INTRODUCTION

La COPHAN, pour et par ses membres, est un organisme à but non lucratif, incorporé depuis 1985, qui milite pour la défense collective des droits et la promotion des intérêts des personnes ayant des limitations fonctionnelles, de tous âges, et de leurs proches. Elle regroupe trente-cinq organismes nationaux de personnes ayant des limitations fonctionnelles, ayant eux-mêmes des membres dans la majorité des régions du Québec. Elle rejoint toutes les limitations fonctionnelles : motrices, organiques, neurologiques, troubles d'apprentissage, intellectuelles, visuelles, auditives, parole et langage et santé mentale.

LA COPHAN s'appuie sur l'expertise et les compétences des personnes ayant des limitations fonctionnelles et de leurs proches et leurs recommandations doivent influencer les décisions politiques. Le mandat de la COPHAN est de favoriser la concertation entre ses membres, d'établir une collaboration avec le milieu associatif et les partenaires, de représenter et de défendre les revendications du mouvement associatif des personnes ayant des limitations fonctionnelles auprès des instances décisionnelles.

En tant que membre actif du mouvement communautaire autonome, la COPHAN est membre de la Coalition Solidarité Santé, du Comité aviseur de l'action communautaire autonome, du Réseau de vigilance et de la Ligue des droits et libertés du Québec. La COPHAN y représente le milieu associatif des personnes ayant des limitations fonctionnelles et leurs proches. Elle adhère également aux grandes causes portées par ces organismes.

Grâce à la collaboration, à la consultation et à la concertation de ses membres, la COPHAN s'implique et intervient, aux niveaux fédéral et provincial, dans le vaste domaine des politiques sociales : la santé et les services sociaux, l'habitation, la famille et l'enfance, l'éducation et la formation continue, le transport, le travail, le développement de la main-d'œuvre, la justice, la sécurité du revenu, l'aide juridique, la fiscalité, l'accès à l'information, la culture, les loisirs et les régimes de compensation du revenu, tel le Régime de rentes du Québec.

La COPHAN désire être entendue, dans le cadre de la consultation générale sur le document intitulé « Adapter le Régime de rentes aux nouvelles réalités du Québec » entreprises par le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, Monsieur Claude Béchard. En effet, les modifications proposées dans le document du ministre ont un impact sur tous les travailleurs et toutes les travailleuses du Québec mais jouent un rôle particulier sur les personnes ayant des limitations fonctionnelles, que ce soit en ce qui concerne la transition travail/retraite, la rente invalidité et la protection au décès. Nous sommes toujours en démarche d'accès à l'égalité et c'est dans cette optique que nous présentons cet avis.

Avant de nous prononcer sur les modifications prévues au Régime de rentes du Québec, nous souhaitons vous démontrer que les propositions inscrites dans le document « Adapter le Régime de rentes aux nouvelles réalités du Québec » ne sont pas du tout adaptées aux toujours présentes réalités des personnes ayant des limitations fonctionnelles et leur famille.

NOUS SOMMES BIEN LOIN DU TRAVAIL, ALORS DE LA RETRAITE…

En effet l'optimisme dont fait montre le document de consultation sur la féminisation du marché du travail, l'amélioration du niveau de scolarité, le développement du travail atypique en fin de carrière et l'émergence de conditions plus favorables à l'emploi des travailleurs âgés ne tient pas du tout compte de la situation des personnes ayant des limitations fonctionnelles.

Du fait de leur faible place sur le marché du travail, seul un petit pourcentage de personnes ayant des limitations fonctionnelles a accès à une rente de retraite du Régime de rentes du Québec. L'obtention d'une rente d'invalidité reste difficile puisque la personne doit faire la preuve qu'elle est atteinte d'une invalidité grave et prolongée qui la rend incapable d'occuper tout emploi véritablement rémunérateur.

Les personnes ayant des limitations fonctionnelles sont encore généralement moins scolarisées, ce qui ne facilite pas leur accès sur le marché du travail. Quant au travail atypique, (défini comme étant ce qui ne correspond pas à l'idéal de l'emploi régulier à temps plein. De manière générale, les emplois atypiques englobent les emplois à temps partiel, les emplois à court terme ou à contrat, les emplois obtenus par l'entremise d'agence de placement temporaire et de travail indépendant «à son compte »1) c'est malheureusement, non pas seulement le lot des travailleurs et travailleuses âgéEs, mais la réalité quotidienne de la grande majorité des travailleurs et travailleuses ayant des limitations fonctionnelles. Les statistiques qui suivent en font la preuve.

