FRAPRU

Front d'action
populaire en
réaménagement
urbain

Parlons-en de déficits...

Mémoire présenté aux consultations pré-budgétaires du ministère des Finances du Québec

Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)
Janvier 2004


Présentation

Le Front d'action populaire en réaménagement urbain est un regroupement national d'environ quatre-vingt-dix organismes impliqués dans la promotion et la défense du droit au logement dans la majorité des régions du Québec.

En vingt-cinq ans d'existence, le FRAPRU a eu à intervenir à de multiples reprises lors de consultations prébudgétaires, qu'elles soient privées ou publiques. Rarement l'a-t-il fait avec un tel sentiment d'urgence. Pourquoi ?

D'abord en raison de la gravité de la situation actuelle, autant sur l'enjeu du logement que sur celui de la pauvreté.

L'autre motif est notre profonde inquiétude face aux orientations budgétaires que pourrait adopter le gouvernement Charest et aux conséquences qu'elles pourraient avoir sur la capacité de l'État québécois d'assumer pleinement ses grands mandats, en particulier ceux à vocation sociale. Ce n'est sûrement pas le Document de consultations prébudgétaires soumis par le gouvernement qui nous rassurera à ce sujet.

Le document nous invite à parler d'impasse budgétaire, de déséquilibre budgétaire, de déficit budgétaire... Vous nous permettrez quant à nous d'évoquer d'autres types d'impasse, de déséquilibre et de déficit vécus durement par des centaines de milliers de locataires à faible et modeste revenus et dont la solution exige, dès le prochain budget, des investissements majeurs de la part du gouvernement québécois.

Déficit de logements locatifs accessibles

Depuis maintenant trois ans, les locataires du Québec vivent les conséquences d'un premier déficit, celui de logements locatifs réellement accessibles financièrement aux ménages les moins nantis.

La majorité des régions métropolitaines et des centres urbains du Québec est en effet plongée dans une profonde pénurie de logements locatifs. Plus de 80 % des locataires du Québec demeurent sur un territoire touché à un niveau ou par une autre par ce que l'ensemble des intervenants, y compris le ministre responsable de l'Habitation, Jean-Marc Fournier, s'entendent maintenant pour qualifier de crise.

La dernière enquête sur les logements locatifs publiée en décembre dernier par la Société canadienne d'hypothèques et de logement permet de constater que, malgré une légère amélioration, la pénurie continue de sévir dans les grandes régions métropolitaines de Montréal, Québec et Gatineau.

Dans la région métropolitaine de Montréal, le taux général d'inoccupation a péniblement remonté à 1 %, soit trois fois moins que le point d'équilibre généralement fixé à 3 %. Or, ce taux même est trompeur. Un rapport plus détaillé publié par la SCHL en janvier 2004 démontre que, dans la région de Montréal, le taux d'inoccupation des logements hauts de gamme (900 $ et plus par mois) est passé de 1,3 % à 3,5 % entre 2002 et 2003. Le taux d'inoccupation des logements dits bas de gamme (soit 600 $ et moins par mois), lui, n'est toujours que de 0,6 %. Bref, s'il y a plus de logements disponibles, ils ne sont pas à la portée de la grande majorité des ménages locataires montréalais.

Dans la région métropolitaine de Québec, la pire au Canada pour la pénurie de logements locatifs, le taux de logements inoccupés (0,5 %) est six fois plus bas que la normale. Dans la région métropolitaine de Gatineau, malgré une certaine amélioration, le taux n'est toujours que de 1,2 %.

L'enquête sur les logements locatifs de la SCHL démontre aussi comment la pénurie s'est étendue à de nouvelles régions et nouveaux centres urbains. Dans la région métropolitaine de Sherbrooke, le taux de logements inoccupés qui était de 7,6 % en 1999 n'est maintenant que de 0,7 %, le second plus bas au Canada. Dans la région de Trois-Rivières qui était jusqu'ici épargnée, le taux est aujourd'hui de 1,5 %. La pénurie frappe également des agglomérations comme Montmagny (0,3 %), Magog (0,4 %), Saint-Jean-sur-Richelieu (0,5 %), Saint-Hyacinthe (0,5 %), Mont-Laurier (0,5 %), Joliette (0,8 %), Rimouski (0,9 %), et Rivière-du-Loup (1,0 %).

