FÉDÉRATION DES ACEF DU QUÉBEC AOÛT 1975
Une grande partie des permanents du mouvement ACEF ont participe activement à cette enquête. Nous les remercions tous. Mentionnons spécialement Normand Brouillette, économiste, Roger Saucier, responsable de l'enquête, qui s'est spécialement occupé de l'analyse des données et de la. rédaction.
N'oublions pas les dizaines d'intervieweurs et les centaines de ménages québécois qui ont donné un peu de leur temps pour nous permettre de recueillir les données de base de cette enquête. Des collaborateurs de l'extérieur ont également été mis à contribution: Jacques Dion pour la codification et le traitement des données, Maurice Cloutier au niveau de l'analyse et de la rédaction.
Nous devons remercier tout spécialement la Fédération de Québec des Caisses Populaires Desjardins et son directeur général, M. René Croteau qui nous a offert gracieusement la collaboration de son personnel et nous a fourni le traitement des données. Une mention particulière doit être faite de M. Luc Valiquette, de la Direction Etudes et Statistiques, et surtout de M. Michel Nadeau, technicien en recherche. Nous avons dû taxer à la limite la disponibilité et la grande patience de M. Nadeau lors de nos trop nombreux appels interurbains et, sans sa collaboration soutenue, nous n'aurions pu mener à bien les tâches essentielles de la codification et du traitement des données.
La tâche du secrétariat fut assumée par Jocelyne Lauzon et Louise Émond.
Face aux hausses successives du prix du lait qu'ont connues les consommateurs québécois en 1974, le mouvement ACEF a entrepris, en janvier '75 une action à travers tout le Québec dans le but, sinon de faire baisser le prix de cet aliment essentiel, au moins d'en arrêter la hausse vertigineuse. En effet, sur une période d'un peu plus d'un an, le prix d'une pinte de lait est passé de $0.38 à $0.51, soit une hausse de près de 35%.
Dans une première étape, il était important d'acquérir un minimum de connaissances des différents groupes qui entrent dans le processus de la production, de la transformation et de la distribution du lait.1 Nous avons alors compris à quel point certains agriculteurs-producteurs étaient dans une situation précaire et surtout nous avons constaté les profits sans cesse croissants de certaines multinationales qui fournissent aux agriculteurs les matières essentielles à leur production et les profits également très élevés des grosses laiteries qui, en fait, contrôlent tout le marché du lait.
Cependant, bien que cette démarche fut nécessaire, nous devions, dans une deuxième étape, connaître également la situation des consommateurs. Ce n'est pas tout de voir comment les grosses compagnies empochent les profits, il faut aussi comprendre comment le consommateur vit et voit sa situation propre.
Nous avons alors décidé de procéder à une enquête assez simple auprès des familles québécoises qui porterait sur leurs achats de lait pour une semaine et sur leurs attitudes face aux hausses de prix. Par la suite, l'enquête fut élargie à l'ensemble de la commande alimentaire dans le but de connaître la place occupée par le lait dans l'alimentation et aussi d'amorcer une réflexion sur l'industrie agro-alimentaire.
Cette enquête comportait deux objectifs principaux:
Enfin, les résultats de cette enquête-sondage sur le lait devront aussi nous permettre d'entreprendre avec les agriculteurs-producteurs de lait une réflexion commune afin de viser les vrais responsables de ce problème et d'envisager des solutions qui sont nouvelles et plus efficaces que ce que l'on a connu jusqu'à présent.
Cette enquête n'a aucune prétention à la perfection technique, mais elle se veut premièrement un outil de réflexion sur un sujet où il n'existe à peu près rien. Nous croyons bien cependant avoir respecté les normes scientifiques minimales et avoir accompli un travail sérieux par l'originalité de son approche, l'ampleur de la population couverte et la qualité des données recueillies.
Dans sa version finale, l'enquête a pris la forme d'un questionnaire fournissant plus d'une centaine de données sur chaque ménage visité. Le questionnaire fut distribué dans l'ensemble du réseau du mouvement ACEF et les résultats couvrent toutes les régions du Québec, sauf la Gaspésie, la Côte-Nord et l'Abitibi. Le questionnaire a été administré par des permanents et des militants du mouvement dans les deux dernières semaine d'avril 1975.
Les résultats bruts les plus intéressants figurent à l'annexe. Lors du traitement des données par ordinateur, certaines données ont été croisées de façon à mettre en lumière des variations de comportement selon le revenu, la taille des ménages, le nombre d'enfants, etc. Plus de 200 des tableaux ainsi produits ont été retenus pour une analyse minutieuse. Tous les questionnaires qui ne correspondaient pas à certaines normes de qualité de réponse ont été simplement mis de côté.
Par ailleurs, afin d'éviter d'alourdir le texte, un minimum d'explications techniques, de notes et de renvois ont été conservés. Pour la même raison, nous avons évité d'insérer dans le texte des tableaux souvent trop complexes pour une compréhension aisée et, le plus souvent, nous avons omis de répéter au complet les tableaux placés à l'annexe. Ceux qui désirent des informations détaillées peuvent donc se référer à l'annexe.
Dès le départ, une première difficulté est apparue. Plusieurs consommateurs ont trouvé ardu de chiffrer, sur une base hebdomadaire, leur consommation de chaque produit alimentaire. La plupart n'ont pas l'habitude de tenir un budget alimentaire aussi précis. D'autres alternent à chaque semaine entre une grosse et une petite commande. Un certain nombre, enfin, possèdent un congélateur, ce qui leur permet d'acheter certains aliments en grande qualité. Malgré ces petits problèmes, certains contrôles nous ont permis de vérifier la cohérence des réponses les unes par rapport aux autres. Après ces quelques remarques, nous sommes prêts à aborder le vif du sujet.
Dans le texte et les tableaux, nous utilisons les expressions suivantes pour désigner différents types de lait:
Ceci fait, la première question qui se pose est celle de la consommation actuelle de lait:
|
Parmi les ménages qui en consomment |
pour tous les ménages de l'échantillon |
Lait frais |
8.2 pintes (429 ménages) |
7.7 pintes (440 ménages) |
Lait en poudre |
11.0 pintes (109 ménages)2 |
2.7 pintes (440 ménages) |
On constate d'abord que la consommation hebdomadaire moyenne de lait en poudre dépasse de près de 3 pintes celle du lait frais parmi les ménages qui en consomment. Cependant presque tout le monde consomme du lait frais (429 ménages sur 440) tandis que seulement 109 ménages consomment du lait en poudre. Pour l'ensemble des ménages, on consomme quand même beaucoup plus de lait frais (7.7 pintes par semaine) que du lait en poudre (2.7 pintes). Déjà, on peut poser l'hypothèse d'une relation entre la consommation et les prix fort différents de ces deux types de lait.
