Examen de l'entente sur l'union sociale : Document présenté au Conseil fédéral-provincial-territorial sur la refonte des politiques sociales

Ottawa, octobre 2002

La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada est heureuse de pouvoir présenter son point de vue relativement à l'entente sur l'union sociale de février 1999. La première partie de notre présentation se consacrera à un retour de ce que nous appréhendions il y a maintenant trois années en ce qui concerne chacune des clauses de l'entente sur l'union sociale. La deuxième partie de ce mémoire analysera rapidement les différentes actions entreprises dans le cadre de l'union sociale au Canada, notamment en ce qui a trait au Plan d'action national pour les enfants et les conséquences pour les communautés francophones et acadiennes. Enfin, nous nous attarderons sur l'actualité politique à venir et en quoi le gouvernement fédéral, ainsi que les provinces et territoires, doivent agir afin de redresser la barre en ce qui concerne les attentes légitimes des communautés francophones et acadiennes, notamment en ce qui a trait, naturellement, au renouvellement de l'entente du 4 février 1999.

PREMIÈRE PARTIE - UN RETOUR SUR L'ENTENTE DE FÉVRIER 1999

Le 4 février 1999, tous les gouvernements provinciaux et territoriaux, à l'exception de celui du Québec, ont conclu une entente avec le gouvernement du Canada. Il s'agissait d'une étape très importante d'un long processus mis de l'avant par les provinces et les territoires. Dès la première rencontre des premiers ministres provinciaux et territoriaux, à Ottawa en décembre 1997, il apparaissait important pour les premiers ministres de trouver une formule de collaboration sur le pouvoir fédéral de dépenser dans les domaines de juridiction provinciale en plus d'en venir à une entente sur une procédure impartiale de règlements des différends. Les provinces souhaitaient aussi accroître la coopération interprovinciale, en arriver à un accord sur la mobilité, s'entendre sur une série de principes de politique sociale et discuter d'arrangements fiscaux renouvelés assurant un meilleur équilibre entre les revenus et les compétences des provinces à l'égard des programmes.L'entente du 4 février 1999 traite de la plupart des points soulevés préalablement par les provinces et les territoires. Nous allons les reprendre un à un en essayant de les analyser sous l'angle de leur importance pour les communautés francophones et acadiennes. Nous trouvons opportun de rappeler ici brièvement quelques grands principes de droit constitutionnel.

La constitution canadienne

C'est la Loi constitutionnelle de 1867 qui traite du partage des pouvoirs entre les deux ordres de gouvernement. L'article 91 prévoit les pouvoirs exclusifs au Parlement fédéral. Ce sont les articles 92 et 93 (éducation) qui accordent les pouvoirs aux législatures provinciales. La L.C. 1867 prévoit également un pouvoir résiduel au Parlement fédéral pour tous les sujets non énumérés en 1867 tels que la radiocommunication, la citoyenneté, les affaires extérieures et les langues officielles.Le gouvernement fédéral peut également agir par l'entremise de son pouvoir fédéral de dépenser, qui n'est cependant pas inscrit dans la Constitution. Il s'agit d'un pouvoir d'intervention exceptionnel. Le fédéral peut donc faire des dons à des particuliers, à des organismes et à des gouvernements dans des domaines provinciaux mais il ne peut, d'autre part, par voie législative, réglementer en ce faisant les domaines de juridiction provinciale. Concrètement, cela signifie que le gouvernement fédéral peut, par l'entremise de son pouvoir fédéral de dépenser, intervenir afin de mettre en place ou de maintenir les fonds pour les pensions de vieillesse, les allocations familiales ainsi que plusieurs autres programmes concernant le filet social canadien.Politiquement, il s'agit d'une force et d'un pouvoir impressionnants pour le gouvernement fédéral. Le pouvoir fédéral de dépenser a débouché presque naturellement sur la péréquation afin d'assurer une meilleure justice distributive entre les provinces riches et les autres moins fortunées. En effet, le pouvoir fédéral de dépenser a souvent été utilisé pour transférer des fonds aux gouvernements provinciaux et territoriaux.Il est généralement reconnu que les domaines discutés ci-présents dans l'entente sur l'union sociale sont de compétence provinciale. Certains domaines, comme la santé, sont partagés quoique le pouvoir fédéral, outre le pouvoir fédéral de dépenser, s'en trouve sérieusement limité.

