Pour la reconnaissance et un financement accru de l'éducation populaire autonome par le ministère de l'Éducation du Québec Décembre 1992

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

DÉFINITION DE L'ÉDUCATION POPULAIRE AUTONOME

LES PRATIQUES

La variété des champs d'intervention et des populations rejointes

Le fonctionnement des groupes

La démarche éducative

L'apport des groupes aux législations sociales

Les groupes d'éducation populaire autonome sont des éléments essentiels du développement démocratique de notre société.

LA RECONNAISSANCE DE L'EDUCATION POPULAIRE AUTONOME

La situation actuelle

NOS REVENDICATIONS

Un statut permanent et une politique en éducation populaire autonome

L'enveloppe budgétaire

Critères et mécanismes d'accréditation des organismes d'ÉPA

Normes de financement

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

INTRODUCTION

Les groupes d'éducation populaire autonome (ÉPA) sont dans une situation qu'on peut, sans exagérer, qualifier de dramatique. La difficulté d'assurer un financement adéquat est telle que l'existence même de très nombreux groupes est remise en question. Et ce, malgré le fait que deux programmes du ministère de l'Éducation soient censés apporter leur support à ces groupes; ce sont les Programmes de soutien à l'éducation et à l'alphabétisation populaires autonomes (PSÉPA/PSAPA).

Il nous semble indispensable que ces deux programmes non seulement demeurentmais soient améliorés. Le ministère de l'Éducation doit assumer ses responsabilités ence qui concerne l'éducation et l'alphabétisation populaires autonomes.

Nous entendons présenter ici les caractéristiques des groupes d'éducation populaire autonome, leur apport à la formation des citoyennes et citoyens, la nécessité d'une reconnaissance du ministère de l'Éducation et les formes concrètes que cette reconnaissance devrait prendre.

Le présent document a fait l'objet d'un consensus auprès des différentes instances de décisions des organismes suivants: le Mouvement pour l'éducation populaire et l'action communautaire du Québec (MÉPACQ), le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ), la Table des fédérations et des regroupements nationaux.

Ce document, nous le déposons aussi au nom des quelques 300 groupes bloqués par un moratoire sur l'accréditation de nouveaux groupes en éducation et alphabétisation populaires autonomes.

Nous tenons à remercier M. Bernard Vallée de l'ICÉA ainsi que tous les groupes qui ont participé à l'élaboration de ce document.

DÉFINITION DE L'ÉDUCATION POPULAIRE AUTONOME

En mars 1978, l'assemblée générale des Tables régionales des OVEP (organismes volontaires d'éducation populaire) donnait la définition suivante de l'ÉPA:

"L'éducation populaire autonome est l'ensemble des démarches d'apprentissage et de réflexion critique par lesquelles des citoyens et citoyennes mènent collectivement des actions qui amènent une prise de conscience individuelle et collective au sujet de leurs conditions de vie ou de travail, et qui visent à court, moyen ou à long terme, une transformation sociale, économique, culturelle et politique de leur milieu."

Cette définition est encore employée dans le réseau des groupes populaires car elle fait ressortir les éléments essentiels qui caractérisent l'intervention de ces groupes:

  • la prise en charge de ses conditions de vie par la population elle-même;
  • la priorité donnée aux personnes qui contrôlent pas ou peu leurs conditions de vie ou detravail;
  • la valorisation de l'action collective;
  • la volonté de travailler sur les causes et non seulement sur les effets des problèmes.

LES PRATIQUES

La variété des champs d'intervention et des populations rejointes

Des groupes d'Éducation Populaire Autonome sont actifs sur tout le territoire du Québec dans à peu près tous les secteurs: logement, alimentation, alphabétisation, droits des prestataires de la sécurité du revenu et de l'assurance-chômage, maisons de jeunes, hébergement de jeunes et de femmes, santé, violence conjugale, immigration, consommation, solidarité internationale, formation, sécurité au travail, centres de bénévoles, centres de femmes, théâtre, télévision et radio communautaires... Des milliers de personnes de différents milieux, sous la pression de situations de plus en plus difficiles, ont senti le besoin de se regrouper pour trouver des moyens de faire face à des situations complexes dans le respect de leurs besoins et de leurs droits.

