Mémoire final du MÉPACQ

La table ronde des OVEP

Introduction

1. D'entrée de jeu, nous tenons à préciser que le mémoire que nous soumettons aujourd'hui est le troisième que nous avons préparé relativement à nos préoccupations concernant l'éducation des adultes depuis l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement, le premier étant au moment des États généraux sur l'éducation à l'automne 1996 et le deuxième étant en réponse à la publication de « Vers une politique de la formation continue » en octobre 1998.   Durant cette même période, nous avons également participé activement à deux consultations, soit celle présidée par M. Paul Inchauspé au printemps 1999, et celle de la Commission des États généraux sur l'éducation à l'automne 1996 au cours desquelles nous avons répondu à des questions très précises sur nos préoccupations. Enfin, nous avons participé fidèlement aux travaux du Comité consultatif sur l'éducation populaire, mandaté par l'ancienne ministre de l'éducation à préparer une proposition concrète pour donner suite à l'engagement électoral du gouvernement, soit de «... concevoir, de concert avec les intervenants, une véritable politique de reconnaissance et de financement des organismes volontaires d'éducation populaire. »

2. En conséquence, ce mémoire sera très court et très direct car nous avons déjà dit ailleurs ce que nous avions à dire sur le sujet de la formation continue.

Commentaires généraux sur Le Projet de politique de l'éducation des adultes

3.   Nous avons critiqué votre livre vert « Vers un projet de politique en formation continue » particulièrement en raison de son éloignement des principes qui sous-tendent la Déclaration de Hambourg. Signée par votre gouvernement, cette Déclaration affirme que «l'éducation des adultes devient donc plus qu'un droit; elle est une clé pour le XXIe siècle. Elle est à la fois la conséquence d'une citoyenneté active et la condition d'une pleine et entière participation à la vie de société. Il s'agit d'un concept propre à contribuer puissamment à l'instauration d'un développement écologiquement durable, à la promotion de la démocratie, de la justice, de l'équité entre les sexes et du développement scientifique, social et économique, ainsi qu'à l'édification d'un monde qui, à la violence, préférera le dialogue et une culture de la paix fondée sur la justice ».1 En somme, nous avons critiqué le livre vert pour son manque de fil conducteur, de vision d'ensemble. À ce sujet, Le Projet de politique de l'éducation des adultes ne représente aucunement une avancée. Nous sommes franchement déçus de son manque d'envergure et craignons que celui-ci démontre un manque de volonté politique de doter le Québec d'une véritable stratégie globale en matière d'éducation des adultes qui soit fidèle aux engagements qu'il a contractés à Hambourg devant la communauté internationale.

4.   Nous avons également critiqué la portée « d'employabilité » du Livre Vert, sujet qui a pris toute la place aux dépens d'une préoccupation « sociale ». Le Projet de politique de l'éducation des adultes, à cet égard, ne rectifie pas non plus le tir. Il nous est inconcevable qu'une politique gouvernementale en éducation des adultes n'incorpore pas le rôle des musées, de Télé-Québec, des maisons de culture et d'autres éléments relevant du domaine public dans une vision intégrée d'ensemble. Que l'on réduise, encore une fois, l'éducation des adultes à une préoccupation étroite des adultes au marché du travail nous dépasse et, encore une fois, éloigne le gouvernement du Québec du fondement de la Déclaration de Hambourg.

5.   Nous ne serions pas le seul organisme à vous demander de refaire vos devoirs, mais nous tenons, dès le début de nos remarques à vous indiquer clairement, et sans aucune ambiguïté: la nouvelle version de votre politique ne passe pas la rampe. Elle est sans envergure, sans inspiration et sans direction. Et ce, à un moment dans notre histoire collective où le changement se fait tellement vite - que ce soit au niveau technologique, environnemental, social ou politique - qu'il exige que le Québec se dote d'une culture éducative permettant aux adultes d'avoir accès à des lieux d'apprentissage individuel et collectif tout au long de leur vie.

