COLLOQUE NATIONAL EN ÉCONOMIE :RAPPORT ET DOCUMENTS 7, 8, 9 MAI 1982 OTTAWA

LA FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC

TABLE DES MATIÈRES

LE PROGRAMME DU COLLOQUE

MESSAGE DU PRÉSIDENT DU COLLOQUE, M. MICHEL LAGACÉ

PROPOS DE MME JEANNINE SÉGUIN PRÉSIDENTE DE LA F.F.H.Q

CAUSERIE PRÉSENTÉE LORS DE LA SÉANCE D'OUVERTURE DU COLLOQUE NATIONAL EN ÉCONOMIE PAR M. J. YVON THÉRIAULT PROFESSEUR DE SOCIOLOGIE À L'UNIVERSITÉ D'OTTAWA

LES DISCUSSIONS EN ATELIERS (le 8 mai 1982)

THÈME I LE DÉVELOPPEMENT SOCIO-ÉCONOMIQUE DES RÉGIONS FRANCOPHONES

THEME II : LES COOPÉRATIVES ET CAISSES POPULAIRES

THÈME III : L'ENTREPRISE

THÈME III: L'ENTREPRISE

THEME IV : L'ÉDUCATION ET L'ÉCONOMIE

THEME V : LA PARTICIPATION POPULAIRE À L'ÉCONOMIE

TRANSCRIPTION DE LA PLÉNIÈRE DE SYNTHÈSE (le 9 mai 1982)

SYNTHÈSE DE LA PLÉNIÈRE

INTERVENTIONS DES REPRÉSENTANTS DES TROIS PRINCIPAUX PARTIS POLITIQUES FÉDÉRAUX À L'OCCASION DU BRUNCH DU DIMANCHE 9 MAI 1982.

ANNEXES

1) RECOMMANDATIONS DU RAPPORT DU COMITÉ ÉCONOMIQUE DE LA F.F.H.Q.:

2) LISTE DES PARTICIPANTS (par province et par ordre alphabétique)

3) COMMANDITAIRES:

4) LES RESPONSABLES DE L'ORGANISATION DU COLLOQUE (par ordre alphabétique)

5) DECOUPURES DE PRESSE

Je réitère les mots de bienvenue prononcés par le président de ce colloque.

Le fait que vous soyez venus nombreux montre l'intérêt grandissant que vous portez à cette dimension de notre vie collective qu'est l'économie.

Voici quelques réflexions et certaines de mes attentes face à ce colloque national.

À cause de l'explosion technologique de notre monde bureaucratique, nous avons été parachutés dans une révolution socio-économique qui bouleverse tous nos modes de vie et nos façons de penser. Cette révolution s'annonce plus profonde et plus radicale que la révolution industrielle du début du siècle. Le progrès de la technologie, l'avènement des micro-processeurs et de la télématique, la conquête de nos usines par des robots, transforment déjà nos modèles économiques. Selon des études, 40% de la population active du Canada travaillent déjà dans le secteur de l'information. Comme cette révolution est déjà en marche, il faut prendre son rythme et non pas la bouder, car alors nous nous condamnerions à vivre en périphérie du progrès et du développement comme ce personnage d'Henry de Montherlant qui disait: "Au seuil de l'ère nouvelle, je refuse d'entrer".

Tout au contraire, il faut nous armer de connaissances, acquérir des compétences, donner cours à notre imagination pour oser prendre des initiatives qui nous permettront de maîtriser ces techniques nouvelles et de les mettre au service de nos communautés.

Depuis l'éclatement de nos communautés isolées, nous sommes devenus des récepteurs trop passifs. Rejetons radicalement ce fatalisme qui limite et refoule nos possibilités.

Devenons plutôt des émetteurs d'idées, de projets, de plans d'avenir. Qui pense pour demain agit pour demain. Celui dont la pensée traîne le passé se réfugie dans le passé. Je vous invite, avec insistance, à vivre aujourd'hui pour demain, en mettant à profit l'expérience du passé. Le champ de l'informatique, de la technologie, de la communication, de la connaissance qui caractérise de plus en plus notre vie socio-économique est une porte d'avenir que nous devons franchir avec courage.

Cette évolution radicale due à l'informatique provoque et accompagne le renouveau économique que nous voulons pour nos communautés. M. Louis Brunel, dans son article "La télématique chez nous" dit que, depuis 1950, "les structures de nos économies se transforment; la modification essentielle depuis un quart de siècle étant la croissance des activités d'information par rapport aux activités industrielles".

Mettre ensemble nos idées, mobiliser nos énergies, créer cet espace économique vital, comme nous y invite ce monde en progrès, attisera notre fierté et raffermira notre détermination collective. Il est de notre ressort de faire de ce nouvel espace économique la clé de notre développement global.

Devenons propriétaire, ce qui fera de nous des égaux dans ce monde compétitif. Évitons la dialectique maître-esclave pour rechercher cette même relation d'égaux et de partenaires entre nous.

Encore là, cessons d'être des récepteurs pour devenir résolument des émetteurs d'idées, d'énergie et de progrès.

Voilà mes attentes face à ce premier colloque national en économie.

Mais pour répondre à de telles attentes, il nous faut d'abord et avant tout nous pénétrer, nous imbiber d'une détermination à toute épreuve et d'un vouloir-vivre collectif profond.

Nous nous devons de traduire nos attentes dans des projets bien concrets, bien précis et adaptés à notre temps. On a le droit et le devoir de taire surgir des projets d'ordre économique

LE PROGRAMME DU COLLOQUE

LE VENDREDI, 7 MAI

13h00 à 21h30

Inscription (vestibule)

19h30 :

Séance d'ouverture (Salle B)

Mot de bienvenue de M. Michel Lagacé

Propos de Mme Jeannine Séguin Causerie: "Trois évidences sur notre réalité économique", M. J. Yvon Thériault Doctorat en sociologie, Professeur à l'Université d'Ottawa

21h00

Vin et fromage

LE SAMEDI, 8 MAI

8h00

Petit déjeuner (Salle C)

9h00à10h30

Ateliers A

10h30à10h45

Pause

10h45à12h15

Ateliers B

12h15à14h00

Déjeuner (Salle C)

14h00à15h30

Ateliers C

15h30

Pause, visite des kiosques (Salle A)

16h00

Exposé: "Télidon ou l'innovation technologique facteur de développement économique", (Salle B) M. André Turgeon Ministère des communications

16h30à17h30

Plénière (Salle B)

19h00

Souper-causerie: (Salle C) L'honorable Jean-Jacques Biais Ministre des Approvisionnements et Services

LE DIMANCHE, 9 MAI

8h15

Célébration eucharistique, présidée par le Père Henri Gaudreault, O.M.I., Recteur de l'Université St-Paul (Salle Richelieu)

9h00 à 9h30

Café et croissants (Salle C)

9h30à10h30

Conclusion des ateliers (mêmes salles que la veille)

10h30à11h30

Plénière de synthèse (Salle B)

11h30à13h30

Brunch: (Salle C) Invités: M. Lorne Nystrom, représentant du Nouveau Parti Démocratique L'Honorable Serge Joyal, représentant du Parti Libéral M. John Bosley, représentant du Parti progressiste-conservateur

MESSAGE DU PRÉSIDENT DU COLLOQUE, M. MICHEL LAGACÉ

En présentant son rapport, "Un espace économique à inventer", le comité économique formulait deux propositions. Il suggérait que le rapport soit rendu public et que la F.F.H.Q. organise un colloque sur le développement économique des communautés francophones hors Québec. Ce colloque marque la réalisation de ces deux propositions, le rapport ayant été rendu public en 1981. J'en félicite la direction de la F.F.H.Q.

Dans le rapport, nous avons souligné le besoin d'une mobilisation des Francophones hors Québec dans un effort commun dans le but de renforcer les fondements économiques des communautés. Cette perspective s'inscrit dans une démarche plus large dans laquelle les Francophones visent à répondre aux exigences de leur plein épanouissement.

Cependant, le rapport ne constitue qu'une première réflexion sur le développement des communautés. Il constitue un premier pas.

C'est pourquoi j'invite tous les Francophones à entamer la discussion la plus large possible sur les possibilités d'action dans leurs milieux. Notre vitalité dépend de la participation de tous: il revient à chaque région d'identifier les occasions qui se présentent à elle et de les exploiter selon les objectifs que les Francophones se fixeraient eux-mêmes.

J'espère donc que ce colloque constituera une occasion pour chacun et chacune de poursuivre sa réflexion sur les possibilités et l'avenir de son milieu. Je souhaite qu'après cet échange, nous serons tous mieux en mesure d'agir dans nos milieux.

PROPOS DE MME JEANNINE SÉGUIN PRÉSIDENTE DE LA F.F.H.Q

PROPOS DE MME JEANNINE SÉGUIN PRÉSIDENTE DE LA FÉDÉRATION DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC LORS DE LA SÉANCE D'OUVERTURE DU COLLOQUE NATIONAL EN ÉCONOMIE

Je réitère les mots de bienvenue prononcés par le président de ce colloque.

Le fait que vous soyez venus nombreux montre l'intérêt grandissant que vous portez à cette dimension de notre vie collective qu'est l'économie.

Voici quelques réflexions et certaines de mes attentes face à ce colloque national.

À cause de l'explosion technologique de notre monde bureaucratique, nous avons été parachutés dans une révolution socio-économique qui bouleverse tous nos modes de vie et nos façons de penser. Cette révolution s'annonce plus profonde et plus radicale que la révolution industrielle du début du siècle. Le progrès de la technologie, l'avènement des micro-processeurs et de la télématique, la conquête de nos usines par des robots, transforment déjà nos modèles économiques. Selon des études, 40% de la population active du Canada travaillent déjà dans le secteur de l'information. Comme cette révolution est déjà en marche, il faut prendre son rythme et non pas la bouder, car alors nous nous condamnerions à vivre en périphérie du progrès et du développement comme ce personnage d'Henry de Montherlant qui disait: "Au seuil de l'ère nouvelle, je refuse d'entrer".

Tout au contraire, il faut nous armer de connaissances, acquérir des compétences, donner cours à notre imagination pour oser prendre des initiatives qui nous permettront de maîtriser ces techniques nouvelles et de les mettre au service de nos communautés.

Depuis l'éclatement de nos communautés isolées, nous sommes devenus des récepteurs trop passifs. Rejetons radicalement ce fatalisme qui limite et refoule nos possibilités.