On peut affirmer sans crainte de se tromper que les populations rejointes par les groupes d'éducation populaire font très majoritairement partie des milieux les plus défavorisés de la société: analphabètes, assisté-e-s sociaux-ales, chef-fe-s de familles monoparentales, chômeurs et chômeuses, handicapé-e-s, personnes peu scolarisées ou avec des difficultés d'apprentissage, les travailleurs et travailleuses, femmes travaillant au foyer, jeunes, immigrant-e-s.

Ce sont ces populations qui font face aux situations les plus difficiles et qui ont davantage besoin de ressources collectives. Il vaut la peine de souligner que ce sont aussi celles qui sont le plus difficilement rejointes par les institutions d'éducation 1

Cette pauvreté dont sont victimes ces populations est une des conséquences de notre organisation sociale. C'est bien souvent le manque de formation, le manque d'emploi et le manque de soutien pour traverser des périodes plus difficiles qui font que les gens vivent dans la pauvreté. Selon le Conseil économique du Canada une personne sur trois est appelée à vivre à un moment donné une situation de pauvreté. C'est donc socialement qu'il faut chercher des solutions, des alternatives. Il faut faire la lutte à la pauvreté et non pas aux personnes qui vivent cette pauvreté.

Le fonctionnement des groupes

Les organismes d'éducation populaire autonome sont sans but lucratif et contrôlés exclusivement par leurs membres donc ils sont indépendants des institutions et partis politiques.

La prise en charge par les citoyens et citoyennes commence à l'intérieur des groupes: elles et ils sont appelés à s'impliquer dans la vie de l'organisme (réunions informelles, comités de travail, conseil d'administration, assemblée générale). La vie associative est un apprentissage fondamental pour beaucoup de personnes, jusque-là isolées et souvent dévalorisées: on y apprend à travailler en équipe, à faire valoir son point de vue, à prendre des responsabilités, à développer son esprit critique, sa connaissance de soi et du milieu, à se doter d'objectifs personnels et collectifs. Le seul fait pour les membres de briser leur isolement et de participer de plein droit à la vie sociale est énorme.

Par vie associative nous entendons tout le travail d'organisation et de regroupement qui se fait dans chaque groupe. Il s'agit tout autant de l'assemblée générale où souvent des personnes auront à décider des choses collectivement pour la première fois de leur vie que du comité de participant-e-s où des personnes apprennent à "oser" prendre la parole et donner leur opinion.

Les groupes sont donc des lieux privilégiés pour favoriser une prise en charge des questions sociales, culturelles, politiques et économiques par l'ensemble des citoyens et citoyennes. Il faut sans cesse se rappeler que le droit d'association a été gagné de haute lutte. Ce droit demeure lettre morte s'il n'est accompagné d'un soutien effectif à la vie associative.

La démarche éducative

De par le fonctionnement démocratique des groupes d'éducation populaire, les problématiques soulevées sont collées aux réalités des populations, elles en sont même issues bien souvent. Chaque personne contrôle le cadre de sa formation et en détermine la forme et le contenu. Elle est amenée à développer une réflexion critique sur sa réalité ainsi que des solutions collectives. Formation et action sont intimement liées.

Il faut souligner la créativité, l'originalité des méthodes utilisées par les participant-e-s. Qu'il s'agisse de se regrouper pour cuisiner et se questionner sur comment améliorer nos conditions de vie et on se retrouve avec des cuisines collectives ou un restaurant populaire.

Dans d'autres groupes, on utilisera la publication d'un journal ou de dépliants pour travailler et se former en apprenant des choses à notre rythme. C'est parfois avec les moyens audio-visuels comme la radio et la télévision communautaires que se réalise cette démarche.

C'est en profitant de fête comme le 8 mars, journée internationale des femmes pour organiser un théâtre-forum, un atelier d'écriture, un colloque ou encore un débat public.

En d'autres occasions, il s'agit de sessions de formation sur le retour au marché du travail, sur les normes minimales de travail, ou des services d'accueil pour orienter les nouveaux immigrants dans nos dédales administratifs.