De graves conséquences

Mais au-delà des pourcentages, il y a la réalité vécue par les locataires et cette réalité est de plus en plus pénible.

La conséquence la plus visible de la rareté de logements est l'existence de personnes et surtout de familles avec enfants incapables de se trouver un logement par leurs propres moyens. À l'approche du 1er juillet 2001, le gouvernement québécois a dû, après quelques hésitations, créer un programme d'urgence pour venir en aide aux ménages sans logis. Quelque 500 ménages se sont prévalus de ce programme. En 2002, un programme similaire a dû s'adresser à 1150 ménages. En 2003, ce chiffre avait grimpé à 1500, cette aide étant même insuffisante pour faire face à toutes les demandes.

Des centres d'hébergement ont été ouverts dans plusieurs municipalités, grandes comme plus petites, pour accueillir les ménages sans logis autour du 1er juillet de chaque année. Depuis 2002, à Montréal et Gatineau en particulier, des familles avec enfants ont été hébergées en motel, tout au long de l'année. Ce n'est toutefois là que la pointe de l'iceberg, des familles devant plutôt être hébergées, pour quelques semaines, pour quelques mois et même pour l'année entière, chez des parents, des amis, des connaissances, souvent dans des conditions très difficiles.

Dans un document rédigé en novembre 2003, l'Office municipal d'habitation de Montréal fait le constat suivant : "On observe que le nombre de familles qui sont en situation de dépannage, soit chez un ami ou un membre de la famille, est en croissance au cours des dernières années. En effet, les listes d'attente de l'OMHM comportent 490 familles avec enfants qui sont en situation de dépannage chez un ami ou un membre de la famille et espèrent obtenir un HLM alors qu'en 2001 ce phénomène était inexistant[1]".

La pénurie de logements a également entraîné une hausse importante du coût des loyers dans les régions frappées par la pénurie. Ainsi, dans la région de Montréal, le coût d'un logement de deux chambres à coucher a au total augmenté de 13 % depuis 2001. Dans celle de Gatineau, la hausse a été de 17,5 %. À Québec, elle a été de 9,5 %.

La pénurie a entraîné bien d'autres conséquences : aggravation du phénomène de la discrimination contre les familles avec enfants, les personnes assistées sociales et les ménages appartenant à des minorités visibles lors de la location d'un logement ; augmentation du nombre d'évictions pour non-paiement de loyer ; accroissement majeur des reprises de logement ; débordement des ressources pour personnes itinérantes, femmes victimes de violence conjugale et nouveaux arrivants.

Un autre 1er juillet

Inutile de s'illusionner, le 1er juillet 2004 risque d'être aussi dur que les trois précédents. Il risque d'autant plus de l'être, que le supplément au loyer d'urgence accordé à un total de 3150 ménages sans-logis en 2001, 2002 et 2003 se terminera à ce moment. Sans prolongation de l'aide accordée à ces ménages, un nombre important d'entre eux risque de se retrouver à nouveau à la rue, le 1er juillet prochain.

Déficit budgétaire des ménages locataires

Le FRAPRU vient de publier un nouveau Dossier noir sur le logement et la pauvreté produit à l'aide des données des recensements canadiens et des enquêtes sur le logement locatif de la SCHL. Ce dossier contient des données qui devraient nous alarmer comme société et nous démontrer jusqu'à quel point le droit au logement que le Parti libéral s'était engagé à inclure dans la Charte québécoise des droits, est nié dans la réalité pour une large portion de la population.

