MÉMOIRE SUR LE PROJET DE POLITIQUE DE L'ÉDUCATION AUX ADULTES ANS UNE PERSPECTIVE DE FORMATION CONTINUE.

Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN)

SEPTEMBRE 2001

TABLE DES MATIERES

 

INTRODUCTION

1) QUELQUES STATISTIQUES

2) POINT DE VUE DE LA COPHAN VIS-À-VIS DE LA POLITIQUE EN GÉNÉRAL

1) La définition

2) Les principes

3) Les orientations

3) POSITION DE LA COPHAN VIS-À-VIS DU POINT 2.2) "FAIRE CONTREPOIDS AUX PROBLÈMES VÉCUS PAR CERTAINS GROUPES DE LA POPULATION", ET PARTICULIÈREMENT L'ITEM "FACILITER L'ACCÈS À LA FORMATION AUX ADULTES HANDICAPÉS."

1) Quelques mots sur l'accommodement

2) L'orientation et les mesures envisagées

4) CONCLUSION

LISTE DES MEMBRES DE LA COPHAN (2001-2002)

MEMBRES DE SOUTIEN

INTRODUCTION

La COPHAN, pour et par ses membres, est un organisme à but non lucratif, incorporé depuis 1985. qui milite pour la défense des droits et la promotion des intérêts des personnes ayant des limitations fonctionnelles, de tous âges, et de leurs proches. Elle regroupe trente-deux organismes nationaux de personnes ayant des limitations fonctionnelles, ayant eux-mêmes des groupes membres dans la majorité des régions du Québec, et rejoint toutes les limitations fonctionnelles : motrices, organiques, neurologiques, troubles d'apprentissage, intellectuelles, visuelles, auditives, parole et langage et santé mentale.

Le mandat de la COPHAN est de favoriser la concertation entre ses membres, d'établir une collaboration avec le milieu associatif et les partenaires, de représenter et de défendre les revendications du mouvement associatif des personnes ayant des limitations fonctionnelles auprès des instances décisionnelles. Grâce à la collaboration, la consultation et la concertation de ses membres, la COPHAN s'implique et intervient, au niveau fédéral et provincial, dans le vaste domaine des politiques sociales : la santé et les services sociaux, l'éducation, le transport, le travail, le développement de la main-d'œuvre, la justice, la sécurité du revenu, l'aide juridique, la fiscalité, la culture, les loisirs, etc. La COPHAN offre du soutien technique, de l'information et de la formation à ses membres. Les personnes qui vivent quotidiennement les difficultés sont les véritables experts : leurs compétences, leurs expériences et leurs recommandations doivent influencer les décisions politiques. La COPHAN n'existe que par ses membres et les actions à privilégier touchent tous les aspects de leur vie.

Tout en en insistant, particulièrement, sur la reconnaissance des besoins spéciaux et le droit à l'accommodement, l'accessibilité à la formation de base et la nécessité de l'offre de formation, la COPHAN illustrera également, dans les pages suivantes, une certaine déception concernant ce projet de politique face à l'inclusion, non pas seulement professionnelle mais sociale des personnes ayant des limitations fonctionnelles et de tous les adultes en besoin de formation continue. Nous signalerons également les manquements de l'État sur une réelle volonté et responsabilité à s'impliquer et à se doter de moyens financiers pour favoriser le développement de la personne en tant que citoyenne, membre d'une communauté où, certes, le travail est une composante mais ou le savoir, la culture, la citoyenneté et la transformation sociale, aussi. Nous insisterons enfin sur la nécessité de bâtir une réelle culture de formation continue basée sur la reconnaissance des acquis, répondant aux besoins de formation des personnes, reconnaissant l'apport et l'originalité des organismes d'éducation populaire autonomes et impliquant tous les partenaires concernés.

La COPHAN est membre de la Coalition pour une politique d'éducation et de formation des adultes et adhère aux revendications de la plate-forme commune.

