AVIS DE LA CONFÉDÉRATION DES ORGANISMES DE PERSONNES HANDICAPÉES DU QUÉBEC (COPHAN) PRÉSENTÉ À LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI No 38 : LOI SUR LE COMMISSAIRE À LA SANTÉ ET AU BIEN-ÊTRE

FÉVRIER 2004

Présentation de la COPHAN

La COPHAN est un organisme à but non lucratif fondé en 1985 pour et par des personnes ayant des limitations fonctionnelles. La COPHAN a pour mission la défense collective des droits des personnes ayant des limitations fonctionnelles, de tous âges, et leurs proches, pour une inclusion sociale pleine et entière. Elle regroupe une trentaine d'organismes provinciaux de personnes ayant des limitations fonctionnelles et rejoint toutes les limitations fonctionnelles : motrices, organiques, neurologiques, intellectuelles, visuelles, auditives, troubles d'apprentissage, parole et langage et santé mentale.

Grâce à la collaboration, la consultation et la concertation de ses membres, la COPHAN s'implique et intervient, au niveau fédéral et provincial, dans le vaste domaine des politiques sociales : la santé et les services sociaux, l'éducation, le transport, le travail, le développement de la main-d'œuvre, la justice, la sécurité du revenu, l'aide juridique, la fiscalité, la culture, les loisirs, etc.

La COPHAN n'existe que par ses membres et met en œuvre le principe suivant lequel les personnes qui vivent quotidiennement les difficultés sont les véritables experts : leurs compétences, leurs expériences et leurs recommandations doivent influencer les décisions politiques. Les actions que privilégie la COPHAN touchent tous les aspects de la vie des personnes ayant des limitations fonctionnelles.

Ceci nous amène à intervenir fréquemment dans le dossier de la santé et des services sociaux, puisqu'on y retrouve une part importante des mesures, politiques et programmes qui, ne serait-ce que par leur objet même, visent à favoriser l'inclusion sociale des personnes ayant des limitations fonctionnelles.

Le droit à la santé

Le droit à la santé

Le droit à la santé est un droit fondamental de l'être humain, indispensable à l'exercice des autres droits (…). Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé susceptible d'être atteint, lui permettant de vivre dans la dignité.

(…)

Le droit à la santé englobe une grande diversité de facteurs socioéconomiques de nature à promouvoir des conditions dans lesquelles les êtres humains peuvent mener une vie saine et s'étend aux facteurs fondamentaux déterminants de la santé tels que l'alimentation et la nutrition, le logement, l'accès à l'eau salubre et potable et à un système adéquat d'assainissement, des conditions de travail sûres et hygiéniques et un environnement sain.

(…)

Un autre aspect important est la participation de la population à la prise de toutes les décisions en matière de santé aux niveaux communautaire, national et international.

Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU, Avril 20001

La COPHAN adhère à cette définition du droit à la santé qui repose sur une conception globale de la santé et qui oblige l'État à tenir compte d'un ensemble de déterminants socioéconomiques de la santé. Cette définition implique que le droit à la santé ne saurait se résumer au seul droit d'accès aux soins de santé. Dans l'adoption de ses politiques et programmes, dans l'élaboration de ses plans d'action en matière de santé et de services sociaux, l'État a l'obligation de prendre en compte tout un ensemble defacteurs socioéconomiques qui sont de nature à favoriser la réalisation du meilleur état de santé susceptible d'être atteint par ses citoyens et citoyennes de tous âges. Il doit également prévoir la participation de la population aux prises de décisions qui la concerne en matière de santé et de services sociaux.

C'est d'ailleurs cette définition qu'a retenue récemment la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour formuler une recommandation portant sur la reconnaissance du droit à la santé dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.2

C'est à partir des balises que nous donne cette définition du droit à la santé que nous avons entrepris d'analyser le projet de Loi sur le Commissaire à la santé et au bien-être (PL 38). Nous nous sommes demandé : En quoi les propositions contenues dans le PL 38 sont en mesure de favoriser la réalisation du droit à la santé? Est-ce que les responsabilités, fonctions et pouvoirs qui seraient confiés au Commissaire à la santé et au bien-être par le PL 38 permettront d'assurer « une pleine défense des droits des citoyens au sein du réseau de la santé et des services sociaux » (tel que l'énonçait à ce sujet, le programme du Parti libéral du Québec lors des élections du printemps 2003)?3 De quels outils disposons-nous actuellement pour assurer la défense de ces droits? Quelles sont les améliorations qui devraient leur être apportées ? De quels autres outils avons-nous besoin?

