un moteur de la croissance du Québec. Mais il faut songer qu'une société saine exige aussi l'équité, par la création d'emplois pour toute la main-d'oeuvre. C'est ici que les stratégies de développement local prennent tout leur sens. Pour l'ICEA, la formation de la main-d'oeuvre est intimement liée aux stratégies de développement économique.

La portion de la main-d'oeuvre dont l'emploi est précaire ou qui est exclue du marché du travail fait aussi partie de notre richesse collective. Elle ne doit pas être laissée pour compte dans l'effort que le Québec s'apprête à entreprendre.

L'ICEA PROPOSE

Que la politique de développement de la main-d'oeuvre soit intégrée à une stratégie de développement économique visant le plein emploi.

II - MISER SUR L'ACCESSIBILITÉ DE LA FORMATION

S'ajuster à la structure actuelle du marché de l'emploi

Une des tendances observables du marché du travail, c'est la croissance constante des emplois précaires, temporaires et à temps partiel. L'énoncé mentionne que plus de 40% des emplois créés depuis 15 ans sont à temps partiel (p. 15), pour la plupart dans des PME qui, par ailleurs, ont une existence précaire. Un grand nombre d'entre elles disparaissent en effet chaque année. Si l'on ajoute le taux de chômage élevé et la part des assistés sociaux aptes au travail, on obtient une portion significative de la main-d'oeuvre qui est exclue du marché des emplois stables et à temps plein.

De plus, pour une partie sans cesse croissante de la main-d'oeuvre, les frontières entre le travail et le chômage sont fragiles et élastiques. Même les frontières avec l'aide sociale sont de plus en plus poreuses. Le temps alloué aux chômeurs et aux chômeuses pour acquérir de la formation est de plus en plus court. En période de difficultés économiques, ces personnes se retrouvent toujours plus nombreuses à rejoindre les rangs des assistés sociaux et à être précipitées dans la pauvreté.

Nous considérons qu'une politique de développement de la main- d'oeuvre doit s'assurer de l'adéquation des mesures destinées à celles et à ceux qui sont en emploi. L'outil concret proposé par l'énoncé, l'aide individuelle à la formation ou «congé de perfectionnement», n'a rien d'incitatif. L'engagement à trouver des moyens d'assurer le retour en emploi est général et peu compromettant. A moins d'inscrire, dans la Loi des normes minimales du travail, l'obligation de conserver son poste à une personne qui bénéficie d'un congé de perfectionnement, on ne voit pas quelle efficacité pourrait avoir ce programme.

Ce serait là un premier pas vers un congé-éducation payé, qu'il nous tarde de voir enfin expérimenté et généralisé au Québec. Mentionnons que la formule de congé-éducation, telle que mise en place dans certains pays industrialisés, permet aux travailleuses et aux travailleurs de se donner la formation qu'ils jugent nécessaire, que ce soit à titre préventif face aux changements technologiques ou encore, tout simplement, pour changer de métier.

S'assurer que les mesures destinées à la main-d'oeuvre en emploi soient adéquates, signifie que les programmes doivent s'adresser également à toutes celles et à tous ceux qui n'occupent pas un emploi «standard» dans une entreprise ayant développé une culture de la formation.

Mais il est malheureusement peu probable que les emplois temporaires ou précaires fassent l'objet de programmes de relèvement des compétences de la part des PME dont la majeure partie n'investit pas dans la formation.

Or, une étude de l'ICEA 1, citée dans l'énoncé, rappelait que les gens les moins scolarisés sont aussi ceux qui reçoivent le moins de formation. Les probabilités sont plus grandes qu'ils se trouvent dans des milieux de travail qui ne valorisent pas la formation ou dans des conditions de vie qui y font obstacle. Ils ont donc moins facilement accès à de tels services, tout en étant pourtant ceux qui en ont le plus besoin. Une politique de développement de la main- d'oeuvre devrait viser à contrecarrer cette tendance, car le Québec ne peut pas se permettre de compter sans une partie de plus en plus importante de sa matière grise. Il ne peut pas non plus se permettre de consolider, via la formation de la main-d'oeuvre, la tendance maintes fois observée d'un Québec à deux vitesses, l'approfondissement croissant des écarts sociaux et l'exclusion de larges portions de la population.

L'énoncé de politique annonce la simplification des programmes de formation et leur regroupement sous quatre grandes rubriques. Trois d'entre eux visent des collectivités, un seul s'adresse aux individus non regroupés. S'il est très important de soutenir les efforts des personnes privées de leur emploi à la suite d'un licenciement pour empêcher que leur situation ne se détériore, il faut également prendre conscience de l'ampleur potentielle d'un programme qui s'adresse aux individus. En effet, ce dernier risque de toucher la majorité de la main-d'oeuvre.