1) QUELQUES STATISTIQUES

Nous déplorons le fait d'avoir toujours à utiliser les mêmes statistiques, souvent périmées et ne reflétant pas la réalité que vivent les personnes ayant des limitations fonctionnelles. Toutefois L'Enquête sur la santé et les limitations d'activités de Statistiques Canada (ESLA 2001), devrait pouvoir nous donner des statistiques et un portrait plus approprié aux années 2000. probablement en 2002 et L'Enquête québécoise sur les limitations d'activités(EQLA 1098) est sortie en juin 2001.

Les données de cette enquête permettent d'estimer, qu'en date de 1998, environ 1 086 800 Québécois et Québécoises, soit 15% de la population vivant en ménage privé, vivent avec des limitations fonctionnelles dont 116 400 enfant de 0-14 ans, 630 500 adultes de 15-64 ans et 339 900 personnes âgées de plus de 65 ans. Le taux d'incapacité a donc augmenté significativement passant de 12% à 17% dans la population de 15 ans et plus vivant en ménage privé.

En ce qui concerne les caractéristiques socio-économiques, la situation défavorable des personnes ayant des limitations fonctionnelles observée en 1986 et en 1991 perdure et persiste :

2) POINT DE VUE DE LA COPHAN VIS-À-VIS DE LA POLITIQUE EN GÉNÉRAL

1) La définition :

La définition de la déclaration de la 5e Conférence internationale sur l'éducation des adultes, organisée par l'UNESCO en 1997, à Hambourg n'est pas complète. En effet, l'article 3 définit l'éducation des adultes en précisant, après "leurs besoins propres ou ceux de la société" "Elle (l'éducation des adultes) englobe à la fois l'éducation formelle l'éducation permanente, l'éducation non formelle et toute la gamme des possibilités d'apprentissage informel et occasionnel existant dans une société éducative multiculturelle où les démarches fondées sur la théorie et la pratique ont leur place. ".

Si le droit à l'éducation des adultes est un droit reconnu par la Déclaration universelle des droits de la personne (article 26), par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne (article 40) et par la politique "À part.. égale, l'intégration sociale des personnes handicapées : un défi pour tous " (article 18), son véritable exercice dépend d'un ensemble de facteurs environnementaux qui sont souvent des obstacles (manque d'accessibilité aux moyens de communication, de transport, d'accommodement et de ressources financières). Si l'on veut parler d'équité, d'universalité et d'accès à l'égalité, il faut tenir compte, non seulement, du droit à l'éducation qu'a l'adulte, ayant des limitations fonctionnelles ou non, tout au long de la vie, mais surtout des moyens efficaces qui permettront de les exercer.

Nous demandons donc que la politique reflète l'esprit et le contenu complet de la définition de Hambourg par l'ajout du paragraphe suivant :

''Elle (l'éducation des adultes) englobe à la fois l'éducation formelle l'éducation permanente, l'éducation non formelle et toute la gamme des possibilités d'apprentissage informel et occasionnel existant dans une société éducative multiculturelle où les démarches fondées sur la théorie et la pratique ont leur place.".

2) Les principes :

Les principes qui sont proposés dans le projet de politique nous semblent restrictifs. Nous avons de plus en plus de difficultés sur les notions de responsabilité ou d'imputabilité partagée, sachant très bien que lorsqu'un problème ou une difficulté apparaît, la responsabilité partagée entraîne une "non action" de tous les partenaires.

Nous demandons donc que l'État affirme, au travers des principes de sa politique, sa responsabilité et son imputabilité à :

3) Les orientations :

Le projet de politique s'articule autour des 4 orientations suivantes :

Tout en reconnaissant la pertinence de ces 4 orientations, il faut, là encore, que l'État s'engage à :

Prioriser l'universalité et l'accessibilité à la formation de base, en particulier en assurant la gratuité, en reconnaissant le droit à l'accommodement et en augmentant l'offre actuelle des programmes d'alphabétisation.

