Santé en français -

Pour un meilleur accès à des services de santé en français

Présentation de la FCFA du Canada

au Comité permanent des affaires sociales, sciences et technologie du Sénat

Le 9 septembre 2002

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de nous fournir cette occasion de discuter de l'étude Santé en français - Pour un meilleur accès à des services de santé en français.

Les témoins qui m'ont précédé vous ont présenté la situation de quelques régions du pays. J'aimerais dans un premier temps vous présenter les grandes conclusions de cette étude que la FCFA a coordonnée pour le compte du Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire. Plus de 300 personnes œuvrant dans le domaine de la santé ont contribué directement ou indirectement à cet exercice.

Il s'agissait de la première fois qu'on tentait d'établir un portrait national de la situation des soins de santé en français pour les communautés francophones en situation minoritaire.

L'exercice constitue donc une contribution unique à la description du vécu des francophones en situation minoritaire.Et pourtant, les services de santé ne sont-ils pas parmi les plus essentiels au bien-être des personnes ? Comme le reconnaissait l'honorable Marcel Massé lorsqu'il comparaissait devant le comité mixte des langues officielles alors qu'il était président du Conseil du Trésor : « Il n'y a aucun doute dans mon esprit que les moments où vous avez le plus besoin de faire quelque chose dans votre propre langue sont lorsque vous êtes malades et avez besoin d'être soigné et lorsque vous êtes éduqués. »

Chaque année, des dizaines de milliers de francophones de nos communautés en situation minoritaire ont l'occasion de confirmer cet énoncé de M. Massé, lorsqu'ils se heurtent à la pénurie généralisée de services de santé en français qui prévaut à l'extérieur du Québec.

Le rapport dresse un portrait préoccupant de la situation des soins de santé en français au pays. La moitié des francophones de l'extérieur du Québec n'ont que rarement accès à des services de santé en français et cette proportion varie grandement d'une province à l'autre. Par exemple, près de 25 % des francophones du Nouveau-Brunswick et du Manitoba n'ont aucun accès à des services en français à leur centre de santé communautaire, alors que cette proportion est de 59 % en Ontario, 80 % en Nouvelle-Écosse et 93 % en Alberta.

Le fait que des services médicaux de base ne soient disponibles qu'en anglais dans une aussi grande proportion de régions où des communautés francophones sont présentes est pour le moins inquiétant. Pour de nombreux francophones, il y a pourtant bien pire : des services spécialisés dont dépend parfois leur vie y sont presque totalement absents, même dans les cas où une bonne communication entre patient et professionnel est primordiale. Par exemple, 84 % des communautés francophones ne bénéficient d'aucun service de santé mentale en français.

Parmi les 68 régions retenues pour l'étude, moins de 25 % ont accès partiellement ou totalement à des services de santé en français. Si certaines régions s'en sortent mieux que d'autres, il y a des besoins partout.

Un francophone a de 3 à 7 fois plus de chances de ne pas avoir accès à des services de santé dans sa langue qu'un anglophone de la même région.

Si la Constitution et la Charte canadienne des droits et libertés nous garantissent le droit d'être éduqués en français, si la Cour suprême nous garantit le droit d'obtenir justice en français, il va sans dire que nous avons également le droit inaliénable de naître, d'être soignés et de mourir en français.

C'est une question de dignité des plus fondamentales.

C'est aussi une question de simple équité. La qualité des soins implique nécessairement une bonne communication entre le client et le médecin ou le professionnel. Lorsqu'un Canadien français ou une Canadienne française doit s'exprimer en anglais pour se faire soigner, il obtient des soins de qualité inférieure à la population anglophone du pays.

Et il est inacceptable que l'on oblige nos francophones, dans leurs plus grands moments de vulnérabilité, à obtenir des services de santé dans une langue qui n'est pas la leur.

Comment peut-on aider une jeune femme aux prises avec l'anorexie lorsqu'on dit : I'm sorry, I don't speak French ?

Comment peut-on aider un enfant qui a des difficultés à s'exprimer lorsqu'on dit : I'm sorry, I don't speak French ?

Comment peut-on aider un homme de 50 ans qui doit choisir entre différentes options de traitement pour son cancer lorsqu'on dit : I'm sorry, I don't speak French ?