1. Les principes

Au niveau des principes, l'entente prévoit que l'union sociale doit traduire les valeurs fondamentales telles que l'égalité des citoyens, l'égalité des chances, le respect de la diversité, etc. Comme l'ont suggéré d'autres auteurs, en particulier monsieur Claude Ryan, peut-être aurait-il été pertinent de clarifier la question de la division des pouvoirs dans les secteurs clés de la santé et des services sociaux ainsi qu'en éducation.On y traite également des peuples autochtones avec le paragraphe sur la non-atteinte à aucun droit de ces derniers. Comme l'entente sur l'union sociale représente un nouvel arrangement administratif entre les différents ordres de gouvernement et comme les peuples autochtones ont toujours revendiqué une certaine forme d'autonomie gouvernementale, les premiers ministres ont trouvé plus prudent de faire mention que la nouvelle entente n'enlèverait pas de droits aux peuples autochtones.Il n'est nullement mention ni de la Loi sur les langues officielles, ni de la dualité linguistique. Il ne faut pas perdre de vue que cette entente liait le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux. La question de la dualité linguistique ne préoccupait pas les provinces, à l'exception du Nouveau-Brunswick, alors que le gouvernement fédéral doit constamment en faire la promotion. Il y a certainement lieu de se questionner quant à l'absence de mention de la dualité linguistique au niveau des principes.

D'ailleurs, une ébauche de travail datant du 25 janvier 1999 indiquait ceci :

1. Buts et principes

Égalité des Canadiens

Respecter l'égalité, les droits et la dignité de tous les Canadiens et Canadiennes, ainsi que leurs différents besoins sociaux, linguistiques, démographiques et culturels. (l'italique est de nous)

L'entente du 4 février 1999 ne traitait pas évidemment de ce qui est cité plus haut en italique. Il y a lieu de croire que l'ajout des termes sociaux, linguistiques, démographiques et culturels aurait certainement aidé quant à une interprétation large et libérale des termes de l'entente du 4 février 1999, en ce qui a trait au respect de la dualité linguistique. Ces termes n'y figuraient pas et la FCFA du Canada a questionné ce retrait. Bien entendu, nous savions que cette entente ne pouvait porter atteinte aux droits constitutionnels et législatifs des gouvernements; il s'agissait plutôt de coopération renforcée entre les gouvernements. Cependant, comme cette entente laissait justement entrevoir de meilleures coopérations entre ceux-ci, peut-être aurait-il été souhaitable de commencer du bon pied afin que tous prennent conscience de l'importance du respect de la dualité linguistique.