C'est aussi à travers des services de récupération de nourriture, de vêtements, de livres, de meubles, des coopératives de travail et d'habitation, services de garde de quartier ou en milieu scolaire, travailleurs et travailleuses de rues, formation de bénévoles, information et prévention (toxicomanie, sida, etc.), actions de relance économique, réappropriation de l'histoire populaire, fabrication d'outils pédagogiques, centres de documentation...

En résumé, les visages de l'éducation populaire autonome sont multiples et déterminés par les populations rejointes. Ce n'est donc pas tant la forme que prend l'éducation populaire qui importe mais le processus éducatif qui est contenu à l'intérieur de ces activités variées.

L'apport des groupes aux législations sociales

Aucun observateur de la scène politique ne niera le rôle de premier plan qu'ont joué les groupes dans de nombreux champs de la législation sociale. C'est en grande partie grâce à leur vigilance et à leurs actions qu'ont été effectuées des innovations importantes. Mentionnons entre autres la création de l'Office de la protection des consommateurs, de la Régie du logement, du ministère de la Condition féminine, la reconnaissance des garderies, du droit à l'avortement et à la contraception, les changements à la législation concernant les agressions sexuelles, la violence familiale, la pornographie.

Les groupes d'éducation populaire autonome sont des éléments essentiels du développement démocratique de notre société.

La vie démocratique a parfois tendance à être assimilée aux mécanismes d'élections et de représentation de la population. En réalité, c'est aussi tout le travail accompli dans le sens de permettre à des individus seuls ou collectivement de prendre la parole, de dire leurs besoins, leurs attentes, de pouvoir devenir des acteurs sociaux et non seulement des spectateurs. C'est dans ce sens que les groupes d'éducation populaire travaillent.

Il est important de mentionner aussi l'apport des organismes de représentation des groupes d'éducation et d'alphabétisation populaires autonomes. Ces organismes permettent à la fois de soutenir, de développer et de faire connaître le travail que font près d'un millier de groupes en éducation populaire au Québec.

LA RECONNAISSANCE DE L'EDUCATION POPULAIRE AUTONOME

La situation actuelle

L'éducation des adultes est lentement devenue au cours des années une réalité omniprésente dans la vie sociale. Le gouvernement a dû et devra faire une place grandissante à cette nouvelle donnée: les personnes devront acquérir tout au cours de leur vie les savoirs les plus divers. Les pressions d'une demande accrue de formation se sont fait sentir tant dans les institutions que dans les groupes autonomes.

En 1984, le document du gouvernement du Québec intitulé: Un projet d'éducation permanente. Enoncé d'orientation et plan d'action en éducation des adultes, disait:

"Pour les associations sans but lucratif, le Gouvernement reconnaît qu'elles occupent une place importante en éducation populaire et accepte d'augmenter les crédits qu'il consent à ce secteur d'éducation." Il admettait que l'éducation populaire constitue "pour un nombre important de personnes, l'occasion unique d'acquérir ou de développer des habiletés indispensables à la vie en société, des savoir-faire utiles et même nécessaires pour l'action quotidienne, permettant aux individus et aux groupes de prendre en charge les situations souvent complexes de la vie quotidienne." 2

Il faut savoir que, en s'appuyant sur ces déclarations, les groupes ont entrepris des actions collectives qui ont mené en 1984-85 à la plus importante augmentation du budget de l'éducation populaire autonome au cours des dernières années, soit de 4 à 7.8 millions. Comme quoi la reconnaissance de principe de l'ÉPA peut être un premier pas vers sa reconnaissance effective, la vigilance des groupes assurant le passage de l'une à l'autre.

