L'ÉDUCATION POPULAIRE AUTONOME, ÇA CHANGE LE MONDE, SAUF QUE...

Voici un petit questionnaire à utiliser dans votre groupe dans le cadre des activités de sensibilisation et de mobilisation visant le maintien du programme de financement des organismes d'éducation populaire autonome (ÉPA). L'objectif de ce petit exercice qui se veut drôle, est de vous permettre, dans un climat de détente, de revoir, de dépoussiérer un peu le pourquoi et le comment de l'éducation populaire. Il nous semble important en effet de faire ce petit détour humoristique pour gonfler à bloc les membres des groupes pour le prochain «round» de négo avec la ministre de l'Éducation, Madame Robillard.

Le questionnaire est accompagné d'une section-réponse où les réponses aux questions sont commentées, histoire, tout en s'amusant, de faire un peu d'éducation. Dans certains cas, c'est comme dans la vie, tout n'est pas blanc ou noir... ainsi, plusieurs réponses peuvent être bonnes. À vous de jouer. Et rappelez vous que tout n'est pas dit: rajoutez votre touche personnelle.

L'ÉDUCATION POPULAIRE, D'OÙ ÇA VIENT?

1 L'éducation populaire autonome est née:

  • Le 9 septembre 1963 dans le quartier Saint-Henri à Montréal.
  • D'une volonté de prise en charge collective des problèmes vécus par les gens des quartiers populaires dans le but d'une transformation sociale.
  • Dans la tête d'une fonctionnaire tablettée du ministère de l'Éducation.
  • Dans un 5 à 7 de jeunes universitaires qui voulaient se créer leur emploi.
  • Si c'est Montréal, moi, j'embarque pas.

L'EDUCATION POPULAIRE, QU'EST-CE QUE ÇA VISE?

2 Vous êtes invitée à participer à un panel télévisé où vous discuterez de projet de société. Vous devez y présenter la position de votre groupe.

  • Vous déléguez la permanence.
  • Vous refusez en disant que ça ne fait pas partie de vos priorités.
  • Vous essayez de mettre la main sur le document «Cadre de référence sur le projet de société» du MÉPACQ.
  • Mais où est donc passée la Charte de Solidarité Populaire Québec?
  • Vous fouillez dans les boîtes d'archives de votre organismes, section années 70.
  • Est-ce que ça sera diffusé en région?

3 On apprend à faire beaucoup de choses dans un groupe d'éducation populaire autonome. Parmi les modèles d'apprentissage suivants, lequel correspond le plus à ce qui se vit dans votre groupe:

  • L'enseignant essaie de remplir des cruchesvides.
  • On apprend ensemble à travers des actions;chaque personne a quelque chose à montreraux autres.
  • Le formateur organise un plan de cours pourson client.
  • La personne se débrouille comme elle peutdans le labyrinthe de programmes qui seprésente à elle.

L'ÉDUCATION POPULAIRE, QU'EST-CE QUE C'EST?

4 Parmi les énoncés suivants, lequel ne caractérise pas l'éducation populaireautonome?

  • Le taux élevé d'échec et de décrochage
  • Le taux élevé d'accrochage idéologique
  • Le taux élevé de prise en charge
  • Le taux élevé de surcharge chronique
  • Le taux élevé d'apprentissage dans l'action

5 L'éducation populaire, c'est populaire:

  • Parce que tout le monde veut en faire
  • Parce que tout le monde en parle
  • Parce que ça ne coûte pas cher
  • Parce que c'est accessible à tout le monde

L'ÉDUCATION POPULAIRE, OÙ ÇA LOGE?