Comment peut-on aider une personne âgée ayant besoin de soins à domicile lorsqu'on dit : I'm sorry, I don't speak French ?

Personne n'offre d'aide en disant I'm sorry. Vous savez très bien que lorsqu'une personne commence une phrase par ces mots, c'est qu'elle vous refuse quelque chose. Les francophones le savent aussi.

Pour la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, les soins de santé sont un dossier de la première importance, un service essentiel dont est présentement privée plus de la moitié de la population francophone qui vit dans des régions où le français n'est pas la langue de la majorité.

Bien que les communautés francophones en situation minoritaire disposent parfois de services de santé en français grâce aux efforts qu'ont déployés plusieurs administrations, des améliorations au niveau de l'accès sont possibles dans toutes les provinces et dans tous les territoires.

À cet égard, nous avons été heureux de collaborer aux travaux du Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire mis sur pied par le ministre fédéral de la Santé en avril 2000. Ce comité a remis un rapport au ministre en septembre 2001 soit, il y a un an. Le travail réalisé par ce comité est exemplaire, mais il ne faut pas que son rapport reste sur les tablettes.

Ce rapport constitue un excellent plan d'action. Son contenu a été entériné par le Forum national Santé en français qui a réuni plus de 250 personnes à Moncton en novembre 2001.

Il est maintenant temps de passer à l'action.

Les gouvernements peuvent œuvrer ensemble pour l'amélioration des soins de santé en français en milieu minoritaire. Le secteur de l'éducation nous montre la voie. À la suite de l'adoption de la première Loi sur les langues officielles, le gouvernement fédéral a voulu contribuer à l'égalité d'accès à une éducation en français et en anglais aux minorités linguistiques, en mettant en place un Programme d'appui aux langues officielles dans l'enseignement. Il s'agit d'un programme où les deux paliers de gouvernement agissent en partenariat afin de permettre aux provinces et territoires d'assumer les coûts de l'enseignement dans la langue de la minorité.

Aujourd'hui, plusieurs gouvernements sont conscients de la nécessité d'offrir des services de santé en français à leur minorité et sont prêts à collaborer avec le gouvernement fédéral pour ce faire.

Monsieur Elvy Robichaud, ministre de la Santé et du Mieux-être du Nouveau-Brunswick nous écrit : « ...nous anticipons une collaboration continue avec Santé Canada en ce qui a trait à l'amélioration des services de santé en français en milieu minoritaire. ». Monsieur Greg Selinger, ministre responsable des services en langue française du Manitoba est aussi explicite : « Je suis d'accord que l'élaboration et la mise en œuvre des stratégies d'acheminement du dossier et de la prestation des services de santé en français doivent se faire de façon collaborative entre les gouvernements provinciaux/territoriaux et leur communauté d'expression française. L'appui fédéral est essentiel. »

Le gouvernement fédéral a donc un rôle important à jouer. Les moyens qu'il a à sa disposition lui permettent d'inciter les provinces et les territoires à passer à l'action et d'appuyer celles et ceux qui sont prêts.À plus long terme, il importe de garantir les acquis actuels et ceux qui suivront. Nous ne devrions pas avoir à mener des batailles coûteuses, en énergie humaine et en argent, comme nous avons dû le faire récemment dans l'Est ontarien et au Nouveau-Brunswick, pour obtenir ou conserver des services de santé dans l'une des deux langues officielles du pays.C'est pourquoi nous vous demandons de recommander l'ajout d'un sixième principe à la Loi canadienne sur la santé, qui reconnaîtrait l'obligation pour les gouvernements d'offrir les services de santé dans les deux langues officielles du pays.Nous vous convions aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, à œuvrer dans le même sens afin d'assurer que le système de santé canadien reflète l'une des valeurs fondamentales de notre pays, l'existence de deux communautés de langue officielle.N'offrir que des services de santé en anglais aux francophones, comme on le fait actuellement dans la plupart des régions du pays, va à l'encontre des droits fondamentaux de plus d'un million de Canadiens et Canadiennes. Cela va également à l'encontre du bon sens. Soigner les francophones en anglais s'avère inefficace et coûteux.

Nous vous invitons à en tenir compte dans les recommandations que vous ferez au gouvernement canadien.Nous vous remercions de votre attention et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

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