Vingt ans...toutes ses dents et du mordant !!!

FRAPRU 1978-1998 TOUJOURS AU FRONT !

Rédaction   François Saillant

Collaboration   Pierre Gaudreau Lucie Poirier Caroline Soulard

Correction   Maria Giguère

Jean-Pierre Wilsey

Graphisme   André Leclerc

Impression   Payette & Simms

Octobre 1998

Dépôt Légal

À vingt ans, la personnalité est formée.  Celle du FRAPRU ? Elle se distingue sans conteste par son opiniâtreté et sa détermination ; même ses adversaires politiques les plus tenaces le reconnaissent (et en témoignent dans le présent document). Mais le FRAPRU, c'est aussi courage, intelligence et générosité.

Depuis vingt ans, le FRAPRU décrie l'injustice et l'indécence ; car oui, il est intolérable que, dans un pays riche comme le nôtre, à l'aube de l'an 2000, des centaines de milliers de personnes doivent encore choisir entre manger et se loger. Sans mâcher ses mots, le FRAPRU dénonce l'usurpation des richesses collectives au profit d'une minorité de plus en plus réduite et de plus en plus rapace ; il dénonce la paresse politique de ceux et de celles qui croient qu'on ne peut rien faire et qu'on doit laisser faire.

Depuis vingt ans, le FRAPRU est aussi le reflet de l'intelligence communautaire. Malgré les espoirs trahis et malgré le manque apparent de moyens, le FRAPRU réinvente et affine continuellement ses stratégies. Il considère toutes les possibilités, il ne s'épargne aucune réflexion... en autant que cela participe à trouver des solutions concrètes à des problèmes et des besoins tout aussi concrets.

Les forces vives du FRAPRU, ce sont évidemment les femmes et les hommes qui choisissent d'agir ensemble pour que ça change, pour que leur vie ne soit pas que survie, pour obtenir des logements convenables et pouvoir rester dans leurs quartiers, en sécurité. On ne peut guère trouver mieux comme source d'inspiration et comme motivation. Je suis fière d'appartenir et de contribuer à ce mouvement.

Le sentez-vous ? Le FRAPRU est plein d'énergie, avec ce qu'il faut de maturité et de mordant... pour gagner, rien de moins.

 Puisse chacun être son propre historien. Il vivra alors avec plus de soin et d'exigence. »

Bertolt Brecht

Table des matières

1978 et bien avant

Des comités de citoyens au FRAPRU

1979-1981

Des débuts difficiles

1981-1985

L'enracinement

1986-1991

Provoquer le débat

1991-1994

La grande défaite : le retrait d'Ottawa

1994-1997

Toujours vivant !

1997-1998

Les nouveaux défis du FRAPRU

Toujours un espoir, une aspiration

Au FRONT...sur bien des fronts

Quand le social fout le camp...

À l'extérieur de SPQ

L’Épisode du Sommet

Aide sociale: arrêter l'hémorragie

Pas de Québec sans nous !

Quand le tiers des mal-logéEs habitent une même ville : Montréal

Le gâchis Overdale

La radicalisation

Le marché privé, ça marche pas !

Enfin, une fédération de locataires de HLM

Derrière les bannières

Témoignages

1978 et bien avant

Des comités de citoyens au FRAPRU

Si le FRAPRU a pu voir le jour, c'est que depuis plusieurs années déjà, des citoyens et des citoyennes avaient commencé à se regrouper et à s'organiser localement pour mieux contrôler leurs conditions de logement et de vie.

Les quartiers s'organisent

C'est en plein bouillonnement des années soixante qu'apparaissent les premiers comités de citoyens1. C'est au Conseil des œuvres de Montréal qu'il revient d'en avoir créé le tout premier, en 1963, dans le quartier Saint-Henri, à Montréal. Au cours des cinq années suivantes, des groupes du même type sont mis sur pied dans d'autres quartiers : Pointe Saint-Charles, Hochelaga-Maisonneuve, Centre-Sud...

Des comités voient aussi le jour ailleurs au Québec, la plupart à l'instigation des paroisses ou de la Compagnie des jeunes Canadiens, un organisme mis sur pied et financé par le gouvernement fédéral, mais qui deviendra rapidement un foyer de contestation.

À Québec, le Comité de citoyens de l'Aire 10 (quartier Saint-Roch) est créé en 1966, celui du quartier Saint-Sauveur en 1969. À Trois-Rivières, la construction d'une autoroute provoque la création d'un premier comité de citoyens dès 1966. En Outaouais. l'Association générale de l'Ile de Hull est formée en 1968 avec l'intention de susciter la formation et le regroupement de comités sur des enjeux identifiés par la population : santé, éducation, logement, etc.

Les préoccupations de ces groupes sont souvent très larges, allant du logement à la demande d'équipements collectifs comme des écoles ou des terrains de jeu. La résistance aux entreprises gouvernementales de rénovation urbaine se retrouve toutefois plus souvent qu'autrement au centre des préoccupations et des luttes.

Quand la rénovation passe par le bulldozer

De la fin des années cinquante au milieu des années soixante-dix, le Québec se transforme profondément pour entrer de plain-pied dans l'ère du capitalisme moderne.


Le processus d'urbanisation amorcé au cours, des décennies antérieures s'accélère. Les centres-villes étendent leurs tentacules en raison de l'expansion des fonctions gouvernementales et du secteur des services surtout à Québec. Montréal et Hull. Les géants de l'immobilier comme Trizec. Cadillac ou Concordia concoctent de vastes projets d'hôtels ou de logements à loyer élevé. Des autoroules sont construites pour permettre le transport rapide de banlieusards de plus en plus nombreux à leur lieu de travail, contribuant du tait même à un étalement urbain aussi coûteux économiquement que socialement et écologiquement.

Tout ce processus excite évidemment l'appétit de spéculateurs, petits et gros. Les terrains situés dans les centres-villes ou en périphérie de ceux-ci en viennent à valoir beaucoup plus cher que les maisons qui sont situées dessus. Elles sont laissées à l'abandon, démolies ou carrément incendiées.

Des dizaines de milliers de logements ouvriers disparaissent sous le pic des démolisseurs. À Québec, les quartiers Saint-Roch et Saint-Jean-Baptiste sont éventrés, vidés de 20% de leur population. À Montréal, l'administration du maire Jean Drapeau orchestre la disparition de 30 000 logements. À Hull, sur une période de cinq ans, 1 500 habitations sont détruites, 5 000 citoyens et citoyennes forcés à déménager.

Les programmes gouvernementaux de rénovation urbaine, planifiés à Ottawa, alimentent le phénomène, en subventionnant les villes, pour qu'elles achètent et démolissent des logements. Les élus municipaux, eux, se laissent d'abord guider par l'expansion à court terme de leur assiette fiscale.

La politisation

 Au départ, les comités de citoyens, axés sur l'animation sociale, ne s'opposent pas directement à la rénovation urbaine, privilégiant le dialogue avec les autorités municipales. Le désenchantement qui s'en suit les pousse toutefois à se politiser et à se radicaliser.

Le 19 mai 1968, une vingtaine de comités de plusieurs villes se réunissent dans une école du quartier Saint-Henri, à Montréal. À la fin de la rencontre, les 200 personnes présentes adoptent une résolution affirmant : « Nous sentons qu'il est temps de changer le système gouvernemental qu'on a... Nous avons tous les mêmes grands problèmes ; nous devons sortir de l'isolement et de l'esprit de clocher ; les gouvernements doivent devenir nos gouvernements : nous n'avons plus le choix, il nous faut passer à l'action politique ».2

Cette volonté, qui rejoint les préoccupations alors en cours dans les centrales syndicales, mène, dans le cas de Montréal, à la création de comités d'action politique (CAP) dans les différents quartiers, puis du Front d'action politique (FRAP) qui fait la lutte au maire Drapeau, aux élections de 1970.3

Une lutte qui ne date pas d'hier

Il faut remonter jusqu'en 1914 pour trouver les premières traces de luttes sur le logement au Québec. Une éphémère Ligue protectrice des locataires fait alors son apparition à Montréal. D'autres associations de locataires naîtront puis disparaîtront de la même façon au cours des décennies suivantes.

Durant la Grande crise, au début des années trente, des organismes proches du Parti communiste du Canada, s'opposent fortement aux évictions des sans-travail incapables de payer leur loyer. Ils ajoutent l'acte à la parole en organisant la résistance face aux huissiers.

Au retour de la deuxième guerre mondiale, devant la rareté extrême de logements. Henri Gagnon, organisateur provincial du Parti communiste devenu entretemps Parti ouvrier progressiste, anime la Ligue des vétérans sans logis.

D'octobre 1946 à août 1947. des immeubles (anciennes maisons de jeu. baraque et hôpital militaires, édifices à logements) sont occupés à Montréal, à Longueuil et même sur l'Ile Sainte-Hélène.

Lors de ces squats, auxquels participent au total 80 familles comprenant des centaines d'enfants, la Ligue demande aux autorités responsables : « 1. de mettre immédiatement à la disposition des anciens combattants tous les locaux capables d'abriter les familles sans logement : 2. de passer à l'application immédiate d'un plan de construction de logements à prix modique, afin qu'il soit possible à chacun de se loger ».4

Le FRAPRU vu par...Pierre Lagrenade

C'est un des rares regroupements qui parlent haut et clair des problèmes de centaines de milliers de personnes et familles que notre société contraint à la pauvreté et qui font particulièrement face à des difficultés de logement.

C'est ensuite quelques centaines de militantes et militants déterminés qui, avec acharnement et imagination, inventent et trouvent les moyens d'exprimer leurs revendications, qui sont un exemple vivant de la possibilité et de l'importance de lutter pour un monde meilleur.

C'est finalement une toute petite permanence qui réussit à animer le tout et a acquis une expertise telle que le FRAPRU est devenu un interlocuteur incontournable quand le gouvernement ou les médias parlent de pauvreté ou de logement social.

Pierre LaGrenade a été animateur social au Conseil du développement social du Montréal métropolitain (anciennement Conseil des œuvres), dans les années soixante et soixante-dix. Il est syndicaliste et organisateur communautaire au CLSC de Châteauguay.

Les groupes populaires se transforment...

À la fin des années soixante et tout au long des années soixante-dix, les groupes populaires se multiplient et se diversifient. Il en est de même sur le front de l'habitation.

D'autres comités de citoyens font leur apparition, surtout à l'extérieur de Montréal où ce type d'organisations disparaît plutôt progressivement.

Des associations de locataires sont mises sur pied, souvent avec l'aide de la Confédération des syndicats nationaux (CSN). La quasi-totalité de ces groupes a une existence éphémère. D'autres les remplacent graduellement, cette fois de façon beaucoup plus durable sous forme de comités logement ou d'associations de locataires.

Ces groupes font du cas à cas juridique. Certains s'impliquent également dans d'importantes luttes collectives contre les hausses de loyer, mais aussi contre les démolitions. C'est le cas par exemple de Logement-va-pu qui, à Hull, développe une approche plus combative que celle adoptée jusque là. C'est aussi le cas du Comité logement Saint-Louis qui, en 1975, va jusqu'à l'occupation pour s'opposer à la démolition de 49 logements, sur la rue Saint-Norbert, à Montréal

Aidées par une modification apportée en 1973 dans les programmes de la Société centrale d'hypothèques et de logement (SCHL), les coopératives d'habitation se développent rapidement en lien avec les luttes menées sur l'enjeu de la rénovation. Dans le quartier Saint-Jean-Baptiste de Québec, c'est un projet de coop qui permet de sauver la rue Saint-Gabriel, pourtant acquise par la Ville en vue du passage d'une autoroute. Même chose dans le quartier Milton Park de Montréal où une lutte de plus de dix ans permet d'arracher 616 logements des griffes de Concordia Estates et autres développeurs immobiliers.

L'expansion du logement coopératif donne du même coup naissance à un nouveau type de groupe formé de personnes-ressources (architectes, animateurs et animatrices, etc.) désireuses de mettre leurs compétences au service de cette formule. Il s'agit des groupes de ressources techniques dont la Société d'habitation du Québec (SHQ) accepte d'assurer le financement à partir de 1977.

... les pratiques de l'État aussi

Si les pratiques populaires se transforment, il en est de même de celles de l'État. La rénovation-bulldozer a fait son temps, le « nettoyage » des centres-villes est avancé, la disponibilité de terrains assurée pour des développements futurs. En 1973, la SCHL et la SHQ lancent de nouveaux programmes davantage axés sur la conservation et l'amélioration des logements et des quartiers.

Le Programme d'amélioration de quartier (PAQ) est offert aux municipalités qui peuvent désigner des zones dans lesquelles elles choisissent prioritairement d'intervenir pour parfaire les équipements socio-récréatifs, les infrastructures municipales et la qualité de l'habitation. Le PAQ prévoit même explicitement la participation des citoyens et des citoyennes.

Le Programme d'aide à la remise en état des logements (PAREL) finance, quant à lui, les travaux de rénovation de logements dans les zones PAQ et dans d'autres secteurs désignés par les municipalités.

Tout cela est beau sur papier. La réalité est toute autre dans la plupart des quarante villes touchées. Les citoyens et les citoyennes ont beau être consultés, leur voix n'est pas pour autant entendue. Les rénovations chassent carrément les locataires en place. Une enquête, publiée en 1976 par la Clinique d'aménagement de l'Université de Montréal, démontre que, dans les quartiers de la métropole, la rénovation s'est soldée par des hausses de loyer moyennes de près de 100 % et par le déménagement de 75 % des locataires.

Le FRAPRU vu par...Sue Moorhead

Je suis fière d'avoir fait partie de l'équipe qui a organisé le Colloque popu- laire sur le Programme d'amélioration de quartier en 1978, ce qui a mené à la naissance du FRAPRU.

J'étais en Afrique du Sud de 1993 à 1997, pendant la période des plus graves coupures dans le développement du logement social au Canada et à Montréal. Je m'attendais à revenir à une situation extrêmement triste pour les locataires. J'étais au moins heureuse de constater que le FRAPRU est toujours au front des luttes pour les plus démuniEs. Viva le FRAPRU, Viva!

Sue Moorhead travaille pour le mouvement coopératif en habitation à Vancouver. Elle vient de passer plus de quatre ans en Afrique du Sud où elle était engagée dans la lutte pour le logement avec le syndicat des mineurs .

Né d'un colloque

En novembre 1977,un groupe de ressources techniques de Montréal dont le quartier est directement affecté par un PAQ, les Habitations communautaires du Centre-Sud, lance l'initiative d'un large colloque réunissant l'ensemble des organismes touchés par ce programme.

Des groupes de plusieurs régions s'impliquent dans une exigeante démarche d'échanges et de débats qui dure près d'un an. Les 20, 21 et 22 octobre 1978, 240 militants et militantes, se retrouvent finalement dans un hôtel de la rue Drummond, à Montréal, pour le Colloque populaire sur les PAQ. Vingt et un groupes y participent, en provenance de Montréal, Québec, Longueuil,Verdun, Sherbrooke, Saint-Hyacinthe, Farnham, Saint-Jean-sur-le-Richelieu, Drummondville, Alma et Lauzon. D'autres organismes de Chicoutimi, Roberval, Beauharnois, Valleyfield et Châteauguay y assistent comme observateurs.

Au cours de trois intenses journées de travail, les groupes adoptent un manifeste critiquant les conséquences de la rénovation urbaine et exprimant un certain nombre de revendications. Contrairement à la rencontre de 1968 et à une autre rencontre provinciale tenue en 1975, les groupes se donnent, cette fois, les moyens d'assurer un suivi au colloque. Ils optent à la quasi-unanimité pour la mise sur pied d'une « organisation commune autour de l'aménagement urbain dont le caractère sera principalement revendicatif, appuyé par des services et visant à établir le rapport de forces qui obligera l'État à adopter des mesures qui profiteront à chacun de nos quartiers».5

Cette organisation voit effectivement le jour, dans les mois qui suivent, sous le nom bien prosaïque de Regroupement autour du Colloque PAQ. En juin 1979, il adopte son nom actuel de Front d'action populaire en réaménagement urbain, le FRAPRU. La référence au FRAP, le parti politique montréalais dissous quelques années plus tôt, est on ne peut plus directe, démonstration parmi d'autres que la nouvelle organisation veut se souvenir...

1979-1981

Des débuts difficiles

Les premiers pas du nouveau regroupement sont difficiles. Le contexte a changé.

Même s'il continue à s'appliquer dans plusieurs quartiers, le gouvernement a officiellement mis fin au Programme d'amélioration de quartier en 1978. La phase intensive de réaménagement urbain, connue dans les années soixante et soixante-dix, s'essouffle.

Né pour réagir à ces politiques, le FRAPRU doit s'ajuster en même temps qu'il a à se donner un fonctionnement, un style d'intervention et une cohésion qui lui soient propres.

Ces débris listants, liés à la propre situation des groupes, conduisent à une véritable érosion dans ses rangs. Certains groupes s'en dissocient pour des raisons idéologiques parce qu'ils jugent les orientations adoptées au Colloque trop floues ou, à l'opposé, parce qu'ils ne se reconnaissent pas dans la condamnation sans appel du PAQ.

D'autres se lassent de la lenteur du regroupement à passer à l'action.  Celui-ci se contente pour l'essentiel d'appuyer les luttes locales, par exemple celle contre la rénovation sauvage de quarante-quatre logements bien connus dans le quartier Saint-Sauveur de Québec sous le nom de Blocs verts.

D'autres groupes se concentrent uniquement sur leurs préoccupations locales.

Alors que vingt et un groupes avaient participé au Colloque de 1978, le FRAPRU n'en compte plus que sept en mars 1980, dont quatre de Québec, un seul de Montréal, un de Sherbrooke et un de Verdun.


Certains d'entre eux sont, de plus, très affaiblis par les défaites encaissées dans la décennie précédente. C'est le cas par exemple du Comité de citoyens de l'ACCENTS à Sherbrooke, qui avait pourtant joué un grand rôle dans la démarche du Colloque PAQ. ou encore du Comité des citoyens de l'Aire 10 de Québec qui n'est plus l'ombre de ce qu'il avait été quelques années plus tôt.


Des quartiers où nous pourrons rester

A travers toutes ces difficultés, le FRAPRU réussit néanmoins à se doter d'un cahier de revendications intitulé Des quartiers où nous pourrons rester.

Le cahier ne bouleverse rien, se contentant pour l'essentiel de mettre de l'ordre dans les préoccupations déjà adoptées ou au moins débattues au Colloque PAQ. Il s'articule autour de trois grandes revendications : maintien de la population résidante dans les quartiers populaires, préservation du stock de logements à bas loyer et rénovations aux conditions des résidantEs. Son grand mérite est de renforcer l'unité entre les groupes qui s'était plutôt effritée depuis le Colloque.

La campagne de sensibilisation menée autour de ce cahier est beaucoup plus percutante, donnant un avant-goût de l'impact que peut avoir un regroupement comme le FRAPRU, à l'échelle nationale comme à celle des villes et des quartiers touchés.

Du 22 septembre au 29 novembre 1980, des activités sont organisées dans les villes de Montréal, Québec, Sherbrooke, Saint-Hyacinthe, Verdun, Joliette, Longueuil et Chicoutimi.

Une pièce de théâtre est vue par 2 300 spectateurs et spectatrices. La pièce est le résultat d'une collaboration très étroite entre les groupes membres du FRAPRU et la troupe de théâtre À l'Ouvrage. La troupe, liée à l'organisation En Lutte !, n'est pas étrangère aux luttes urbaines. Son origine remonte en effet au Théâtre EUH ! qui avait été très engagé dans la résistance à la rénovation urbaine à Québec.

La pièce Des quartiers où nous pourrons rester est le moteur de la campagne. Le FRAPRU l'accompagne d'autres outils permettant de rejoindre une large audience, dont la publication à 70 000 exemplaires d'un tabloïd de quatre pages vulgarisant ses revendications. La campagne se termine par la participation de 800 personnes à une grande fête de solidarité organisée à l'Église Saint-Edouard de Montréal.

Cap sur le logement social

Le succès inespéré de cette campagne ne fait cependant pas oublier que le FRAPRU n'arrive pas encore à développer de luttes concrètes, suivies.

Le regroupement fait bien des analyses, appréciées dans les groupes, avec la collaboration de l'Atelier de promotion collective de la Faculté d'éducation permanente (FEP) de l'Université de Montréal. La collaboration avec la FEP amorcée avant le Colloque, durera jusqu'à la moitié des années quatre-vingt.

Le FRAPRU commence aussi à faire quelques interventions publiques, par exemple pour réagir à la mise en place, en 1980, d'un nouveau programme de rénovation domiciliaire baptisé Loginove. Au printemps 1981, il coordonne une campagne nationale et locale pour interpeller les partis politiques en lice aux élections générales au Québec.

Les groupes font cependant l'unanimité autour de la nécessité d'aller beaucoup plus loin, en se mobilisant ensemble, au cours des années à venir, autour d'une seule et même priorité de lutte. La question est maintenant de savoir laquelle.

C'est le premier congrès du FRAPRU, tenu à Québec, le 23 mai 1981, qui tranche en décidant, au terme d'un long débat, que cette priorité sera la lutte pour le maintien et l'intensification du logement social. Le congrès se tient dans un édifice qui sera, plusieurs années plus tard, transformé en HLM, sous le nom de Wilfrid Lecours, président de la première heure du Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur...

Pourquoi le logement social ?

Même si le FRAPRU a pu par la suite développer toute une articulation pour justifier la priorité donnée au logement social, les raisons motivant ce choix ne sont alors pas si claires. L'important pour les groupes, c'est surtout de pouvoir enfin s'impliquer tous ensemble, nationalement, sur un même enjeu. La conjoncture se prête par ailleurs à une telle priorisation.


Le logement social a démarré très lentement au Québec, en comparaison avec d'autres provinces. À l'exception notable des 796 logements des Habitations Jeanne-Mance de Montréal, dont la construction a été décidée dans les années cinquante, il faut attendre la création de la SHQ, en 1967, pour que les logements sociaux fassent leur apparition au Québec, en lien avec les programmes de rénovation urbaine.

Dans les années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, le Québec commence à rattraper son retard, d'abord avec l'intensification de la construction de HLM, puis avec le développement de logements coopératifs et sans but lucratif. En 1971, le logement social ne comptait que pour 0,5 % de l'ensemble des logements locatifs du Québec. Dix ans plus tard, en 1981, ce pourcentage atteint presque 6 %. Ces résultats sont très loin de ceux atteints dans plusieurs pays européens, mais la progression est sensible.

Or, c'est à ce moment que les gouvernements commencent à mettre la pédale de plus en plus douce sur ce développement. Pour un, le fédéral, qui jouait jusque là le rôle de prêteur direct pour la réalisation de logements sociaux, annonce en 1979 qu'il abandonne dorénavant ce rôle déterminant entre les mains des banques.

Si les conséquences de cette décision sont alors difficiles à évaluer, une annonce faite par le gouvernement du Parti québécois dans son budget du 25 mars 1980 l'est

beaucoup moins. Le ministre des Finances, Jacques Parizeau, fait savoir que son gouvernement entend désormais réduire « l'aideà la pierre » pour privilégier « l'aide à la personne ». En termes plus clairs, le gouvernement péquiste coupe dans le financement de nouveaux HLM, afin de mettre sur pied un programme, baptisé Logirente, accordant une aide financière directe aux aînéEs demeurant... dans des logements privés.

Une lutte pour les HLM à Beauharnois.

En février 1978, un groupe de personnes handicapées de Beau-harnois s'unit à des organismes représentant les aînéEs et les personne assistées sociales pour revendiquer l'implantation d'un HLM dans cette petite municipalité du sud-ouest du Québec.

La construction de quarante logements pour personnes âgées est rapidement acquise, mais le Comité de promotion HLM-Beauharnois continue à demander beaucoup plus.  Fort d’une pétition de3 342 noms, il estime les be-soins à 300 logements, dont la moitié pour familles. Plusieurs raisons liées à la qualité de vie des locataires le poussent aussi à re- vendiquer que le HLM soit au vieux collège de Beauharnois. ; Après un an de démarches infructueuses, il apprend que l'édifice est plutôt convoité... par la municipalité qui veut y aménager son  hôtel de ville .

S'ensuit une bataille ardue, ponctuée de la présence de dizaines de membres du comité aux rencontres du conseil municipal, ainsi que de plusieurs manifestations, par exemple à la résidence du maire. Les 29 et 30 mars 1980 le comité organise même un Colloque national sur les HLM, à Beauharnois. Quarante-deux associations, dont le FRAPRU, y participent, sous le thème de la démocratie dans les HLM.

Le ministre de l'Habitation, Guy Tardif, n'adopte pas la réglementation demandée pour obliger les municipalités à tenir compte du point de vue des citoyens et des citoyennes sur le lieu et les conditions d'implantation des HLM. Il force néanmoins la Ville de Beauharnois à choisir un autre site que celui qu'elle prévoyait pour le HLM.

Un front de lutte en développement

Au moment où le FRAPRU choisit de s'impliquer en priorité sur cet enjeu, la lutte pour le logement social est, à l'échelle du Québec, en plein développement.

L'implication du regroupement est toutefois porteuse de deux possibilités. La première est celle d'une bataille nationale permettant de confronter programmes, budgets et volonté politique des gouvernements. La seconde, est celle d'unir, pour une première fois, la demande pour des HLM à la demande pour des coopératives d'habitation6. Les défis sont de taille.  

1981-1985

L'enracinement

C'est au niveau local, dans les villes et dans les quartiers, que la lutte pour le logement social s'enracine véritablement.

La lutte décidée au congrès de 1981 est lancée officiellement, le 26 septembre, à l'occasion d'une autre grande fête populaire intitulée « Les baux bail bail ». Entre 1 000 et 1 200 personnes s'entassent dans le sous-sol de l'Église Saint-Louis-de-France de Montréal pour un événement qui tranche autant par sa forme que par son contenu avec les événements du même type organisés jusque là dans le mouvement populaire.