Devenons plutôt des émetteurs d'idées, de projets, de plans d'avenir. Qui pense pour demain agit pour demain. Celui dont la pensée traîne le passé se réfugie dans le passé. Je vous invite, avec insistance, à vivre aujourd'hui pour demain, en mettant à profit l'expérience du passé. Le champ de l'informatique, de la technologie, de la communication, de la connaissance qui caractérise de plus en plus notre vie socio-économique est une porte d'avenir que nous devons franchir avec courage.

Cette évolution radicale due à l'informatique provoque et accompagne le renouveau économique que nous voulons pour nos communautés. M. Louis Brunel, dans son article "La télématique chez nous" dit que, depuis 1950, "les structures de nos économies se transforment; la modification essentielle depuis un quart de siècle étant la croissance des activités d'information par rapport aux activités industrielles".

Mettre ensemble nos idées, mobiliser nos énergies, créer cet espace économique vital, comme nous y invite ce monde en progrès, attisera notre fierté et raffermira notre détermination collective. Il est de notre ressort de faire de ce nouvel espace économique la clé de notre développement global.

Devenons propriétaire, ce qui fera de nous des égaux dans ce monde compétitif. Évitons la dialectique maître-esclave pour rechercher cette même relation d'égaux et de partenaires entre nous.

Encore là, cessons d'être des récepteurs pour devenir résolument des émetteurs d'idées, d'énergie et de progrès.

Voilà mes attentes face à ce premier colloque national en économie.

Mais pour répondre à de telles attentes, il nous faut d'abord et avant tout nous pénétrer, nous imbiber d'une détermination a toute épreuve et d'un vouloir-vivre collectif profond.

Nous nous devons de traduire nos attentes dans des projets bien concrets, bien précis et adaptés à notre temps. On a le droit et le devoir de taire surgir des projets d'ordre économique riginaux, bien pensés, bien structurés au sein de nos communautés. Il nous revient de provoquer une effervescence économique qui caractérisera, dorénavant, nos communautés. Il ne nous reste qu'une chose: nous mettre résolument à l'oeuvre.

Merci.

La présidente de la F.F.H.Q., Mme Jeannine Séguin.

Mme Séguin et la sous-secrétaire d'État, Mme Huguette Labelle.

CAUSERIE PRÉSENTÉE LORS DE LA SÉANCE D'OUVERTURE DU COLLOQUE NATIONAL EN ÉCONOMIE PAR M. J. YVON THÉRIAULT PROFESSEUR DE SOCIOLOGIE À L'UNIVERSITÉ D'OTTAWA

TROIS EVIDENCES SUR NOTRE RÉALITÉ ÉCONOMIQUE?

Nous sommes réunis aujourd'hui pour réfléchir à la dimension économique des communautés francophones hors Québec. Dans le but d'amorcer la discussion, on m'a demandé de traiter, dans cette perspective, deux dimensions de cette problématique: le survol historique d'une part et la situation actuelle d'autre part. C'est, il faut en convenir, un mandat qui dépasse de loin les quelques propos que j'ai l'intention de vous livrer. L'excuse classique est évidemment le manque de temps, j'en noterai immédiatement une seconde qui, il me semble, en dit beaucoup sur notre situation économique.

Étant donné le manque flagrant d'analyses et de données, il s'avère, en effet, impossible de dresser une synthèse, la plus courte soit-elle, de notre réalité économique passée et présente. À regarder ce qui est écrit sur l'économie des Francophones hors Québec, on se retrouve un peu dans la situation d'un anthropologue qui a devant lui une population dont il serait le premier à codifier les gestes par écrit, l'exagère à peine. La plupart de ceux qui ont écrit sur nous limitent leurs interrogations économiques à une phrase du type: les Francophones furent historiquement éloignés de la chose économique. Lorsque l'on considère l'économie, et c'est la seule définition que je connaisse, comme l'ensemble des activités d'une collectivité humaine, relative à la consommation des biens, il apparaît aberrant qu'une collectivité ait survécu depuis deux siècles éloignée de la dimension de toute société humaine qui vise la production et la circulation des biens matériels. On en conviendra, c'est pousser un peu fort le caractère mythique de notre survivance en terre d'Amérique.

Nous avons eu et nous avons une réalité économique. Que personne n'en ait fait l'histoire ou que peu de gens s'intéressent aujourd'hui à en étudier les effets sur notre vie collective sont des questions qui doivent nous préoccuper. Cette lacune relève avant tout de la façon dont nous définissons notre situation et les objectifs à atteindre, et, nullement de l'absence chez nous d'une réalité économique. Nous reviendrons sur la façon d'envisager notre économie. Pour le moment, rappelons quelques faits qui démontrent comment nous sommes peu bavards sur nous.

Si nous avons, dans les dernières années, investi énormément dans l'éducation universitaire, si les quelques institutions post-secondaires que nous possédons se sont faites une gloire de créer des sections d'administration, de gestion et d'économie, il s'avère presqu'impossible aujourd'hui de trouver dans celles-ci une préoccupation sérieuse pour une administration, une gestion ou une économie qui nous soient propres. On le verra: peut-être est-ce une fausse question? Toujours est-il, malgré tout le mal qu'on peut en dire, les seuls efforts sérieux en ce domaine ont émané de sociologues.

De la même façon, alors que d'autres groupes minoritaires, d'autres collectivités, ont depuis longtemps subventionné des centres de recherches visant à produire des dossiers sur lesquels pouvaient s'appuyer des politiques économiques, aucune institution de ce genre n'existe chez-nous. Certes, nous n'avons pas entre nos mains un État. C'est, il me semble, une raison supplémentaire qui justifie la nécessité de tels centres qui pourraient, en outre, étudier les implications sur nos communautés des politiques économiques de l'État. À cet égard, l'inexistence, à l'intérieur des institutions économiques francophones, d'analystes qui auraient comme mandat de dépasser le marketing, même coopératif, pour s'intéresser aux questions économiques plus générales, laisse percevoir un manque de perspectives et des lacunes flagrantes au niveau de la responsabilité sociale. À de rares exceptions près, les interventions politiques et publiques dans les dossiers économiques ont été, malgré la rareté de celles-ci, le fait des associations nationalistes et non des institutions financières.

Enfin, l'inexistence d'un pouvoir politique recoupant notre réalité ethnique et la dispersion de notre peuplement rendent nécessaires la mise à notre disposition, si nous voulons intervenir sérieusement dans l'économie, de données statistiques. À moins de coûteux sondages ou d'un travail de moine sur les données de Statistiques Canada, il s'avère presque impossible de dresser des tableaux nationaux, provinciaux ou régionaux sur notre réalité économique.

Ces quelques remarques précisées, nous pouvons revenir à l'objet principal de nos préoccupations. Je n'ai pas l'intention de reprendre ici, ni le portrait général de la place dans l'échelle des revenus des Francophones hors Québec: portrait présenté dans Les héritiers de Lord Durham, ni la tentative de dresser le contour historique de notre économie: tentative insérée dans Un espace économique à inventer. Je voudrais plutôt amorcer une discussion sur le pourquoi de notre préoccupation en tant que minoritaire pour la question économique. Réflexions dangereuses, parce que non porteuses d'unanimité. J'assume donc seul la responsabilité des propos qui suivront.

Cette réflexion se fondera sur notre histoire économique, mais une histoire qui, à la manière des sociologues, va chercher dans le passé non pas les faits bruts, mais les explications ou les réfutations des interrogations modernes. On commencera donc par trois énoncés sur notre situation économique présente. Trois jugements considérés par la plupart comme des évidences. Ces trois énoncés sont les suivants:

Ces trois évidences, telles qu'énoncées, bloquent à mon avis toute possibilité d'une réflexion sérieuse sur le type d'intervention économique susceptible de répondre à notre situation; elles sont par ailleurs, au niveau historique, empiriquement fausses.

1. Commençons par la première: le problème économique des Francophones hors Québec est celui d'une nécessité d'intégration à l'économie environnante.

Cette évidence, qui sous-tend les deux suivantes, a son corollaire historique: notre soi-disant retard économique, notre relative pauvreté, notre faible participation aux grands appareils économiques émaneraient de notre isolement historique. Reprenons, avant d'invalider cette première évidence, les arguments historiques qui fondent une telle vision. Ces arguments n'ont d'ailleurs pas besoin d'être étoffés: ils font partie non seulement du discours savant que nous entretenons sur nous, mais aussi du sens commun. Ne nous a-t-on pas tous raconté comment, isolés, marginalisés, cachés dans la forêt, protégés par nos clochers d'églises, nous avons été, pendant plus de deux siècles, à l'abri des trois grandes plaies qui affligeaient l'Amérique du Nord: l'anglicisation, le protestantisme et l'industrialisation. De façon plus savante, depuis que l'on a appris à écrire, on nous dit que notre histoire fût tantôt celle de "l'enracinement dans le silence", tantôt celle "d'un radeau perdu de l'ancien régime français", bref, la plus parfaite "folk society" à structure économique autarcique.

La question économique des Francophones aujourd'hui serait celle de l'intégration parce que, après 1755 ou la conquête de 1760, nous nous serions entêtés, en marge de la communauté anglophone, à reproduire une société paysanne. Pendant que ceux-ci investissaient dans le commerce des fourrures, dans celui des produits de la pêche, dans celui des produits forestiers, dans la construction des chemins de fer et, plus tard dans les développements industriels et miniers, nous, à côté, en marge, nous forgions les outils de notre sous-développement. Peu importe les raisons à cet isolement: qu'on les cherche dans la conquête qui en décapitant la bourgeoisie naissante aurait pour longtemps enlevé toute possibilité que surgisse de chez nous une tradition d'entrepreneurship individuel, qu'on les cherche dans notre structure sociale par la prédominance d'un clergé et d'une idéologie rétrogrades, notre problématique demeure la même, apprendre à penser et à investir l'économie. Notre nid communautaire ayant dans les quarante dernières années volé en éclats, nos élites et notre idéologie traditionnelles ayant perdu leur efficacité, il nous faudrait aujourd'hui apprendre ce que l'histoire et nos élites nous ont toujours refusé: l'économie.

"Parlons d'argent", "apprenons la gestion scientifique et rationnelle de l'entreprise", "formons des techniciens et des cadres administratifs", "orientons nos jeunes vers les sciences pures, la comptabilité et le marketing", "envahissons le monde de la finance". Le discours sur l'isolement est nécessairement lié au discours sur l'intégration: il nous faut faire ce que nous n'aurions jamais fait et qui a réussi à d'autres. Combien de fois n'avons nous pas entendu nos ténors du progrès nous tenir ce langage, nous inciter à opter pour une politique de mimétisme, à oublier nos velléités de spécificité, nos discours sur la différence, etc. . . .