Évolution du financement PSÉPA/PSAPA de 1981 à 1993 3 (en dollars courants et constants)

Année

IPC (Québec)

1981=100

Subvention totale

$ courants

Subvention totale

$ constants

1981

Nombre

de

groupes

Moyenne

par groupe

$ constants

81-82

107,72

3 255 000 $

3 021 657 $

534

5 659$

82-83

115,71

4 162 525 $

3 597 530 $

484

7 433$

83-84

120,93

4 162 525 $

3 442 159 $

443

7 770$

84-85

126,06

7 815 820$

6 200 209 $

776

7 990$

85-86

131,90

7 901 794 $

5 990 691 $

676

8 862$

86-87

137,83

7 901 794 $

5 733 130 $

662

8660$

87-88

143,25

7 993 500 $

5 579 945 $

657

8 493$

88-89

149,15

9 306 412$

6 239 787 $

818

7 628$

89-90

155,51

9 306 412$

5 984 554 $

794

7 537$

90-91

16537

8 841512$

5 346 433 $

781

6 846$

91-92

17138

9 345 344 $

5 453 092 $

788

6 920$

92-93

174,75

9 300 000 $

5 321946$

825

6 451 $

Dans la pratique, les orientations prônées par le gouvernement dans le champ de l'éducation des adultes sont les suivantes:

"L'éducation des adultes tend actuellement à s'appuyer sur une perspective d'éducation permanente et comporte deux priorités, soit celle qui est accordée aux objectifs économiques des entreprises et celle qui invite à miser sur les formations qualifiantes."4 (C'est nous qui soulignons.)

Il va sans dire que l'éducation populaire ne se retrouve pas au sein de ces tendances de fond. L'éducation populaire vise un changement plus profond et plus à long terme. Elle est prête à tenir compte des besoins économiques mais pas au détriment des besoins des personnes et des collectivités. Sa conception fait en sorte de ne pas limiter ce qui est ou non "une formation qualifiante".

Le travail des groupes d'éducation populaire vise de façon très concrète la prise en charge du milieu par la population. L'éducation populaire autonome est une partie fondamentale de l'éducation des adultes et de l'éducation permanente.

"L'éducation des adultes, c'est aussi toute formation qui donne à l'individu les moyens d'assumer de façon autonome et responsable ses rôles de travailleur, de citoyen, de parent et de consommateur et qui lui permet de poursuivre sa formation, de participer à son développement personnel et de contribuer à celui de la collectivité. Restreindre l'éducation des adultes aux seules formations qualifiantes prises de préférence à temps complet, c'est nier les. caractéristiques et les besoins d'une partie importante de la population adulte, c'est nier la nature même de l'éducation permanente, qui reconnaît et favorise la diversité des lieux, des moyens et des cheminements de formation."5(C'est nous qui soulignons.)

Voilà sans doute le plaidoyer le plus bref et le plus fondamental que l'on puisse faire en faveur de l'éducation populaire autonome. Dans les faits, l'ÉPA fait plutôt figure d'anomalie embarrassante dans les structures du ministère de l'Éducation, justement à cause de ses caractéristiques propres.

"L'absence de reconnaissance concrète de l'éducation populaire autonome augmente la vulnérabilité de ce secteur, du fait que des décisions politiques puissent le remettre en question à chaque année. Tous ces freins au développement de l'éducation populaire autonome ont pour conséquence directe de nier le droit des adultes de définir des démarches éducatives adaptées à leurs besoins et de choisir des lieux de formation appropriés. Il est donc essentiel que le MÉQ accorde un statut permanent à l'éducation populaire autonome... Ce statut concrétiserait ainsi la reconnaissance de la pluralité des lieux de formation."6

Au cours des dernières années, l'éducation populaire dans les commissions scolaires et les syndicats a subi des coupures drastiques, quand elle n'a pas simplement disparu. L'éducation populaire autonome n'a pas reçu de traitement aussi radical mais les groupes sont en droit d'être inquiets.

Les budgets alloués sont insuffisants par rapport aux besoins des groupes. Ils sont annuellement remis en question; en 92-93, les crédits présentés dans le budget prévoyaient des coupures de 35% dans les budgets de l'ÉPA. Une mobilisation massive a permis de limiter la coupure à 4%. La subvention moyenne a diminué depuis 1982-83. Un moratoire sur les nouvelles accréditations laisse 300 groupes en attente. Le ministère tente d'imposer des priorités d'action qui ne respectent pas l'autonomie des groupes.