À favoriser Je développement de programmes courts et qualifiantset l'accès des adultes les plus vulnérables (femmes, jeunes, personnes ayant des limitations fonctionnelles, "sans chèque", travailleurs et travailleuses âgées, personnes issues des communautés culturelles) en formation professionnelle de niveau collégial par Je support financier des mesures actives du marché du travail pour les chômeurs et des prestataires de la sécurité du revenu tout en s'assurant que les étudiants ne sont pas pénalisés au niveau des mesures visant à pallier les coûts des adaptations liées aux limitations fonctionnelles ;

De renforcer la concertation entre les établissements de formation collégiale et universitaire afin de réduire «la course à la clientèle» et permettre un réel déblocage dans le dossier de la reconnaissance des acquis ;

De favoriser l'accès au perfectionnement socioprofessionnel et l'enrichissement personnel de façon à tenir compte des besoins, des goûts et des aptitudes des personnes et ceux des entreprises et de les amener à s'impliquer dans leur collectivité par le renforcement des compétences afin d'actualiser et de développer leur citoyenneté;

D'annoncer un financement accru de l'éducation et de la formation des adultes.

3) POSITION DE LA COPHAN VIS-À-VIS DU POINT 2.2) "FAIRE CONTREPOIDS AUX PROBLÈMES VÉCUS PAR CERTAINS GROUPES DE LA POPULATION", ET PARTICULIÈREMENT L'ITEM "FACILITER L'ACCÈS À LA FORMATION AUX ADULTES HANDICAPÉS."

1) Quelques mots sur l'accommodement :

Durant ces dernières années, nous n'avons cessé de revendiquer notre place, que ce soit au niveau de l'éducation (mémoire de la COPHAN : "Éduquer, organiser, agir pour l'éducation inclusive" août 1995), de l'adaptation scolaire (mémoire de la COPHAN sur le projet de politique de l'adaptation scolaire, mai 1999) et de la formation continue (mémoire de la COPHAN "Pour un accès réel et équitable des personnes handicapées à la formation continue, un constat, des voies d'actions, des conditions de réussite", octobre 1998) . Nous avons également toujours signalé que les femmes ayant des limitations fonctionnelles, les jeunes ayant des limitations fonctionnelles, les personnes ayant des limitations fonctionnelles issues des différentes communautés ethniques et les autochtones ayant des limitations fonctionnelles sont particulièrement discriminées face à l'accès à l'éducation. Notre analyse aboutit sur trois défis d'importance récurrents pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles : l'amélioration du niveau de scolarisation, l'appropriation des technologies ainsi que l'abolition des préjugés et des barrières à l'inclusion sociale.

Actuellement afin qu'une personne ayant des limitations fonctionnelles ait accès à l'éducation continue, elle doit se conformer à la norme sur laquelle est constituée l'organisation du système d'éducation. Or, le groupe de référence qui constitue la norme est composé de personnes n'ayant aucune limitation fonctionnelle. Cela a pour effet d'exclure les personnes ayant des limitations fonctionnelles, si l'obligation d'accommodement n'est pas appliquée. Dans le cas où il y a accommodement, celui-ci doit être raisonnable, c'est-à-dire qu'il ne doit pas exercer de contraintes excessives à l'organisation et aux membres du personnel. Dans le cadre de ce nouveau paradigme, le droit à l'accommodement débouche sur des mesures permanentes et préférentielles, nécessaires pour atteindre et maintenir l'égalité des résultats en éducation pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles, modifiant à la fois la norme sur laquelle est fondée l'organisation du système ainsi que l'organisation de la mise en œuvre de ce système aussi.