Je ne voudrais pas nier que parler de productivité, d'entrepreneurship, de formation économique, de politique d'investissement fasse partie d'uneproblématique économique. Je souligne simplement qu'un tel programme n'est en rien spécifique aux Francophones. Plus important, toutefois, il soumet toute stratégie économique sous la lorgnette individualiste; il n'est pas une réponse collective à une crise structurelle qui, elle, dépasse de loin notre prétendu retard.

Comme on le verra, la lecture de l'histoire n'est pas neutre. Ceux qui aujourd'hui nous demandent de rattacher notre wagon à l'économie nord-américaine postulent que jamais nous fûmes arrimés à ce train, ceux qui ne peuvent percevoir de projets économiques qui soient nôtres aujourd'hui, ceux qui refusent que nous décidions de prendre en charge notre histoire économique ne voient pas dans notre passé de projet économique, d'inscription dans la réalité économique. Les deux affirmations sont d'une conséquence désarmante: s'il nous faut imiter les autres, s'il nous faut rattraper le convoi économique nord-américain, c'est que nous étions en dehors de l'histoire, exclus de la dimension économique.

Qu'en serait-il toutefois si nous lisions l'histoire de façon différente? Si nous n'avions jamais été isolés, si nous n'avions jamais été exclus de l'économie dominante mais plutôt intégrés de façon dépendante, dominés par celle-ci? Autrement dit, si nous n'étions pas un train en retard sur le convoi de la modernité, mais, depuis toujours, une série de wagons attachés à l'arrière du train, comment pourrions-nous proposer alors de nous intégrer à quelque chose dont nous faisons depuis toujours partie? En inversant les termes de références historiques ne serions-nous pas contraints, au lieu de revendiquer aujourd'hui notre intégration, de proposer, pour nos wagons, une locomotive distincte, un espace qui nous soit propre.

Reprenons très brièvement quelques grands moments du développement économique des derniers siècles pour mieux apprécier notre soi-disant isolement. Il est par exemple convenu aujourd'hui de situer la naissance du capitalisme moderne aux grandes expéditions coloniales européennes du 16e et 17e siècle. Dans une Europe toujours féodale, se constitua autour des ports de mer une concentration de richesses issues du pillage et du commerce lointain. Premier moment du phénoménal processus de croissance économique que connut l'Occident; premier moment qui coïncida, par hasard, avec notre implantation en terre d'Amérique. Non, ce n'est pas la vertu de l'isolement qui nous fit traverser l'Atlantique en cette fin du 17e, début du 18e siècle, mais, au contraire, l'intégration pleine et entière à ce qui était à l'époque le projet le plus "moderne" du capitalisme naissant.

La convoitise, par les puissances coloniales, pour la morue des côtes de l'Atlantique, pour la fourrure de la faune canadienne et, plus tard, pour le bois de nos forêts, participait à l'édification des grandes puissances commerciales européennes qui imposeront, pour plusieurs siècles, leurs guerres et leur logique à l'ensemble du monde. L'Angleterre deviendra la première puissance coloniale mondiale, celle qui, par la loi du plus fort, donnera le ton au développement économique et industriel du 19e siècle. Loin d'être exclus de ces grands bouleversements mondiaux, elles sont au fondement de notre problématique économique depuis lors. Nous fûmes au centre des guerres entre les deux plus imposants empires coloniaux de l'époque. La conquête de l'Acadie et du Canada transféra notre domination dans le même sens que la dominance de l'économie mondiale passait à l'Angleterre. Non, ce n'est pas une conjoncture historique heureuse qui poussa les Acadiens hors de l'histoire en 1755, mais un processus qui contraignit ceux-ci à se réintégrer dans l'économie mondiale par le biais de la pêche et du commerce triangulaire entre le sud du continent, l'Atlantique nord et l'Europe. La déportation n'eut jamais comme résultat de marginaliser les Acadiens: elle les enracina profondément dans la modernité économique britannique en les forçant, pour près de deux siècles, à être les pourvoyeurs de nourriture bon marché - la morue salée - pour les classes populaires et les esclaves liés à l'Empire britannique.

Nos premières incursions à l'ouest de la rivière des Outaouais ne se réalisèrent pas, non plus, en marge de l'histoire. La traite de fourrures fut la raison économique de la fondation de la Nouvelle-France; elle sera aussi la raison première de notre enfoncement dans le centre de ce continent. S'il fallait avoir le goût de l'éloignement pour nous aventurer sur ces territoires, nous ne serons jamais assez loin pour ne pas être rejoints par les "North West Company" et les "Hud-son Bay Company". Eux, jamais, ne nous trouveront isolés, marginalisés, traditionnels. L'historien Mason Wade, qui n'a pas la réputation de rechercher dans l'histoire, derrière chaque Canadien-français, un marchand anglophone, exprime bien, pour la population francophone de l'Ouest canadien du 19esiècle, ce rapport incestueux qui liait les habitants français aux représentants de l'économie mondiale. "De toutes les populations de l'Ouest, dira-t-il, les Canadiens-français à l'exception des personnages officiels étaient ceux qui entretenaient les relations économiques les plus étroites avec le Compagnie de la Baie d'Hudson, étant pour la plupart des trappeurs nomades, des voyageurs et des chasseurs de bisons qui fournissaient le pemmican, ration de base des trafiquants de fourrures." 1

Plus tard, les barons du commerce du bois n'auront eux aussi rien à dire sur notre isolement. Ils profiteront grassement du "cheap labor" que lui fournissait régulièrement notre société "traditionnelle", "auto-suffisante" et à "l'abri" des grands courants économiques occidentaux. Les clochers d'églises que nous égrènerons à chacun de nos déplacements ne furent jamais assez imposants pour camoufler nos disponibilités. Nous avons pu tenter de fuir dans l'arrière-pays, de coloniser le nord, de partir vers l'ouest; chaque fois nous accompagnait un "lumber-lord" qui achetait nos forêts pour nous en revendre une partie pour construire nos églises.

La fin de l'époque mercantile, à laquelle on fut associé, coïncida dans le dernier quart du 19esiècle avec le long développement d'une économie industrielle. Le chemin de fer deviendra partout l'épine dorsale de ce nouveau déploiement. S'il est vrai que l'implantation de cette nouvelle forme économique aura ses points d'ancrage, soit au sud, soit à l'ouest, de nos principaux lieux de peuplement, il n'en est pas moins vrai que nous y serons partie prenante encore une fois. Notre insertion dans l'économie dominante sera de moins en moins celle de fournisseurs de bois équarri pour la marine marchande britannique, ou de nourriture de pauvres pour l'Empire. De nouveaux marchés s'ouvrent. La Nouvelle Angleterre, et sa demande de bois scié ou sa demande pour de nouvelles espèces de poisson, ne permettra pas que notre isolement se réalise. En plus, et nous commencerons a ce moment à acquérir une des caractéristiques qui sera nôtre dans ces développements, nous ne serons plus exclusivement des fournisseurs de marchandises mais aussi des fournisseurs de bras. Entre 1840 et 1940, on calcule qu'à peu près un million de Francophones passent la frontière sud. Moins bien organisé que le déplacement vers la même direction des Acadiens en 1755, cet exode massif est loin d'être un signe d'isolement.

Nous avons donc participé à toutes les grandes épopées de l'époque. D'une part, le début de l'ère industrielle: la construction du chemin de fer qui est pour la période ce que l'informatique est à la réalité présente. Nous n'étions certes pas propriétaires du Grand Trunk ni du Cana-dian Pacific Railways - peu de personnes l'étaient d'ailleurs - mais, nous participions à leur réalisation comme les travailleurs irlandais, les immigrants asiatiques ou italiens, etc. . . . Nous construisions la voie du chemin de fer, nous réparions les rails, nous creusions des fossés et des tunnels. Une fois construit, nous utilisions le chemin de fer pour participer à un autre événement marquant du développement économique mondial de l'époque: le déplacement du centre économique de l'Angleterre à la Nouvelle-Angleterre. Jamais un peuple "isolé" n'aura eu autant de parenté que nous dans les grandes villesindustrielles de l'Amérique du début du siècle.

Il n'est pas évident que la dernière grande transition économique que nous avons connue, celle qui nous fit passer de la société de petits producteurs au monde industriel, celle qui urbanisa notre univers, celle qui fit du peuple de pêcheurs, d'agriculteurs, de bûcherons, de porteurs d'eau, d'éternels migrants, etc. ... un peuple de chômeurs et de chômeuses, de travailleurs et de travailleuses de l'industrie, de fonctionnaires, de professionnel(le)s, d'hommes d'affaires (et si peu de femmes d'affaires), fût notre premier contact avec la logique économique de ce continent. Certes, jamais nous n'avons été ceux que l'on montre dans ces développements. Comme l'enseignant, lors de la visite de l'inspecteur, ne demande qu'aux premiers de classe de se pavaner et oublie que les derniers sont aussi le produit de son enseignement; on aimait faire croire que nous étions en marge de la réalité, en dehors de la logique du maître. Dans un rapport maître-esclave, l'esclave n'est pourtant ni en retard, ni traditionnel par rapport au maître: tous deux sont le résultat d'un même système qui produit à la fois des maîtres et des esclaves. De la même façon, qu'on soit assis dans les wagons de tête ou dans les wagons de queue du train, on avance à la même vitesse. Et, lorsque l'on sait que les places des wagons de tête sont déjà occupés, on peut apprendre à conduire le train si on est insatisfait de sa situation, mais, si on ne se dote pas d'une locomotive autonome qui fera en sorte que, dorénavant, on puisse soi-même diriger et meubler l'ensemble du train, jamais le problème de fond ne sera réglé. Il faut, je pense, bien y réfléchir: cherche-t-on à intégrer le cénacle de l'économie dominante ou veut-on se doter d'un espace économique qui nous soit propre?

2. La deuxième évidence que nous voulons traiter n'est pas étrangère au type d'interrogations suscitées par celle que nous venons de baliser. Nous l'avons formulée de la façon suivante:

nos attitudes et nos mentalités sont parmi les principaux facteurs de notre faiblesse économique.