D'autre part, nous ne pouvons pas nous empêcher de faire un lien entre le document de consultation et le document de travail sur Plan de lutte en matière de pauvreté, diffusé par le journal le Devoir, le 10 novembre 2003. Parmi les 69 mesures prévues dans ce plan trois semblent parfaitement concordantes avec le document de consultation : l'abolition par la mesure 1.16 des prestations de 111$ par mois pour les familles avec enfants de 3 à 5 ans et pour les personnes de 55 ans/64 ans et l'établissement, par la mesure 1.17, d'un régime particulier pour les personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi.

Tout comme le document de consultation, le Plan de lutte contre la pauvreté est essentiellement basé sur l'emploi pour résoudre les problèmes. Nous vous rappelons tout le débat tournant autour du chapitre II intitulé Programme de protection sociale de la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale. Il avait, à cette époque, été vendu en disant que ce programme donnerait l'équivalent de la rente d'invalidité aux personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi. Dans les faits, il ne s'agissait que d'un transfert de gestion de ce programme à la Régie des rentes du Québec, mais il avait pour effet de fermer l'accès aux mesures actives aux personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi et de laisser planer un doute sur l'accès aux prestations spéciales. Nous avions alors dénoncé ce glissement de l'inaptitude vers l'invalidité.

Enfin nous sommes toujours surpris de voir comment le vieillissement de la population est appréhendé selon les besoins de la réingénierie : tantôt comme un «fardeau » synonyme de «fortecroissance des dépenses de santé et de services sociaux », dans le document de consultations prébudgétaires du ministre des Finances, tantôt comme un atout synonyme de «vieillesse dorée » (faute de jeunesse), en santé, mieux scolarisée et ayant plus de facilité à se trouver un emploi, mais surtout des emplois atypiques !


QUELQUES STATISTIQUES

En se basant sur les plus récentes statistiques dont nous disposons sur les personnes ayant des limitations fonctionnelles et particulièrement celles de l'Enquête québécoise sur les limitations d'activités (EQLA 1998), nous remarquons que la situation défavorable des personnes ayant des limitations fonctionnelles, observée en 1986 et en 1991, perdure et persiste.

Les données de cette enquête permettent d'estimer, qu'environ 1 086 800 Québécois et Québécoises, soit 15% de la population vivant en ménage privé, vivent avec des limitations fonctionnelles dont :

  • 116 400 enfants de 0-14 ans ;
  • 630 500 adultes de 15-64 ans ;
  • 339 900 personnes âgées de plus de 65 ans.

L'EQLA révèle également que le taux d'incapacité a augmenté significativement de 1986 à 1998, passant de 12% à 17% dans la population de 15 ans et plus vivant en ménage privé. Il est de 13% chez les 15-64 ans, de 42 % chez les 65 ans et plus. Il atteint 55% chez les 75 ans et plus.

La population des personnes ayant des limitations fonctionnelles est plus âgée ;
Les personnes sont généralement moins scolarisées (l'enquête révèle que les hommes et les femmes ayant des limitations fonctionnelles sont proportionnellement plus nombreux à avoir moins de 9 ans de scolarité (33% et 35% respectivement) que les personnes qui n'ont pas de limitations (12% pour les hommes et 14% pour les femmes). De même les pourcentages de personnes ayant des limitations fonctionnelles qui ont fait des études post-secondaires ou obtenu un grade universitaire sont moins élevés que ceux des personnes n'ayant pas de limitations ;
Au niveau de la compensation du revenu, seulement 14 % des personnes de 15 ans et plus reçoivent des prestations, une pension ou de l'aide financière à cause de leur incapacité dont 33% bénéficient d'une pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada ou de la Régie des rentes du Québec, 34% perçoivent des prestations de la sécurité du revenu à cause d'un problème de santé et 21% touchent des indemnités pour maladie ou accident de travail la CCST et 14 % reçoivent des prestations d'un régime d'assurance invalidité d'un employeur.
Elles sont moins fortunées que les personnes n'ayant pas de limitation fonctionnelle. À titre d'exemple, 28% des hommes et 12% des femmes déclarent un revenu annuel personnel total de 30 000$ et plus contre 42% des hommes et 21% des femmes n'ayant pas de limitations fonctionnelles;
Au chapitre du revenu du ménage, la population ayant des limitations fonctionnelles compte de plus fortes proportions de personnes vivant dans un ménage considéré comme très pauvre (12% pour les hommes et les femmes) que la population sans limitation fonctionnelle (5% pour les hommes et 7% pour les femmes). Les femmes ayant des limitations fonctionnelles sont, en proportion, plus nombreuses que les hommes à déclarer un revenu inférieur à 6 000 $ (25% contre 12 % ) ;
51% de la population de 15 à 65 ans ayant des limitations fonctionnelles fait partie de la population inactive. Il y a donc moins d'une personne sur 2 dans cette population qui est soit occupée (42%), soit au chômage (6% ). Le taux d'inactivité est resté sensiblement le même qu'en 1991 (54%). Le taux d'inactivité des personnes ayant des limitations fonctionnelles est élevé comparativement à celui de l'ensemble de la population (51% contre 28%) ;
On trouve proportionnellement plus de familles monoparentales dans les ménages ayant au moins un enfant avec des limitations fonctionnelles que dans les ménages ayant un enfant sans limitation fonctionnelle.

