La localisation, la régionalisation et la mondialisation : Enjeux et impacts de la « Réorganisation » en cours

Mouvement d' éducation populaire et d'action communautaire du Québec, décembre 1997

Il est possible d'obtenir des exemplaires de ce document en s'adressant au :

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TROVEP de la Montérégie

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Table ronde de l'Outaouais

Téléphone : (819) 771-5862

Regroupement d'EPA - Abitibi-Témiscamingue

Téléphone : (819) 762-3114

Table des groupes populaire - Côte-Nord

Téléphone : (418) 589-2809

Fondé en 1981, le Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec (MÉPACQ) est le regroupement de onze Tables régionales en éducation populaire autonome. Ces Tables régionales regroupent au-delà de 400 organismes populaires et communautaires ayant en commun des pratiques d'éducation populaire autonome.

Le MÉPACQ est un lieu unique d'échange. En effet, ce mouvement est constitué de groupes provenant de tous les secteurs d'interventions et de la majorité des régions du Québec.

Remerciements : Nous tenons à remercier monsieur Fernand Jutras du Centre Justice et foi pour le travail de révision qu'il a accepté de faire gracieusement.

Note : Ce document n'est pas une position du MÉPACQ mais un outil de réflexion visant à susciter les débats les plus larges possibles.

Couverture : dessin tiré de la page d'accueil du Site internet du Gouvernement du Québec

« Cette politique sera [...] la première étape d'un processus de réorganisation de l'État qui peut s'étendre sur quelques années [...] »

Guy Chevrette, ministre responsable du développement des régions, Message du Ministre, Politique de soutien au développement local et régional, Québec, 1997.

Table des matières

Introduction

Ce document se veut une analyse des enjeux et impacts des politiques touchant la localisation et la régionalisation sur les populations.

D'entrée de jeu nous devons préciser que, tout au long de ce texte, nous décrirons et analyserons plusieurs réformes visant une « Réorganisation » majeure de l'État québécois. En effet, à force de regarder de plus près les initiatives de monsieur Chevrette et de mesdames Harel et Marois, il nous est apparu assez clairement qu'elles relèvent d'un projet unique.

Afin de bien situer la « Réorganisation » en cours, nous identifierons en premier lieu un certain nombre d'initiatives qui, au fil des années, ont tenté, tant bien que mal, de donner plus de poids aux régions afin de répondre à une revendication (plus de contrôle régional sur un grand nombre de dossiers) portée par plusieurs intervenantes et intervenants.

La « Réorganisation » actuelle veut se situer dans ce continuum. En effet, quelques-unes des réformes proposées peuvent répondre aux critères d'une réelle régionalisation, conférant à la fois pouvoirs et ressources financières à des instances régionales. Elles prétendent vouloir mettre en place un « modèle québécois 1» de régionalisation.

Nous regarderons donc ce « modèle » qui s'inscrit dans le cadre plus général des « Objectifs et Orientations gouvernementales » adoptés en 1996 par le Conseil des ministres et qui sont :

  • Favoriser la prospérité économique et sociale du Québec en relançant le développement économique et la création d'emploi;
  • Continuer à bâtir une société juste et solidaire envers les plus démunis;
  • Rétablir la marge de manoeuvre de l'État, en redressant les finances publiques afin que le Québec soit en mesure de relever les défis du XXIe siècle;
  • Mieux desservir la population québécoise par des services publics offerts à des coûts compétitifs et adaptés aux nouveaux besoins;
  • Préserver et promouvoir les divers éléments qui caractérisent la société québécoise. 2

Ce regard se fera en deux temps. D'abord, une brève description de La politique de soutien au développement local et régional, du Livre vert sur la réforme de la sécurité du revenu (un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi) et du plan ministériel pour la réforme de l'Éducation (prendre le virage du succès). Ensuite, nous nous attarderons plus longuement sur les effets structurants de ces réformes et de quelques autres initiatives sur les paliers local, régional et national.

Ceci fait, nous tenterons d'en identifier les enjeux et impacts. Notre analyse fera ressortir des enjeux liés à l'État et aux citoyennes et citoyens en plus de lancer quelques pistes de réflexion aux groupes populaires et communautaires. Nous parlerons, entre autres, dans ce chapitre : du nouvel État plus petit et offrant moins de services; de la « fragmentation » du pouvoir; de la dévolution des responsabilités vers les niveaux local et régional; de la responsabilisation des citoyennes et citoyens; du partenariat et de la gestion locale de la pauvreté.

En guise de conclusion, nous tenterons de comprendre ce qui se cache réellement derrière cette « Réorganisation » et qui en contrôle vraiment le déroulement.

Bref historique

La localisation, un concept nouveau au Québec

Dans le Québec d'avant les années 60, la pauvreté des infrastructures et la quasi- absence de services et programmes sociaux universels avaient pour effet de réduire la mobilité d'une population sous-scolarisée. Tout ou presque se vivait au niveau de la communauté locale.

Ainsi, même au plus fort de la crise économique des années 30, alors que la population avait de très grands besoins de services sociaux, ce sont des organismes privés (le YMCA, la St-Vincent de Paul, les « aidants naturels », la famille élargie, les Églises et les municipalités) qui assumaient la prise en charge des besoins des citoyennes et des citoyens défavorisés. Une organisation des services publics aussi minimaliste et basée sur la charité chrétienne plaçait le Québec de l'époque dans une position de retard important dans une Amérique du Nord marquée par des tendances à la sécularisation et à la professionnalisation de ces services.

C'est ce contexte précis qui a donné naissance à la Révolution tranquille. Au coeur de cet immense mouvement de « prise en charge », le Québec a trouvé un élan qui a permis de moderniser, de démocratiser et de rendre accessibles des services semblables à ceux offerts par les autres sociétés industrielles occidentales. Il s'est ainsi doté de programmes pour dispenser des services d'éducation, de santé et de développement social accessibles à toute la population, indépendamment du lieu de résidence et des revenus de chacun.

Pour réaliser son vaste programme de modernisation et de répartition des richesses, l'État a choisi de compter sur lui-même. C'est ainsi que l'appareil d'État québécois est devenu l'un des plus gros en Amérique du Nord.

Désormais doté d'un gouvernement fort, l'État pouvait, en se servant du modèle keynésien (notamment de son caractère interventionniste et de son rôle régulateur) se fixer de grands objectifs nationaux et mettre en place une approche marquée par une planification provinciale. En effet, les décisions à propos des grandes politiques se prenaient au palier central et l'État élaborait des plans d'action pour l'ensemble du Québec. Les règlements et les normes étaient en conséquence uniformisés. Dans ce contexte, le développement « était vu comme devant nécessairement venir d'en haut, le savoir le pouvoir et les ressources étant, pour une grande part, concentrés au palier central 3 ».

Les exemples abondent pour illustrer la nature « centralisée » et « interventionniste » des structures mises en place dans la foulée de la Révolution tranquille. D'une part, nous retrouvons les projets d'envergure nationale, tels la nationalisation de l'électricité, le développement du réseau routier et la mise en place d'infrastructures dans les domaines de l'éducation, de la santé et des services sociaux. D'autre part, c'est également à cette époque que l'on a vu la croissance accélérée des budgets et du personnel du secteur public, au point où l'État est devenu lui- même un employeur majeur au Québec. De plus, n'oublions pas que c'est à cette époque que naquirent les grandes corporations d'État, telles Hydro-Québec, Rexfor, la Caisse de dépôt et de placement, qui ont eu et ont encore un rôle indéniable dans la stratégie nationale de développement économique.

Signalons enfin que l'existence d'un État central fort a donné naissance à ses propres mécanismes centralisés de résistance. À titre d'exemples citons : la pratique, unique en Amérique du Nord, des négociations centralisées dans le secteur public, le renforcement de plusieurs regroupements nationaux, tels les centrales syndicales et, peu de temps après, la naissance d'organismes nationaux comme le Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec.

Une tendance « régionaliste » au moment de la Révolution tranquille

Au moment de la construction de l'État central fort, nous identifions déjà une tendance que l'on nomme aujourd'hui la régionalisation. À titre d'exemple, certains ministères, dès leur création dans les années 60, avaient une présence régionale. De plus:

« Le problème des inégalités régionales devient une préoccupation du gouvernement du Québec au début des années 60. Les travaux du Bureau d'aménagement de l'Est du Québec (BAEQ) aboutissent à la présentation, en 1966, d'un plan de développement pour la région du Bas-St-Laurent-Gaspésie4 ».

Cette volonté régionaliste s'est intensifiée par la suite avec la création des régions administratives et des Conseils régionaux de développement (CRD) en 1968, ainsi que la création de nouvelles institutions comme l'Office de planification et de développement du Québec et les Conférences administratives régionales. Dans les faits, ces initiatives répondaient plutôt à une volonté de déconcentration, les décisions étant toujours prises à Québec.

Avec l'arrivée au pouvoir du Parti québécois en 1976, la volonté de décentralisation s'est encore accrue. On met en place des conseils régionaux sectoriels, notamment dans la culture (1977) et dans le tourisme (1979).5 On subventionne la mise en place d'infrastructures comme les parcs industriels et on crée les Municipalités régionales de comté (MRC).

Vers le milieu des années 80, suite à la « crise des finances publiques », est apparu un autre type de remise en question de l'État. Sous l'influence grandissante de l'idéologie néolibérale, le Conseil des affaires sociales a publié le rapport historique Deux Québec dans un 6 qui démontrait que, malgré ses efforts, le gouvernement québécois n'avait pu réellement rendre les services de qualité accessibles à toute la population. Malgré une richesse collective importante, ce rapport révélait l'existence de disparités importantes entre les régions, entre les localités d'une même région, et entre les quartiers d'une même ville.

Ce rapport suivi d'autres projets de recherche préparait une première vague de politiques gouvernementales « officielles » touchant la régionalisation, notamment l'Entente auxiliaire Canada-Québec sur le développement économique des régions du Québec7 et À l'heure de l'entreprise régionale8. Les gouvernements amorçaient, avec ces politiques, un processus visant à confier des responsabilités ainsi que certains pouvoirs aux régions et aux localités. De même et selon les ressources disponibles, ils ouvraient la voie au soutien de projets de développement régional et, par conséquent, à la participation accrue des organisations économiques et socio-communautaires dans le développement de leur milieu.

Développement économique

Au début des années 60, bien que le Québec soit industrialisé, son économie accusait aussi un retard relatif sur le reste de l'Amérique du Nord. Largement contrôlée par des élites extérieures, elle reposait de façon importante sur le secteur primaire et l'exportation des ressources naturelles. En dehors de l'île de Montréal et en comparaison aux voisins ontariens et des États du Nord- Est, le secteur manufacturier au Québec était très peu développé. De plus, l'existence d'un secteur secondaire reposait en grande partie sur la présence de petites et moyennes entreprises (PME).

C'est ainsi que l'on retrouve dans les différentes réflexions des années 80 sur la régionalisation une préoccupation marquée pour le rôle moteur des PME dans la création et le maintien des emplois sur les plans local et régional.

Avec la mise en place des accords de libre échange, cette préoccupation s'est accrue. Deux des effets de ce genre d'accord permettent de comprendre cette accentuation:

  • une mondialisation qui détruit les marchés nationaux;
  • la création de nouveaux créneaux micro- économiques particulièrement propices pour le développement local.

Comme le disait le Conseil supérieur de l'éducation en 1989 :

«Au moment même où l'on constate que c'est l'essor et le maintien des PME qui créent l'emploi et qui contribuent au développement, on admet que c'est par le développement de chaque région, particulièrement par la création de PME dans chaque région, qu'on parviendra à être concurrentiel face aux marchés mondiaux9 ».

La restructuration économique mondiale des années 80 a durement frappé le Québec et les régions dont l'économie était basée sur les secteurs traditionnels ont particulièrement écopé (l'est de Montréal, Schefferville et le Saguenay). Ceci n'a fait que renforcer une stratégie de développement des PME dans la perspective régionaliste:

« C'est ce qui fait croire à plusieurs que la revitalisation d'une collectivité locale ou régionale passe de plus en plus par le développement de l'emploi dans les petites entreprises. C'est par là que la population de cette région ou de cette localité contrôlerait davantage l'ensemble de son développement et serait moins dépendante des grandes firmes ou des gouvernements10 ».

Il n'est donc pas étonnant de voir plusieurs « penseurs » et « décideurs » économiques et politiques au Québec prôner que le moyen de faire face à la mondialisation des échanges commerciaux est le développement maximal de chacune des régions et leurs contributions responsables au développement global : des régions fortes sont la garantie d'un Québec fort. Cette thèse est chère, entre autres, à Yvon Leclerc, autrefois secrétaire du Comité qui a produit Deux Québec dans un :

« ... il faudra introduire comme élément déterminant le désir des populations de travailler ensemble. Cet élément, ainsi que d'autres qui relèvent des traditions, de la culture locale et de l'histoire commune composent l'ensemble des critères qui mèneront à la décision de la révision des structures ... des instances locales et régionales...

Il incombera donc à ces instances locales responsables d'offrir à tous les sans-emploi une panoplie de projets suffisamment large pour que chacun puisse y trouver un centre d'intérêt qui favorisera, à terme, son insertion sur le marché du travail... [On y stipule] Que ce relais local connaît mieux que n'importe quel fonctionnaire du gouvernement central les besoins de son milieu et les réponses à y apporter, [et] Que le milieu, fut-il bien mal en point sur les plans économique et social, doit obligatoirement être partie de la solution11».

Une « Réorganisation » à plusieurs volets et à paliers multiples

Afin de mieux situer les enjeux et impacts de la « Réorganisation » en cours au Québec, nous nous attarderons, dans un premier temps, à décrire trois des principales réformes en cours au Québec : celle de la localisation et de la régionalisation, celle de l'aide sociale et celle de l'éducation.