  • Si on compare les recensements réalisés entre 1981 à 2001, on peut constater que les locataires du Québec se sont sérieusement appauvris depuis le début des années 1980. En dollars constants, le revenu médian des ménages locataires a diminué de 17,5 % de 1980 à 2000, alors que, durant la même période, les loyers ont augmenté de 3,6 %. C'est ce qui explique que le pourcentage de ménages locataires devant consacrer plus de la moitié de leur revenu en loyer ait augmenté de 29 % sur une période de vingt ans. Trois raisons peuvent permettre d'expliquer ce phénomène. Les locataires à plus haut revenu sont d'abord, dans une large mesure, devenus propriétaires. De plus, la composition des ménages locataires a changé, les personnes seules et les familles monoparentales, qui ont en général des revenus plus bas, y représentant une part toujours plus importante. Enfin, les revenus d'une large partie des locataires pauvres, par exemple ceux à l'aide sociale et au salaire minimum, n'ont pas suivi la hausse du coût de la vie.

  • Lors du recensement de 2001, avant que la pénurie de logements locatifs ne commence à faire sentir ses effets sur la hausse des loyers, le nombre de ménages locataires consacrant plus que la norme de 30 % de leur revenu au loyer était de 445 220. De ce nombre, 218 490 ménages y engloutissaient plus de 50 % de leur revenu, 165 470 ménages plus de 60 % et 111 385 plus de 80 % !

  • Ce sont évidemment les locataires à plus faible revenu qui sont les plus susceptibles de consacrer un pourcentage disproportionné de leur revenu en loyer. Ainsi, en 2000, 53,8 % des ménages gagnant moins de 10 000 $ par année étaient obligés de payer plus de 80 % de leur revenu en loyer. Rappelons à ce sujet que la prestation de base à l'assistance-emploi est de 533 $ par mois, soit 6396 $ par année. Même les personnes assistées sociales avec contraintes sévères à l'emploi ont des revenus inférieurs à 10 000 $ par année, leur prestation de 781 $ ne leur permettant de ne disposer que de 9372 $ par an. Par ailleurs, 29 % des ménages gagnant entre 10 000 $ et 15 000 $ par année doivent consacrer plus de la moitié de leur revenu en loyer. Notons qu'une personne travaillant 35 heures par semaine au salaire minimum ne peut gagner que 13 286 $ par année.

  • Ce sont les ménages dont le principal soutien est une femme qui sont les plus susceptibles de consacrer un pourcentage trop élevé de leur revenu en coût de logement. Ainsi, 19,6 % de ces ménages engloutissaient plus de la moitié de leur revenu en loyer en 2000. Chez les hommes, ce pourcentage était de 15,5 %.

  • En raison de l'incapacité de payer d'une large partie des locataires, le nombre de causes soumises ou relancées à la Régie du logement pour recouvrement de loyer et résiliation de bail dans les cas de non-paiement de loyer a augmenté de 136 % entre la première moitié des années 1980 et le début des années 2000. En 2002-2003, il était de 35 863, nombre déjà impressionnant auquel il faut ajouter 5620 causes pour retard fréquent dans le paiement du loyer, recours à peu près inexistant à la fin des années 1990.

  • En consacrant un pourcentage exagéré de leur revenu au loyer, les ménages doivent couper dans leurs autres besoins essentiels et en premier lieu dans la nourriture. Sans résumer le problème de la faim à une question de coût de logement, il existe un lien, constaté par tous les intervenants, entre les deux problèmes. Or, le Bilan-faim 2003 rédigé par l'Association canadienne des banques alimentaires indique que le nombre de personnes ayant eu recours à ce type de ressources a augmenté de 9,9 % depuis 2002 et de 22,7 % depuis 1997 au Québec.

Déficit de logements sociaux

L'appauvrissement des locataires a de multiples conséquences. L'une d'entre elles est de décourager les promoteurs immobiliers d'investir dans le logement locatif, surtout à faible loyer. Ce que les promoteurs cherchent, c'est la rentabilité économique. Or, le problème avec le logement locatif, c'est que ce sont les locataires mêmes qui sont de moins en moins rentables. En contrepartie, les condominiums et autres formules du même genre s'adressent à une clientèle plus rentable, tout en permettant un profit immédiat.