Or, la présentation des objectifs de l'intervention individuelle en développement de la main-d'oeuvre semble d'abord axée dans l'énoncé sur les pénuries de compétences.

Comment s'assurera-t-on de l'évaluation des besoins réels en main- d'oeuvre? Quel accueil recevront ceux et celles qui désirent s'orienter ailleurs que dans les secteurs où l'on a diagnostiqué une pénurie? Comment répondra-t-on aux demandes de formation à temps partiel quand, dans les commissions scolaires, l'enveloppe budgétaire est fermée et donc les inscriptions contingentées? Quelle attention sera portée à la demande provenant des adultes?

L'énoncé de politique, tel que présenté, ne nous convainc pas que la structure des programmes et les mesures concrètes proposées répondront aux besoins de la main-d'oeuvre, compte tenu de la structure de plus en plus morcelée de l'emploi.

Ainsi, s'assurer du développement de la main-d'oeuvre implique de ne pas exclure ou catégoriser celle-ci en fonction de son «statut» face au marché de l'emploi.

L'ICEA est d'accord avec la volonté du gouvernement d'ouvrir largement les portes des programmes de main-d'oeuvre aux prestataires de la sécurité du revenu. Il est en effet un impératif, c'est d'améliorer la qualité de la formation offerte et les conditions d'apprentissage pour les prestataires qui désirent intégrer le marché de l'emploi, afin de les aider à sortir du cercle vicieux des programmes éphémères et sans issue.

Toutefois, l'énoncé de politique introduit une ambiguïté en annonçant (page 57) que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre n'aura pas la responsabilité des programmes dits de développement de l'employabilité. Cette ambiguïté se renforce quand le projet de loi 408 déclare, à l'article 17, que le mandat de la société a trait au domaine de l'aide à l'emploi.

Quelles sont les frontières qui délimitent l'employabilité et la formation? Le développement de la main-d'oeuvre est un processus qui doit s'adapter aux besoins concrets des gens. Nous croyons que les programmes d'employabilité doivent relever de la Société. En fait, l'ICEA considère qu'il devrait y avoir un seul réseau de main- d'oeuvre et que priorité soit donnée à l'accessibilité de la formation.

L'ICEA PROPOSE

  • Conformément à ses positions antérieures en faveur d'un congé- éducation, l'ICEA souhaite que soit inscrite à la Loi des normes minimales de travail l'obligation pour les entreprises de garantir le retour en emploi pour leurs salariés et salariées se prévalant d'une aide au perfectionnement.
  • Que l'on s'assure de l'accessibilité du système de formation de la main-d'oeuvre. Qu'une attention particulière soit accordée aux programmes facilitant l'accès aux personnes qui occupent des emplois précaires ou à temps partiel, et à toutes celles qui souhaitent intégrer ou réintégrer le marché du travail à partir de leurs besoins et sans distinction de «statut».
  • Que les programmes d'employabilité soient clairement intégrés au mandat de la Société de développement de la main-d'oeuvre, à l'article 17, afin de faciliter l'accès à la formation et au marché de l'emploi pour tous et toutes.
  • Que le Québec intègre les différents programmes et services qui s'adressent à la main-d'oeuvre, plus particulièrement au niveau de la formation, en un seul réseau accessible tant aux personnes en emploi, qu'aux personnes en chômage ou prestataires de la sécurité du revenu.

Ajuster la formation aux besoins de la main-d'oeuvre

La formation de la main-d'oeuvre ne saurait se faire seulement, ni même principalement, à partir des besoins immédiats des entreprises. Le risque serait trop grand. Ainsi, les entreprises pourraient miser sur l'adaptation rapide et ponctuelle de ceux et celles qui sont capables rapidement d'acquérir de nouvelles techniques, et exclure les individus qui ne peuvent s'adapter facilement. Cette stratégie serait sans issue à moyen et à long terme.

Pour les travailleuses et les travailleurs, les emplois que l'on occupe la vie durant sont de plus en plus rares. Il est donc essentiel d'avoir une bonne formation de base qui leur permette de s'ajuster aux changements. De la même façon, à long terme, les employeurs ont intérêt à ce que leurs employés soient polyvalents et capables d'apprendre, et à ce que la main-d'oeuvre dans son ensemble soit en mesure de le faire. Il faut donc que le développement de la main-d'oeuvre se fasse à partir des intérêts collectifs, dans une vision à long terme.