L'accommodement vise donc à adapter les règles, les pratiques et les exigences en éducation, de même que le matériel et les lieux de travail aux besoins des personnes ayant des limitations fonctionnelles". L'exercice du droit à l'égalité passe nécessairement par la reconnaissance du droit à l'accommodement des personnes ayant des limitations fonctionnelles, car ce droit leur permet de surmonter des obstacles n'ayant rien à voir avec leur compétence. Sans mesure d'accommodement, ces obstacles, qu'ils soient liés à l'accessibilité, aux horaires des cours, aux moyens de communication, aux méthodes

employées, aux coûts, aux préjugés, etc. , sont maintenus et ont pour effet d'exclure les personnes ayant des limitations fonctionnelles aux lieux de formation qui auraient pu être adaptés aux besoins liés à leur limitation fonctionnelle.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, dans son Guide d'application de la Charte des droits et libertés de la personne à l'intention des employeurs : Mieux gérer en toute équité (décembre 1992), décrit l'évolution de la notion de discrimination, précise que l'article 20 de la Charte prévoit des exceptions, reconnaît que certaines règles apparemment neutres et qui s'appliquent à tout le monde peuvent avoir un effet d'exclusion significatif sur certains groupes de personnes. Elle cite l'arrêt Alberto Human rights Commission c. Central Alberta Dairy Pool (1990) qui conclut que l'employeur a l'obligation de prendre des mesures d'adaptation de façon à éliminer l'effet discriminatoire de la règle ou de la pratique sur les personnes affectées, pourvu que l'employeur puisse procéder aux accommodements nécessaires sans subir de contraintes excessives : "Les employeurs, tout comme les syndicats, se voient confier une nouvelle exigence : celle d'évaluer les effets discriminatoires de multiples règles et pratiques en usage, des modalités d'adaptation à la fois raisonnables pour l'organisation et respectueuses d'une main-d'œuvre de plus en plus hétérogène et diversifiée".

Dans le rapport annuel 1999 de la Commission canadienne des droits de la personne, on peut lire :

"La Loi canadienne sur les droits de la personne oblige les ministères et organismes gouvernementaux à supprimer les obstacles et à prendre les mesures d'adaptation nécessaires, à moins que ces dernières ne leur imposent une contrainte excessive. La Cour Suprême du Canada a énergiquement réaffirmé à que! point il est important de prendre des mesures actives en faveur des groupes minoritaires, tant en 1997, dans l'arrêt Eldridge c. Colombie-Britannique, qu'en 1999 dans l'arrêt Colombie-Britannique c. BCQSEU mieux connu sous le titre de décision Meiorin. Ces décisions préconisent d'intégrer la suppression des obstacles à la participation dans les politiques, les services et les programmes, plutôt que de s'en soucier, après coup, en prenant des mesures d'adaptation."

Ainsi donc, comme nous l'avons écrit dans notre mémoire sur la loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans les organismes publics et modifiant la charte des droits et libertés de la personne, loi tristement célèbre, adoptée le 1er décembre 2000 par le gouvernement du Québec et consacrant l'exclusion des personnes ayant des limitations fonctionnelles :

Depuis le 28 mai 1998, date d'entrée en vigueur des modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne, trois contraintes excessives demeurent : le risque de sécurité, le coût excessif et la santé.

Ces éléments sont d'ailleurs issus de l'article 24 (2) du Code des droits de la personne de l'Ontario et complétés par les ordonnances de la Commission ontarienne pour l'évaluation des besoins d'adaptation des personnes handicapées. On définit, à cet article : "La Commission d'enquête ou un Tribunal ne doit pas conclure qu'une qualité requise, aux termes de l'alinéa (1) (h), est exigée de façon raisonnable et de bonne foi, à moins d'être convaincu que. la personne à laquelle il incombe de tenir compte de la situation ne peut le faire sans subir elle-même un préjudice injustifié, compte tenu du coût, des sources extérieures de financement, s'il en est, et des exigences en matière de santé et de sécurité, le cas échéant ".

Ainsi donc, les mesures d'accommodement pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles doivent obligatoirement tenir compte des éléments suivants : la dignité de la personne, l'autonomie et la libre acceptation des risques. Depuis mai 1998, la Loi canadienne des droits de la personne a rendu obligatoire la notion d'accommodement, dans le respect des personnes ayant des limitations fonctionnelles et limite les contraintes excessives aux trois domaines suivants : le risque de sécurité, le coût excessif et la santé.