La consommation de lait par ménage est une donnée intéressante, mais peu nuancée. En effet, la consommation d'un ménage est relative au nombre de personnes qu'il comporte. Nous avons donc compilé le nombre de personnes par ménage pour pouvoir établir des moyennes par individu. Cette opération nous donne une base d'appréciation beaucoup plus juste des phénomènes observés.
Par ailleurs, dans beaucoup de cas, nous avons voulu mesurer l'influence du revenu, de la taille des ménages ou du nombre
d'enfants sur le comportement des consommateurs. Pour le revenu, nous avons divise notre échantillon en deux groupes, à peu près égaux en nombre, de chaque côté du seuil de $175.00 de revenu net 3 par semaine par ménage. Nous avons calculé la moyenne du revenu de chacun de ces deux groupes à chaque fois que nous divisions l'échantillon selon le revenu et cette moyenne se situait à environ $125.00 pour les ménages qui gagnaient moins de $175.00 par semaine et à environ $246.00 pour ceux qui recevaient $175.00 et plus. Quant à la taille des ménages ou du nombre d'enfants, nous avons selon les cas, utilisé différentes normes, mais dans chaque cas les normes choisies sont très explicites dans le texte ou dans le tableauTenant compte de ces explications, reprenons maintenant les données touchant la consommation de lait sur une base individuelle. Pour le lait nature, les ménages de grande taille (4 enfants et plus), dont le revenu hebdomadaire est inférieur à $175.00, consomment moins de lait que les ménages de même taille à revenus plus élevés (l.98 pintes par semaine par individu par rapport à 2.41)
Dans le cas du lait en poudre, on observe aussi une différence de consommation selon le revenu mais la tendance est à l'inverse du lait nature. Pour l'ensemble des ménages dont le revenu est moins élevé, la consommation moyenne de lait en poudre par individu est de 2.39 pintes par semaine par rapport à 2.35 pintes pour tous les ménages à revenus d'au moins $175.00 par semaine. Les ménages dont la consommation de lait nature est plus faible semblent donc se rattrapper par le lait en poudre. Les différences sont assurément très minces, mais il ne saurait être question de marges très grandes dans des données de consommation individuelle d'une denrée de base comme le lait.
En résumé, le revenu des ménages serait donc un facteur significatif de la consommation du lait frais. A partir de cette constatation et étant donné le prix actuel du lait frais, reprenons maintenant certaines données, mais cette fois en les exprimant en terme de coût plutôt que de quantité.
|
REVENU NET |
MOYENNE GENERALE |
|
|
Moins de$175. par semaine |
Plus de $175. par semaine |
|
Tous les ménages |
$1.10 |
$1.14 |
$1.12(1776 pers) |
Ménages avec enfants |
$1.09 |
$1.15 |
$1.12(1588 pers.) |
Ménages avec 4 enfants et plus |
$1.10 |
$1.38 |
$1.26(534 pers. ) |
Dans le tableau 2, on observe deux relations bien différentes. D'une part, l'influence du revenu sur la consommation de lait se trouve confirmée : la part du budget lait par individu est plus faible dans les ménages à revenus inférieurs que celles des personnes du groupe à revenus élevés. D'autre part, le nombre d'enfants dans les ménages fait varier le montant affecté à l'achat du lait. Pour les hauts revenus, la dépense par personne pour le lait croit sensiblement quand on considère tous les ménages, puis les ménages avec enfants seulement et enfin les ménages avec 4 enfants et plus. Pour les ménages de grande taille, notons l'écart important entre les bas et les hauts revenus (de $1.10 à $1.38).
En définitive, le prix du lait peut être un facteur expliquant la consommation sensiblement différente de lait selon le revenu des ménages.
Le lait frais est un aliment qui, comme on l'a vu, est consommé en grande quantité par les ménages québécois. Toutefois, les familles sont très sensibles au prix de plus en plus élevé de cette denrée alimentaire de base.
Une autre façon de percevoir l'importance du lait est de le comparer avec les principaux items d'une commande hebdomadaire .
|
COÛT MOYEN PAR MENAGE |
% TOTAL |
Lait frais Lait (incluant lait en poudre) Produits laitiers et substituts |
$ 4.03 4.52 6.46 |
7.2% 8.1% 11.5% |
Lait et produits laitiers Viandes rouges Fruits et légumes frais Volailles etc. ..4 |
10.98 12.72 4.53 3.08 |
19 .6% 22.7% 8.1% 5.5% |
TOTAL |
$ 55.92 |
100% |
Deux observations importantes se dégagent de ce tableau:
Les items les plus importants de la commande sont donc la viande, le lait et les produits laitiers et enfin les fruits et légumes. Si le lait et ses dérivés comptent autant dans le budget alimentaire, il va de soi que toute hausse du prix de ces produits entraine des réactions immédiates chez les consommateurs. Comme on l'a vu précédemment, ce sont les familles à bas revenus, surtout celles qui ont beaucoup d'enfants, qui sont les plus affectées par chaque variation de prix.
Les pages qui suivent apporteront justement des éléments supplémentaires à ce sujet.
Nous avons déjà examiné la consommation hebdomadaire actuelle de lait, la dépense faite pour cette denrée ainsi que son importance dans la commande alimentaire. Nous allons maintenant analyser les variations dans la consommation de lait au cours de l'année précédant l'enquête, les variations dans la dépense pour le lait, ainsi que les diverses tentatives des ménages pour trouver des solutions au problème du prix du lait.
L'enquête a montré que 26.4% des ménages affirment avoir diminué leur consommation de lait frais depuis un an, tandis que
seulement 20.9% disent l'avoir augmentée. Chez les ménages qui ont augmenté leur consommation de lait depuis un an, on note pour une bonne partie d'entre eux la présence d'un enfant âgé de moins d'un an.
CONSOMMATION |
MÉNAGES (nombre) |
CONSOMMATION HEBDOMADAIRE PAR MÉNAGE |
NOMBRE MOYEN D'ENFANTS |
REVENU NET MOYEN |
Augmentation |
92 |
3.2 pintes |
1.94 enfant |
$181./ sem. |
Diminution |
106 |
4.3 pintes |
2.28 enfants |
$170./ sem. |
Ce tableau ajoute plusieurs dimensions aux données précédentes :
En résumé, ce sont les ménages moins fortunés et qui ont plus d'enfants qui ont le plus fortement baissé leur consommation de lait frais. Ces constatations nous font voir quels ménages ressentent l'impact des hausses successives du prix du lait et comment ils réagissent face à ce phénomène.