Cette évidence, comme la première, a son corollaire historique. Nous n'aurions jamais, comme peuple, démontré les traits mentaux propices à la croissance économique. C'est un préjugé qui est charrié et que nous charrions sur nous-mêmes depuis fort longtemps. Déjà, avant 1755, face aux Acadiens qui avaient utilisé les marais au lieu de défricher la forêt, l'ingénieur Franquet disait: "Néanmoins un peu paresseux, ne s'embarrassant que des besoins indispensables de la vie . . ." 2. Lord Durham, dans un passage célèbre reprendra l'argument: "On peut dire que si les Français ne sont pas une race aussi civilisée, aussi énergique, aussi avide de gains financiers que celle qui les environne, ils sont un peuple aimable, vertueux et satisfait, possédant tout l'essentiel du confort matériel et qu'ils ne doivent être méprisés ou maltraités parce qu'ils cherchent à jouir de ce qu'ils ont sans imiter l'esprit d'accumulation qui influence leurs voisins".3 Enfin, Sam Steinberg (celui qui est de notre côté) reprendra le même argument: "Vous ne voulez plus travailler, vous les Canadiens-français, vous voulez la journée de huit heures, de six heures et bientôt de quatre heures. Vous serez nos serviteurs et nous continuerons de vous dominer". 4

Il faut certes, dans les discussions sur ce thème, passer par-dessus les relents de racisme contenus dans de telles affirmations. L'esprit d'accumulation n'est pas une donnée inscrite ou non dans le potentiel génétique d'un peuple. Ce n'est pas une caractéristique innée, une tare qui transcende les générations. Comme d'autres l'on dit pour d'autres choses: on ne naît pas avec l'esprit d'accumulation, on l'acquiert. Seules les explications socio-historiques ou culturalistes méritent d'être étudiées; celles qui situent les mentalités et les attitudes dans le contexte général qui préside à leur naissance.

Notre histoire ou notre culture ne nous auraient pas donné la "bosse des affaires", "le goût du risque", "le sens de la réussite individuelle, de l'entrepreneurship et de l'innovation". Nous ne parlerons pas de la thèse contraire qui circule aussi sur nous. Celle où on nous perçoit comme des patenteux hors-pairs, des débrouillards; un peuple tellement imbu du caractère concurrentiel (caractère qui fait l'étoffe du parfait self-made-man) qu'il est incapable de concertation et enclin à des luttes fratricides - "à se manger la laine sur le dos". Revenons plutôt à l'évidence contraire selon laquelle notre mentalité est inapte à la chose économique.

La façon la plus rapide pour préciser ce que l'on entend habituellement lorsque l'on fait référence à ces traits de caractère est de reprendre quelques éléments des thèses devenues classiques du sociologue allemand Max Weber.5 Celui-ci attribuait, en grande partie, le développement économique inégalé qu'a connu l'Occident à des particularités culturelles: valorisation du travail et de l'individu, orientation vers les professions techniques et non plus libérales, acceptation de la richesse tout en privilégiant une vie ascétique, etc. . . . - B. Franklin disait à cet effet qu'il fallait gagner de l'argent mais non le dépenser. Ces particularités, Weber les aurait trouvées dans la configuration culturelle où se serait produite la réforme protestante. Elles auraient permis, dans ces régions, le déploiement d'une éthique accumulative. C'est autour de l'idée de rationalité que se constituera pour Weber la culture propre aux sociétés capitalistes.

Les Canadiens-français, étant à la fois des latins et des catholiques, maintiendraient, selon l'application courante de cette thèse, une attitude non rationnelle face à l'économie. D'autre part, et on ne sera pas surpris, notre isolement historique des grands courants culturels et économiques occidentaux aurait participé à accentuer chez nous une mentalité inapte au modernisme. Jusqu'à tout récemment une attitude rationnelle de la part des Canadiens-français face à l'économie aurait été chose rare et, ceci, même chez les gens d'affaires. Nous serions en quelques sortes des barbares de l'économie capitaliste: nous produisons et reproduisons une mentalité où les individus sont incapables de gestion efficace d'entreprises sans faire intervenir des critères extra-économiques (parenté, idéologie, culture, religion, etc.). D'où les appels incessants à transformer notre mentalité, à nous moderniser, à nous mettre à l'école de la gestion efficace et à ne plus faire référence dans nos décisions économiques à des critères extra économiques.

Pourtant, à y regarder de plus près, avoir une attitude rationnelle dans une société où la chose économique prédomine, ce n'est pas exclure d'une décision toutes références aux autres réalités. Au contraire, l'individu rationnel, dans une telle société, utilisera le plus possible des ressources qui lui sont disponibles, qu'elles soient familiales, religieuses, sociales, culturelles ou autres, au service de l'objectif ultime de l'activité économique capitaliste qui est l'accumulation de la richesse. Autrement dit, D. Rockefeller n'a pas une mentalité irrationnelle en économie parce qu'il utilise le prestige de son nom de famille, de sa citoyenneté américaine, de sa religion,, de ses contacts sociaux et de ses amis politiciens pour mousser l'activité de ses entreprises. Il deviendrait non-rationnel uniquement au moment où il ferait primer l'un de ces critères sur la recherche du profit maximum.

Reprenons quelques considérations historiques pour vérifier cette "évidence" d'une mentalité francophone rébarbative à l'économie rationnelle. Utilisons des exemples "fictifs" pour démontrer ce qu'aurait été une conduite rationnelle. Un genre de "case study", comme dans les écoles d'administration, où vous pourrez juger l'écart entre "l'idéal-type" d'une décision rationnelle et la réalité historique.

Envisageons premièrement une famille paysanne du 18e siècle (disons 1755, pour rendre la chose plus vraisemblable). On vient, par la force, d'enlever à cette famille sa terre, ses instruments de travail et tout droit de rétablissement sur le territoire. Elle se retrouve, en attendant qu'un pays veuille bien l'accueillir, sur un bateau, dans un port de mer. Imaginons, d'autre part, un commerçant de poissons qui se cherche des pêcheurs et qui soit prêt à intercéder auprès des autorités compétentes pour permettre le rétablissement de cette famille sur le territoire, à proximité de la mer, sur une terre impropre à l'agriculture. Le commerçant financera l'opération à des conditions nettement désavantageuses; conditions qui pour longtemps, et notre famille en est consciente, contraindront ces anciens paysans à pêcher quasi gratuitement pour le commerçant et, à survivre par les maigres patates qu'ils réussiront à produire sur les côtes sablonneuses. Notre famille n'a pas le choix, elle doit accepter ce marché de dupe. Elle réagira toutefois rationnellement: elle tentera de canaliser toutes les ressources à sa disposition en fonction de la recherche d'une appropriation maximum de biens. N'ayant plus aucun patrimoine, elle ne peut envisager en acquérir un nouveau par son insertion dans le commerce du poisson: cette insertion est, rappelons-le, sous-payée, et, en grande partie, par un système de crédit sophistiqué, un travail forcé. Au lieu de participer à l'accumulation des biens, ce système participe à l'appauvrissement de la famille en plus de soustraire à la production agricole une main-d'oeuvre essentielle au développement d'une agriculture productive. La seule issue demeure néanmoins la capacité pour notre famille de renouer avec une tradition agricole. Deux contraintes majeures se présentent. D'une part, la fertilité des terres ne le permet pas. Il faudra donc envisager d'exploiter de nouvelles terres et pour le faire s'unir à d'autres familles dans la même situation. Envahir l'arrière-pavs, ouvrir de nom elles terres ne peut se taire qu'à l'intérieurd'un mouvement de colonisation qui regroupe plusieurs familles et qui facilite ces déplacements. D'autre part, la main-d'oeuvre nécessaire à la reconstruction du patrimoine agricole, à la colonisation, est occupée aux activités de la pêche. Il faudra ici augmenter le plus rapidement possible le nombre d'enfants et utiliser ceux-ci comme main-d'oeuvre pour accroître la productivité agricole et envisager ainsi la possibilité de se libérer de l'endettement du marchand. Peu importe le succès ou l'échec de la stratégie, les décisions prises par notre famille répondent parfaitement aux critères de rationalité économique.

Deuxième exemple: envisageons une famille du début du siècle dont le père est bûcheron, ou plutôt "lumber jack", et la mère liée aux activités économiques du travail domestique et de la ferme. La situation économique de la famille n'est pas tellement différente de celle de notre famille de pêcheurs. Le revenu en argent tiré du travail dans les camps réussit à peine à payer les taxes, la dîme et les quelques outils nécessaires au travail sur la ferme. Notre famille est contrainte de vivre sur les ressources produites par le travail agricole de la femme et des enfants. La société qui entoure cette famille s'est toutefois profondément modifiée. Il est maintenant possible d'accumuler plus de biens en envahissant de nouveaux domaines d'emplois (travail en usine, fonctionnaire de l'État, etc.). Toutefois, une scolarité minimale est requise pour ceux-ci et, par une législation qu'on appellera ici Règlement 17, les services scolaires sont soumis à une logique religieuse et linguistique différente (notre famille est francophone et catholique). Les parents savent qu'une telle législation limite les succès scolaires de leurs enfants et, par conséquent, les possibilités qu'ils puissent maximiser l'accumulation de biens. Ils investiront donc leur énergie pour acquérir un système scolaire compatible avec leur existence et susceptible ainsi de donner à leurs enfants les mêmes chances de réussites que la majorité.

On peut poursuivre l'étude du cas en soulignant que la stratégie fut un demi succès devant les réticences du groupe majoritaire à offrir au groupe minoritaire les mêmes outils de développement. Quelques années plus tard, le fils de cette famille se retrouve dans un univers où son patrimoine culturel est dévalorisé, où l'existence économique de sa communauté est réduite à la possibilité d'acquérir le strict minimum de biens nécessaires à la reproduction de la vie. Il voit autour de lui ses amis quitter son village pour un centre économique où les possibilités d'accumulation de biens semblent plus propices. Il juge ce choix un geste illogique: dans un monde qui lui est culturellement étranger, il pourra difficilement soumettre les autres dimensions de sa vie, qui sont là-bas inutiles (sa langue, sa culture, ses réseaux de connaissances, etc.), à son objectif ultime, soit celui d'acquérir le plus de biens possibles. Il optera pour la prêtrise. Cette alternative lui semblera la plus susceptible de maximiser les attributs reçus en héritage de son milieu en fonction de sa volonté d'accumuler des biens.

Ainsi, pourrait-on dire, se lirait notre histoire, si effectivement nous avions eu, comme d'autres peuples, une attitude de rationalité économique.