C'est toutefois au niveau local, dans les villes et dans les quartiers, que la lutte pour le logement social s'enracine véritablement. Parfois, ce sont des groupes membres du FRAPRU qui sont au cœur des batailles. Souvent, ce n'est pas le cas, du moins au départ. Au fil des ans, les groupes engagés dans ces luttes se rapprocheront toutefois du FRAPRU, pour en devenir membres.

De la lutte sur des terrains vacants...

Si la lutte pour l'obtention d'une majorité de logements sociaux sur les 2 200 habitations prévues sur le terrain des usines Angus, à Montréal, est celle qui fait couler le plus d'encre à l'époque, elle est loin d'être la seule.

L'expérience d'Angus inspire d'autres organismes. Coup sur coup, des groupes de la région de Montréal se mettent à revendiquer des HLM ou des coopératives d'habitation sur des terrains vacants, au point de former un front commun, bien éphémère toutefois, sur cet enjeu.

À Verdun, par exemple, le Comité d'action des citoyens réclame que 200 unités de HLM et de coopératives d'habitation soient réalisées sur le terrain de l'ancienne usine DIL (Defense Industries Limited). Au cours d'une lutte qui s'étend sur quatre ans, le CACV présente un plan alternatif d'aménagement, organise des assemblées publiques, mobilise des dizaines de personnes pour les assemblées du Conseil municipal, met sur pied un comité de requérants et de requérantes... Joints au travail du groupe de ressources techniques de Verdun, ces efforts voient leur aboutissement, en avril 1986, avec l'inauguration d'une centaine d'unités de coopératives d'habitation.

... aux comités de requérantEs...

Une autre formule qui fait recette est celle des comités de requérants et de requérantes de logement social. Au fil des ans. des comités de HLM apparaissent à Châteauguay. à Chicoutimi. dans le quartier Saint-Sauveur de Québec, à Sherbrooke, à Joliette à Laval. à Ville-Vanier et plus tard à Gatineau et Aylmer. Les plus dynamiques de ces comités multiplient les actions. Un moyen souvent utilisé est d'installer, en présence des médias, des pancartes géantes sur le terrain ou le bâtiment convoité, pour y annoncer la réalisation prochaine de HLM. Les luttes menées par ces comités ont souvent permis aux groupes d'arracher, ou à tout le moins accélérer, la construction de HLM.

Dans le quartier Pointe Saint-Charles, à Montréal, les groupes populaires, voyant les effets dévastateurs de la rénovation urbaine, se rallient, en 1983, autour d'une ambitieuse demande. Le Projet Saint-Charles se voit confier la mission d'obtenir la réalisation de 500 logements coopératifs. Le nombre et la diversité des actions et des démarches entreprises par les requérants et les requérantes de coops sont presque inimaginables, mais elles se font toujours en lien avec une vision d'ensemble de la problématique du logement et du développement socio-économique de la Pointe. Une fois l'objectif de 500 logements atteint sous forme de coopératives et d'OSBL, la Pointe se remobilise pour 500 autres logements. En 1998, près de 45 % de l'ensemble du parc de logements locatifs du quartier est constitué d'une forme ou l'autre de logement social.

... aux efforts quotidiens de développement

Même s'il a n'a pas la même visibilité, le travail inlassable et souvent difficile de développement de coopératives et de logements sans but se poursuit quant à lui aux quatre coins du Québec, par le biais des trente-sept groupes de ressources techniques existant alors. Deux de ces groupes deviennent membres du FRAPRU, pour y jouer un rôle clé dans les années à venir. Il s'agit de l'Atelier du logement communautaire des Bois-Francs et du Groupe d'aménagement du logement populaire (GALOP) de Lanaudière.

Une implication qui prend lentement forme

La lutte démarre beaucoup plus lentement au plan national. Certaines interventions sont loin d'avoir le succès escompté, comme une pétition que le FRAPRU lance, dès le départ de la lutte, pour revendiquer le maintien et l'intensification des programmes sociaux en habitation.

D'autres sont plus réussies, dont l'occupation, le 22 mars 1982, du bureau du ministre de l'Habitation, Guy Tardif. L'occupation, qui se déroule en même temps que celle d'autres bureaux de ministres, au Québec, permet un échange de plusieurs heures avec Tardif. Le FRAPRU coordonne aussi l'action des comités de requérantEs, en organisant, par exemple, des journées nationales d'actions sur les HLM.

Pour l'essentiel, le FRAPRU se contente cependant d'appuyer les luttes locales, par exemple celle des sans-logis de Hull dont il réussit à faire parler dans les médias nationaux.

Un point tournant survient en 1984 avec l'élaboration par le FRAPRU d'une Politique globale d'accès au logement. Il y développe un discours plus articulé, mais aussi plus radical. Il condamne « l'incapacité totale du marché privé à respecter le droit au logement » et réclame que l'État joue un « rôle central » dans ce secteur. Il met aussi, pour la première fois, clairement en opposition le financement des mesures revendiquées avec les choix budgétaires et fiscaux des gouvernements.

Du vert... au bleu

En novembre 1984, le ministre Tardif publie son très attendu Livre vert sur l'habitation, Se loger au Québec. Le gouvernement péquiste y affirme d'emblée que c'est aux individus mêmes que revient la responsabilité de se loger et que le marché privé de l'habitation garantit à la trèsgrande majorité la possibilité de le faire. La principale proposition du Livre vert est l'élargissement de l'allocation-logement, l'aide financière directe aux individus, « à l'ensemble des ménages n'ayant pas les moyens de se loger ».

Il n'y a pas de là de quoi réjouir les groupes qui, comme le FRAPRU, revendiquent plutôt une augmentation substantielle des budgets consacrés au logement social. La réaction ne se fait pas attendre. Les orientations du Livre vert sont condamnées dans les médias et lors d'une ligne de piquetage à Hull, pendant le discours de Tardif au congrès de l'Union des municipalités du Québec.

Lors de la tournée de consultation à laquelle se livre, en 1985, le successeur de Tardif, Jacques Rochefort, le point de vue du FRAPRU est repris dans de nombreuses régions. À Montréal, le FRAPRU et d'autres groupes-logement ont tellement mobilisé pour les audiences que Rochefort décide de les annuler, faute de place, en promettant de les reprendre dans un lieu plus propice. Cet engagement n'étant jamais respecté, les bureaux du ministre sont occupés, un mois plus tard.

Si le Livre vert reste lettre morte, en raison de la défaite électorale du PQ, il n'en pas de même du... Livre bleu publié par les conservateurs de Brian Mulroney, quelques mois à peine après leur arrivée au pouvoir.

Le Document d'étude sur le logement propose, selon ses termes mêmes, un « examen radical de la politique du logement ». Sa publication est suivie d'une consultation privée. La reconnaissance que le FRAPRU a gagnée dans les mois précédents à la SCHL lui vaut d'être le seul groupe du Québec consulté sur ce Livre bleu, hormis le mouvement Desjardins. Loin de le rassurer, cette participation le convainc au contraire de la volonté ferme du gouvernement Mulroney de réorienter sérieusement son aide à l'habitation.

Le Front commun sur le logement social

Le FRAPRU doit développer un meilleur rapport de forces. C'est ce qu'il tente de faire en organisant un Colloque sur l'avenir du logement social, à Québec, les 18 et 19 mai 1985. Une quarantaine de groupes y participent. Le FRAPRU y propose la formation d'un Front commun sur le logement social qui se met effectivement en place à l'automne, sous le thème « 50 000 logements pour nous-autres ». À peu près tous les organismes nationaux et régionaux actifs dans le domaine du logement social en sont membres, mais peu de façon active, à l'exception du Conseil des ressources alternatives en habitation (CORAH) et de la Table des groupes de ressources techniques de Montréal7.

La principale intervention du Front commun est une campagne de recherche d'appuis à sa demande de 50 000 logements. La campagne recueille l'assentiment de 17 organismes nationaux, de 127 municipalités, villes et municipalités régionales de comté, de 59 institutions (CLSC et autres) et de 461 organismes populaires, communautaires et syndicaux locaux.

Le succès de cette campagne et de quelques interventions médiatiques ne compense toutefois pas les faiblesses d'un front commun formé sur le tard, peu en lien avec les groupes intervenant à la base et qui ne parvient pas à passer à l'action.

Vers une nouvelle entente sur le logement social

Le 12 décembre 1985, le gouvernement Mulroney présente sa nouvelle Orientation nationale de la politique du logement qui, quelques mois plus tard, se solde par la signature d'une entente fédérale-provinciale avec le gouvernement du Québec. Les changements sont fondamentaux.

Le développement du logement social est d'abord condamné à ralentir. En moyenne, cette entente entraîne une réduction d'environ 1 000 logements sociaux par année dans le rythme de réalisation de nouveaux logements sociaux au Québec.

Des sans-logis au coeur de Hull

A Hull, c'est un événement tout à fait imprévisible qui fait ressortir, de manière dramatique, le besoin de nouveaux logements sociaux. En plein mois de juillet 1983, le Comité Logemen'occupe, un nouveau groupe membre du FRAPRU, se retrouve avec un problème de taille.

Deux familles le contactent : elles se retrouvent à la tue» incapables de louer un appartement, tellement les logements I prix un tant soit peu abordable sont rares en Outaouais. Logemen'occupe leur propose de s'installer dans des tentes sur un terrain vacant appartenant à la Ville et situé sur la rue Charlevoix» près de ses bureaux. Le terrain est bientôt envahi par d'autres familles sans-logis et quatorze adultes et vingt et un enfants, venant parfois d'autres villes de la région, se retrouvent du jour au lendemain à habiter dans les abris de fortune.

Le camping forcé dure trois semaines, sans parvenir i faire bouger les autorités politiques. Lasses, les familles portent un grand coup, en allant occuper l'école Reboul située sur l'Ile de Hull. Elles y demeurent près d'un mois, dans des conditions lamentables, pour ensuite déménager à l'école Bruyère de Gatineau où elles poursuivent leur action, jusqu'à la mi-septembre. La lutte connaît son dénouement, lorsque les familles obtiennent une aide temporaire sous forme d'allocation-logement, puis un accès aux HLM qui se sont libérés entre-temps.

Le véritable gain est toutefois à plus long terme. Même si leur lutte a malheureusement reçu peu d'appuis de la part du mouvement populaire de l'Outaouais, la détermination des sans-logis a réussi comme jamais auparavant à mettre la crise du logement au cœur de l'actualité. Des déblocages importants sont parla suite intervenus dans des dossiers régionaux de logement social... une coopérative étant même édifiée sur le terrain vacant de la rue Charlevoix.

Comme si ce n'était pas suffisant, une partie des logements restants est offerte aux propriétaires privés qui peuvent désormais utiliser le programme de supplément au loyer auparavant réservé aux seuls logements coopératifs et sans but lucratif.

Le principal changement concerne cependant l'admissibilité au logement social. À l'exception d'un nouveau programme fédéral de coopératives à loyer relativement élevé baptisé le PHI (Prêts hypothécaires indexés), l'ensemble du logement social n'est désormais plus accessible qu'aux ménages « ayant des besoins impérieux de logement ». Il se trouve du même coup marginalisé,fragilisé. Une partie de moins en moins importante de la population pouvant espérer avoir accès au logement social, il est encore plus facile d'y sabrer, ce qu'Ottawa ne manquera pas de faire quelques années plus tard.

Les usines Angus: des logements pour nous ?

1986-1991

Provoquer le débat

La défaite est dure à encaisser. Le Front commun sur le logement social disparaît après quelques interventions.

Le FRAPRU, lui, est heureusement en meilleure position qu'il y a quelques années pour se remettre de ce recul. Il s'est en effet renforcé organisationnellement au cours des dernières années. Il compte vingt et un groupes-membres, lors de son congrès de 1986, dont onze qui sont au cœur de ses actions. Des groupes aussi importants que le Comité logement Rosemont et le Projet Saint-Charles ont notamment rejoint ses rangs.

Les 6 et 7 décembre 1986, le FRAPRU organise un Colloque pour la survie des quartiers populaires qui n'est pas sans rappeler celui tenu, huit ans plus tôt, sur les Programmes d'amélioration de quartier. Près de 200 personnes provenant de 85 groupes y échangent sur les effets de la rénovation domiciliaire et de la transformation de logements en condominiums dans leurs quartiers réciproques. Les débals stratégiques y occupent une large place : importance et limites de moyens de lutte comme les recours légaux et l'action électorale au niveau municipal, façons de relancer la lutte pour le logement social, etc.

Le colloque permet surtout de remobiliser les troupes à la veille d'une année que le FRAPRU considère comme un moment déterminant dans la lutte pour le logement social : l'Année internationale du logement des sans-abri décrétée par l'ONU.

Montrer toute l'ampleur des besoins

Le FRAPRU veut profiter de l'attention soulevée par cette Année internationale pour faire ressortir toute l'ampleur des problèmes de logement et ainsi démontrer l'urgence du financement d'un nombre beaucoup plus considérable de logements sociaux. Il estime que les gouvernements ont. dans les dernières années, réussi à « dédramatiser » la situation du logement, à en faire un problème mineur qui ne toucherait qu'une minorité d'individus pour lesquels il est inutile de songer à des investissements coûteux.

Le FRAPRU tente donc de renverser la vapeur, en faisant le lien entre la situation scandaleuse subie par les sans-abri, dont les intervenants évaluent le nombre à au moins 10 000. et la situation plus générale du logement. L'utilisation du terme « mal-logéEs » fait de plus en plus son chemin, dans le vocabulaire de l'organisme, pour qualifier les personnes et les familles qui n'arrivent pas à se loger convenablement et à un prix raisonnable, dans le marché privé de l'habitation.

Sitôt l'année 1987 commencée, le FRAPRU se frotte à André Bourbeau, ministre responsable de l'Habitation sous le gouvernement Bourassa. Il manifeste notamment à Montréal, Québec et Hull, afin de protester contre l'abolition du seul programme de logement social que le Québec finançait entièrement à même ses propres budgets, le programme Logipop s'adressant aux coopératives d'habitation. À Montréal, 200 personnes tentent sans succès d'occuper les bureaux du ministre, ce qui cause tout un émoi au Complexe Desjardins.

 

Le FRAPRU vu par... Robert Pilon

Souvent comparé aux dinosaures, le FRAPRU en a, c'est vrai, la même démarche lourde et difficile à ralentir. Comme eux également, le FRAPRU a des idées et des méthodes pas trop compliquées. Par contre, le premier nuage noir ou le premier bang venu ne l'a jamais fait disparaître.

Qu'est-ce qui fait la force du FRAPRU ?

Ses actions hautes en couleur ?

L'entêtement de ses militantes et de ses militants ?

Sûrement un peu, mais surtout la conviction d'être utile aux pauvres gens et le plaisir que cette pensée procure.

Robert Pilon a été permanent au FRAPRU de 1983 à 1994. Il est présentement coordonnateur de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec (FLHLMQ).

Un Dossier qui fait jaser

C'est toutefois la sortie, en mars, d'un Dossier noir sur le logement et la pauvreté, le premier du genre publié par le FRAPRU, qui fait littéralement sortir Bourbeau de ses gonds. Ce n'est pas tant le portrait détaillé et accablant que le Dossier noir dresse de la situation de l'itinérance et des problèmes de logement qui enrage Bourbeau que l'affirmation selon laquelle il y aurait un million de personnes mal-logées au Québec.

Le chiffre, dont la scientificité est sûrement contestable, vise à choquer, à frapper l'imagination, ce qu'il réussit parfaitement à faire. Il n'est pas farfelu pour autant, puisqu'il prend en compte la situation de l'ensemble des personnes -femmes, hommes et enfants - qui sont directement affectées par les problèmes de logement. Il inclut cependant les propriétaires, ce qui n'est pas sans appeler certaines réserves.

Cette façon de voir est carrément aux antipodes de celle des gouvernements qui, après avoir affirmé pendant des années qu'un ménage ne devrait pas avoir à consacrer plus de 25 % de ses revenus au logement, viennent de monter ce pourcentage à 30 %...

Le premier rassemblement des mal-logéEs

Le 15 septembre représente le point culminant des activités organisées durant l'Année des sans-abri. Le FRAPRU profite de la tenue d'une conférence officielle organisée dans ce cadre à Ottawa pour appeler à un grand Rassemblement des mal-logéEs.

L'événement, un des plus importants jamais organisés sur la question du logement, attire de 600 à 700 manifestantEs. La marche défile dans les rues de Hull, avant de se diriger vers la colline parlementaire pour demander au premier ministre Mulroney « Brian, as-tu du cœur ? » L'impact du rassemblement est tel que le nouveau ministre responsable de la SCHL, Stewart Mclnnes, qui avait refusé de prendre la parole devant les manifestantEs, demande aussitôt de rencontrer une délégation du FRAPRU.

Cette action n'a malheuresement pas de suite. Il faudra plusieurs années pour que le FRAPRU se préoccupe à nouveau des interventions du gouvernement fédéral et, quand il le fera, il sera déjà bien tard...

C'est vers le gouvernement québécois que le FRAPRU concentre plutôt le tir.

Où est passée la politique d'habitation ?

En mars 1988, le FRAPRU met la main sur une ébauche de politique d'habitation que le ministre Bourbeau s'apprêterait à rendre publique. Le FRAPRU le devance, en la coulant dans les médias. Le document révèle l'intention du gouvernement d'harmoniser la politique du logement avec la réforme en cours de l'aide sociale, entre autres en haussant les loyers des personnes assistées sociales demeurant en HLM.

En juin, le FRAPRU apprend, de sources sûres, que le gouvernement s'apprête à lancer publiquement sa politique. Or, non seulement cet événement sera-t-il annulé, mais Bourbeau change de ministère avec Pierre Paradis. Le père de la réforme de l'aide sociale hérite de la responsabilité del'habitation. Ce jeu de chaises musicales sonne du même coup le glas de la politique d'habitation.

Le FRAPRU se retrouve dans une position paradoxale. S'il s'opposait férocement à la politique envisagée par les Libéraux et l'aurait combattue de toutes ses forces, sa sortie aurait pu être l'occasion du large débat de société que le FRAPRU souhaite tant sur l'enjeu de habitation. Il aurait pu en profiter pour poursuivre le travail amorcé avec le Dossier noir, en rappelant l'ampleur des besoins et en critiquant les choix faits par le gouvernement québécois qui se confine au rôle de gérant des programmes fédéraux de logement social.

La remise de la politique d'habitation aux Calendes grecques vient torpiller cette possibilité.


Une politique, ça presse !

Devant cette impasse, le FRAPRU fait le choix de tenter lui-même de forcer le gouvernement libéral à annoncer ses couleurs.

À l'automne 1988, il se lance dans une nouvelle campagne sous le thème « Hé Paradis, une politique de logement social, ça presse ! ». Plusieurs actions sont mises en œuvre dont la publication d'un manifeste mettant à jour et complétant la Politique d'habitation que le FRAPRU avait présentée en 1984. Des rencontres, des assemblées publiques et des conférences de presse sont organisées dans plusieurs villes dont certaines qui sortent du parcours habituel du FRAPRU, comme Matane, Jonquière ou Shawinigan.

Le 27 mai 1989, le FRAPRU s'inspire du succès de l'événement qu'il avait organisé moins de deux ans plus tôt à Ottawa, pour appeler à un second grand Rassemblement des mal-logéEs, celui-là à Québec. L'événement attire près de 800 personnes qui marchent, sous la pluie, dans les rues du quartier Saint-Jean-Baptiste pour se diriger vers les terrains de l'Assemblée nationale où elles plantent symboliquement leurs tentes.

Toutes ces pressions ne font pas bouger le Parti libéral qui déclenche une campagne électorale qui conduit à sa réélection, le 25 septembre. Même les activités organisées par le FRAPRU durant la campagne ne réussissent pas à faire sortir les Libéraux du mutisme dans lequel ils ont fait le choix de s'enfermer sur l'enjeu de l'habitation. Le FRAPRU aura pourtant tout essayé, y compris déguiser, le temps d'une conférence de presse, un de ses permanents, Robert Pilon, en Robert Bourassa, devenu sans-abri et obligé de quêter des trente sous à la sortie d'une bouche de métro, un hot dog à la main...


Des condos, y en a trop...

« Des condos, y en a trop, on veut des logements sociaux ». Ce slogan, que le FRAPRU scande pour une première fois, à l'été 1986. devant le Sommet économique de Montréal, les politiciens n'ont pas fini de l'entendre.

Le ministre André Bourbeau, profite en effet du Sommet pour annoncer son intention de lever le moratoire sur la conversion de logements locatifs en copropriétés. Le FRAPRU y voit un danger d'aggravation d'un phénomène qui prend alors une ampleur grandissante, spécialement à Montréal, celui de la « gentrifïcation », de l'accaparement des vieux quartiers et de leurs logements par une population mieux nantie, plus instruite.

Le moratoire, en place depuis 1975. s'avère une véritable passoire dans des quartiers comme le Plateau Mont-Royal. Les évaluations les plus optimistes8 situent entre 15 000 et 20 000 le nombre de logements locatifs qui auraient ainsi été perdus à Montréal, de 1971 à 1986. Or, loin de vouloir renforcer l'interdiction, le gouvernement veut tout simplement la retirer.

Le FRAPRU s'unit donc au Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec, pour bâtir la coalition Sauvons nos logements. Celle-ci s'avère très active, recueillant notamment 10 000 signatures à sa pétition demandant l'interdiction pure et simple de toute conversion de logements en copropriétés.

En août 1987, la bataille, amorcée dans la rue, se transporte en Commission parlementaire tenue exceptionnellement à Montréal. Des groupes y défilent, pendant plusieurs jours, la plupart pour s'opposer à la levée du moratoire. Le FRAPRU y fait la présence la plus remarquée, non seulement par le ton vitriolique de son mémoire, mais surtout par la participation active de 75 de ses membres qui brandissent des affichettes sur lesquelles sont écrits les mots « Mon logement n'est pas à vendre ».

A la fin de l'automne 1987, c'est un projet de loi que Sauvons nos logements doit combattre. Il sera adopté quelques semaines plus tard. La loi 187 lève le moratoire, mais cette levée est encadrée d'une série de règles beaucoup plus sévères que celles d'abord envisagées par le gouvernement, ce qui. dans les circonstances, représente une victoire. La bataille se transporte maintenant au plan municipal, la loi prévoyant que. contrairement à d'autres villes, la conversion de logements demeure interdite à Montréal, à moins que la ville adopte un règlement à cet effet.

Le FRAPRU vu par...Denyse Lacelle

Qu'est-ce qui me vient en tête quand on dit FRAPRU ? Assurément une des plus belles périodes de ma vie. Un sentiment de dynamisme, d'efficacité et la profonde conviction que, oui, on peut changer les choses.

Denise Lacelle a été permanente au FRAPRU de 1989 à 1992. Elle est maintenant organisatrice au Projet Genèse, dans le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal.

Les proprios pointés du doigt

Suite à ces échecs, le FRAPRU, toujours désireux de provoquer un débat avec les Libéraux, modifie le tir avec une campagne visant à dénoncer non plus seulement l'inaction du gouvernement Bourassa, mais aussi le marché privé de l'habitation.

La campagne, tenue au printemps 1990, sous le thème « Le marché privé, ça marche pas », met de l'avant trois grandes revendications. La première est la réalisation massive de logements sociaux. Le FRAPRU parle alors de 20 000 nouveaux logements par année, dont 10 000 financés sans aide du gouvernement fédéral. Les deux autres revendications sont le contrôle universel et obligatoire des loyers, ainsi que la criminalisation de la discrimination au moment de la location d'un logement.

Divers moyens sont utilisés pour démontrer le bien-fondé de ces revendications. Un journal est publié à 50 000 copies. Une carte postale est également largement distribuée. Elle demande au nouveau ministre responsable de l'Habitation, Yvon Picotte, de soumettre le plus rapidement possible une politique de logement, inspirée des trois demandes du FRAPRU. L'instrument principal de la campagne est la présentation d'un cabaret musical animé par le duo Rhythm Activism, bien connu dans le milieu de la musique alternative, mais qui cherche maintenant à rejoindre un tout autre public, celui des salles paroissiales et des locaux de groupes populaires.

Divers moyens sont utilisés pour démontrer le bien-fondé de ces revendications. Un journal est publié à 50 000 copies. Une carte postale est également largement distribuée. Elle demande au nouveau ministre responsable de l'Habitation,Yvon Picotte, de soumettre le plus rapidement possible une politique de logement, inspirée des trois demandes du FRAPRU. L'instrument principal de la campagne est la présentation d'un cabaret musical animé par le duo Rhythm Activism, bien connu dans le milieu de la musique alternative, mais qui cherche maintenant à rejoindre un tout autre public, celui des salles paroissiales et des locaux de groupes populaires

Un logement pour une chanson est présenté à une quinzaine de reprises dans différents quartiers de Montréal et Québec, ainsi qu'à Saint-Jean-sur-le-Richelieu, Drummondville, Châteauguay, Sherbrooke, Shawinigan et Hull. Chaque représentation est suivie d'un débat avec l'assistance sur l'enjeu du logement. Plus de 1 000 personnes y participent au total.

C'est au beau milieu de cette campagne très réussie que le gouvernement Bourassa passe à l'offensive, non pas sur une politique globale d'habitation, comme le souhaitait le FRAPRU, mais sur de simples règlements. Le problème, c'est que les modifications touchent des dizaines de milliers de locataires et de requérantEs de logement social.

Le FRAPRU vu par... Louise Constantin

Les vingt ans du FRAPRU, c'est toute l'énergie et la conviction de la jeunesse et la foi profonde d'avoir le pouvoir de changer le monde.

Le FRAPRU, ce sont aussi d'innombrables manifs dans le vent, la pluie, la grêle, la neige, le froid: une véritable spécialité du FRAPRU! Mais on est toujours là!