Regardons maintenant des données sur une base individuelle, base qui permet plus de précision comme nous l'avons expliqué plus haut.
|
REVENU NET |
MOYENNE GENERALE |
|
VARIATION |
Moins de $175 par semaine |
Plus de $175. par semaine |
|
Augmentation |
0.72 pinte/sem. |
0.91 pinte/sem. |
0.80 pinte (367 pers. ) |
Diminution |
1.06 pinte/sem. |
0.91 pinte/sem. |
0.99 pinte (435 pers.) |
Dans ce tableau, on observe, qu'au cours d'un an, parmi les ménages qui ont augmenté leur consommation de lait, les plus fortunés l'ont fait à raison de 0.91 pinte par personne par semaine par rapport à une augmentation de 0.72 pinte pour les ménages dont le revenu est inférieur à $175.00 par semaine. Par contre on observe le phénomène inverse pour les ménages qui ont dû diminuer leur consommation. Les bas revenus ont diminué plus fortement leur consommation que les autres, soit de 1.06 pinte par semaine par personne comparé à 0.91 pinte pour les ménages dont le revenu est de $175.00 et plus.
Comme nous l'avons déjà fait remarquer, les différences sur une base individuelle ne sauraient être très élevées, d'autant plus qu'ici nous ne traitons que de la quantité de l'augmentation ou de la diminution selon le cas et non de la consommation totale. Nous considérons que la tendance qui se dégage ainsi que les différences observées sont très significatives. En fait, en plus de confirmer les tableaux précédents, le tableau 5 montre que même pour les seuls ménages qui ont modifié leur consommation depuis un an, le revenu influence les réactions et à la hausse et à la baisse, les bas revenus absorbant des baisses de consommation plus fortes.
Voici les raisons que nous ont fournies les consommateurs pour expliquer leur diminution de consommation de lait au cours de l'année.
Santé |
5.6% |
Hausse du prix du lait |
83.2% |
Les enfants ont grandi |
15.1% |
Les goûts ont changé |
10.4% |
Autres ou ne sais pas |
4.7% |
Le tableau est très éloquent: plus de 83% des ménages qui ont diminué leur consommation mentionnent la hausse du prix du lait parmi les raisons expliquant leur comportement. Notons de plus que le revenu moyen de ces mêmes ménages est de $170.00 par semaine, soit substantiellement moins que la moyenne générale de $188.00 par semaine. Donc, le prix élevé du lait explique le comportement de presque tous ceux qui ont diminué leur consommation et spécialement de ceux appartenant aux tranches inférieures de revenu.
Par ailleurs, seulement 5.6% mentionnent la raison santé; dans ce cas-ci, la santé semble un facteur de faible importance, mais nous reviendrons plus loin sur le sujet.
Jusqu'à maintenant, nous avons vu qu'à cause du prix élevé du lait, les gens avaient diminué leur consommation. Mais quelles peuvent-être, dans ce cas, les alternatives?
Dans une de nos questions, nous avons distingué le lait 2% ou écrémé du lait entier dans le but de découvrir dans quelle mesure la consommation, au cours d'un an, était passée du lait entier vers les autres types de lait, 2%, écrémé ou en poudre, ou même vers les boissons gazeuses. Voici le résultat:
PRODUITS |
MÉNAGES (454) |
AUGMENTATION MOYENNE |
Lait 2% ou écrémé |
24.9 % |
8.6 pintes / sem. |
Lait en poudre |
18.7% |
4.6 pintes / sem. |
Boissons gazeuses |
13.6% |
4.7 contenants de 40 onces/sem. |
Un quart des ménages ont augmente ou adopté carrément la consommation de lait 2% ou écrémé. En plus, leur consommation n'a pas été minime: elle est même légèrement supérieure à la moyenne pour tout le lait frais (8.2 pintes). On peut donc penser qu'en l'espace d'un an, 25% des ménages ont abandonné à toutes fins pratiques le lait entier pour ne consommer maintenant que du lait 2% ou écrémé qui se vend moins cher.
Pour le lait en poudre, le transfert s'opère plus difficilement: 18.7% des ménages ont accru leur consommation de lait en poudre à raison d'une moyenne de 4.6 pintes par semaine .
Quant aux boissons gazeuses, 13.6% des ménages déclarent avoir augmenté leur consommation à raison de plus de 4 gros 40 onces par semaine, 4 gros "kik" quoi! pour ne prendre qu'un exemple. Dans ce cas, il n'est plus question de lait, il s'agit bien de boissons sucrées, non-nutritives et même très dommageables à la santé des enfants. Ces chiffres sont presque incroyables, mais malheureusement très réels. De plus une vérification du revenu moyen de ces ménages révèle que 74% d'entre eux ont un revenu moyen inférieur à la moyenne générale. C'est un élément de plus qui montre bien que, pour trop de ménages, l'achat d'une boisson nutritive économique devient de plus en plus problématique. Le "Kik" et ses semblables seraient donc en passe de devenir le "lait des pauvres" pendant que le lait lui devient "objet de luxe"!
Tout comme précédemment nous avons voulu connaître les raisons de tous ces changements dans le comportement des ménages .
Santé |
39.8%7 |
Hausse du prix d'une pinte de lait |
88.1 |
Les enfants ont grandi |
16.9% |
Les goûts ont changé |
22.0% |
Autres raisons |
22.0% |
Ne sais pas |
11.9% |
Les réponses sont encore plus claires: plus de 88% des répondants qui affirment avoir augmenté leur consommation de produits substituts l'ont fait, entre autres, à cause du prix élevé du lait entier. Cependant un élément de plus vient s'ajouter: près de 40% des ménages déclarent la santé comme une des raisons justifiant l'augmentation de leur consommation de lait 2%, écrémé ou en poudre. C'est un élément nouveau avec lequel il faudra sûrement compter dans l'avenir en ce qui concerne la consommation de lait entier.
Regardons maintenant l'aspect budgétaire de l'impact des hausses du prix du lait depuis un an.
VARIATION |
MENAGES |
MONTANT MOYEN PAR MENAGE |
augmentée |
83.7% |
$ 1.51 par semaine |
Dépense diminuée |
3.5% |
$ 1.98 par semaine |
Dépense demeurée la même |
6.6% |
|
Sans réponse |
6 .2% |
|
TOTAL |
100% |
|
Cet autre tableau est l'aboutissement des constatations observées depuis le début du rapport. Malgré le fait que beaucoup de ménages ont diminué leur consommation de lait, 83.7% des ménages déclarent une dépense accrue d'un montant moyen de $1.51 par semaine. Ce montant n'est pas du tout négligeable: pour les familles concernées, il équivaut à un coût annuel supplémentaire de près de $80.00 seulement à l'item lait! Par contraste, seulement 3.5$ des ménages ont diminué la dépense faite pour le lait.
Si les familles québécoises vivent quotidiennement le phénomène de l'inflation sous toutes ses formes et surtout l'inflation alimentaire, il va de soi qu'elles ont une certaine connaissance du phénomène et que les gens ont diverses opinions sur le sujet.
En premier lieu, nous voulions vérifier si les gens avaient constaté une différence dans le prix du lait; notre objectif était de mesurer le pourcentage des ménages non-éveillées à ce problème.