6 L'État vous annonce enfin son intention de vous reconnaître comme «partenaire» dans sa mission sociale. Vous vous dites:

  • Partenaire! C'est au boutte, on reconnaît enfin le travail qu'on fait!
  • Partenaire? Est-ce que ça veut dire faire leurtravail sans être payé pour le faire?
  • Partenaire... C'est peut-être une bonne occasion pour négocier une RÉELLE reconnaissance $$$.
  • Partenaire: ça veut probablement dire encadrer encore plus de programmes EXTRA.
  • Partenaire: pourquoi pas en profiter pours'entendre au CA sur ce que ça veut dire, surce qu'on peut y gagner, ou encore y perdre...
  • Partenaire, ça comprend les régions, ça?

7 Vous convoquez une conférence de pressepour faire connaître les résultats d'une enquête-terrain très fouillée que vous avez menée depuis deux ans. Aucun journaliste ne se présente...

  • Vous déprimez en vous disant que le travailque vous faites ne doit pas être si intéressant que ça.
  • Vous déprimez en vous disant que si vous posiez des bombes, les médias se déplaceraient quitte à sauter avec vous.
  • Vous vous creusez encore une fois les méninges pour trouver une petite action sympathique pour faire de votre étude une bombe médiatique.
  • Vous convoquez une autre conférence de presse pour dénoncer les médias bourgeois qui ne viennent pas aux conférences de presse les groupes populaires.

8 Vous invitez votre voisin, que vous savez assisté social, à participer à une action. Il s'agit d'aller présenter votre position sur la loi d'aide sociale à votre député. Il refuse en disant que la politique ne l'intéresse pas. Que répondez-vous?

  • On ne fait pas de politique: on n'appuie aucun parti.
  • C'est pas de la politique. C'est pour garder des bons contacts avec le député.
  • C'est vrai que c'est politique, mais c'est important de prendre position collectivement pour faire respecter nos droits.
  • Qu'est-ce que tu dirais, à la place, de venir à notre prochaine rencontre

9 Le MÉPACQ lance l'idée d'une manifestation nationale pour exiger des budgetssupplémentaires pour l'éducation populaire autonome. Selon vous:

  • Elle devrait avoir lieu à Montréal: le gros des groupes s'y trouvent.
  • Elle devrait avoir lieu à Québec: c'est à l'Assemblée nationale que se trouvent les décideurs.
  • Elle devrait avoir lieu dans une région, histoire de montrer qu'il se fait de l'éducation populaire ailleurs qu'à Montréal.
  • Elle devrait être décentralisée dans une journée nationale d'actions régionales: ça coûte moins cher d'autobus,
  • Si c'est ailleurs qu'à Montréal, moi je n'y vais pas.

L'ÉDUCATION POPULAIRE, QU'EST-CE QUE ÇA FAIT?

10 Parmi les types de groupes suivants,lesquels font de l'éducation populaire autonome?

  • Les groupes de logement
  • Les groupes d'alphabétisation
  • Les centres de femmes
  • Les radios communautaires
  • Les maisons de jeunes

11 Quand le MÉPACQ demande aux groupesde mobiliser trois personnes par groupepour participer à une manifestation (ahnon, pas encore!), que faites-vous?

  • Vous en parlez aux deux autres permanents-es pour qu'ils ou elles réservent leur journée.
  • Vous invitez vos parents à venir passer unejournée à Montréal.
  • Vous faites une tournée téléphonique et vousen parlez dans vos activités. Votre objectifpersonnel est de mobiliser 10 personnes.
  • Vous mettez la demande au recyclage: les manifs, c'est démodé, mais l'environnement, ça c'est «in»,
  • Vous envoyez un fax pour appuyer la manif.
  • C'est-tu encore à Montréal?

12 Après avoir passé plusieurs années dans le mouvement populaire, vous révisez votre curriculum vitae. Vous ajoutez les items suivants sauf:

  • Expérience en animation de petits, moyens et grands groupes,
  • Expérience en traitement de texte et préparation de documents,
  • Expérience en recherche de financement,
  • Expérience en résolution de conflits,
  • Expérience en gestion de subventions mirobolantes

L'ÉDUCATION POPULAIRE, COMMENT ÇA MARCHE?