2. La mobilité

L'entente prévoyait que, d'ici trois ans, les différents gouvernements élimineraient toutes les politiques ou pratiques fondées sur des critères de résidence qui restreignent l'accès à l'éducation postsecondaire, à la formation professionnelle, à la santé, aux services sociaux et à l'aide sociale.Concrètement, il existe actuellement plusieurs barrières entre les provinces. Nous sommes loin du modèle européen dans lequel il existe une harmonisation généralisée qui permet la mobilité des travailleurs. Voilà pourquoi les provinces et les territoires, y compris le Québec, ont signé un Accord sur le commerce intérieur, permettant entre autres d'accroître la mobilité entre travailleurs. L'entente du 4 février 1999 venait cependant ajouter un délai (au 1er juillet 2001 à l'époque) ainsi qu'une clause indiquant que toutes les politiques ou pratiques fondées sur des critères de résidence devront être éliminées. Il s'agissait là d'une très grosse commande puisque les exemples de complexité ne manquent pas. Il n'est donc pas étonnant de constater que cela n'a pas abouti encore.S'il existe une normalisation canadienne au niveau des qualifications professionnelles, il était maintenant possible de croire qu'il serait envisageable de pouvoir attirer plus facilement des francophones (sauf que le Québec n'a pas signé l'entente) au sein des communautés francophones et acadiennes lorsque nécessaire. Il en va de même en ce qui a trait à la formation professionnelle. Or, ce n'est pas du tout ce qui est survenu.En ce qui a trait aux frais de scolarité, il y aura éventuellement une normalisation au niveau des frais universitaires à l'échelle canadienne, excepté pour le Québec puisque ce dernier n'a pas signé l'entente du 4 février et que cette question ne touche pas l'Accord sur le commerce intérieur. Ainsi, outre les frais afférents aux déplacements et autres, il sera possible pour un étudiant francophone de pouvoir aller étudier dans une autre province sans craindre une augmentation radicale au niveau des frais de scolarité

3. Imputabilité publique et transparence

Il était question ici de mettre en place des mécanismes permettant de mesurer les progrès accomplis en termes de mise en place de programmes sociaux et d'en évaluer le rendement. Objectif encore très vague et imprécis laissant malheureusement beaucoup de questions quant à son interprétation encore aujourd'hui.Cette clause apparaissait importante pour les communautés francophones et acadiennes dans la mesure où l'on prendra au sérieux l'engagement des gouvernements de « s'assurer que des mécanismes sont en place pour permettre aux Canadiens de participer à l'élaboration des priorités sociales et d'examiner les résultats obtenus à cet égard ». Mais comme le texte était encore très imprécis, il semble que chaque gouvernement a été libre de choisir ses propres façons de favoriser la participation des Canadiens. Comme on ne prévoyait pas non plus de délai ou autres mesures incitatives, cette section est demeurée celle des vœux pieux. Dans ces conditions, il est pour le moins difficile d'imaginer un scénario pour que les communautés francophones et acadiennes puissent exprimer leur voix autre que par les moyens habituels. Encore faut-il convaincre les gouvernements que les principes de l'union sociale touchent directement les communautés francophones et acadiennes, ce que nous verrons dans la seconde partie du présent texte.

4. Travailler en partenariat

De façon générale, la clause 4 prévoyait l'échange d'information d'un gouvernement à l'autre sur les différents programmes mis en place. On prévoyait ainsi qu'un gouvernement en particulier devra donner un préavis aux autres gouvernements avant la mise en œuvre de tout changement majeur à une politique ou à un programme social qui aurait une incidence importante sur un autre ordre de gouvernement.On parlait aussi de mettre en œuvre des priorités conjointes afin de clarifier les rôles et responsabilités, d'assurer une mesure complémentaire aux mesures existantes et éviter les dédoublements. Le texte ne prévoyait pas, par contre, de quelle façon concrètement ces objectifs seraient atteints. Devait-on s'attendre à une intervention accrue du gouvernement fédéral dans les champs de compétence provinciale et territoriale afin « d'éviter les dédoublements ou pour assurer une mesure complémentaire » ?L'entente prévoyait également un traitement équitable entre provinces, à savoir que ce qui est offert à l'un sera également offert aux autres, en tenant compte de la situation particulière de chacun.Dans le dernier paragraphe, il était prévu que « les gouvernements collaboreront avec les peuples autochtones pour trouver des solutions pratiques à leurs besoins pressants ». Nous ne pouvons que féliciter les gouvernements d'avoir prévu cette obligation. Néanmoins, la question des besoins pressants en matière de francophonie, comme l'avaient pourtant assez éloquemment démontré les nombreux rapports gouvernementaux (Savoil1, Fontaine2 et autres3), a été complètement ignorée.Encore une fois, il y a lieu de se questionner, à savoir si les communautés francophones et acadiennes auraient dû être mentionnées à l'intérieur de cette clause. À notre avis, il était de la responsabilité du gouvernement fédéral de constamment avoir à l'esprit le développement et l'épanouissement de ces communautés. Dès lors, dans toutes les sphères d'activités du gouvernement, il doit prendre en considération les besoins des communautés.