2) L'orientation et les mesures envisagées :

Nos revendications présentées en 1998. lors du dépôt et de la présentation de noire mémoire "Pour un accès réel et équitable des personnes handicapées à la formation continue, un constat, des voies d'actions, des conditions de réussite" ont eu un léger effet, mais nous sommes particulièrement déçus de voir que l'orientation et les mesures envisagées sont plutôt succinctes et brèves.

Le projet de politique veut faciliter l'accès à la formation aux adultes handicapées en priorisant trois groupes, les personnes aveugles et amblyopes, les personnes sourdes et les personnes vivant avec une déficience intellectuelle et qui pourraient faire un apprentissage concernant la lecture et récriture. Il souligne également la notion de double obstacle ( ex : adultes ayant des limitations fonctionnelles issus des communautés culturelles). Il semble tenir compte que les mesures de soutien et le matériel d'apprentissage courant ne sont pas toujours adaptés aux caractéristiques particulières des personnes ayant des limitations fonctionnelles, ce qui constitue un frein à leur formation.

Le projet de politique envisage les mesures suivantes :

Déterminer, en mettant à contribution l'Office des personnes handicapées du Québec, le ministère de ('Emploi et de la Solidarité sociale et le ministère de l'Éducation, les actions prioritaires à mener auprès des adultes handicapés.

Nous sommes toujours énormément surpris de voir à quel point la personne ayant des limitations fonctionnelle est ignorée dans l'établissement des priorités, des moyens à mettre en place pour mettre en œuvre ces priorités ainsi que pour les évaluer. Pourtant, qui est mieux placé pour définir ses besoins que la personne elle-même!

Nous demandons donc que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, le ministère de l'Éducation, le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministère de l'Immigration et des Relations avec les citoyens, le ministère des Transports et tous les autres ministères concernés déterminent, en mettant à contribution le mouvement associatif des personnes ayant des limitations fonctionnelles qui peut s'adjoindre des partenaires, les actions prioritaires à mener auprès d'eux pour réaliser leur pleine et entière inclusion à la formation continue, tout au long de leur vie.

La deuxième mesure propose :

Indiquer quelles ressources doivent être augmentées en privilégiant le principe de l'accommodement raisonnable dans les mesures de soutien offertes par les ministères et organismes, afin notamment :

Concernant cette deuxième mesure, nous tenons, tout en reconnaissant le fait qu'il faut donner aux personnes ayant des limitations fonctionnelles des trois groupes ciblés les moyens nécessaires pour entrer dans une démarche de formation continue, nous comprenons que l'adverbe « notamment » signifiant « spécialement, particulièrement, entre autres » n'exclut pas une réponse aux besoins spécifiques réels engendrés par d'autres limitations fonctionnelles.

Il existe, en effet, un besoin aigu de formation de base, de nombreux obstacles restent à franchir, tels que l'absence ou l'imprécision des données concernant la population des personnes ayant des limitations fonctionnelles dans le secteur de l'éducation, les disparités régionales, la reconnaissance des acquis, la formation du personnel enseignant, le manque d'harmonie entre les différents programmes de soutien existants. Des conditions préalables et des moyens d'accommodement doivent donc être mis en place pour y parvenir.

Tout en reconnaissant les besoins aigus des trois groupes cités, et en demandant que soit enlevé de la politique la  phrase "et qui pourraient faire un apprentissage concernant la lecture et récriture" concernant les adultes vivant avec une déficience intellectuelle, nous voulons que les besoins réels de toutes les personnes ayant des limitations fonctionnelles soient reconnus et que des moyens de communication écrite et verbale soient mis en place pour tous en tenant compte de leurs besoins réels.

Nous comprenons que raccommodement pour favoriser l'accès à la formation aux adultes ayant des limitations fonctionnelles est important mais il est tout aussi primordial de l'appliquer, tout au long de la vie, que ce soit au niveau de la formation en éducation continue, dans des milieux éducationnels ou alternatifs, sur le marché du travail et dans les formations lices à la citoyenneté.