Cette vision doit permettre de dessiner clairement à la fois les moyens d'obtenir une formation de base tout en restant en emploi et une formation plus spécifique pour réintégrer le marché du travail. Les ponts entre les différents types de formation, entre les différents lieux susceptibles de la dispenser, doivent être faciles à franchir.

L'enjeu de la formation continue

Un énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre n'est pas une politique d'éducation des adultes. Toutefois, le défi du relèvement des compétences tient en partie dans la capacité qu'aura le système de formation d'aménager des passerelles entre l'apprentissage de base et les compétences plus spécifiques. Un système de formation continue est essentiel.

La presse écrite nous fournit, en ce moment, plusieurs exemples de cette urgence. Par exemple, avec la crise qui atteint les secteurs manufacturiers à forte composante de main-d'oeuvre, de nombreux travailleurs et travailleuses peu scolarisés sont menacés de ne plus voir reconnaître leurs qualifications. Si leurs besoins en formation de base ne sont pas comblés, notamment en alphabétisation, ils deviendront très vulnérables en cas de diminution de personnel ou de changements dans l'organisation du travail. Les derniers chiffres du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle laissent d'ailleurs croire que certains d'entre eux ont déjà rejoint les rangs des assistés sociaux aptes à l'emploi (vg. La Presse, 15 janvier 1992).

Or, ces personnes ont des compétences acquises par une longue expérience de travail. Mais parce que, en cours d'emploi, elles n'ont pas pu s'alphabétiser ou augmenter leur niveau de connaissances académiques, elles se retrouvent démunies, acculées brusquement à se réorienter ou à grossir le contingent des exclus. Elles subissent une déqualification qui évacue des compétences qu'elles ont pourtant acquises.

La responsabilité de la formation continue doit être partagée par tous, mais elle doit d'abord être reconnue et traduite concrètement par des programmes et des modes de formation.

L'ICEA se réjouit de l'ouverture manifestée dans l'énoncé de politique quant à une plus grande souplesse dans les critères d'admissibilité aux divers programmes de formation. Il appuie la reconnaissance de cheminements spécifiques pour les clientèles jeunes et adultes, et surtout la volonté de revaloriser les apprentissages techniques tant à l'école que dans toute la société.

Mais cette ouverture semble insuffisante. Les travailleuses, les travailleurs et les personnes sans emploi ont besoin d'un système capable de reconnaître les savoirs acquis au fil de leur expérience. Ils et elles doivent pouvoir utiliser et voir reconnue la formation obtenue, au moment de changer de poste, d'emploi ou de réintégrer le marché du travail. Le droit d'améliorer ses compétences, même au niveau des connaissances de base, sans avoir à quitter son emploi, devrait être reconnu. On ne devrait pas non plus être contraint de viser le diplôme de Secondaire IV ou V pour bénéficier d'une formation rapide permettant d'accéder au marché de l'emploi. La continuité entre l'école et l'entreprise doit aller au-delà des mots.

Pour cela, il faut insister davantage sur les passerelles à aménager entre l'école et l'entreprise, entre la formation générale, la formation professionnelle de base et la formation sur mesure. On ne saurait pourtant sans risques favoriser la prolifération des programmes privés de formation. Il faudra établir des formes de contrôle et s'assurer de la qualité de l'enseignement offert, en regard des besoins des individus et non des seuls besoins immédiats de l'entreprise.

Dans le but d'établir une cohérence entre les lieux et les modes de formation, il faut reconnaître leur pluralité comme leur diversité. Cependant, l'ICEA réaffirme que les réseaux publics d'éducation doivent être considérés comme des partenaires incontournables dans tout projet de développement des compétences, et non d'abord et seulement comme des dispensateurs de services.

L'ICEA est aussi d'avis que les moyens appropriés soient mis en place, afin que la main-d'oeuvre avec ou sans emploi soit en mesure de participer à l'élaboration des programmes et de faire connaître ses attentes et ses besoins et ce, à tous les niveaux.

Enfin, l'ICEA s'inquiète de l'intégration des Services régionalisés d'accueil et de référence (SRAR) aux Commissions de formation professionnelle et donc aux structures régionales de la Société de développement de la main-d'oeuvre. La mise en place de guichets uniques d'accueil et de référence avait constitué, au milieu des années 80, un pas dans la bonne direction pour les adultes qui faisaient face à un lot de cours et de programmes. Rappelons que, jouissant d'un statut indépendant et aucunement rattachés aux réseaux institutionnels, les SRAR étaient chargés d'aider les adultes à définir l'ensemble de leurs besoins de formation et à y trouver réponse.