Ces quelques exemples voulaient rappeler que les mentalités sont conséquences des situations socio-historiques. Qui plus est, avec la même mentalité, la même logique, des individus et des groupes opteront pour des solutions différentes; ils ne sont pas pour autant moins pragmatiques, moins rationnels, moins efficaces: seule leur situation est différente. Autant ce raisonnement s'applique à notre histoire, autant il est vrai pour nos attitudes présentes. On a souvent, par exemple, souligné comment les chefs d'entreprises canadiens-français se différencient au niveau de la mentalité de leurs collègues anglo-saxons. Ils insèrent, dit-on, dans la gestion de leur entreprise des critères humanistes, paternalistes; ils transportent avec eux un fond culturel chargé d'autoritarisme et de méfiance face aux autres entrepreneurs. Pourtant, les travaux les plus sérieux sur ces questions ne peuvent conclure à des comportements différenciés au niveau des attitudes entre les entrepreneurs francophones et les autres; ces différences s'estompent lorsque l'on compare des entreprises de même dimension. 6 Ce que l'on a souvent identifié comme caractéristique culturelle s'explique alors par la prédominance au sein des entreprises économiques canadiennes-françaises d'un type particulier d'entreprises - la petite et moyenne entreprise. Le petit entrepreneur ne peut rationnellement maximiser ses profits en empruntant les techniques de la "Chase Manhattan Bank"; bien qu'inséré dans la même logique capitaliste, il n'a pas les mêmes atouts. Le fabuliste Jean de La Fontaine dans "La grenouille et le boeuf" avait compris que, sans la même constitution organique, la grenouille ne pouvait jamais devenir boeuf même si mentalement elle en prenait les allures.

Nous ne sommes pas des grenouilles, ni des barbares de la chose économique, mais jusqu'à maintenant notre situation collective nous a contraint à inventer des solutions particulières parce que notre réalité était spécifique. Nous avons historiquement tenté de vivifier la dimension paysanne de nos activités économiques; nous avons voulu solidifier notre structure familiale comme dernier rempart d'une autonomie perdue que nous voulions reconquérir; nous avons voulu construire écoles, hôpitaux, services communautaires qui correspondent à notre patrimoine culturel; nous nous sommes intégrés à une structure sociale hiérarchique, fondée sur la prédominance des professions religieuses et professionnelles; nous avons plus tard voulu privilégier l'associationnisme, le coopératisme et le mutualisme comme forme d'entrée dans l'économie marchande. Ces choix, en grande partie économiques, étaient des choix différents de ceux pris alors par d'autres groupes: notre place dans la structure économique l'était aussi. Si aujourd'hui nous jugeons notre situation toujours spécifique, les réponses économiques que nous ydonnerons devront l'être aussi. Opter pour une politique de mimétisme alors que nous sommes dans une situation particulière relèverait en effet de l'utopie.

Mais, se pourrait-il qu'effectivement aujourd'hui notre spécificité et notre différence soient tellement minces quelles ne demandent plus une réponse qui nous soit spécifique? Il se pourrait qu'on arrive à la conclusion qu'une étape de notre histoire débute où penser rationnellement des stratégies économiques implique la mise en sourdine de nos revendications communautaires, l'oubli de notre sociabilité. Bref, il se pourrait que notre culture n'ait plus rien à dire à notre vie économique.

3. Nous touchons ainsi la troisième et dernière évidence que nous nous proposions de discuter. Nous l'avions formulée ainsi: // faut cesser de continuellement faire intervenir la culture dans les discussions et les décisions économiques.

On nous propose ici non seulement d'intégrer l'économie environnante et, pour le faire, d'imiter des attitudes qu'on jugerait plus rationnelles, mais, d'aller encore plus loin et de considérer que la culture et l'économie sont deux choses complètement séparées. Cette évidence est problématique à deux niveaux. D'une part, on dit qu'il existe des problèmes de chômeurs et chômeuses qui sont francophones, de travailleurs et travailleuses qui sont francophones, de gens d'affaires qui sont francophones mais, qu'il n'existe pas une question économique francophone comme telle.

Nous ne formons pas, comme collectivité, un groupe qui a des assises régionales, ni un groupe homogène qu'on peut identifier comme une classe. Les seuls liens qui nous réunissent sont les affinités linguistiques et culturelles. Accepter que la culture n'ait rien à dire à l'économie, c'est nier l'objet même des discussions que nous tenons à ce colloque. Nous y reviendrons. Avant, toutefois, soulignons une seconde problématique à cette évidence.

Il est en effet facile de démontrer comment le développement que nous avons connu contredit toutes les affirmations du type: "L'argent n'a pas de langue, d'ethnie, de couleur, d'odeur", etc., "seuls les faibles sont nationalistes en économie", "business is business", etc. . . . Nous, qui vivons dans un pays dont la "track" nationaliste s'est édifiée à coup de pots de vin, d'achats de personnages politiques, etc., par les promoteurs de chemin de fer, nous savons pertinemment que la valorisation du patrimoine financier et la croissance de nos intérêts culturels ont longtemps fait bon ménage.

On peut préciser la chose et rappeler comment toutes les grandes luttes religieuses, politiques, linguistiques que nous avons dû mener furent accrochées à des préoccupations économiques. Les diverses tentatives, entre 1760 et 1867, par les Britanniques d'imposer aux Français canadiens les us et coutumes anglaises et la résistance des Francophones à ces tentatives recoupent les luttes économiques des marchands anglo-saxons pour imposer leur direction sur ce nouveau territoire colonial et la résistance des élites et petits producteurs francophones visant à maintenir leur autonomie. Qui contrôlera les impôts? Utilisera-t-on l'argent des citoyens pour promouvoir une politique économique mercantile - développement des communications fluviales, terrestres, etc.? Ou, au contraire, la croissance économique reposera-t-elle sur le développement d'une économie agricole? L'Acte d'union de 1840 et la Confédération de 1867 sont des victoires d'une conception du développement économique et d'une conception du développement culturel indubitablement contraires à notre réalité économique et nationale d'alors. L'économie imposée avait une couleur politique, devait parler anglais, et se réaliser à la "british".

Par la suite, comme on l'a souligné, notre histoire économique fut un mariage de soumission et de résistance. Elle maintiendra des couleurs culturelles. On colonisera et défrichera la terre, on fondera de nouvelles paroisses, on s'assurera que les récoltes et les provisions pour l'hiver soient suffisantes; mais aussi, on travaillera dans les "shops", on "halera du bois", on sera "draveurs" ou "railer pour le C.P.R." ou "shipman pour les Robins". Sans cours de socio-linguistique, nos ancêtres avaient compris comment certaines activités économiques leur appartenaient et comment d'autres leur étaient étrangères. À une langue coincée entre deux cultures correspondait une réalité économique hybride. Aux deux extrémités de cette langue se trouvaient deux projets économiques diamétralement opposés qui résumaient nos ambiguïtés: Le projet de colonisation - la reconstruction d'une autonomie économique qui passait par la valorisation de notre réalité rurale, paysanne et francophone; de l'autre, le projet d'émigration - l'intégration totale à la réalité économique du dominant qui passait par l'abandon de notre ruralité, de nos habitudes culturelles et par l'apprentissage, dans les usines de la Nouvelle-Angleterre, de la langue de l'autre.

Le choix majoritaire de rester entre les deux ne fut pas nécessairement un choix libre. Les infrastructures scolaires, culturelles ou autres permettant notre passage au modèle culturel et économique anglo-saxon nous seront refusés. Les moyens de reconstruire une économie sur nos assises paysannes et rurales aussi. Rappelons-nous Louis Riel. Ou encore comment, à plusieurs moments, nous avons trouvé étrange qu'à grands frais on subventionne d'autres pour venir coloniser des terres alors que nous étions en train de le faire ou du moins tout disposés à y aller. Ici aussi, les choix économiques qui nous étaient imposés où les réactions, qui étaient les nôtres, avaient des odeurs ethniques. A un moment, nous avons cru avoir trouvé, par la formule coopérative, l'outil qui nous permettrait de réunir dans une même combinaison notre désir d'autonomie et notre refus de la marginalité. Les expériences coopératives ne sont pas, comme on le dit souvent, les premières tentatives des Francophones dans la chose économique; elles sont au contraire la dernière tentative collective de réagir à un long effritement des fondements économiques de nos communautés. Depuis les trente dernières années, il est effectivement vrai que nous n'avons jamais proposé la moindre chose qui ressemble à une réponse collective au non-contrôle de nos communautés sur l'économie.

On répondra que tout ceci n'est que du folklore. L'économie moderne ne fonctionne plus au ghetto ethnique, au rapport nation dominante/nation dominée. Seuls, aujourd'hui, subsistent des individus isolés et des grands appareils économiques et étatiques se souciant peu de la langue et de la culture de leurs sujets. À l'heure des multinationales qui broient sur leur passage différence culturelle, richesse historique, volonté de solidarité, nulle place n'est laissée à des petites entités culturelles pour qu'elles développent un environnement économique original. Comme, d'autre part, ces mêmes appareils ne se soucient guère de notre spécificité culturelle, scindons, nous dit-on, les deux questions. La capacité qu'auront des individus à s'approprier des postes de direction dans ces appareils rejaillira spontanément sur notre viabilité culturelle.

On ne peut s'empêcher, en réfléchissant à cette opinion, dé rappeler une terrible réalité. Des convois entiers de Francophones ont historiquement opté pour ce projet, lorsqu'ils ont décidé de rejoindre les centres industriels parce que l'industrialisation ne venait pas à eux. Leur situation économique individuelle s'est probablement améliorée, quoiqu'il soit aujourd'hui impossible d'en juger car, comme collectivité, ils ont disparu. Où est, en effet, l'économie et la richesse collectives des communautés francophones de !a Nouvelle-Angleterre? Plus près de nous et plus angoissant. Les héritiers de Lord Durham rappelait ceci: Les Francophones hors Québec, à l'exception des deux extrêmes, Terre-Neuve et la Colombie-Britannique, ont une situation économique inférieure à l'ensemble de la population 7. Dans les -Maritimes, par exemple, c'est au Nouveau-Brunswick que l'écart est le plus manifeste. Je vous laisse le soin d'établir la corrélation entre la solidité des communautés francophones de ces provinces et le niveau de leurs revenus.