5. Le pouvoir fédéral de dépenser

Comme il est mentionné précédemment, cela ne date pas d'hier que les provinces, plus particulièrement le Québec et plus récemment les autres provinces, cherchent à limiter le pouvoir fédéral de dépenser qu'un usage abusif risque de déséquilibrer la fédération canadienne.Le gouvernement fédéral s'engageait donc, dans cette entente sur l'union sociale, à travailler en collaboration avec les provinces et les territoires pour déterminer les priorités et les objectifs pancanadiens. Avant de créer de nouvelles initiatives dans les domaines de santé, d'éducation postsecondaire, d'aide sociale et de services sociaux, le gouvernement fédéral promettait de recueillir le consentement d'une majorité de provinces. Ainsi, dans ce scénario, il était concevable de croire que le gouvernement fédéral aurait pu recueillir une majorité de six provinces représentant moins de 15 % de la population canadienne.Un gouvernement provincial ou territorial avait toujours la possibilité de se retirer, avec une certaine compensation financière, en autant que ce gouvernement respecte les objectifs convenus et utilise les fonds dans le même domaine ou dans un domaine prioritaire connexe. Il ne faut pas perdre de vue que cette entente du 4 février 1999 ne permettait pas un pouvoir de retrait avec pleine compensation financière. En effet, l'entente stipulait que le gouvernement provincial ou territorial pouvait, en raison de sa programmation existante, s'il n'a pas besoin d'utiliser l'ensemble du transfert, utiliser les fonds non requis dans le même domaine prioritaire ou connexe.Cette entente prévoyait aussi que le gouvernement fédéral se garde le droit d'intervenir directement auprès des personnes et des organismes afin de « promouvoir l'égalité des chances, la mobilité et les autres objectifs pancanadiens» . Le gouvernement fédéral n'avait qu'à donner un préavis, à notre avis totalement insuffisant et irréaliste, de trois mois aux provinces afin que celles-ci repèrent les possibilités de dédoublement. Plus encore, il importe de noter que l'entente du 4 février 1999 ouvrait toutes grandes les portes de l'intrusion fédérale dans les champs de compétence provinciale.

Qu'en est-il pour les communautés francophones et acadiennes ?