Le FRAPRU, c'est aussi toutes ces fêtes populaires dans les Quartiers où nous pourrons rester.

Louise Constantin était militante au Comité d'action des citoyens de Verdun, dans les premières années d'existence du FRAPRU. Elle est directrice de la Fédération des coopératives d'habitation de la Montérégie (FÉCHAM).

Les Libéraux changent les règles


En mars 1990.le gouvernement Bourassa publie le décret 159-90 modifiant la façon de fixer les loyers dans les HLM et dans certains logements coopératifs et sans but lucratif.

Le décret augmente d'abord les loyers des familles.Toute personne de plus de 18 ans doit dorénavant contribuer pleinement au loyer. Il oblige de plus les personnes assistées sociales qui ne se sont pas inscrites à des mesures d'employabilité à payer un loyer supérieur à 25 % de leur revenu réel.

À peine un mois plus tard, le gouvernement publie un projet de règlement qui, cette fois, vient modifier la façon de sélectionner les locataires de logements sociaux. La SHQ travaille depuis des années sur ce projet que le FRAPRU a, à plusieurs reprises, dénoncé avec fracas dans les médias. La société cherche tout simplement à réduire, par divers mécanismes frôlant la discrimination, le nombre de ménages éligibles à un HLM.

C'est surtout par le biais de conférences de presse, de larges recherches d'appuis, de mémoires et de rencontres avec les autorités politiques que le FRAPRU combat le dernier projet qui n'est finalement adopté que trois ans plus tard, dans une version passablement modifiée. Le FRAPRU y fait de minces gains, notamment dans le cas des femmes victimes de violence conjugale et des immigrantEs parrainéEs.

Toute une bataille

La lutte contre le décret haussant les loyers nécessite un tout autre arsenal. Le FRAPRU s'y lance à fond, en collaboration avec plusieurs associations de locataires de HLM, en particulier l'Association des locataires des Habitations Jeanne-Mance, à Montréal. Assemblées publiques dans des HLM, manifestation nationale de 400 personnes, pétition, piquetage devant les bureaux du ministre Picotte, rien ne semble vouloir faire bouger le gouvernement... jusqu'au 7 janvier 1991. La Cour supérieure reçoit alors favorablement la plainte d'une locataire de l'Outaouais et invalide le décret, sur une simple technicalité.

Le FRAPRU fait aussitôt pression sur le gouvernement pour qu'il renonce à son droit d'appel. Le ministre Claude Ryan, qui a pris la relève d'Yvon Picotte. acquiesce à cette demande et s'engage à rembourser les locataires injustement pénalisés.

Il revient cependant à la charge, en juin 1991, avec un projet de règlement à peu près semblable au décret invalidé. La bataille reprend de plus belle: chahut contre Ryan au moment de l'annonce de projets de nouveaux logements sociaux dans le sud-ouest de Montréal; manifestation où les participantEs laissent symboliquement leur chemise au Conseil du trésor; occupation des bureaux du président de la SHQ. à Québec: rencontre d'urgence avec Ryan...

Le tout convainc le ministre d'adoucir passablement le règlement. La victoire est majeure. Le FRAPRU termine la bataille en intentant un recours collectif, permettant aux locataires qui avaient quitté les HLM. en raison du décret de 1990, de pouvoir les réintégrer. Ce dernier gain est arraché en vertu d'un règlement hors-cour.

Si le FRAPRU n'est pas parvenu à réellement passer à l'offensive, provoquer le débat tant souhaité sur les problèmes de logement et arracher une intensification des programmes de logement social, la saga des règlements fournil en tout la cas la preuve de son efficacité, quand il se retrouve sur la défensive, à bloquer les projets du gouvernement.   

1991-1994

La grande défaite : le retrait d'Ottawa

Le FRAPRU, préoccupé par le gouvernement du Québec, se rend à peine compte qu'Ottawa vient de porter un autre coup dur.


Bien peu de gens s'en étaient rendus compte. Même le FRAPRU, occupé à courir après une politique québécoise d'habitation qui ne venait pas, l'avait laissé passer. L'enjeu était pourtant de taille. Le budget de 1990 du ministre fédéral, Michael Wilson, a en effet subrepticement réduit de 15 % les sommes consacrées au financement de nouveaux logements sociaux au Canada.

Le 26 février 1991, le réveil est brutal. Dans son nouveau budget, Wilson annonce que la compression de 15%, initialement prévue pour une période de deux ans. en durera six. Le FRAPRU évalue que celte compression pourrait signifier la perte de 10 000 logements sociaux au Québec.

Parfois accusé de gonfler les chiffres, le FRAPRU ne peut pas savoir jusqu'à quel point il est pourtant en deçà du danger réel. C'est plus que 10 000 logements qui sont en jeu. c'est l'avenir même du logement social qui est dorénavant sur la table.

La bataille s'annonce bien inégale. Le FRAPRU s'est renforcé. Il compte maintenant une quarantaine de groupes membres dont seize participants. Parmi les groupes qui se sont ajoutés dans les dernières années, on retrouve le Comité de logement social de Châteauguay qui. depuis 1978, tente d'arracher la réalisation de HLM dans cette ville de banlieue. Le POPIR des quartiers Saint-Henri et Petite-Bourgogne, à Montréal, en est aussi devenu membre, lui, dont l'histoire remonte à 1969 et qui s'est transformé en comité-logement 

Tout renforcé soit-il. le FRAPRU ne fait toutefois pas le poids face à un gouvernement conservateur bien décidé à mener à terme le saccage en 1988 des programmes sociaux amorcé depuis son arrivée au pouvoir, en 1984.

Le FRAPRU est conscient de ce déséquilibre des forces. C'est pourquoi il accorde, dès le départ, une grande place au travail de sensibilisation et au développement d'alliances avec le plus grand nombre d'intervenants possible.

Du logement, pas des bombes!

Après avoir largement diffuséun dépliant démontrant l'impact des compressions fédérales, le FRAPRU organise une première action qui donne un avant-goût du type de lutte qu'il entend mener.

C'est devant le Musée de la guerre, à Ottawa, que l'organisme tient la première d'une très longue série de manifestation;.. Une corde à linge est tendue entre deux tanks, des meubles sont installés : frigidaire (vide !), lit. table et chaises de cuisine, lampe, chaufferette. Toute cette mise en scène vise à mettre en lien les 411 millions $ que le fédéral a coupés dans le logement social avec les 950 millions $ qu'il a engloutis, en début d'année, dans la participation canadienne à la guerre du Golfe.

Le ton est donné. D'autres actions suivent : ligne de piquetage lors du discours de Brian Mulroney à la Chambre de commerce de Montréal, manifestation devant sa résidence du 24 Sussex, à Ottawa. Le ministre responsable de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, Elmer MacKay est rencontré à Ottawa, le président du Conseil du trésor, Gilles Loiselle, à Québec. Des conférences de presse sont organisées dans diverses régions, souvent avec la participation de députés libéraux et néo-démocrates ou encore d'élus municipaux.

La recherche d'appuis porte aussi fruit : plus de 300 organismes populaires et communautaires québécois, 51 députéEs du Parlement fédéral ou de l'Assemblée nationale, quatorze municipalités, cinq organismes pan-canadiens.

Tout est place pour le budget du nouveau ministre des Finances, Don Mazankowski, et pour la plus ambitieuse action organisée à ce jour par le FRAPRU.

Le camp des mal-logéEs

Un camp des mal-logéEs, érigé à l'arrière du Parlement fédéral, directement sur les glaces de la rivière Outaouais, au moment du budget : c'est le projet un peu fou sur lequel le FRAPRU travaille fébrilement depuis des semaines. Le 7 février, 400 personnes contribuent à son financement, en participant à une fête organisée à l'Union française de Montréal.

Le 24 février, la veille du budget, une vingtaine de personnes construisent le camp, sous l'œil des caméras. L'après-midi même, 200 personnes venues de plusieurs régions viennent les appuyer.

À 16 heures, le 25, les campeurs et les campeuses regardent Mazankowski lire son budget, sur un téléviseur qui menace à tout moment de s'interrompre. À peine, peuvent-ils entendre le ministre des Finances prononcer les mots « logement social ».

La lecture des documents budgétaires, elle, est autrement plus claire et... catastrophique. Non seulement le fédéral met-il totalement fin à son programme d'aide aux coopératives d'habitation (le PHI), mais il redouble de compressions dans ses programmes destinés au financement de nouveaux logements sociaux. Les compressions de 15% sont du passé. C'est de coupures de 60% qu'il faut désormais parler. De 1990-1991 à 1996-1997, c'est 1,2 milliards $ qu'Ottawa prévoit économiser dans l'aide aux mal-logéEs...

Le FRAPRU vu par...Bill Clennett

Le FRAPRU n'est pas seulement le Front d'action populaire en réaménagement urbain, il est aussi Fonceur, Rusé, Audacieux, Persévérant, Renseigné et Unique. Pour moi, le FRAPRU a été une excellente école de la vie militante.

Bill Clennett a été permanent au Comité Logemen'occupe de Hull de 1986 à 1994. Il intervient maintenant à l'Association pour la défense des droits sociaux (A.D.D.S.) de Hull.

Entre la colère... et la recherche d'appuis

Le 26 février au matin, la colère est telle que le camp est incendié.

À la une de son bulletin de mars 1992, le FRAPRU publie la photo de Don Mazankowski accompagnée des mots « Recherché pour crime contre les mal-logéEs ». Le ministre des Finances n'est pas long à trouver et, dès le 5 mars, il est l'objet d'une bruyante ligne de piquetage au moment d'un discours devant le Canadian Club, à Montréal.

Durant les mois qui suivent, le FRAPRU multiplie les interventions qui alternent entre la nécessité d'élargir la lutte et l'expression d'une colère bien justifiée.

La recherche d'appuis est très large. Le FRAPRU tend même la main à Claude Ryan pour qu'il prenne le leadership de la lutte contre Ottawa... en vain, le ministre exprimant « des réserves pédagogiques » contre ce type d'intervention.

La plus belle expression de cette volonté est l'organisation de la Manifestation pour la survie du logement social, le 22 avril 1992, à Montréal. Ce n'est pas la mobilisation de 400 participantEs qui surprend, tant que la présence des Gilles Duceppe, Louise Harel et d'une large délégation de membres du Conseil municipal de Montréal. John Gardiner, responsable de l'Habitation au Comité exécutif de la Ville, avec lequel le FRAPRU avait eu de nombreuses prises de bec, par le passé, accueille même la manifestation.

La colère a aussi l'occasion de s'exprimer. Le 28 avril, une cinquantaine de personnes mobilisées par Logemen'occupe et Info-logement Buckingham envahissent le Palais des congrès de Hull au moment où Brian Mulroney doit y prendre la parole. Le premier ministre accepte de rencontrer leur porte-parole qui a pour nom Bill Clennett. Celui-ci ne sait pas que, lors de son prochain contact avec un premier ministre du Canada, ce n'est pas la main qu'il se fera serrer.

Quelques jours plus tard, le ministre responsable de la SCHL, Elmer MacKay, qui doit prononcer un discours lors de l'inauguration des installations du Vieux-Port de Montréal, se fait chahuter de plus belle. Durant plus d'une heure, une cinquantaine de membres du FRAPRU perturbent la cérémonie qui doit se dérouler dans une cacophonie de cris, de sifflets, de corne de brume et de battements de tambours et de poêles à frire ! Les convives n'entendent pas un traître mot du discours de MacKay.

En juin, Don Mazankowski accepte de rencontrer le FRAPRU. La rencontre tourne au burlesque, le ministre des Finances n'ayant pas prévu de traduction pour rencontrer un groupe du Québec, alors qu'il est unilingue anglais. Sauf en toute fin de rencontre, les porte-parole du FRAPRU s'acharnent à ne lui parler qu'en français... Mazankowski ne la trouve vraiment pas drôle. Bien mince consolation !

Le FRAPRU vu par...Ginette Bergevin

Le FRAPRU a été et est toujours un lieu de lutte essentiel pour tous les locataires, particulièrement ceux à faible revenu, du Québec. Sans le FRAPRU, une partie importante de la solidarité et de la lutte pour la justice sociale au Québec ne se serait pas écrite. Pour moi, il fut un lieu important d'apprentissage et d'implication, avec les locataires, pour du logement social et un Québec plus « social ».

Ginette Bergevin a été permanente au Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur, à Québec. Elle a aussi été présidente du conseil d'administration du FRAPRU. Elle travaille au Regroupement des groupes de femmes de la région 03.

Ottawa se retire

En janvier 1993, après une pause de quelques mois, le FRAPRU repart en guerre, en lançant une collecte de vieux souliers en prévision du prochain budget. Le ministre des Finances ayant traditionnellement l'habitude de présenter son budget, chaussé de souliers neufs, le FRAPRU veut montrer qu'il existe une autre réalité, celle de la pauvreté. La collecte connaît un succès inespéré partout au Québec et, le 17 février, ce sont des milliers de vieux souliers qui s'entassent à la porte du ministère des Finances, à Ottawa.

L'action ne perturbe pas Mazankowski qui, dans son budget du 26 avril, achève le travail de boucherie commencé par son collègue Wilson trois ans plus tôt. Le ministre des Finances annonce froidement que le gouvernement fédéral mettra totalement fin au financement de nouveaux logements sociaux au Canada à partir du 1er janvier 1994. Or, il n'y a pas un seul logement social qui, au Québec, ne soit financé sans contribution financière du gouvernement fédéral. Dans quelques mois, le développement du logement social sera réduit à zéro !

Sauver les meubles...

Le FRAPRU cherche d'abord à sauver les meubles. Il veut au moins s'assurer que les derniers logements prévus par Ottawa, avant qu'il ne tire sa révérence, seront des HLM, des coopératives d'habitation et des OSBL et non des suppléments au foyer destinés aux propriétaires privés. Il en va de la réalisation concrète de projets sur lesquels des citoyens et des citoyennes travaillent, parfois depuis des années.

C'est sur le site d'un de ces projets, celui de la coopérative Ville-Marie, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal, que le FRAPRU en appelle publiquement au ministre québécois Claude Ryan. C'est lui qui a le dernier mot sur le type de logements à privilégier, ceux-ci étant financés dans le cadre de l'entente fédérale-provinciale sur l'habitation sociale.

Cette fois, la réponse de Ryan est positive. Les 2 187 logements sociaux financés en 1993, les derniers à l'être par le fédéral, sont de véritables logements sociaux. Aucun supplément au loyer privé n'est financé, alors qu'il y en avait eu 1 500, l'année précédente. Les vingt-cinq logements de la coop Ville-Marie voient le jour. C'est aussi le cas des quarante-trois de l'OSBL pour aînéEs Nouvelles Avenues, dans Rosemont, et les trente-cinq unités de HLM de la rue Saint-Hubert, à Châteauguay, deux projets dans lesquels des mem bres du FRAPRU avaient investi espoirs et énergies.  

Au tour de Chrétien !

Le FRAPRU ne se résigne pas au retrait total du fédéral. Son dernier espoir repose sur les élections prévues pour l'automne 1993.

La bousculade du 12 septembre 1993, à la porte de l'assemblée de Kim Campbell.

Deux objectifs sont fixés : faire payer aux Conservateurs le prix de leurs actes et convaincre le Parti libéral dirigé par Jean Chrétien de prendre des engagements électoraux en faveur du logement social.

C'est avant même la campagne électorale, au moment de la course à la chef-ferie pour le remplacement de Brian Mulroney, que le FRAPRU amorce sa dénonciation des Conservateurs. Le 5 mai 1993, à Montréal, une centaine de personnes envahissent les bureaux de campagne de la future première ministre, Kim Campbell, en faisant le lien entre les coupures dans le logement social et les 5,8 milliards $ prévus pour l'achat de nouveaux hélicoptères militaires.

Le 12 septembre, au moment du lancement, à Montréal, de la campagne électorale, ce n'est toutefois pas le slogan « Oubliez les hélicos, on veut des logements sociaux » qui retient l'attention. Une soixantaine de manifestantEs du FRAPRU tentent de pénétrer dans la salle où Kim Campbell prend la parole. Une bousculade s'en suit. Le lendemain, l'événement, qui alimentera bien des débats au FRAPRU dans les mois à venir, fait la une des journaux. Certains quotidiens du Canada le transforment carrément en émeute, avec des vitres fracassées et des autobus renversés (sic).

Deux semaines plus tard, une autre manifestation reçoit un accueil beaucoup plus favorable dans les médias, plus de 250 personnes déménageant leurs meubles devant les bureaux du Parti conservateur, à Ottawa.

Le FRAPRU ne veut cependant pas uniquement prendre sa revanche. Il veut aussi et surtout que le Parti libéral, qui avait dénoncé les coupures dans le logement social, s'engage à les retirer.

Il s'adresse d'abord à 120 organismes populaires intervenant en faveur du droit au logement, partout au Canada, afin de les convaincre de porter la même demande. La démarche s'avère totalement infructueuse. C'est finalement avec de grands organismes comme la Fédération canadienne des municipalités que le FRAPRU travaillera plus étroitement, au sein d'une Coalition canadienne sur le logement, mise sur pied pour la campagne électorale.

Le FRAPRU tente surtout d'arracher, sur ses propres bases, des engagements de la part des Libéraux. Insatisfait d'une rencontre avec André Ouellet, futur ministre responsable du Québec au sein du cabinet Chrétien, il annonce son intention d'occuper les bureaux du Parti libéral du Canada pour obtenir des réponses plus convaincantes. Le tout se termine en assemblée publique où Ouellet et d'autres candidats ne tarissent pas de bons mots pour le logement social. Leurs engagements manquent toutefois de clarté. À quelques jours du scrutin, le FRAPRU doit se contenter d'une vague promesse d'un « financement sûr et stable pour le logement social ».

La parenthèse

À son congrès de juin 1992, quatre mois après qu'Ottawa ait réduit presque à néant les budgets qu'il consacrait au financement de nouveaux logements, le FRAPRU adopte la demande la plus ambitieuse de toute son histoire : la réalisation de 100 000 logements sociaux d'ici l'an 2000 !

La demande est évidemment juste, les besoins la justifient amplement. Mais elle est aussi inatteignable et le FRAPRU le sait fort bien.

Il s'y investit tout de même à fond... et avec persuasion. Il réussit à y rallier la Confédération québécoise des coopératives d'habitation et l'Association des groupes de ressources techniques du Québec qui acceptent de s'associer à une campagne de pétitions. Il va également chercher l'appui d'une vingtaine d'organismes nationaux importants, dont les centrales syndicales. CSN, CEQ et FTQ, et des groupes de femmes, de personnes âgées, de personnes assistées sociales, etc.

La campagne s'amorce en décembre 1992. par un déménagement symbolique devant la résidence du premier ministre Bourassa, à Outremont. Lancée à cette occasion, la pétition permet de recueillir pas moins 33 000 noms, en quelques mois. Les résultats en sont annoncés lors d'une manifestation qui réunit 300 personnes, devant l'Hôtel Méridien, à Montréal, le 19 avril 1993, au moment d'un discours de Claude Ryan.

Devant le refus sans appel du gouvernement libéral, la demande de 100 000 logements s'éteint finalement lentement quelque part à la fin de 1993.

La lutte pour les 100 000 logements n'aura été qu'une parenthèse. Elle aura néanmoins démontré que le saccage fédéral n'a pas tué l'aspiration profonde au logement social, ni au FRAPRU. ni chez les organismes communautaires, ni chez une partie importante de la population.

Jean Chrétien applique les décisions des Conservateurs


Le nouveau gouvernement de Jean Chrétien n'est pas sitôt en selle que le FRAPRU vient cogner à sa porte pour demander le rétablissement des budgets. Il réclame également l'abandon définitif d'une idée qui commençait à faire son chemin sous les Conservateurs, celle de forcer les provinces à augmenter de 25 % à 30 % les loyers dans les logements sociaux réalisés par le passé.

Une première manifestation est organisée à Ottawa, moins d'un mois après les élections du 25 octobre. Près de 300 personnes se rendent alors porter des « cennes noires » au bureau de Chrétien. En invoquant la réception à 1 000 $ le couvert donnée par le Parti libéral, durant la campagne électorale, le FRAPRU veut rappeler au premier ministre que ce n'est pas parce que les mal-logéEs ne disposent pas d'une telle somme qu'il doit pour autant les oublier maintenant qu'il est au pouvoir. Un adjoint de Chrétien doit venir prendre possession d'un chaudron, à l'effigie du premier ministre, rempli de 20 000 sous noirs recueillis dans les semaines précédentes.

Le FRAPRU lance au même moment une pétition qui recueille 15 000 signatures. La pétition est déposée aux députés fédéraux locaux, puis au nouveau ministre responsable de la SCHL, David Dingwall.

Une évidence s'impose de plus en plus au FRAPRU : les Libéraux n'ont aucunement l'intention de revenir sur le retrait du fédéral. Il intensifie donc ses actions. Une tournée de consultation budgétaire organisée par Martin fait l'objet d'une manifestation, à Montréal. Plus de 250 personnes se rendent ensuite devant le ministère des Finances, à Ottawa, pour déposer leurs budgets personnels. Elles veulent ainsi démontrer à Martin qu'il n'y a pas que le budget de l'État qui soit dur à balancer et que le logement occupe une place disproportionnée dans le leur.

Le FRAPRU se prépare en même temps au pire. Une occupation est planifiée à Ottawa, dès le lendemain du budget, si celui-ci ne contient aucune nouvelle positive. Le budget du 22 février de Paul Martin ne contient effectivement pas une seule allusion au logement social. C'est au Parti libéral du Canada que revient l'odieux d'avoir mis en œuvre le retrait décidé par les Conservateurs.

Le 23, sa permanence est prise d'assaut par une trentaine d'occupantEs qui exigent une rencontre immédiate avec David Dingwall. Cette réunion s'étant avérée infructueuse, les occupantEs exigent une rencontre avec Paul Martin lui-même. En fin de journée, la police les oblige à sortir. Cinq personnes refusent d'obtempérer et se font arrêter.

Le lendemain, le FRAPRU récidive cette fois dans les bureaux du président du Conseil privé, Marcel Massé. Encore une fois, la police d'Ottawa intervient et doit procéder, un peu malgré elle, à dix autres arrestations. Pour éviter le tapage médiatique de la veille, elle se contente de remettre de simples contraventions et de faire sortir les personnes interpellées par la porte d'en arrière.

Au moment de l'évacuation, Martin accepte de rencontrer une délégation du FRAPRU. Le ministre des Finances se fait encourageant sur l'après-déficit. Les représentants du FRAPRU n'en croient pas un mot. Le temps ne leur donnera pas tort.


« Prenez notre dernière chemise. C'est tout ce qui reste»

En février 1995, le FRAPRU rappelle ce saccage, au moment des élections partielles de Saint-Henri-Westmount. Des pancartes de la candidate libérale Lucienne Robillard sont arrachées dans le quartier populaire de Saint-Henri pour être apportées dans Westmount. Elles sont plantées sur le terrain de l'homme d'affaires Paul Desmarais.

Trois mois plus tard, David Dingwall prend la parole lors d'une conférence de l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine, à Ottawa. Le ministre se laisse convaincre de sortir s'adresser à la centaine de personnes qui manifestent à la porte du Château Laurier. Il ne sait pas que les manifestantEs ont choisi de dénoncer les compressions budgétaires que les Libéraux continuent à faire dans les budgets de la SCHL, en lui remettant leur « dernière chemise ». Dingwall n'a pas sitôt fini de s'adresser aux personnes présentes que celles-ci lui jettent des dizaines de chemises à la tête.

Ce n'est toutefois pas seulement des chemises que le FRAPRU a jetées à cette occasion, c'est aussi, pour une longue période, la serviette face au gouvernement fédéral...

C'est la fin de l'épisode le plus douloureux et le plus lourd de conséquences de l'histoire du FRAPRU.

De 1990 à 1998, le désengagement d'Ottawa a privé les mal-logéEs du Québec de près de 30 000 unités de HLM, de coopératives d'habitation et d'OSBL...     

1994-1997

Toujours vivant !

Printemps 1994. Le développement du logement social est à zéro.

Le maire de Montréal, Jean Doré, fait la lecture du Dossier noir sur le logement et la pauvreté, pendant le discours de Claude Ryan à Expo Habitat. (photo : Jacques Nadeau)

Les effets ne se font pas encore sentir sur le terrain, les derniers logements financés par le fédéral pouvant encore prendre un, deux, trois ans avant d'accueillir leurs premiers locataires. Les groupes membres voient cependant venir ce moment, avec appréhension. La mobilisation sur le logement social pourra-t-elle continuer bien longtemps, si les mal-logéEs n'en voient plus les résultats contrats .

Ce constat pose de sérieuses questions stratégiques. Doit-on radicaliser la lutte ? Faut-il davantage faire le pont avec l'ensemble des luttes sociales, toute relance du logement social apparaissant impossible sans déblocage majeur au plan politique ? N'est-il pas préférable de tenter de faire certains gains, si modestes soient-ils, mais sur lesquels il serait au moins possible de tabler par la suite ? Personne n'ose prétendre qu'il a trouvé l'issue à la crise.

Le. FRAPRU est pourtant, depuis le début de 1994. engagé dans une de ses interventions les mieux réussies. Il a, en janvier, publié un nouveau Dossier noir sur le logement et la pauvreté, réalisé à partir des données du recensement de 1991. Il l'a lancé de belle façon, en janvier, en interrompant un discours de Claude Ryan, à l'inauguration du salon Expo-Habitat... Le document a par la suite été présenté lors de conférences de presse très bien couvertes par les médias dans une vingtaine de villes, allant de Rivière-du-Loup à Thetford-Mines.

D'importantes demandes locales continuent aussi à s'exprimer. À Montréal, des luttes sont développées pour obtenir une forte proportion de logements sociaux sur des sites comme Faubourg-Québec dans le Centre-Sud, Paul-Sauvé dans Rosemont, ou les terrains du Canadien National dans Saint-Henri. À Châteauguay, le Comité de logement social, fort de la transformation d'un immeuble de la rue Saint-Hubert en HLM, tente de gagner l'immeuble voisin pour la réalisation d'Habitation-Solidarité. un projet d'OSBL s'adressant à la fois à des familles et a des personnes handicapées.