Accepter sans broncher la logique économique de notre système signifierait que nous acceptons l'inexistence d'un espace économique francophone fondement de la viabilité de notre manière d'être. Nous courrions alors le risque d'aller rejoindre les centaines d'ethnies qui annuellement s'éteignent sous le poids de la rationalité, de la productivité et de la gestion efficace. Nous refuserions d'accepter le projet d'une société où la multiplicité des façons de produire, des façons de consommer, des façons de parler, des façons de rire et de chanter est garante de la tentation totalitaire d'un monde uniformisé, homogénéisé, robotisé.

Cette troisième "évidence", comme quoi la culture n'a rien à dire à l'économie, est peut-être vraie. Seulement, je pense qu'on doit prendre la décision politique de la nier; pour affirmer que comme groupement humain porteur d'une histoire, porteur d'une langue et d'une richesse culturelle nous avons le droit, et presque l'obligation, d'en assurer la survie par un contrôle collectif sur les décisions économiques qui nous affectent. C'est le défi que je retrouve dans Un espace économique à inventer; c'est la réflexion sur les moyens pour tendre vers celui-ci qui devrait être au centre de nos discussions.

Merci.

M. Joseph-Yvon Thériault

LES DISCUSSIONS EN ATELIERS (le 8 mai 1982)

LES DISCUSSIONS EN ATELIERS

Les discussions en atelier ont porté sur les cinq thèmes suivants: "Le développement socio-économique des régions francophones"; "Les coopératives et caisses populaires"; "L'entreprise"; "L'éducation et l'économie" et "La participation populaire à l'économie". Chacun des thèmes était divisé en trois ateliers. Pour chaque atelier, des personnes-ressources avaient l'occasion de faire de brefs exposés. Ces exposés étaient suivis d'une période de questions et de discussion entre les participant(e)s et les personnes-ressources. Les secrétaires d'ateliers étaient chargés de préparer un compte rendu des discussions en ateliers pour préparer la plénière de synthèse prévue pour le 9 mai.

L'on trouvera donc, dans cette partie du rapport, la description des principaux éléments qui devaient être abordés par les personnes-ressources et les participantes des différents thèmes, les exposés des personnes-ressources qui nous ont fait parvenir leur texte, de même que le compte rendu des discussions en ateliers.

Le Samedi, 8 mai 1982

THÈME I LE DÉVELOPPEMENT SOCIO-ÉCONOMIQUE DES RÉGIONS FRANCOPHONES

Président:

M. René Toupin, directeur Caisse populaire du Précieux-Sang, St-Boniface, Manitoba

Animateur:

M. Rino Volpé, vice-président exécutif,

Les Entreprises J.P. Nadeau, St-François de Madawaska, Nouveau Brunswick

Les Francophones hors Québec sont souvent concentrés dans des régions à faible croissance économique. Par l'étude des politiques gouvernementales en matière de développement économique régional, par l'étude des possibilités d'un développement économique des régions à partir des ressources du milieu et de différents mécanismes de promotion du développement économique, les participants auront l'occasion de mieux identifier les outils et les mécanismes essentiels à un meilleur développement socio-économique de leur région.

9h00 à 10h30 ATELIER A

LES POLITIQUES GOUVERNEMENTALES ET LEUR INFLUENCE SUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES RÉGIONS

Les politiques des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux exercent une influence de plus en plus grande sur le développement économique régional. Les différents programmes d'aide au développement sont-ils bien adaptés aux besoins et aux caractéristiques de nos milieux? Les Francophones hors Québec doivent connaître ces politiques et ces programmes afin d'en tirer le meilleur parti possible.

PERSONNES-RESSOURCES:

M. Gérald Bouchard, analyste principal,

Ministère de l'Expansion économique régional,

(M.E.E.R.)

Ottawa (Ontario)

M. Denis Poirier, consultant - Est,

Service d'assistance technique et professionnelle

en gestion (S.A.T.P.G.)

Moncton (Nouveau-Brunswick)

10h45 à 12h15 ATELIER B

LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE À PARTIR DES RESSOURCES DU MILIEU

Le développement économique doit se faire en tenant compte des ressources du milieu. Il faut savoir identifier ces ressources et les conjuguer ensemble à l'intérieur d'une stratégie de développement régional. L'atelier permettra l'identification de nos ressources et des moyens à prendre pour en maximiser l'utilisation.

PERSONNES-RESSOURCES: M. Serge Roy, directeur général, Conseil économique de Beauce, St-Georges ouest (Québec)

M. Clément Dion, fermier, président. Caisse populaire Notre-Dame, Zenon Parc, (Saskatchewan)

14h00à 15h30 ATELIER C

LES RÔLES ET L'IMPORTANCE DES CONSEILS ÉCONOMIQUES ET COMMISSIONS INDUSTRIELLES

Les Francophones hors Québec doivent se doter de différents mécanismes capables de contribuer à leur développement économique, ils doivent aussi tirer parti des différentes structures déjà en place dans leur milieu. Les commissions industrielles, les conseils économiques et d'autres mécanismes seront examinés dans cet atelier.

PERSONNES-RESSOURCES: M. Claude Lapointe, commissaire industriel, Corporation de développement de la Restigouche, Campbellton (Nouveau-Brunswick)

M. Sylvestre McLaughlin, directeur régional. Société d'aménagement régional, Moncton (Nouveau-Brunswick)

M. GERALD BOUCHARD

Mesdames et messieurs - Bonjour.

Hier soir l'on vous a dressé un tableau historique sur votre réalité économique.

J'ai personnellement à peine 10 minutes pour vous parler des possibilités et des moyens qui s'ouvrent à vous pour l'avenir.

Dépêchons nous.

Je laisserai de côté la discussion sur les programmes d'aide en vous signalant au passage deux choses:

- Je laisse à votre secrétariat les publications:

- Je vous signale en deuxième lieu la disponibilité des bureaux régionaux des ministèresfédéraux. Ils sont à votre service et je vous encourage à rencontrer ces gestionnaires.

Les politiques gouvernementales et leur influence sur le développement économique des régions.

Votre colloque n'aurait pu être organisé à un moment plus opportun. Le gouvernement, n'étant sans doute pas entièrement satisfait des résultats de ses programmes de développement régional a décidé de se doter de nouvelles structures, de nouveaux objectifs.

En voici les grandes lignes et surtout profitons de nos discussions pour déterminer comment, vous, les Francophones, pouvez, pour une fois, devancer les autres à prendre avantage de ce renouveau.

Tout récemment, le 12 janvier dernier, le Premier ministre Trudeau annonçait:

Trois grandes institutions seront donc créées une fois la mécanique en place. Cette mécanique est en voie d'évolution. Pourquoi cette réforme?

Les décisions gouvernementales, se prennent sur la base de grandes politiques nationales sectorielles!

Il était temps, je crois, que l'on se penche avec un plus grand sérieux sur les réalités régionales du pays, que l'on accorde une plus grande part au développement régional lors de la prise de décision et c'est là, le grand objectif de cette réforme.

Le ministère de l'Expansion industrielle régionale s'occupera essentiellement du développement de l'industrie et du commerce.

Le Premier ministre a ordonné à tous les ministères de faire leur, l'objectif de développement régional en augmentant leur présence dans les régions et surtout en intégrant à l'administration de leur programme suffisamment de flexibilité pour pouvoir répondre aux besoins des régions.

On ne pourra plus dire facilement "les règlements ne le permettent pas . . ." Le CCDER et DEDER, avec son nouvel objectif de développement régional, auront les responsabilités et instruments suivants:

Trois de ceux-ci ont déjà été nommés; ils sont de fort calibre. Je dépose leur antécédent et aussi une description sommaire de leur rôle qui dans ses grandes lignes est:

- et enfin, là où vous auriez un grand rôle à jouer dans "cet espace économique à inventer" cedernier et ce premier, si vous le voulez, rôle du coordonnateur sera "d'élaborer des stratégies et des plans régionaux pour les soumettre à l'approbation du Comité du cabinet". Ce sont

ces stratégies et ces plans qui détermineront à l'avenir l'évolution des dépenses de programmes des ministères sectoriels.

J'espère qu'au cours de vos échanges vous arriverez à définir le moyen pour vos regroupements d'avoir une part dans l'élaboration de ces stratégies et de ces plans qui façonneront l'avenir de vos régions.

Vous avez peut être là, l'occasion unique d'occuper la voiture du président dans ce trou dont vous parlait hier M. Thériault.

Bon succès.

M. DENIS POIRIER : UN POINT DE VUE MACROÉCONOMIQUE SUR LES POLITIQUES GOUVERNEMENTALES EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

Plan

Introduction.

Toile de fond de la situation économique.

Le développement économique des régions.

Analyse de quelques politiques gouvernementales.

Conclusion.

Introduction

Les politiques gouvernementales et leur influence sur le développement économique et par ricochet sur le développement social, communautaire, culturel, linguistique, des régions et spécifiquement, celles à concentration francophone, doivent être dans un premier temps situées en regard d'un ensemble affectant constamment la conjoncture économique, je n'ai pas l'intention, ni la prétention, de vous présenter une analyse de tous ces facteurs mais bien de nous situer, vous et moi, dans un contexte qui cadrera la discussion devant découler de cette présentation et de celle de mon confrère siégeant à cette table.

La raison principale d'établir les facteurs d'arrière-plan ou si vous le voulez la toile de fond, c'est que je souhaiterais, personnellement, que ces facteurs ne soient pas sujets de discussion pour eux-mêmes mais bien qu'ils nous aident à cerner les autres aspects (les plus spécifiques) de l'objet de cet atelier.

1. Quels sont ces facteurs d'arrière-plan ?

1.1. Un système politique démocratique

Sachant que le mot démocratie signifie une forme de gouvernement où le peuple exerce la souveraineté, et dépendant du système de représentation de ce peuple à l'exercice du pouvoir, chacun d'entre nous peut assumer un certain rôle ou un certain pouvoir (pouvoir signifiant ici, possibilité d'influencer).

Cette approche politique permet aux citoyens d'élire un certain nombre d'individus qui formeront le gouvernement (ou les gouvernements) communément appelé l'État.

1.2. L'État, une organisation complexe

L'ensemble des élus forment le palier décisionnel, un peu comme pour une entreprise, où un certain nombre d'entre eux sont choisis pour former l'exécutif que nous appelons quotidiennement le conseil des ministres.

Ceux qui n'ont pas de fonction ministérielle participent à l'évolution des affaires publiques en participant aux différents débats qui entourent la présentation d'un projet de loi. Leur participation est souvent limitée par le cadre du parti.