13 Vous travaillez dans un groupe populaire comme permanente. Un fonctionnaire de l'aide sociale vient vous proposer de prendre des personnes dans le cadre d'un programme PAIE ou EXTRA.

  • Toute contente de cet apport au financement de votre groupe, vous acceptez immédiatement l'offre et faites en sorte que le programme commence au plus vite.
  • Vous appelez du monde de votre conseil d'administration et vous les consultez,
  • Vous refusez immédiatement en montrant un extrait du procès-verbal de votre dernière assemblée générale où le groupe s'est prononcé contre ces mesures.
  • Vous organisez un débat dans votre groupe sur les mesures de l'aide sociale,
  • Vous appelez le MÉPACQ pour voir s'il a une position là-dessus.

14 Une personne sans-emploi impliquée dans un groupe d'éducation populaire autonome est considérée comme:

  • Une militante
  • Une bénévole
  • Une personne en situation irrégulière par rapport aux lois d'assurance-chômage et de la Sécurité du revenu
  • Une personne en démarche d'employabilité
  • Une sacrée folle

L'ÉDUCATION POPULAIRE, COMMENT ÇA SE FINANCE?

15 Pour chaque 100 dollars alloués à l'éducation au Québec, le réseau d'éducation et d'alphabétisation populaire autonome reçoit la somme mirobolante de:

  • 17,34$
  • 6,28$
  • 4,99$
  • 1,01$
  • 0,16$

16 Quand vous entendez le mot «employabi-lité», vous pensez immédiatement à:

  • Financement possible,
  • Cheap labor
  • Expérience de travail et de formation pour les plus mal-pris
  • Un mensonge pour nous faire croire que le problème, ce n'est surtout pas qu'il manque d'emplois,
  • Ah non! pas encore un autre programme à encadrer!

L'ÉDUCATION POPULAIRE, POURQUOI?

17 On vous demande sûrement encore, dans vos réunions de famille, pourquoi vous militez dans un groupe populaire. Vous expliquez pour la Nième fois:

  • Ça me permet de rencontrer du monde qui vit la même chose que moi.
  • Je pense que c'est une place où je peux travailler à changer la société dans le sens de plus de justice et d'égalité,
  • J'espère éventuellement pouvoir y trouver un emploi,
  • Ça m'évite de passer mes grandes journées tout-e seul-e à la maison,
  • C'est une bonne façon de connaître les régions. !