A constaté une différence |
447 |
98.5% |
N'a pas constaté de différence |
2 |
0.4% |
Sans réponse |
5 |
1.1% |
Le tableau nous montre que pratiquement tout les répondants sont sensibilisés à la hausse du prix du lait, sans distinction selon la taille des ménages, les occupations, les origines sociales ou même le revenu. Il est rare que les citoyens soient aussi unanimes dans leur conscience de la montée du prix d'un seul produit. Ce fait montre la très grande importance du lait dans l'esprit des gens.
Sans vouloir scruter à fond les aspects sociaux des hausses du prix du lait, nous avons demandé une question d'opinion à nos répondants; elle portait sur la distribution gratuite du lait dans les écoles élémentaires. Nous avions deux objectifs en tête, soit de savoir si les gens verraient d'un bon oeil une telle distribution et aussi de faire réfléchir les répondants sur la dimension politique du problème du lait.
OPINION |
MENAGES |
% |
% REGROUPE |
Très favorable |
330 |
73.7 |
94.2
|
Favorable |
92 |
20.5 |
|
Peu favorable |
12 |
2.7 |
5.8
|
Indifférent |
14 |
3.1 |
|
Sans réponse |
6 |
- |
- |
TOTAL |
454 |
100 |
100 |
La question se voulait une interrogation sur une possible amorce de solution du problème de la consommation du lait. Or, 94.2% des ménages qui ont répondu seraient heureux qu'on organise pour leurs enfants une distribution de lait dans les écoles. Sans affirmer que cette distribution serait l'unique solution à ce problème complexe du coût du lait, on peut au moins entrevoir que ce serait un début de solution à la grande surproduction de lait que l'on a toujours connue et qui se manifeste de façon très aigüe actuellement.
En résumé, ce qui se dégage du tableau, c'est que, loin d'être opposés ou indifférents à une telle mesure, les gens montre un large consensus en faveur de la distribution gratuite de lait dans les écoles. A retenir! ...
A cette étape-ci du rapport, retraçons les grandes lignes des diverses données sur le lait. Après avoir montré les différences de consommation de lait frais et de lait en poudre par ménage, par individu et selon le revenu, nous nous sommes arrêtés sur la place qu'occupe le lait dans le budget alimentaire des familles.
Puis, nous avons examiné les variations de consommation sur une période d'un an en montrant comment les ménages plus nombreux et moins aisés étaient affectés par le phénomène de la hausse constante du coût du lait. Ces données étaient complétées par un tableau sur l'achat de produits substituts au lait entier. Deux tableaux supplémentaires montraient les raisons exprimées par nos répondants pour expliquer leurs changements de comportement dans l'achat du lait.
Enfin, après s'être arrêté sur l'accroissement de la dépense en lait depuis un an, on termine sur le degré de connaissance du problème de la hausse du prix du lait ainsi que sur une opinion au sujet d'une solution possible.
Nous n'avons pas la prétention d'avoir tout dit sur l'inflation dans le domaine du lait; ce rapport est la conclusion d'une enquête simplement exploratoire sur l'aspect budgétaire de l'aliment de base qu'est le lait, sans s'arrêter à l'aspect nutritionnel sur lequel il existe déjà beaucoup d'études.
Cependant, un bon nombre d'informations ont été apportées pour démontrer que, tout en demeurant un aliment de premier ordre, voire essentiel, pour les familles québécoises, le lait a connu de telles hausses de prix en peu de temps qu'on le retrouve en moins grande quantité sur les tables, surtout celles des grandes familles et des familles moins fortunées. Certes, un bon nombre de ménagères achètent maintenant du lait en poudre en remplacement du lait frais devenu trop cher, mais on observe encore beaucoup de réticences et c'est toujours la très grande majorité des ménagères qui s'approvisionnent en lait frais en pintes ou en sacs.
On note en particulier un accroissement assez important de la consommation de lait 2% ou écrémé; on a vu que pour des raisons de santé, beaucoup de ménagères optent pour ces deux types de lait qui sont moins chers et tout aussi nutritifs.
Mais ce qui frappe le plus, c'est que la consommation de lait est moins grande chez les familles nombreuses et aussi chez les familles moins aisées. On pouvait évidemment deviner ce résultat, mais le constater de façon précise dans les faits confirme nos hypothèses.
Si on ajoute qu'un nombre relativement élevé de ménages ont augmenté leur consommation de boissons gazeuses suite aux hausses du prix du lait, on est alors forcé de se rendre compte de tout l'impact que peut avoir une augmentation de quelques sous de la pinte de lait sur le comportement des familles à revenu modeste. Que l'on songe un instant par exemple au coût social de la carie dentaire chez les enfants pour se rendre compte qu'il y a là assurément sérieuse matière à réflexion ....
Même si notre premier objectif était de faire une enquête sur la consommation et le coût du lait, il nous est apparu important d'aborder dans le même travail le sujet de la commande alimentaire des familles pour plusieurs raisons.
D'abord, il existe assurément des indices et des statistiques sur le coût des aliments mais bien peu d'enquêtes ont été faites sur le terrain au sujet du coût par semaine de l'alimentation des familles québécoises. Ensuite, et c'est le motif principal de cette deuxième partie de notre enquête, il nous est apparu qu'on pouvait difficilement parler du coût du lait sans établir de relation avec le coût des autres aliments et de la commande totale.
Enfin, l'inflation gruge certainement le budget alimentaire des familles, pas seulement pour le lait, mais aussi pour tous les autres aliments et en particulier les plus importants tels le pain, le beurre, la viande, les oeufs, les fruits et légumes.
Les informations que nous apportons ne sont pas des plus fouillées, mais elles constituent les premiers pas concrets vers une réflexion sur le sujet en espérant qu'elles suscitent d'autres études plus approfondies.
Notre commande comprenait 34 items différents, soit à peu près tout ce qu'une famille peut acheter pour se nourrir; bien entendu, ont été exclus les items non-alimentaires tels les produits d'entretien, de soins personnels, etc.. Après addition de tous les items, le coût total de la commande hebdomadaire donne une moyenne de $55.92 par ménage. A noter que nos données nous permettent de dire que notre ménage moyen est composé de 4 personnes dont 2 enfants.
Dans une question séparée, nous avons demandé à nos répondants d'estimer le coût hebdomadaire de leur commande. La moyenne de leurs réponses est de $52.77 par semaine.
Par cette question, nous voulions voir si les ménages connaissaient bien le coût de leur alimentation et en même temps vérifier la qualité des réponses fournies aux différents items de la commande. Or, on pouvait s'attendre à ce que les gens sous-estiment leurs dépenses alimentaire, mais la différence entre les deux moyennes n'est que de $3.15, ce qui est peu considérant l'importance et la complexité du budget alimentaire.
Reprenons maintenant ces données, mais cette fois sur une base individuelle comme nous l'avons fait pour le lait.