Enfin il y a l'appareil administratif composé, généralement, de trois niveaux: les cadres, les professionnels, les fonctionnaires.

Il est sûr et certain que le tout est beaucoup plus complexe que cette classification, d'autant plus que de nos jours il est difficile de partager l'importance du rôle que jouent les gens de l'appareil administratif dans les décisions dites politiques.

1.3. L'État, une omniprésence

II n'y a pas lieu de faire la démonstration de l'omniprésence de l'État dans notre vie quotidienne, II est là dans les domaines éducatifs, les domaines du bien-être et de la santé, les domaines culturels, des loisirs et des sports, partout en somme. Il est là encore plus dans le domaine de l'économie car il a décidé d'assumer (selon Rodrigue Tremblay dans son manuel d'analyse macroéconomique à la page 7) d'assumer dis-je, les responsabilités de réglementer l'économie, d'en mesurer l'évolution et d'en corriger les insuffisances.

1.4. Le Canada, un marché commun doublé d'une unité monétaire

J'ai retenu ce facteur parce qu'il a et aura toujours une importance capitale dans l'évolution des économies régionales.

En réalité le Canada avec ses 10 provinces et son territoire du nord-ouest, commercialement parlant, est une structure de marché commun. Aucune restriction (tarifs douaniers inter-provinces et taxes d'accise) n'affecte les mouvements des produits tant les ressources naturelles, les produits semi ou complètement transformés, que les services. I! v a bien sûr une nouvelle question qui fait son chemin à l'heure actuelle à savoir; doit-on ou non "contingenter" la mobilité de la main d'oeuvre?

L'autre dimension importante est l'unité monétaire, une seule monnaie en vigueur d'un océan a I autre. (Réal Caouette aurait dit d'une Atlantique à l'autre.

1 .5 Une économie de marché

Dans une économie de marché, c'est le consommateur qui est le seul responsable de l'évolution des marchés. Un exemple: si demain matin, chaque consommateur décidait d'acheter une voiture américaine (fabriquée au Canada), le marché d'importation de l'automobile serait nul, le plein emploi dans ce secteur d'activité serait atteint. Par ailleurs une telle décision provoquerait certainement une rareté du produit d'où augmentation des prix donc reprise d'un cycle inflationniste.

C est pourquoi une économie de marché doit être maintenue dans un climat de parfaite concurrence. C'est pourquoi la participation de l'État, qui fait de notre économie une économie mixte, est a la fois un élément de la concurrence et à la fois un élément très in-fluent sur le fonctionnement du système de marché.

1 .6. Les grandes politiques économiques

Aujourd'hui comme hier, comme le sera sans doute demain (on dit quelques mois), quelle nue soit la station de radio ou de télévision (française ou anglaise) que l'on syntonise; quels quesoient les journaux qu'on lit; dès que l'on parie de commerce, d'économie en générai, en un mot partout les mêmes mots reviennent constamment: inflation, récession, chômage, hauts taux d'intérêts, baisse de la productivité, faillites.

Parmi les grandes politiques économiques les plus susceptibles d'affecter la stabilité des prix, le plein emploi et le bien-être économique, mentionnons: les politiques dites protectionnistes (selon certains économistes), les politiques monétaires, je crois même dans un certain sens que l'on doit aussi ajouter les politiques de nationalisation ou de canadianisa-tion. (Je tiens à préciser que ce n'est pas le principe que je remets en cause.) Vous comprendrez que je n'ose pas m'aventurer dans ces sables mouvants, n'étant pas un économiste d'unepart et, d'autre part, les économistes eux-mêmes s'évertuent à démontrer la valeur de leurs avancées selon qu'ils sont de l'approche keynésienne ou de l'appro-che monétariste.

De plus, selon un récent sondage auprès de 200 économistes québécois (le Point Commerce février 1982), selon que l'on est du secteur privé ou du secteur public ou para-public, les opinions sont partagées (quoique majoritairement opposées) quand ils analysent la politique monétariste que suit le gouvernement canadien actuellement, il est sans doute très sage de ne pas, monsieur l'animateur, nous laisser entraîner dans ces champs de hautes spéculations, sachant fort bien à l'avance que nous ne pourrions trancher le débat.

j'aimerais, sans vouloir provoquer outre mesure les membres de cet atelier, et malgré le souhait émis précédemment, attirer leur attention à l'effet que toutes ces grandes politiques ont de sérieuses incidences sur le développement économique régional parce qu'elles soumettent à un stress constant les entreprises déjà existantes et à une incertitude, celles qui veulent démarrer ou prendre de l'expansion.

Je parle spécifiquement des entreprises qui sont à la base même du développement économique régional i.e. celles qui créent de l'argent neuf pour la région tant au niveau primaire, secondaire, qu'au niveau tertiaire et quaternaire (haute technologie et la recherche).

De plus, il est de mise de se poser la question: Ces grandes politiques économiques, celles proposées par le gouvernement central, auront quelles incidences à moyen ou long terme sur les objectifs économiques généralement acceptés par tous à savoir:

* Certains économistes avancent que cette distribution équitable serait l'équilibre coût de la vie/revenu per capita.

2. Le développement économique des régions

2.1. La notion "Région"

Au départ chaque province (et les Territoires du nord-ouest) constituait une région économique.

Au cours des ans, les caractéristiques de l'économie de chacune des composantes du Canada ayant évoluées à des rythmes différents, il est maintenant possible de parler de 4 ou 5 grandes régions économiques canadiennes.

Ainsi, le terme région utilisé ici dans le texte, fera automatiquement référence à ces 4 ou 5 grandes régions économiques.

Dès que j'introduis la dimension "à concentration francophone" j'utiliserai le mot microrégion (naturellement je fais, dans le cadre de ce colloque, exception pour la région économique qu'est le Québec).

2.2. Les caractéristiques économiques d'une région

Au Canada toutes les régions ne jouissent pas d'égales conditions de développement économique. De telles différences qualifient les disparités régionales surtout en ce qui a trait au revenu per capita. Quelles sont donc ces caractéristiques économiques?

3. Analyse de certaines politiques gouvernementales

3.1.Nivellement des disparités régionales

À priori, il est possible d'avancer que dès qu'une politique gouvernementale, principalement du gouvernement central, agit directement, soit positivement soit négativement, sur l'une ou l'autre de ces caractéristiques (à moins qu'elle influence une caractéristique commune aux régions), elle influencera directement les disparités régionales. Par le biais de la politique des paiements de péréquation, le gouvernement central tente d'atténuer les disparités régionales causées en partie par ses politiques économiques, en partie par les politiques provinciales. Mais ces paiements de péréquation sont rarement ré-injectés dans le développement économique.

3.2. Les politiques de polarisation

Une autre grande politique en matière de développement économique régional, et celle-là est pratiquée autant par le gouvernement central que par les gouvernements provinciaux, c'est celle de favoriser un certain développement économique dit de polarisation. C'est-à-dire que certaines régions (ou micro-régions) seront classées zones spéciales. (Ici le terme micro-région se rapporte aux décisions d'un gouvernement provincial et non à la dimension concentration francophone évoquée précédemment.)

Cette politique de polarisation procure certainement des économies d'échelle, un effet d'entraînement d'une part mais, d'autre part, elle favorise le dépeuplement des autres régions (souvent au détriment des micro-régions francophones), elle favorise le drainage des épargnes vers la zone polarisée, elle provoque très souvent une augmentation des coûts sociaux lesquels peuvent effacer les avantages de la polarisation, etc. . . . Ainsi dès qu'une politique gouvernementale favorise la concentration économique, soit à partir d'une politique de localisation d'entreprises soit à partir d'une politique d'intégration capitaux/marchés, les disparités régionales en sont directement accentuées.

3.3. Les politiques de développement à frais partagés

Ici je fais référence aux politiques comme autrefois les programmes ARDA et FODER et aujourd'hui la régionalisation du Ministère de l'Expansion Économique Régionale (MEER). Ce qui différencie principalement l'approche gouvernementale entre ces deux grandes politiques de développement c'est le niveau de décision.

Dans le premier cas, (les programmes ARDA et FODER) après une consultation auprès des instances gouvernementales provinciales, les décisions se prenaient au central i.e. à Ottawa. Dans le second cas, avec la formule de régionalisation, les décisions pouvaient être prises au niveau provincial ou régional donc dans un contexte de coopération fédérale-provinciale.

On peut maintenant se poser la question: Qu'adviendra-t-il de tous ces beaux projets de régionalisation même pour le MEER qui est devenu récemment le Ministère de l'expansion industrielle régionale (MEIR), si l'on affirme publiquement que le fédéralisme coopératif est mort?

Ce MEIR n'a plus l'approche décentralisée car il devient un élément d'une nouvelle structure plus centralisée engageant tous les ministères dans le développement régional. Par ailleurs, à Charlottetown, monsieur Trudeau n'a-t-il pas dit que le pays est trop gros et trop complexe pour être gouverné d'Ottawa seul ou uniquement par les provinces seules. C'est à se demander où commence le développement économique régional et où finit l'influence politique des deux ordres de gouvernements.

3.4. L'influence des politiques agricoles sur le développement économique régional

Le facteur de production sol étant immobile d'une part et, d'autre part, généralement, les produits agricoles n'étant pas un facteur de déstabilisation des prix, les politiques agricoles sont donc d'une importance capitale en ce qui a trait au développement économique régional.

Les politiques de protection des terres agricoles dans certaines provinces ont une portée excessivement importante à long terme. Cependant à court terme, elle favorise une disparité économique au niveau des micro-régions (celles à caractère provincial) par le fait qu'il est impossible de maintenir en équilibre la relation coût de la vie/revenu per capita d'une micro-région à l'autre et de même quand on extrapole au niveau des régions. Sachant que dans bien des cas ce sont les communautés francophones qui se retrouvent dans de telles situations, il faudra bien un jour analyser comment ces politiques les affectent et comment les rendre plus positives.

Il faudrait peut-être analyser les retombées d'une politique comme celle de TARDA (loi sur l'aménagement et le développement agricole) qui vise précisément à adapter les ressources rurales à des utilisations plus économiques.

3.5 Les politiques d'aide aux entreprises

Ici il existe tout un paradoxe. D'un côté les entrepreneurs généralement disent qu'ils n'aiment pas voir l'État dans ce secteur, mais de l'autre côté, ils sont les premiers à réclamer, à cor et à cri, l'aide des gouvernements sous forme d'octrois, de subsides, de garanties de prêts, etc. . . .