LES MODIFICATIONS PROPOSÉES

Le Régime de rentes du Québec est entré en vigueur en 1966. C'est un régime public et universel d'assurance sociale. Il permet une protection financière de base quand vient le temps de la retraite, en cas d'invalidité et en cas de décès. Les prestations dépendent des cotisations versées. La rente versée à la retraite remplace 25% des gains moyens de carrière du travailleur, de la travailleuse.

En 1984, deux mesures ont été introduites pour permettre aux travailleurs et aux travailleuses, de prendre leur retraite à 60 ans. Leur rente est alors réduite de 0.5% par mois d'anticipation, soit 6 % par année. De la même façon une personne qui travaillerait après 65 ans verrait sa rente augmenter de 0.5% par mois d'ajournement, soit 6 % par année. La deuxième mesure introduit une définition plus souple de l'invalidité. Elle permet aux personnes âgées de 60 ans à 64 ans d'obtenir une rente d'invalidité si elles ne sont plus capables d'accomplir leur emploihabituel, alors qu'il faut être incapable d'occuper tout emploi pour être admissible à cette rente, avant cet âge.

En 1998, une réforme du Régime de rentes du Québec a été faite pour assurer la pérennité du Régime en prévision des impacts du vieillissement de la population. Cette réforme devait permettre d'améliorer le financement du Régime en haussant le taux de cotisation à 9.9%, depuis 2003. Cette hausse devrait garantir l'équité à ceux et celles qui arriveront à la retraite en 2010. Les cotisations qui leur ont été exigées se rapprocheront de la valeur des prestations qui leur seront versées. Cette réforme a aussi doté le gouvernement de mécanismes de gouverne : une consultation publique doit être tenue au moins tous les 6 ans pour analyser la situation et, au besoin, revoir certains éléments du régime. Le Régime doit aussi faire l'objet d'une évaluation actuaire tous les trois ans. Concernant la retraite progressive, deux mesures ont été adoptées : la personne âgée de 65 ans ou plus peut, après entente avec son employeur, diminuer son temps de travail et continuer à cotiser comme si son salaire n'était pas réduit ; une rente de retraite peut être payée au cotisant qui a atteint 60 ans si sa rémunération est réduite d'au moins 20 % en raison d'une retraite progressive conclue avec son employeur.

Les modifications présentées dans le document de consultation touchent plusieurs de ces mesures :

  • La rente de retraite ;
  • La rente d'invalidité ;
  • La rente de conjoint survivant ;
  • La rente orphelin ;
  • La rente d'enfant de personne invalide ;
  • Les rentes combinées.

Nous ne sommes pas actuaires ni mathématiciens pour comprendre le détail de tous les impacts de ces propositions qui font appel à des connaissances très spécialisées. Il aurait été intéressant, pour un changement aussi fondamental de fournir des explications plus substantielles afin que nous puissions prendre des décisions éclairées. D'autre part, nous nous questionnons sur le mode de mise en œuvre de ces propositions dans le cas où elles seraient adoptées. Les dates d'entrée en vigueur prévues parlent d'adoption à court terme (rente d'orphelin, rente temporaire au jeune survivant), de progressivité à compter de 2010 (rente de retraite), de période de transition, d'immédiateté (rente d'invalidité).