Dans un deuxième temps, nous regarderons le paysage local, régional et national. Pour ce faire, nous situerons, bien sûr, les « nouvelles créatures » des trois réformes précitées mais, de plus, nous y intégrerons celles d'une vaste réforme qui elle en est à l'étape de l'opérationalisation : la régionalisation en matière de santé et de services sociaux.

Politique de soutien au développement local et regional

En juin 1997, Guy Chevrette, ministre délégué responsable du développement régional, a dévoilé, dans un Livre blanc, les grandes lignes d'une Politique de soutien au développement local et régional. Ce cadre de référence décrit les orientations et les paramètres qui guideront le gouvernement dans sa restructuration nationale des programmes d'emploi et de développement économique. Par souci de « qualité », « d'efficacité » et de « proximité des services », la politique entend notamment ajuster, à l'échelle des municipalités régionales de comté ou des arrondissements pour les zones urbaines, les structures administratives, décisionnelles et opérationnelles des programmes en question.

Au coeur de cette réforme, et de celle de madame Harel, on retrouve le Plan local d'action en matière de développement économique et de développement de l'emploi. Ce plan se veut l'outil privilégié de planification stratégique visant à identifier les priorités locales en matière de développement économique et de développement de la main d'oeuvre et de l'emploi.

Un Parcours vers I'insertion, la formation et I'emploi: la réforme de la sécurité du revenu

Les grandes lignes du projet de réforme de l'aide sociale ont été dévoilées par madame Louise Harel, ministre de la Sécurité du revenu, en décembre 1996, avec la publication du livre vert : Un Parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi. Une Commission parlementaire s'est tenue sur ce projet à l'hiver et au printemps 1997. Avant d'aller plus loin, notons un fait marquant dans ce dossier : de nombreux éléments de cette réforme ont été mis en place avant même qu'un projet de loi ne soit déposé et a fortiori qu'une loi ne soit adoptée (par exemple : l'imposition des prestations, la coupure du crédit d'impôt foncier, le retrait du barème de non-disponibilité aux mères monoparentales ayant un enfant de 5 ans).

Donc, tout en se défendant de vouloir renoncer au filet de sécurité sociale mis en place dans la foulée des grandes réformes des années 60, le Parcours de madame Harel vise, dans les faits, à opérer la transformation d'un programme d'aide sociale jusqu'à maintenant universel en deux programmes distincts : une « assistance sociale » destinée à une population ciblée, soit les « inaptes »

au travail et donc « les plus vulnérables », et une « assistance-emploi » destinée à la population « apte » mais présentement sans emploi. L'outil proposé pour mettre en oeuvre « l'assistance-emploi » est la politique active du marché du travail (PAMT). Celle- ci, dont l'élément central est l'inscription obligatoire des prestataires dans un Parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi, sera gérée localement.

L'effet de cette initiative à deux programmes sera un retour, en quelque sorte, au régime d'avant la Révolution tranquille quand le niveau local était responsable de la gestion des pauvres et des indigents.

Prendre le virage du succès

En février 1996, madame Pauline Marois, ministre de l'Éducation, dévoilait un plan d'action ministériel pour la réforme de l'éducation, intitulé : Prendre le virage du succès. Celui-ci se voulait la réponse ministérielle aux conclusions de la vaste consultation publique des États généraux sur l'Éducation qui s'est déroulée sur 18 mois.

Le Virage du succès reprend à sa façon les grandes tendances présentes dans les deux réformes décrites précédemment.

Ainsi, les modifications annoncées à la Loi sur l'instruction publique en juin 1997 amorcent, avec la création des conseils d'établissement, le transfert de pouvoirs des commissions scolaires vers l'école. Le mandat principal de ce nouveau lieu partenarial est de « renforcer les liens entre l'école et la communauté ». La réforme prévoit également porter une attention accrue aux besoins de certaines écoles « ciblées »; c'est le cas de celles des quartiers défavorisés de Montréal. Notons par ailleurs que la nouvelle carte des commissions scolaires tente un arrimage avec le territoire des MRC, facilitant ainsi l'harmonisation des interventions des acteurs locaux auprès de la « population étudiante ».

Dans un autre ordre d'idées, la réforme vise fondamentalement à « responsabiliser » le milieu de l'éducation. En mettant l'accent sur l'atteinte de cibles de réussite, on peut craindre que Prendre le virage du succès ne signifie finalement «prendre le virage vers l'élitisme ».

Le palier local

Un des effets de la « Réorganisation » en cours sera que le palier local deviendra le lieu privilégié pour dispenser les services de première ligne. Soi-disant pour répondre à une volonté de rapprocher le pouvoir de la population, le gouvernement a décidé que c'est au niveau local que s'opérationnaliseront davantage les décisions relatives au développement économique et de la main d'oeuvre. Par ailleurs, l'État aura alors en main tous les outils pour que, dans un temps rapproché, même les décisions sur le développement social puissent être prises localement.

Bien que nous n'ayons pas encore d'indications précises quant au dénouement des démarches en cours, il est clair que les MRC s'agitent pour obtenir plus de pouvoir, notamment dans le domaine de l'aide sociale et dans l'octroi de certains services sociaux. Ne peut-on pas supposer que ces pouvoirs supplémentaires pourraient servir de monnaie d'échange dans le dossier du transfert de 500 millions de dollars vers les municipalités. Finalement, il ne faut pas non plus oublier la volonté du gouvernement de réduire le nombre de MRC de 100 à 72.

Une fois la « Réorganisation » en place, le palier local sera doté de quatre structures majeures dont trois nouvelles :

  • les Centres locaux de développement (CLD) viendront remplacer, d'ici le 1er avril 1998, les Corporations de développement économique (CDE) existantes. Il y aura un CLD par MRC, ou par arrondissement ou quartier en zone urbaine;
  • en parallèle, madame Harel propose la mise sur pied d'un réseau de Centres locaux d'emploi (CLE);
  • et finalement madame Marois annonce l'arrivée des Conseils d'établissement dans chacune des écoles du Québec.

Tableau 1 : les structures au palier local

Le Centre local de développement (CLD)

Nature

  • un organisme sans but lucratif (OSBL), géré par un conseil d'administration;
  • « accrédité » par le ministre des Régions à la suite d'une résolution de la MRC;
  • « répondra aux contours de sa municipalité », c'est-à-dire aura un modèle organisationnel adapté au milieu. Certains pourront donc avoir des points de services, d'autres pourront confier des contrats de services pour mieux s'adapter au milieu.

Mandat

Les mandats et responsabilités du CLD sont confirmés dans une entente de gestion signée par le CLD, la MRC et le ministre des Régions.

L'étude attentive des éléments du mandat des CLD permet de voir combien les volets emploi et développement économique sont reliés:

  • le CLD doit travailler étroitement avec l'entreprise privée qui est présentée comme le moteur de la relance économique sur le plan local. Le CLD doit donc être un guichet multi-services pour les entrepreneurs locaux et, à cette fin, doit travailler à établir une concertation entre les organismes et individus travaillant déjà dans ce domaine. La concertation étroite qui doit s'établir entre les CLD et l'entreprise privée a amené récemment la Fédération des chambres de commerce du Québec à s'opposer à leur création car, pour elle, les CLD dédoubleront le mandat des Chambres de commerce;12
  • on y offrira des services de première ligne (soutien au prédémarrage, au démarrage et au développement des entreprises) et on y offrira des références pour des services de deuxième ligne (exportation, recherche et développement);
  • le CLD doit élaborer une stratégie locale liée au développement de l'entrepreneuriat et des entreprises, incluant les entreprises de l'économie sociale. Cette stratégie doit tenir compte des stratégies nationales et régionales;
  • le CLD est aussi responsable d'élaborer et de mettre en oeuvre un « Plan local d'action en matière de développement économique et
  • de développement de l'emploi13 » qui visera à « établir un diagnostic de la réalité socio-économique de la collectivité locale » afin d'évaluer la capacité collective de développement. À partir de cette évaluation, on élaborera les stratégies d'intervention et les objectifs prioritaires en faveur de l'emploi, on identifiera les moyens d'action et on proposera des orientations budgétaires pour le développement et la mise en oeuvre des stratégies locales d'emplois, dont celles touchant l'économie sociale;
  • le CLD doit établir des liens très étroits, et même organiques, avec le CLE : d'une part, le conseil d'administration du CLD servira de comité aviseur auprès du CLE en matière de développement de l'emploi et, d'autre part, le directeur général du CLE siégera au conseil d'administration du CLD;
  • pour réaliser ses objectifs, le CLD devra entretenir une collaboration étroite avec le palier régional, notamment avec le CRD.

Financement

Le gouvernement et les municipalités financeront conjointement le CLD. Du côté gouvernemental, on prévoit un financement d'environ 200 000$/an/CLD.14 En ce qui concerne les municipalités, les sommes déjà consacrées au soutien des CDE seront allouées aux CLD. Actuellement, les municipalités ont « un droit de retrait » en ce qui concerne le financement des CDE. Elles perdront ce droit avec l'avènement des CLD, car le projet Chevrette prévoit que le ministre des Affaires municipales fera adopter une disposition législative accordant aux MRC « la compétence obligatoire en matière de promotion et de développement économique de son territoire15 » (notre soulignement).

Chaque CLD aura une « enveloppe intégrée ». Cette enveloppe sera composée d'un budget annuel de fonctionnement, d'un volet pour l'aide directe à l'entrepreneuriat (Fonds d'investissement local (FIL)) et d'un volet protégé destiné au développement des entreprises dans le domaine de l'économie sociale. L'entente de gestion, déjà mentionnée, résumera les obligations que les trois parties signataires conviendront de respecter :

  • les engagements financiers pris par le gouvernement et la MRC envers le CLD;
  • les obligations de résultats auxquelles souscrit le conseil d'administration du CLD.

C'est donc dire que le financement se fera selon une gestion par résultats, dont les cibles seront déterminées dans le Plan local car : « ...les budgets sont réévalués annuellement par les signataires sur la base des résultats obtenus par rapport aux attentes signifiées16». Cette forme de gestion, prônée par les grands organismes internationaux, est retenue de plus en plus dans la « Réorganisation » actuellement en cours au Québec .17

Le conseil d'administration

Comme nous l'avons déjà mentionné, le conseil d'administration du CLD entretiendra des liens organiques avec le CLE.

En plus du responsable du CLD et du sous- ministre adjoint de la région, le CA sera composé de représentantes et de représentants : du milieu des affaires et du commerce, des travailleurs, du monde municipal, du secteur coopératif, du milieu communautaire, de l'institutionnel (santé, éducation) et du directeur du CLE. Par ailleurs, les députés pourront en être membres. Aucun des groupes cités ne doit être majoritaire. En plus de détailler les secteurs de provenance, le gouvernement souhaite également une représentation équitable entre les hommes et les femmes, ainsi qu'une représentation « significative » des jeunes, des autochtones et des membres des communautés culturelles. Afin de bien arrimer cette structure avec le CLE, le Livre blanc spécifie que « le milieu doit s'assurer que les partenaires du marché du travail local y soient bien représentés18 ». Cette petite phrase nous porte à croire qu'il s'agit là du conseil local des partenaires dont parlait madame Harel dans son Livre vert paru quelques mois plus tôt.

Le Centre local à l'emploi (CLE)

Nature

Les CLE composeront le nouveau réseau de « services intégrés à l'emploi ». Us remplaceront les 130 Centres Travail Québec actuels, les 48 points de service de la SQDM et le réseau de la DHRC (suite à l'entente fédérale-provinciale sur la main d'oeuvre). Le CLE sera l'incarnation locale du Service public d'emploi (SPE), une notion qui vient de l'OCDE19. Il desservira les personnes en emploi, les chômeurs, les prestataires de la sécurité du revenu aptes au travail et qui participent à des programmes d'insertion, « les personnes sans emploi et sans revenu » et les étudiants en quête d'emploi. Il s'adressera également aux entreprises à la recherche de main d'oeuvre ou de soutien technique sur le plan de la formation.

Mandat et services

Au sein d'une même unité administrative, le CLE, on propose de consolider deux services: un pour s'occuper des mesures passives de soutien du revenu et l'autre pour s'occuper des mesures actives d'aide à l'emploi.

Concrètement, ceci veut dire que le CLE proposé représente l'intégration de « la fonction coercitive du contrôle des indemnités aux fonctions « positives » et « motivantes » de conseil, d'aide à la recherche d'un emploi et d'orientation vers les PAMT20 ». Bien que le gouvernement prétende que cette « nouvelle façon de faire » vise une meilleure coordination et une gestion plus efficace des programmes, on peut craindre qu'elle ne représente un accroissement de la surveillance entre les activités de placement et d'aide- conseil et celles liées à l'octroi des indemnités.

Pour le moment, il semble que le conseil d'administration du CLD ne sera comité aviseur que pour la partie « mesures actives » du CLE. Cependant, l'étanchéité entre les deux programmes sera-t-elle longtemps conservée?

Par ailleurs, comme la formation occupe une place centrale dans le mandat du CLE, il ne serait pas étonnant de voir le MÉQ tenter de s'y tailler une place. D'autant plus que dans le projet de madame Marois, on insiste sur le fait que la formation joue un rôle important dans le cadre des mesures actives de soutien à l'insertion à l'emploi21 . D'ailleurs, lors des travaux du Chantier sur la formation continue, l'idée que le Centre local d'emploi devienne le Centre local d'emploi et de formation (CLEF) a été retenue comme une piste à explorer dans un proche avenir.

Le volet Harel prévoit également la création d'un Comité d'usagers qui jouerait un rôle consultatif sur la partie « mesures actives » du CLE. Son mandat n'est pas très clair et nous n'en retrouvons aucune mention dans la Politique de soutien de monsieur Chevrette.

Les commissions scolaires

Mature et mandat

Les commissions scolaires existent depuis très longtemps comme structures locales. Elles sont des instances intermédiaires entres les écoles et le ministère de l'Éducation. Elles sont gérées par un conseil de commissaires élus et deux parents provenants des conseils d'établissement. Elles ont un pouvoir de taxation et des fonctions de planification, de contrôle, d'évaluation et de soutien aux écoles.