La place et les actions envisagées par rapport à l'éducation populaire (autonome) :  Rappels, questions, soucis, suggestions, recommandations

6.   Le rapport final des États généraux proposait « qu'il est temps que les organismes volontaires d'éducation populaire soient reconnus et que leur rôle et leurs relations avec le système d'éducation soient plus clairement définis ». La ministre Pauline Marois s'est engagée formellement à procéder dans ce sens lorsqu'elle a confié le mandat, en mai 1996, au Comité consultatif sur l'éducation populaire de lui proposer une façon de procéder à la reconnaissance formelle de l'éducation populaire. Le Chantier sur la formation continue a repris le même mandat. Même si son rapport n'a jamais vu le jour, il a proposé de modifier la loi sur le Ministère de l'éducation. Vers une politique de la formation continue abonde dans le même sens en proposant de « reconnaître, dans une loi, le rôle et la contribution de l'éducation populaire ». C'est la même chose dans le premier Rapport Inchauspé lorsqu'il suggère : « Maintien de deux instances [programmes], annonce d'augmentation des budgets, reconnaissance dans une loi des groupes d'éducation populaire » ; de même le Rapport Inchauspé II : « la reconnaissance légale des groupes communautaires travaillant dans le domaine de la formation des adultes», notamment par des modifications de la Loi sur l'instruction publique. Ce rapport a également proposé le maintien des deux programmes et leur bonification. En survol, voici le contexte à partir duquel Le Projet de politique de l'éducation des adultes aborde la question de l'éducation populaire.

7.   Trois actions sont envisagées dans Le Projet de politique de l'éducation des adultes par rapport à l'éducation populaire, lesquelles sont toutes assujetties aux orientations retenues dans la nouvelle politique gouvernementale de reconnaissance de l'action communautaire.

Questions: Le Comité consultatif sera-t-il invité à participer à des discussions visant à mesurer l'impact de L'Action communautaire sur les programmes ministériels, ou va-t-il seulement être informé des décisions prises ailleurs? Quel est l'échéancier concret?

Action # 1

On propose de modifier la loi constitutive du Ministère de l'éducation, de façon à reconnaître officiellement le rôle particulier et indispensable des groupes d'éducation populaire en matière de formation des adultes.

Recommandation # 1: Nous demandons au gouvernement de revoir son action envisagée qui se lit actuellement «Modifier la loi constitutive du ministère de l'éducation, de façon à reconnaître officiellement le rôle particulier et indispensable des groupes d'éducation populaire en matière de formation des adultes » (p. 36). Nous proposons que celui-ci soit remplacé par un libellé qui va dans le sens de :

Modifier la loi constitutive du Ministère de l'éducation, de façon à ce qu'il reconnaisse officiellement et finance le champ éducatif qu'est l'éducation populaire autonome.

10. Par ailleurs, nous regrettons encore une fois que Le Projet de politique de l'éducation des adultes ne fasse référence qu'à l'éducation populaire au lieu de l'éducation populaire autonome. Comme nous l'avons soulevé dans notre mémoire précédent, et constamment au Comité conjoint, la différence tient plus qu'à un mot. L'éducation populaire autonome est un concept assez précis qui a des racines bien identifiables, entre autres dans les pratiques libératrices développées par Paulo Freire en Amérique latine. D'ailleurs nous portons depuis 1978 une définition de l'éducation populaire autonome, celle-là même qui a été adoptée à nouveau au Congrès d'orientation de février 2000 comme étant la base de notre Mouvement:

« L'éducation populaire autonome est l'ensemble des démarches d'apprentissage et de réflexion critique par lesquelles des citoyens et citoyennes mènent collectivement des actions qui amènent une prise de conscience individuelle et collective au sujet de leurs conditions de vie ou de travail, et qui visent à court, moyen ou à long terme, une transformation sociale, économique, culturelle et politique de leur milieu. »

11.Le Gouvernement propose de modifier la loi constitutive du ministère de l'éducation afin de « reconnaître le rôle particulier et indispensable des groupes d'éducation populaire en matière de formation des adultes. »

Questions: Le Gouvernement, peut-il nous identifier les groupes d'éducation populaire qu'il s'apprête à reconnaître? Que voulez-vous reconnaître au juste?