Nous comprenons difficilement que cette réforme se fasse actuellement, dans l'urgence, puisqu'il semble que pour mettre en danger la pérennité du Régime et donc augmenter le taux actuel de cotisation (9.9 % ), il faut que l'analyse actuarielle des années 2003 et 2004 démontre que l'écart entre le taux de cotisation est supérieur à 0.3% au taux d'équilibre fixé à 10.1 % (ce taux est monté à 10.35 %, suite à l'expérience financière défavorable des années 2001 et 2002 ).

Tout le document fait l'apologie de l'accès au travail, même après 60 ans, en semblant croire que le contexte est le plein emploi. Nous en sommes bien loin. L'exclusion historique des personnes ayant des limitations fonctionnelles et, par le fait même, du manque d'acquis de celles-ci ne sont pas reconnus, que ce soit en éducation, en formation et sur le marché du travail. En effet, que se passe-t-il au niveau primaire, secondaire, collégial et universitaire, lorsque des travaux d'équipe doivent se faire, mais sans matériel accessible, que les sites Web ne sont pas toujours accessibles, que les informations et formations distribuées par des organismes publics, communautaires ou communautaires autonomes ne sont pas accessibles, que les transports collectifs, les lieux de travail, les garderies ne sont pas accessibles ? Cela a pour effet d'exclure les personnes ayant des limitations fonctionnelles, si l'obligation d'accommodement n'est pas appliquée. C'est le quotidien d'une personne ayant des limitations fonctionnelles qui veut accéder au marché du travail. L'exercice du droit à l'égalité passe nécessairement par la reconnaissance du droit à l'accommodement des personnes ayant des limitations fonctionnelles, car ce droit leur permet de surmonter des obstacles n'ayant rien à voir avec leur compétence. Sans mesure d'accommodement, ces obstacles, qu'ils soient liés à l'accessibilité, aux horaires de travail, aux moyens de communication, aux méthodes employées, aux coûts, aux préjugés, etc. , sont maintenus et ont pour effet d'exclure les personnes ayant des limitations fonctionnelles des lieux, des rôles sociaux, des fonctions, etc., qui auraient pu être adaptés aux besoins liés à leurs limitations fonctionnelles.

Nous rappelons également que les femmes ayant des limitations fonctionnelles ou les femmes ayant à charge un enfant ayant des limitations fonctionnelles ou s'occupant d'un adulte ayant des limitations fonctionnelles, ou les femmes provenant de communautés culturelles sont doublement discriminées, entre autres, au niveau de l'accès au marché du travail.

Le dernier point sur lequel nous voulons insister est le lien que le document de consultation fait sur l'équivalence entre le Régime de rentes du Québec et le Régime de pensions du Canada. Encore une fois le nivellement vers le bas devient la norme. Le Québec a toujours été une société innovatrice et ses actions sociales sont bien souvent un baromètre pour les citoyens et citoyennes des autres provinces. Il faudrait continuer en ce sens plutôt que diminuer nos acquis, qui s'étiolent déjà.

LA RENTE DE RETRAITE

Le document de consultation, assez hermétique pour le commun des mortels et mortelles, propose 3 modifications :

Admissibilité : permettre aux travailleurs et aux travailleuses de réclamer leur rente de retraite à compter de 60 ans, même s'ils se maintiennent en emploi :

À part la simplification de la procédure d'admissibilité pour prendre une retraite progressive, nous ne voyons pas d'avantage financier, surtout avec la proposition de calcul de la rente (risque de perdre 2 années de cotisation du fait que la division se fait sur 40 ans au lieu de 42) et aussi pour ceux qui travailleront à plein temps dans un autre emploi.

Modalité du calcul de la rente : calculer la rente de retraite en fonction de tous les gains de carrière avec la possibilité pour le travailleur de bonifier sa rente s'il compte plus de 40 années de participation au régime.

Sa rente serait égale à : 25% x Gains totaux / 40

jusqu'à concurrence de la rente maximale.

Actuellement la rente payée est égale à 25% des gains moyens compris dans la période cotisable, après avoir retranché du calcul de la moyenne 15% des années ou les gains ont été les plus faibles.

La proposition ne fait plus cette soustraction : elle considère toutes les années et divise les gains totaux par 40 jusqu'à concurrence de la rente maximale

D'autre part une femme (et plus rarement un homme ) peut actuellement, si c'est à son avantage, supprimer du calcul de ses gains moyens toutes les années pendant lesquelles elle s'est retirée du marché du travail pour s'occuper d'enfants de moins de 7 ans.

Dans son document de consultation, il est proposé que cette mesure soit transformée en gains crédités pour chacune des années où une personne s'est occupée d'enfants de moins de 7 ans. Il semble que les deux mesures soient équivalentes.