Comme nous l'avons dit, le Plan d'action ministériel veut aller plus loin dans la localisation en demandant aux commissions scolaires de revoir leurs encadrements et leurs pratiques de façon à favoriser la prise de décision au niveau de l'école.

D'un autre côté, avec la reconfiguration de la carte des commissions scolaires, qui en réduit le nombre, on voit à nouveau une volonté de mieux arrimer leurs territoires avec ceux des MRC tout en épargnant plus de 100 millions de dollars.

Les conseils d établissement

Le Plan ministériel prévoit la mise sur pied, en septembre 1998, d'un Conseil d'établissement pour chaque école. Le mandat de ce Conseil d'établissement est de consolider l'autonomie de l'école et de renforcer ses liens avec la communauté environnante.

Pour comprendre davantage l'impact du virage proposé vers le local, il suffit de jeter un regard sur ce qui émane du chantier sur l'école montréalaise. Plusieurs des nouveautés envisagées là risquent d'être reprises plus tard à l'échelle provinciale. Ainsi, on propose de créer une « zone de coopération renforcée » autour des écoles défavorisées. Encadrées par un partenariat représentatif des principaux acteurs sociaux, scolaires et économiques, ces zones seront animées par des agents de liaison, «formés pour agir comme responsables des relations entre l'école, la famille et les organismes du milieu »22. À cet effet, une démarche est déjà conclue avec le ministère de la Sécurité du revenu et un Cégep montréalais afin de permettre aux « aptes » d'être formés et engagés dans le cadre de ces « nouveaux » postes23 .

Il est clair que le volet Éducation de la « Réorganisation » vise autant à ouvrir l'école à son milieu qu'à faire pénétrer le milieu dans l'école. Sur ce dernier point, outre l'ouverture à l'entreprise privée, la ministre prévoit développer une stratégie visant des actions complémentaires en matière d'éducation impliquant le MÉQ, le MSSS et leurs partenaires scolaires, communautaires et municipaux. Grâce à un plan global d'intervention, les partenaires locaux pourront mieux se concerter et mieux harmoniser leurs actions à l'égard des jeunes d'âge scolaire.

Composition du conseil d'établissement

Dans chacune des écoles, il y aura un conseil d'établissement formé de représentantes et de représentants : des parents d'élèves, des enseignantes et enseignants, des services complémentaires, du personnel de soutien, de la communauté. Dans le cas d'une école secondaire, des élèves s'ajoute à cette liste. Dans le cas d'une école qui dispense des services de garde, s'ajoute à la liste un membre des travailleuses et travailleurs de ce secteur.

Par ailleurs, pour les centres de formation-professionnelle et d'éducation des adultes, on remplace la communauté par les groupes socio-économiques et, pour les centres de formation professionnelle, on ajoute des représentantes et représentants des entreprises.

Le centre local de services communautaires (CLSC)

Nature, mandat et services

Depuis de nombreuses années, on retrouve les centres locaux de services communautaires sur le territoire du Québec.

Il s'agit d'un organisme parapublic chargé de fournir des services « intégrés » en santé et services sociaux. Le CLSC est géré par un conseil d'administration comme le CLD et, par extension, comme la partie « mesures actives » du CLE.

Le CLSC dessert toute la population demeurant sur son territoire. À cet égard, il offre des « services de première ligne » en santé, notamment au niveau de la prévention, ainsi que des services de deuxième ligne (soutien, démarrage, etc.) par le biais de ses services en organisation communautaire.

Dans le contexte de la réforme en cours dans le secteur de la santé et des services sociaux, les CLSC sont menacés dans leur mission première. Ainsi, plusieurs CLSC, porteurs de transformations profondes dans la façon de dispenser les soins et les services, sont en train de se faire intégrer, de gré ou de force, avec des Centres d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). D'autres, dans la foulée du virage ambulatoire, se voient contraints de fusionner avec des Centres hospitaliers de courte durée (CHCD). 30% des 145 CLSC ont actuellement une vocation double (CLCS-CHSLD); 16% ont une triple vocation (CLSC-CHSLD-CHCD)24.

D'un autre côté, on assiste également, à l'heure actuelle, à des fusions entre CLSC de façon à ce que leurs territoires ressemblent de plus en plus à ceux des MRC...

Le conseil d'administration

En plus de la directrice ou du directeur général, le conseil d'administration est composé de : 5 représentantes ou représentants de la population, 3 membres du personnel et 2 personnes nommées par le conseil lui-même.

Tableau 2 : lieux de partenariat locaux

Le palier régional

Si le palier local est privilégié comme lieu pour dispenser des services de première ligne, le régional est valorisé en particulier dans son rôle de fournisseur des services de seconde ligne ainsi que dans celui de rassembleur des forces vives régionales. La Politique de soutien de monsieur Chevrette prévoit la dévolution, au palier régional, d'un certain pouvoir de prise de décision.

Tableau 3 : les structures au palier régional

Conseil regional de développement (CRD)25

Sur le plan régional, la structure privilégiée par la réforme existe déjà, ce sont les Conseils régionaux de développement (CRD). Suite à l'élargissement de son mandat, le CRD jouira d'un rôle accru dans l'orchestration de l'ensemble des activités visant le développement du territoire régional.

Présenté dans le Livre blanc « comme interlocuteur du gouvernement en région », on propose que le CRD soit « la seule structure de concertation reconnue par le gouvernement par territoire régional » Est-ce un évocation de la disparition éventuelle des Régies régionales en santé et services sociaux? Une rumeur à cet effet est d'ailleurs en ce moment assez répandue... Cette rumeur stipule que les services en santé et services sociaux seraient localisés.

Mandat

  • élaborer les stratégies de développement régional que l'on retrouvera dans les ententes-cadres régionales;26
  • porter une attention particulière à certaines catégories de citoyennes et citoyens, notamment les jeunes, les communautés culturelles, les communautés autochtones et les femmes, pour lesquelles le gouvernement veut des ententes spécifiques;27
  • proposer la répartition des argents disponibles pour le développement local à l'intérieur de la région;
  • aviser en matière de développement régional la Conférence administrative régionale (CAR), le Conseil régional de la main d'oeuvre et le Secrétariat des Régions (SDR);
  • s'attacher les Comités régionaux de développement de l'économie sociale élargis (CRÉS) et intégrer en son sein les Conseils régionaux de la culture, des loisirs et de l'environnement.

Conseil d'administration :

Le Livre blanc propose que le CRD soit dirigé par un conseil d'administration composé notamment d'élus municipaux (au moins le tiers des membres), des principaux agents de développement socio-économique de la région, des principaux organismes dispensateurs de services et des députés.

Financement

Le budget du CRD sera composé d'un volet pour le fonctionnement, d'un volet consacré à la mise en oeuvre des ententes spécifiques et d'un troisième volet pour la mise en oeuvre de projets à rayonnement régional. En ce qui concerne le deuxième volet, une fois les enveloppes intégrées réparties entre les régions, le CRD soumettra au ministre des Régions une proposition de répartition intrarégionale pour les CLD. Une consultation du ministre régional et de la députation régionale suivra.

Une entente de collaboration sera signée entre le CRD et le gouvernement via le ministre des Régions. Cette entente précisera les mandats et obligations du CRD. Comme pour les CLD, le CRD sera soumis à une gestion par résultats. Cette entente est annuelle avec une clause de reconduction automatique si le CRD a atteint les objectifs prévus.

Comité régional de développement de I'économie sociale (CRES) 28

Composition

Les CRÉS ont été mis sur pied suite aux revendications et aux mobilisations des groupes de femmes. Ils sont depuis peu élargis aux regroupements du communautaire et aux milieux coopératif et syndical. Les CRÉS sont maintenant rattachés aux CRD, mais semblent garder une certaine autonomie.

Mandat

II consiste à élaborer le volet économie sociale dans la planification stratégique régionale. Il doit favoriser la concertation entre les intervenantes et les intervenants locaux et régionaux en économie sociale pour assurer la cohérence et maximiser l'effet des interventions en économie sociale.29

D'après le mandat décrit dans le Livre blanc, les CRÉS ne semblent pas avoir un pouvoir décisionnel quant à l'attribution des fonds

d'économie sociale. Peut-on faire un lien avec la gestion du Fonds de lutte à la pauvreté par la réinsertion au travail et particulièrement son volet pour l'économie sociale? Le Fonds de lutte à la pauvreté par la réinsertion au travail est présentement contrôlé sur le plan régional par un Comité « autonome» et géré sur le plan local par le Centre Travail Québec (CTQ) qui se transformera bientôt en CLE.

Conseil régional de la main d'oeuvre

Mature

Ce conseil remplacera les Comités régionaux de la société québécoise de développement de la main d'oeuvre (SQDM) existants. Ses membres seront, comme c'est le cas actuellement pour la SQDM, nommés par la ministre de l'Emploi sur la recommandation des partenaires du marché du travail.

Mandat

Le Conseil verra à l'harmonisation du volet main d'oeuvre des différents plans locaux d'action pour l'économie et l'emploi élaborés par les CLD.30 Il définira également des stratégies régionales de main d'oeuvre qui tiendront compte des plans stratégiques régionaux et assurera un arrimage avec le CRD auprès duquel il fera valoir les objectifs de la politique active du marché du travail (PAMT). Enfin, il pourra recommander des dossiers devant faire l'objet d'ententes spécifiques régionales en matière de main d'oeuvre.

Les instances régionales en Education

Dans chacune des régions administratives du Québec, sauf dans le Centre du Québec, on retrouve une Direction régionale du MÉQ. Un renforcement du mandat de ces Directions régionales et une présence accrue à la CAR sont des suggestions avancées. Cette volonté va dans le sens des conclusions d'une réévaluation interne au Ministère qui s'est déroulée au printemps 1997 et qui a porté sur la mission des Directions régionales. Comme exemple de la présence plus active du MÉQ, pensons à la Société montérégienne de développement (le CRD en Montérégie) qui a mis sur pied des tables régionales sectorielles notamment, en éducation.

De plus, le Chantier sur la formation continue et le Conseil supérieur de l'éducation encouragent le MEQ à implanter, dans chaque région administrative, une instance régionale de concertation interordre pour faciliter la concertation entre le milieu scolaire et les organismes de développement régional et économique.

Indéniablement, dans un contexte de régionalisation accélérée, le MÉQ sera obligé de redéfinir le cadre de ses interventions régionales pour prendre sa place dans la « Réorganisation » en cours.

Régie régionale de la santé et des services sociaux

Structures régionales créées en avril 1992, dans la foulée du processus de régionalisation mis en place par le ministère de la Santé et des services sociaux. Chacune des régions, à l'exception de la nouvelle région du Centre du Québec, a sa régie régionale.

Mandat

II se résume ainsi : planifier, organiser, mettre en oeuvre et évaluer les programmes de santé et de services sociaux élaborés par le ministre. Elles voient à prioriser en fonction des particularités de leur région, elles élaborent les plans d'organisation des services, y allouent les budgets nécessaires et assurent la coordination des activités entre les établissements et les organismes du milieu.

Ces structures tentent de mettre en oeuvre un mode gestion réclamé historiquement par plusieurs acteurs sociaux, dont les groupes communautaires. L'État prétend qu'il s'agit d'un modèle qui rapproche les citoyens et les citoyennes des décisions concernant les soins de santé et de services sociaux de leur milieu et permet ainsi de mieux adapter les réponses aux besoins de la population.

Le conseil d'administration

La Régie est contrôlée par un conseil d'administration composé de représentantes et de représentants de tous les grands intervenants régionaux dans le domaine de la santé et des services sociaux : établissements publics et privés, organismes communautaires, groupes socio-économiques, autres groupes intéressés et municipalités. À ces membres élus par des collèges électoraux, s'ajoutent la présidente ou le président de la commission médicale régionale et la directrice ou le directeur général de la régie régionale. De plus, pour compléter les compétences en présence au conseil d'administration, la Régie régionale peut soumettre des noms au ministère de la Santé et des services sociaux qui approuvera ou non ces ajouts.

Dans le contexte actuel de compressions, on se questionne de plus en plus sur le rôle des Régies régionales : ne sont-elles pas réduites à gérer la décroissance?

Conférence administrative régionale (CAR)

La CAR est une instance gouvernementale qui existe déjà. Elle réunit l'ensemble des intervenants gouvernementaux présents sur le territoire régional avec l'objectif d'assurer la cohérence et l'harmonisation de l'action gouvernementale en région. Elle aura le mandat d'assurer les services de deuxième ligne qui seront gérés sur une base sectorielle. Elle est un lieu de coordination interministériel à deux niveaux :

  • dans l'élaboration de la position gouvernementale en vue de la négociation des ententes cadres et des ententes spécifiques;
  • au niveau des dépenses gouvernementales qui, « sur la base des grandes missions de l'État, s'adressent aux mêmes clientèles ».

Elle peut se doter de comités sectoriels : le ministère de l'Emploi, le ministère de l'Industrie, du Commerce, des Sciences et de la Technologie et le ministère de l'Éducation pourraient former le comité sectoriel en matière de développement économique et de l'emploi. De même, on pourrait former un Comité régional de l'éducation et de la culture ou un Comité régional de la santé et des services sociaux31 Elle est présidée par le sous-ministre adjoint du Secrétariat des Régions

Table régionale des députés

Dans le Livre blanc, on propose de créer cette nouvelle Table afin de réunir toutes les représentantes et tous les représentants politiques de la région à l'Assemblée nationale (toutes allégeances confondues), la ou le ministre régional et la ou le sous- ministre adjoint régional du Secrétariat des Régions.

Le mandat de la ou du ministre régional est de défendre, au Conseil des ministres, les intérêts de la région dont elle ou il a la charge, et de représenter le gouvernement en région. Le mandat de la Table régionale est d'aviser les ministres sectoriels sur la répartition des enveloppes budgétaires publiques consacrées au développement local entre les organismes accrédités sur le territoire. Elle verra aussi à l'organisation des services gouvernementaux en région.