Suggestion: Dans L'Action communautaire, votre gouvernement vient d'embrasser une certaine définition de l'éducation populaire autonome qui s'apparente à la nôtre :

« Le gouvernement reconnaît en outre l'éducation populaire autonome (notre soulignement) effectuée dans une perspective de défense des droits qui a pour objectif d'outiller des personnes ou des groupes de personnes, de les responsabiliser, de leur donner du pouvoir face à des situations problématiques personnelles ou collectives ou encore les éduquer aux grands principes qui animent la participation à la vie démocratique. »(p.25)

Voici enfin le début d'une reconnaissance de l'ÉPA, telle que nous la demandions depuis plus de dix ans. Cette affirmation, tirée d'un texte formellement adopté par le Conseil des ministres il y a deux mois, est un véritable pas en avant dans le sens de la reconnaissance que nous recherchons. Nous nous attendons à ce qu'elle soit la définition à la base de la modification de la loi constitutive du Ministère de l'éducation.

12.Par contre, et inexplicablement, le Gouvernement semble limiter cette reconnaissance de l'ÉPA aux seuls organismes de défense des droits (la page 25 ne traitant que de ces organismes-là). « Inexplicablement », car depuis plus de trente ans (et non pas depuis dix ans comme le dit Le Projet de politique en éducation des adultes!), le Ministère de l'éducation, par le biais de son Programme de soutien aux organismes d'éducation populaire autonomes (PSÉPA - sic), subventionne des pratiques d'ÉPA d'une myriade de groupes qui dépassent largement les groupes de défense collective des droits. « Inexplicablement », aussi parce que le Gouvernement lui-même semble accepter ce fait en affirmant que l'un des objectifs généraux de sa récente politique envers l'action communautaire est de :  Valoriser,soutenir et consolider l'action communautaire autonome et ce qui en constitue l'essence, soit l'éducation populaire et la transformation sociale (notre soulignement), le soutien à la vie démocratique, le développement d'une vision globale des problématiques, l'exercice de la citoyenneté et l'enracinement dans la communauté, (p. 10)

Questions :    Encore une fois dans un document gouvernemental, nous constatons un apparent manque de rigueur concernant les concepts utilisés pour décrire notre milieu et notre travail.   Les citations reproduites aux paragraphes 11 et 12 ci- dessus, tirées toutes les deux de la récente politique L'Action communautaire, utilisent deux vocables différents pour décrire ce que nous pensons être la même réalité : d'une part, l'éducation populaire; d'autre part, l'éducation populaire autonome. Pour le gouvernement, les deux concepts représentent-ils la même réalité ou encore deux réalités différentes? S'ils sont différents, quelle est la différence?

Recommandation #2 : Que l'EPA, telle que reconnue et définie dans la récente politique en Action communautaire, et l'éducation populaire, telle qu'elle est décrite ci-dessus dans Le Projet de politique de l'éducation des adultes soit le champ éducatif que le Gouvernement reconnaisse comme faisant partie de la responsabilité du MEQ.

Action envisagée #2.

On propose de « maintenir les programmes actuels de soutien financier à l'action éducative des groupes populaires, et convenir avec les groupes intéressés des bonifications à apporter au plan des objectifs ainsi que des conditions d'attribution du financement ».

15. Le Projet de politique de l'éducation des adultes nous laisse sur notre appétit au plan du financement. Certes, depuis l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement, les budgets alloués aux Programmes d'éducation et d'alphabétisation populaires autonomes ont commencé à croître légèrement. D'abord, du temps du ministre Garon, les compressions budgétaires des années précédentes se sont vues remises; ensuite, des engagements électoraux se sont concrétisés. Bien que les budgets soient encore largement insuffisants comparés aux besoins vécus par les organismes d'ÉPA, nous reconnaissons les efforts des ministres Marois et Legault à cet égard.