MENAGES
|
REVENU NET |
MOYENNE GENERALE
|
|
Moins de $175. |
Plus de $175. |
||
de 4 personnes et moins |
$17.53/sem. |
$19.25 |
$18.33 |
de 5 personnes et plus |
$11.91 |
$13.17 |
$12.58 |
Moyenne générale |
$l4.91 |
$15.84 |
$15.39 |
Le tableau 12 amène 3 constatations importantes:
Que peut-on conclure de ces données? Il apparaît que pour l'ensemble de la commande hebdomadaire tout comme pour le lait en particulier, les individus les moins favorisés sont ceux provenant des grosses familles et des ménages à bas revenus. Autrement dit, plus les revenus sont faibles et les enfants nombreux, moins généreuse devient l'alimentation! Cette constatation n'est pas nouvelle mais elle mérite qu'on s'y arrête parce qu'elle est liée directement aux questions de santé, de réussite scolaire et sociale, etc...
Nous connaissons déjà l'importance budgétaire du lait et des produits laitiers dans la commande alimentaire. Nous allons maintenant tenté de découvrir quelle proportion du budget total d'un ménage est consacrée à cette commande alimentaire. Pour y arriver, nous avons simplement demandé aux répondants de choisir parmi les proportions proposées, celle qui représentait leur cas.
PROPORTIONS |
MENAGES |
MENAGES REGROUPES |
de 15 à 20% |
10.1 % |
59.8 % |
de 20 à 25
|
19.9
|
|
de 25 à 30 |
18.3 |
|
de 30 à 35 |
11.5 |
|
de 35 à 40 |
10.6 |
40.2 % |
de 40 à 50 |
16.0 |
|
plus de 50% |
13.6 |
|
TOTAL |
100 |
100 |
L'alimentation représente en moyenne 32.1% du budget total des ménages. Avant de commenter le tableau faisons un petit test de validité des réponses. Si nous mettons le total calculé de notre commande ($55.92) en rapport avec le revenu moyen hebdomadaire, nous arrivons à une proportion de 33.4%. Par contre, si nous prenons plutôt l'estimation fournie par nos répondants de leurs dépenses alimentaires ($52.77), on arrive à une proportion de 28.1%. Les réponses du tableau 13 sont donc très valables.
Or, ce que l'on constate par ce tableau, c'est que 40.2% des ménages dépensent plus de 35% de leur budget total seulement pour l'alimentation; 13.6% dépensent même plus de la moitié de leur budget pour se nourrir.
Ces données sont proprement effarantes! Peut-on imaginer comment font ces ménages, surtout les 13.6$ pour que l'alimentation seule entame plus de la moitié du budget, pour combler d'autres besoins aussi essentiels comme le logement, le vêtement et le transport? On comprend très bien, dans leur cas, ce que les hausses constantes des prix du lait, du pain, des oeufs, du fromage, de la viande, etc. occasionnent de difficultés, de vaines tentatives de solution, bref de privation permanente!
Allons plus loin. La question intéressante est de savoir quelle proportion du budget total prend l'alimentation selon le niveau de revenu dont disposent les ménages.
PROPORTIONS |
REVENU HEBDOMADAIRE MOYEN |
de 15 à 20% |
$2 31. |
20 à 25 |
200. |
25 à 30 |
185. |
30 à 35 |
194. |
35 à 40 |
167. |
40 à 50 |
161. |
plus de 50% |
159. |
On pouvait faire l'hypothèse que ce sont les plus bas revenus qui affectent la part la plus importante de leur budget à l'alimentation. Nous en avons la démonstration au tableau 14. à une exception près, la proportion du budget affectée à l'alimentation augmente à mesure que le revenu moyen décroît. Ces données sur le coût de l'alimentation des familles sont cruciales .
Pour tous ceux qui travaillent dans le domaine de l'économie familiale et de l'éducation budgétaire des familles, les données indiquent que l'alimentation est un élément des plus importants dans le budget; pour beaucoup de familles l'alimentation dépasse le coût du logement.
Pour ceux qui sont à d'autres niveaux et qui ont des responsabilités dans le domaine du bien-être des familles, il faut retenir que pour beaucoup de ménages, la question alimentaire ne se pose pas en termes de choix entre des aliments de qualité mais plutôt sous forme de "combien il nous reste pour manger?" On touche du doigt ici au phénomène de l'insuffisance chronique de revenus.
Nous avons déjà montré l'importance du lait par rapport à certains autres types d'aliments. Regardons maintenant, de façon plus complète, l'importance des divers éléments de la commande.
1- |
la viande rouge (boeuf, porc, veau, etc..) |
22.7% |
2- |
le lait et les produits laitiers |
19.6 |
3- |
les fruits et légumes frais |
8.1 |
4- |
les fruits et legumes en conserve |
6.7 |
5- |
biscuits, gâteaux, céréales |
5.7 |
6- |
la volaille, poulet, dinde |
5.5 |
7- |
sucreries, chips, marinades, divers |
5.5 |
8- |
bière, boissons gazeuses, cidre |
4.8 |
9- |
le pain |
4.1 |
10- |
le poisson |
2.9 |
11- |
les pâtes alimentaires, riz, farine |
2.7 |
12- |
café et thé |
2.4 |
13- |
confitures, miel, beurre d'arachides |
2.3 |
14- |
sucre |
2.3 |
15- |
commandes au restaurant |
2.3 |
16- |
les oeufs |
2.2 |
|
Commande totale |
100% |
Peu importe les regroupements que l'on peut faire dans cette liste, les aliments les plus coûteux et qui apparaissent au coeur de la commande sont les viandes rouges, le lait et les produits laitiers et enfin, les fruits et légumes. Les variations des prix de ces aliments affectent donc gravement le budget des familles.
D'autres aliments comme la volaille, le pain, le poisson, les oeufs sont très importants du point de vue nutritif, mais ils prennent une place "beaucoup moins grande dans le budget que les premiers cités. En contraste, remarquons que l'item "sucreries, chips, etc. ." coûte 5.5% de la commande.
Dans le cadre du présent travail nous nous limitons à ces quelques observations, mais il resterait à entreprendre une analyse plus approfondie sur l'achat des aliments de base en les mettant en relation avec, par exemple, la taille des ménages, le nombre d'enfants et le revenu des familles.
Nous avons retenu quelques observations intéressantes sur certains aliments ou certaines coutumes alimentaires.
Pour le moment, retenons que, sur une base individuelle, le ménage de quatre enfants et plus consomme en moyenne beaucoup moins de fromage ($0.1+3 par personne par semaine) que les ménages de trois enfants et moins ($0.77 par pers.) Serait-ce que plus il y a d'enfants, moins on a les moyens d'acheter des aliments nutritifs comme le fromage?
Ce qu'il faut retenir de nos données, c'est que pour les ménages qui utilisent ces modes d'alimentation, ils prennent une place importante dans le budget alimentaire. De fait, les commandes au restaurant coûtent à leurs consommateurs une moyenne de $5.53 par semaine, alors que les repas à l'extérieur pendant le travail coûtent en moyenne $9.95 et les repas par loisirs $8.96. Si on ramène les moyennes sur la base de tout l'échantillon, seuls les repas à l'extérieur du travail conservent l'importance réelle avec une moyenne de $4.l8 par semaine.