La Table recevra également des avis du CRD concernant les plans stratégiques des ministères et organismes gouvernementaux et sur la préparation, le suivi et l'évaluation des ententes-cadres de développement incluant les ententes spécifiques qui en découleront.

Selon nous, la Table des députés représente une autre tentative de revaloriser le statut du député dans sa communauté locale. De plus, on remarque que les députés se retrouvent toujours dans les lieux de distribution des argents publics. De ce fait, on peut craindre que « la tentative de rehausser le statut des députés » aura plutôt comme effet de marquer un retour aux années noires de Duplessis : les députés devenants les « barons locaux » ayant le pouvoir ultime sur la distribution des deniers publics.

Tableau 4 : lieux de partenariat régionaux

Le palier national

Ce qui est remarquable dans les réformes de monsieur Chevrette et de mesdames Harel et Marois, c'est le peu d'élaboration à propos de leurs implications au plan national.

Tableau 5 : synthèse des structures locales, régionales et nationales

Ce qui est clair dans les trois projets principalement regardés ici, c'est que l'Etat conserve son rôle de décideur et de programmeur des politiques et stratégies globales. Il conserve sa responsabilité première sur la définition des orientations gouvernementales en matière de développement économique et d'emploi.

D'après le Livre blanc de Monsieur Chevrette, le Secrétariat des Régions (SDR) deviendra, pour ainsi dire, l'instance gouvernementale à laquelle les CRD devront rendre des comptes afin d'évaluer l'adéquation entre leurs stratégies régionales de développement et les politiques nationales établies.

De plus, on note que, sur demande de la Commission parlementaire de l'aménagement et des équipements, les CLD ou les CRD peuvent être appelés à rendre des comptes.

Par ailleurs, au palier national, l'État s'adjoint deux organismes conseils au niveau du développement de l'économie et de

l'emploi, soit :

  • la Table Québec-régions : « Cette Table est mandatée pour conseiller le gouvernement en tout ce qui touche la problématique et le développement des régions. C'est la structure actuelle de concertation entre le gouvernement du Québec et les conseils régionaux de développement32 »;
  • et Solidarité rurale Québec : « ...Solidarité rurale sera mandatée par décret gouvernemental pour conseiller le gouvernement sur la problématique particulière des milieux ruraux et le développement des communautés en milieu rural».33

Finalement, au niveau du marché du travail, la SQDM deviendra « Emploi-Québec » en janvier 1998 et son Conseil d'administration sera transformé en Commission des partenaires du marché du travail (CPMT).34

Enjeux et impacts de la « Réorganisation »

Vers un nouvel Etat?

Malgré les intentions exprimées dans le Livre vert intitulé Un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi à l'effet de ne pas renoncer au filet de sécurité sociale mis en place dans les années 60, il est évident que son démantèlement est en cours. Partout dans le monde occidental, y compris au Québec, l'État keynésien, dit « dispensateur de grands programmes sociaux », disparaît pour être remplacé par l'État accompagnateur. La notion même de l'État est en mouvance, en transition, comme nous pouvons le constater dans la Politique de soutien au développement local et régional:

« Depuis la création des régions administratives, le rôle de l'administration gouvernementale a considérablement changé, évoluant d'une situation où l'État était entrepreneur à une situation où il exerce actuellement davantage un rôle de soutien aux intervenants locaux et régionaux dans le développement du territoire ».36

Que l'on soit pour ou contre la disparition de l'État tel qu'on l'a connu, le démantèlement des programmes sociaux n'est qu'une indication du fait qu'un nouveau modèle d'État s'élabore.

En même temps, à moins d'un changement radical de cap, il est peu probable que le Québec pourra contrôler la nouvelle forme que prendra son État. Des joueurs beaucoup plus puissants que Québec ou Ottawa s'en chargent déjà, comme on peut le voir dans une étude de la Banque Mondiale :37

« [...] beaucoup pensaient il y a 50 ans [...] que l'État devait être le moteur du développement. Aujourd'hui, avec le recul, on comprend que l'Etat joue un rôle clé dans le développement économique et social, non en tant qu'intervenant direct, mais comme partenaire, catalyseur et promoteur de la croissance ».38

Les ressemblances entre l'État proposé par la Politique de soutien au développement local et régional et celui de la Banque Mondiale sont frappantes. Dans la section qui suit, nous tenterons de démontrer comment le Québec est déjà pris dans le tourbillon des décisions prises ailleurs et comment nos dirigeants se plient devant les conditions imposées par le grand capital mondial et utilisent son vocabulaire.

Un nouvel État plus petit

« L'État ne doit plus être considéré comme un dispensateur de largesses, mais comme un partenaire qui permet aux individus de prendre des initiatives et de mieux maîtriser les aléas de leur existence et leur donne les moyens de le faire ».39

Il est difficile d'imaginer qu'une personne vivant de l'aide sociale depuis la crise économique du début des années 80 perçoive l'État québécois comme un « dispensateur de largesses». Mais cette vision de l'OCDE est maintenant partagée par le gouvernement québécois :

« Le rôle de l'État n'est plus de créer une panoplie de programmes et de mesures. [Pour accoucher d'un nouvel État, il faut] changer les règles du jeu en établissant clairement la participation des prestataires, celle du gouvernement et celle de la collectivité ».

Pour ceux et celles qui croient que le nouvel État ne doit plus offrir une panoplie de programmes et de mesures aux citoyens et aux citoyennes, qui voient l'ancien État comme un dispensateur de largesses et le nouvel comme un accompagnateur (et non plus comme un arbitre), la voie vers l'avenir passe par le désengagement de l'État, son dégraissement et son affaiblissement.

Pour les prôneurs du nouvel État, celui-ci sera forcément plus petit, beaucoup plus petit et ce à plusieurs niveaux.

Un État de taille réduite

Après quinze ans de compressions budgétaires, de coupures de services et de mises à pied dans la fonction publique, la réduction de la taille de l'État est bien amorcée. Trois exemples suffisent pour en démontrer l'ampleur :

  • le projet Marois, visant une immense restructuration du système public d'éducation, se déroule dans le contexte où, en deux ans, on a comprimé le budget du MÉQ de 1,2 milliards;
  • la réforme en santé et services sociaux a soustrait du réseau de la santé presque 300 hôpitaux et centres d'accueil. Alors qu'en 1993 on comptait 862 établissements de santé au Québec, on en dénombre plus que 569 en 1997, soit une diminution de 40%40. Dans la seule année 1996-97, le budget du MSSS s'est amaigri de 760 millions;
  • à l'été 1997, 30 000 employés de la fonction publique ont pris la porte dans le contexte des mesures proposées pour atteindre le déficit zéro. De ce nombre, il semble que seulement 9 000 aient été remplacés, dont 3 000 engagés d'urgence pour ouvrir les nouveaux centres éducatifs pour la petite enfance.

Un État au pôle appauvri

Le nouvel État sera également plus petit puisque son rôle sera appauvri. Nous constatons déjà que les ententes de libre échange ont réduit, de façon significative, la portée de la souveraineté de l'État canadien. Que ce soit pour protéger le marché national avec des tarifs, les industries culturelles avec des subventions aux organismes canadiens ou les citoyens et citoyennes avec des programmes sociaux, le Canada ne peut plus légiférer comme il le veut dans plusieurs domaines, à cause notamment des conditions reliées à l'ALÉNA.41 Néanmoins, même si la notion de la souveraineté des nations est présentement menacée, le gouvernement actuel peut trouver un réconfort dans la vision qu'en a la Banque mondiale :

« Certes, l'État reste responsable de la définition des politiques et des règles régissant la vie de ses administrés, mais l'actualité mondiale et les accords internationaux exercent une influence croissante sur ses choix. Aujourd'hui, les gens se déplacent plus, ils sont plus instruits et sont mieux informés de ce qui se passe ailleurs. La participation à l'économie mondiale est une protection y supplémentaire contre l'action arbitraire de l'État; elle limite ses droits régaliens en matière d'imposition des capitaux et expose les politiques monétaires et budgétaires aux regards attentifs des marchés financiers42 ». (notre soulignement)

Alors que l'État keynésien, avec son rôle interventionniste et régulateur, s'est autrefois érigé comme la réponse de la classe dominante aux revendications de la classe ouvrière, il est « rassurant » de savoir que ce sont maintenant les intérêts financiers qui se chargent de protéger les travailleurs et les travailleuses du monde entier contre les excès étatiques!

Un État qui fait moins

Après avoir maigri, après avoir atteint le déficit zéro, après avoir vu sa marge de manoeuvre politique réduite, le nouvel État sera nécessairement plus petit à un troisième niveau : il fera moins. Il offrira moins de services publics, et les services publics restants seront offerts moins largement.

La section qui suit aborde ces questions.

Les services dans le nouvel État

Autant la Révolution tranquille a permis au Québec - d'enregistrer d'énormes gains au niveau de la qualité et de l'accessibilité des services publics offerts à la population, autant le nouvel État québécois risque d'entraîner, et même de promouvoir, des reculs importants.

L'universalité

Le premier recul est au niveau de l'universalité des programmes et services publics. Lorsque le Québec régresse sur cet aspect, il n'est pas sans alliés puisque la Banque mondiale est de son côté :

« II est maintenant admis que l'État peut aider les ménages à faire face à certains risques économiques en assurant les personnes âgées contre le dénuement par le biais de régimes de retraites, en offrant des assurances contre les effets dévastateurs de la maladie et en fournissant une protection contre le chômage. Mais l'idée que l'État doit supporter seul cette charge est en train d'évoluer et l'État providence est soumis à une réforme, même dans les pays industrialisés ».43

C'est justement pour préparer l'attaque contre le principe d'universalité que cette même institution fait une distinction entre les vieux programmes de « sécurité sociale » et les nouveaux programmes « d'aide sociale » :

Des réformes sont entreprises aussi en vue de découpler les programmes de sécurité sociale, qui offrent à tous une assurance contre la maladie et le chômage, des programmes d'aide sociale, qui s'adressent aux plus démunis».44

De plus, la Banque mondiale est d'avis que, pour certains programmes, d'autres intervenants peuvent faire mieux, et moins cher que l'État. Ainsi, le nouvel État n'aura plus «[...] de monopole sur la fourniture des équipements collectifs, des services sociaux et d'autres biens et services ».45

La première raison avancée pour s'attaquer au principe de l'universalité est d'ordre financier : les programmes universels coûtent trop chers. Et, de fait, ces programmes sont dispendieux :

  • pour les gouvernements qui ne veulent pas amorcer une sérieuse réforme de la fiscalité afin de rééquilibrer la répartition de la richesse collective;
  • pour les intérêts financiers qui, à l'instar des conditions imposées par les ententes de libre échange, insinuent que les programmes sociaux sont « des taxes » qui les désavantagent sur le marché mondial.

Les premières attaques directes contre le principe d'universalité sont venues à l'égard des pensions de vieillesse et des allocations familiales. Mais avec la « Réorganisation » en cours, nous voyons l'assaut venir. La réforme de l'aide sociale en est une bonne illustration.

Rappelons qu'on nous propose de remplacer le régime unique actuel par deux types de mesurés distinctes :

  • les mesures de protection sociale, qui visent à protéger une certaine partie de la population, notamment les aînés, les malades et invalides permanents, et les revendicateurs du statut de réfugié. Les cibles de ces mesures sont jugées « inaptes » au travail, et méritent la protection de l'État;
  • les mesures d'insertion sociale et économique, qui s'adressent à tous les autres bénéficiaires de l'aide sociale, déclarés par le fait même « aptes » au travail. Il s'agit ici des différents programmes découlant de la Politique active du marché du travail (PAMT) qui seront gérés localement.

Évidemment, une fois cette réforme en place, le Québec n'aura plus de régime de « dernier recours ». Il y aura un régime de prestations garanties pour les « inaptes », les bons pauvres, les cas légitimes de charité, et un régime de prestations conditionnelles pour les « aptes », les mauvais pauvres, les paresseux46. Nous reviendrons sur cette distinction plus loin.

Il faut souligner que jusqu'à tout récemment, une telle réforme n'aurait pas pu voir le jour. En effet, le Régime d'assistance publique du Canada (RAPC) garantissait l'accès universel pour tous les canadiens et les canadiennes à un régime de dernier recours. Ce programme fédéral, avec droit de gérance provincial, exigeait des provinces le maintien de l'universalité de leur régime d'aide sociale pour obtenir la contribution prévue du fédéral. Or, avec l'abolition de ce programme en 1995, dans la foulée de la réforme Axworthy et la création du nouveau Transfert social canadien, la condition d'universalité a disparu. La conséquence : l'État québécois a maintenant le pouvoir de forcer les citoyens et citoyennes, sous peine de sanctions financières, à aller sur le marché du travail, peu importe les possibilités réelles offertes par ce marché et peu importe les réalités vécues par les personnes visées.

Dans le Livre vert Un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi, l'État québécois a déjà annoncé son intention de se servir de ce nouveau pouvoir d'obligation, car on y propose une participation obligatoire aux mesures de la PAMT pour nombre de personnes assistées sociales aptes au travail. La personne apte au travail, sans travail, qui est dans l'incapacité de se plier au Parcours individualisé vers l'insertion et l'emploi ou qui refuse d'y participer se verra imposer une pénalité financière.

Pour justifier la nature coercitive de cette mesure, le Livre vert de madame Harel invoque une conclusion dans un rapport récent du Conseil de la santé et du bien être :

« [...] cette position se défend en raison du fait qu'un refus de participation, en dépit d'offres raisonnables, constitue une rupture de la relation qui lie ces individus à leur communauté ».47

On aurait pu invoquer le raisonnement un peu moins raffiné (et un peu plus pécuniaire) qui a motivé les ministres de l'Emploi de l'OCDE à placer l'importance des sanctions dans le contexte du bon fonctionnement d'un régime de PAMT. Tout en admettant qu'il est « à la fois difficile et délicat du point de vue administratif de supprimer les indemnités de chômage », ils concluent :

« Cela étant, les sanctions peuvent jouer un rôle important en permettant d'atteindre l'objectif de réinsertion et en aidant à réduire le nombre de prestations touchées indûment».48

Autant le rôle de l'État envers les « inaptes » est clair et n'est aucunement remis en question, autant il est clair que l'on veut démontrer que l'État ne doit plus « subventionner » les « aptes » qui ne se prennent pas en main : leur admissibilité sera dorénavant conditionnelle.