Plus têtu que le FRAPRU ? Claude Ryan!

Le problème, c'est que le FRAPRU se bute à l'entêtement du gouvernement québécois qui refuse de poser quelque geste que ce soit pour relancer le logement social. L'objection des Libéraux n'est pourtant pas d'ordre budgétaire. Ils viennent en effet de trouver 130 millions $ pour une batterie de projets visant à subventionner la rénovation domiciliaire privée.

Certains documents internes de la SHQ présentent une vision très négative du logement social perçu comme une source d'« inéquité horizontale », favorisant certains ménages qui recevraient une aide importante de l'État au détriment d'autres qui ne reçoivent rien ou n'ont droit qu'à des miettes. Dans ces documents, la SHQ flirte avec l'idée, déjà reprise dans plusieurs provinces, de hausser les loyers dans les logements sociaux.

Une confusion s'impose : il n'y a rien à espérer du gouvernement libéral.

La course aux engagements du PQ

Y a-t-il plus à espérer du Parti québécois ? Le FRAPRU n'en est pas sûr. Sans trancher définitivement leurs débats stratégiques, ses membres se rallient à la nécessité d'obtenir des engagements clairs de sa part, en lui demandant le financement de 8 000 logements sociaux par année.

Le 26 avril 1994, le PQ vit une grande première : une manifestation à la porte de ses bureaux alors qu'il est encore dans l'opposition. Le député André Boisclair tente de calmer les 150 personnes qui crient au parti dirigé par Jacques Parizeau de se « grouiller le PQ ». Quelques heures plus tard, une entente est conclue en vue d'une rencontre avec Parizeau, le 9 mai. C'est plutôt le futur ministre des Finances, Bernard Landry, qui s'y présente. Il se montre ouvert à prendre certains engagements, invitant même le FRAPRU à rencontrer le comité travaillant sur la plate-forme électorale.

Le 23 juillet, le PQ rend cette plate-forme publique. Il s'y engage, sans plus de précisions, à « établir prioritairement, après concertation, avec les intervenants concernés, un programme d'achat-rénovation de logements sociaux ». Il reprend ainsi une proposition faite par la Ville de Montréal, avec l'appui de groupes communautaires dont le FRAPRU, et baptisée Résolution-Montréal. Claude Ryan vient d'ailleurs, en toute fin de mandat, d'accepter d'en faire l'essai, à l'occasion d'un projet pilote de 150 logements.

Le PQ s'est mouillé, mais le FRAPRU ne peut se contenter d'un engagement aussi vague. Il presse, par différents moyens, le parti dirigé par Jacques Parizeau de se faire plus précis. C'est ce que le chef du PQ fait finalement, le 24 août, en annonçant son intention de débourser 35 millions $ pour la réalisation de 1 500 logements sociaux par an.

Cet engagement est loin de la demande de 8 000 logements sociaux et le FRAPRU le rappelle lors d'une manifestation, le 7 septembre, à cinq jours des élections. L'organisme y remet un avis d'éviction au Parti libéral et un bail conditionnel au PQ. Une des conditions est l'augmentation du nombre de logements qu'il s'engage à réaliser. Rencontré à cette occasion, le futur ministre Robert Perreault refuse d'aller plus loin que l'engagement pris par son parti. Le bail n'est pas signé... Le locataire s'installe tout de même au pouvoir.

C'est fort d'engagements, insuffisants bien sûr, mais qui ont au moins l'avantage d'être clairs et chiffrés, que le FRAPRU peut maintenant talonner le nouveau gouvernement.

Le 1080 des Pauvres

Le 28 novembre, au matin,c'est sous le verglas qu'une trentaine de personnes de Québec, Montréal, Hull, Châteauguay et Valleyfield s'affairent à construire un bidonville en face du Parlement de Québec, avec des panneaux électoraux ramassés au lendemain de l'élection. Le bidonville est surnommé le 1080 des Pauvres, en référence à la controversée résidence de Parizeau, située au 1080, des Braves.

Le 29, à quelques heures du discours inaugural, 400 personnes viennent rejoindre les campeurs et les campeuses pour une soupe populaire. L'événement obtient l'appui de plusieurs personnalités dont l'archevêque de Québec, Mgr Maurice Couture. Le camp est visité par les ministres Louise Harel et Pauline Marois.


Le discours inaugural du gouvernement se fait quant à lui rassurant. Parizeau y réitère son intention de « déposer sous peu un programme d'achat-rénovation ayant pour objectif 1 500 logements sociaux ou coopératifs par année ».

Le ministre responsable de l'Habitation, Guy Chevrette, fait, à une nuance près, la même annonce, deux semaines plus tard. La nuance est cependant importante et le FRAPRU n'est pas sans la percevoir. Le terme « par année » est en effet disparu. Le gouvernement péquiste a-t-il donc l'intention de ne réaliser en tout et partout que 1 500 logements durant son mandat?

Les craintes du FRAPRU se confirment peu après, au moment d'une rencontre convoquée pour la mise en œuvre du Programme d'achat-rénovation en coopératives et en OSBL (PARCO). De surcroît, ce n'est pas 1 500, mais bien 1 200 logements que l'investissement de 35 millions$ permettra de créer...

Parizeau est bien logé... Pas nous !

Les membres du FRAPRU présentent ou appuient malgré tout des projets dans le cadre du PARCO. Ils jouent un rôle déterminant dans l'acceptation de certains d'entre eux dans plusieurs quartiers de Montréal. À Hull, Logemen'occupe, qui travaille depuis des mois auprès des chambreurs de la municipalité, obtient le financement de l'OSBL Mon Chez Nous. À Châteauguay, le Comité de logement social, qui a perdu l'immeuble qu'il convoitait sur la rue Saint-Hubert, réalise Habitation Solidarité dans un autre édifice. ÀVal-leyfield, une coopérative de seize logements voit le jour.

Le FRAPRU n'entend pas en demeurer là. Une campagne est menée, de février à avril 1995, sous le thème « Parizeau est bien logé... Pas nous ! Un budget pour du logement social ».Tout en reprenant la revendication de 8 000 logements, le FRAPRU cherche au moins à obtenir l'assurance que le PARCO deviendra un programme annuel, comme le PQ s'y était engagé.

Les mal-logéEs envoient à Parizeau des milliers de cartes postales. Une grande tournée des membres du comité de priorité du Conseil des ministres est également organisée, le 13 mars. Les Landry, Marois, Chevrette, Beaudoin et Harel doivent s'expliquer face à des dizaines de mal-logéEs. Le FRAPRU organise enfin un déménagement symbolique devant la résidence de Parizeau. Plus de 325 personnes marchent jusqu'au 1080 des Braves, sous le regard étonné des voisins demeurant sur la rue la plus huppée de Québec.

La campagne ne convainc cependant pas le gouvernement d'aller plus loin. Lors de la Marche des femmes contre la pauvreté dont une des neuf revendications est la réalisation des 1 500 logements par année promis par le PQ, les ministres se contentent de répéter l'annonce des 1 200 logements.

Quand le PQ imite les Libéraux

Alors que le gouvernement invoque des raisons budgétaires pour ne pas faire plus, il annonce l'octroi de 100 millions $ pour deux programmes de rénovation, Rénove et Revitalisation des vieux quartiers, qui s'adressent presque exclusivement aux propriétaires privés.

Y voyant la répétition des actions posées par les Libéraux, le FRAPRU réplique, en novembre, en rénovant symboliquement un immeuble qu'il s'est temporairement accaparé à Montréal. Il occupe par la suite les bureaux de la SHQ, à Québec. Le ministre Chevrette est rencontré pour la dernière fois. Un mois plus tard, il cède son ministère à Rémy Trudel.

C'est ce dernier qui, le 8 mars 1996, reçoit les résultats de la plus importante campagne d'appui jamais menée dans le domaine du logement. Une coalition, initiée par le FRAPRU, lui remet des lettres signées par 1 021 organismes de tout le Québec.

Une nouvelle tournée des ministres est également organisée pour faire connaître ce large appui, avec la participation de Françoise David, présidente de la Fédération des femmes du Québec, Pierre Paquette, secrétaire-général de la CSN, et Guy Paiement, porte-parole de la Table de concertation sur la faim de Montréal.

A l'heure du déficit zéro

L'heure est au déficit zéro, entraînant des compressions majeures dans l'ensemble des programmes sociaux.

Un symbole se taille de plus en plus une place dans l'arsenal du FRAPRU, celui des chaudrons vides. Manifestation à Trois-Rivières, devant le Conseil national du PQ (photo : Claude Majeau).

Lors du Sommet sur l'économie et l'emploi de mars 1996, le premier ministre Lucien Bouchard, qui a remplacé Jacques Parizeau après l'échec référendaire, réussit à faire accepter son objectif d'atteindre le déficit zéro en quatre ans. La table est mise pour des compressions majeures dans l'ensemble des programmes sociaux.

Les militantEs du FRAPRU se demandent avec raison comment le logement social pourra être épargné dans la tourmente qui va suivre. La question est d'autant plus pertinente que le gouvernement Bouchard a annoncé la sortie d'une nouvelle politique d'habitation, quelque part au cours de l'année 1996. Les premières informations glanées par le FRAPRU ne sont pas rassurantes.

C'est la raison pour laquelle il prend l'initiative de convoquer une conférence sur le logement social, le 24 mai, au premier jour de son congrès annuel tenu à Saint-Augustin-de-Desmaures. 120 personnes, dont plusieurs issues des autres membres de la Coalition sur le logement social, y écoutent le président de la Société d'habitation du Québec, Jean-Paul Beaulieu, tenter, sans grand succès, de s'y faire rassurant. Les participantEs s'entendent pour que la Coalition sur le logement social intensifie son travail.

Un mémoire qui en dit long

A l'été 1996, la coalition obtient copie d'un mémoire interne au Conseil des ministres, signé de la main même du ministre Trudel.  Celui-ci recommande de hausser les loyers dans les 85 000 logements sociaux sous la responsabilité du gouvernement québécois, ainsi que d'abolir le Remboursement d'impôts fonciers (RIF), ce qui priverait 724 000 ménages à faible revenu d'une moyenne de 196 $ par année.

Le développement du logement social n'est pas totalement abandonné. Le mémoire fixe même un objectif de 1 420 nouvelles unités par année. Toutefois, le gouvernement se retirerait graduellement de leur financement qui passerait dorénavant par un fonds faisant appel à des contributions privées. Cette idée n'est pas nouvelle, l'ancien ministre Chevrette l'ayant invoquée à plusieurs reprises en 1995 et ayant même engagé l'ancien ministre Guy Tardif comme consultant pour y travailler.

Sus au mémoire

La Coalition sur le logement social réagit très négativement au mémoire de Trudel.

Avec l'accord de la coalition, le FRAPRU le refile à la Presse canadienne. Le 10 septembre, les quotidiens de tout le Québec publient, en grande majorité à la une, le contenu du document. La coalition réagit immédiatement en conférence de presse. Quelques jours plus tard, Trudel tente sans succès de calmer les locataires de logements sociaux, en annonçant que, s'il y a hausse de loyers, elle sera modérée et échelonnée sur plusieurs années.

Une grande campagne démarre. La Fédération des locataires de HLM y joue un rôle très actif, en organisant des assemblées publiques et des conférences de presse dans plusieurs régions du Québec: Mauricie, Estrie, Québec, Saguenay, Bas-du-fleuve, etc.

Le 30 septembre, Trudel, qui se rend à un souper-bénéfice du PQ, à Châteauguay, doit, bien malgré lui, s'expliquer face à 150 personnes survoltées.

Une pétition s'opposant au mémoire de Trudel circule dans toutes les régions du Québec. Elle recueille 36 000 signatures en trois mois. Ces résultats sont annoncés lors d'une série de conférences de presse et de rencontres avec des députéEs.

Trudel sent la pression monter. Le 7 novembre, la coalition le rencontre pour lui demander ce qu'il entend faire de la faible clause d'appauvrissement zéro adoptée au Sommet sur l'économie et l'emploi de la fin octobre. Le ministre s'engage à ce que la hausse toujours hypothétique des loyers épargne les personnes assistées sociales ayant des contraintes majeures à l'emploi. Le FRAPRU considère que l'annonce représente une avancée, mais uniquement pour 10 % des locataires de HLM qui sont dorénavant assurés de conserver le même loyer. Il déclare qu'il ne sera pleinement satisfait que le jour où le gouvernement Bouchard aura renoncé à toute hausse.

Un mois après, le mémoire Trudel, qui avait déjà du plomb dans l'aile, coule à pic. Le Conseil des ministres abandonne l'idée d'une politique globale en habitation, lui préférant celle d'un plan d'action en habitation. Trudel est invité à refaire ses devoirs.

Conférence de presse de Logemen'occupe à Buckingham. À l'avant-plan, François Roy, coordonnateur de l'organisme.

Camp des mal-logéEs au Bunker.

Le FRAPRU se serait-il vendu ?

Le 7 novembre 1997, peu après que le FRAPRU ait coulé son mémoire dans les médias et que le coordonnateur de l'organisme, François Saillant, se soit retiré du Sommet sur l'économie et l'emploi, le ministre Rémy Trudel lui sert, volontairement ou non, tout un croc-en-jambe. Il profite d'un point de presse conjoint convoqué sur un tout autre sujet pour distribuer un communiqué aux médias. Celui-ci met bien en évidence des subventions d'un demi-million de dollars que son ministère viendrait d'octroyer au FRAPRU.

La télévision française de Radio-Canada joue fortement la nouvelle, ce qui n'est pas sans semer beaucoup de confusion. Le FRAPRU se serait-il vendu ?

La réalité est bien différente. L'annonce de Trudel est l'aboutissement d'une lutte menée depuis le début de 1995 et dont le FRAPRU connaît la conclusion depuis la fin du printemps... bien avant le dévoilement du plan Trudel et la sortie du Sommet.

Le FRAPRU et dix-neuf de ses groupes membres reçoivent un total d'un peu plus de 400 000 $, dont 287 500 $ assurés pour une période de trois ans. On est bien loin du demi-million $ pour le seul FRAPRU ! Radio-Canada a manqué une bonne occasion de faire preuve de rigueur.

Au-delà de la controverse provoquée par le communiqué de Trudel, la création par la SHQ d'un Fonds d'aide aux organismes communautaires a contribué à consolider le réseau du FRAPRU, permettant même la création de deux nouveaux groupes dans des régions jusqu'ici inorganisées : la Mauricie avec le Comité logement de Trois-Riviè-res et le Saguenay avec le groupe Loge m'entraide.

L'échéance approche.

Début 1997.L'échéance du prochain budget Landry se rapproche. La nervosité ressentie au bureau de Trudel et à la SHQ s'empare de certains membres de la Coalition sur le logement social. En continuant de s'opposer à des mesures comme l'abolition du RIF, ne risque-t-elle pas de compromettre la toute dernière chance de réaliser des logements coopératifs et sans but lucratif ?


Deux projets en ce sens, portés par le Chantier sur l'économie sociale, présidé par Nancy Neamtan, ont en effet été adoptés au Sommet sur l'économie et l'emploi. Ils sont toutefois conditionnels à la disponibilité de budgets à la SHQ. Le premier projet, proposé par la CQCH, est la création d'un fonds contrôlé par les groupes communautaires et qui permettrait le financement par le gouvernement de 1 200 logements coopératifs et sans but lucratif par année. Le second est la mise sur pied d'un programme pour les personnes âgées en perte d'autonomie de 500 logements par an.

Au terme d'un long et difficile débat, la Coalition accepte de garder le même cap qu'à l'automne, en mettant toutefois un accent un peu plus important, sur la nécessité d'au moins financer les 1 700 logements prévus par le Sommet.

Peu après, les groupes obtiennent coup sur coup la confirmation que le gouvernement Bouchard a abandonné l'idée d'abolir le RIF et de hausser les loyers dans les logements sociaux, au moins pour 1997. L'horizon s'est désormais éclairci. La lutte peut devenir plus offensive.

Le dernier coup de cœur

Même s'ils trouvent la demande de 1 700 logements bien modeste et s'ils ne cachent pas leur méfiance face à la proposition de fonds, les groupes membres du FRAPRU y voient une dernière chance pour le développement du logement social. Ils adhèrent donc à un étourdissant plan d'urgence qui doit les mener au budget Landry.

Reprenant une idée maintes fois utilisée dans les années quatre-vingt, le FRAPRU fait produire toute une série de panneaux géants annonçant la réalisation de nouveaux logements dans les villes et les quartiers où ses groupes membres sont présents.

Ceux-ci s'en servent, tout au long de février, lors d'actions, de conférences de presse ou de rencontres avec les députéEs. À Thet-ford-Mines, l'Association des locataires et le GRT vont porter leur panneau au député local. Logemen'occupe organise trois conférences de presse en trois jours, à Hull, Gatineau et Buckingham. Les groupes de Montréal manifestent devant le bureau du ministre des Finances, Bernard Landry. Quant aux groupes de Châteauguay,Val-leyfield et Beauharnois, ils piquettent sous un froid de canard au chic Parcours du cerf de Longueuil pour interpeller les ministres Trudel et Pauline Marois.

Le vendredi 28 février, un camp des mal-logéEs est construit devant le Stade olympique de Montréal, au moment de l'inauguration du Salon national sur l'Habitation. La fin de semaine est tout juste terminée, que le FRAPRU est de retour au Salon, mais cette fois à l'intérieur, où 75 personnes squattent symboliquement son attraction numéro un, le Duplex réinventé, commandité par la SHQ. Le 5 mars, c'est à Québec, devant le bureau du premier ministre Bouchard, familièrement surnommé le Bunker, qu'un camp des mal-logéEs est érigé, en présence de 325 personnes.

Enfin... du logement social

Le 25 mars,Bernard Landry fait la lecture de son budget. Le FRAPRU s'est préparé au désastre, en planifiant une occupation du Ministère des Finances pour le lendemain. Une chaîne téléphonique d'urgence a été mise sur pied, question de confirmer la tenue ou non de l'occupation. En toute fin d'après-midi, les groupes membres du FRAPRU reçoivent un tout autre appel que celui auquel ils s'attendaient. L'occupation peut être annulée. Landry vient d'annoncer l'investissement annuel de 43 millions $ pour le financement de 1 820 logements par année, sur une période de cinq ans.

Le FRAPRU sait fort bien que les 43 millions $ sont tout à fait insuffisants pour réaliser autant de logements. Il sait aussi que le Plan d'action en habitation que le gouvernement vient de rendre public ne contient pas que de bonnes nouvelles. Le gouvernement ne renonce, par exemple, pas complètement à sa volonté de hausser les loyers dans les logements sociaux. Il confirme plutôt qu'il le fera « au moment opportun ».

Il est cependant difficile de ne pas se réjouir des gains enregistrés, aussi piégés soient-ils. Alors que le mémoire signé par Trudel prévoyait réaliser des économies de 65 à 84 millions $ par année en habitation, le plan d'action prévoit des déboursés annuels supplémentaires de 118 millions $.Tout un renversement de situation.

Ce qui est le plus important, c'est toute fois que le développement du logement social ne soit plus à zéro. Même si c'est en nombre bien minime, des logements coopératifs et sans but lucratif pourront à nouveau voir le jour au Québec.     

1997-1998

Les nouveaux défis du FRAPRU

La divulgation du Plan d'action en habitation pose de nouveaux et difficiles défis au FRAPRU et à ses groupes-membres.

Le petit programme gagné après des années de lutte doit évidemment être utilisé au maximum, ce qui est loin d'être aisé. Il faut, en même temps, éviter de s'en contenter et continuer de revendiquer d'autres budgets et d'autres programmes.

Un programme bien exigeant

L'équilibre est facile à conserver en théorie, il l'est beaucoup moins dans la pratique. Il l'est d'autant moins que le dit programme, baptisé AccèsLogis. n'a guère pris de temps à montrer toutes ses limites et toutes ses difficultés.

Les organismes populaires et communautaires, dont le FRAPRU, ont beau avoir la majorité des sièges au Fonds québécois d'habitation communautaire, chargé par le gouvernement d'administrer le programme, ils n'ont décidé ni de son budget, ni de ses grandes orientations. Tout au plus peuvent-ils s'y assurer que le programme soit le meilleur possible, à l'intérieur de ces limites, et qu'il ne soit pas détourné à d'autres fins que celles pour lesquelles il a été mis sur pied. Comme prévu, les 43 millions $ investis par le gouvernement québécois ne permettent pas la réalisation de 1 820 logements par année, mais plutôt de 1 325. Ce n'est toutefois pas la seule, ni même la principale, difficulté.

L'écueil majeur est plutôt ce qu'on appelle la contribution du milieu. Pour qu'un projet de logement social soit accepté dans une municipalité donnée, la Ville et-ou d'autres intervenants du milieu doivent obligatoirement fournir 33 sous pour chaque dollar investi par le gouvernement. Les municipalités avaient déjà été bien peu enthousiastes à le faire dans le cas de l'ancien Programme d'achat-rénovation en coopératives et en OSBL. Voilà que le gouvernement leur demande de récidiver... au moment même où il leur fait avaler de force une nouvelle facture de 500 millions $.

À partir de l'automne 1997, les groupes-membres du FRAPRU et les GRT doivent multiplier les interventions pour les convaincre.

Certaines villes acceptent, la plupart après s'être fait longuement tirer l'oreille. C'est le cas de Montréal, qui, après des dizaines d'interventions des groupes, contribue au développement de plus du tiers de tous les logements prévus pour le Québec. La Ville de Québec, elle, en finance 85 et prévoit cet investissement dans son plan triennal d'immobilisations. À Châteauguay. le Comité de logement social réussit à convaincre la Ville d'investir à nouveau dans le logement social, celle lois-ci pour vingt-quatre logements.

À Hull cependant, la municipalité fournit tellement peu d'argent à un OSBL de 17 logements pour personnes seules que Logemen'occupe doit organiser une loterie pour trouver les 70 000 $ qui manquent pour la réalisation du projet.

Ailleurs, les non s'accumulent. De grandes villes comme Longueuil et Laval refusent d'adhérer au programme, venant ainsi s'ajouter à celles qui avaient déjà refusé de contribuer au PARCO. comme Sainte-Foy, Gatineau et Montréal-Nord auxquelles le FRAPRU avait décerné des prix de villes sans-cœur en 1996 (ah. la colère de la mairesse Boucher!).

Plein les bras

La mise en oeuvre du Plan d'action en habitation a passablement occupé le FRAPRU, depuis le printemps 1997. Lui qui avait été si longtemps ignoré par la SHQ en a cette fois plein les bras avec les comités et tables formés par l'organisme public. Les représentantes du FRAPRU et les fonctionnaires de la SHQ. peu habitués à travailler ensemble, s'y apprivoisent mutuellement.

En joignant sa voix à celle de la FLHLMQ. le FRAPRU réussit à désamorcer au moins deux dangers : des hausses de loyer déguisées dans les logements sociaux et une éventuelle munici-palisation de la gestion et peut-être même de la propriété des HLM.

La bataille du supplément au loyer

Une autre difficulté interpelle le FRAPRU au plan national. Le supplément au loyer, l'aide supplémentaire accordée aux ménages à plus faible revenu  pour leur permettre de payer le même loyer que dans un HLM, n'est disponible que pour une durée de cinq ans. La même contrainte existait dans le PARCO.  Toute une limite ! Le programme pour lequel des centaines et même des milliers de mal-logéEs se sont battus pendant si longtemps est-il en voie de réaliser des logements qui, à terme, ne leur seront plus accessibles.

Le problème est suffisamment important pour que le FRAPRU lance l'alarme à l'automne 1997. Les autres organismes nationaux de logement social acceptent de collaborer à une campagne visant à gagner un supplément au loyer permanent, dès le budget de 1998 du ministre Landry. La campagne obtient des résultats satisfaisants, plus de 400 organismes y participant.

Le 5 mars 1998, à l'approche du budget, 75 membres du FRAPRU occupent le bureau du ministre Rémy Trudel, à Québec. S'en suit une rencontre avec le ministre responsable de l'Habitation qui prend l'allure d'un véritable dialogue de sourd. Le FRAPRU parle de permanence du logement social, Trudel... d'incitation à l'emploi.

Comme il était prévisible, le budget passe totalement sous silence l'enjeu du supplément au loyer permanent. La bataille doit être poursuivie.

Vers un grand chantier de logement social

Le 23 mars 1998, le FRAPRU veut frapper un grand coup. Un an presque jour pour jour après la sortie du Plan d'action en habitation, il juge qu'il est temps de relancer la lutte pour aller bien au-delà du programme de 1 325 logements par an que le gouvernement péquiste a accepté de concéder.

En principe au moins, tous les groupes membres se rallient à une idée : AccèsLogis est un bien petit pas dans la bonne direction, mais il faudra beaucoup plus pour assurer la relance du logement social.

Pour montrer clairement cette nécessité, le FRAPRU emprunte un concept à la mode au gouvernement Bouchard, celui d'un chantier.

Ce qu'il demande, c'est un grand chantier de logement social, susceptible de répondre plus adéquatement à toute l'ampleur et à toute la diversité des problèmes de logement. Non seulement le gouvernement doit-il investir bien davantage que 43 millions $ par année dans le logement social, mais il doit créer d'autres programmes que l'actuel AccèsLogis. Même si le Plan d'action en habitation repousse carrément cette idée, des HLM doivent être à nouveau réalisés au Québec. Il y aussi de la place pour d'autres formules, comme des logements avec soutien communautaire destinés à des personnes itinérantes et-ou marginalisées ou encore des coopératives et des OSBL s'adressant à des ménages à plus faible revenu.