16.Cependant, la deuxième action envisagée nous rend perplexe. Les pourparlers des dernières années avec des représentants du MEQ nous ont laissé croire que le Gouvernement s'engagerait à bonifier le financement alloué à l'éducation populaire (autonome). Nous nous attendions à voir Le Projet de politique de l'éducation des adultes dire : « Le Gouvernement s'engage à bonifier le financement des organismes d'éducation populaire autonome ». Mais, le projet de politique ne dit pas ceci. Au contraire, le Gouvernement propose de bonifier les objectifs et les conditions d'attribution du financement.

Question : Que veut dire « bonifier les objectifs et les conditions d'attribution »?

Questions : Comment, à la lumière des exigences de la politique L'Action communautaire, le Gouvernement, et plus particulièrement le MEQ, proposent-ils de « maintenir les programmes actuels de financement »? Va-t-il poursuivre sa reconnaissance d'une forme quelconque de fonctionnement par demande regroupée, tel qu'elle se pratique depuis une vingtaine d'années dans Québec-Chaudière/Appalaches et dans l'Outaouais?

19.Pour revenir aux propos de L'Action communautaire et de l'avenir du soutien gouvernemental de l'éducation populaire autonome, c'est très clair que cet avenir ne passe pas par « les projets ponctuels » puisqu'un tel financement ne garantie pas la pérennité des organismes porteurs. Il ne passe pas non plus par un financement complémentaire, soit des ententes de service liant l'organisme aux objectifs d'un bailleur de fonds. Selon les nouvelles règles de jeu gérant le financement du communautaire, il faut conclure que l'avenir du financement de l'ÉPA passe par son inclusion dans les coûts finançables par le type de financement qu'on appelle « en appui à la mission ». Ce qui, à son tour, pose plusieurs questions à plusieurs niveaux.

Questions : Le MEQ participera-t-il au financement « en appui à la mission » de tous les organismes d'action communautaire autonome (puisque l'éducation populaire autonome fait partie de « l'essence même » de l'action communautaire autonome (L'Action communautaire, p. 10)?    Ou participera-t-il uniquement au financement de quelques organismes. Lesquels?

Le niveau de participation gouvernementale « en appui à la mission » des organismes sera-t-il à un niveau suffisant pour permettre aux organismes de maintenir leurs pratiques en ÉPA?

Comment traduire l'engagement gouvernemental de modifier la loi constitutive du Ministère de l'éducation vis-à-vis de l'éducation populaire (autonome) dans un contexte où le gouvernement lui-même décrit l'éducation populaire comme étant de l'essence même de l'action communautaire autonome?

Recommandation #3: Peu importe son lieu de provenance, le niveau d'un éventuel financement en appui à la mission des organismes, dans lequel se retrouveront des montants nécessaires pour permettre aux organismes de faire de la conscientisation et de la mobilisation sociale, doit être suffisamment élevé pour éviter qu'un organisme d'ÉPA soit obligé d'avoir recours au financement complémentaire afin de survivre et de remplir sa mission.

20.       Les engagements gouvernementaux de L'Action communautaire et les actions envisagées du Projet de politique de l'éducation des adultes font resurgir la question du Ministère de l'Éducation et de son devoir face au dossier de l'ÉPA au Québec. Rappelons que depuis plus de 30 ans, le MEQ finance (mal) certains groupes qui ont des pratiques d'ÉPA. C'est sous la responsabilité du MEQ que l'ÉPA a été développée au point où le Gouvernement reconnaît aujourd'hui l'importance « de la formation dans l'action et des adultes qui se servent de l'éducation populaire pour alimenter leur engagement social. » Pour des raisons historiques, mais également à cause de sa mission sociale, le MEQ doit prendre un engagement particulier de soutenir financièrement, directement ou indirectement, les initiatives qui vont dans ce sens, notamment celles des groupes de défense collective des droits, des organismes pour qui l'ÉPA est à la base de leur approche, et des organismes dont la formation conscientisante est la mission principale.