La réforme de l'aide sociale n'est pas la seule initiative du gouvernement du Québec qui s'attaque au principe de l'universalité49 : pensons à l'aide juridique ou à la politique familiale où, même si ces programmes sociaux s'adressent à toute la population, on a restreint leur accès universel. Dans toutes ces réformes, nous constatons :

  • que ces législations, tout en s'adressant théoriquement à l'ensemble de la population, en privilégient certains segments;
  • qu'en établissant des normes d'accessibilité, ces réformes en éliminent l'universalité;
  • que les droits se transforment donc en privilèges;
  • qu'en gérant les normes par voie réglementaire, on les rend plus malléables;
  • que prises dans leur ensemble, ces initiatives contribuent à la transformation de la notion même d'un programme social, d'un filet de sécurité universel.

Offrir des services de base

Deux conséquences pour le nouvel État découlent de la remise en cause, directe ou indirecte, du principe d'universalité. D'une part, on prétend que la responsabilité de l'État s'arrête au maintien du bien-être de ses citoyens les plus pauvres, les plus nécessiteux, les plus vulnérables50. D'autre part, on ouvre la porte à l'instauration des « services à deux vitesses ».

Personne ne remettra en question l'obligation de l'État de s'occuper des populations les plus vulnérables, pas plus maintenant que dans les années trente lors de la grande Dépression. Toutefois, les prôneurs du nouvel État proclament que l'action de l'État doit se limiter aux couches de la population les plus vulnérables, que son obligation « caritative » est de « faire en sorte que les groupes vulnérables ne soient pas laissés pour compte51». À plusieurs égards, une telle vision représente un retour en arrière et fait fi des acquis durement gagnés par les luttes.

D'ailleurs, il y va de l'intérêt de l'État de s'occuper des plus vulnérables et des exclus, ne serait-ce que pour maintenir la paix sociale, un élément essentiel pour créer un bon « climat d'investissement ». Ce fait semble préoccuper les auteurs de la Banque Mondiale :

« Le non-respect des lois est souvent dû à un sentiment de marginalisation; pour les exclus, cela peut même être la seule façon de faire entendre leur voix. Les politiques publiques ne peuvent garantir le partage des fruits de la croissance et faire en sorte que celle-ci contribue au recul de la pauvreté et des inégalités que si le gouvernement place les paramètres sociaux de base aux premiers rangs de ses priorités [...] Dans de nombreuses régions, la pauvreté et les inégalités touchent principalement les minorités ethniques ou les femmes, ou sont concentrées dans les zones géographiquement défavorisées. Tenues à l'écart du débat public et exclues de la vie économique et sociale, ces catégories de personnes sont un terrain propice au développement de la violence et de l'instabilité, comme on le constate aujourd'hui dans bien des pays52 ». (notre soulignement)

Si le nouvel État ne peut plus fournir des services universels à toute la population, il est néanmoins tenu de fournir des services de base à une certaine partie de cette population, celle qui est la plus vulnérable.

L'idée des services de base peut vouloir dire que l'État est responsable de fournir un certain type de service qui est identifié « de base », et tout ce qui n'est pas « de base » est soumis aux conditions du marché. Ce n'est pas pour rien que :

« L'État doit également recentrer son activité et ses interventions sur ses fonctions propres: définir les orientations et objectifs nationaux et garantir l'accessibilité, la qualité des services de base53 ».

En se limitant à la fourniture des services de base, l'État produit les conditions optimales pour le développement d'un réseau parallèle de services disponibles aux couches sociales qui peuvent se les payer. Plusieurs initiatives laissent croire que la porte est grande ouverte à l'instauration de services publics à deux vitesses:

  • en éducation, malgré une remise en question largement partagée aux États généraux quant à la place des écoles privées « subventionnées » dans la société québécoise, madame Marois n'intervient pas en voyant l'augmentation de leur taux de fréquentation. Au contraire, la ministre, tout en refusant la sélection des élèves sur l'unique base du mérite, a quand même donné son aval aux écoles publiques à projet. Si cette tendance se maintient, sommes-nous bien loin du moment où l'école publique de quartier deviendra « le service de base » écrémé des élèves les plus « performants » qui eux fréquenteront l'école à projet ou l'école privée;
  • à Montréal, des professeurs ayant pris leur préretraite ont formé une compagnie à but lucratif afin de fournir un service d'aide aux devoirs payants. Le programme, approuvé par la CECM, est offert dans les écoles publiques;
  • la privatisation des services en santé va bon train. Par exemple, le nombre de laboratoires privés augmente, offrant ainsi un service plus rapide pour les clients qui peuvent se le payer;
  • le régime public d'assurance maladie subit des pressions occasionnées notamment par les compressions du gouvernement fédéral. En 1996, celui-ci a diminué de 262 millions de dollars sa contribution aux provinces dans ce domaine. Dans la même année, les compagnies d'assurance privées ont déboursé 1,2 milliards de dollars pour une panoplie de services médicaux allant des médicaments vendus sous ordonnance à la physiothérapie. Dans ce pays de « médecine socialiste », plus de 30% de la facture totale de la santé est maintenant déboursée dans le secteur privé, alors que trois ans plus tôt, c'était 26%54. Suivant cette tendance, ou même l'encourageant, il n'est pas étonnant de voir l'émergence d'un projet de « REÉR-Santé».55

L' identification de populations cibles

Si le nouvel État ne peut plus fournir des services universels à toute la population et qu'il est de sa responsabilité de fournir des services de base aux populations vulnérables, l'État doit offrir des services ciblés, c'est-à-dire réservés à des populations bien délimitées.

On retrouve dans la « Réorganisation » en cours plusieurs éléments qui nous indiquent que le gouvernement québécois a choisi cette approche :

  • les « inaptes » du projet Harel sont des populations ciblées (personnes âgées, malades et invalides, etc.);
  • le projet Chevrette mandate les CRD pour cibler certaines parties de la population,
  • notamment les jeunes, les communautés culturelles, les autochtones et les femmes;
  • le virage Marois cible clairement les enfants de milieux défavorisés et les élèves de familles immigrantes dans l'optique d'améliorer leurs « chances égales de réussite ». Dans Virage vers la réussite, on retrouve même l'expression « écoles ciblées » à plusieurs reprises;
  • en santé et services sociaux, on valorise l'approche « épidémiologique » avec des groupes à risques (ex. : mères de famille monoparentale de 16 à 22 ans issues des quartiers défavorisés)56.

Vers une fragmentation du pouvoir?:

Un nouvel Etat plus proche des citoyens?

Les « régionalistes » critiquaient l'État keynésien pour la concentration du pouvoir politique qui le caractérisait. Le

gouvernement québécois reprenant ce discours à son compte, il n'est pas étonnant de retrouver la régionalisation et la localisation au coeur de la « Réorganisation » actuelle puisque ces deux notions incarnent l'idée d'une « fragmentation » du pouvoir, des services et des institutions centralisés. Les maîtres de la « Réorganisation » croient que ce discours répond aux attentes de la population :

« Les Québécois et les Québécoises veulent des services moins bureaucratisés, plus accessibles et mieux adaptés à leurs besoins et à leurs réalités. Ils remettent en cause la centralisation toujours trop marquée de l'État[...] Cette conviction sert de fondement à une action gouvernementale renouvelée visant à rapprocher son action et ses interventions du citoyen... »57

Sans remettre en question le bulletin de vote, que la Banque mondiale décrit comme le moyen d'expression démocratique par excellence, cette institution constate que la nouvelle conjoncture le rend insuffisant.

D'après la Banque mondiale, il faut trouver d'autres mécanismes plus déconcentrés, plus fragmentés, pour faire en sorte que les aspirations des régions, des minorités et des pauvres soient prises en compte dans l'élaboration des politiques publiques. Avouant sa propre pratique d'être « de plus en plus à l'écoute des points de vue et des avis des organisations non-gouvernementales, des groupes communautaires, des collectivités locales...et des syndicats58», la Banque mondiale propose deux mécanismes, la consultation et le partenariat, pour renforcer la démocratie. Elle invite les États à faire de même.

Une consultation accrue

La Banque mondiale insiste :

« Les pouvoirs publics sont plus efficaces s'ils sont à l'écoute des acteurs de la vie économique et des citoyens, et s'ils les associent à l'élaboration et à l'application des politiques».59

Sans consultation régulière, les gouvernements ne peuvent pas tenir compte des attentes de la population :

« [...]en particulier de celles des minorités et des pauvres, qui ont généralement beaucoup de mal à faire entendre leur voix dans les coulisses de pouvoir [...]Et même le gouvernement le mieux intentionné ne pourra pas répondre efficacement aux besoins collectifs, si la plupart d'entre eux lui sont inconnus».60

Il semble que le Gouvernement du Québec a compris les exhortations des grandes institutions internationales. Répondant à l'appel de la Banque mondiale, il « écoute » régulièrement la population. Notre essoufflement collectif en témoigne :

  • Forums régionaux et national sur l'avenir du Québec, Forums sur le développement social régionaux et national, Sommets socio-économiques, etc. : depuis l'automne 1994, il y a une véritable explosion de consultations auxquelles Québec convie la population, les syndicats, les femmes, les usagers et les usagères, les aînées, le milieu des affaires, les avocats, les anglophones, les groupes populaires et communautaires;
  • en éducation, les États généraux furent probablement un processus insuffisant de consultation publique (il a duré 18 mois) puisqu'il a été suivi de quelques 25 mécanismes de consultations supplémentaires (chantiers, groupes de travail, comités conseils, comités consultatifs et groupes d'études);
  • en santé et services sociaux, une très longue consultation, dont une commission parlementaire, a précédé l'adoption de la Loi 120; le processus se poursuit avec la consultation-bilan régionale du ministre Rochon;
  • des consultations locales et régionales qui se poursuivent autour de la réforme Chevrette.

Malgré un appétit apparemment insatiable pour sonder la population, auquel est jumelé un discours de démocratie participative, il apparaît de plus en plus évident que le gouvernement actuel, par ces différents moyens, ne mène qu'une politique de l'occupationnel.

Des partenariats à priviléqier

Outre la consultation, le nouvel État doit miser sur le partenariat comme moyen de fragmenter le pouvoir devenu trop concentré dans un État centralisé. D'après la Banque mondiale :

« [...]des solutions inédites doivent être trouvées associant les entreprises, les travailleurs, les ménages et les groupes de proximité. Il faut tout d'abord mettre en place de véritables organisations intermédiaires, dont les représentants au sein des instances de décision doivent être les porte-parole des citoyens».61

Des exemples de partenariat abondent dans les différentes réformes :

  • un premier exemple d'un partenariat large à l'image de celui prôné par la Banque mondiale : celui vécu dans la réforme de la santé et des services sociaux. Par une participation systématique des « partenaires » du milieu de la santé et des services sociaux, notamment au Conseil d'administration des Régies régionales, des intervenants régionaux ont dû se prononcer sur les besoins et les aspirations des gens, souvent dans le contexte de choix budgétaires;
  • le partenariat est à la base du fonctionnement proposé dans la réforme Chevrette. Dorénavant, l'État doit reconnaître que les stratégies de lutte à l'exclusion du marché du travail doivent prendre appui sur les collectivités et les partenaires du marché du travail. Il faut donc miser sur le partenariat entre les secteurs public, privé et communautaire62. C'est ainsi que l'on propose le CLD comme un nouveau lieu de partenariat;
  • dans le projet Harel, on identifie les services communautaires engagés dans le développement de l'employabilité et de l'emploi comme « partenaires privilégiés ». De même, on propose une « consolidation du partenariat » (prenant pour acquis qu'il en existe un présentement...) entre les prestataires, le gouvernement et les partenaires du marché du travail;63
  • en éducation, le Conseil d'établissement devient un nouveau lieu partenarial visant les acteurs communautaires, institutionnels et privés;
  • la volonté partenariale peut aller très loin. La nouvelle région administrative du Centre du Québec est composée de cinq (5) MRC. Au sein de chaque MRC, on vient de créer treize tables sectorielles, regroupant des acteurs locaux dans les champs d'intervention comme les femmes, les jeunes, le développement économique, l'éducation, la formation professionnelle et la formation continue, etc. Trouver 70 personnes par MRC pour siéger dans ces différents lieux partenariaux exige une mobilisation locale importante et on peut s'interroger sur les retombées réelles pour chaque localité en regard des énergies investies.

Si une pratique de concertation bipartite existe au Québec depuis longtemps (par exemple à la CSST), le partenariat multipartite est assez récent comme phénomène. Avec son arrivée, vient un nouveau discours sur le partage du pouvoir, car les adeptes du partenariat voient en lui un outil pour élargir la base décisionnelle et une nouvelle façon d'exercer le pouvoir.

Le bilan de quelques expériences de partenariat, notamment celles des Régies régionales en santé et services sociaux, commence à nuancer la panacée du partenariat comme expérience d'une démocratie renouvelée.

Le partenariat, particulièrement dans un contexte de localisation et de régionalisation, loin de représenter une fragmentation du pouvoir, semble n'être que la reconcentration du pouvoir ailleurs mais pas autrement. Ainsi, le discours veut que le partenariat et la régionalisation soient des façons de rapprocher les centres de décisions du citoyen, pour lui donner la possibilité d'intervenir directement dans les affaires « de la cité ». Dans les faits, n'assistons-nous pas plutôt à la reconstitution de la bureaucratie et de l'élite locale? Devant le déséquilibre - au niveau des ressources, des conditions de participation, de la capacité de recherche, de l'expérience des individus - qui traverse l'expérience actuelle de partenariat dans le réseau de la santé et des services sociaux, ce nouveau mode de gestion entraîne davantage une concentration du pouvoir entre les mains de l'élite régionale, ce qui est loin d'une réelle démocratisation du pouvoir. Nous reprendrons ce point dans la section sur les enjeux de la régionalisation pour les organismes communautaires.