Actuellement, une personne peut prendre sa retraite à 60 ans mais voit sa rente diminuer de 6 % pour chaque année qui reste à écouler avant son 65e anniversaire. De même une personne qui continue à travailler après son 65e anniversaire voit sa rente augmenter de 6 % pour chaque année jusqu'à 70 ans.

La proposition faite est de maintenir la réduction et d'augmenter l'augmentation à 8.4 %.
Maintenir l'obligation de cotiser si le bénéficiaire travaille après avoir commencé à recevoir sa rente. Les cotisations additionnelles contribueront à hausser la rente jusqu'au maximum payable.
L'obligation de cotiser est maintenue. La différence se situe, qu'avant, la revalorisation de la rente se faisait en substituant les nouveaux gains à ceux plus faibles d'une année déjà comprise dans sa période cotisable, ce qui implique un nouveau calcul de la rente. La réforme propose que les gains additionnels s'ajoutent au registre du cotisant et contribuent à augmenter le montant de sa rente versée jusqu'à concurrence de la rente maximale.

Il nous est assez difficile de comprendre les avantages réels qui pourraient être reliés à ce jonglage de chiffres et de changements entre gains moyens et gains totaux, de crédits plutôt que de retranchement des années. Mais nous pouvons croire que le but est d'inciter les personnes à travailler plus longtemps et donc qu'il n'y a pas grand avantage à prendre sa retraite à 60 ans. D'après certains spécialistes qui ont la formation adéquate pour comprendre ce document ou secteurs qui emploient des actuaires, il est unanime que cette réforme du calcul de la rente provoquera une diminution de la rente de retraite pour une majorité de la population. Seule une minorité de personne pourront avoir des avantages. D'autres part, les femmes, malgré ce qui est dit, sont encore les grandes perdantes. Ainsi, pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles qui cotisent au Régime des rentes l'impact risque d'être encore plus grand. Il deviendra presque impossible d'atteindre le maximum prévu de la rente de retraite.

Nous revendiquons une amélioration du Régime de rentes afin de rétablir l'équité et diminuer la pauvreté. Introduire la modification suivante serait un bon exemple : « Que toute personne qui cotise et qui doit diminuer son temps de travail pour s'occuper de son conjoint ou de sa conjointe ou d'un proche (père et mère) bénéficie des mêmes avantages, pour le calcul de sa rente, que ceux liés à la prise en charge d'un enfant de moins de 7 ans (retrait des années à faibles gains du calcul de la moyenne des gains de carrière).

Il semble qu'avec l'optique de réingénierie tout doit être «performant », souvent par un nivellement vers le bas des programmes, même assuranciels, universels et publics et par une perte du filet de protection sociale, qui ressemble de plus en plus à une épuisette.

Nous proposons donc, qu'avant toute réforme du calcul de la rente de retraite, tout soit mis en place pour favoriser l'accès à l'emploi et le plein emploi. Cela permettra à la fois l'accès au marché du travail des jeunes, des femmes, des personnes issues des communautés culturelles et des personnes ayant des limitations fonctionnelles qui sont actuellement cantonnés dans des emplois atypiques ou au chômage, ou sur la sécurité du revenu ou sans chèque ou dépendantE de leur conjoint ou conjointe.

En ce qui concerne les personnes ayant des limitations fonctionnelles, nous réitérons que pour accéder au marché de l'emploi nous avons besoin de mesures de rattrapage spécifiques mais également de notre inclusion dans les mesures offertes à tous et toutes. Nous vous demandons, entre autres :

  • D'appliquer la Stratégie d'intégration à l'emploi pour les personnes handicapées, adoptée par Emploi-Québec en investissant le financement adéquat pour maintenir et améliorer les mesures spécifiques aux personnes ayant des limitations fonctionnelles (contrat d'intégration au travail et centre de travail adapté) et le développement de mesures actives non ségréguées accessibles aux personnes ayant des limitations fonctionnelles ;
  • De pallier les coûts supplémentaires assumés par les personnes ayant des limitations fonctionnelles en formation professionnelle et en formation continue (aides techniques, médias substituts et ressources humaines : interprètes, auxiliaires, accompagnateurs, etc.)
  • De proposer des mesures incitatives et non coercitives visant à éliminer la pauvreté et l'exclusion sociale ;
  • D'éviter d'amalgamer «contraintes sévères à l'emploi » et «invalidité », surtout en nivelant vers le bas ;
  • D'établir les liens nécessaires avec le ministère des Relations avec les Citoyens et de l'Immigration afin d'inclure les personnes ayant des limitations fonctionnelles comme 4e groupe cible de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans les organismes publics ;
  • D'établir les liens nécessaires avec le Secrétariat du Conseil du trésor afin de mettre en œuvre par un financement adéquat la stratégie de renouvellement de la fonction publique québécoise et son plan d'action «ladiversité dans la fonction publique québécoise » ;
  • D'établir des liens avec le ministère du Travail pour faire avancer le dossier de l'équité salariale.