Réactions, commentaires sur le PL 38 et adhésion au mémoire de la Coalition solidarité santé

Le PL 38 prévoit l'abolition du Conseil de la santé et du bien-être et la création d'un Commissaire à la santé et au bien-être, confiant à celui-ci un mandat, à plusieurs volets, qui diffère à plusieurs égards de celui du Conseil. À l'instar de plusieurs autres organismes, dont la Coalition solidarité santé, nous nous opposons à la disparition de cette institution qui a vu le jour entre autres suite aux revendications et avec l'appui de groupes de citoyens et de citoyennes. Ceux-ci voyaient, dans la création du Conseil en 1992, la reconnaissance par l'État de l'importance de considérer et d'intervenir sur un ensemble de facteurs déterminants de la santé et du bien-être de sa population.

Selon sa loi constitutive, le Conseil « a pour fonction de conseiller le ministre sur les meilleurs moyens d'améliorer la santé et le bien-être de la population. »4 Il « peut donner des avis au ministre notamment sur l'évolution des problèmes de santé et de bien-être de la population, les causes reliées à ces problèmes et les groupes les plus vulnérables. »5 Enfin, le Conseil doit donner son avis au ministre « sur les objectifs de la politique de la santé et du bien-être que le ministre élabore ainsi que sur les moyens appropriés pour atteindre ces objectifs, en tenant compte des capacités de la collectivité à mobiliser les ressources en conséquence. »6

Le Conseil a pris, jusqu'à maintenant, une part active dans les débats concernant les choix de stratégies d'intervention ayant des impacts sur la santé et le bien-être de la population et a soutenu l'élaboration de différentes stratégies de développement social. Il s'intéresse également aux enjeux éthiques qui concernent la santé et le bien-être de la population.

Il est composé de vingt-trois membres, issus de différents milieux et régions. Il s'agit de représentants des usagers des services de santé et des services sociaux, de représentants des organismes communautaires (impliqués au niveau de la défense des droits, de la prestation de services ou s'occupant de bénévolat), personnes choisies parmi les praticiens, chercheurs ou administrateurs, de personnes concernées par la politique de la santé et du bien-être.7

Ainsi, la composition même du Conseil favorise que celui-ci ait une vision et une approche globale et sociale de la santé. Cette composition en fait un lieu de délibérations réunissant des citoyens et citoyennes, des universitaires, des gestionnaires du réseau, ainsi que des professionnels.

De plus, dans ses travaux, le Conseil recourt à la consultation et travaille en partenariat. Il affirme s'appuyer sur des valeurs de justice sociale, d'équité, de participation démocratique, de solidarité et de primauté de développement des personnes et des communautés.

De fait, en considérant les raisons qui ont mené à la création du Conseil et qui sont toujours présentes, en considérant la mission accomplie par le Conseil, sa manière de l'accomplir ainsi que les valeurs qui sont à la base de ses réalisations, comment le gouvernement actuel peut-il justifier sa proposition d'abolir le Conseil de la santé et du bien-être et de le remplacer par un commissaire qui cumulera un ensemble de mandats qui apparaissent difficilement conciliables au sein d'un seul et même organisme et dont la mise en place de surcroît se ferait sans le support d'une structure fondée sur la participation citoyenne à la mission et aux travaux du commissaire.

Ceci nous amène à souscrire entièrement au mémoire et aux recommandations de la Coalition solidarité santé, dont la COPHAN est membre et à demander, d'une part, que soit maintenu le Conseil ainsi que sa mission d'appréciation, d'un point de vue global, de l'impact de l'ensemble de l'action gouvernemental sur l'amélioration (ou non) de la santé et du bien-être de la population et d'autre part, que l'on confie au commissaire un mandat reformulé autour d'une seule responsabilité soit celle de l'évaluation du système de santé et de services sociaux. Ce mandat doit toutefois être reformulé en fonction de certains considérants que la Coalition solidarité santé a exposé en détail dans son mémoire. Il s'agit entre autres des obligations suivantes : que la réalisation de son mandat se fasse en consultation avec la population et non en vase clos, que les indicateurs qui serviront à cette évaluation fassent l'objet d'un débat démocratique, et que la détermination du panier de services assurés soit également soumise à la consultation de la population.

De plus, il nous apparaît essentiel que le Commissaire relève de l'Assemblée nationale, que ses budgets soient accordés par celle-ci et que sa reddition de compte se fasse à l'ensemble des élus.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'élaboration d'une Charte des droits des citoyens en matière de santé et de services sociaux, nous souscrivons à l'idée que celle-ci soit élaborée en référant aux droits collectifs à la santé et aux responsabilités gouvernementales en cette matière de même qu'aux cinq grands principes de la loi canadienne (caractère public du système, gratuité, universalité, accessibilité et intégralité). Il est entendu également que l'élaboration de cette charte doit faire l'objet d'un large débat public.