Ce problème n'ira pas en s'améliorant. Ce ne sont pas de nouvelles déductions fiscales comme celles réclamées par l'Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec (APCHQ) qui permettront la création de logements réellement abordables. Comme nous l'avons expliqué plus tôt, il n'y a pas de problème de disponibilité dans les logements hauts de gamme où le taux de logements inoccupés était de 3,5 % en 2003. Or, l'APCHQ ne peut d'aucune façon garantir que les exemptions fiscales qu'elle réclame ne permettront pas principalement la réalisation de ce type de logement. Le danger est pourtant d'autant plus réel que cette association s'oppose à ce que les déductions demandées soient conditionnelles à un contrôle du coût des loyers.

Par ailleurs, des formules d'aide passant par le marché privé comme le supplément au loyer ou l'allocation-logement ne permettent pas la création de nouveaux logements.

De plus, le supplément au loyer, en vertu duquel le gouvernement loue des logements vacants du privé pour y loger des ménages en difficulté, s'avère de surcroît inefficace quand il manque de logements. Les propriétaires n'y sont en effet intéressés que lorsqu'ils se retrouvent avec des appartements – souvent de qualité inférieure – qu'ils n'arrivent pas à louer autrement. En période de pénurie, leur attitude change. Dans un texte récent, l'Office municipal d'habitation de Montréal constate que, sur les 2406 ententes de supplément au loyer signées avec des propriétaires privés avant 1994, 728 sont présentement remises en question[2]. Au mieux, le supplément au loyer ne peut-il fonctionner – et difficilement - qu'à des fins d'urgence, comme ce fut le cas aux étés 2001, 2002 et 2003.

La solution doit donc être davantage recherchée du côté du logement social, parce qu'il est sans but lucratif, guidé par d'autres objectifs que la rentabilité économique.

Le gouvernement libéral s'est engagé à accélérer la réalisation des 13 000 logements sociaux et abordables annoncés par l'ancien gouvernement. Précisons qu'au départ 11 500 de ces logements devaient être des logements sociaux et 1500 des logements abordables privés. Or, les budgets sont présentement insuffisants pour arriver au résultat de 13 000 logements et pour s'assurer que la proportion de logements sociaux prévue soit respectée.

Alors que le programme AccèsLogis devait permettre la réalisation de 6500 logements sociaux en cinq ans, les budgets disponibles ne permettent la réalisation que de 5345 unités. Quant au programme fédéral-provincial Logement abordable Québec, il est toujours sensé permettre la construction d'un total de 6500 logements. Toutefois, la part de logements sociaux à l'intérieur de ceux-ci a fondu comme neige au soleil. Alors qu'à l'origine, 5000 logements sociaux devaient être financés grâce à ce programme, il n'y en a désormais que 3575 prévus. Bref, au lieu de 13 000 logements, dont 11 500 logements sociaux, les budgets actuels ne permettent la réalisation que de 11 845 unités dont 8920 logements sociaux. La part de logements privés pouvant se louer jusqu'à 800 $ par mois pour un 4 1/2, elle, a augmenté sensiblement, alors qu'elle ne répond en rien aux vrais besoins.

Rappelons par ailleurs que, dans son budget de février 2003, le gouvernement fédéral a prévu 320 millions $ supplémentaires pour son programme de logement abordable. De cet argent, près de 80 millions $ pourraient être utilisés au Québec, ce qui permettrait d'aller au-delà même des 11 500 logements sociaux. Cet argent demeure pour le moment non utilisé.

Il faudra beaucoup plus que 11 500 logements sociaux pour se sortir de la crise du logement. Uniquement pour régler le problème de pénurie de logements locatifs, il manque présentement 21 000 appartements, dont 14 000 dans la région métropolitaine de Montréal, 3300 dans celle de Québec, 700 dans celle de Gatineau, 730 dans celle de Sherbrooke et près de 400 dans celle de Trois-Rivières.

Or, même une fois réglée le problème de pénurie, il restera bien d'autres problèmes de logement qui exigeront du logement social. C'est déjà dans le cas dans des régions comme le Saguenay épargnées par la pénurie. Il est peut-être bon de se rappeler à ce sujet qu'au début des années 1980, alors que le problème du logement était moins grave, les efforts budgétaires combinés des gouvernements supérieurs ont permis le financement d'une moyenne de 8000 logements sociaux par année. C'est ce qui a permis que le logement social en vienne à représenter près de 10 % du parc de logements locatifs, ce qui demeurait pourtant très loin de la réalité de nombreux pays européens où il est de 30 %, 40 % et parfois même plus de 50 %.