L'ICEA déplore le fait que ces services unifiés soient en voie d'être transformés en «guichets spécialisés en main-d'oeuvre», devant l'abandon de toute référence à l'Énoncé de politique de 1984 dans la définition de leur nouveau mandat. C'est là une perte importante. Nous considérons que les SRAR ne doivent, en aucun cas, voir leur rôle réduit à la promotion de services strictement liés aux besoins du marché du travail.

L'ICEA PROPOSE

  • Dans une perspective de formation continue, que l'on s'attache à établir clairement des passerelles entre les différents niveaux de formation, entre les différents lieux et les différents temps.
  • Qu'à cet effet, on s'assure qu'un système fonctionnel de reconnaissance des acquis et des compétences vienne compléter l'assouplissement des critères d'admission aux programmes de formation.
  • Que l'on s'assure également d'un contrôle visant la reconnaissance et la transférabilité des formations offertes ailleurs que dans le milieu scolaire.
  • Que des systèmes d'équivalences adéquats permettent de passer d'un niveau de formation à un autre.
  • Que les réseaux publics d'éducation soient reconnus comme des partenaires essentiels dans le développement de la main- d'oeuvre.
  • Que les Services régionalisés d'accueil et de référence conservent leur mandat originel, consistant entre autres à aider individus et groupes à «définir leurs besoins éducatifs, à déterminer leurs objectifs, à connaître l'éventail des ressources disponibles et à choisir celles qui leur conviennent le mieux».

Réformer les pratiques de formation

Miser sur la qualification de la main-d'oeuvre exige aussi une efficacité des programmes, des pratiques, et une amélioration des conditions entourant les apprentissages. Réformer les structures n'est pas suffisant.

D'après les données du ministère de l'Éducation, citées dans Le Devoir du 14 décembre dernier, «...d'une année sur l'autre, une bonne moitié des personnes inscrites interrompent leur démarche de formation en cours de route et seulement 15% se réinscrivent à d'autres programmes de cours menant au secondaire ou entreprennent des études secondaires...». En alphabétisation, «87% des inscrits ... sont partis après 100, ou 500 heures, rarement davantage!»2. Il existe donc, au niveau de l'éducation des adultes, un décrochage qu'il faudrait qualifier.

Car, si le décrochage scolaire est terrible pour les jeunes, il l'est souvent encore davantage pour les adultes pour qui cela représente un second échec. Le décrochage représente des coûts humains et financiers que l'on se doit d'éviter. Il faut donc identifier les raisons qui mènent au décrochage chez les adultes et procéder à une évaluation des différents programmes, des pratiques et des conditions d'apprentissage. Sinon, on risque de consolider l'exclusion de personnes qui ont des modes d'apprentissage différents et qui ont vécu des expériences difficiles dans le système d'éducation.

Il existe, à ce titre, des expertises que ne reconnaît pas l'énoncé de politique. Tout d'abord, celle des formateurs et formatrices des réseaux publics d'éducation, qui se mesurent chaque jour avec la réalité concrète du système, des programmes et des conditions de formation. Il y a là des acquis, des compétences, une connaissance des besoins et des milieux, non mis à profit. Il y a là un personnel qualifié, d'expérience, dont on n'écoute pas assez la voix quand vient le temps d'élaborer des programmes et d'en évaluer les résultats. Nous croyons que les formateurs et formatrices devraient être consultés dans l'appréciation des facteurs de décrochage des adultes et la recherche de solutions.

Il faudra aussi s'appuyer sur l'expertise de plusieurs groupes communautaires en alphabétisation, en intégration en emploi, en développement économique local, qui travail lent quotidiennement avec des gens exclus du marché du travail, sous-scolarisés et sous- qualifiés. Ces groupes vivent avec les effets du décrochage et tentent de raccrocher ceux et celles qui le désirent.

Ces groupes comprennent les mécanismes qui mènent à l'exclusion et ont mis au point des pratiques adaptées, qui devraient être reconnues et qui pourraient aider à améliorer les conditions dans lesquelles se fait actuellement la formation, tant au niveau du recrutement, du suivi, des ratios, du matériel, de la pédagogie, etc. Peu d'intervenants en ont une connaissance aussi concrète. Comme les formatrices et formateurs des milieux de l'éducation, ils devraient être considérés comme des partenaires essentiels dans le développement de la main-d'oeuvre.

L'ICEA PROPOSE

Qu'un bilan critique des programmes, des pratiques et des conditions entourant les apprentissages, soit fait afin d'identifier et d'analyser les raisons qui conduisent les adultes à «décrocher», et cela en s'appuyant sur l'expertise des formateurs et des formatrices des réseaux publics d'éducation.