Le 23 mars, le FRAPRU veut démontrer l'ampleur des besoins et conséquemment la nécessité d'un investissement plus important du gouvernement, en organisant une Journée d'inscription au logement social. Il obtient la collaboration de plusieurs Offices municipaux d'habitation (OMH) pour que ceux-ci accueillent, en présence des médias, des requérants venus porter leur demande ou s'enquérir de l'avancement de leur dossier.

La journée d'inscription connaît un succès mitigé. Plus de 400 personnes y participent, dans dix villes différentes. Ce n'est pas négligeable, mais le FRAPRU aurait souhaité beaucoup plus pour lancer une demande aussi ambitieuse.

Ce demi-succès illustre jusqu'à quel point la livraison d'AccèsLogis (et aussi l'implication dans d'autres luttes, comme celle sur l'aide sociale) bouffe littéralement l'énergie des groupes.

200 millions$ à aller chercher

L'enjeu n'est pas nouveau au FRAPRU. il a manifesté à ce sujet, dès juin 1990 : le (Québec ne reçoit pas sa juste part des budgets fédéraux à l'habitation, ce qui le prive de sommes pouvant s'élever jusqu'à 200 millions$ par année.

Alors que le (Québec compte environ 25% de la population canadienne et 29%  des ménages qui ont des problèmes sérieux de logement au Canada. Ottawa ne lui accorde annuellement que 18%  à 19 % des budgets qu'il transfère aux provinces pour les logements sociaux réalisés par le passé.

Le problème a pris une perspective différente, depuis que le gouvernement Chrétien a annoncé, au printemps 1996. qu'après s'être retiré du développement de nouveaux logements sociaux, il était désormais « disposé à offrir aux autorités provinciales et territoriales la possibilité de prendre en charge la gestion des ressources existantes en matière de logement social».9

Les premières ententes que le fédéral a signées avec la Saskatchewan. le Nouveau-Brunswick. Terre-Neuve, la Nouvelle-Ecosse et les Territoires du Nord-Ouest ne rassurent pas le FRAPRU.  Ottawa continue ce pendant quelques temps à assurer le financement des logements, mais celui-ci diminue graduellement pour finalement tomber à zéro. C'est l'avenir du parc actuel de logements sociaux qui est en jeu. C'est aussi la perpétuation ou non de l'injustice dont le (Québec est victime. Le FRAPRU doit s'en mêler.

Durant la campagne électorale qui mène à la réélection de Jean Chrétien, au printemps 1997. il occupe durant quelques heures les bureaux de campagne de la ministre Lucienne Robillard. à Montréal.

Il rencontre par la suite le nouveau ministre responsable de la SCHL. Alfonso Gagliano. et les ministres Robillard et Pierre Pettigrew.  En septembre, il va livrer, en compagnie de 200 personnes, une facture géante illustrant le manque à gagner du Québec au bureau de Ville Saint-Laurent du président du Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales. Stéphane Dion. Ayant un petit faible pour Dion, le FRAPRU occupe ses bureaux d'Ottawa, le 26 novembre 1997.

Une semaine plus tard, il prend l'initiative de rendre publique une lettre queGagliano a adressée au ministre Rémy Trudel. pour rejeter les demandes portées par Québec.

Vers un front commun?

Tous ces événements visent évidemment à faire directement pression sur Ottawa, mais aussi à pousser dans le dos du gouvernement Bouchard. Le FRAPRU voudrait que celui-ci se montre plus combatif dans le dossier, en en faisant un enjeu constitutionnel majeur.

Depuis le début de 1998. le FRAPRU et la FLHLMQ ont proposé au ministre Trudel de former un front commun de tous les intervenants québécois préoccupés par l'enjeu. Tout en acquiesçant en principe. Trudel n'a pas encore levé le petit doigt.

C'est pour cette raison que le dernier congrès du FRAPRU lui a donné le mandat de créer lui-même ce front commun et d'y inviter le gouvernement québécois, si celui-ci ne bouge pas auparavant. La condition serait évidemment que le gouvernement accepte que tout argent obtenu d'Ottawa reste dans le logement social.

Le grand chantier de logement social, revendiqué par le FRAPRU, nécessite de l'argent. L'entretien des logements sociaux actuels aussi. Il y en a à Ottawa... et il nous appartient.

Toujours un espoir, une aspiration

Andrée McDonald, du Comité de logement social de Châteauguay, explique à Jean Charest comment le logement social l'a aidée. Le chef du Parti libéral a participé à une tournée en autobus dans le quartier Pointe Saint-Charles de Montréal, le 15 septembre 1998 (photo: Amélie Binette).

Grâce aux efforts du FRAPRU et de ses membres, le logement social est encore une réalité.

Le Québec est, avec la Colombie-Britannique, la seule province canadienne où de nouveaux logements sociaux continuent à voir le jour. AccèsLogis est bien sûr insuffisant, limité. Il y a quelques années, au moment où de 5 000 à 8 000 logements étaient financés annuellement avec de l'argent fédéral, le FRAPRU se serait probablement dissocié d'un tel programme. Il est pourtant bien précieux dans la conjoncture actuelle.

Sa première utilité est évidemment de fournir immédiatement un logement à une infime minorité de personnes et de familles à revenus faibles et modestes. Mais son apport le plus important, celui qui ne doit jamais être perdu de vue, est de conserver en vie l'espoir du logement social, l'aspiration à une réalité qui soit autre chose que le marché privé de l'habitation.

De plus, le parc de 110 000 logements sociaux dont est aujourd'hui doté le Québec n'a pas été dilapidé, contrairement à ce qui se passe présentement dans l'Ontario de Mike Harris. Même si la hausse des loyers pend depuis cinq ans, comme une épée de Damoclès, au-dessus de la tête des locataires de ces logements, les loyers sont toujours à 25 % des revenus. Ce n'est déjà plus le cas dans sept provinces canadiennes.

Il s'agit là d'acquis importants. Le FRAPRU et ses membres ne peuvent toutefois se satisfaire de la situation actuelle. Le voudraient-ils qu'ils ne le pourraient pas. Les problèmes sont trop importants. Les résultats du recensement de 1996 viennent de le rappeler brutalement. De 1991 à 1996, le nombre de ménages locataires consacrant plus de la moitié de leur revenu au logement est passé de 194 220 à 273 825, une hausse de 41 % ! Derrière ces chiffres, il y a des visages, ceux que les groupes du FRAPRU voient quotidiennement dans leurs locaux, leurs activités, leurs actions.

Autre chose qu'un slogan

Le programme AccèsLogis doit être amélioré. Le grand chantier de logement social, lui, doit devenir autre chose qu'un slogan un peu vide. Il doit au contraire s'incarner dans le travail même du FRAPRU et de ses groupes. Au XVIIIe congrès de l'organisme, tenu à Pointe-du-Lac, en Mauricie, les groupes ont précisé la demande, en parlant de la réalisation de 8 000 logements par année, dont la moitié de HLM. Ils se sont aussi et surtout donné un ambitieux plan de travail pour les mois à venir.

Parmi les interventions prévues, il y a la publication d'un nouveau Dossier noir sur le logement et la pauvreté, le troisième du genre produit par le FRAPRU. Les données du dernier recensement sont suffisamment éloquentes pour que cette sortie représente un événement. Aussi le FRAPRU compte-t-il en maximiser les retombées, en organisant des conférences de presse et des assemblées dans un maximum de régions, de villes, de quartiers et en en profitant pour aller chercher l'appui de toutes sortes d'organismes à la perspective de grand chantier.

Le FRAPRU n'entend pas non plus laisser passer les élections générales au Québec sans interpeller les partis en lice sur la crise du logement et la nécessité d'un grand chantier de logement social. Le travail est déjà commencé. Le 3 mai, le premier ministre Bouchard a fait connaissance avec les chaudrons du FRAPRU, lors de l'assemblée d'investiture de la ministre Rita-Dionne Marsolais, dans son comté de Rosemont, à Montréal. Trois semaines plus tard, une manifestation de 200 personnes est allée cogner à la porte du chef du Parti libéral du Québec, Jean Charest. Ce dernier a par la suite été rencontré par une délégation du FRAPRU. Il a également fait une tournée de logements sociaux, à Montréal.

Vingt ans... et encore plus de dents

Vingt ans après sa naissance, le FRAPRU est encore au front. Les dernières années ont été dures, très dures. Le défi de poursuivre la lutte pour le logement social est plus ardu que jamais. Le « Tout au marché », qui a emporté les programmes de logement social comme l'ensemble des programmes sociaux, domine impitoyablement. Les questionnements, les débats stratégiques auxquels le FRAPRU est confronté depuis une bonne décennie demeurent entiers.

Le FRAPRU ne s'est pourtant pas affaibli. Il compte 60 groupes-membres, dix fois plus qu'au début des années quatre-vingt. Vingt-trois de ces groupes sont au cœur même de son travail. On les retrouve en Outaouais, en Montérégie, en Estrie, en Mauricie, au Saguenay, dans les régions de Lanaudière et de l'Amiante, dans deux quartiers de Québec et neuf de Montréal. Le FRAPRU a de plus contribué à créer la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec qui compte des associations membres dans 58 villes.

Le FRAPRU a également resserré ses liens avec les autres organismes communautaires de logement. Des divergences demeurent. Les stratégies, les façons de faire, sont souvent bien différentes. Avec le temps, le FRAPRU, comme les autres groupes, ont toutefois appris à vivre avec ces différences et même à en tirer parti.

Au fil des ans, le FRAPRU a également tissé des relations précieuses avec des centaines d'organismes de tout genre, nationaux comme locaux : groupes de femmes, de personnes assistées sociales, d'aînéEs, de personnes handicapées, de santé mentale, d'éducation populaire ; syndicats ; coalitions de quartier, etc.

Il est un interlocuteur que les gouvernements doivent désormais considérer comme incontournable et qu'ils refusent bien rarement de rencontrer.

Enfin, même si les grands médias n'ont pas encore tous appris à écrire ou prononcer correctement son nom, il a acquis une visibilité rare pour un organisme populaire.

Vingt ans après, le FRAPRU n'a pas perdu ses dents. Il en a encore plus... et il en a drôlement besoin.

Le FRAPRU vu par...Carlos Borges

Il était une fois un groupe qui tournait en rond dans la lutte pour le logement social. Le Comité de logement social de Châteauguay était pris dans un jeu de ping-pong entre la Ville qui avait trop de terrains à offrir pour des HLM (entre les lignes qui ne voulait pas des logements sociaux...) et la SHQ qui ne trouvait pas la Ville très sérieuse dans ses offres.

Un coup de fil à FRAPRU et nous voilà repartis. Une inauguration symbolique est organisée sur un des sites. Depuis ce temps-là, ce sont 400 unités de logement social que nous avons réussies chez nous. FRAPRU nous a donné la perspective et l'oxygène pour mener notre lutte. En même temps, nous avons appris qu'il n'y aura pas de « morceau de tarte sans une tarte » et nous nous sommes ouverts à la lutte nationale.

FRAPRU c'est la « seule organisation » qui agit, mais au départ fait l'effort de voir clair et de tirer le meilleur avantage de n'importe quelle conjoncture au Québec. C'est cette « lucidité » qui nous permettra de passer au travers du grand désert et de cheminer vers une terre promise d'un monde meilleur, où chacun aura droit à un logement décent à un prix abordable...

Organisateur au CLSC de Châteauguay, Carlos Borges anime, depuis les débuts, le Comité de logement social de cette ville.

Au FRONT...sur bien des fronts

Depuis vingt ans, l'histoire du FRAPRU se conjugue avec celle de la lutte pour le développement du logement social.

Le FRAPRU et ses groupes membres ont pourtant été actifs sur bien d'autres enjeux. Éparpillement ou défense, sur d'autres fronts, des mêmes valeurs fondamentales: la solidarité, le refus de la pauvreté et de l'exclusion, la justice, le droit fondamental au logement?


Les rouleaux de papier de toilette volent sur le Palais des congrès de Montréal où se réunit le Parti libéral du Québec, en mars 1991 (photo : Jean Tremblay).


Quand le social fout le camp...

Le 4 décembre 1981,près de 2 000 personnes répondent à l'invitation d'une coalition de groupes populaires et syndicaux, dont le FRAPRU, en manifestant devant le congrès du Parti québécois, à Montréal.

Bien peu de ces personnes se doutent à ce moment que les « ciseaux à Parizeau », alors ministre des Finances du gouvernement Lévesque, ne sont qu'un bien mince avant-goût de ce qui les attend. Les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix sont en effet celles d'un remise en question autrement plus profonde du rôle social que l'État avait accepté d'assumer au cours des décennies antérieures.

La révolution conservatrice qui a frappé, parfois brutalement, parfois plus en douceur, l'ensemble de la planète va totalement changer le décor sur lequel des groupes comme le FRAPRU doivent intervenir, ce qui n'a pu que se répercuter sur ses luttes.

Pas seulement une nécessité, une urgence

Avant même que des mots comme « élargissement des luttes », « unification des luttes » ou « luttes globales » n'apparaissent, quelque part à la fin des années quatre-vingt, dans son vocabulaire, le FRAPRU avait compris la nécessité de lier la lutte pour le logement social à celle d'ensemble pour les droits sociaux.

C'est pour cette raison qu'il est un des groupes qui, en 1985, a proposé, lors d'une rencontre convoquée par la CSN, de former une coalition permanente sur l'enjeu des programmes sociaux et de la fiscalité qui est devenue Solidarité populaire Québec (SPQ).

Le FRAPRU a investi de grands espoirs dans cette large coalition syndicale et communautaire. La déception a été à la hauteur des espoirs, au point où il s'en est temporairement retiré au début des années quatre-vingt-dix. À son retour, il s'y est investi plus que jamais, participant à des comités de travail et siégeant, durant plusieurs années, à son comité de coordination... sans plus de succès.

SPQ a réussi à développer un discours cohérent sur des enjeux comme la fiscalité, les finances publiques et les programmes sociaux. Elle s'est donné un projet de société qui, malgré des faiblesses évidentes, aurait pu fournir une base réelle de travail. Elle a facilité l'échange entre les groupes. Elle a toutefois jusqu'ici échoué lamentablement à passer à l'action.

À l'extérieur de SPQ

Bien souvent, des coalitions ont dû se former à l'extérieur de SPQ, sur des enjeux qui appartenaient pourtant à son mandat. Ce fut le cas pour les batailles sur l'assurance-chômage, l'aide sociale et les référendums sur l'avenir du Québec.

Le FRAPRU, lui-même, a parfois été directement à l'origine de telles coalitions, entre autres celles qui ont organisé d'importantes manifestations contre deux congrès du Parti libéral du Québec, alors au pouvoir.

En mars 1991,400 personnes ont répondu à l'appel d'une petite coalition, formée quelques semaines plus tôt, et ont jeté des rouleaux de papier de toilette sur le Palais des congrès de Montréal où se tenait le congrès du PLQ.

Le 13 mars 1994, un événement du même genre a pris une toute autre ampleur. Une coalition, formée cinq mois plus tôt, a organisé une manifestation à Montréal, sous le thème « Ras-le-bol de s'appauvrir ». Autour de 2 000 personnes ont marché sur le Palais des congrès de Montréal, au moment où Daniel Johnson était élu en rem-placement de Robert Bourassa. Des instances régionales de la CSN, comme le Conseil central de Montréal et celui du sud-ouest de Montréal, y étaient notamment fortement représentées, tout comme les membres du FRAPRU qui avaient déployé un important effort de mobilisation.

Plus près de nous, en 1997, le FRAPRU s'est associé avec d'autres organismes pour rencontrer le ministre des Finances, Bernard Landry, et lui faire part de propositions très concrètes de réforme de la fiscalité permettant au gouvernement d'aller chercher 2 milliards $ de plus pour les programmes sociaux. En février 1998, à la veille du budget Martin, il a pris l'initiative de convoquer des groupes engagés dans la santé, l'éducation et l'aide sociale pour dénoncer en conférence de presse les coupures dans les transferts fédéraux aux provinces.

Beaucoup de déceptions

À l'exception notable de la Marche des femmes contre la pauvreté de 1995 à laquelle les membres du FRAPRU ont participé en grand nombre, aucune lutte unitaire d'ensemble n'a pu aboutir à des résultats concrets.

Ça aurait pourtant été bien nécessaire au moment où la lutte au déficit a donné cours au saccage des politiques sociales et à l'appauvrissement de centaines de milliers de citoyens et de citoyennes du Québec. Ce l'est au moins autant aujourd'hui, au moment où un seul discours se fait entendre sur l'utilisation des surplus budgétaires des gouvernements, celui de la réduction des impôts et de la diminution de la dette.

La difficulté à construire une telle lutte unitaire explique qu'elle ait si abondamment alimenté les débats lors des congrès annuels du FRAPRU. Tout cela est en effet bien questionnant, et pas seulement pour les centrales syndicales, comme trop de militantEs ont, bien facilement, tendance à le penser. Le problème, il est aussi dans notre cour.


Sur ses propres bases

Heureusement, le FRAPRU a, avec plus de succès, intégré les préoccupations budgétaires et fiscales d'ensemble à ses propres interventions sur le logement social.

Des sessions sur la fiscalité se donnent à intervalle régulier au FRAPRU, depuis dix ans. Le FRAPRU est également un des rares organismes communautaires à avoir présenté des mémoires sur l'enjeu de la fiscalité et des finances publiques. Il l'a par exemple fait en février 1993, lors d'une Commission parlementaire tenue à ce sujet à Québec. Estimant que les dés étaient pipés, les représentantEs du FRAPRU ont refusé de répondre aux questions des parlementaires, dont le président du Conseil du trésor, Daniel Johnson, et se sont retirés en chantant une petite rengaine contre les privilèges fiscaux.

Le FRAPRU n'a cependant pas qu'écrit des mémoires et des textes de vulgarisation et de formation sur ces enjeux, il aussi pris la rue.

Dans sa lutte contre le retrait du gouvernement fédéral du logement social, il a manifesté contre les budgets militaires devant le Musée de la guerre, à Ottawa et contre les privilèges fiscaux, en brûlant des rapports d'impôt lors d'une consultation budgétaire, à Montréal.

En avril 1996, à Québec, le FRAPRU a mobilisé 300 personnes, à quelques jours du budget Landry. Il y a démontré qu'uniquement en rabaissant de 13 500 $ à 7 500 $ le montant maximal pouvant être placé dans un Régime enregistré d'épargne retraite (REÉR), le gouvernement pourrait dégager 100 millions $ pour le logement social.

C'est plus que la majeure partie des mouvements communautaire et populaire n'afait. Les groupes membres du FRAPRU s'entendent cependant pour affirmer que ce n'est pas suffisant. Une assemblée générale, tenue en septembre 1998, a affirmé la nécessité d'une organisation large de lutte à la pauvreté. Beaucoup d'organismes pensent de plus en plus ouvertement de même. Tous ces efforts aboutiront-ils, cette fois, à des résultats réels? Seul le temps le dira.

La manifestation du 29 octobre 1996, à l'ouverture du Sommet.

L’Épisode du Sommet

Le FRAPRU n'a pas été invité au Sommet sur l'économie et l'emploi qui s'est déroulé en deux temps en 1996, du 18 au 20 mars, puis du 29 octobre au 1er novembre. L'événement a pourtant, pendant des mois, accaparé temps et énergies au FRAPRU, y alimentant débats et controverses, mais aussi mobilisation.

Le dur apprentissage

La Conférence de mars sur le devenir social et économique du Québec est marquée par une grande première : la présence d'organismes dits socio-communautaires dans un exercice qui n'implique habituellement que l'éternel triangle gouvernement-patronat-syndicat.

Les organismes invités forment toutefois un ensemble hétéroclite. Jean-Pierre Wilsey, président du FRAPRU, y est le porte-parole de Solidarité populaire Québec.

C'est sans grande préparation et surtout sans mobilisation réelle que les organismes se présentent à la Conférence, avec une même idée : obliger le gouvernement à retirer les compressions budgétaires à l'aide sociale imposées par la loi 115 adoptée en décembre 1995.

A la fin du Sommet, aucun gain n'a été obtenu. Tout au plus, la présidente de la Fédération des femmes, Françoise David, a-t-elle provoqué un long silence gêné, en interpellant l'ensemble des participantEs sur les 72 millions $ qui allaient bientôt être enlevés aux plus pauvres.

Les groupes socio-communautaires et étudiants ont également rédigé un communiqué de presse, qui leur permet de prendre timidement leurs distances avec l'objectif de déficit zéro que le premier ministre Bouchard a arraché de main de maître et qui va encarcaner la société québécoise durant les quatre ans à venir.

Le FRAPRU vu par... Lorraine Guay

Le FRAPRU, c'est la constance dans la lutte, la fidélité à une vision solidaire de l'habitat, l'imagination dans l'action, l'humour dans les moyens ! Ce que nous savons des enjeux liés au logement et ce que nous avons acquis de gains, c'est en très grande partie au FRAPRU que nous le devons. Merci et longue vie.

Responsable de la formation au Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec, Lorraine Guay a travaillé étroitement avec le FRAPRU à quelques reprises, notamment lors du Sommet de l'automne 1996.

Du déficit zéro... à l'appauvrissement zéro

Lors de la deuxième partie de l'exercice, à l'automne, les organismes sont autrement mieux préparés. Ils se sont donné une plate-forme commune tournant autour de la nécessité de la redistribution de la richesse, ce qui les sépare des centrales syndicales qui, elles, se rallient autour de « l'obsession de l'emploi ».

Les groupes veulent surtout défendre une grande idée : « À déficit zéro... appauvrissement zéro ». Ils présentent donc au Sommet une clause bloquant toute forme d'appauvrissement pour le cinquième de la population qui est déjà le plus pauvre. Il s'agit évidemment d'une demande défensive, minimale, mais qui a le net avantage de confronter le gouvernement sur l'une des conséquences les plus néfastes de sa politique de déficit zéro.

La demande, qui a fait l'objet, dans les semaines précédentes, d'un jeûne à relais d'une quinzaine de jours, est reprise à l'ouverture du Sommet par une grande manifestation de 6 000 personnes.

Plus de 600 groupes de toutes les régions font aussi parvenir des lettres d'appui.

À l'intérieur, François Saillant, coordonnateur du FRAPRU, est, cette fois, le porte-parole de SPQ. Contrairement à la situation vécue en mars, il a les coudées franches, son mandat relevant uniquement des organismes populaires et communautaires qui en sont membres. Les membres syndicaux de la coalition, déjà représentés au Sommet, ont accepté qu'il en soit exceptionnellement ainsi.

Lors du débat sur la clause d'appauvrissement zéro, le 31 octobre, des appuis inattendus se manifestent, allant de la multi-mil-lionnaire Phillis Lambert aux maires de Montréal et de Québec, Pierre Bourque et Jean-Paul L'Allier. Même si la clause est dé-sormais au cœur des enjeux du Sommet, Bouchard se montre, quant à lui, inflexible.

Le 1er novembre, au matin, lors du huis-clos devant mettre un terme au Sommet, une proposition concoctée au petit matin divise les groupes socio-communautaires. La clause d'appauvrissement zéro s'appliquera uniquement aux personnes assistées sociales ayant des contraintes permanentes à l'emploi. Les autres n'auront droit qu'à un souhait de non-appauvrissement. Un fonds spécial de 250 millions $ en trois ans, dit de « lutte à la pauvreté », est aussi créé.

Trois personnes se retirent du Sommet, en affirmant que la proposition est « insuffisante » et en s'opposant à la division ainsi introduite entre bons et mauvais pauvres. Françoise David de la FFQ, François Saillant de SPQ et Thérèse Sainte-Marie de la Coalition nationale des femmes contre la pauvreté ne sont pas du consensus final, pas plus que les leaders du mouvement étudiant qui se sont retirés la veille.

Le FRAPRU vu par...Françoise David

A une certaine époque, à la FFQ, on disait : « Les gars du FRAPRU ». Et je pense qu'on ne se comprenait pas toujours bien... Les temps ont changé. Il y a eu la Marche des femmes et l'appui du FRAPRU. Il y a eu, il y a encore des luttes en commun, des moments intenses de solidarité (comme le retrait du Sommet), des débats francs et ouverts. Aujourd'hui les filles et les gars du FRAPRU sont des complices et des alliéEs. Longue vie à ce groupe qui sait si bien marier rigueur, imagination et combativité.

Françoise David est présidente de la Fédération des femmes du Québec.

Dommage !

La présentation de la clause d'appauvrissement zéro au Sommet a permis de marquer des points dans la population sur l'enjeu de la pauvreté. Un sondage réalisé durant le Sommet démontrait qu'elle avait l'appui de 69 % des personnes interrogées.

Elle a donné un avant-goût des possibilités du mouvement populaire et communautaire, quand il s'unit, même provisoirement, sur une même revendication.

Elle en aura malheureusement aussi démontré les limites, le mouvement se divisant artificiellement, sitôt après le Sommet, entre partisans de l'« appauvrissement zéro » et de la « pauvreté zéro »...

La clause n'aura pas de suite. L'appauvrissement s'est poursuivi. La pauvreté a empiré. Le déficit zéro a fait les ravages escomptés. Qui a gagné?

Le FRAPRU vu par... Gaétan Ménard

Le FRAPRU a été pour moi la meilleure école du militantisme que je connaisse. De l'analyse de la conjoncture à l'action directe, j'y ai tout appris. Merci pour tout, félicitations pour le 20e et longue vie à la meilleure organisation de lutte du Québec.

Gaétan Ménard a été militant sur le logement à Buckingham. Il a par la suite été président du Conseil du travail de l'Outaouais (FTQ). Il est toujours engagé dans les luttes syndicales et populaires.

Aide sociale: arrêter l'hémorragie

Au début de 1988, le FRAPRU prend, pour une première fois, l'initiative d'une manifestation sur l'aide sociale. Il s'était jusqu'ici contenté d'appuyer les groupes intervenant sur cette question.