Lorsque le gouvernement fédéral agit en vertu de son pouvoir fédéral de dépenser, même s'il agit dans un champ de compétence qui n'est pas le sien, il est manifestement clair qu'il doit respecter la Loi sur les langues officielles et les principes de la Partie VII. Qui plus est, la jurisprudence récente oblige tous les gouvernements du Canada à respecter l'un des quatre principes directeurs de la Constitution canadienne, à savoir le respect des minorités.De plus, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué aux gouvernements que le principe de l'égalité des langues française et anglaise (article 16 de la Charte canadienne des droits et libertés) signifie notamment que les droits linguistiques de nature institutionnelle exigent des mesures gouvernementales pour leur mise en œuvre et créent, en conséquence, des obligations pour l'État. De fait, le plus haut tribunal du pays indique que l'exercice des droits linguistiques ne doit pas être considéré comme exceptionnel, ni comme une sorte de réponse à une demande d'accommodement. En fait, ces droits linguistiques ne peuvent être exercés que si les moyens en sont fournis. Qui plus est, le gouvernement fédéral est tenu par le principe de progression de l'égalité de statut des langues française et anglaise au Canada.Ceci dit, il est de notre avis que, lorsque le gouvernement fédéral édicte des objectifs pancanadiens, il se doit de respecter les principes sous-jacents à la Constitution canadienne ainsi qu'à la Loi sur les langues officielles. Le gouvernement fédéral ne peut forcer une province à s'y soumettre mais il peut être possible de croire que le gouvernement provincial, s'il veut obtenir les fonds fédéraux, doive donc respecter aussi tant la Constitution que la Loi. Autrement dit, la province n'a pas d'obligation de prendre l'argent du fédéral. Mais si la province accepte, elle devra respecter les objectifs pancanadiens.Le gouvernement fédéral, même s'il se retire d'un champ de compétence qu'il avait envahi et qui n'était pas le sien, a tout de même créé des attentes auprès des communautés francophones et acadiennes. Se retirer sans prévoir rien en retour pour les communautés les pénaliserait. Clairement, cela ne respecterait pas non plus les recommandations du groupe Fontaine sur les transformations gouvernementales. Qui plus est, dans la mesure où une dévolution de pouvoirs au profit d'une province serait une diminution, sinon une perte, de services en français notamment, cela irait à l'encontre de l'avancement de l'égalité des langues officielles.À tout événement, le gouvernement fédéral se doit de prendre en considération le développement et l'épanouissement des communautés francophones et acadiennes. Autrement dit, il nous est possible d'établir un parallèle avec la question de la gestion scolaire. Nous savons que l'éducation est de compétence provinciale. Nous savons aussi que le gouvernement fédéral injecte des fonds aux provinces et aux territoires, par l'entremise de son pouvoir fédéral de dépenser, afin que les provinces et les territoires accordent la gestion scolaire à leurs communautés minoritaires. Or, il est conséquent pour le gouvernement fédéral, en mettant en place des objectifs pancanadiens sur de nouveaux programmes sociaux, de prévoir un financement adéquat pour les communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire. En d'autres termes, la province ou le territoire pourrait se voir accorder une dévolution dans un domaine social particulier ou gérer un nouveau programme. Ce faisant, le gouvernement fédéral assumerait en parallèle un financement adéquat pour les communautés, comme c'est le cas présentement pour la gestion scolaire.Une des nouvelles façons de faire que le gouvernement fédéral pouvait certainement adopter, en fonction des termes mêmes de l'entente sur l'union sociale du 4 février 1999, était de pourvoir un financement direct à des organismes ou à des particuliers afin de voir aux soins de santé, à l'éducation postsecondaire, l'aide sociale et les services sociaux. Cela allait également dans le sens des recommandations du rapport Fontaine qui prévoyait, par le truchement de projets pilotes, la possibilité d'établir des partenariats avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire en vue de la prestation de certains services par ces dernières.

6. Prévention et règlement des différends

Cette clause prévoyait que les gouvernements conviennent de coopérer afin d'éviter et de régler des litiges entre eux. Clairement, les gouvernements ont voulu demeurer le plus vague et imprécis possible sans avoir à recourir à des tierces parties. Cela se comprend aisément, lorsque l'on considère qu'une décision d'un éventuel arbitre ou médiateur pouvait avoir d'importantes conséquences financières que seuls les élues et élus devraient pouvoir prendre. Il n'est nulle autre sanction que l'opprobre public avec la publication de rapports publics de médiateurs dont la tâche est, encore aujourd'hui trois ans plus tard, à être précisée.

7. Examen de l'entente cadre sur l'union sociale

Cette clause prévoyait enfin qu'avant la fin de la troisième année, les gouvernements entreprendraient une évaluation complète de l'entente et de sa mise en œuvre. On y convoquerait les spécialistes, les entreprises et les organismes bénévoles. Et voilà la raison officielle qui amène la FCFA du Canada à soumettre ce présent document!Ceci dit, force est d'admettre que cet examen demeure relativement discret, en ce qui concerne le grand public qui n'a pas réellement d'occasion de participer à cet examen, ni d'en être parfaitement bien informé. Nous soutenons qu'une fois les pratiques bien acceptées par les gouvernements, que la routine est installée au sein des différents appareils gouvernementaux, il est très difficile d'opérer des changements majeurs d'orientation. Nous craignons que le public canadien, y compris les communautés francophones et acadiennes, ne soit placé devant un fait accompli et qu'il est trop tard, comme souvent par le passé.