Une ouverture vers la concurrence, le privé...

Un article de Jean-Claude Rondeau, paru dans un bulletin de l'École nationale d'administration publique, est très révélateur:

« Inspiré en bonne partie du modèle de l'entreprise privée, le mouvement en faveur de la décentralisation des pouvoirs scolaires s'appuie sur un certain nombre de postulats. Selon ses promoteurs, la décentralisation devrait permettre des prises de décision plus près des citoyens, et en conséquence, mieux adaptées. Elle devrait également favoriser la compétition entre les écoles, susciter une plus grande implication des acteurs, diminuer les coûts et favoriser une plus grande variété de l'offre de services. La décentralisation devrait introduire plus de flexibilité dans le système scolaire, permettre une imputabilité variable, promouvoir la démocratie, et finalement, mettre fin aux excès de la bureaucratie. On espère que l'ensemble de ces facteurs contribuera à l'amélioration de la performance des élèves64 ».

La grande gagnante dans la « Réorganisation » en cours, elle-même à l'origine du mouvement de démantèlement de l'État, est l'entreprise privée65 :

  • elle est gagnante sur le plan philosophique, puisque que son modèle imprègne toute la « Réorganisation » (de l'éducation jusqu'à l'aide sociale);
  • elle est aussi gagnante sur le plan du marché, la privatisation des institutions et des autres ressources publiques s'avérant souvent une véritable aubaine.

Ou, dans les mots de la Banque mondiale :

« La décentralisation procure de nombreux avantages [...]Elle peut contribuer à l'amélioration de la gestion publique et à une meilleure représentation des intérêts des entreprises locales et des citoyens. La concurrence entre les provinces, les villes et les localités peut aussi favoriser l'élaboration de politiques et de programmes plus efficaces66 ».

Certains vont même jusqu'à faire croire que la privatisation des services publics est une forme de responsabilisation de l'entreprise privée.

Partout dans la « Réorganisation », la stratégie de relance locale ou régionale est identifiée à l'avancement des intérêts des entrepreneurs et de l'entreprise privée :

  • au coeur même du projet Chevrette, notons ce qui est évident. Ce sont des gens en provenance du milieu des affaires qui investissent la politique municipale, qui sont élus préfets, maires et conseillers, et qui siègent aux CRD. Il est d'ailleurs fort significatif que la Chambre de commerce du Québec s'oppose au projet des CLD, car « la mission que veulent se donner les CLD est déjà celle des chambres de commerce67 »;
  • à Longueuil, la Chambre de commerce gère déjà les Articles 25 de la région. Ce pouvoir normalement doit relever du CLE, mais puisque chaque CLE et CLD prendront une couleur locale, on ouvre la porte aux contrats de service, à la sous- traitance...
  • en éducation, la réforme lance une invitation à l'entreprise privée pour investir l'école publique. Outre la présence dans des lieux partenariaux, on compte sur l'appui concret du secteur privé Vidéotron, Cogéco, Bell, Télébec, et Québec-Téléphone pour s'assurer que toutes les écoles du Québec auront accès à l'autoroute de l'information d'ici la fin de 1997;68
  • également en éducation, on note une volonté d'arrimer plus intimement les « produits » de l'école aux besoins du marché du travail, allant même jusqu'à proposer au Chantier de l'école montréalaise un volet de stages en milieu de travail, en collaboration avec la Chambre de commerce du Montréal métropolitain;
  • dans le budget Landry, la privatisation potentielle dans le réseau de la santé et des services sociaux est vantée: «[...] il faut considérer, le cas échéant, des solutions basées sur le partenariat avec le personnel et l'entreprise privée, ou même l'impartition des services69 [...] le socio sanitaire peut devenir le moteur d'une nouvelle économie québécoise ».70

Cette ouverture vers le privé ne doit pas surprendre parce que la mondialisation :

« est en réalité simplement un concept qui a été concocté par les Américains pour « introniser » la déréglementation qui elle est une vraie réalité».71

Une affirmation qui peut paraître un peu crue, elle est néanmoins complètement endossée par Hakan Björkman, coauteur du Rapport mondial du développement humain, qui observe que nous assistons actuellement « à un changement important... dans l'attitude envers le rôle de l'État. L'idéologie économique américaine commence à dominer partout; le laisser faire et le libéralisme sont de mise... L'Organisation mondiale du commerce (OMC) 72 apparaît comme un exemple extraordinaire de coopération entre pays : « [...] en fait, c'est un contrat qui protège les droits des multinationales avec une force légale énorme ». 73

La chosification de la collectivité

Le virage amorcé par la « Réorganisation » en cours signale fondamentalement le retour en force, aux niveaux local et régional, de la prédominance du capital, de l'entreprise privée et de l'entrepreneuriat. Présenté de cette façon, le phénomène de régionalisation ne serait pas vendable au Québec sur le plan politique, un fait qui n'échappe pas aux décideurs québécois.

S'inspirant de la rhétorique néolibérale internationale, le gouvernement québécois a élaboré un discours qui vise à faire passer cette « Réorganisation », non pas pour ce qu'elle est, mais pour ce qui est rentable politiquement : un projet qui annonce un avenir meilleur, qui se fait selon nos moyens et qui s'appuie sur nos « valeurs québécoises ». Voici le contexte qui donne naissance au phénomène que nous appelons « la chosification».

La chosification est fondamentalement un processus de mystification. En le chosifiant, on attribue à un individu ou à un ensemble d'individus une réalité et des caractéristiques que la « chose » n'a pas. En mystifiant ainsi une « chose », d'autres réalités, bien réelles, sont cachées.

Dans le cas présent, le discours autour de la régionalisation représente une tentative - et nous dirons une tentative orchestrée et planifiée - de vendre une chimère aux québécoises et aux québécois, en faisant appel à leur sentiment d'identité régionale, à leur sentiment d'appartenance territoriale. Pour ce faire, les dirigeants politiques et économiques ont tricoté autour de la notion de la régionalisation un discours dont l'objectif premier est de mystifier et de cacher ce qui est en train de se produire réellement, soit le retour en force d'un capitalisme sauvage. L'outil de cette mystification, c'est le langage.

On nous dit donc que l'avenir du Québec passe par la valorisation des régions et des localités. Un Québec fort est la somme de "régions fortes74. Pour avoir des régions fortes, il faut que la population se prenne en main localement. " Pour faire cela, il faut que la collectivitése sente impliquée, « empowered » et bien représentée par les partenaires. Il faut donc procéder à une fragmentation, vers la communauté ou le milieu, des institutions et des programmes trop centralisés et trop distants.

Ce discours revient partout dans les différents volets de la « Réorganisation » en cours :

  • la réforme Chevrette nous demande de « renforcer les solidarités locales et régionales de même que la participation des citoyens à la vie démocratique de leur communauté »;75
  • la réforme Marois nous apprend que l'école produira un rapport d'activités annuel dans le but de rendre compte à la communauté des services offerts;76
  • la réforme Harel nous informe que le refus de personnes assistées sociales de participer à un Parcours individualisé constitue « une rupture de la relation qui lie ces individus à leur communauté »;77
  • toujours dans la réforme Harel, nous découvrons que c'est la communauté qui doit se prendre en main pour enrayer le fléau du chômage;
  • la réforme Chevrette identifie un principe de base du développement local : la participation directe de chaque collectivité locale.78

Mais quelle est donc cette « collectivité » que les différents projets de réforme cherchent à revaloriser? Bien sûr, la « collectivité » ou la « communauté » peuvent exister dans l'esprit des penseurs79, ou encore dans celui des professeurs de la Science de la régionalisation,80 mais peuvent-elles exister comme un objet de politique publique?

Nous sommes sceptiques : « la Collectivité locale » dont on nous parle existe-t-elle? Se pourrait-il que « l'effort global des collectivités » ou « la participation directe de chaque collectivité locale dans la réalisation [d'un projet]... » demeurent davantage du domaine de la poésie que des éléments d'un véritable plan visant le plein emploi?81

Ce discours chosifié sur la collectivité locale et la régionalisation repose essentiellement sur des concepts de « bien commun » et « d'intérêt commun ». Ainsi va le discours : si, par la fragmentation, on peut se rapprocher du peuple, c'est dans ces nouveaux lieux où s'exercera le pouvoir que « nous » pourrons mieux identifier, et « nous » entendre, sur « l'intérêt commun » (la création d'emploi, l'aide aux pauvres, le développement économique local), ce qui permettra par la suite de cibler « nos » efforts communs.

Est-il possible d'avoir réellement « un intérêt collectif commun »? Tout le monde serait d'accord pour dire que la création d'emplois durables, décents et stables pourrait faire l'objet d'un intérêt collectif. Mais commun? Comment, même sur le plan local (et peut- être surtout sur le plan local si nous avons à faire face aux petits barons et à la petite élite nouvellement revalorisée), peut-on réconcilier l'intérêt de l'entrepreneur capitaliste qui est celui d'avoir une main d'oeuvre à bon marché afin de maximiser ses profits avec l'intérêt de la chômeuse ou du chômeur?

On peut aussi poser la question autrement. En quoi, par exemple, les intérêts de la MRC du Fjord du Saguenay sont représentatifs des intérêts des Saguenayennes? Sont-ils les mêmes? Pourquoi choisir de miser, et de bâtir sa politique d'emploi, de développement économique et de développement social sur la solidarité régionale plutôt que sur une remise en question du patriarcat? Pourquoi choisir la lorgnette « régionale » comme angle d'approche, plutôt qu'une remise en question du capitalisme comme mode d'organisation économique? Peut-être pouvons nous trouver réponses à ces questions dans les priorités de fragmentation de la Banque mondiale, de l'OCDE et du Fonds monétaire international, où nous n'avons retrouvé aucun projet de restructuration féministe ou socialiste.

Vers une nouvelle citoyenneté?

Si l'aboutissement de l'immense projet en cours est de redéfinir l'État, il n'est pas étonnant que l'on cherche également à instaurer un nouveau modèle de citoyenneté. D'ailleurs, depuis la publication du livre blanc Une réforme axée sur le citoyen, qui amorçait la réforme en santé et services sociaux, le gouvernement place « le citoyen » au coeur de sa « Réorganisation ». Cette préoccupation est d'ailleurs reprise également dans les milieux communautaires et syndicaux, où l'on retrouve depuis un certain temps un souci de réhabiliter la notion de «citoyenneté».82

La « responsabilisation » est un leitmotiv qui traverse l'ensemble de la grande « Réorganisation » en cours. Nous l'avons déjà abordée sous sa forme collective : la « responsabilisation » des collectivités locales ou régionales qui résulte de la décentralisation de l'État et du renvoi des responsabilités gouvernementales aux paliers subordonnés.

La « Réorganisation » vise également l'établissement d'une citoyenneté plus responsable. Les promoteurs du nouvel État critiquent le niveau de dépendance83 des citoyennes et des citoyens face à l'État et proposent que le nouvel État vise l'indépendance et l'autonomie de ces citoyennes et citoyens à son égard. La « Réorganisation » en cours nous offre plusieurs exemples de cette nouvelle attitude :

  • la réforme de l'aide sociale est fondée sur la création de bons et de mauvais pauvres. Si on reconnaît que les bons pauvres (personnes âgées, invalides, etc.) ne pourront jamais devenir pleinement autonomes et qu'ils ont ainsi droit à la protection de l'État, les mauvais eux doivent se prendre en main et s'inscrire dans une mesure relevant de la politique active du marché du travail (PAMT) incarnée dans un Parcours individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi;84
  • le Parcours représente un cheminement personnalisé qui aura pour effet d'inscrire « l'insertion en emploi au coeur de notre filet de protection sociale ». Chaque personne assistée sociale a « la responsabilité de se construire un ou des parcours personnalisés ». Le Parcours est centré sur l'individu : c'est l'individu qui doit établir le trajet qui le mènera à la réalisation de son projet d'intégration. Au coeur même du nouveau régime de la sécurité de revenu, se trouve l'idée « d'un contrat de réciprocité reposant sur un rapport ouvert, démocratique et solidaire entre l'individu, l'État les partenaires du marché du travail et les collectivités».85 Derrière cette poésie, on vise une responsabilisation accrue de l'individu sur son propre sort;
  • dans le contexte où l'État cherche à responsabiliser ses citoyennes et citoyens en réduisant leur dépendance envers l'État, il faut mettre en relief l'importance des mesures visant la petite enfance. En offrant les services éducatifs obligatoires pour les enfants dès 4 et 5 ans, cette mesure devient une piste d'atterrissage des mesures actives d'emploi de la réforme Harel, notamment à l'égard des familles monoparentales;
  • bientôt au Cégep, grâce à la réforme Marois, une étudiante ou un étudiant échouant deux cours devra se payer des cours de rattrapage, on responsabilise ainsi ces jeunes dont la réussite ne dépend que leurs efforts;
  • en santé et services sociaux, le « virage ambulatoire » est également une mesure qui s'inscrit dans le contexte de responsabilisation. Celui-ci vise « la prise en charge » des personnes malades ou en perte d'autonomie par des « aidants naturels », lesquels sont dans 70 à 80% des cas plutôt des aidantes.86 La seule question qui demeure sans réponse est l'identification de l'objet de la responsabilisation : le malade... ou sa famille;
  • toujours en santé et services sociaux, l'approche de « épidémiologie sociale », présentement retenue par l'État pour guider son approche de la santé, repose fondamentalement sur une volonté de « responsabiliser » les citoyennes et les citoyens à ce niveau. Pourtant, cette approche est douteuse dans la mesure où les rapports sociaux sont autres que ceux d'un organisme vivant susceptible d'être infecté ou de développer des pathologies. Dans l'approche d'épidémiologie sociale, « la normalisation médicale des problèmes sociaux revient alors à traiter les personnes en responsables de leurs « pathologies » : plutôt que de leur permettre d'acquérir un pouvoir sur leur existence sociale, on les invite à suivre une thérapie qui modifiera leur comportement à risque».87 C'est là que le dérapage de la réforme Rochon se produit : on occulte les causes collectives des problèmes de santé et on met l'accent sur la responsabilisation individuelle.