Cette fois, l'enjeu lui semble trop important, trop urgent, pour qu'il ne s'y mêle pas directement. Le ministre libéral de la Sécurité du revenu, Pierre Paradis, vient de publier un Livre vert proposant une réforme radicale de l'aide sociale.

Le document remet en question ce qui est à la base même de l'aide sociale : la reconnaissance du droit à une aide financière quelle que soit la cause des besoins. Il propose de diviser les personnes assistées sociales selon leur aptitude et leur disponibilité au travail, ainsi que leur participation à des mesures dites d'employa-bilité. Il introduit aussi toute une série de coupures, comme celle pour partage de logement.

Le 28 février, la manifestation organisée par le FRAPRU, Solidarité populaire Québec, l'Association nationale des étudiants et des étudiantes du Québec et une nouvelle coalition sur l'aide sociale baptisée SCRAP-Paradis réunit 1 200 personnes devant l'Hôtel Hilton de Québec où se tient le congrès du Parti libéral.

Vers la loi 37

Le nombre de participants dépasse toute attente. Ce succès encourage les autres organismes qui se sont prononcés contre le Livre vert à passer plus directement à l'action. Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec prend l'initiative de former une table de concertation sur la réforme de l'aide sociale.

Tous les courants y sont représentés et, malgré les tensions et les débats parfois acrimonieux, la table organise plusieurs actions majeures tout au long de 1988: manifestation de 3 000 personnes à Québec, le 16 avril ; journée nationale d'action, le 30 mai; manifestation de 6 000 à 8 000 personnes dans les rues de Montréal, le 15 octobre ; campagne d'appui qui suscite la participation de 1 700 groupes...

Tout en s'investissant dans ces activités et dans le fonctionnement de la table, le FRAPRU mène des actions sur ses propres bases, comme l'occupation du hall d'entrée du bureau du premier ministre Bourassa, à Montréal. Elle est organisée, le 2 décembre, en collaboration avec l'Organisation populaire des droits sociaux de la région de Montréal.

Toutes ces interventions ne parviennent pas à faire reculer le nouveau ministre de la Sécurité du revenu, André Bourbeau. La loi 37 est adoptée, avec quelques minces concessions par rapport au projet initial, comme la création d'une allocation-logement pour les familles assistées sociales.

L'après-réforme

La table nationale continue son travail, durant plusieurs années après l'adoption de la loi. Les tensions, présentes dans la lutte contre le Livre vert et le projet de loi 37, sont plus palpables encore. La table réussit tout de même à organiser quelques activités marquantes.

Une manifestation nationale contre l'appauvrissement réunit 3 000 personnes dans les rues du sud-ouest de Montréal, à la veille des élections de septembre 1989. À la suggestion du FRAPRU, trente-sept jours consécutifs d'action sont organisés contre la loi 37, à l'automne 1990. Un an plus tard, le duo Rhythm Activism parcourt plusieurs villes et quartiers populaires avec un cabaret musical sur l'aide sociale, Deux femmes, un tchèque. La table s'éteint par la suite.

Quant à lui, le FRAPRU continue de réclamer, à chaque opportunité, l'abolition de la coupure pour partage de logement. Durant la campagne électorale de 1994, il rend public un rapport du Protecteur du citoyen, Daniel Jacoby, critiquant la coupure. Il demande au Parti québécois de s'engager à y mettre fin, ce que celui-ci fait bien timidement, en promettant de l'abolir graduellement, « en commençant par les familles monoparentales ».

Le FRAPRU vu par... Jean-Yves Desgagnés

Que ce soit dans la lutte contre les Boubous macoutes, contre la loi 37 de Paradis-Bourbeau ou plus récemment contre la réforme de l'aide sociale du gouvernement Bouchard, le Front commun des personnes assistées sociales du Québec a toujours pu compter sur l'engagement et l'implication du FRAPRU.

Le FRAPRU, malgré ses 20 ans, a conservé les principales caractéristiques d'une organisation populaire, soit un parti pris pour les classes opprimées et un engagement, par la mobilisation et les actions d'éclat, dans les principales luttes visant l'amélioration des conditions de vie de ces classes sociales.

Chapeau et longue vie au FRAPRU !

Jean-Yves Desgagnés est coordonnateur du Front commun des personnes assistées sociales du Québec.

Pauvres propriétaires

A son arrivée au pouvoir, le PQ a oublié cet engagement II tend plutôt l'oreille aux récriminations des associations de propriétaires qui évoquent les chiffres les plus invraisemblables pour rédamer l'intervention de l'État face à ce qui serait devenu un véritable « fléau » : le non-paiement des loyers par une partie des personnes assistées sociales. Il y a une décennie, les mêmes associations poussaient des cris similaires, cette fois pour réclamer que l'État ne se mêle pas des relations privées entre les propriétaires et les locataires...

La ministre de la Sécurité du revenu, Jeanne Blackbum, s'appuie sur un sondage pour le moins contestable réalisé sous Bourbeau, pour former un comité conjoint visant à trouver des solutions au problème du non-paiement. Le FRAPRU y est invité, avec trois autres organismes de locataires et de prestataires de la Sécurité du revenu. Quatre associations de propriétaires y sont également conviées.

Au cours de la quatrième rencontre, les groupes de locataires et de prestataires quittent le comité et le dénoncent dans les médias. Celui-ci s'obstine en effet à traiter le problème isolément, sans le lier à celui beaucoup plus global de l'incapacité de payer des personnes assistées sociales. Les solutions à plus long terme proposées par les groupes, comme l'augmentation des prestations, l'abolition de la coupure pour partage de logement et l'intensification du développement du logement social, sont rejetées d'emblée.

Quand Harel s'en mêle

C'est une solution proposée par ce comité qui se retrouve dans le Livre vert sur la Sécurité du revenu rendu public par la nouvelle ministre Louise Harel, en décembre 1996. Il s'agit d'une forme déguisée de saisie des loyers. Une partie du chèque des personnes assistées sociales reconnues coupables de non-paiement des loyers pourra être versée directement à leur propriétaire.

Dans son ensemble, le Livre vert va plus loin encore sur la voie pavée par la Loi 37. Non seulement maintient-il la division entre personnes assistées sociales, il propose carrément de la consacrer. Le Livre vert veut de plus obliger les jeunes de moins de vingt-cinq ans à participer, sous peine de sanctions, à des « Parcours individualisés vers l'insertion, la formation et l'emploi ».

La publication du Livre vert suit une avalanche de compressions budgétaires, initiée en décembre 1995 par la loi 115 et qui a défiguré l'aide sociale et fait perdre jusqu'à 100 $ et même 150 $ par mois à certaines familles assistées sociales.

Si le FRAPRU ne s'était pas battu...

À la fin de mai 1996, le gouvernement Bouchard publie un projet de règlement coupant dans l'allocation-logement accordée à 90 300 familles assistées sociales avec enfants. 20 000 familles perdent toute aide. Les autres voient leur chèque réduit de montants pouvant aller jusqu'à 70 S par mois.

La fatigue accumulée durant l'année n'empêche pas le FRAPRU de remonter au.\ barricades. En début juin, il sonne l'alarme, lors de conférences de presse données à Montréal, Hull et Québec. Il entame aussitôt une campagne d'appuis qui incite plus de 120 organismes à envoyer des mémoires à la ministre Harel.

Le 12 juin, une centaine de membres du FRAPRU occupent la permanence nationale du PQ. à Montréal. Cette action permet la tenue de rencontres avec les ministres Harel et Landry qui se renvoient mutuellement la balle. Deux semaines plus tard. Logemen'occupe de Hull organise à son tour une occupation de bureaux qui. elle, dure trois jours et deux nuits.

Le 1er octobre 1997, plus d'un an après l'adoption de ce règlement, l'allocation-logement pour familles assistées sociales est fusionnée avec Logirente. celle pour personnes de 57 ans et plus... sur la base des modifications contre lesquelles le FRAPRU" vient de se battre ! C'est au tour de 32 500 aînéEs de voir leur aide graduellement diminuée. L'élargissement de l'allocation-logement à des familles travailleuses à petit salaire, ainsi qu'aux personnes de 55 et de 56 ans, aura été financé à mêmes des réductions de l'aide accordée aux autres. C'est ce que le FRAPRU appelle « partager la pauvreté ».

Mince consolation, les montants accordés en vertu de la nouvelle allocation-logement sont supérieurs à ceux que les familles assistées sociales recevaient depuis l'automne 1996.

Le gouvernement aura-t-il fait cette concession si le FRAPRU ne s'était pas battu?


Une nouvelle coalition

Une nouvelle coalition se met en place. Contrairement à la situation vécue en 1988, des coalitions régionales y côtoient maintenant les grands organismes nationaux.

Le 7 juin 1997, 2 000 personnes marchent dans les rues de Westmount. Une pétition de 46 000 noms est remise lors de la Journée internationale pour l'élimination de la misère, le 17 octobre. Un rassemblement national se tient le 15 novembre, à Québec. Au-delà de 1 500 personnes y inaugurent le Parlement de la rue. Celui-ci incarnera, durant un mois, la résistance à la réforme Harel, à deux pas du Parlement officiel.

Le 6 avril 1998, une journée nationale d'étude permet à 800 organismes de se conscientiser sur le projet de loi 186 déposé à la fin décembre. La lutte se termine par une vigile d'une semaine devant l'Assemblée nationale.

Malgré l'importance de ces interventions, force est cependant de constater qu'elles n'ont pas atteint le niveau de mobilisation de 1988. La Coalition nationale sur l'aide sociale n'a pas non plus réussi à se donner une cohésion, une unité et une stratégie qui auraient rendu l'adoption du projet de loi plus coûteuse politiquement pour le gouvernement.

La population, elle, y est restée presque complètement indifférente, alors que différents sondages montrent pourtant qu'elle se dit de plus en plus consciente du problème de la pauvreté.

La loi 186 a été adoptée en toute fin de session, le 19 juin, à 3 heures du matin. En dix-huit mois de lutte, de minces bonifications financières, qui n'avaient rien à voir avec l'adoption comme telle de la loi, ont été accordées, comme l'abolition promise de la coupure pour partage de logement dans le cas des familles monoparentales. Des modalités ont été assouplies. Du temps a été concédé.

Sur le fond, le gouvernement n'a pas modifié d'un iota sa réforme. C'est la fin de l'aide sociale, place à l'assistance-emploi, pâle copie de l'assurance-emploi fédérale, pour les « aptes au travail » et à la protection sociale pour les autres.

La saisie des chèques, elle, pourra aller de l'avant. Le FRAPRU l'a pourtant combattue jusqu'à la dernière minute. Lors de son deuxième passage en Commission parlementaire, à la fin mai, il a averti la ministre de son intention de faire invalider la saisie par les tribunaux. La cinquantaine de personnes qui l'accompagnaient se sont recouvert la tête d'un sac de papier pour démontrer leur honte face aux actions du gouvernement.

La honte... Quel autre sentiment (sinon la colère) peut nous habiter, après dix ans d'appauvrissement, de division, de stigmatisation de celles et de ceux que la société a exclus de ses rangs et qu'elle tient maintenant responsable de leur sort ?         -

Pas de Québec sans nous !

Le FRAPRU s'était tenu bien loin de la campagne référendaire de mai 1980. En 1990, les choses ont changé. Le FRAPRU n'est plus le même. Il se laisse interpeller par l'effervescence qui agite le Québec, à la suite de l'échec de l'accord du Lac Meech. La formation par le gouvernement Bourassa de la Commission Bélanger-Campeau sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec lui fournit l'occasion de se définir une position qui rallie la majorité de ses groupes membres.10

L'indépendance nécessaire, mais insuffisante

Le titre de son mémoire à la commission dit tout sur la position retenue : Pour une indépendance progressiste.11

Il y écrit que le « rapatriement par le Québec de tous ses pouvoirs aux plans politique, économique, social et culturel » est nécessaire, compte tenu que « la nation québécoise n'a et n'aura jamais sa place au sein de la Confédération canadienne ».

Il ajoute toutefois que l'indépendance est à elle seule insuffisante, « à moins qu'elle ne s'inscrive dans un processus de rupture avec le capitalisme et en particulier avec les tendances actuelles au néo-libéralisme ».

Quelques semaines après la crise d'Oka, le FRAPRU reconnaît enfin les populations autochtones comme « des nations à part entière, ayant le droit de disposer d'elles-mêmes ».

Non seulement le FRAPRU a-t-il un message qui le démarque nettement des autres intervenants, mais il se moque du lourd concensus qui pèse sur le Québec de l'après-Meech, en contestant la légitimité même de la Commission Bélanger-Campeau. Pour le FRAPRU, « le Québec qui y est représenté trèsmajoritairement, c'est celui des affairistes et des politiciens », celui des pauvres en est totalement absent. Il dira ce message à la face même des commissaires, en janvier 1991. Quelques semaines auparavant, il avait initié une coalition qui, sous le thème « Pas de Québec sans nous », avait organisé une soupe populaire de 150 personnes devant l'hôtel ou siégeait la Commission, à Montréal.

« Voter non pour changer l'état des choses »

La tenue, le 26 octobre 1992, d'un référendum pan-canadien sur l'entente constitutionnelle de Charlottetown permet au FRAPRU de porter à nouveau sur la place publique la position qu'il s'est donnée. Il s'associe avec la revue Vie ouvrière et le Centre de pastorale en milieu ouvrier pour lancer l'appel à la formation d'une coalition qui réunit une vingtaine de groupes populaires, communautaires et syndicaux. Sans rallier le camp officiel du non, la Coalition populaire organise des activités de dénonciation de l'entente qui « fige l'ordre actuel des choses », au plan constitutionnel comme au plan social.

Une déclaration circule, une assemblée publique réunit 150 personnes au Centre Saint-Pierre et une manifestation est organisée lors d'un passage de Brian Mulroney, à Montréal.

Pendant ce temps, plusieurs groupes du FRAPRU discutent de la question avec leurs propres membres ou organisent des débats publics. À Châteauguay,Valleyfield et dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce de Montréal, des représentants de la Coalition populaire débattent avec les porte-parole des camps officiels, dont le ministre André Bourbeau, la députée péquiste Louise Harel, le député libéral fédéral Warren Allmand et le chef du Parti égalité, Keith Henderson.

Malgré le succès de la Coalition, elle ne survit pas au référendum.

Cette fois, c'est oui

Il faut attendre un autre référendum, celui du 30 octobre 1995, pour qu'une coalition d'organismes refasse surface. Entre-temps, le FRAPRU a rediscuté démocratiquement de ses positions sur le sujet en vue de l'envoi à la Commission sur l'avenir du Québec d'un mémoire intitulé Pour une indépendance progressiste. Contre le statu quo constitutionnel et social.

Des groupes et des individus, voulant défendre une position autonome dans le débat référendaire, se réunissent en début de campagne. Conscients de la réticence de beaucoup de groupes populaires et communautaires à se mouiller dans le débat, ils demandent aux individus engagés dans ces groupes de le faire, en signant une déclaration en faveur de la souveraineté du Québec. Plus de 300 personnes posent ce geste. À peine un peu moins participent à une assemblée publique au Centre Saint-Pierre, le 5 octobre.

Le 10 octobre, las de la place démesurée que les gens d'affaires prennent dans le débat, une soixantaine de personnes, surtout des membres du FRAPRU, marchent bâillonnées devant les bureaux du président de Bombardier, Laurent Beaudoin, qui a menacé de déménager son entreprise, en cas de victoire du oui.

Sur ses propres bases, le FRAPRU publie à 3 000 copies un dossier noir critiquant les interventions du gouvernement fédéral en habitation. Il le lance publiquement, à Hull, Montréal et Québec, en se servant de factures géantes représentant le montant dont Ottawa a privé le Québec dans les cinq dernières années, en raison de la répartition inéquitable des budgets de la SCHL. Le 23 octobre, il organise une assemblée publique où les ministres péquistes Guy Chevrette et Louise Harel doivent répondre à bien des questions de la part des 130 personnes qui se sont présentées, à cinq jours d'avis.

La participation à la joute référendaire de militants et de militantes connus pour leur implication dans la lutte à la pauvreté attire l'attention de beaucoup d'observateurs. Pour un, le journaliste Michel Venne du Devoir qualifie ainsi le tournant pris par la campagne référendaire : « Les milliardaires contre les exclus».12

L'abandon

Le mince échec référendaire laisse des traces, la gestion péquiste de l'État aussi et ce, même si les groupes avaient bien pris soin de se dissocier de ce parti, dès la campagne référendaire. Plusieurs militantEs portaient alors un macaron sur lequel était écrit : « Oui à la souveraineté. Non au PQ ». La politique du déficit zéro laisse cependant un arrière-goût qui n'est pas sans influer sur la ferveur souverainiste.

Depuis trois ans, l'enjeu est sorti des préoccupations du FRAPRU. Il faut cependant se méfier. La question nationale québécoise reste entière. Le débat va ressurgir, comme il l'a toujours fait. Sans présumer de la position que prendra alors le FRAPRU, il serait bien étonnant qu'il reste sur la touche.       

Quand le tiers des mal-logéEs habitent une même ville : Montréal


Le FRAPRU a ses bureaux à Montréal. Une forte proportion de ses groupes membres s'y retrouvent. Montréal compte surtout près du tiers des personnes et des familles mal-logées de tout le Québec. Voilà autant de raisons qui ont convaincu le FRAPRU de se mêler graduellement de la scène municipale montréalaise.

L'effet RCM

Outre l'appui donné à quelques groupes dans leur opposition au maire Jean Drapeau, celui-ci n'entendra à peu près jamais parler du FRAPRU. Les choses changent radicalement, en novembre 1986, avec l'élection du maire Jean Doré et du Rassemblement des citoyens et des citoyennes de Montréal (RCM). La plus forte présence de groupes montréalais au FRAPRU n'explique pas tout. L'arrivée au pouvoir du RCM a modifié la dynamique politique montréalaise figée sous Drapeau. Malgré des limites certaines, la vie politique a été démocratisée, l'espoir de changements réels a ressurgi.

La démolition de l'Ilôt Overdale représente le premier affrontement du FRAPRU avec Doré et le responsable de l'Habitation, John Gardiner. Il laisse des traces.

À l'hiver 1989, le FRAPRU bondit sur un projet de politique d'habitation de la Ville de Montréal baptisé Habiter Montréal. « Habiter Montréal, si vous en avez les moyens » ironise le FRAPRU. Il reproche à l'administration RCM de privilégier l'accès à la propriété, avec des outils coûteux comme les crédits de taxe ou néfastes pour les locataires comme la levée partielle du moratoire sur la conversion de logements locatifs en copropriétés. Habiter Montréal propose pourtant la réalisation de 40 000 logements sociaux, à Montréal. Pas assez, rétorque le FRAPRU qui en demande 50 000 !

De concert avec le Regroupement des comités logement et associations de locataires, le FRAPRU organise l'opposition au projet : ligne de piquetage devant l'Hôtel de ville, présentation de mémoires lors de la consultation à ce sujet, pétition de 1 600 noms, conférences de presse. En 1990, la politique d'habitation reprend les mêmes orientations que le projet, en adoptant cependant l'objectif de 50 000 logements.

À l'automne 1992, les relations avec la Ville se détériorent à nouveau, avec la présentation d'un projet de règlement levant l'interdiction de conversion en condos. Une coalition est formée et les manifestations se succèdent à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Hôtel de ville. Lors de la lecture du mémoire de la coalition, une centaine de personnes déchirent le projet de règlement présenté par la Ville.

Un rapprochement sur le tard

La destruction du logement social par le gouvernement fédéral oblige toutefois le FRAPRU à adopter une attitude plus pragmatique face à l'administration du RCM.

Il a eu et a encore des divergences bien réelles avec celle-ci, mais cette administration est un allié sur l'enjeu du logement social. Elle a toujours réclamé sa part des logements attribués par les gouvernements supérieurs. Elle a critiqué les compressions budgétaires fédérales et certaines politiques du gouvernement québécois. Elle asurtout elle-même posé des gestes très concrets en faveur du logement social, par exemple, en lui réservant une banque de terrains ou encore en mettant sur pied des programmes importants d'acquisition de logements et de maisons de chambres.

Le changement tardif d'attitude du FRAPRU l'amène, au printemps 1994, à travailler de pair avec la Ville et les organismes de logement social montréalais. Ces efforts permettent la présentation au gouvernement québécois de Résolution-Montréal qui a contribué à l'émergence du Programme d'achat-rénovation en coopératives et en OSBL et de l'actuel AccèsLogis.

De Doré à Bourque

Lors d'un débat des candidatEs à la mairie organisé par le FRAPRU en octobre 1994, son président, Jean-Pierre Wilsey, interpelle le futur maire de Montréal, Pierre Bourque, chef du parti Vision Montréal, en l'accusant d'avoir un « agenda caché ».

Les intentions de Bourque ne sont pas longues à apparaître. Sitôt arrivé au pouvoir, il abolit le Programme d'acquisition de logements locatifs (PALL) qui, sous l'administration RCM, avait permis le développement de 4 000 logements sans but lucratif et contribué à la revitalisation de quartiers comme Côte-des-Neiges, Notre-Dame-de-Grâce ou Bordeaux-Cartierville.

Le FRAPRU dénonce ce saccage dans les médias et organise une manifestation à ce sujet avec l'Organisation d'éducation et d'information en logement (OEIL) de Côte-des-Neiges. Rien n'y fait.

Si la Ville n'acquiert plus de nouveaux logements, elle ne touche cependant pas à ceux acquis par le passé et gérés par la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM). Ouf !

En même temps qu'il abolit le PALL, Bourque décide de se débarrasser de l'ensemble des structures de consultation mises en place à Montréal. Par le passé, le FRAPRU et ses membres ont souvent critiqué ces structures, en en faisant même une parodie lors des élections de 1990. Bourque ne veut toutefois pas donner plus de pouvoirs à la population, il veut les concentrer entre ses mains et ceux de son exécutif.

À deux reprises, le FRAPRU parade devant une Commission parlementaire à Québec pour s'opposer aux modifications demandées à cette fin à la Charte de la Ville de Montréal. Sa présence et celle d'autres organismes évitent encore une fois le pire. Vision Montréal ne se gêne cependant pas pour remplacer la Commission permanente sur l'habitation par un comité occulte composé très majoritairement d'individus ayant des intérêts directs dans le développement immobilier. « Un comité de spéculateurs », accuse le FRAPRU.

Bonne fête, FRAPRU

Si j'étais le maire de Montréal Marié à mon condo et à ma limo

régale

Voici ce que je dirais Sur la maudite gang de FRAPRU :

(Crisse qu'ils me rendent fou !)

Ils frappent mes amis

les propriétaires

Ils frappent mes chums

les spéculateurs

Ils frappent mon pit-bull préféré

(tout l'monde sait qui c'que c'est)

Ils frappent l'image de notre

« boum-town »

Ils frappent l'esprit de mon parti (ex-militant-yuppie)

Ils frappent mon set de mécano Comme ils ont frappé mon beau piano

et ils m'ont même pas invité à leur dixième

Si j'étais le Ministre du Logement

Logé dans mon bureau à Québec

splendidement

Voici ce que je dirais Sur la maudite gang de FRAPRU :

(ils s'agenouillent jamais devant

moi !)

Ils frappent mes meilleurs « pals » de la capitale à Montréal

Ils frappent mes meilleurs

bureaucrates

même ceux déguisés sans cravate

Ils frappent mes plans de maisons

abordables, sociales, en carton

Ils frappent mon intelligence je ne suis pas un patachon

 Ils frappent toute mes politiques

libérales

comme si j'étais un criminel

et ils m'ont même pas invité à leur quinzième

Mais si j'étais un mal-logéE

Couchant sur une grille d'air chauffée

Et vous, par chance, me demandez :

 Le FRAPRU, vous connaissez ?

Je réponds oui c'est ma gang préférée !

Ils frappent de la droite

Ils frappent de la gauche

 Ils frappent avec nous-autres

Ils frappent comme il faut

Ils frappent tous les riches et les sacrés bureaucrates

Ils frappent ces imbéciles entre les yeux avec des tomates

20 ans maintenant qu'ils frappent

20 autres à venir, et encore plus ! de la plus belle province à Ottawa

FRAPRU frappe tous les virus !

et je leur souhaite bon anniversaire

Norman Nawrocki

et Sylvain Côté (traduction)

RHYTHM ACTIVISM

Du PARCO...

A partir de 1995, les groupes montréalais du FRAPRU concentrent leurs énergies à obtenir puis augmenter la participation financière de la Ville de Montréal aux programmes mis en place par le gouvernement québécois.

En juillet 1995, moins d'un mois après que le FRAPRU ait organisé une marche de 150 personnes sur l'Hôtel de ville, Bourque annonce la participation financière de Montréal à 312 des 1 200 logements du PARCO.

Les membres du FRAPRU sont soulagés, mais ils demandent plus. Une concertation avec l'ensemble des groupes communautaires en habitation permet notamment d'organiser, en février 1996, une assemblée publique et une tournée en autobus de quatre projets refusés ou en attente dans des quartiers comme Rosemont, Petite-Patrie et Bordeaux-Cartierville.

Ces efforts sont récompensés, la Ville de Montréal finançant finalement 489 logements dont une centaine dans le quartier Centre-Sud et 75 dans l'ancienne usine de la Sherwin-Williams, à Pointe Saint-Charles.

... à AccèsLogis

La création du programme AccèsLogis nécessite une intervention encore plus soutenue à l'automne 1997 et à l'hiver 1998.

Les difficultés financières de la Ville sèment le doute : participera-t-elle au programme ? Le FRAPRU et ses membres montréalais prennent le leadership de la lutte pour que Montréal contribue financièrement à 500 logements : questions à l'Hôtel de ville et dans les Conseils de quartier, campagne de fax et de lettres, conférences de presse, manifestation. Le tout ébranle le maire Bourque et, le 21 novembre, il profite d'une tournée des projets PARCO réalisés dans le quartier Centre-Sud pour annoncer que Montréal participera au financement de 314 logements.