RÉPONSES COMMENTÉES

  1. C'est difficile d'arrêter une date précise pour la naissance du mouvement d'éducation populaire. Mais on ne se trompe pas en disant qu'au Québec, les premiers comités de citoyens ont vu le jour au début des années 60 dans les quartiers populaires de Montréal. Ce mouvement n'est pas venu d'en haut: fonctionnaires ou universitaires, mais a été initié par des citoyens et citoyennes même si des universitaires participaient et participent encore au mouvement.
  2. Eh oui! La nécessité d'un projet de société, même si ça fait dinosaure, est aussi d'actualité dans les années 90 qu'elle l'était dans les années 70. Il n'est pas trop tard pour discuter (c'est pas demain la veille où ça ne sera plus nécessaire) des projets mis de l'avant par les regroupement nationaux (MÉPACQ et Solidarité Populaire Québec et autres).
  3. C'est ensemble qu'on apprend, non? Remarquez cependant que la débrouillardise a toujours sa place!
  4. Les objectifs très élevés de l'éducation populaire autonome ne se rencontrent pas sans difficulté. Mais pour l'échec et le décrochage, allez donc voir du côté des 40% du réseau scolaire!
  5. On n'est pas tous populaires à la façon de Céline Dion. Derrière le «populaire» de cette éducation, il y a d'abord l'idée d'être accessible aux personnes exclues du système régulier d'éducation. C'est vrai que ça coûte pas cher, ni aux participants-es, ni à l'État.
  6. On ne se méfie jamais assez des propositions attrayantes en période de restrictions budgétaires. La définition du partenariat est à faire entre nous d'abord pour que sa définition ne rime pas avec restrictions.
  7. Les plus expérimentés-es d'entre nous n'ont pas trouvé la recette miracle... L'expérience dit qu'on ne prend pas les mouches avec du vinaigre. Reste à développer des média-tics.
  8. Dans ÉPA, le «p» pourrait aussi bien vouloir dire politique que populaire. Faire respecter collectivement ses droits, c'est faire de l'action politique. On a souvent tendance à limiter notre travail aux services et à l'éducation mais notre raison d'être, c'est aussi de «changer le monde», pis ça, c'est politique!
  9. II y a 825 groupes subventionnés par le MÉQ, répartis dans le Québec, auxquels s'ajoutent 300 groupes en attente d'accréditation. Le choix d'un endroit pour tenir une manifestation dépend des objectifs visés, mais il doit aussi tenir compte de la réalité des groupes en région.
  10. Ne cherchez pas de mauvaise réponse: tous les problèmes sont bons pour faire de l'éducation populaire. On pourrait ajouter les groupes qui travaillent dans les secteurs de l'alimentation, des droits des prestataires de la sécurité du revenu et de l'assurance-chô-mage, de l'hébergement de jeunes et de femmes, de la santé, de la violence conjugale, de l'immigration, de la consommation, de la solidarité internationale, de la formation, de la sécurité au travail, des centres de bénévoles, du théâtre, des médias...
  11. On fait autre chose que manifester dans les groupes: service, formation, concertation... Il y a nos dossiers régionaux. Les manifs arrivent souvent comme un cheveu sur la soupe, une chose qui se rajoute à toutes les autres, déjà trop nombreuses. Mais comme les enjeux sont grands, vous reprenez le dessus, vous déléguez des tâches aux mili-tants-es et vous vous déplacez en gang.
  12. Vous n'avez probablement jamais eu la chance de recevoir des subventions mirobolantes. Faites valoir votre expérience de gestion de budgets insuffisants, ça devrait être valorisé en période d'austérité budgétaire.
  13. Si vous avez répondu a) vous êtes probablement nouvelle dans le groupe. Ca va s'arranger, ne vous inquietez pas. Toutes les autres réponses sont vraies, selon les situa­tions: la démocratie, c'est une façon d'avancer ensemble.
  14. Toutes ces réponses sont bonnes selon le point de vue et l'analyse politique. Juste pour souligner qu'on n'a même plus le droit (très légitime) de militer ou bénévoler où on veut quand on est «bénéficiaire» du chômage ou de l'aide sociale. En passant, «Bien sûr qu'on est folles, on veut changer le monde!!!» (Slogan d'une bannière d'un 8 mars à Québec)
  15. Juste un p'tit 16 cennes. Faire tant avec si peu, ça dépasse l'entendement. Ce n'est pas pour rien qu'au Ministère, ils ont de la misère à comprendre ce qu'on fait. Par ailleurs, c'est sûrement pas en coupant dans ce maigre budget de 9 millions qu'on va résoudre le déficit de l'État.
  16. S'il n'y a pas de consensus sur la bonne réponse (ce qui risque fort d'arriver), pensez à organiser une petite discussion là-dessus avec une personne ressource des groupes de défense des personnes assistées sociales.
  17. On n'a pas toutes les mêmes motivations à participer dans un groupe populaire. Ces motivations peuvent aussi évoluer avec le temps. L'important, c'est de rappeler de temps en temps qu'on vise rien de moins que changer le monde! Au risque de passer pour une gang de folles et de fous. Et puis après?

Pour informations:

MÉPACQ: Vincent Greason (514) 843-3236 RGPAQ: Jean-François Aubin (514) 277-9976 Table des fédérations: Brigitte Voyer (514) 524-3561


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