En résumé

Depuis le 4 février 1999 :

  1. Dans sa détermination des objectifs pancanadiens, le gouvernement fédéral a l'obligation de considérer les communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire. À ce titre, il doit élaborer des programmes nationaux qui tiennent compte de ses obligations envers le développement et l'épanouissement des communautés francophones et acadiennes.
  2. Il est possible au gouvernement fédéral d'effectuer des transferts directement aux personnes et aux organisations pour les soins de santé, l'éducation postsecondaire, l'aide sociale et les services sociaux. Aussi, les institutions des communautés francophones et acadiennes déjà en place et celles à venir doivent pouvoir bénéficier pleinement de ces nouvelles initiatives pancanadiennes.
  3. Même s'il s'agit d'un domaine de compétence provinciale, le gouvernement fédéral intervient déjà dans le domaine de l'éducation alors qu'il verse des sommes aux provinces et aux territoires afin que ces derniers puissent respecter leurs obligations constitutionnelles à l'égard de la gestion scolaire (article 23 de la Charte) par et pour les communautés francophones et acadiennes. Incidemment, le gouvernement fédéral intervient dans le domaine de l'éducation depuis bien avant l'entente sur l'union sociale puisque le programme des langues officielles en éducation (PLOE) date depuis 1972.

DEUXIÈME PARTIE - ACTIONS ENTREPRISES PAR LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

À la suite de l'entente du 4 février 1999, la FCFA du Canada a écrit, le 22 avril 1999, au président du Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales, l'honorable Stéphane Dion, afin de partager son inquiétude. Dans sa réponse, en date du 26 mai 1999, il répond essentiellement que l'entente en est une de caractère politique qui n'affecte en rien le cadre constitutionnel et législatif qui garantit le respect des droits linguistiques au Canada. Qui plus est, l'honorable Stéphane Dion indique aussi que, contrairement aux prétentions de la FCFA du Canada, l'entente sur l'union sociale ne constitue pas une transformation gouvernementale qui pourrait donner lieu à des transferts de pouvoirs mais plutôt comme une porte ouverte à une coopération renforcée entre les gouvernements. Il ajoute enfin que, dans ce contexte, le gouvernement fédéral continuera à assumer ses responsabilités à l'égard des communautés minoritaires et à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et appuyer leur développement. La FCFA du Canada a reçu essentiellement la même réponse du premier ministre du Nouveau-Brunswick et ministre responsable des Affaires intergouvernementales, l'honorable Bernard Lord, dans sa réponse à la nôtre en date du 3 août 1999.En regard de ces commentaires, il apparaît naturellement utile de s'attarder sur l'une des principales réalisations en matière d'union sociale au Canada au cours des dernières années afin de constater si les principes de l'entente de février 1999 ont été respectés. Aussi, nous nous attarderons au Plan d'action national pour les enfants.