Enfin, comme il fallait s'y attendre, ce sont les petits ménages avec les revenus supérieurs à la moyenne qui font le plus grand usage de ces formes d'alimentation. Pour les gros ménages, seul les repas au travail conservent une importance significative .
Ces quelques notes nous donnent une idée du type de réflexions que l'on peut amorcer sur des aspects particuliers de la commande alimentaire et beaucoup de travail reste à faire à ce sujet.
Dans cette deuxième section du rapport, sur la commande alimentaire, on a montré que pour les familles nombreuses et les familles moins fortunées, le coût de l'alimentation par individu est nettement moins important que celui des autres ménages. On peut donc dire que pour beaucoup de ménages, la dépense pour l'alimentation ne va pas selon le besoin mais selon le moyen.
On a vu aussi qu'à mesure que le revenu diminue, la proportion du budget consacrée à la nourriture augmente; autrement dit, les dépenses alimentaires sont plus ou moins compressibles. Les ménages à bas revenus, en tentant de se nourrir adéquatement, rognent excessivement sur d'autres postes essentiels du budget.
Nous avons ensuite évalué l'importance relative des différents items dans le budget alimentaire et, à la fin, nous avons présenté des observations particulières sur quelques items.
Nous désirons ici attirer l'attention de nos lecteurs sur un rapport de la commission Plumtre, connue aussi sous le nom de la Commission de surveillance des prix des produits alimentaires. A la page 22 de son rapport qui s'intitule "La nutrition, à quel prix"? 8 on trouve un tableau où figurent d'un côte, le pourcentage du budget alimentaire consacré à chaque catégorie d'aliments selon les estimations de Statistique-Canada pour l'ensemble du pays; de l'autre coté, nous avons la répartition que nous conseillent les experts de la commission, le tout pour une famille de 2 adultes et deux enfants. Nous reproduisons ici ces données, en insérant au centre les résultats de notre enquête.
CATEGORIES D'ALIMENTS |
SELON L'INDICE DES PRIX |
AU QUEBEC' SELON NOTRE ENQUETE |
SUGGESTION DES EXPERTS |
Viandes et substituts |
38% |
33.3% |
24% |
Lait et produits laitiers |
13 |
19.6 |
14 |
Céréales, pain, gâteaux |
12 |
12.5 |
15 |
Fruits et légumes |
18 |
|
29 |
Graisses et huiles |
5 |
19.8 |
7 |
Autres produits |
14 |
|
11 |
TOTAL |
100% |
100% |
100% |
A notre avis, les résultats présentés d'une part par Statistique-Canada selon l'indice des prix à la consommation ne concordent pas du tout avec ceux que l'on constate au Québec, pour les trois catégories les plus importantes d'aliments, soit la viande, les produits laitiers, et les fruits et légumes. Les raisons d'un décalage aussi important proviennent de deux causes: les données de l'indice des prix à la consommation sont basées sur les dépenses alimentaires des ménages constatées lors d'une enquête en 1969. En outre, comment un panier de provision uniforme pour tout le pays peut-il refléter les habitudes alimentaires de régions aussi différentes que le Québec, les maritimes et l'ouest du pays?
D'autre part, les suggestions des experts de la Commission Plumptre sont farfelues puisque, dans la détermination de leur panier alimentaire, ils font abstraction des habitudes alimentaires locales, des contraintes budgétaires, des facilités d'approvisionnement, etc, ce qui nous amène à constater qu'elles sont tout-à-fait décrochées de la réalité québécoise.
Il faut donc se méfier des extrapolations de Madame Plumtre faites à partir de moyennes "from coast to coast"! Déplorons en passant l'importance que lui accordent les médias et le peu de critique qu'on y fait de ses affirmations.
Notre enquête nous a démontré que ça coûte très cher pour se nourrir. Les consommateurs nous ont dit que ça leur coûtait en moyenne $52.77 par semaine pour une famille de quatre personnes. Le calcul minutieux de tous les items nous donne un chiffre de $55.92 pour la même commande. Mais l'impressionnante Madame Plumtre et ses experts nous disent dans leur rapport qu'à Montréal, d'octobre à décembre '74 ça coûtait en moyenne à une famille de même taille $38.95 pour une commande alimentaire idéale. L'écart est trop grand avec ce que la réalité vécue des ménages québécois nous a montré en avril '75. C'est à notre avis l'expression éloquente du mépris "officiel" de la réalité.
De notre côté, si on pousse plus loin la logique de nos données, on peut affirmer sans ambages que beaucoup de ménages vivent dans une insuffisance chronique de revenus. Les ressources de ces familles sont constamment en retard sur l'inflation alimentaire.
Notre idée première, en réalisant cette enquête, était d'apporter les réflexions les plus pertinentes sur le lait et la commande alimentaire dans un dossier facile d'accès. Nous espérons bien avoir atteint notre but.
Certes, il reste beaucoup à faire sur ces deux sujets, mais déjà, nous avons beaucoup de matière à discussion. Qu'il suffise de rappeler, au sujet du lait, qu'un bon nombre de consommateurs, dont beaucoup d'enfants, pour des raisons de coût, boivent de moins en moins de cet aliment nutritif par excellence. Que beaucoup de ménages, face au prix élevé du lait entier, optent pour d'autre: types de lait, un peu moins coûteux, ou même des breuvages inutiles et nuisibles pour la santé.
Qu'on se rappelle aussi la place majeure qu'occupent le lait et ses dérivés au sein de la commande et l'on comprend pourquoi toute variation, même légère, de son prix, entraine des conséquences directes très lourdes pour les ménages.
Enfin, on a constaté brutalement que les dépenses alimentaires sont au centre du budget. Pour beaucoup de familles, l'alimentation est la principale partie de leurs dépenses. Ces faits sont des plus importants pour les Associations Coopératives d'Economie Familiale. Si on prétend s'occuper des problèmes budgétaires, il faut prendre les dispositions nécessaires pour faire porter le travail sur les aspects les plus importants. Dans ce sens, l'alimentation doit venir au premier plan.
Il faut aussi retenir qu'il est clairement ressorti tout au long du travail, lorsqu'on parle de coût, que ceux qui écopent toujours et qui écopent le plus, ce sont les familles nombreuses et les familles à revenus modestes.
A l'automne '74 et au mois de mars '75, nous avons subi deux hausses importantes du prix du lait, pour ne mentionner que les deux dernières. Les conséquences: l'actualité nous en a informé, il y eu des chutes importantes de consommation de lait nature.
Pendant ce temps-là, on constate qu'il y a une très grande surproduction de tous les types de lait; les réservoirs débordent et on envoie simplement le surplus dans les égouts! Allons-nous toujours nous laisser aller dans cette direction?