Il faut également savoir que la notion d'accommodement s'applique à plusieurs niveaux : de l'accessibilité architecturale, (rampe d'accès, ascenseur, parcours sans obstacle, système d'alarme adapté aux personnes sourdes et aveugles, technologie adaptée des systèmes) aux moyens de communication adéquats (médias substituts : braille, cassette audio, vidéo en langage signé, langage simplifié, gros caractères, technologie adaptée des systèmes de communication, aides techniques, etc.) à l'adaptation des règles, pratiques et exigences en éducation (durée des cours et des examens, possibilité de participation téléphonique, respect du rythme de la personne, etc.) et aux ressources humaines (interprètes oralistes, gestuels, sensoriels, preneurs de notes, accompagnateurs, etc.). Afin que l'accommodement soit appliqué, il faut également former tous les intervenants sur les différentes limitations fonctionnelles, en utilisant l'expertise des premiers concernés : les adultes ayant des limitations fonctionnelles. Bien évidemment l'application de raccommodement et de la compensation des coûts liés aux incapacités demande un investissement financier mais cet investissement est la garantie de l'accès à l'égalité et de la reconnaissance du rattrapage nécessaire pour avoir cet accès. La politique d'ensemble "A part... égale, l'intégration sociale des personnes handicapées : un défi pour tous " de 1984 et le décret ministériel du 29 juin 1988 sur "la compensation des limitations fonctionnelles" l'annonçaient mais il faut croire que. depuis presque 20 ans, la volonté politique de mettre en oeuvre son application en est très restreinte, comme l'indiquent les statistiques citées plus haut.

À cette fin, bien que le projet de politique parle de financement de la formation, dans une perspective large, nous axerons une de nos recommandations plus particulièrement sur un élément spécifique, soit la mesure liée à la formation continue pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles dans les Règles budgétaires aux commissions scolaires. Par le passé, le MEQ allouait, par le biais des Règles budgétaires aux commissions scolaires, une allocation supplémentaire pour la formation donnés aux personnes ayant des limitations fonctionnelles à l'éducation des adultes (mesure 30056). Cette allocation servait à défrayer les coûts d'organisation des services de formation continue aux adultes ayant des limitations fonctionnelles. Dans les Règles budgétaires aux commissions scolaires 2001-2002, le MEQ rend invisible cette allocation en l'intégrant dans une nouvelle allocation intégrée au montant de base qui est propre à chacune des commissions scolaires. Ainsi, les montants affectés à l'organisation des services en formation continue aux adultes ayant des limitations fonctionnelles se retrouveront dans la même enveloppe budgétaire que celle des activités telles que plan d'action sur les drogues, l'embauche de techniciens en informatique ou l'enseignement moral et religieux. Nous n'avons donc plus l'assurance que les argents qui étaient destinés à la formation continue pour les adultes ayant des limitations fonctionnelles seront affectés à ses activités. Nous croyons, de plus, que cette révision, en rendant invisible une allocation autrefois spécifique, deviendra un obstacle pour les adultes ayant des limitations fonctionnelles. En effet, les Règles budgétaires aux commissions scolaires 2001-2002 autorisent implicitement les commissions scolaires à transférer et à utiliser ces allocations à d'autres fins que celles pour lesquelles elles ont été allouées.

Ainsi donc, si il est primordial de faciliter l'accès à la formation aux adultes ayant des limitations fonctionnelles, il est tout aussi nécessaire :

•    Que   le   MEQ   et  tous les   partenaires concernés   (gouvernementaux   et   non gouvernementaux) dresse un bilan exhaustif sur la scolarisation des personnes ayant des limitations fonctionnelles selon leurs caractéristiques, la nature de leurs besoins, les programmes offerts, leur taux de fréquentation et de satisfaction, les mesures d'accommodement offertes, le degré de diplômation, la transférabilité de cette formation vers des emplois qualifiants ou vers des études supérieures.