Que les groupes communautaires qui, à titre d'agents de formation, d'aide à l'intégration à l'emploi, travaillent au développement de la main-d'oeuvre la plus démunie, soient reconnus comme des partenaires à part entière dans cette entreprise.

La tarification

Pour l'ICEA, l'accessibilité de la formation doit être au centre des préoccupations. Parce que les personnes sous-scolarisées sont plus difficile à rejoindre, il faut redoubler d'efforts pour que la formation leur soit rendue accessible.

Dans l'énoncé, la tarification des services ne semble pas viser les individus, mais concerne plutôt les «programmes qui se réaliseront avec la contribution financière des entreprises ou des associations sectorielles» (p.42). Pourtant, le projet de loi 408 permet à la Société de «... par règlement approuvé par le gouvernement, déterminer les frais exigibles de toute personne pour l'utilisation des services qu'elle offre» (article 25). Cette ouverture à la tarification des individus ne peut être tolérée.

Si la tarification vise les entreprises, il ne faudrait pas que cela crée un ordre de priorité dans la formation offerte. La tentation sera grande, de la part des institutions qui fourniront les services, d'établir une priorité à la formation «payante» afin d'assurer des entrées financières au détriment d'une formation qui ne rapporte pas. En période de compression budgétaire, c'est un risque important.

L'ICEA tient donc à réaffirmer le principe d'accessibilité à la formation pour tous et toutes. Il souhaite que le gouvernement revoie les restructurations qu'il s'apprête à faire, à la lumière de ce principe.

L'ICEA PROPOSE

Qu'aucune forme de tarification aux individus ne soit tolérée afin de favoriser l'accès des plus démunis aux services de formation de la main-d'oeuvre.

III - LE PARTENARIAT ET LES STRUCTURES PROPOSÉES

Le développement de la main-d'oeuvre et le relèvement des compétences doivent être un effort collectif. Tous ceux qui mettent l'épaule à la roue devraient être considérés comme des partenaires. C'est à cette condition que le Québec aura le plus de chances de réaliser son développement économique et social. Le partenariat, comme le propose l'énoncé, semble une formule intéressante. Il pourrait être capable de mobiliser les énergies pour atteindre un objectif qui irait au-delà des intérêts différents de chacun des partenaires.

Le Québec compte un certain nombre d'expériences stimulantes dont celles des corporations de développement économique communautaire qui, à l'initiative du secteur communautaire, travaillent à relever l'économie de certains quartiers de Montréal.

Mais le projet de création de la Société de développement de la main-d'oeuvre ne convie pas tous les partenaires. La présence du secteur public d'éducation semble ainsi bien marginale dans la structure proposée, compte tenu de l'importance de la participation des milieux de l'éducation au développement des compétences de la population.

Pour sa part, le secteur communautaire, qui travaille pourtant au développement de la main-d'oeuvre la plus démunie, n'a pas été invité à faire partie du Conseil d'administration de la Société. Cela semble correspondre à la logique de l'énoncé de politique et de son mandat, qui se concentre d'abord sur la population en emploi et néglige les populations exclues du marché de l'emploi ou marginalisées auxquelles s'adressent surtout les groupes communautaires.

Afin d'éviter que ne se développe, en formation de la main-d'oeuvre, une démarche à deux vitesses qui confinerait les plus démunis dans des programmes marginaux non intégrés à un plan d'ensemble plus cohérent, il faut que les programmes d'employabilité fassent partie du mandat de la Société (tel que proposé à la page 14). Il faut également que des représentants du secteur communautaire soient intégrés au conseil d'administration de la Société et à ceux des sociétés régionales.

Ces représentants pourraient être issus de groupes travaillant au développement de la main-d'oeuvre et à l'intégration à l'emploi (assistés sociaux, non syndiqués, développement local, etc.) et de groupes travaillant avec des populations ayant des besoins spécifiques (jeunes, femmes, communautés culturelles, etc.). Un siège devrait être réservé à une représentante des groupes de femmes.

La composition de la Société

L'ICEA propose de modifier la composition proposée par le projet de loi 408, afin d'assurer une représentation des groupes communautaires qui oeuvrent dans le développement de la main- d'oeuvre, et plus particulièrement auprès de celles et de ceux qui sont exclus du marché de l'emploi ou qui y occupent une place précaire.

Cette représentation vise à faire reconnaître la double caractéristique de ces groupes. Ce sont d'abord d'authentiques agents de formation. Leurs activités couvrent un large champ de formation qui contribue directement ou indirectement au développement de la main-d'oeuvre: de l'éducation populaire à la formation professionnelle, en passant par l'employabilité, l'intégration à l'emploi, l'alphabétisation, le développement économique local, etc. Ils sont aussi bien placés pour représenter de larges couches de la population exclues ou marginalisées par le marché de l'emploi, qui ont des besoins et des cheminements spécifiques: jeunes décrocheurs, femmes sans expérience de travail salarié, assistés sociaux, communautés culturelles, travailleurs et travailleuses à statut précaire ou non syndiqués, personnes analphabètes, handicapées, etc.