Si toute hausse du prix du lait comporte de lourdes répercussions sociales, il est normal de "penser qu'il en est de même pour les autres catégories importantes d'aliments. Avec l'exemple du lait, nous sommes donc plongés au coeur du problème de l'inflation alimentaire et des problèmes de toute l'industrie agro-alimentaire. Va-t-on toujours laisser les multinationales et les gros intermédiaires "profiter" grossièrement de la situation au détriment du travailleur et de sa famille? Ou doit-on simplement attendre que les gouvernements bougent?
Récemment, Radio-Canada nous apprenait que le gouvernement du Manitoba réclame qu'on traite l'industrie des fertilisants comme un service public, ou qu'on la nationalise. Pourquoi pas les grains de provende, les instruments aratoires et les autres composantes de base de toute production alimentaire? Que répondent les agriculteurs québécois à une telle proposition? Quelle est leur attitude face à la baisse de consommation et à la surproduction chronique du lait?
La nouvelle nous révélait récemment que le Conseil de l'industrie laitière investit $750,000. dans une campagne de publicité pour mousser la vente, du lait lors de la prochaine hausse du prix de ce produit. Quant à nous, on connaît maintenant les conséquences de l'inflation alimentaire; on désire maintenant s'attaquer aux causes véritables et trouver des solutions vraiment efficaces...
Date de l'enquête: du 16 au 26 avril 1975
Nombre de questionnaires distribués: environ 650
Nombre de questionnaires répondus: 480
Questionnaires retenus pour
DISTRIBUTION REGIONALE DES QUESTIONNAIRES RETENUS |
||
Montréal Métropolitain |
224 |
49.3% |
Québec |
67 |
14.8% |
En province |
163 |
35.9% |
Total |
454 |
100.0% |
L'âge moyen du répondant est de: 37½ ans.
PERSONNES REPRESENTEES PAR LES DONNEES |
||
MENAGES |
NOMBRE |
MOYENNE PAR MENAGE |
454 |
1,848 |
4.07 |
440 |
1,782 |
4.05 |
Note: les questionnaires retenus représentent autant de ménage |
LIEN DE PARENTÉ |
|
Répondant |
454 |
Epoux(se) |
387 |
Fils, fille |
944 |
Autre membre de la famille |
38 |
Ami(e) |
18 |
Pensionnaire |
7 |
TOTAL |
1,848 |
ENFANTS |
||
MENAGES |
NOMBRE |
MOYENNE PAR MENAGE |
454 |
944 |
2.08 |
440 |
899 |
2.04 |
TRAVAIL |
||
|
CHEF DE FAMILLE |
CONJOINT |
TRAVAILLE |
83.1% |
38.2% |
NE TRAVAILLE PAS |
16.9% |
61.8% |
TOTAL |
100.0% |
100.0% |
OCCUPATION |
||||
CLASSE |
CHEF DE FAMILLE |
CONJOINT |
||
professionnels, diplômés, administrateurs, techniciens |
127 |
29.6% |
52 |
37.1% |
commerce, administration, employés de bureaux, ouvriers spécialisés |
129 |
30.l% |
64 |
45.7% |
ouvriers semi-spécialisés, journaliers, autres |
94 |
21.9% |
22 |
15.7% |
chômeurs, assistés sociaux retraités, incapacités, autres, sans travail |
79 |
18.4% |
2 |
1.4% |
SOUS TOTAL |
429 |
100. % |
140 |
100. % |
sans réponse ne s'applique pas10 |
25 |
- |
314 |
- |
TOTAL |
454 |
- |
454 |
- |
CONSTITUTION DU REVENU NET MOYEN HEBDOMADAIRE |
|||
CATEGORIE |
par personne qui travaille |
par ménage mensuel |
par ménage hebdomadaire |
salaire net moyen |
$ 138.00 |
|
$161.00 11 |
indemnités(moyenne) |
- |
$100.40 |
23.35 |
Autres revenus (moy) |
- |
15.64 |
3.65 |
TOTAL: REVENU NET MOYEN HEBDOMADAIRE |
188.00 |
REVENU NET HEBDOMADAIRE |
||
CLASSE |
NOMBRE |
% |
moins de $50. |
3 |
0.7% |
$ 50. à 75. |
13 |
3.0% |
$ 75. à 100. |
28 |
6.4% |
$ 100. à 125. |
67 |
15.2% |
$ 125. à 150. |
47 |
10.7% |
$ 150. à 175. |
63 |
14.3% |
$ 175. à 200. |
52 |
11.8% |
$ 200. à 225. |
44 |
10.0% |
$ 225. à 250. |
29. |
6.6% |
$ 250. à 275. |
18 |
4.1% |
$ 275. à 300. |
21 |
4.8% |
Plus de 300. |
55 |
12.5% |
TOTAL |
440 |
100. % |
TAUX DE SYNDICALISATION |
||
Chef de famille |
au travail |
% syndiqué |
|
37 5 |
56.3% |
conjoint |
154 |
45.4% |
Au total |
529 |
53.1% |
MEMBRES DE GROUPES POPULAIRES |
||
Chef de famille |
REPONSES |
% MEMBRES |
|
397 |
41.3% |
Conjoint |
334 |
43.4% |
TOUS |
731 |
42. 3% |
a constaté une différence |
447 |
98. 5% |
n'en a pas constaté |
2 |
|
sans réponse |
5 |
|
TOTAL |
454 |
diminué |
120 |
26.4% |
augmenté |
95 |
20.9% |
demeuré la même |
225 |
42.6% |
ne sais pas |
5 |
1.1% |
sans réponse |
9 |
2.0% |
TOTAL |
454 |
100.0% |
|
MENAGES |
VARIATION MOYENNE |
AUGMENTATION |
92 |
3.2 pintes |
DIMINUTION |
107 |
4.3 pintes |
Santé |
6 |
5.6% |
hausse du prix |
89 |
83.2% |
les enfants ont grandi |
16 |
14.9% |
les goûts ont changé |
11 |
10.3% |
Autres ou ne sais pas |
5 |
4.7% |
REPONDANTS |
107 |
100.% 12 |
|
% |
augmentation moyenne hebdomadaire |
Lait en poudre
|
|
8.6 pintes |
augmentée |
18.7% |
|
inchangée
|
63.2% |
|
sans réponse
|
18.1%
|
|
Lait écrémé ou 2%
|
|
4.5 pintes |
augmentée |
24.9%
|
|
inchangée |
57.7% |
|
sans réponse |
17.4%
|
