FRAPRU

Front d'action
populaire en
réaménagement
urbain

Lettre ouverte aux membres du Conseil de la Communauté métropolitaine de Montréal

Le logement social peut être bien plus qu'une facture pour vos municipalités


Montréal, le 26 mars 2001


Deux articles publiés dans le quotidien La Presse des 14 et 15 mars laissaient entendre que plusieurs d'entre vous aviez été choqués d'apprendre qu'une disposition de la loi 170 obligerait la Communauté métropolitaine de Montréal à payer une facture imprévue d'environ 9,3 millions $ par année pour le développement de nouveaux logements sociaux.

Nous voudrions, au nom du Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), un regroupement communautaire impliqué depuis plus de vingt ans à l'échelle du Québec dans la promotion et la défense du logement social, prendre un peu de votre temps pour vous expliquer les raisons qui ont poussé notre organisme à se battre pour qu'une telle disposition soit incluse dans la loi 170. Nous voudrions également tenter de vous convaincre que cette disposition peut être bénéfique pour la population à faible et modeste revenus de la CMM et pour votre municipalité elle-même.


Une nécessaire équité

Ce sont des raisons d'équité qui ont poussé le FRAPRU à revendiquer que la facture de la contribution municipale au développement de nouveaux logements sociaux soit partagée entre l'ensemble des villes membres de la CMM. Jusqu'ici, à peine une poignée de municipalités de la CMM acceptaient en effet de contribuer financièrement à AccèsLogis, le seul programme qui permette encore le développement de logements sociaux. La conséquence en était double.

Certaines municipalités comme Montréal, mais aussi Verdun, Châteauguay ou Mercier, se sont d'abord retrouvées à assumer une part disproportionnée de la contribution municipale à ce programme. Pour une, Montréal devait payer 87 % de la facture de toute la CMM. Si cette situation avait perduré, on aurait reproduit une inéquité que la loi 134 constituant la CMM avait justement tenté de corriger en partageant au plan métropolitain la contribution municipale au déficit d'exploitation des logements sociaux réalisés par le passé (HLM et supplément au loyer).

Mais il y a beaucoup plus encore. Une très large partie des locataires à faible revenu habitant sur le territoire de la CMM se trouvait privée d'un accès aux coopératives d'habitation et aux logements sans but lucratif subventionnés par le gouvernement québécois, pour la seule et unique raison que leur municipalité ne voulait pas y contribuer, même modestement. Comment justifier qu'un ménage mal-logé puisse avoir accès à un logement social et un autre pas, parce que la municipalité où il demeure accepte ou non de faire sa part.


De retombées dont vous avez le choix de profiter

C'est pour corriger cette inéquité fiscale et sociale que la loi 170 prévoit désormais que la contribution municipale aux logements coopératifs et sans but lucratif réalisés dans le cadre du programme AccèsLogis sera partagée entre toutes les municipalités membres de la Communauté. Il s'agit là d'une obligation légale qui devra être intégralement respectée, que le Conseil de la CMM le veuille ou non.

Il est vrai que vous n'avez pas choisi de payer une telle facture et nous pouvons comprendre qu'elle engendre une certaine frustration. Nous vous demandons cependant de voir au-delà de celle-ci. Il vous appartient en effet comme dirigeant municipal de faire en sorte que votre ville profite elle-même de la disposition prévue à la loi 170. Vous avez en effet le choix de payer pour des logements sociaux qui se réaliseront ailleurs sur le territoire de la CMM ou de réclamer votre propre pointe du gâteau et ainsi permettre à votre municipalité de bénéficier des importantes retombées engendrées par la réalisation de nouveaux logements coopératifs et sans but lucratif.

Permettez-nous de vous énumérer certaines de ces retombées :

  • Comme tous les immeubles, les logements sociaux ont à payer des taxes municipales, ce revenu supplémentaire étant encore plus important dans le cas de construction neuve sur un terrain jusque-là vacant.

  • Les logements sociaux réalisés pourraient venir en aide à certains des citoyens et des citoyennes de votre municipalité qui sont mois après mois condamnés à consacrer 50 %, 60 %, 80 % de leur revenu uniquement pour se loger dans des logements qui, en plus, sont souvent inadéquats.

  • Tout le territoire de la CMM est présentement aux prises avec une pénurie de logements locatifs que la construction de logements sociaux pourrait contribuer à résorber.

  • Le dicton voulant que "quand la construction va, tout va" s'applique aussi bien au logement social qu'au reste du secteur immobilier, les logements coopératifs et sans but lucratif ayant exactement les mêmes retombées en termes de création d'emplois, d'achat de matériaux, de contrats à des compagnies locales (professionnels, entrepreneurs, institutions financières, etc.).

  • L'expérience vécue dans les villes utilisant AccèsLogis démontre que les logements sociaux réalisés, loin de constituer des "repoussoirs" ou des "ghettos" ont au contraire eu des effets d'entraînement positif dans le milieu environnant, notamment en termes de revitalisation des quartiers anciens.

Tous ces avantages et bien d'autres sont à la disposition de votre municipalité, à condition que vous acceptiez de collaborer avec des groupes de votre milieu à la demande de logements coopératifs et sans but lucratif. La facture ne sera pas plus importante, mais au lieu d'être une simple dépense, il s'agira d'un investissement dont votre ville et sa population pourront pleinement profiter.

Nous vous remercions de votre attention et demeurons à votre disposition pour toute discussion plus en profondeur.