Plan d'action national pour les enfants

Le premier grand suivi concret à l'entente sur l'union sociale du 4 février 1999 est sans doute le Plan d'action national pour les enfants. Dans cette entente entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires, nous ne pouvons malheureusement retrouver rien de significatif eu égard au développement et à l'épanouissement des communautés francophones et acadiennes.Le rapport Grandir en français, utopie ou réalité ? a été réalisé en 2001 par la firme Égéria conseils à partir d'une soixantaine d'entrevues téléphoniques et de rencontres avec des personnes de sept provinces et du Yukon. Ce rapport dresse un portrait des services à l'enfance dans chacun des territoires étudiés. La FCFA espérait que ce rapport aiderait à assurer qu'une partie des fonds disponibles sous le Plan d'action national pour les enfants serait utilisée pour offrir de nouveaux services aux communautés francophones et acadiennes. Dans le cadre de cette entente, le gouvernement fédéral transférerait 2,2 milliards de dollars aux provinces et territoires au cours des cinq années suivantes.Le rapport indiquait que, dans la plupart des cas, il est très difficile pour les parents francophones d'obtenir des services à l'enfance dans leur langue. Ces parents ont le choix entre utiliser les services en anglais ou faire des sacrifices personnels considérables. C'est un choix qu'ils ne devraient pas avoir à faire. Le rapport identifiait cinq problèmes généralisés : une insuffisance de services dans une grande variété de domaines; un sous-financement chronique empêchant l'établissement de programmes à long terme; un manque de professionnels qualifiés; un manque d'accessibilité aux services pour les francophones et une méconnaissance des besoins réels des communautés. Aucun des groupes d'âge ne bénéficient de la pleine gamme de services nécessaires, les 13-18 ans étant le groupe le plus négligé.Ainsi, les services de prévention du suicide et d'intervention en décrochage scolaire, pour ne prendre que deux exemples, sont très importants pour les jeunes. Si ces services ne sont pas disponibles en français, les jeunes francophones ont un obstacle de plus à surmonter. De plus, le rapport note que certaines provinces ont davantage de services à offrir aux jeunes francophones. Il existe une grande disparité entre, par exemple, l'Ontario et la Colombie-Britannique. Même à l'intérieur d'une province, les francophones de régions différentes n'ont pas accès aux mêmes niveaux de services.Or, la réalité est que, malgré la bonne volonté exprimée précédemment par les porte-parole des gouvernements fédéral et du Nouveau-Brunswick, il appert que les communautés francophones et acadiennes sont, justement, à la merci de la bonne volonté des provinces de vouloir inclure les besoins des membres des communautés francophones et acadiennes, notamment la jeunesse. Aussi, c'est sans surprise que, le 21 juin 2000, le Conseil fédéral-provincial-territorial des ministres sur la refonte des politiques sociales a choisi d'ignorer totalement l'existence de deux communautés de langue officielle au Canada et n'a pas tenu compte des besoins spécifiques des collectivités francophones minoritaires dans son rapport sur le Plan d'action national pour les enfants. Rappelons que le Plan visait une meilleure harmonisation des politiques sociales et prévoyait de nouveaux investissements visant à soutenir le développement des jeunes enfants.La FCFA du Canada était donc profondément déçue que le Conseil ait omis de reconnaître les communautés francophones et acadiennes dans son rapport, et ce, malgré les efforts répétés pour sensibiliser les différents paliers de gouvernement aux défis particuliers que la société canadienne doit relever pour assurer le bien-être des enfants en français.Pourtant, en novembre 1999, plusieurs organismes nationaux francophones se sont joints aux associations membres de la FCFA pour former Équipe francophonie 1999 sous le thème du Plan d'action national pour les enfants. En tout, une quarantaine de représentantes et représentants communautaires ont rencontré ministres, sénateurs, députés et hauts fonctionnaires fédéraux afin de les sensibiliser aux besoins des enfants francophones vivant en milieu minoritaire et pour leur demander d'associer les communautés francophones et acadiennes à la préparation et à la mise en œuvre de cette stratégie nationale pour le bien-être des enfants. Ces efforts se sont poursuivis au niveau provincial avec des activités de sensibilisation des élus provinciaux, notamment en Ontario, en Saskatchewan et au Manitoba.Le développement du Plan d'action national pour les enfants était le premier test de l'entente sur l'union sociale signée le 4 février 1999. L'omission d'une clause portant sur l'importance de la dualité linguistique a eu des conséquences néfastes pour le bien-être des francophones à travers le pays en violant les droits constitutionnels les plus fondamentaux des communautés francophones et acadiennes.