•   Que l'État reconnaisse et mette en pratique, pour favoriser l'accès à l'éducation aux adultes ayant des limitations fonctionnelles, tout au long de leur vie, le rattrapage obligatoire   résultant d'années   d'isolement,   de   discrimination   et   de non reconnaissance des besoins spéciaux et le droit à l'égalité des personnes ayant des limitations fonctionnelles. À cette fin, l'accès n'est pas seulement la responsabilité du MEQ, mais, bien une vision et une volonté politique réelle d'abattre les obstacles environnementaux en mettant en place des mesures pour lutter contre la pauvreté, pour offrir une accessibilité réelle aux moyens de transport régulier et adapté,  pour enfin appliquer des mesures concrètes au droit à l'accommodement, tant au niveau des médias substituts que des ressources humaines. La liste serait longue, il faut utiliser un mot : INCLUSION et se donner les moyens pour que l'inclusion ne reste pas un principe philosophique, En fait, il suffirait de mettre en application les recommandations de la politique "Àpart... égale. l'intégration sociale des personnes handicapées : un défi pour tous" adoptée par le gouvernement du Québec en 1984 et le  décret  ministériel  du  29 juin   1988  sur "la compensation des limitations fonctionnelles"

•   Que l'État accorde un souci particulier au développement de la formation à distance et aux nouvelles technologies de l'information et des communications (NTIC) en tenant compte des besoins des personnes ayant des limitations fonctionnelles, en utilisant l'expertise des personnes ayant des limitations fonctionnelles, en adaptant les NTIC en tenant compte des revendications des personnes ayant des limitations fonctionnelles et en mettant en œuvre raccommodement nécessaire que les NTIC soient vraiment utilisables par les personnes ayant des limitations fonctionnelles

•      Que l'État mette en place une réelle reconnaissance des acquis pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles en tenant compte des différentes limitations (ex : langage gestuel, oraliste, sensoriel, apprentissage du braille, langage simplifié) et des différentes expériences tels que le bénévolat et l'engagement social. Une certaine harmonisation est également nécessaire à la fois entre les différents services publics de l'éducation, de la santé, de l'emploi mais également entre les diverses composantes gouvernementales et non gouvernementales qui offrent des services de formation continue. Le but est d'arrêter la course à la clientèle ou à l'exclusion d'une partie de la clientèle pour doter tous les adultes en formation continue d'un savoir correspondant à leurs besoins (accommodement .temps partiel, durée des études, moyens de communication en médias substituts, ressources humaines en accompagnement, diversité d'approche et de modes d'intervention, etc.), transférable, reconnu et qualifiant pour leur ouvrir plusieurs horizons : études, travail, implication sociale, culture, etc.

4) CONCLUSION

Voilà ce que nous aurions aimé lire dans ce projet de politique de l'éducation des adultes dans une perspective de formation continue.

Si nous reconnaissons que l'État reprend les grands principes énoncés dans ses propres politiques, lois et règlements concernant les personnes ayant des limitations fonctionnelles, et certaines constations et revendications du mouvement associatif des personnes ayant des limitations fonctionnelles, nous espérons ne pas devoir attendre encore 20 ans pour qu'il les applique.

L'expérience douloureuse d'injustice et d'exclusion que nous avons vécue lors de l'adoption de la loi sur l'accès à !'égalité en emploi dans les organismes publics et modifiant la charte des droits et libertés de la personne nous prouve combien notre reconnaissance en tant que citoyenne et citoyen est fragile et comment l'État maintient l'illusion de notre inclusion avec tout un arsenal de beaux principes, en refusant, d'un revers de la main, de les appliquer.

Nous espérons donc que notre message sera pris en compte, que l'état assumera sa responsabilité, tant sociale que financière, que des balises nationales seront mises en place, que le principe d'accommodement se réalisera par des mesures concrètes et adéquates et que, surtout, la culture de formation continue ne se résumera pas à fournir un réservoir de main-d'œuvre mais bien à permettre à tout adulte d'exercer sa citoyenneté par la garantie d'une offre de mesures de formation continue correspondant à ses besoins.

LISTE DES MEMBRES DE LA COPHAN (2001-2002)

MEMBRES DE SOUTIEN