LA RENTE D'INVALIDITÉ

Nous sommes entièrement opposés à la modification concernant la rente d'invalidité qui propose d'annuler la définition souple d'invalidité actuelle.

En effet la mesure « plus souple » qui permet à une personne âgée de 60 à 64 ans d'être admissible si elle ne peut plus occuper son emploi habituel du fait qu'elle est atteinte d'une invalidité grave et permanente, nous semble tout à fait adéquate pour toute personne âgée de 60 ans, dont les personnes ayant des limitations fonctionnelles. Sous prétexte de s'aligner avec les mesures prises par d'autres pays, d'insister sur la scolarisation des personnes âgées de 60 ans et en faisant un parallèle assez malsain entre une personne qui quitte son emploi pour des raisons de santé (qui est «trop fatiguée », dit le document) afin de trouver un autre emploi et une personne qui «est atteinte d'une invalidité permanente », nous assistons encore à un nivellement vers le bas.

Il est assez particulier de voir que l'équité est toujours utilisée par le gouvernement pour diminuer son apport. Il faut que le gouvernement comprenne qu'une personne qui a des limitations fonctionnelles et qui est atteinte à 60 ans d'une invalidité permanente aura beaucoup plus de difficultés à se trouver un travail. Déjà les personnes âgées de moins de 60 ans qui ont cotisé au Régime et ayant ou ayant acquis des limitations fonctionnelles, ont énormément de difficultés à être admises au Régime des rentes invalidité. Elles ne peuvent accéder à aucun emploi et se retrouvent, la plus part du temps, dans le cycle chômage, sécurité du revenu, mesures qui ramènent au chômage, sans revenu ou dans des emplois très peu rémunérateurs. Il est rare qu'elles bénéficient d'un régime complémentaire.

Pour nous la mesure «souple » de ne plus pouvoir occuper son emploi habituel est une mesure d'équité et de protection qu'il faut à tout prix maintenir. Le gouvernement a la responsabilité de protéger les citoyens et citoyennes et en particulier ceux et celles qui sont le plus souvent exclus du système. Le jour où le système aura évolué et qu'il se sera donné des moyens d'inclusion, nous pourrons alors revoir comment assurer l'équité. Nous demandons donc que cette proposition soit retirée.

En concordance avec la politique active du marché du travail qui reconnaît que les limitations fonctionnelles constituent en soi une exclusion du marché du travail, nous demandons que le régime de rentes du Québec en tienne compte dans l'accessibilité à la rente d'invalidité.

Les deux autres propositions concernent le calcul de la rente d'invalidité avant et après 65 ans. Le régime actuel prévoit le calcul de la rente d'invalidité de la façon suivante : 382,14$/mois + un montant qui varie en fonction des revenus de travail inscrits au nom de la personne au Régime de rentes du Québec. Le versement maximum mensuel est de 992,77$/mois. À 65, ans la personne ne reçoit plus la rente invalidité mais la pension de la Sécurité de la vieillesse + la rente de retraite de la Régie de rentes du Québec.

Le document de consultation entend augmenter la partie uniforme de 382,14$ à 453$, ce qui représente le montant de la pension de la Sécurité de la vieillesse. Par contre la proposition veut modifier le calcul en ajoutant la rente de retraite payable (calculée au moment où la personne devient invalide) plutôt que de conserver la rente de retraite de base (calculée comme si la personne qui est devenue invalide avait cotisé jusqu'à 65 ans). D'autre part, cette proposition entraîne une baisse de la rente de retraite après 65 ans.

Ce calcul pénalise la personne et en particulier la personne invalide qui a 65 ans et nous nous opposons aux propositions concernant la modification du calcul de la rente d'invalidité.

Ce calcul pénalise donc la personne et en particulier la personne invalide qui a 65 ans et nous nous opposons à cette proposition de modification du calcul de la rente d'invalidité.