Le peu de fonds disponible a pu être sauvé grâce à des pressions constantes, le budget etl'existence même des programmes de soutien àl'éducation et à l'alphabétisationpopulaires autonomes (PSÉPA/PSAPA) étant constamment remis en question.

En effet, les programmes PSÉPA/PSAPA ne sont garantis par aucune législation. Ce sont des programmes "discrétionnaires", que le ou la ministre peut abolir sans avoir recours à l'Assemblée Nationale.

FINANCEMENT DES PROGRAMMES DE SOUTIENA L'ÉDUCATION POPULAIRE DU MÉQ

NOS REVENDICATIONS

Un statut permanent et une politique en éducation populaire autonome

Considérant que l'éducation populaire autonome joue un rôle unique et essentiel dans la formation des individus, plus particulièrement en ce qui touche la responsabilisation sociale et la vie démocratique.

Considérant que les programmes de soutien à l'alphabétisation et à l'éducation populaires autonomes ne jouissent d'aucun statut permanent,

nous recommandons:

  • que le ministère de l'Éducation insère dans les textes de loi appropriés sonengagement vis-à-vis du réseau d'éducation populaire autonome, lui reconnaissant un rôle essentiel d'éducation, son droit à une juste part des fonds publics alloués à l'éducation, l'apport de ses pratiques spécifiques et le respect de l'autonomie de ses composantes;
  • que le ministère de l'Éducation élabore une politique en éducation populaire autonome en collaboration avec les organisations représentatives de ce milieu; cett epolitique devrait établir des orientations de base qui correspondent à la réalité dudéveloppement de l'ÉPA et un cadre de fonctionnement qui respecte les besoins des adultes; elle devrait favoriser le regroupement des personnes et leur vie associative.

L'enveloppe budgétaire

Nous avons déjà mentionné l'insuffisance des subventions pour la majorité des groupes. Au cours des dernières années, de larges secteurs de la population ont vu se détériorer leur situation économique et sociale, déjà précaire. De nouvelles problématiques ont surgi, telles la protection de l'environnement, l'intégration des immigrant-e-s, le chômage des jeunes, l'information sur le SIDA... Ces facteurs ont contribué à augmenter les pressions sur les groupes existants, ont favorisé la création de nouveaux groupes, ont élargi la base des organismes de représentation. Et cela, au moment où les groupes doivent lutter pour leur survie, défendre annuellement des projets assortis de contrôles administratifs et recevoir des subventions dérisoires se chiffrant dans la majorité des cas en dessous de 6 000$.

Il n'y a aucun rapport entre l'énormité de la tâche des groupes d'éducation populaire et leur financement. L'EPA reçoit une part infime du budget du MEQ (0.16%) et les demandes que nous présentons aujourd'hui visent à augmenter cette part.

Nous revendiquons:

• 1.5% du budget du ministère de l'Éducation, ce qui permettrait une subvention raisonnable aux groupes oeuvrant en éducation populaire. Comme étape en vue d'atteindre cet objectif, nous avons formulé des demandes àcourt terme, soit pour lestrois prochaines années, qui visent à répondre à la situation dramatique que viventles groupes.

Nous présentons ici des propositions que nous considérons minimales pour l'ensemble des groupes.

Nous demandons pour les trois prochaines années:

Pour le budget de projets éducatifs

Pour les groupes et fédérations déjà financés:

  • Une indexation au coût de la vie à partir du budget de 1988-89 et une augmentation annuelle de 10%;
  • Un apport supplémentaire d'un million de dollars par année pour redresser les inégalités à l'intérieur d'un même secteur d'intervention;

Pour les groupes et fédérations en attente d'accréditation:

Un fonds supplémentaire d'un million de dollars par année visant l'intégration progressive de ces groupes avec des subventions initiales correspondant à lamoyenne de leurs secteurs respectifs.