Le gouvernement doit donc prévoir immédiatement une suite aux logements sociaux présentement prévus et cette suite doit comprendre des coopératives d'habitation, des logements gérés par des organismes à but non lucratif, mais aussi des habitations à loyer modique. Aucun logement de ce type n'a en effet été financé au cours des dix dernières années. Dans la seule ville de Montréal, la liste d'attente pour un HLM se chiffre présentement à 17 400 noms.

Non à une nouvelle réduction des impôts

Il est évident pour le FRAPRU qu'aucune raison, y compris la préservation du déficit zéro, ne justifierait des réductions de dépenses dans les programmes à vocation sociale. Les budgets doivent au contraire être sérieusement augmentés...

Dans cet esprit, le FRAPRU veut exprimer très clairement son opposition au plan libéral de réduction de l'impôt des particuliers de 1 milliard $ par année au cours des cinq dernières années.

Il est d'abord important de se souvenir que la baisse des impôts envisagée par le gouvernement libéral s'ajoute à celles déjà annoncées dans les budgets 2000-2001 et 2001-2002 de l'ex-gouvernement du Parti québécois. Ce dernier avait annoncé les baisses d'impôt suivantes.

  • 1 milliard $ en 2000-2001

  • 2,7 milliards $ en 2001-2002

  • 3,5 milliards $ en 2002-2003

  • 3,8 milliards $ en 2003-2004

La baisse de 3,8 milliards $, enregistrée en 2003-2004 continuera à s'appliquer à partir de 2004-2005. Les nouvelles diminutions promises par le gouvernement libéral viendront donc s'y ajouter. L'impact total sera le suivant.

  • 4,8 milliards $ en 2004-2005

  • 5,8 milliards $ en 2005-2006

  • 6,8 milliards $ en 2006-2007

  • 7,8 milliards $ en 2007-2008

  • 8,8 milliards $ en 2008-2009 et pour toutes les années suivantes

Rappelons qu'en 2002-2003, les dépenses du gouvernement québécois étaient de 52,7 milliards.

Qu'est-ce qu'on pourrait faire avec 1 milliard $

Avant de renoncer à 1 milliard $ de revenus, comme le gouvernement l'envisage pour 2004-2005, il est utile de mesurer ce que représente exactement cette somme et ce que nous pourrions faire d'autre avec.

1 milliard $, c'est 3,3 fois le budget de la Société d'habitation du Québec.

1 milliard $, ça représente la réalisation de plus de 21 000 logements sociaux dans le cadre du programme AccèsLogis, soit le nombre exact de logements locatifs qui manquent au Québec pour sortir de la pénurie.

1 milliard $, ca représente une augmentation annuelle de 2780 $ (soit 231 $ par mois) des prestations versées aux 359 605 ménages assistés sociaux du Québec.

Par contre, 1 milliard $, ça ne représente en moyenne que 416 $ de plus par année dans les poches des 2 400 000 contribuables, soit 8 $ par semaine sur leur chèque de paye. Or, les diminutions d'impôt profitent toujours davantage aux ménages à plus haut revenu qu'à ceux à faible ou modeste revenus.

D'autres aspects négatifs de la baisse des impôts

Ajoutons d'autres effets négatifs de la baisse des impôts :

  1. 40 % de la population québécoise ne tirera aucun bénéfice de la réduction des impôts (au contraire !), puisqu'elle est trop pauvre pour en payer...

  2. L'écart entre les revenus réels des ménages les plus pauvres et ceux des plus riches augmentera.

  3. Outre les restrictions dans les programmes et les services gouvernementaux, on assistera à une augmentation des tarifs existants, voire à la tarification de services jusque-là gratuits et universellement accessibles. C'est déjà commencé : accroissement des cotisations à l'assurance-médicament, hausse par Hydro-Québec de ses tarifs d'électricité (entre autres, en raison de la contribution supplémentaire de 600 millions $ exigée par le gouvernement dans le dernier budget Séguin), hausse majeure des tarifs dans les transports en commun, augmentation de la contribution des parents dans les Centres de la petite enfance, etc.