Cette expertise et cette connaissance des réalités et des besoins des milieux plus démunis se doivent d'être réellement représentées à la Société.

L'ICEA PROPOSE

  • Que soit ajoutée au Conseil d'administration de la SQDM une autre catégorie de membres équivalente à la représentation patronale, syndicale ou gouvernementale. Cette catégorie comprendrait des associations du secteur communautaire,dont au moins une devrait représenter plus spécifiquement les groupes de femmes.
  • Qu'étant donné la diversité du secteur communautaire, un processus de concertation soit mis en place. L'élaboration d'une démarche visant à regrouper les principaux intervenants, dans le but de proposer au gouvernement une liste de candidatures représentatives, pourrait être confiée à un organisme carrefour tel que l'ICEA.

Les sociétés régionales

Comme au niveau provincial, on constate que la composition des conseils des sociétés régionales proposée par le projet de loi 408 ne garantit pas non plus la présence du secteur communautaire, bien que deux postes soient réservés pour des «personnes qui oeuvrent de façon active dans la région...». Afin de s'assurer de la contribution de tous les partenaires:

L'ICEA PROPOSE

  • Que soit ajoutée aux conseils régionaux une autre catégorie de membres, équivalente à la représentation patronale et syndicale, pour donner une représentation statutaire aux organismes communautaires du niveau régional. Cette catégorie devrait aussi comprendre des représentants de milieux caractéristiques de chaque région, puisque l'objectif est de refléter les dynamismes particuliers.

Dans le cas de la région de Montréal, l'ICEA craint que la taille de la population desservie et que la diversité des besoins ne conduisent à la reproduction d'une organisation dont le fonctionnement sera lourd et nuira à l'efficacité sur le terrain. Sans promouvoir l'éclatement en plusieurs sociétés régionales, on recommande un mode de fonctionnement décentralisé où les services seront plus accessibles, tout en gardant une planification d'ensemble de la formation et de l'emploi.

Les quartiers les plus défavorisés doivent pouvoir bénéficier d'offres d'emploi sur tout le territoire de la région, mais ils devraient aussi recevoir une attention particulière pour ce qui est de leurs besoins de formation. Avec l'appauvrissement dramatique de la ville de Montréal, l'obligation d'une meilleure efficacité prend des allures d'urgence absolue.

Les quartiers sinistrés comptent une population aussi importante que des régions entières à l'échelle du Québec. La volonté exprimée dans l'énoncé de compter avec les initiatives de développement local devrait se traduire clairement au niveau des structures de la Société.

Les pouvoirs de la Société

La structure de la nouvelle Société créée par la loi 408 présente une certaine confusion pour ce qui est des lieux de pouvoir et des responsabilités des partenaires. En effet, un des mandats de celle- ci est à l'effet de «conseiller le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle sur les politiques relatives à la main-d'oeuvre et lui proposer des moyens pour les mettre en oeuvre» (art. 18.7). Pourtant, à la lecture de l'énoncé de politique (page 40), on remarque qu' «à partir des politiques de main-d'oeuvre définies par le gouvernement en concertation avec la Conférence permanente sur la main-d'oeuvre, les partenaires engagés dans la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre partageront la responsabilité d'identifier, de mettre en place et dé gérer les mesures les plus pertinentes et efficaces pour mieux intégrer la main-d'oeuvre à l'économie». Ces deux instances, toutes deux basées sur le partenariat, ne feront- elles pas double emploi?

Au niveau de la Société elle-même, n'y a-t-il pas également une confusion entre les pouvoirs du conseil d'administration, ceux du ministre et ceux du gouvernement? La nomination du président est faite par le gouvernement sans obligation de consulter le conseil d'administration. De plus, les articles 21, 22, 24, 28, 29 et 30 donnent tantôt au gouvernement, tantôt au ministre, des pouvoirs de désavouer des règlements, d'émettre des directives, d'approuver des programmes établis par la société. Devant qui répondra la SQDM? Ces diverses façons d'intervenir dans la gestion même de la Société mettront assurément le conseil d'administration dans une position difficile. Cette confusion permettra-t-elle au partenariat d'être vraiment efficace?