Deux autres éléments ont été apportés par la Coalition et méritent également d'être soulignés. Ils concernent, d'une part, la réalisation d'une synthèse des droits inscrits dans la Loi sur les services de santé et services sociaux, ainsi qu'une diffusion très large de cette information et d'autre part, la nécessité que des améliorations soient apportées à l'actuel régime de traitement des plaintes, dont l'élargissement du mandat du Protecteur des usagers aux ressources privées du domaine de la santé et des services sociaux. Nous sommes d'avis, comme la Coalition solidarité santé que ce système ne soit pas sous l'égide du commissaire, mais demeure plutôt sous la gouverne du Protecteur des usagers. Ce régime de traitement des plaintes doit toutefois être bonifié à plusieurs égards. Il faudrait notamment que le Protecteur des usagers relève de l'Assemblée nationale, que l'indépendance du commissaire local à la qualité soit mieux affirmée, que le régime assure la protection des usagers contre la possibilité de représailles, etc…


Nous concluons notre avis en reprenant ici, l'ensemble des recommandations formulées par la Coalition Solidarité Santé :

Recommandation no 1

Nous recommandons le maintien intégral du Conseil de la santé et du bien-être en parallèle du Commissaire à la santé.

Recommandation no 2

Le mandat du Commissaire devrait se résumer à trois axes de travail et d'intervention : information-consultation, appréciation du système et recommandations.

Recommandation no 3

Le Commissaire devra centraliser et rendre accessibles les différentes évaluations qui existent déjà.

Recommandation no 4

Les indicateurs servant à l'évaluation du système devront préalablement faire l'objet d'un débat démocratique.

Recommandation no 5

Que le Commissaire à la santé et au bien-être ait l'obligation de consulter largement la population lors d'une révision du panier de services assurés.

Recommandation no 6

Le projet de loi devrait préciser les objets sur lesquels le Commissaire a l'obligation de consulter. Cette obligation concernerait notamment les grands enjeux, la définition de la Charte, le panier de services assurés, toutes les questions relatives à la pérennité du système, les indicateurs d'appréciation, la production du rapport quinquennal, etc.

Recommandation no 7

Que le Commissaire ait le mandat de soutenir les demandes d'enquête.

Recommandation no 8

Que le Commissaire reçoive toutes les demandes d'enquête que celles-ci proviennent d'organismes, d'associations ou de citoyennes et de citoyens.

Recommandation no 9

Le Commissaire à la santé devrait soutenir, aux cinq ans, de façon transparente, une démarche participative de production du bilan du Pacte relatif aux droits sociaux, économiques et culturels au chapitre du droit à la santé et de la progression de ce droit au Québec.

Recommandation no 10

Pour garantir son indépendance, le Commissaire doit relever de l'Assemblée nationale, se voir accorder des budgets par elle et rendre des comptes à l'ensemble des élus.

Recommandation no 11

Le Commissaire à la santé devrait, aux cinq ans, déposer un bilan général de son travail.

Recommandation no 12

La Coalition Solidarité Santé est d'avis qu'un conseil d'administration ou un forum de citoyens devrait être formé en soutien au Commissaire à la santé et au bien-être. Ce forum devrait être composé de représentantes et de représentants des différents milieux du réseau de la santé mais surtout de citoyennes et de citoyens appelés à représenter la société québécoise et d'organismes de défense des droits.

Recommandation no 13

Si le gouvernement québécois proposait un projet de charte, celui-ci devrait être essentiellement axé sur les droits des citoyennes et des citoyens en matière de santé et de services sociaux. Nous devrions notamment y retrouver les principes et les valeurs qui sous-tendent le système québécois de santé et de services sociaux.

Recommandation no 14

Que tout projet de charte des droits des citoyennes et des citoyens en matière de santé et de services sociaux fasse l'objet de larges débats publics avant son adoption.

Recommandation no 15

Que soit réalisée une synthèse des droits individuels actuellement inscrits dans la LSSS ou d'autres lois pertinentes en regard de la santé et des services sociaux et que cette information soit rendue accessible à la population.

Recommandation no 16

Que les droits des citoyens sujets de recherche soient mieux définis et que ceux-ci soient informés de leurs droits.

Recommandation no 17

Que le mandat du Protecteur des usagers soit élargi pour lui permettre de protéger les citoyennes et les citoyens qui utilisent des ressources privées du domaine de la santé et des services sociaux.

Recommandation no 18

Que le gouvernement abandonne l'idée d'inclure des codifications sur les responsabilités individuelles dans tous les documents gouvernementaux faisant état des droits.

Recommandation no 19

Que le code d'éthique soit applicable à toutes les personnes appelées à soutenir le Commissaire à la santé et au bien-être dans ses fonctions et au Commissaire lui-même.

Recommandation no 20

Que le Commissaire à la santé et au bien-être dispose d'un budget annuel comparable à celui du BAPE.

NOTES

1 Observation générale n° 14, Doc. N.U., E/C.12/2000/4 (2000)

2 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Après 25 ans, La Charte québécoise des droits et libertés, Volume 1, Bilan et recommandations, pages 25-28.

3 Parti libéral du Québec, Partenaires pour la santé,

4 Loi sur le Conseil de la santé et du bien-être, L.R.Q., C-56.3, article 16.

5 Idem, article 17.

6 Idem, article 18.

7 Idem, article 3.

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