Par ailleurs, si, comme on peut le craindre, le gouvernement transfère d'autres responsabilités aux municipalités, sans leur fournir de compensations financières suffisantes, celles-ci n'auront d'autres choix que de recourir à une augmentation de leurs taxes foncières ou à une plus grande tarification de leurs propres services.

Selon le Budget alternatif pour l'Ontario 1999, "en 1999, la famille moyenne ontarienne (ménage de trois personnes avec un revenu moyen) aurait gagné 738 $ grâce à la réduction des impôts du gouvernement conservateur de Mike Harris, mais cette économie aurait été effacée par des coûts supplémentaires de 766 $ en frais d'utilisation de services, en augmentation de taxes foncières et autres frais". Est-ce ce que nous voulons pour le Québec ?

Des retombées économiques ?

Au gouvernement, on argumentera sûrement que la réduction de 1 milliard $ par année des impôts n'entraînera pas un manque à gagner du même ordre pour l'État, puisqu'elle aura des impacts économiques qui, à leur tour, se répercuteront sur ses rentrées fiscales. C'est vrai... mais ça le serait au moins autant de toute dépense ou investissement du gouvernement.

Prenons l'exemple de la construction de logements sociaux. Les retombées économiques en sont immédiates. Des emplois sont créés. Des matériaux sont achetés. Quant aux ménages qui doivent consacrer un pourcentage moins important de leur revenu au loyer, ils disposent de plus d'argent pour subvenir à leurs autres besoins essentiels (nourriture, vêtements, etc.), ce qui a des retombées économiques locales. Les impôts et les taxes encaissés par le gouvernement en sont augmentés d'autant.

Peut-on prétendre que les baisses d'impôt ont autant de retombées économiques et fiscales, surtout quand elles profitent à des ménages à haut revenu qui peuvent davantage se servir de l'argent supplémentaire disponible à des fins d'épargne, de spéculation ou de voyages à l'étranger ?

Rétablir l'équité

Si le FRAPRU se prononce clairement contre le plan libéral de réduction de l'impôt des particuliers, il prône toutefois une révision en profondeur de la fiscalité permettant un rééquilibrage de l'impôt entre les particuliers et les sociétés, de même qu'entre les contribuables à modeste et à plus haut revenus. Le FRAPRU continue par ailleurs de demander l'abolition ou au moins la révision de plusieurs déductions permettant à des contribuables bien nantis d'échapper en tout ou en partie à leurs responsabilités fiscales. Il n'y a pas que le Doc Mailloux qui ne paie pas d'impôt au Québec !

Nos demandes budgétaires

1. Un grand chantier de logement social

Pour sortir le Québec de la crise du logement, le FRAPRU réclame que le gouvernement contribue au financement d'un Grand chantier d'au moins 8 000 nouveaux logements sociaux par année, dont la moitié en HLM et l'autre moitié en coopératives d'habitation et en logements gérés par des organismes à but non lucratif. Le coût pour le gouvernement québécois tournerait autour de 250 millions $ par année.


2. Pour la réalisation des 13 000 logements promis

Dans l'esprit de ce grand chantier, le gouvernement doit, à très court terme, prendre les moyens de respecter sa promesse d'accélérer la réalisation de 13 000 logements, dont au moins 11 500 véritables logements sociaux. Il doit aussi accroître ce nombre, en utilisant la deuxième tranche des fonds fédéraux pour le programme de Logement abordable, annoncée dans le budget de l'ancien ministre des Finances, John Manley, en février 2003.

Pour ce faire, le budget du gouvernement québécois doit absolument investir :

  • 58 millions $ dans le programme Accès-Logis, ce qui permettrait de financer les 1155 logements manquants pour atteindre le nombre de 6500 en cinq ans ;

  • 70 millions $ de plus afin de toucher les 80 millions $ prévus pour le Québec dans la deuxième tranche du programme fédéral de logement abordable. Une contribution municipale de 10 millions $ serait demandée, en conformité avec les programmes actuels. L'ensemble des 160 millions $ ainsi rendus disponibles devrait servir intégralement au développement de nouveaux logements sociaux, et non au financement de logements privés pouvant se louer 800 $ par mois pour un 4 1/2.