L'existence des sociétés régionales ne vient pas simplifier la structure de pouvoir. Ainsi, la direction d'une société régionale relève-t-elle d'abord du conseil régional ou de la Société québécoise? Les articles 45, 46 et 47 font croire à une structure hiérarchisée qui ne laisse pas beaucoup de latitude aux conseils régionaux. Pourront-ils, dans ces conditions, réaliser les mandats qui leur sont impartis?

L'ICEA propose

Que les pouvoirs de la Société soient revus afin de permettre au partenariat d'être vraiment efficace. Ceci implique une clarification des attributions respectives du gouvernement, du ministre et du conseil d'administration, de même que de la latitude des sociétés régionales.

CONCLUSION

L'ICEA salue la volonté du gouvernement de mettre de l'ordre dans les programmes qui visent la formation de la main-d'oeuvre. Nous nous inquiétons toutefois du risque que soit consolidée l'exclusion d'une portion de plus en plus importante de la main-d'oeuvre en situation précaire, de chômage ou aux prises avec des difficultés d'intégration au marché du travail.

«Pour un Québec compétent et compétitif» est un premier pas qui devra mener à une meilleure intégration des programmes de formation et à une plus grande coordination des instances impliquées dans la formation de la main-d'oeuvre où qu'elles soient.

Toutefois, nous pensons qu'il faut mettre la priorité, comme collectivité, sur l'accessibilité et la formation continue. Il faut aussi que l'effort collectif que représente le développement de la main-d'oeuvre mobilise tous les partenaires, tant les formateurs et formatrices, la main-d'oeuvre elle-même, avec ou sans emploi, que l'ensemble des entrepreneurs et les instances gouvernementales.

Le développement de la main-d'oeuvre se situe au carrefour entre le développement de l'emploi et les politiques éducatives. Le relèvement des compétences implique la cohérence de toutes les interventions. C'est pourquoi l'ICEA souhaite que soit élaborée une politique globale qui encadre les mandats des ministères à vocation éducative et de ceux qui sont davantage centrés sur la main- d'oeuvre ou le marché du travail. Dix ans après la Commission Jean sur la formation des adultes, n'est-il pas temps d'évaluer nos acquis en ce domaine et de s'assurer d'un meilleur arrimage des stratégies, non seulement des partenaires du marché de l'emploi, mais des partenaires dans la formation, selon des orientations communes?

Au bout du compte, il y va de l'avenir de milliers de personnes qui doivent être au centre de nos préoccupations afin d'atteindre «les objectifs d'équité et de prospérité que nous partageons».

L'ICEA PROPOSE

Que le gouvernement du Québec se donne une véritable politique d'ensemble de l'éducation des adultes, qui tienne compte de la globalité des besoins des adultes, et qui oriente et donne une cohérence à la conception et à la mise en oeuvre des politiques des ministères impliqués en éducation et en développement de la main-d'oeuvre.

RAPPEL DES PROPOSITIONS

PROPOSITION 1

Que le gouvernement explore de nouvelles mesures plus efficaces et plus contraignantes visant à s'assurer de l'implication des entreprises dans la formation de la main- d'oeuvre.

PROPOSITION 2

Que la politique de développement de la main-d'oeuvre soit intégrée à une stratégie de développement économique visant le plein emploi.

PROPOSITION 3

  • Conformément à ses positions antérieures en faveur d'un congé- éducation, l'ICEA souhaite que soit inscrite à la Loi des normes minimales de travail l'obligation pour les entreprises de garantir le retour en emploi pour leurs salariés et salariées se prévalant d'une aide au perfectionnement.
  • Que l'on s'assure de l'accessibilité du système de formation de la main-d'oeuvre. Qu'une attention particulière soit accordée aux programmes facilitant l'accès aux personnes qui occupent des emplois précaires ou à temps partiel, et à toutes celles qui souhaitent intégrer ou réintégrer le marché du travail à partir de leurs besoins et sans distinction de «statut».
  • Que les programmes d'employabilité soient clairement intégrés au mandat de la Société de développement de la main-d'oeuvre, à l'article 17, afin de faciliter l'accès à la formation et au marché de l'emploi pour tous et toutes.
  • Que le Québec intègre les différents programmes et services qui s'adressent à la main-d'oeuvre, plus particulièrement au niveau de la formation, en un seul réseau accessible tant aux personnes en emploi, qu'aux personnes en chômage ou prestataires de la sécurité du revenu.