LA RENTE DE CONJOINT SURVIVANT ET LA RENTE D'ORPHELIN

Actuellement, le Régime de rentes du Québec accorde une rente de conjointE survivantE dans la mesure où il y a une reconnaissance légale de « conjointE » de la personne décédée et si cette personne avait suffisamment cotisé au Régime de rentes du Québec. Le montant de la rente varie selon divers facteurs dont l'âge, le fait d'avoir ou non des enfants à charge de la personne décédée, le fait d'être invalide, le fait de recevoir déjà une rente de retraite ou d'invalidité. Le montant mensuel maximum varie de 403,18$ à 704, 90$ selon les cas de figure. Pour une personne de 65 ans et plus qui ne reçoit pas de retraite, le montant maximum est de 488,50 $ par mois. Cette rente est imposable. La combinaison des 2 rentes ne doit jamais dépasser la rente de retraite maximale.

Parallèlement le Régime de rentes du Québec actuel accorde une rente d'orphelin à la personne qui a la charge d'un enfant mineur de la personne décédée, si cette dernière avait suffisamment cotisé au régime de rentes, jusqu'à ce que l'enfant dont elle a la charge atteigne 18 ans. Le montant est de 61.18$ par mois, par enfant. Elle prend fin lorsque l'enfant atteint 18 ans.

La proposition qui est faite dans le document de consultation engendre un changement majeur basé, encore une fois sur une optique de réingénierie : « Est-il pertinent de verser une rente viagère dans tous les cas… ?», « …Qui faut-il cibler en priorité? », « Est-ce pertinent… ?» « …Est-ce adéquat? »2. Le gouvernement du Québec propose une nouvelle approche, toujours dans la même optique de cohérence dénoncée au chapitre précédent :

  • Tenir compte de la capacité de s'assumer du survivantE, après une période d'ajustement ;
  • Orienter l'aide vers les enfants ;
  • Reconnaître le droit du conjointE à une part de l'épargne-retraite du cotisantE décédéE, comme dans les cas de divorce.

Il propose de hausser la rente orphelin à 187$ / par mois en concordance avec ce que verse le Régime de pensions du Canada, MAIS de verser au conjointE survivantE qui n'est pas à la retraite au moment du décès, une rente temporaire de trois ans, qui serait équivalente à la rente payable au titre de l'invalidité (c'est-à-dire 382,14$/mois de montant de base + un montant qui varie selon les revenus de travail inscrits au nom de la personne décédée. Le montant maximal étant de 992.77/mois). En contrepartie, ilpropose de transférer au compte de la personne survivante 60% des gains inscrits au nom de la personne décédée pour chacune des années de vie commune, jusqu'à concurrence, pour chacune de ces années, du maximum de gains admissibles.

Cette proposition va encore appauvrir les femmes qui, même si elles travaillent, n'ont pas toujours les salaires les plus rémunérateurs et n'ont pas encore la parité salariale. D'autre part même si le marché du travail semble plus ouvert aux femmes, le contexte social a changé et proportionnellement aux années 70, la dynamique familiale est également différente. Les femmes ont aussi un espoir de vie plus long que les hommes.

Plus spécifiquement pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles, cette proposition va accentuer la pauvreté et la dépendance de la personne survivante au régime de dernier recours, la sécurité du revenu. Du fait de l'exclusion des personnes ayant des limitations fonctionnelles du marché du travail, souvent le conjoint ou la conjointe ayant des limitations fonctionnelles ne travaille pas ou a un travail peu rémunérateur. La personne ne bénéficie pas de la sécurité du revenu du fait du salaire de son conjoint ou de sa conjointe. Elle ne reçoit pas toujours de rente d'invalidité. Elle a très rarement accès à une assurance collective. Le contexte actuel engendre également que le conjoint, la conjointe qui n'a pas de limitation fonctionnelle accomplit énormément de tâches que ce soit au niveau domestique et au niveau de la santé. Ces tâches devraient normalement être assumées par des services publics gratuits et universels (ex : soutien à domicile, aide domestique, accompagnement). Dans ces cas, qui sont majoritaires, la perte du conjoint ou de la conjointe, en plus de la charge émotive, signifie obligatoirement une perte d'indépendance et de revenu. La proposition actuelle plongera les conjointEs survivantEs ayant une limitation fonctionnelle dans une plus grande pauvreté et accentuera, encore une fois, la double discrimination que vivent les femmes ayant des limitations fonctionnelles.