3. L'aide d'urgence pour les sans-logis

Afin de venir en aide aux ménages qui se retrouveront sans logis au 1er juillet 2004 de même que de poursuivre l'aide accordée à des familles et personnes qui ont vécu cette situation au 1er juillet 2001, 2002 et 2003, le FRAPRU réclame ;

  • 12 millions $ afin de reconduire les subventions de supplément au loyer accordées qui viennent à échéance au 30 juin 2004 ;

  • 8 millions $ pour mettre sur pied un programme d'aide capable de venir en aide à l'ensemble des ménages qui seront sans logis le 1er juillet 2004 et dans les mois qui suivront.


4. Les budgets d'entretien et de rénovation de logements sociaux

Pour maintenir le parc de logements sociaux existants en bon état et compenser pour les compressions budgétaires imposées dans ce domaine en 2003, le FRAPRU évalue que le gouvernement doit investir 16 millions $ de plus dans la rénovation des logements à loyer modique (HLM, coopératifs et sans but lucratif), ce qui porterait l'enveloppe disponible à cet effet à 56 millions $. Il s'agit du montant évalué par la SHQ pour effectuer l'ensemble des travaux requis.


5. Le soutien communautaire en logement social

Pour répondre aux besoins des locataires de logements sociaux qui, au-delà d'un logement à loyer modique, ont besoin de soutien et d'accompagnement pour assurer leur intégration sociale, le FRAPRU réclame que le gouvernement investisse 10 millions $ dans le support communautaire.


6. La lutte à la pauvreté

Le problème du logement étant intimement lié à celui de la pauvreté, le FRAPRU réclame que le budget Séguin permette de financer le premier plan d'action contre la pauvreté exigé dans la loi 112. Ce premier plan doit permettre l'adoption de mesures concrètes permettant d'améliorer le revenu et les conditions de vie de l'ensemble des personnes pauvres, quelle que soit leur situation. Deux mesures doivent absolument y figurer dans l'immédiat, soit le rehaussement de toutes les prestations d'aide sociale à un niveau suffisant pour au moins couvrir les besoins essentiels présentement reconnus par le gouvernement (552 millions $), de même que la gratuité des médicaments pour les personnes à l'aide sociale et les personnes recevant le supplément de revenu garanti (23 millions $).

Le FRAPRU veut en terminant rappeler son opposition farouche à toute compression budgétaire dans les programmes sociaux, de même qu'au plan libéral de réduction des impôts. Il réclame par contre que le gouvernement enclenche dès maintenant une révision de la fiscalité afin de la rendre plus équitable et encore plus progressive.

De plus, le FRAPRU demande au gouvernement québécois de déployer tous les efforts nécessaires pour faire en sorte que le fédéral contribue davantage à ses revenus. Cette contribution supplémentaire devrait, à notre avis, passer par un règlement du déséquilibre fiscal, un accroissement du Transfert social canadien et une augmentation des fonds fédéraux à la réalisation de nouveaux logements sociaux.

Enfin, le FRAPRU demande au gouvernement québécois de s'assurer que toute négociation avec le fédéral quant au transfert du parc de logements sociaux existants permette l'obtention d'une part plus équitable des fonds, le Québec ne recevant présentement que 17 % des budgets fédéraux au logement social. Le Québec devrait donc recevoir entre 100 millions $ et 200 millions $ de plus par année. En échange, le gouvernement québécois doit s'engager à consacrer l'entièreté des sommes supplémentaires reçues d'Ottawa au développement et au maintien du logement social.


Notes

  1. Bilan des programmes PSL d'urgence 2001, 2002 et 2003 de l'Office municipal d'habitation de Montréal, 18 novembre 2003, p. 5. Retour au texte

  2. Bilan des programmes PSL d'urgence 2001, 2002 et 2003 de l'OMHM, 18/11/2003, p. 15. Retour au texte