Recommandation # 4 : Nous sommes conscients que l'adoption de L'Action communautaire entraînera des conséquences sur le financement gouvernemental des organismes d'ÉPA.  Nonobstant les décisions à venir à cet égard, nous recommandons que le MEQ soit imputable au sein du gouvernement pour le développement et le soutien de l'éducation populaire autonome. Nous recommandons aussi que la modification de la loi constitutive du MEQ, par laquelle le MEQ reconnaîtra que l'ÉPA relève de son champ de compétence, oblige le Ministère à promouvoir l'éducation populaire (autonome) partout dans l'appareil gouvernemental, et ce, au nom de sa responsabilité sociale de s'assurer de la formation d'une citoyenneté adulte critique et capable d'intervenir dans des débats publics, et dans le respect des engagements pris lors de la Conférence de Hambourg. Le véhicule qu'il aura désormais à sa disposition pour exhorter les autres ministères à se préoccuper de cette question est le Comité interministériel sur l'action communautaire.

Recommandation # 5 : Que le Comité consultatif sur l'éducation populaire soit maintenu comme le mécanisme privilégié permettant aux regroupements nationaux d'ÉPA d'interpeller directement le MEQ sur son travail visant le soutien et le développement de l'ÉPA.

21. Un prérequis pour le soutien et le développement de l'ÉPA partout au Québec est le maintien et le renforcement d'un réseau régional dédié à cette fin. Ce n'est manifestement pas la première fois que le MÉPACQ intervient sur ce sujet, ayant souligné à maintes reprises la situation fragile de son réseau.2 À ce sujet, maintenant que le projet de politique en éducation des adultes et la politique en action communautaire sont sur la place publique, nous croyons le moment venu pour le Gouvernement du Québec d'annoncer comment il entend soutenir le réseau régional de l'ÉPA. Pour des raisons historiques, nous croyons que le Gouvernement doit annoncer que c'est le MEQ qui en aura la responsabilité, et ce, en raison de la mission de ce ministère à la formation des citoyens et des citoyennes critiques et éveillés (s'inspirant ainsi des engagements pris par le gouvernement québécois à Hambourg en 1999).

Recommandation #6 : Que le MEQ reconnaisse et soutienne adéquatement le réseau régional des Tables en ÉPA, et son secrétariat national le MÉPACQ, comme outils indispensables pour le développement et la promotion de l'ÉPA sur le terrain.

22.       La récente politique de soutien à l'action communautaire précise qu'« il n'est pas exclu qu'un organisme ou un regroupement d'organismes soit rattaché à plus d'un ministère ou organisme gouvernemental lorsque sa mission est multisectorielle. » (p. 31) Considérant que le MÉPACQ et ses Tables régionales en ÉPA ont une mission multisectorielle : défense, promotion, développement et soutien de l'ÉPA ; promotion, développement et soutien des luttes sociales favorisant la défense collective des droits, nous nous attendons à ce que leur financement provienne aussi du Fonds d'aide de l'ACA.

Action # 3 envisagée

On propose « d'inscrire dans la planification des groupes d'éducation populaire les objectifs à atteindre et les indicateurs leur permettant de faire connaître leurs interventions en matière d'éducation populaire »

23.  Les organismes d'éducation populaire autonome ont toujours rendu des comptes pour des argents publics reçus. Les organismes d'éducation populaire autonome ont toujours et depuis longtemps remis au Ministère des rapports très détaillés sur les activités réalisées avec leur subvention. À chaque année le Ministère reçoit leurs rapports, en saisit les données, et contacte (au besoin) les organismes pour faire état des lacunes et des ajustements désirés. Dans le contexte de la pratique actuelle, cette action envisagée nous questionne profondément :

Question : Pourquoi cette action a-t-elle été proposée? Quelle est sa cible? Que vise-t-on au juste?

Question : Comment un groupe d'ÉPA, dont la mission première (par exemple) est de répondre aux attentes de ses membres, peut-il être soumis à un régime de reddition de comptes, imposé par une agence externe à l'organisme et caractérisé par des objectifs à atteindre et des indicateurs pour mesurer les résultats obtenus.