TROISIÈME PARTIE - L'AVENIR

Il va sans dire que la FCFA du Canada supporte entièrement une position, quant au renouvellement de l'entente sur l'union sociale, qui ferait en sorte que, cette fois-ci, la question de la dualité linguistique ne soit pas mise de côté. Le tout récent discours du Trône est pour le moins prometteur et le moment serait particulièrement bien choisi pour y donner suite. On y retrouve le passage suivant :« La dualité linguistique est au cœur de notre identité collective. Le gouvernement verra à l'application d'un plan d'action sur les langues officielles mettant l'accent sur l'enseignement dans la langue de la minorité et l'enseignement de la langue seconde, avec pour objectif entre autres de doubler d'ici dix ans le nombre de diplômés des écoles secondaires ayant une connaissance fonctionnelle du français et de l'anglais. Il appuiera le développement des communautés minoritaires d'expression française et anglaise et rendra plus accessibles les services dans leur langue dans les domaines tels que la santé. Il renforcera l'utilisation de nos deux langues officielles dans la fonction publique fédérale, autant au travail que dans les communications avec les Canadiens. » (les soulignés sont de nous)Ainsi donc, le gouvernement entend avoir comme priorité au cours de la prochaine session de faire en sorte que les communautés francophones et acadiennes aient de plus en plus accès à des services dans leur langue, notamment dans le domaine de la santé. Concrètement, puisque le domaine de la santé est un champ de compétence provinciale, il apparaît clair que le gouvernement fédéral devra se servir des provisions de l'entente sur l'union sociale, comme il aurait pu le faire précédemment tel que nous l'avons démontré lors de l'analyse de la présente entente, notamment la clause 5 sur le pouvoir de dépenser.Nous sommes d'avis que le leadership du gouvernement fédéral ira en s'accroissant et en s'intensifiant au cours des prochaines années dans des domaines aussi de compétence provinciale. Voilà pourquoi il nous tarde de voir le gouvernement fédéral s'activer davantage au niveau de la promotion de la dualité linguistique. Certainement, les provinces et territoires ont aussi des responsabilités envers leurs citoyens membres des communautés francophones et acadiennes mais aussi payeurs de taxes malgré tout. Cependant, le gouvernement fédéral doit montrer le chemin en cette matière.Qui plus est, le gouvernement fédéral, par la voix du président du Conseil privé, l'honorable Stéphane Dion, reconnaît maintenant le fait qu'il peut y avoir symétrie au niveau du droit mais asymétrie au niveau de son application. Autrement dit, il n'est peut-être pas souhaitable d'offrir les mêmes services en français partout au pays. D'ailleurs, ce n'est pas ce que la FCFA du Canada préconise non plus. Nous souhaitons plutôt pouvoir compter sur les gouvernements afin d'aider les communautés à cheminer à travers les sentiers que ces dernières auront déjà préalablement identifiés.Naturellement, les communautés francophones et acadiennes attendent avec beaucoup d'impatience le dépôt du rapport de la Commission sur l'avenir des soins de santé au Canada. Le 4 mars dernier, la FCFA du Canada, tout comme la plupart des organismes provinciaux et territoriaux porte-parole de la francophonie canadienne, a d'ailleurs présenté un mémoire devant cette Commission. Avec la prochaine conférence de premiers ministres en janvier prochain et qui portera sur le thème de la santé, nous croyons que le moment pourrait difficilement être plus propice pour le gouvernement fédéral de démontrer son leadership et son sérieux envers le développement et l'épanouissement des communautés francophones et acadiennes.

NOTES

1 Voir SAVOIE, Donald J., Rapport sur les collectivités de langues officielles, pour le compte du ministère du Patrimoine canadien, du Conseil du Trésor et du Conseil privé, Ottawa, novembre 1998.
2 Voir le rapport du Groupe de travail sur les transformations gouvernementales et les langues officielles : Maintenir le cap (sous la présidence de monsieur Yvon Fontaine), Conseil du Trésor, Ottawa, janvier 1999.
3 Voir notamment le Rapport sur les transformations gouvernementales du Commissaire aux langues officielles, Ottawa, mars 1998.
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