PROPOSITION 4

  • Dans une perspective de formation continue, que l'on s'attache à établir clairement des passerelles entre les différents niveaux de formation, entre les différents lieux et les différents temps.
  • Qu'à cet effet, on s'assure qu'un système fonctionnel de reconnaissance des acquis et des compétences vienne compléter l'assouplissement des critères d'admission aux programmes de formation.
  • Que l'on s'assure également d'un contrôle visant la reconnaissance et la transférabilité des formations offertes ailleurs que dans le milieu scolaire.
  • Que des systèmes d'équivalences adéquats permettent de passer d'un niveau de formation à un autre.
  • Que les réseaux publics d'éducation soient reconnus comme des partenaires essentiels dans le développement de la main- d'oeuvre.
  • Que les Services régionalisés d'accueil et de référence conservent leur mandat originel, consistant entre autres à aider individus et groupes à «définir leurs besoins éducatifs, à déterminer leurs objectifs, à connaître l'éventail des ressources disponibles et à choisir celles qui leur conviennent le mieux».

PROPOSITION 5

  • Qu'un bilan critique des programmes, des pratiques et des conditions entourant les apprentissages, soit fait afin d'identifier et d'analyser les raisons qui conduisent les adultes à «décrocher», et cela en s'appuyant sur l'expertise des formateurs et des formatrices des réseaux publics d'éducation.
  • Que les groupes communautaires qui, à titre d'agents de formation, d'aide à l'intégration à l'emploi, travaillent au développement de la main-d'oeuvre la plus démunie, soient reconnus comme des partenaires à part entière dans cette entreprise.

PROPOSITION 6

  • Qu'aucune forme de tarification aux individus ne soit tolérée afin de favoriser l'accès des plus démunis aux services de formation de la main-d'oeuvre.

PROPOSITION 7

  • Que soit ajoutée au Conseil d'administration de la SQDM une autre catégorie de membres équivalente à la représentation patronale, syndicale ou gouvernementale. Cette catégorie comprendrait des associations du secteur communautaire,dont au moins une devrait représenter plus spécifiquement les groupes de femmes.
  • Qu'étant donné la diversité du secteur communautaire, un processus de concertation soit mis en place. L'élaboration d'une démarche visant à regrouper les principaux intervenants, dans le but de proposer au gouvernement une liste de candidatures représentatives, pourrait être confiée à un organisme carrefour tel que l'ICEA.

PROPOSITION 8

  • Que soit ajoutée aux conseils régionaux une autre catégorie de membres, équivalente à la représentation patronale et syndicale, pour donner une représentation statutaire aux organismes communautaires du niveau régional. Cette catégorie devrait aussi comprendre des représentants de milieux caractéristiques de chaque région, puisque l'objectif est de refléter les dynamismes particuliers.

PROPOSITION 9

  • Que les pouvoirs de la Société soient revus afin de permettre au partenariat d'être vraiment efficace. Ceci implique une clarification des attributions respectives du gouvernement, du ministre et du conseil d'administration, de même que de la latitude des sociétés régionales.

PROPOSITION 10

  • Que le gouvernement du Québec se donne une véritable politique d'ensemble de l'éducation des adultes, qui tienne compte de la globalité des besoins des adultes, et qui oriente et donne une cohérence à la conception et à la mise en oeuvre des politiques des ministères impliqués en éducation et en développement de la main-d'oeuvre.

LISTE DES MEMBRES DU CONSEIL D'ADMINISTRATION 1991-1993

Comité exécutif

Madeleine Biais, présidente - Fédération des femmes du Québec

Rosette Côté, vice-présidente - Centrale de l'enseignement du Québec

Pierre Paquet - Université de Montréal (FEP)

Maryse Perreault - Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec

Pierre Simard

Bernard Vallée - Syndicat des employés de l'ICÉA

Gabrielle Ciesielski - Centre d'orientation et de formation pour les femmes en recherche d'emploi

Pierre Cyr - Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie

Claude Desnoyers - Table des responsables de l'éducation des adultes des commissions scolaires du Québec

Pierre Dupuis - Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec

Gaétane Fournier - Union des producteurs agricoles Marie-Francine Joron

Jean-Claude Leclerc

Robert Martin - Association générale des étudiants et étudiantes de la FEP

Louise Mercier - Association québécoise des conseillers et conseillères pédagogiques de l'éducation des adultes des collèges du Québec

Marie Roy - Confédération des syndicats nationaux

Isabelle St-Martin - Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec

Bernard Tremblay - Société des services Ozanam Université du Québec à Montréal - SAC Marjorie Villefrance - Maison d'Haïti - Nicole Caron - Syndicat des employés de l'ICÉA

Président sortant - Jacques Proulx

NOTES

1 Institut canadien d'éducation des adultes. La participation à la formation des adultes au Québec en 1983, dossier réalisé par Pierre Doray, ICEA, Montréal, 1985.

2 Le régime pédagogique prévoit un maximum de 2 000 heures pour s'alphabétiser.

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