24. Dans la politique de L'Action communautaire, le gouvernement reconnaît lui-même que «les activités liées à la mission sociale des organismes d'action communautaire autonome recouvrent des éléments qui ne peuvent faire l'objet de la même reddition de comptes que celles prévalant pour les activités particulières soutenues par les ententes de service. C'est le cas, par exemple, des éléments susceptibles de composer la vie associative, l'éducation populaire (notre soulignement), la défense collective des droits et la concertation ». (P.36) Le MEQ devra en tenir compte avant de demander aux groupes d'ÉPA d'élaborer des objectifs et des indicateurs.

 

Conclusion

28. Maintenant que le Gouvernement est en train de travailler à la mise en œuvre de ses engagements envers les organismes d'action communautaire autonome, c'est maintenant aussi qu'il se doit de financer des organismes voués à la conscientisation des populations adultes et à la transformation de la société québécoise dans le sens d'une plus grande justice sociale. Il est grand temps que l'éducation populaire autonome, et ses organismes porteurs, reçoivent leur juste dû.

Annexe 1

Sommaire des recommandations du mémoire du MÉPACQ

Recommandation # 1: Nous demandons au gouvernement de revoir son action envisagée qui se lit actuellement «Modifier la loi constitutive du ministère de l'éducation, de façon à reconnaître officiellement le rôle particulier et indispensable des groupes d'éducation populaire en matière de formation des adultes » (p. 36). Nous proposons que celui-ci soit remplacé par un libellé qui va dans le sens de :

Modifier la loi constitutive du Ministère de l'éducation, de façon à ce qu'il reconnaisse officiellement et finance le champ éducatif qu'est l'éducation populaire autonome.

Recommandation #2 : Que l'ÉPA, telle que reconnue et définie dans la récente politique en Action communautaire, et l'éducation populaire, telle qu'elle est décrite dans le descriptif du Projet de politique de l'éducation des adultes soit le champ éducatif reconnu par le Gouvernement comme faisant partie de la responsabilité du MEQ.

Recommandation #3: Peu importe son lieu de provenance, le niveau d'un éventuel financement en appui à la mission des organismes, dans lequel se retrouveront des montants nécessaires pour permettre aux organismes de faire de la conscientisation et de la mobilisation sociale, doit être suffisamment élevé pour éviter qu'un organisme d'ÉPA soit obligé d'avoir recours au financement complémentaire afin de survivre et de remplir sa mission.

Recommandation # 4 : Nous sommes conscients que l'adoption de L'Action communautaire entraînera des conséquences sur le financement gouvernemental des organismes d'ÉPA. Nonobstant les décisions à venir à cet égard, nous recommandons que le MEQ soit imputable au sein du gouvernement pour le développement et le soutien de l'éducation populaire autonome. Nous recommandons aussi que la modification de la loi constitutive du MEQ, par laquelle le MEQ reconnaîtra que l'ÉPA relève de son champ de compétence, oblige le Ministère à promouvoir l'éducation populaire (autonome) partout dans l'appareil gouvernemental, et ce, au nom de sa responsabilité sociale de s'assurer de la formation d'une citoyenneté adulte critique et capable d'intervenir dans des débats publics, et dans le respect des engagements pris lors de la Conférence de Hambourg.

Recommandation # 5 : Que le Comité consultatif sur l'éducation populaire soit maintenu comme le mécanisme privilégié permettant aux regroupements nationaux d'ÉPA d'interpeller directement le MEQ sur son travail visant le soutien et le développement de l'ÉPA.

Recommandation #6 : Que le MEQ reconnaisse et soutienne le réseau régional des Tables en ÉPA, et son secrétariat national le MÉPACQ, comme outils indispensables pour le développement et la promotion de l'ÉPA sur le terrain.

1 Article 2 de la Déclaration de Hambourg sur l'éducation des adultes.

2 Voir nos mémoires S'éduquer autrement (1998) p. 7-8 et L'Autre éducation (1995) p. 11