Et les groupes populaires et communautaires dans tout ça...

Dans la stratégie de « Réorganisation » actuelle, il semble que le « communautaire » soit appelé à jouer un rôle important, rôle qui est souvent abordé par les organisations internationales, telles la Banque mondiale et l'OCDE. Dans un contexte où le gouvernement cherche à se départir de services publics, il fait appel aux organismes communautaires pour les offrir. Le rôle stratégique du « communautaire » semble désigné d'avance par la Banque mondiale : « réduire le coût social de la restructuration».88

En offrant au « communautaire » un rôle important dans l'offre de services, l'État évoque, pour ses propres fins, une vieille revendication du « communautaire », à savoir : l'importance des pratiques alternatives et l'importance d'offrir des services accessibles et, par conséquent, près des populations.

Devant ce virage vers le communautaire, plusieurs enjeux rattachés au partenariat et à la nature même de l'action communautaire autonome surgissent.

Vers un nouveau partenariat?

Le virage vers la démocratie déléguée

La naissance de l'action communautaire autonome au Québec, telle qu'on la définit aujourd'hui, remonte aux années soixante, avec la mise sur pied d'une première vague de comités de citoyens dans les quartiers ouvriers des centres urbains du Québec. Dès le début, les groupes populaires se sont dotés d'une pratique de démocratie directe et de prise en charge de l'organisme par ses membres. En réaction à un autre type de gestion, imposé par « en haut », le mouvement populaire tentait de redonner la parole aux citoyennes et citoyens.

Les pratiques démocratiques du contrôle de l'organisme populaire par ses membres, notamment par une assemblée générale exprimant la souveraineté populaire, sont encore en vigueur. Ces mêmes pratiques de démocratie directe ont été « exportées » vers les regroupements régionaux et nationaux.

La « découverte » gouvernementale du rôle stratégique que peut jouer le mouvement communautaire en tant que « partenaire » dans des institutions se heurte à la pratique communautaire de démocratie directe. En effet, ce type de démocratie, fonctionnel dans un contexte où l'on a à fixer des orientations, défendre des droits ou déterminer une plate- forme de revendications, est fort mal adapté dans un contexte de représentation, à une instance régionale par exemple, qui doit prendre des dizaines de décisions, les plus urgentes les unes que les autres, mois après mois.

Malgré ces difficultés, le mouvement communautaire se retrouve aujourd'hui de plus en plus interpellé à participer dans des lieux de « démocratie déléguée », ce qui est une caractéristique fondamentale du partenariat. Cette rencontre, que certaines ont décrit comme « un choc de cultures » n'est pas toujours ni heureuse, ni harmonieuse.

Une première expérience partenariale formelle du communautaire est sa participation aux instances décisionnelles des Régies régionales en santé et services sociaux. Suite à celle-ci, d'autres offres de partenariat n'ont pas tardé à venir: en 1996, un siège communautaire a été accordé à la Société québécoise de développement de la main d'oeuvre, suivi de sièges réservés aux instances régionales de ce même organisme. Cette expérience se poursuivra vraisemblablement au sein des nouveaux CLD et dans les conseils d'établissement. De plus, comme nous l'avons déjà mentionné, la réforme Chevrette prévoit une participation plus formelle du communautaire dans les CRD.

Pour affronter la transition exigée par le virage d'une pratique de démocratie directe à celle d'une démocratie déléguée, le communautaire semble particulièrement peu préparé, et ce à plusieurs niveaux.

Les régions qui ont déjà une pratique bien rodée de concertation intercommunautaire sont les exceptions. En général, au Québec, les différentes composantes du mouvement communautaire travaillent très peu ensemble. Le manque de reconnaissance mutuelle rend encore plus difficile l'élaboration des procédés, des structures et des mécanismes de représentation et de suivis de représentation.

Concrètement, au moment où l'État, ou même la petite élite locale, cherchent activement des représentants du communautaire pour siéger dans des différents lieux partenariaux, le mouvement communautaire ne se concerte même pas pour élaborer des mécanismes assurant cette représentation. Qui siégera au nom du communautaire? Comment cette personne sera-t-elle préparée pour prendre des décisions? Quels mécanismes faudra-t-il collectivement se donner pour assurer la transmission de l'information aux populations que ces représentants sont censés représenter?

Un exemple concret : le gouvernement a fait savoir qu'il entend réunir au Conseil d'administration des nouveaux CLD les élus municipaux, les acteurs économiques, les institutions, les syndicats, le milieu coopératif et les organismes communautaires. Qui, comment et quand seront choisis les représentants des différents secteurs? Y aura-t-il des ressources mise à la disposition des partenaires, et plus particulièrement pour les membres représentants le milieu communautaire, pour faciliter le processus?

Rien ne nous indique que le projet comprend la mise en place d'un quelconque mécanisme visant la représentativité des membres.

Ce type de démocratie interpelle le mouvement communautaire sur les pratiques de démocratie directe dans les groupes. Mais cette institutionnalisation de la démocratie déléguée pose une question encore plus fondamentale : n'est-on pas en train d'instaurer une « démocratie » fondée sur des groupes d'intérêts (comprenant des groupes d'intérêts communautaires) dont personne n'est redevable directement à la population mais plutôt à ses actionnaires ou ses membres?

Vers le dépassement du champ de compétence du communautaire

Le virage vers la démocratie déléguée aura d'autres impacts. Malgré le fait que les groupes populaires et communautaires auront une place restreinte au sein des CLD et CRD, comme c'est déjà le cas dans les Régies régionales, les représentants du communautaire seront néanmoins partie prenante des décisions « démocratiques » qui y seront prises. À ce titre, le communautaire cautionnera donc les priorités locales et régionales en ce qui concerne le développement de l'économie, l'emploi et l'insertion en emploi, l'achat d'équipement médical et les compressions budgétaires.

La délégation dans un lieu partenarial, tel une Régie régionale, porte sur un ensemble de dossiers dont plusieurs, sinon la majorité, dépassent le champ de compétence des personnes déléguées. Ces personnes doivent donc statuer sur l'ensemble des dossiers et, pour ce faire, doivent développer des compétences et des expertises nouvelles. Pendant cette « professionnalisation », il existe un risque réel d'éloignement de son propre milieu, ne serait-ce qu'à cause du temps à investir pour maîtriser ces nouveaux dossiers. De plus, il existe un risque de détournement de la mission de l'organisme vers des champs d'activités « inexplorés ».

Enfin, le partenariat, ou démocratie déléguée, a d'énormes implications sur les ressources disponibles dans le milieu populaire et communautaire. À ce titre, il faudra également analyser nos réelles possibilités

humaines, logistiques, stratégiques et techniques pour assumer de tels mandats. Sans compter l'évaluation politique des confrontations qui risquent de surgir lorsque nous faisons face à nos « partenaires » locaux et régionaux.

Vers un nouveau pôle ?

L'arrivée des mesures de la PAMT dans nos organismes

L'arrivée des mesures reliées au Parcours individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi risque d'avoir des impacts importants sur le milieu communautaire, car si le Parcours est individualisé, l'individu ne sera pas solitaire. Suivant les consignes développées par l'OCDE, la réforme Harel prévoit tout un mécanisme « d'accompagnement » de la personne participante afin qu'elle soit :

« [...] capable de clarifier ses intérêts, de cibler ses aptitudes et de faire les meilleurs choix pour progresser vers son autonomie financière et professionnelle».89

Ce mécanisme est composé de deux volets :

  • la personne sera « appuyée » dans son cheminement par un conseiller en emploi;
  • elle le sera tout autant par des groupes communautaires. À cet égard, c'est le devoir du CLE, dans un objectif d'accompagnement des personnes « aptes », d'établir des rapports étroits avec les organismes communautaires oeuvrant sur le territoire afin que des services complémentaires à ceux des Centres soient plus largement accessibles...90 Parmi les organismes « communautaires » à privilégier : les Carrefours Jeunesse Emploi91 qui s'occuperont de l'accompagnement des « jeunes-aptes », une clientèle prioritaire des parcours individualisés.

Le gouvernement envisage clairement une participation active des groupes communautaires dans la mise en oeuvre de son projet. Cette participation entraînera nécessairement d'autres enjeux.

La gestion locale de la pauvreté

L'insistance mise sur l'accompagnement des individus par les organismes communautaires sera problématique dans la mesure où le gouvernement entend refiler aux communautés locales la responsabilité de gérer les coupures ainsi que le contrôle des populations démunies.

Dans la réforme Harel, on peut craindre que le gouvernement québécois n'ait choisi de se délester d'une partie de son rôle décisionnel au profit des CRD et CLD dans le but de mieux déléguer aux CLE (et aux groupes communautaires, sous le couvert de contrats de services) la responsabilité de réaliser les différents Parcours.

Il est donc à prévoir que les organismes communautaires seront appelés sous peu à faire leur part pour consolider le processus de « Réorganisation ».

Outre la nature coercitive des Parcours, qui a été dénoncée de façon quasiment unanime par le milieu, un autre enjeu important se pose face à la réforme Harel.

Si nous retrouvons un large appui dans le milieu communautaire quant au fait que les personnes sans-emploi doivent avoir accès à un maximum d'outils leur permettant de retourner à l'emploi, l'approche retenue par le gouvernement pour « régler » le problème de l'emploi est problématique. On a en effet choisi de responsabiliser les individus et les collectivités face au chômage plutôt que de reconnaître le droit au travail et la responsabilité de l'État dans l'élaboration d'une stratégie globale de création d'emploi. Investir toute son énergie dans la mise en oeuvre de Parcours d'insertion, sans aucune politique réelle de création d'emploi - comme c'est le cas avec la Réorganisation en cours - démontre que le gouvernement a choisi de gérer les « pauvres » plutôt que d'entamer une véritable lutte contre la pauvreté.

Chaque organisme communautaire risque donc prochainement de devoir déterminer s'il veut assumer la tâche du contrôle social des populations qu'il est supposé défendre et représenter. En acceptant d'encadrer des « aptes » dans leur Parcours, les groupes communautaires vont-ils devenir des gestionnaires de la pauvreté locale ou les gérants des pauvres du quartier ou du village?

Une atteinte à I autonomie des groupes

Selon Un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi, les groupes communautaires détiennent une forte expertise en ce qui concerne la préparation et l'insertion à l'emploi des personnes sans-emploi. Dans le cadre de partenariats au sein des CLE notamment, il est prévu que les organismes seront fortement mis à contribution.

En langage bureaucratique, « être mis à contribution » sent l'argent. En ce sens, il est à prévoir qu'une pression sera exercée par le gouvernement, mais aussi au sein même des organismes, afin que ceux-ci revoient leurs approches afin de les rendre conformes aux critères de financement élaborés au gré des différentes mesures d'insertion (et de contrôle).

En d'autres termes, remettra-t-on en cause l'autonomie des groupes en matière de définition de leur mission et de leurs pratiques?

Par la nature même des programmes de mesures actives qui composeront le Parcours, n'y a-t-il pas lieu de croire que les groupes communautaires risquent de perdre une grande part de leur autonomie? Ce type de financement nous dirige-t-il vers la création d'emplois précaires et déqualifiés (sous la coordination d'une personne qualifiée et bien payée) au sein d'entreprises « d'économie sociale »? Ou encore vers la redéfinition de pratiques démocratiques d'interventions en des structures hiérarchiques de gestion de bénévoles?

Conclusion

à qui appartient I'agenda de la régionalisation au Québec:

Dès le début de cette recherche, une interrogation a surgi : dans le contexte de compression budgétaire et de réduction massive de la taille de l'État, est-il possible que la restructuration en cours ne soit qu'un prétexte pour la mise en place de structures qui finiront par ouvrir la voie à encore plus de désengagement de l'État face à ses responsabilités sociales et civiles?

II nous est apparu évident que le Livre blanc de monsieur Chevrette confirmait le désir du gouvernement péquiste actuel de situer ses politiques sociales et de développement économique dans la foulée des grandes tendances associées à la mondialisation et, en tout premier lieu, à celle de l'assainissement des finances publiques.

Poursuivant cette piste, nous avons constaté que dans les documents officiels des différents volets de la « Réorganisation », il est fait abondamment référence à des études et recherches internationales, notamment celles de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Nous avons alors parcouru la documentation de l'OCDE, de la Banque mondiale et de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) afin d'identifier les thèmes et les tendances qui y circulent.

Nous y avons retrouvé des concepts et des mots très présents dans le langage actuel: globalisation, rationalisation, qualité totale, partenariat, concertation, harmonisation, flexibilité, adaptation, localisation, impartition, économie sociale, épidémiologie. Nous y avons également décelé une certaine logique économique dont l'objectif semble être un processus de désengagement des États face à leurs responsabilités sociales et civiles.

Nous nous sommes alors dit que l'utilisation de cette logique économique était prévisible pour des pays liés par les conditions des grands accords commerciaux et d'échanges intercontinentaux, tels l'accord de libre échange nord-américain (ALÉNA) et l'association de coopération économique Asie-Pacifique (APEC). En effet, non seulement ces ententes visent-elles à déréglementer les marchés, le commerce, la production, les échanges financiers et à mettre en concurrence les travailleuses et les travailleurs de tous les pays, mais elles servent également à induire un nivellement par le bas au niveau de la qualité et de la quantité de programmes sociaux disponibles à tous.