Année

Base de calcul

Inflation

Addition

Demandes

Groupes déjà financés

Nouveaux groupes

Redressement des inégalités

Budget total

93-94

(1)9 306 412$

(2)21,2%

10%

12 487 639 $

1000 000$

1000 000$

14 487 639 $

94-95

14 487 639 $

2%

10%

16 255 131 $

1 020 000 $

1 020 000 $

18 295 131 $

95-96

18 295 131 $

2%

10%

20 607 937 $

1 040 400$

1 040 400$

22 607 937 $

  • Base de calcul: budget 1988-89
  • Récupération de l'indexation des années 1988 à 1993

Pour le budget de représentation et de développement:

Pour les groupes déjà financés (MÉPACQ, RGPAQ, ROVEP):

Une indexation au coût de la vie à partir du budget de 1988-89 et une augmentation annuelle de 10%;

Pour d'autres groupes:

  • Que la Table des fédérations et des regroupements nationaux soit reconnue comme organisme provincial de représentation;
  • Que les tables régionales des Organismes volontaires d'éducation populaire(TROVEP), soient reconnues et financées à titre d'organismes de représentation régionaux avec un budget de 40 000$ chacune.

Au niveau administratif, les programmes actuels (PSÉPA, PSAPA) dans l'ensemble nous conviennent. Nous croyons qu'il ne s'agit pas de modifier complètement ces programmes mais d'y apporter quelques améliorations.

Critères et mécanismes d'accréditation des organismes d'ÉPA

Pour avoir accès au financement du ministère de l'Éducation, les organismes d'ÉPA doivent être reconnus comme tels par le ministère, suite à un processus d'accréditation.

Nous exigeons:

• Que les critères d'accréditation soient définis à partir des éléments de la définition del'éducation populaire autonome, et ce en consultation avec les organismesreprésentant ce réseau.

Nous réclamons en outre:

• Que le ministère de l'Éducation mette en place un mécanisme d'appel qui statuerasur l'admissibilité aux programmes et sur la perte de l'accréditation. Ce mécanismepourrait prendre la forme d'un comité de révision qui serait décisionnel et composéd'une personne nommée par le ou la Ministre et d'une personne déléguée parorganisme de représentation des groupes d'éducation populaire autonome.

Normes de financement

L'attribution des ressources financières doit se faire selon les principes suivants:

  • Le projet éducatif soumis par les groupes doit être défini par ses objectifs et non parune liste précise d'activités et de moyens: les groupes devant réagir rapidement aux changements de conjoncture et aux demandes des participant-e-s, la nécessité de déterminerlongtemps d'avance leurs activités précises entrave leur fonctionnement. C'est à partir durapport d'activités que l'organisme doit démontrer la cohérence entre les objectifs annoncés etles activités réalisées.
  • La vie associative doit être reconnue comme faisant partie intégrante d'un projetéducatif.
  • Le processus d'analyse des demandes financières doit être établi suite à une ententeavec les représentant-e-s des organismes représentant les groupes d'éducationpopulaire autonome.
  • Le programme de financement de l'EPA ne doit comporter aucune priorité officielleou officieuse: il revient aux seuls organismes de définir leurs priorités, en fonction desbesoins de leurs milieux. Tous les types d'organismes et champs d'intervention ont droit aufinancement.
  • Tenant compte de la réalité différente des groupes en alphabétisation, la division en deux programmes soit le programme de soutien à l'éducation populaireautonome(PSÉPA) et le programme de soutien à l'alphabétisation populaireautonome (PSAPA) doit être conservée.
  • La récurrence: pour une demande équivalente, les organismes reçoivent le même montantque l'année précédente, indexé au coût de la vie et assorti d'une augmentation fixée dans leprogramme triennal négocié avec le ministère de l'Éducation.
  • Le financement de l'infrastructure (coûts des locaux, frais de déplacement, dépréciation del'équipement, frais d'administration, accueil, secrétariat, etc.): un pourcentage du coût du projetéducatif pourra être affecté à l'infrastructure. Ce pourcentage pourra varier de 20 à 50%, selondes modalités à définir avec les représentant-e-s des regroupements provinciaux.
  • Les groupes subventionnés ont la responsabilité de fournir un rapport d'activités etun rapport financier. C'est par ces mécanismes que doivent être évalués les groupes.
  • Les groupes doivent recevoir leur subvention pour le début des activités, c'est-à-direau mois d'août.
  • Le programme de soutien à l'éducation populaire autonome doit préserver la possibilité de déposer des demandes uniques ou concertées par région ou fédération.
  • Le financement des structures de représentation ne doit pas être lié à des projetséducatifs particuliers.