Pour toutes ses raisons, nous nous opposons à la proposition concernant la rente temporaire et demandons le maintien des conditions actuelles.

En ce qui concerne la rente d'orphelin, nous sommes d'accord avec la hausse du gouvernement, tout en espérant que ce ne soit qu'une première étape. Toutefois si l'on tient compte de la prise en charge par un parent d'un enfant ayant une limitation fonctionnelle et des coûts supplémentaires que cela entraîne, cette rente pourrait s'étendre jusqu'à 25 ans dans ce cas. De la même façon, du fait de la durée des études, l'aide devrait également être étendue jusqu'à 25 ans pour tout étudiantE qui est aux études à temps plein et pour tout étudiantE ayant des limitations fonctionnelles qui étudie à temps partiel.

LA RENTE D'ENFANT DE PERSONNE INVALIDE

Actuellement si une personne, reconnue invalide par la Régie, a des enfants de moins de 18 ans, ceux-ci ont droit à une rente d'enfant de personne invalide. Cette rente est généralement versée à la personne invalide lorsqu'elle a la charge de l'enfant. Le montant de la rente d'enfant de personne invalide est additionné, s'il y a lieu, à la rente d'invalidité. Cette rente est de 61,18 $ par mois, par enfant, pour 2004. Cette rente est considérée comme un revenu personnel de l'enfant, même si elle est versée au parent. Cette rente peut être versée jusqu'à ce que l'enfant ait atteint 18ans. D'autres conditions peuvent aussi y mettre fin, entre autres si la rente d'invalidité cesse d'être versée ou si l'enfant reçoit une rente d'orphelin ou une rente d'enfant de personne invalide du Régime de pensions du Canada.

Le gouvernement se pose la question «Faut-il modifier la rente d'enfant de personne invalide?». Il réfléchit sur plusieurs hypothèses que pourraient avoir les citoyens et citoyennes :

  • Majorer la rente d'enfant de personne invalide au même montant que celle de la rente d'orphelin pour éviter, lorsque la personne a plusieurs enfants à sa charge, que l'aide pendant la période d'incapacité soit inférieure à la protection en cas de décès ;
  • Protéger en priorité les enfants, du fait que le Régime de rentes du Québec offre une protection au cotisant qui devient invalide et à ces proches en cas de décès ;
  • Ne pas hausser la rente d'enfant de personne invalide du fait qu'elle a déjà une rente invalidité. Indemniser la perte de travail occasionné par l'invalidité sans prévoir d'aide supplémentaire pour les personnes à charge, ce qui correspondrait à la proposition d'augmentation de la partie uniforme de 382,14$ à 453$ de la rente d'invalidité. Le document de consultation fait le parallèle avec les mesures offertes par la CCST ou la SAAQ sans toutefois indiquer que le remplacement du revenu est, sans commune mesure, beaucoup plus important et qu'elles permettent également d'avoir accès à des services de santé et de réadaptation qui sont couverts par ces instances.

Toujours dans un souci d'équité et d'accommodement, nous demandons donc de maintenir la rente d'enfant de personne invalide et de la majorer au même montant que la rente d'orphelin avec les mêmes applications.

CONCLUSION

Nous pensons que sous prétexte du vieillissement de la population, le gouvernement propose une réforme du Régime de rentes du Québec, dans une optique de nivellement vers le bas et de perte d'acquis. Ces modifications, si elles sont adoptées, vont encore appauvrir les personnes qui sont les plus exclues et discriminées dans la société actuelle.

Nous demandons donc au gouvernement, avant de proposer une réforme du Régime de rentes du Québec, de mettre en œuvre une véritable politique familiale, d'adopter un plan de lutte contre la pauvreté qui garantira l'inclusion et la lutte contre la pauvreté, en utilisant des mesures incitatives et non coercitives, de renforcer l'accès à l'éducation, à la formation continue et de développer l'accès à l'emploi et le plein emploi.

Nous avons déjà indiqué au gouvernement comment trouver le financement nécessaire, dans notre mémoire déposé aux consultations prébudgétaires. Enlever des acquis aux personnes qui en ont le plus besoin n'est jamais un moyen «performant» et provoque des «déficits» plus importants.

NOTES

1 Définition extraite du document « Adapter le régime de rentes aux nouvelles réalités du Québec » page 23.

2 Page 39 et 40 du document de consultation « Adapter le Régime de rentes aux nouvelles réalités du Québec »

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