Ainsi, nous pensons qu'après avoir harmonisé les marchés, les États entendent harmoniser les programmes sociaux. Nous croyons, de plus, que cette harmonisation se fera sur la base des prestations sociales, à toute fin pratique absentes, des pays les plus démunis.

Ceci dit, il ne faut pas s'étonner de retrouver ce discours et cette logique économique au Québec. Le gouvernement lui-même n'arrête pas de proclamer qu'il veut que le Québec s'insère dans le processus de la mondialisation. Pour ce faire, il met de l'avant des politiques sociales et de développement économique qui devraient permettre au Québec « de prendre sa place dans un monde de plus en plus compétitif»...

Dans ce sens, selon nous, les politiques proposées par l'actuel gouvernement péquiste s'insèrent directement dans la foulée de la soumission des États et des économies nationales aux pressions mondiales; nous en déduisons que ces différentes politiques visent aussi l'harmonisation vers le moins...

Ainsi, nous doutons fortement de la nature « québécoise » de la « Réorganisation ». D'ailleurs, n'est-ce pas ce que nous devons comprendre de la déclaration post- référendaire du ministre des Finances, monsieur Bernard Landry, à l'effet que dorénavant « notre destin (celui du Québec) se joue à Wall Street »?93 Ne veut-il pas dire par-là que l'avenir du Québec sera dorénavant déterminé par les courtiers en bourse new-yorkais et par les grandes organisations internationales qui promeuvent leurs intérêts?

Vous l'aurez compris, le principal constat de notre analyse est que le gouvernement québécois suit, à sa façon et à son rythme, mais « si » fidèlement, un parcours tracé d'avance par l'OCDE, la Banque mondiale et l'Organisation mondiale du commerce. Aussi, reposons-nous la question: à qui appartient l'agenda de la régionalisation au Québec?

Annexe : liste des acronymes

ALÉNA : Accord de libre échange nord-américain
APEC : Association de coopération économique Asie-Pacifique
BAEQ : Bureau d'aménagement de l'Est du Québec
CAR : Conférence administrative régionale
CDÉ : Corporation de développement économique
CHCD : Centre hospitalier de courte durée
CHSLD : Centre hospitalier de soin de longue durée
CLD : Centre local de développement
CLE : Centre local d'emploi
CLSC : Centre local de services communautaires
CPMT : Commission des partenaires du marché du travail
CRD : Conseil régional de développement
CRÉS : Comité régional d'économie sociale
CRMO : Conseil régional de la main d'oeuvre
CSST : Commission de la santé et de la sécurité au travail
CTQ : Centre travail Québec
DRHC : Direction des ressources humaines du Canada
FIL : Fonds d'investissement local
GATT : Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce
MÉQ : Ministère de l'Éducation du Québec
MRC : Municipalité régionale de comté
MSSS : Ministère de la santé et des services sociaux
OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques
OMC : Organisation mondiale du commerce
OSBL : Organisme sans but lucratif
PAMT : Politique active du marché du travail
PME : Petites et moyennes entreprises
RAPC : Régime d'assistance publique du Canada
REÉR : Régime enregistré d'épargne retraite
SDR : Secrétariat des Régions
SPE : Service public d'emploi
SQDM : Société québécoise de développement de la main d'oeuvre
TRD : Table régionale des députés

Bibliographie

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« La Chambre de commerce veut devenir un guichet unique », 5 octobre 1997.

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Télescope

« La Décentralisation des pouvoirs aux écoles », juin 1997.

Voir

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NOTES

1 Voir : Objectifs et Orientations gouvernementales, #5.

2 Objectifs et Orientations gouvernementales, document déposé au Chantier sur la formation continue en avril, MÉQ, 1997.

3 Conseil supérieur de l'éducation, Le Développement socio- économique régional: un choix à raffermir en éducation, 1989, p. 4.

4 FRÉCHETTE, Pierre, VÉZINA, Jean-P., L'économie du Québec, 1990, Éditions Études vivantes, p. 180.

5 Proulx, Marc-Urbain, «Gouvernement du Québec et gouverne territoriale », L État aux orties, Actes du colloque du SFPQ, Éd. Écosociété, Montréal, 1996, p 158.

6 Conseil québécois des affaires sociales, Deux Québec dans un, 1989.

7 Gouvernement du Canada-Gouvernement du Québec, 1988.

8 Gouvernement du Québec, 1988.

9 Conseil supérieur de l'éducation, Le développement socio- économique régional: un choix à raffermir en éducation, 1989, p.8.

10 Le développement, p. 12.

11 Leclerc, Yvon, Battre le chômage, Éditions du Septentrium, Ste-Foy, 1994, p. 144.

12 Voir « La Chambre de commerce veut devenir un guichet unique », La Presse, 5-10-97.

13 Le Plan local en matière de développement économique et de développement de l'emploi de la Politique de soutien ressemble étrangement au Plan local d'action concertée pour l'emploi, présenté dans le Parcours d'insertion.

14 Voir « Les centres de développement coûteront 30 millions aux MRC », La Presse, 18-04-97, page B-7.

15 Politique de soutien, p. 20.

16 Politique de soutien, p. 20.

17 La gestion par résultat, déjà courante dans le secteur de la santé et services sociaux, est un des modes de gestion préférés de l'OCDE. Voir: OCDE, Renforcer l'efficacité, p. 13.

18 Politique de soutien, p. 19.

19 OCDE, Renforcer l'efficacité, p. 24. Le Service public à l'emploi (SPE) est un terme auquel le Livre vert fait souvent référence sans nommer la source.

20 Renforcer l'efficacité, p. 5.

21 Prendre le virage, p. 34.

22 Prendre le virage, p. 26.

23 Nonobstant le fait que plusieurs « agents de liaison », couverts par une convention collective, ont perdu leur poste récemment (1996) dans la vague de compressions au MÉQ. Voir: La Gazette des femmes, nov.-déc. 1997, p. 15.

24 Voir : Fournier Jacques « Fusions et confusion », Le Devoir, p. A-7.

25 L'appellation peut varier: CRCD (C pour concertation) ou même SMD (Société montérégienne de développement).

26 L'entente cadre « est un outil privilégié de concertation et de partenariat entre le gouvernement et chacune des régions parce qu'elles permettent de traduire sous forme d'engagement mutuel la contribution du gouvernement et de la région à la réalisation de la planification stratégique régionale.» Une Politique de soutien, p.27.

27 L'idée des populations ciblées est très répandue à l'OCDE...

28 Dans le projet de loi 171 créant le Ministère des Régions, il n'est plus fait mention du CRÉS. Il n'est fait mention d'économie sociale qu'au niveau local via les CLD.

29 Politique de soutien, p 27.

30 On voit ici l'interpénétration des volets aide sociale et développement régional.

31 Politique de soutien, p. 48.

32 Politique de soutien, p. 49.

33 Politique de soutien, p. 49.

34 Le CPMT a été créé en juin 97; il s'agit du CA de la SQDM. La SQDM était décisionnelle et avait le contrôle sur l'utilisation des argents destinés à la formation. La CPMT, n'a qu'un rôle aviseur.

36 Politique de soutien, p. 43.

37 Banque Mondiale, L'État dans un monde en mutation, Rapport sur le développement dans le monde, 1997.

38 L'État dans un monde, p. 1. Dans ce document, la première mission de l'État est de « jeter des fondations solides », c'est-à-dire de s'assurer de sa propre reproduction. Pour remplir cette mission première, toujours selon la Banque Mondiale, l'État dispose de cinq fonctions lui permettant d'assurer son développement durable et de faire reculer la pauvreté (principe sine qua non pour assurer la stabilité nécessaire pour « sa reproduction » -NDLR): la mise en place des bases d'un régime de droit; l'application de politiques ne créant pas de distorsion, et notamment de celles visant à maintenir la stabilité macro-économique; l'investissement dans les services sociaux de base et l'infrastructure; la protection des plus vulnérables; la protection de l'environnement.

39 OCDE. Nouvelles orientations, #1. Un parcours vers l'insertion, p. 35.

40 « Les effets majeurs », La Presse, 10 octobre 1997, p. A-6.

41 Voir : « La Réforme de l'Assurance Chômage », Relations, mars 93, p. 36; « Les Canadiens ressemblent de plus en plus aux Américains », Le Devoir, le 4 et 5 octobre 1997, p. C-5. 42 L'État, p. 8.

43 L'État, p. 4.

44 L'État, p. 4.

45 L'État, p. 3.

46 Un régime de programmes sociaux offrant des mesures ne s'adressant qu'aux populations les plus vulnérables peut engendrer d'autres conséquences importantes. En abolissant l'universalité des programmes sociaux, l'État se place dans la situation où il offre de moins en moins de services « à la population » qui les paye. Combien de temps pourra-t-on restreindre l'accès aux services et aux programmes « publics » avant que les « payeurs de taxe » ne se révoltent, ceux-ci n'ayant plus accès aux services et programmes qu'ils ont payés. Est-ce la meilleure façon de bâtir une cohésion sociale à long terme?

47 Conseil de la santé et du bien-être, L'harmonisation des politiques de lutte contre l'exclusion, 1996, p. 55.

48 OCDE, Nouvelles orientations, p. 12.

49 Le principe d'universalité auquel nous référons se définit ainsi : toutes les personnes qui répondent aux conditions déterminées par un programme ont droit à ce programme.

50 Encore faut-il s'entendre sur qui est pauvre. On remarque une tendance des gouvernements à abaisser les seuils de pauvreté depuis une dizaine d'années. Voir : Boisvert, Dominique et Gascon, Stéphane « L'appauvrissement zéro: de qui, comment », Relations, octobre 1997, p. 236 et ss.

51 Banque mondiale, « Perspectives régionales 1996 - Europe et Asie », Rapport Annuel, p. 2.

52 L'État, p. 3.

53 Politique de soutien , p. 3.

54 « Les coûts du programme de santé sont en baisse », Le Devoir, 12-08-97, p. A-2.

55 « Épargne-santé: Vaugeois remet ça! », Le Devoir, 13/14-09- 97, p. B-3.

56 L'R des Centres de femmes de Québec. Femmes, santé et régionalisation, juin 1997, p. 22.

57 Politique de soutien, p. 1, p. 3.

58 Banque mondiale, Rapport Annuel, 1996, p. 7.

59 L'État, p. 6.

60 L'État, p. 6..

61 Banque mondiale, Rapport annuel 1996, p. 7.

62 Un parcours vers l'insertion, p. 35.

63 Un parcours vers l'insertion, p. 47.

64 RONDEAU, Jean-Claude, « La Décentralisation des pouvoirs aux écoles », Télescope, ÉNAP, juin 1997, p. 1.

65 Dans le milieu populaire, nous sommes peut-être aveuglés par l'arbre et nous ne voyons pas la forêt. L'enjeu de la « Réorganisation » n'est ni l'économie sociale ni la revalorisation de formes alternatives d'organisation économique comme les coops.

66 L'État dans un monde, p. 7.

67 « La Chambre de commerce veut devenir un guichet unique », La Presse, 5octobre 1997, p. A-5.

68 Prendre le virage, p. 18.

69 Impartition des services : ce n'est pas le Petit Robert qui aidera à déchiffrer cette expression... C'est un néologisme pour « privatisation ».

70 Voir CSN, La Régionalisation et la localisation de l'État Québécois, document d'information, d'analyse et d'action, octobre 1997,16 pages.

71 J.M. Rainville, La mondialisation : un mythe?, p. B-3.

72 L'organisation mondiale du commerce a remplacé L'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) le 1er janvier 1995. Il s'agit d'un instrument international pour fixer des règles pour les échanges commerciaux.

73 FRISKO, Pierre, « La faim du monde », Voir, 4 octobre 1997, p. 10.

74 Politique de soutien, p. 3.

75 Politique de soutien, p. 3.

76 Prendre le virage, p. 15.

77 Un parcours vers l'insertion, p. 41.

78 Politique de soutien, p. 37.

79 Voir : Agusti Nicolau, Coll. « La Citoyenneté, un concept occidental dangereux », Droit de cité, Options CEQ, #11, 1994, p. 187 ss.

80 La notion de « science de la régionalisation » vient de l'américain John Friedman, celui qui est également à l'origine du concept de l'« empowerment ».

81 À cet égard, notons que parmi la myriade de mesures et de politiques mises de l'avant dans la Réorganisation en cours, nous ne retrouvons aucune politique visant le plein-emploi.

82 Nous pensons au colloque « Droit de cité » organisé en 1994 par l'ICÉA, la Ligue des droits et libertés et le Centre de formation populaire.

83 Comme l'OCDE constate: «...la «générosité» en tant que priorité des programmes [sociaux] peut elle-même être incompatible avec les incitations au travail - et avec un autre objectif qui consiste à freiner les dépenses publiques » (OCDE, Nouvelles Orientations, #58). Ou encore: « Les nouvelles orientations de la politique sociale mettent aussi l'accent sur la mise en valeur du potentiel humain en tant que contribution à la société et au bon fonctionnement du marché par des mesures actives qui favorisent l'emploi et l'autonomie financière plutôt que la dépendance persistante à l'égard de l'aide publique » (OCDE, Nouvelles orientations, #5).

84 L'OCDE souligne à maintes reprises l'importance d'accorder un « traitement personnalisé » aux prestataires. Voir : OCDE, Renforcer l'efficacité, p. 7,10-11.

85 Un parcours vers l'insertion, p. 14.

86 L'R des Centres de femmes, p. 48.

87 PARAZELLI, Michel, « De la pauvreté traitée comme une maladie », Monde Diplomatique, décembre 1995.

88 Banque mondiale, Rapport annuel 1996. Dans ce document, on fait référence au rôle de l'approche communautaire dans le contexte de l'Europe de l'Est.

89 Un parcours vers l'insertion, p. 40.

90 Un parcours vers l'insertion, p. 40.

91 Un parcours vers l'insertion, p. 44.

93 CASSEN, Bernard, « Pour les Québécois, un pays à portée de la main », Le Monde Diplomatique, janvier 97, p 15.

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