|
Boissons gazeuses: |
|
4.7 contenants de 40 onces |
augmentée |
13.6% |
|
inchangée |
69.4% |
|
sans réponse |
17.0% |
|
Santé |
47 |
39.8% |
Hausse du prix du lait entier |
104 |
88.1% |
Les enfants ont grandi |
20 |
16.9% |
Les goûts ont changé |
26 |
22.0% |
Autres |
26 |
22.0% |
Ne sait pas |
14 |
11.9% |
REPONDANTS |
118 13 |
100. % |
|
MENAGES |
% |
SOMME MOYENNE |
augmentée |
380 |
83.7 |
$1.51 par semaine |
diminuée |
16 |
3.5 |
1.98 par semaine |
demeurée la même |
30 |
6.6 |
|
sans réponse |
28 |
6.2 |
|
TOTAL |
454 |
100.0% |
|
|
a (1) (/N) |
b (1) (/440) |
|
||||
a) |
Lait frais (lait écrémé ou 2% inclus |
$4.17 |
$ 4.03 |
|
|||
|
Lait en poudre |
2.06 |
0.49 |
|
|||
|
|
|
$4.52 |
$4.52 |
|||
b) |
LAIT |
|
|
|
|||
|
Beurre |
1.97 |
1.39 |
|
|||
|
Margarine |
1.29 |
0.93 |
|
|||
|
Fromage |
2.58 |
2.37 |
|
|||
|
Crème |
2.01 |
0.36 |
|
|||
|
Crème glacée |
1.72 |
0.91 |
|
|||
|
Lait glacé |
1.41 |
0.03 |
|
|||
|
Yogourt
|
1.38 |
0.47 |
|
|||
c) |
Produits laitiers: |
|
6.46 |
6.46 |
|||
d) |
Lait et produits laitiers: |
|
|
10.98 |
|||
|
Pains |
$2,44 |
$2.31 |
|
|||
|
biscuits |
1.78 |
1.33 |
|
|||
|
mélanges à gateaux, gâteaux, |
|
|
|
|||
|
beignes |
1.86 |
0.89 |
|
|||
|
céréales |
1.29 |
0.96 |
|
|||
|
viandes (boeuf,porc, saucisse |
|
|
|
|||
|
veau) |
13.72 |
12.72 |
|
|||
|
volaille (poulet et dinde) |
4.23 |
3.08 |
|
|||
|
poisson |
2.51 |
1.60 |
|
|||
|
oeufs |
1.33 |
1.23 |
|
|||
|
fruits et légumes frais |
4.86 |
4.53 |
|
|||
|
fruits et légumes en concerves |
2.30 |
1.68 |
|
|||
|
fruits et légumes congelés |
1.60 |
0.38 |
|
|||
|
Jus de fruits et légumes |
1.97 |
1.55 |
|
|||
|
aliments pour bébés |
1.91 |
0.12 |
|
|||
|
café (en grains et instantanné et thé) |
1.66 |
1.37 |
|
|||
|
bière, boissons gazeuses et cidre |
3.73 |
2.71 |
|
|||
|
|||||||
|
pâtes alimentaires et riz |
1.39 |
1.03 |
|
|||
|
confitures, miel,beurre |
|
|
|
|||
|
d'arachides |
1.76 |
1.28 |
|
|||
|
sucre |
1.91 |
1.30 |
|
|||
|
farine |
0.99 |
0.48 |
|
|||
|
sucreries (bonbons, chocolats) |
1.45 |
0.66 |
|
|||
|
chips"peanuts" et autres produits semblables. |
1.29 |
0.61 |
|
|||
|
|||||||
|
marinades (olives, oignons, "ketchup") |
1.29 |
0.84 |
|
|||
|
|||||||
|
mets préparés ou partiellement préparés |
2.80 |
0.50 |
|
|||
|
aliments pour animaux |
1.96 |
0.47 |
|
|||
|
commandes au restaurant |
5.53 |
1.31 |
|
|||
E) |
autres produits: |
|
44.94 |
44.94 |
|||
F) |
repas à l'extérieur(2) |
|
|
|
|||
|
-au travail |
9.95 |
4.18 |
|
|||
|
-par loisir |
8.96 |
2.55 |
|
|||
G) |
commande totale: |
|
|
55.92 |
|||
(1) Note: La colonne "a" est la moyenne pour les ménages qui consomment le produit; la colonne "b" est la moyenne sur l'ensemble de l'échantillon. Seule cette dernière est additionnée (2) note: les repas à l'extérieur sont inscrits pour en montrer l'importance, mais ils ne sont pas inclus dans la commande. |
A) |
lait frais (lait écrémé ou 2% inclus) |
7.2% |
|
|
lait en poudre |
0.9% |
|
B) |
lait |
8.1 |
8.1% |
C) |
produits laitiers |
|
11.5 % |
D) |
lait et produits laitiers |
19.6% |
19.6% |
|
Pain |
4.1% |
|
|
biscuits,gâteaux ou mélanges, céréales |
5.7% |
|
|
viandes (boeuf,veau,porc,foie,saucisse) |
22.7% |
|
|
volaille (poulet et dinde) |
5.5% |
|
|
poisson |
2.9% |
|
|
oeufs |
2.2% |
|
|
fruits et légumes frais |
8.1% |
|
|
fruits,légumes et jus en conserves, |
|
|
|
aliments pour bébés |
6.7% |
|
|
café et thé (instantané inclus) |
2.4% |
|
|
bière, cidre et boissons gazeuses |
4.8% |
|
|
pâtes alimentaires, riz et farine |
2.7% |
|
|
confitures, miel, beurre d'arachides |
2.3% |
|
|
sucre |
2.3% |
|
|
sucreries,"chips", marinades et divers |
5.5% |
|
|
commandes au restaurant |
2.3% |
|
E) |
Autres aliments |
80.4% |
80.4% |
G) |
commande totale |
|
l00% |
|
MENAGES |
MONTANT MOYEN |
Réponses |
414 |
$ 52.77 par semaine |
sans réponses |
26 |
|
Total |
440 |
|
CLASSE |
MENAGES |
% |
% REGROUPE |
de 15 à 20% |
43 |
10.1% |
59.8%
|
20 à 25 |
85 |
19.9% |
|
25 à 30 |
78 |
18.3% |
|
30 à 35 |
49 |
11.5% |
|
35 à 40 |
45 |
10.6% |
40.2%
|
40 à 50 |
68 |
16.0% |
|
plus de 50 |
58 |
13.6% |
|
sans réponses |
28 |
|
|
TOTAL |
454 |
100.0% |
100.0% |
Moyenne: 426 ménages disent dépenser en moyenne
32.2% de leur budget total pour l'alimentation.
OPINION |
MÉNAGES |
% |
% REGROUPÉ |
très favorable. |
330 |
73.7% |
94.2% |
favorable |
92 |
20.5% |
|
peu favorable |
12 |
2.7 |
5,8% |
indifférent |
14 |
3.1 |
|
sans réponse |
6 |
|
|
TOTAL |
454 |
100% |
100 % |
RESPONSABLES |
CHOIX 14 |
|||
1er |
2e |
3e |
4e |
|
Les entreprises |
202 |
111 |
35 |
6 |
Les gouvernements |
29 |
174 |
34 |
11 |
Les syndicats |
16 |
29 |
67 |
30 |
les consommateurs |
9 |
23 |
32 |
65 |
autres |
10 |
5 |
10 |
7 |