Le soir même, Bourque a droit à une manifestation bruyante, à la porte du congrès de son parti. Invité à prendre la parole, il promet à la centaine de personnes présentes de tout faire pour que la Ville fasse plus et se rapproche des 500 logements demandés. Les groupes redoublent d'efforts : présence aux samedis du maire organisés par Bourque, concours de dessins d'enfants, tournée de projets de coops et d'OSBL en autobus. Résultat ? La Ville annonce, à l'été, qu'elle financera 100 logements de plus dans la programmation de 1997 dont 53 dans Hochelaga-Maisonneuve. En 1998, elle s'engage à en financer 500.

Les élections... et puis après

À l'automne 1998, la Ville de Montréal se retrouve encore en élection, avec trois prétendants sérieux à la mairie : Pierre Bourque, l'ancien chef de police de la CUM, Jacques Duchesneau, et l'ex-maire Jean Doré. Tout comme Vision Montréal précédemment, le RCM, maintenant dirigé par Michel Prescott, a éclaté en mille morceaux... S'en remettra-t-il ?

Si la vigilance des groupes montréalais a probablement sauvé le logement social sous Bourque, elle ne sera pas moins nécessaire sous la nouvelle administration. La période électorale prépare les groupes en ce sens. Des débats sont organisés depuis le printemps par des coalitions de quartier. Quant au FRAPRU, il invite les candidats à la mairie à se prononcer sur le logement social, lors d'un débat en tout début de campagne électorale. La table est mise pourquatre autres années de lutte.

Le gâchis Overdale

2 juin 1987.

Bien peu de personnes ont jusque-là entendu parler d'Overdale13, cet ilôt de verdure et de vieux bâtiments situé si près et à la fois si loin du centre-ville de Montréal. Overdale, c'est un village dans la ville, un endroit où étudiants et étudiantes, artistes, bohème côtoient des aînéEs qui y vivent depuis des décennies.

Ce 2 juin 1987, tout bascule. L'administration du RCM, élue quelques mois plus tôt, annonce qu'elle en est venue à une « entente sans précédent » avec deux promoteurs immobiliers, Douglas Cohen et Robert Landau. Les 107 logements et chambres d'Overdale seront démolis pour faire place à 650 condominiums de luxe. Les locataires se voient offrir la possibilité de déménager dans 72 appartements de remplacement payés par les promoteurs.

Les locataires n'ont jamais été consultéEs et considèrent que déménager en bas de la côte, à proximité de l'autoroute 720, loin des services et de la vie de quartier d'Overdale équivaut à une déportation. Un projet alternatif fait surface : la préservation des logements actuels et leur intégration, sous forme de coopérative d'habitation, au développement immobilier envisagé.

C'est l'affrontement avec les promoteurs et l'administration du RCM. Il dure dix-huit mois. Overdale n'étant sur le territoire d'aucun comité logement ou association de locataires, les permanents du FRAPRU s'y investissent à fond.

Au début, la lutte se mène sur le plan juridique. Elle est accompagnée de conférences de presse, de petites manifestations, de fêtes de rue.

La radicalisation

Le 15 mars 1988, elle connaît un tournant. Six personnes se font arrêter, en résistant de manière pacifique à l'arrivée d'ouvriers chargés de la démolition intérieure de certains logements, dont la porte-parole des locataires, Lisa Jensen.

Ce n'est qu'un début. En juin 1988, vingt personnes se font arrêter, en s'objectant à l'éviction des locataires, dont les trois permanents du FRAPRU, Pierre Gaudreau, Robert Pilon et François Saillant, et bon nombre de membres et d'amiEs de l'organisme. Le 4 octobre, c'est en s'opposant à la démolition d'un des bâtiments que six autres personnes sont incarcérées, dont quatre militantEs du FRAPRU. Elles sont détenues durant trente-cinq heures.

À la fin décembre 1988, les quatre dernières personnes résidant à Overdale sont évincées. Le gâchis est total. La coop rêvée par les locataires ne verra jamais le jour. Elle avait été nommée Hazel Craig, du nom d'une locataire qui y a résidé durant 48 ans et qui a été retrouvée morte dans son logement, au milieu de la lutte.

Dix ans plus tard, Overdale n'est plus qu'un terrain de stationnement. Le projet immobilier n'a jamais vu le jour. Il n'y reste qu'un seul bâtiment, vide, la maison historique où a vécu Louis-Hyppolite Lafontaine. Les autres immeubles que les promoteurs avaient été obligés de conserver ont été incendiés.

La lutte a cependant laissé des traces. La perspective d'un affrontement à la Overdale a sauvé les logements de l'ilôt Ander-son, situés près du Palais des congrès de Montréal, de la démolition. Ils ont été transformés en... coopérative d'habitation.   

Le FRAPRU vu par...Jean Tremblay

C'est plus de dix ans de ma vie. Un engagement qui motive, qui m'interpelle. C'est le plaisir du vidéo Tannés d'être sur le carreau, c'est la nuit derrière les barreaux durant Overdale. Le FRAPRU, c'est la lutte collective de gens généreux qui se renouvelle sans cesse. Longue vie!

Jean Tremblay a travaillé à la promotion communautaire au Centre Saint-Pierre de Montréal. Il y a notamment réalisé un vidéo avec le FRAPRU, en 1987. Il est maintenant organisateur au CLSC de Valleyfield et collabore étroitement avec le Comité-logement.

Le marché privé, ça  marche pas !

Le FRAPRU considère que le logement social représente la réponse la plus complète et la plus permanente aux problèmes des mal-logéEs. Dans cette perspective, il ne s'agit pas seulement de combattre les abus des propriétaires, mais d'opposer une alternative à un marché qui, quelle que soit l'intention des individus impliqués, est d'abord basé sur la logique de la rentabilité plutôt que sur la reconnaissance du droit au logement.

La lutte pour le logement social n'est cependant jamais déconnectée des réalités vécues dans l'immédiat par les locataires.

De l'indispensable service aux locataires...

La plupart des groupes membres du FRAPRU, comités de logement, associations de locataires, comités de citoyens et de citoyennes, s'acquittent de l'indispensable responsabilité de conseiller les locataires sur leurs droits et recours face aux propriétaires.

Le défi, c'est de dépasser ce service, de s'en servir pour convaincre les locataires de s'impliquer dans des démarches plus collectives, particulièrement sur l'enjeu du logement social.

... au contrôle et même au gel des loyers

Même s'il n'a jamais prétendu au leadership de cette lutte, le FRAPRU lui-même est, à plusieurs reprises, intervenu publiquement pour réclamer un contrôle par l'État des pratiques du marché privé.

Au début des années quatre-vingt, les hausses de loyer représentent le problème numéro un des locataires. Le FRAPRU et ses membres participent donc aux campagnes annuelles initiées par le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), un organisme national né à la même époque que lui sous le nom de Regroupement pour le gel des loyers.

Au départ, les groupes membres du FRAPRU ont des réticences face à la revendication de gel. Rappelons qu'il s'agit alors, dans la majorité des cas, de comités de citoyens comptant des propriétaires dans leurs rangs.

En 1983, toutefois, le FRAPRU et à peu près tous les groupes logement du Québec se rallient tout naturellement autour d'une demande commune : un moratoire d'un an sur les hausses de loyer.

La situation l'exige. En 1982, la hausse dramatique des taux d'intérêts sert de justification à des augmentations de loyer qui atteignent une moyenne de 16 % à Montréal et de 20 % à Québec. En 1983, la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) veut en rajouter. Elle recommande à ses membres des hausses « raisonnables »... de 15 %.

Les groupes logement déploient divers moyens d'intervention : cartes postales au ministre Tardif, lettres de refus d'augmentation, rencontres de députéEs et de ministres, etc. À Montréal, une assemblée publique réunit plusieurs centaines de personnes.

Avec le recul du temps, on peut se demander si ces moyens étaient suffisants face à l'ampleur de l'enjeu. La flambée des loyers a alors causé un tort dont les effets se font encore aujourd'hui sentir, le coût du logement ayant augmenté de 62 % entre 1981 et 1986.

En 1990, le FRAPRU a repris cette revendication de gel des loyers, au moment de sa campagne de dénonciation du marché privé.

Il a surtout porté tout au long de son histoire la demande de contrôle obligatoire de tous les loyers.

La fusion ratée

En avril 1983, le FRAPRU organise une fête populaire commune avec le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec. Cette fête, qui attire de 400 à 500 personnes, est le premier pas d'une démarche qui. en novembre, mène à l'organisation d'un colloque sur l'unité des groupes-logement.

Dix-sept groupes, dont certains qui ne sont pas membres de l'un ou l'autre regroupement, souhaitent majoritairement la fusion du FRAPRU et du RCLALQ. Un comité est formé à cet effet et se réunit plusieurs fois au début de 1984 pour préparer une déclaration de principes, une plate-forme de revendications et même une proposition de régie interne.

À la fin du printemps, un congrès du RCLALQ, dont une partie des membres s'était prononcée contre la fusion, met toutefois fin à la démarche.

L'incapacité de payer

Si cette revendication garde toute sa pertinence, depuis plusieurs années, le FRAPRU concentre plutôt ses interventions sur l'incapacité de payer des locataires.

Quand des personnes et des familles consacrent 50 %, 60 %, 75 % de leur revenu au loyer, il ne suffit plus de demander que ce dernier n'augmente plus... surtout que c'est déjà généralement le cas en raison des difficultés du marché du logement locatif.

Ce qui est urgent pour ces locataires, c'est un revenu décent et un logement qui correspond à leur capacité de payer. C'est ce que le FRAPRU défend dans ses interventions sur le logement social, mais aussi   dans des   dossiers comme l'aide sociale.


La  discrimination

Non seulement le marché privé représente-t-il la misère, il signifie aussi la discrimination. Être une femme, appartenir à une minorité ethnique, avoir des enfants, recevoir un chèque d'aide sociale ou simplement avoir la réputation de défendre ses droits, ça veut souvent dire se faire refuser un logement auquel on aspire.

Le FRAPRU est donc intervenu épisodique-ment sur ce dossier. Au début des années quatre-vingt, il fait partie d'une coalition initiée par le RLCALQ et la Ligue des droits et libertés pour dénoncer les listes noires de locataires montées par les associations de propriétaires. En 1984, les groupes de Québec poussent la dénonciation des fameuses listes jusqu'à occuper les bureaux de la CORPIQ.

En 1985 et 1986, le FRAPRU collabore avec le Comité logement Rosemont à une enquête sur la situation vécue par les femmes au moment de la location et de l'occupation d'un logement. La recherche publiée sous le titre Discrimination, harcèlement et harcèlement sexuel. Rapport de l'enquête Femmes et logement a un impact majeur et donne lieu à la formation d'un groupe aujourd'hui disparu, Informations-Ressources Femmes et logement. Un groupe du même genre se met sur pied à Québec.

En 1990, le FRAPRU réclame rien de moins que la criminalisation de la discrimination et demande à l'État d'intenter des poursuites légales contre les propriétaires qui s'en rendraient coupables.

La difficulté vécue par le FRAPRU, c'est cependant d'avoir une prise et un suivi sur ce dossier. Il n'y arrive ni sur ses propres bases, ni par le biais des groupes de travail auxquels il participe : comité de liaison formé par la Commission des droits de la personne du Québec, Regroupement autonome sur la discrimination...

Entre-temps, le visage de la discrimination s'est aussi modifié. Même si ses autres formes n'ont pas disparu, celle qui prend de plus en plus le dessus, c'est la discrimination économique... et là, la lutte rejoint celle sur l'incapacité de payer.     

Enfin, une fédération de locataires de HLM

Aux termes d'un débat houleux, le 27 mai 1990, le dixième congrès du FRAPRU, réuni à Québec, lui confie le mandat un peu pompeux de travailler à la création d'une « organisation provinciale dynamique, combative et démocratique des locataires de HLM ».

Tout un mandat... surtout qu'une autre organisation nationale, l'Association provinciale des locataires de logements municipaux du Québec (APLLMQ), s'en est montrée totalement incapable en une douzaine d'années d'existence. Ses seuls timides faits d'arme remontent en 1982, lorsque le gouvernement Lévesque a adopté un décret abolissant l'échelle progressive des loyers (Échelle Rogers), alors en vigueur dans les HLM.

Dans les faits, c'est le FRAPRU qui a joué le rôle qui aurait dû revenir à cette association. C'est lui qui, en 1986, a traîné l'Office municipal d'habitation de Montréal à la Régie du logement, puis en Cour provinciale, le forçant à retirer un règlement-maison et à rembourser 1 million $ à 900 de ses familles locataires.

C'est lui qui, au printemps 1990, a mené l'offensive contre les hausses de loyer imposées par le gouvernement Bourassa.

C'est lui qui a dû intervenir à plusieurs reprises sur des dossiers concernant la qualité de vie en HLM et les droits et pouvoirs des locataires qui y demeurent.

Le FRAPRU et ses membres en avaient pourtant déjà plein les bras à tenter de gagner de nouveaux logements, mais comment aurait-il pu se fermer les yeux sur ce qui arrivait à ceux déjà réalisés ? La lutte pour le développement de nouveaux HLM aurait été bien mal servie, si ceux déjà en place avaient représenté des repoussoirs pour les mal-logéEs.

Tout un développement

Au fur et à mesure de l'implication du FRAPRU sur cet enjeu, des associations de locataires de HLM, huit au total, rejoignent ses rangs. C'est avec ce noyau d'associations, que le FRAPRU débute le travail de formation d'une nouvelle organisation. Ces efforts aboutissent, en 1993, à la création officielle de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec. Robert Pilon, permanent du FRAPRU depuis 1983, le quitte pour coordonner le travail de la FLHLMQ, dont le financement a été gagné auprès du ministre Claude Ryan et de la Société d'habitation du Québec.

Le FRAPRU avait entrevu une lente progression au travail de la FLHLMQ. Ne voulant pas revivre la pénible expérience de l'APLLMQ, il était même prêt à jouer les parrains de la nouvelle fédération pendant quelques années, jusqu'à ce que celle-ci puisse voler de ses propres ailes. Ce ne sera pas nécessaire !

Non seulement la FLHLMQ se donne-t-elle une vie propre, mais elle connaît une expansion inespérée. En 1998, cinq ans après sa naissance officielle, elle compte 152 associations membres dans 58 villes, allant de Rouyn-Noranda à Forestville et de Saint-Félicien à Sherbrooke. À Montréal, où elle s'est dotée d'un comité régional, elle compte 62 associations. Son comté régional de Québec en compte dix, celui plus nouveau de l'Outaouais cinq.

En cinq ans, la Fédération a appuyé le travail d'un très grand nombre d'associations locales, dont celle de Longueuil en lutte contre l'administration pour le moins anti-démocratique du maire Claude Gladu. Elle a offert des sessions de formation partout au Québec.

Elle a aussi réussi à s'imposer comme un acteur majeur difficilement contournable, dans le champ de l'habitation sociale. À l'automne 1996, elle a joué un rôle central dans la bataille contre le plan Trudel, sillonnant le Québec et faisant signer des milliers de pétitions pour dénoncer les hausses de loyer. En 1998, elle a répété l'expérience, cette fois pour combattre l'intention du gouvernement de remettre la propriété des HLM aux villes et réclamer la reconnaissance des organisations de locataires. Le 24 avril, au terme de cette épuisante campagne, elle a réuni 700 personnes devant l'Assemblée nationale, obligeant le ministre Trudel à venir s'expliquer.

La vigilance de la FLHLMQ a empêché de nouveaux reculs pour les locataires, elle a aussi permis des gains, par exemple sur le financement et la reconnaissance des associations de locataires du HLM ou encore sur l'adoption de mesures positives pour les ménages travailleurs à faible revenu demeurant dans ces logements.

Le FRAPRU vu par...David Alper

Pour ceux et celles qui se demandent si le travail du FRAPRU porte fruit, pas besoin d'une boule de cristal pour savoir ce qui se passerait au Québec dans cinq, dix ou quinze ans s'il ne continuait pas sa lutte. Venez faire un tour à Chicago (ou dans n'importe quelle grande ville américaine). Ici à Chicago, c'est vraiment hallucinant. Ça fait des années que le gouvernement fédéral ne subventionne plus et encore plus longtemps que les HLM ne sont pas entretenus. Les locataires vivent dans des conditions inhumaines, vraiment indescriptibles. Tout le monde le reconnaît. La solution qu'à trouvée la Ville de Chicago ? Elle veut démolir 18 000 unités de logement social et ne promet de reloger que 30 % des locataires. Les terrains sont proches du centre-ville et valent des centaines de millions de dollars. C'est la guerre aux pauvres.

Pour moi, les années passées au FRAPRU ont vraiment été parmi les plus belles. Je pense à la solidarité, la richesse des débats et des analyses politiques, la créativité et l'humour, le respect des différences, et surtout l'esprit de combativité, que, pour gagner, il faut lutter ! (Et il ne faut pas oublier la soupe à l'oignon de Multi-Caf !)

Je souhaite longue vie au FRAPRU !

David Alper a été animateur à Multi-Caf, la cafétéria communautaire de Côte-des-Neiges, membre actif du FRAPRU depuis plusieurs années. Il demeure maintenant à Chicago.

Encore du pain sur la planche

La Fédération des locataires de  HLM du Québec n'a toutefois pas le temps de se péter les bretelles. Les défis restent au contraire énormes.

 deux permanentEs et un conseil d'administration de neuf personnes très engagées, elle doit d'abord soutenir les efforts de prise en charge de milliers de personnes réparties dans une soixan-taine de villes...

L'arrêt, depuis le 1er janvier 1994, du développement de nouveaux HLM entraîne dans les logements réalisés une concentration de personnes de plus en plus pauvres. Pour éviter la ghettoïsation, la FLHLMQ se doit de lutter à la fois pour accroître la mixité de ces logements et faire en sorte qu'il s'en réalise d'autres. C'est d'ailleurs là une des raisons qui l'ont convaincue de devenir et de demeurer membre du FRAPRU.

Enfin, même si le travail du FRAPRU et de la jeune fédération ont jusqu'à maintenant permis la préservation des acquis dans les HLM, la pression se fait sans cesse plus forte pour y hausser les loyers (au nom de l'équité avec les mal-logéEs !) ou encore pour en refiler la responsabilité aux villes.

La permanence du FRAPRU 1978-1998

Hermance Monette, 1978

Denis Quirion, 1978-1979

Sue Moorhead, 1978-1979

Robert Potvin, 1978-198014

Thérèse Daviau, 1979

François Saillant, 1979-1998

Daniel Foisy-Marquis, 1979-1981

Jean-Guy Laguë, 1980-1983*

Robert Pilon, 1983-1994

Pierre Gaudreau, 1986-1998

Denyse Lacelle, 1989-1992

Huguette Lucas, 1997

Lucie Poirier, 1997-1998

Derrière les bannières

Derrière les bannières du FRAPRU et de chacun de ses groupes membres, il y a des individus, des femmes et des hommes qui, en voulant améliorer leur quotidien et celui des autres, changent en même temps la société, changent en même temps la vie.

Voici le portrait de quelques-unes de ces personnes...

Josette Lachance et Andrée McDonald

Josette est engagée au niveau du logement social de Château-guay depuis une vingtaine d'années. Tout en élevant toute seule une famille de quatre garçons, elle a trouvé le temps de s'engager et d'assurer le leadership de ce groupe. C'est pendant cette période que Châteauguay s'est doté d'un très bon stock de logements sociaux. En 1976, nous n'avions pas un seul logement social, en 1998 nous en avons 400.

En riant, on dit de Josette qu'elle est « Madame HLM ». Handicapée visuelle, elle aurait toutes les raisons de se cantonner dans sa maison et laisser passer la parade. Au contraire, elle est de toutes les manifestations et occupations qui touchent le logement social ou la question de la pauvreté, tant au niveau local que national.

Elle ne voit pas, mais elle écoute et comprend vite. Les hommes politiques qui l'ont côtoyée savent qu'elle ne laissera pas passer n'importe quoi.

Défendre la condition des gens démunis voilà sa raison de vivre.

Andrée McDonald s'est jointe au groupe en 1994 lors de la lutte pour un projet qui a fait les manchettes : Habitation Solidarité.

Victime d'un accident, Andrée est devenue handicapée. Elle a de la difficulté à parler et à marcher. Mais sa détermination et son engagement en sont d'autant plus renforcés. Formée en marketing, c'est le comité de logement social qui en bénéficie.

C'est vraiment la force de se battre qui transpire de la personnalité d'Andrée et qui lui mérite l'admiration de l'ensemble de nos membres. Lors de manifestations, des fois, sa jambe lui fait tellement mal que les larmes lui viennent aux yeux, mais Andrée ne lâche jamais.

Avoir deux membres comme Andrée et Josette au sein du Comité de logement social, c'est une source d'inspiration et de mobilisation pour les mal-logéEs de Châteauguay et d'ailleurs...

Carlos Borges

Alice Saint-Denis

Si, un jour, une personne a l'occasion d'écrire l'histoire des cinquante premières années du Comité logement Bordeaux-Cartierville, elle commettra un oubli impardonnable, si elle ne mentionne pas le nom d'Alice Saint-Denis. Elle aura été, au cours de ses dix premières années d'existence, la force tranquille de l'organisme. Jusqu'à récemment, elle était pratiquement de toutes les réunions et manifestations.


Elle aurait pourtant facilement pu prendre une retraite bien méritée auprès de ses amiEs après toutes ces années à avoir aidé les plus démuniEs du quartier. Elle a au contraire persévéré dans sa conviction qu'il faut une plus grande justice sociale dans notre société. À une époque pas si lointaine où plusieurs refusaient d'admettre l'appauvrissement du quartier et la montée de l'immigration qui fait maintenant de Cartierville l'un des quartiers les plus multi-culturels de Montréal, elle a été une des pionnières à travailler à l'intégration des nouveaux arrivants.

Ce qui est peut-être le plus étonnant chez Alice, c'est qu'elle n'a jamais fait cela pour elle-même. Elle n'a jamais fait de demande pour un logement à prix modique. A une époque de « chacun pour soi », Alice Saint-Denis est pour tous ceux et celles qui la connaissent un exemple de persévérance et de solidarité. C'est certes le plus beau cadeau que puisse avoir un organisme qui fête ses dix ans, comme notre comité-logement.

Sylvain Lafrenière

Khadija

En mars 1996, lasse d'attendre une réponse à sa demande de HLM, Khadija se joint à l'Association des locataires de Villeray. Khadija partage son quatre et demi de la rue Fabre avec ses deux fils âgés de 7 et 9 ans. Elle leur a laissé la plus grande chambre pour qu'ils puissent exposer leurs nombreux trophées.

Medhi et Sofiane sont des champions de baseball.

Medhi et Sofiane savent aussi dessiner. Certains de leurs dessins ont été remis au maire de Montréal. Avec Khadija, ils lui ont demandé un minimum de 500 logements sociaux pour leur ville. Les conseillers

municipaux de leur quartier les ont également entendus.

On ignore s'ils pourront dénicher un nouveau quatre et demi dans une des rares nouvelles coopératives qui verront peut-être le jour à Villeray. Un quatre et demi abordable et de qualité, rien de plus, mais avec une cuisine où on boira du thé à la menthe, où on mangera des figues et des gâteaux et où Medhi et Sofiane danseront vêtus de leurs costumes marocains.

Hamida, leur amie, viendra les rejoindre. Ensemble, ils descendront jusqu'à l'ALV. Ils y rejoindront Claudette, Rose-Marie, Léonard et compagnie. Pendant qu'Hamida taquinera André, Khadija animera la discussion. Il faut y aller. On s'en va à l'Hôtel de ville. L'autre jour, c'était Québec, le conseil de quartier ou une réunion. Bientôt, on inaugurera une nouvelle coopérative...

André Trépanier

Isidore Ostiguy

À la fin des années 60, lors des expropriations massives, avec le groupe populaire Logemen-va-pu, il était là dans l'île de Hull. Au début des années quatre-vingt, lorsque le taux de vacance dans le logement locatif était près de zéro et lorsque l'inflation faisait grimper les coûts des loyers, il était encore là.

Il était là mais il n'y avait plus de groupe pour défendre les locataires aux prises avec une énorme crise du logement.

Il a donc mis sur pied Logemen'occupe pour donner une voix aux locataires. Aujourd'hui, 16 ans plus tard, toutes les personnes qui habitent dans la région urbaine de l'Outaouais connaissent Logemen' occupe.

Au cours de la dernière année, cet homme a laissé sa place à d'autres mais lors des mobilisations régionales il est toujours là pour défendre les mal logéEs et les excluEs de notre société. Il est encore là comme il l'a toujours été, discret, un peu en retrait mais toujours à l'écoute. Au fil de ses nombreuses années de militantisme, il a cultivé l'art de l'écoute et, grâce à cela, des personnes ont décidé de se rassembler et de poser des actions ; actions qui quelquefois ont porté fruit.

Dans la ville d'Aylmer, il y a aujourd'hui des familles qui ont accès à des logements à loyer modique alors qu'il n'y en avait pas avant. À Hull, sur le terrain de la Guest Motors, il y a un projet de logement social là où la ville voulait développer un centre commercial. Ces projets et bien d'autres, qui ont été réalisés avant que le gouvernement fédéral ferme le robinet, sont le résultat d'une volonté des classes populaires de vouloir améliorer leurs conditions de logement.

Celui qui a été à l'écoute de cette volonté populaire s'appelle Isidore Ostiguy et une fondation portant son nom vient tout juste d'être mise sur pied afin que la lutte pour le droit au logement puisse continuer.

Bill Clennett

François Roy

Marie Jalbert

Marie Jalbert est une personne militante qui aime les défis. Elle fait partie des gens chez qui l'individualisme semble avoir passé sans laisser de traces... Ainsi pour Marie, toutes les occasions sont bonnes pour permettre aux locataires qui l'entourent de mieux connaître leurs droits et de partager ce qu'elle sait et ce qu'elle a. Résidante de HLM à Chicoutimi depuis 1982, elle n'a pas hésité à répondre positivement à l'appel que lançait en 1996 un groupe de locataires désireux de continuer à payer un loyer raisonnable et résolus à s'opposer à toute hausse de loyer en HLM.