CONCLUSION

Nous tenons à faire remarquer que les propositions contenues dans le présent document se veulent un prolongement des programmes PSÉPA/PSAPA en place au ministère de l'Éducation. Il ne s'agit pas de nouvelles structures, ni même de refonte globale. Nous sommes prêt-e-s à travailler en misant sur les mécanismes en place.

Mais nous avons besoin de sentir qu'il y a une volonté politique au gouvernement d'appuyer le développement de l'éducation populaire autonome. Nous croyons que la société québécoise ne peut se passer de cet outil d'émancipation que représente l'éducation populaire. Faire le choixde l'éducation populaire autonome c'est aussi faire le choix d'une société plushumaine, plus démocratique, plus juste, plus responsable.

Même sur le plan économique, un gouvernement qui est capable le moindrement de voir à moyen et à long terme comprendra facilement l'importance d'investir de l'argent pour financer l'éducation populaire autonome. En effet, les coûts sociaux sont beaucoup plus élevés quand il n'y a pas de structure communautaire pour travailler avec des populations qui traversent des périodes difficiles.

IIs'agit d'un choix de société. D'autres sociétés l'ont déjà fait, la Suède entre autres, achoisi de faire de l'éducation populaire une dimension importante de l'éducation desadultes. Notre gouvernement aura-t-il la perspicacité nécessaire? Nous l'espérons.

Nous réclamons une reconnaissance accrue de l'éducation populaire autonome par des textes législatifs, par une politique en ÉPA, par un financement adéquat et par des modifications aux mécanismes d'accréditation et aux normes de financement.

BIBLIOGRAPHIE

MEPACQ, RGPAQ, Table des fédérations et des regroupements nationaux, Pour une vraie politique de développement de l'éducation et de l'alphabétisation populaires autonomes. 19 février 1992.

Gouvernement du Québec, Un projet d'éducation permanente. Énoncé d'orientation et pland'action en éducation des adultes, 1984.

Comité national de révision du programme d'aide aux organismes volontaires d'éducation populaire, l'éducation populaire autonome au Québec. Situation actuelle et développement. Rapport présenté au ministre de l'Education du Québec, décembre 1987.

Conseil supérieur de l'éducation, Accroître l'accessibilité et garantir l'adaptation. L'éducation desadultes dix ans après la Commission Jean, Avis au ministre de l'Education et à la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, janvier 1992.

Institut canadien d'éducation des adultes, L'Éducation populaire au Québec, un outil de formation et de promotion collective à reconnaître et à financer. Mémoire au ministère de l'Education du Québec, janvier 1991.

Vallée, Bernard, L'Éducation populaire au Québec, Intervention lors du congrès annuel 1991 de l'American Association for Adult and Continuing Education, octobre 1991.

Chené, Adèle et Chervin, Michael, Un(e) air(e) populaire. L'Éducation populaire autonome au Québec,publié par l'American Association for Adult and Continuing Education, 1991.

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Savoie, Line, Les Pratiques et l'impact social des groupes d'éducation populaire autonome duQuébec, MEPACQ, juin 1989.

MÉPACQ, RGPAQ, ROVEP, Table des fédérations et regroupements nationaux, Dossiersommaire sur le financement des groupes d'éducation populaire, soumis aux membres de la Commission de l'éducation de l'Assemblée Nationale, 5 mai 1992.

NOTES

1 Conseil supérieur de l'éducation, Accroître l'accessibilité et garantir l'adaptation. L'éducation des adultes dix ans après la commission Jean, 1992, pp.56-60.

2 p. 46, cité dans l'avis du Conseil supérieur de l'éducation.

3 L'éducation populaire au Québec, ICÉA, janvier 1991

4 Id.,p.43.

5 Id.,p.48

6 l'éducation populaire autonome au Québec. Situation actuelle et développement.Rapport du comité national de révision du programme d'aide aux organismes volontairesd'éducation populaire, décembre 1987

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