Ce projet, qui devait mettre au monde l'Association des locataires de HLM pour familles de Chicoutimi, Marie l'a suivi fièrement comme pour s'assurer que la dignité retrouvée, à travers des démarches difficiles et un mépris à peine voilé del'OMH local, permettrait aux locataires de dire ce qu'il était urgent de transformer.

Aujourd'hui c'est aussi avec Loge m'en-traide que Marie poursuit son travail pour le logement social. Le dynamisme qu'elle

dégage et son ardeur à travailler pour que le monde tourne plus juste nous font parfois oublier que son accident d'auto de 1981 a laissé des traces importantes pour elle, qu'elle n'est pas prête à oublier. Elle me rappelle toutes ces années passées à la maison à élever ses trois enfants et son désir d'en sortir comme si les murs étaient trop étroits pour contenir son désir de connaître, de partager et de rassembler.

Avec toute une équipe issue des organismes communautaires du milieu et qui a, dès le départ, mis l'épaule à la roue pour qu'une ressource-logement voit le jour au Saguenay, Marie continue de transmettre son énergie débordante au service des personnes mal-logées. Manifestement les gens prennent plaisir à faire équipe avec elle.

Jean Richard

Anne-Marie Rohel

« Vous pouvez

me baillonner, m'enfermer

je crache sur votre argent en chien de fusil

sur vos polices et vos lois d'exception

je vous réponds non (...)

je vous garroche mes volées de copeaux de

haine

je vous magane, je vous use, je vous rends fou

vous ne m'aurez pas vous devrez m'abattre

avec ma tête des tocson, de noeud de bois, de

souche

ma tête de semailles nouvelles

j'ai endurance, j'ai couenne et peau de

babiche.... »

Cet extrait d'un texte du poète québécois Gaston Miron illustre très bien cette merveilleuse tête de caboche qu'est Anne-Marie Rohel. Native de la Saskatchewan, Anne-Marie est arrivée au Québec en 1975 et, dès son « débarquement », elle a emménagé dans le quartier St-Henri. Depuis cette époque, elle n'a pas arrêté une seule minute ( et ce n'est pas une figure de style) de militer dans ce quartier ouvrier du sud-ouest de Montréal : camps de vacances pour les enfants défavorisés (camps Bleu et Blanc), centre communautaire pour familles (Local ensemble) et logement (POPIR-Comité logement). Sans oublier que pendant ses heures libres, elle se transforme en véritable travailleuse de rue qui quadrille le quartier Saint-Henri à la recherche de gens à aider, d'enfants à garder, d'amis à héberger.

L'engagement politique et social d'Anne-Marie a une profondeur qui mérite toute notre reconnaissance et notre admiration. Elle hait la pauvreté et elle mène un combat pour la justice sociale avec l'énergie qui ressemble parfois à une tornade. Elle a la profonde conviction que l'on peut changer l'état des choses et que la mobilisation est la clé de voûte pour améliorer nos conditions de vie.

Je connais Anne-Marie depuis qu'elle milite pour la promotion du logement social. Il y a de cela plus de 10 ans. Si nous mobilisons encore des mal logéEs dans nos quartiers et au Québec pour revendiquer du logement social, nous le devons beaucoup à des gens comme Anne-Marie qui a une méchante tête de caboche.

Jean-Pierre Wilsey

Charlotte Tshibanda

Charlotte est d'origine congolaise. Depuis longtemps, son pays natal a de graves problèmes entraînant des conflits armés. Opposés au gouvernement, elle et sa famille ont immigré au Canada en 1991.

Monoparentale, elle vit avec ses quatre enfants de prestations d'aide sociale. Jusqu'à tout récemment, ils habitaient dans un logement insalubre. La situation s'était beaucoup aggravée suite à la crise du verglas : la toiture s'est mise à couler les jours de pluie ; les tapis imbibés d'eau ont commencé à moisir... Malgré des demandes répétées, le propriétaire n'a pas effectué les travaux requis ; Charlotte a donc entrepris les démarches de résiliation de bail.

Après quatre ans de participation assidue au Projet Saint-Charles, Charlotte et ses enfants viennent enfin d'emménager dans une coopérative d'habitation. Elle vient aussi de reprendre des études en secrétariat médical.

Pour Charlotte, il est nécessaire de s'impliquer dans la vie communautaire. « Pour que nos doléances et nos demandes soient prises en considération, il faut que nous soyons visibles (...) Il faut être nombreux à revendiquer nos droits si on veut convaincre les gouvernements ».

Au-delà de son apport à la lutte pour le logement social, Charlotte contribue à faciliter l'intégration des nouveaux arrivants dans le quartier Pointe-Saint-Charles. Son courage, sa détermination et sa générosité sont exemplaires... Ah, si les politiciens    pouvaient   la prendre    pour modèle... !!!

Marie-José Corriveau

Témoignages

Histoire de gars... et de filles

II y a dix ans, vous vous souvenez,  un Gala soulignait le 10e anniversaire du FRAPRU. Je n'avais pas réalisé alors combien cette vénérable institution était encore toute jeune, tant ses racines étaient déjà fortes et son histoire fertile.

La métaphore est un brin bucolique pour mieux mettre en évidence l'implantation d'abord urbaine du FRAPRU malgré ses innombrables et dynamiques ramifications en région, qui font, ne l'oublions pas, une grande partie de la vitalité de la Maison-Mère...

Maison-Mère, c'est pour attirer l'attention sur le fait que, malgré la présence des Marie-José Corriveau, Ginette Bergevin, Myreille Audet, Denyse Lacelle et j'en oublie quelques-unes, le mouvement logement demeure encore un des bastions masculins de l'action communautaire...

Est-ce cela (la forte présence masculine) qui explique la capacité du FRAPRU à générer des politiciens (le masculin n'incluant pas ici de féminin) ? En effet, que ça soit à Québec ou à Montréal (mais pas encore à Hull, Bill Clennett semblant plus disposé à se colletailler qu'à flirter avec le pouvoir), les Jacques Fiset et André Lavallée ont d'abord été associés au mouvement logement et à l'incontournable FRAPRU. Incontournable autant quand on est de son bord... que quand on passe de l'autre, hélas !

Incontournable, les politiciens sont bien placés pour le savoir. J'imagine un remaniement de cabinet où la hantise des aspirants ministres est d'hériter des Affaires municipales avec en prime le FRAPRU, ses colorées et bruyantes manifestations sur leur pelouse à Westmount, Outremont ou ailleurs. Comment peut-on ne pas apprécier le célèbre Louis Cyr Quartet ?

La cote des Affaires municipales doit être à la baisse. Mais prenez garde, messieurs et mesdames les ministres. Loin de se contenter du logement de moins en moins social, le FRAPRU s'installe à demeure sur les questions de pauvreté. Il force ainsi la porte,

avec d'autres groupes, de bien des ministères. On ne se sauve pas impunément du FRAPRU qu'aucune façade ne saurait tromper.

Et disons-le franchement : si vous pensez qu'en coupant le logement social, vous vous débarrasserez du FRAPRU, vous n'avez encore rien compris. Le FRAPRU a sa permanence, mais ce sont tout sauf des fonctionnaires sur le bord de la pré-retraite (même s'ils la mériteraient bien et en auraient bientôt l'âge). Essayez donc la stratégie contraire juste pour voir...

En attendant que les politiciens obtus qui nous gouvernent reçoivent, comprennent, évaluent, impriment, transmettent et fassent appliquer ma suggestion et que le FRAPRU en évalue les retombées en termes d'unités réelles, il ne me reste qu'à souhaiter longue vie au FRAPRU, à saluer bien bas ses militants et militantes (j'insiste, j'insiste, il y en a), modèles d'engagement s'il en est ; les groupes en région qui S'en Occupent tout aussi activement les uns que les autres ; et toutes celles (je les mets en premier parce que là, elles sont majoritaires, même s'il n'y a pas de quoi s'en réjouir) et tous ceux qui, malgré leurs conditions de logement et de vie difficiles sinon intenables, continuent d'appuyer et de suivre inlassablement le FRAPRU dans ses innombrables et très médiatisées activités.

Nicole Brais, Membre individuelle, Québec

En pleine forme

Pour avoir été au cœur de cet organisme depuis dix ans, il n'est pas facile d'avoir un recul nécessaire et ainsi porter un quelconque jugement sur le FRAPRU. Cependant, je peux affirmer que ces dernières années, le FRAPRU a atteint un haut niveau de maturité et de cohésion. C'est tout à son honneur dans une période qui est loin d'être facile en termes politique, social et économique.

Avoir à cœur les intérêts des mal-logéEs et des pauvres, développer une culture de la mobilisation, faire les analyses les plus fines possibles de la conjoncture, débattre des meilleures stratégies à adopter sont quelques-uns des éléments qui ont permis au FRAPRU d'atteindre son vingtième anniversaire en pleine forme.

Jean-Pierre Wilsey POPIR-Comité logement, Montréal

Se geler pieds et mains... pour le logement social


Le FRAPRU, c'est un groupe présent sur tous les fronts et qui, phénomène rare, organise plus d'actions qu'il ne tient de réunions. Depuis plus de dix ans, je côtoie le FRAPRU et je crois que ce qui réunit tous les groupes membres et l'équipe de travail c'est la détermination à aller de l'avant, la volonté de faire primer une plus grande justice sociale et la détermination à ne jamais renoncer à lutter même lorsque les chances de gagner semblent s'évaporer.

Ce fut le cas en 1994 lorsque le gouvernement fédéral s'est complètement retiré du financement de nouveaux logements sociaux et qu'aucun programme ne pointait du côté du gouvernement provincial.

Même à ce moment de grande noirceur où tout nouveau développement semblait impossible, l'équipe de travail du FRAPRU, autant que l'ensemble des groupes membres, ont refusé d'abandonner les personnes mal-logées et les plus appauvries. Bien sûr pour cela, on s'est plus d'une fois geler pieds et mains. On a, à force de scander des slogans de toutes nos forces, perdu la voix. Certains ont même dormi en plein hiver dans un bidonville dressé devant le Parlement de Québec et bien sûr, il faisait très froid. Ce n'est que l'une des très nombreuses actions qui furent organisées par le FRAPRU au cours de ses vingt ans.

Vingt ans de luttes pour améliorer le sort des personnes mallogées et appauvries. Vingt ans d'acharnement à promouvoir le logement social comme alternative au marché privé. Vingt ans, mais non en vain, car il se fait encore du logement social au Québec. Et tant que le FRAPRU sera là, il s'en fera encore longtemps.

Bref, onze ans en compagnie du FRAPRU, ça ne s'oublie pas et ça permet de garder le cap, car ses leaders savent naviguer même dans le brouillard et nous sommes toujours assurés d'arriver à bon port.

Josée Fournier

Coordonnatrice, Comité logement Rosemont, Montréal

Un chapitre dans l'histoire

II faudra un jour écrire une véritable

« Histoire de l'habitation au Québec ». Et cette histoire devra rendre compte de l'action du mouvement communautaire, à la fois requérant, chien de garde et réalisateur d'« unités d'habitation sociale » (terme bien froid qui désigne le milieu de vie de plus de 100 000 ménages au Québec !).

De cette histoire qui reste à écrire, le FRAPRU constitue un incontournable chapitre. Lorsqu'on aura recensé ses textes, ses analyses, ses manifestes et manifestations, débattu du pour et du contre, et fait des bilans, il faudra aussi reconnaître la ténacité et l'engagement personnel, considérables, de ceux et celles qui donnent au FRAPRU, depuis vingt ans, sa place dans le paysage social et politique québécois.

Suzanne LaFerrière

Travailleuse du domaine de l'habitation

et membre du Collectif L'autre Montréal

Un mouvement

À coup de soupes populaires, de manifestations, d'ateliers et de réunions de stratégie, le FRAPRU est plus qu'un porte-parole ; il est un mouvement. Et c'est cette volonté de rassembler et de mobiliser les gens de bonne volonté de divers horizons qui m'a motivée et qui me motive toujours à faire partie de ce mouvement qui ne fait pas que parler de changer le monde. Au FRAPRU, on change notre monde. On le change ensemble, un logement à la fois ; un sourire à la fois ; un comité de mobilisation à la fois.

Denise Babin

Militante, Comité logement Centre-Sud, Montréal

Un chef de file


Félicitations à l'occasion de ce 20e anniversaire, occasion rêvée pour se remémorer les nombreuses luttes menées par le FRAPRU.

Durant mes années d'implication dans le mouvement coopératif en habitation, il m'est arrivé maintes fois de participer aux activités de rassemblement du FRAPRU. À chaque fois, je fus à même de reconnaître vos qualités de mobilisateurs et de rassembleurs des populations démunies.

Vous avez su devenir, au cours des ans, créatifs, originaux et stimulants dans l'exercice de votre mission de défense des droits des plus démunis.

Vous avez été capables de lier vos objectifs de groupe de lutte aux objectifs différents de plusieurs groupes travaillant en habi

tation sociale. Ce qui vous a permis de devenir un chef de file dans la défense des droits des plus démunis.

Monique C. Blanchet

Présidente de la Confédération québécoise des coopératives d'habitation (CQCH), de 1995 à 1997

Fidélité et entêtement

Un Regroupement en lien constant avec ses groupes.

Fidélité et entêtement. On vote des orientations et actions. On implique les membres et on donne des suites.

La classe politique ne peut plus dire n'importe quoi sur la question du logement. Elle se sait observée et sera démasquée si elle trompe.

Dans un contexte de recul, le FRAPRU réussit à protéger des acquis et faire,des gains. Une force politique incontournable.

Les actions du FRAPRU débordent les intérêts de ses propres membres. Un tour de force: un porte-parole écouté et reconnu comme étant un défenseur crédible des intérêts et droits de l'ensemble des locataires du Québec. La preuve ? Les réactions de la classe politique et des associations de propriétaires devant les actions du FRAPRU.

Claude Hardy

Capucin

Comité des priorités dans les dons de la Conférence

religieuse canadienne (section Québec)

Un travail considérable

A l'occasion du vingtième anniversaire de sa fondation, je désire souligner le travail considérable accompli par le FRAPRU au niveau de la défense et de la promotion des droits des personnes mal-logées.

Des pages et des pages d'exploits, de défaites, d'anecdotes, de controverses, et quoi encore, pourraient être mentionnées pour souligner l'ampleur du travail accompli souvent avec très peu de moyens.

Mais ce que j'aimerais souligner particulièrement du travail accompli, c'est d'abord et avant tout la constance et la détermination dont a fait preuve cet organisme vis-à-vis ses engagements et surtout vis-à-vis les types d'actions et de luttes qu'il a privilégiés.

À mon avis, ce sont ces choix et orientations qui ont véritablement maintenu le développement du logement social au Québec et maintenu la flamme de cette lutte.

Bravo au FRAPRU !

François Roy

coordonnateur, Logemen'occupe, Outaouais

L'énigme du FRAPRU

Une anecdote néanmoins véridique de la grande et glorieuse histoire du FRAPRU

Ce sont les permanents de la cuvée 1978, Sue Moorhead, Hermance Monette, Denis Quirion et moi-même qui, je l'avoue maintenant et publiquement pour la première fois, doivent porter le fardeau historique d'avoir été les auteurs du fameux acronyme qui aura fait trembler tant de ministres de l'Habitation et autres sbires gouvernementaux depuis maintenant vingt ans.

Quelques temps après la tenue du mémorable Colloque PAQ, par un bel après-midi d'automne, nous nous sommes réunis en session extraordinaire d'intense remue-méninges pour accoucher d'un nom qui, pensions-nous, était un heureux rappel du « FRAP », symbole de luttes urbaines de la fin des années 60, et de « RU(E) » qui évoquait à la fois pouvoir populaire et vie de quartier. De plus, sa prononciation, quoique un peu ardue, avait juste assez de ce je-ne-sais-quoi pour en faire une appellation militante digne de sa mission revendicatrice.

Heureux de notre trouvaille, nous nous sommes empressés d'en faire la suggestion au comité des représentants qui, c'est le moins qu'on puisse dire, ne partageait pas tout à fait notre enthousiasme.

Pendant plusieurs mois, toutes et chacune des rencontres du comité des représentants abordaient sans succès la question du baptême de notre nouvelle organisation. De guerre lasse, Danielle Adam, du Comité de citoyens Saint-Sauveur, décidait enfin, entre deux tricots, de prendre à son compte l'effroyable suggestion des permanents et d'en faire une proposition formelle. Adoptée à l'unanimité, comme quoi le temps arrange bien les choses, le FRAPRU était enfin baptisé.

Mais l'énigme n'est pas encore résolue ! Vous aurez constaté que chacune des lettres de l'acronyme FRAPRU désigne un des mots de l'appellation, à l'exception toutefois de la première lettre « R ». L'explication officielle prétendait que cette lettre étant la deuxième du mot Front, on aurait décidé de l'incorporer parce que FRAPRU sonnait mieux à l'oreille que FAPRU (ousch !!!)

Ce n'était pas ça, mais alors pas du tout. Sachez que ce premier « R » revêtait, pour certains dont moi-même, une importance capitale. En effet, compte tenu que le FRAPRU regroupait des organismes et des individus de toutes tendances, chacun pouvait y trouver son compte en désignant notre organisation de l'une ou l'autre des façons suivantes :

Front de revendication et d'action populaire en réaménagement urbain... pour ceux qui prenaient à la lettre la décision collective prise lors du colloque d'octobre 1978 ;

Front radical d'action populaire... compte tenu des idées, des projets et des points de vue de la grande majorité de ses membres, et ce, sur tout et n'importe quoi ;

Front révolutionnaire d'action populaire... à cette époque, les gens de gauche, surtout les « moins pires », étaient bel et bien, quoique discrètement, présents au FRAPRU ;

Front révisionniste d'action populaire... pour faire plaisir à certains dénigreurs de l'autre gang de gauche (les plus pires) qui, par contre, avaient plus de difficulté à se forger une place au sein du FRAPRU ;

Front religieux d'action populaire... pour les quelques représentants de l'église, de la J.O.C. ou de la J.E.C. qui rôdaient tout autant autour du FRAPRU.

Front et rassemblement d'action populaire... Avant 1986, le RCM a souvent flirté le FRAPRU, capital politique oblige, mais avec un taux de réussite plutôt bas.

Vous ne vous en doutiez pas mais c'est bel et bien grâce à la présence subliminale de cette consonne clandestine que le FRAPRU a toujours su regrouper les forces vives du mouvement communautaire autour de ses justes revendications. Comme dirait le poète, le reste n'est que littérature.

La lumière est maintenant faite et vous êtes maintenant à même de réaliser pourquoi non seulement le passé, mais aussi et surtout l'avenir du FRAPRU, sera des plus radieux sur la voie sinueuse des luttes populaires.

Quant à moi, à l'occasion du 20e anniversaire du FRAPRU, de ses combats soutenus et de ses revendications fondamentales pour « des quartiers où nous pourrons rester », c'est surtout au Front remarquable d'action populaire en réaménagement urbain que je présente mes plus profondes et sincères salutations.

Quand on aime, on a toujours vingt ans. Bonne fête, FRAPRU.

Robert Potvin

Liste des groupes-membres du FRAPRU

Les groupes dont le nom est suivi d'un astérisque (*) sont des membres participants. Ce sont eux qui sont au cœur des décisions et des interventions du FRAPRU. Les autres groupes sont des membres associés. Ils appuient, dans la mesure de leurs moyens, les prises de position et les interventions du FRAPRU, dans leur milieu respectif.

Organisations nationales

Fédération des locataires d'habitations à loyer modique

du Québec (FLHLMQ) * Fédération des ressources d'hébergement pour femmes

violentées et en difficulté du Québec Regroupement des Auberges du Coeur

Région du Saguenay-Lac-Saint-Jean

Association des locataires de HLM pour familles de

Chicoutimi Loge m'entraide, Saguenay *

Région de Québec

Action habitation, Québec Centre des femmes de la Basse-Ville, Québec Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur, Québec * Comité populaire Saint-Jean-Baptiste, Québec *

Région de la Mauricie

Comité logement de Trois-Rivières * Fédération des coopératives d'habitation de la Mauricie et du Centre du Québec (FÉCHMACQ)

Région de l'Estrie

Association des locataires de Sherbrooke *

Région de Montréal

Alerte Centre-sud, Montréal

Association des locataires des Habitations Jeanne-Mance, Montréal

Association des locataires de Villeray, Montréal *

Atelier Habitation Montréal

Bureau consultation jeunesse (BCJ)

Montréal Carrefour familial Hochelaga-Maisonneuve,

Montréal Comité Bails Hochelaga-Maisonneuve, Montréal *

Comité d'action de Parc Extension,Montréal

Comité logement Bordeaux-Cartierville, Montréal *

Comité logement Centre-Sud, Montréal *

Comité logement Plateau Mont-Royal, Montréal

Conseil communautaire Notre-Dame-de-Grâce, Montréal*

Conseil des travailleurs et travailleuses du Montréal métropolitain (FTQ)

Coop Habitanou, Montréal

Entraide-logement Hochelaga-Maisonneuve, Montréal

Fédération des coopératives d'habitation de l'Ile de Montréal (FÉCHIM)

Fédération des OSBL en habitation de Montréal (FOHM)

Groupe de ressources techniques Bâtir son quartier,Montréal

Infologis Mercier, Montréal

Inter-loge Centre-Sud, Montréal

Justice et foi, Montréal

La Marie-Debout, Hochelaga-Maisonneuve, Montréal

Montreal City Mission

Multi-Caf, Côte-des-Neiges, Montréal*

POPIR Comité logement de Saint-Henri, Petite-Bourgogne, Ville-Émard et Côte St-Paul, Montréal *

Regroupement des personnes à la retraite du CTM

Regroupement Information logement (RIL) de Pointe St-Charles, Montréal *

Programme d'aide au logement (PAL), Verdun

Projet Genèse, Côte-des-Neiges, Montréal *

Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal

Tenants Hot Line, Ile de Montréal

Région de l'Outaouais

Centre Actu'elles de Buckingham Logemen'occupe, Huit * Mon chez nous, Outaouais

Région de la Côte-Nord

Cité des bâtisseurs, Baie-Comeau

Région Chaudière-Appalaches

Association des locataires de Thetford-Mines *

Groupe de ressources techniques Beauce-Amiante Habitations populaires Côte-du-Sud, Montmagny

Région de Laval

Groupe de ressources techniques de Laval

Lanaudière

Fédération lanaudoise des coopératives d'habitation

(FLACH), Joliette* Groupe d'aménagement du logement populaire (GALOP),

Joliette

Région de la Montérégie

Association des locataires de HLM Mont Saint-Hilaire

Comité de logement social de Châteauguay *

Comité logement Valleyfield *

Comité pour le développement du

logement social du Bas-Richelieu, Sorel-Tracy *

Fédération des coopératives d'habitation de la Montérégie (FÉCHAM)

Groupe Alternative logement,

St-Jean SOS-logement Beauharnois *

1 Le terme n'est alors utilisé qu'au masculin. La féminisation viendra bien après, résultat parmi d'autres des luttes menées par les femmes aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des organisations populaires.

2 Pierre Hamel, Logement et luttes urbaines à Montréal (1963-1976), Cahier
de recherche, Faculté de l'aménagement, Université de Montréal, 1983,
p. 132

3 Les élections tenues en pleine crise d'octobre 1970 se soldent par la victoire
écrasante du maire Drapeau qui avait associé le FRAP au Front de libé
ration du Québec (FLQ). Le FRAP éclate par la suite en diverses ten
dances, dont certaines contribuent, dans les années soixante-dix, à l'ap
parition de groupes marxistes-léninistes comme En Lutte ! et la Ligue
communiste (marxiste-léniniste) du Canada. Ces groupes joueront un grand
rôle au sein des organisations populaires, y compris celles intervenant
sur le logement, tout au cours de la décennie soixante-dix et du début
des années quatre-vingt.

4 Marc Choko, Crises du logement à Montréal (1860-1939), éditions Albert Saint-Martin. 1980, p. 167.

5 Manifeste tel qu'adopté au Colloque populaire sur les PAQ, 20, 21 et 22 octobre 1978, p. 31

6Les OSBL, les logements gérés par des organismes sans but lucratif, feront leur entrée beaucoup plus tard dans les préoccupations du FRAPRU.

7 Les deux regroupements fusionneront plus tard pour devenir l'Association des groupes de ressources techniques du Québec (AGRTQ).

8 C'est le cas d'un document publié en 1900 pur la Société d'habitation du Québec, sous le titreGentrification ou étalement urbain ? l.e cas du centre de Montréal et de sa périphérie.

9  Gouvernement fédéral, Plan budgétaire 1996. p. 47

10 Tout au long des interventions sur cet enjeu, un certain nombre de groupes expriment un malaise à y intervenir, parce qu'ils ne veulent pas créer de division chez leurs membres, parce qu'ils croient que ce n'est pas la place des organisations populaires ou simplement parce qu'ils ne sont pas d'accord avec l'orientation retenue. Ces groupes se sont abstenus de participer à ces interventions, tout en demeurant actifs au FRAPRU... sur d'autres enjeux.

11 FRAPRU, Pour une indépendance progressiste, novembre 1990

12 Denis Monière et Jean H. Guay, La bataille du Québec, troisième épisode : 30 jours qui ébranlèrent le Canada, Fides, 1996, p. 41.

13 Un vidéo a été réalisé sur ces événements par un locataire d'Overdale, Robert Craig. Il est disponible en anglais seulement, au FRAPRU (514) 522-1010.

14 Dans le cadre d'une entente avec l'Atelier de promotion collective de la Faculté d'éducation permanente de l'Université de Montréal.