Sans plus d'analyse, il semble que la position des entrepreneurs tient au fait qu'ils considèrent qu'ils ont droit à certain retour sur les "énormes" impôts payés. Ils disent que ceux-ci ne sont pas versés uniquement pour payer les salaires des fonctionnaires et pour payer les coûts des programmes à caractères sociaux.

En gros ils préféreraient voir l'État exercer une politique fiscale moins gourmande d'une part et, d'autre part, que l'État fasse confiance aux entrepreneurs pour qu'eux réalisent les ré-investissements appropriés selon l'évolution des marchés.

En soi, le principe est fort louable. Mais ne faudrait-il pas que l'État impose des mesures coercitives en ce qui a trait à l'utilisation des profits? Je laisse le soin à d'autres conférenciers de préciser le rôle de l'État dans ce secteur.

Conclusion

Quel genre de conclusion pourrais-je tirer de ce trop court survol des politiques gouvernementales comme facteur d'influence sur le développement économique.

Aucune conclusion.

Je vous relance la balle parce qu'un colloque c'est le lieu pour échanger et non pour conclure. Donc je vous relance la balle en disant ceci.

1. En démocratie, chaque individu peut influencer les politiques gouvernementales par saparticipation directe à la vie politique, par ses exigences en services sociaux, par ses propres politiques d'achat, etc. . . .

N'est-ce pas Sartre qui disait: "L'homme ne peut rien accomplir s'il n'a d'abord compris qu'il ne doit compter que sur lui-même"?

M. Donald Johnston, président du Conseil du Trésor du Canada, dans une allocution à l'université de Lethbridge, (1er avril 1982) indiquait: "Le rôle de l'État est d'établir une structure qui favorise l'essor de la libre entreprise et la pierre angulaire de cette structure est la réglementation de la concurrence."

Peut-être cela est-il vrai mais il faut plus qu'une réglementation de la concurrence, il faut une politique incitative où l'État ne serait pas lui-même un concurrent mais un partenaire complémentaire.

Ainsi, en ce qui concerne le développement économique régional, en collaboration avec les instances gouvernementales provinciales et aussi avec les organismes du milieu, il doit

En un mot l'État se doit d'être, dans cette économie mixte, un facilitateur et un régulateur du développement économique.

Joue-t-il actuellement son rôle?

Références

M. SERGE ROY

J'aimerais remercier la F.F.H.Q. de me donner l'opportunité de venir parler de notre région, et plus particulièrement de notre stratégie de développement, de ses orientations et des objectifs que nous nous sommes fixés en termes de création d'emplois et d'investissements manufacturiers pour notre région.

Comme vous le savez, le développement d'une ville ou d'une région est un phénomène économique très complexe. Pourquoi une ville ou une région atteint-elle un certain niveau de développement plus élevé qu'une autre? Pourquoi deux régions qui ont les mêmes avantages économiques de base, se développent-elles à des rythmes différents?

La région de la Beauce a connu au cours des dix (10) dernières années un essor remarquable au niveau du développement industriel. L'implantation de nouvelles entreprises manufacturières et la croissance de celles existantes, sont à la base de ce développement. Au cours des dix (10) dernières années, plus de (125) nouvelles entreprises manufacturières ont ouvert leurs portes dans la région, créant près de (2,700) nouveaux emplois. Ces nouvelles entreprises se répartissent dans les secteurs suivants:

La taille movenne de nos entreprises se situe aux alentours de (15) à (20) employés. On compte actuellement plus de (300) P.M.E. réparties principalement dans l'axe de développement Ste-Marie, Beauceville, et St-Georges.

Comment expliquer ce dynamisme économique et industriel? Plusieurs raisons sous-tendent à cela. En voici quelques-unes:

Un autre facteur à considérer est la diversité du tissu industriel de la Beauce. Les principaux groupes industriels étant par ordre d'importance:

La majorité de ces entreprises oeuvrent cependant dans des secteurs "mous" là où jouent des problèmes conjoncturels et structuraux. Et, pourtant, les industries de ces secteurs continuent, à quelques exceptions près, de croître. Les raisons invoquées sont: une bonne productivité des travailleurs, la recherche constante de nouveaux marchés, l'accent mis sur l'exportation. De fait, plusieurs de nos entreprises à l'heure actuelle ne tournent que grâce à leurs marchés extérieurs.

Une statistique intéressante nous démontre que dans un rayon de dix (10) milles de St-Ceorges, sur (105) entreprises, deux (2) entreprises seulement sont contrôlées par des non-Beaucerons. Le développement industriel ne s'est pas fait en un jour. Cela a pris du temps, ce fut le travail de toute une région.

De fait, il a fallu une utilisation et une contribution optimale des ressources du milieu. Cette volonté d'agir et de se prendre en main s'est faite par la création d'un organisme de promotion et de développement économique autour duquel les hommes d'affaires et industriels de la région participent tous ensemble à l'identification et à l'orientation de politiques en matière de développement économique régional.

Cette concertation régionale nous a amené à définir une stratégie de développement propre à la région. En effet, en 1975, notre région fut la première au Québec à se donner une telle planification de développement.

Pour définir une telle stratégie, le Conseil Économique de Beauce a utilisé un modèle théorique très connu de développement régional, le modèle de la base économique. Ce modèle classifie les activités économiques de production d'une région en deux catégories: les activités de la base économique qui résultent d'une demande qui vient de l'extérieur de la région, donc qui génèrent des exportations. La seconde catégorie inclut toutes les activités qui résultent d'une demande locale. Ces activités sont qualifiées d'induites.

Le modèle de développement régional de la base économique suggère que les interventions de développement soient concentrées au niveau des activités de base, c'est-à-dire les secteurs d'exportation. Les mécanismes fondamentaux de croissance sont identifiés et l'action du commissariat consiste à actionner ces mécanismes. La stratégie que nous avons élaborée autour de ce modèle de développement implique un choix d'interventions privilégiées selon l'impact de chacune des interventions.

Une analyse semblable, quoique plus en profondeur, a permis d'identifier les interventions les plus "rentables" en terme de nouveaux emplois. À cause du multiplicateur associé aux activités de base, la très grande majorité des interventions retenues se trouvent au niveau des activités dans le secteur manufacturier.

Le plan d'action retient plusieurs modes de croissance de l'activité économique régionale. D'une part, il y a la distinction entre les activités induites et les activités de base. D'autre part, le modèle retient comme mode de croissance, l'expansion des entreprises en place, l'exportation par des entreprises en place, la création de nouvelles entreprises locales et l'importation d'établissements. L'élargissement du cadre d'intervention nous amène à proposer une redéfinition importante du rôle du commissariat.

Ainsi dans le cas spécifique de St-Georges, l'importation d'établissement devient un mode mineur de croissance et les activités associées à ce mode (activités de promotion à l'extérieur, préparation de dossiers de localisation et de brochures) ont une importance moindre dans le plan d'action et deviennent très spécifiques. D'autres modes prennent de l'importance, notamment l'expansion des établissements locaux et le transfert d'établissements locaux du secteur induit au secteur de base. Ceci modifie les fonctions traditionnelles du commissariat. Ainsi, le commissariat consacre plus de ressources à l'analyse des possibilités de changement de propriétés, d'injections de management, de financement d'expansions et de refinancement d'entreprises. En somme, selon cette approche, le rôle du commissaire industriel, dans une région de la taille de celle de St-Georges, consiste beaucoup plus à exploiter le potentiel du stock actuel d'entreprises dans la région, qu'à augmenter ce stock par l'addition de nouvelles entreprises.

Le travail du Conseil Économique de Beauce a été systématisé dans une série de programmes, chacun spécifiant des interventions très concrètes. Outre les programmes d'intervention, le plan d'action prévoit des programmes de contrôle, des programmes de planification et des programmes axés sur le développement d'instruments. Était-il nécessaire de systématiser à ce point le plan d'action? Nous le croyons. Dans la mesure où le pian prévoit de façon détaillée des interventions très concrètes, il y avait nécessité de systématisation de façon à pouvoir planifier et contrôler l'efficacité de l'ensemble des interventions. Par ailleurs, les coûts initiaux de mise sur pied de ce système de programmes qui est en quelque sorte la structure du plan d'action, ne sont pas négligeables. Toutefois, lorsque le système est bien structuré, la gestion du plan d'action, ses révisions et l'addition d'activités requièrent très peu d'efforts. Il en est ainsi de tout système de gestion et de contrôle. L'analogie avec un système comptable est appropriée: les coûts de mise sur pied sont élevés, mais les coûts de gestion, une fois le système monté, sont relativement faibles.

Le plan d'action ne repose pas sur des prévisions quant au développement futur de la région de St-Georges. Toute planification doit s'appuyer sur des hypothèses ou projections. Des objectifs de création d'emplois ont donc été retenus à titre d'hypothèses, tant au niveau global qu'au niveau sectoriel et au niveau des modes de création d'emplois. Ces hypothèses devront être ajustées périodiquement pour mieux refléter la réalité économique de la région. Cette révision des hypothèses impliquera nécessairement une révision des programmes d'intervention. Ceci ne peut se faire avec cohérence que dans le cadre d'un plan d'action très systématisé.

Le plan d'action du Conseil Économique de Beauce représente le premier effort de systématisation des travaux d'un commissariat industriel régional au Québec. Le plan d'action implique une stratégie explicite et des interventions spécifiques qui concrétisent cette stratégie. L'objectif visé par le plan d'action est d'augmenter l'efficacité du travail du Conseil Économique de Beauce.

Cet objectif est atteint d'une part par la spécification des objectifs du commissariat en terme d'emplois et de ses interventions et, d'autre part, par des mécanismes rigoureux de validation des objectifs et de contrôle de l'efficacité des interventions. La démarche analytique qui a présidé à l'élaboration du plan d'action a nécessité la détermination d'une stratégie et a amené le Conseil Économique de Beauce à faire des choix, c'est-à-dire à privilégier certains secteurs et modes d'intervention plutôt que d'autres sur lesquels il mettra moins l'accent. L'exercice de planification a aussi assuré la cohérence des interventions et maximisé ainsi leur efficacité. ne reste plus maintenant qu'à passer à l'action.

M. CLEMENT DION

Bonjour à vous tous,

Lorsqu'on me demandait de faire une présentation à ce colloque national, je me suis demandé "Qu'est-ce que j'ai à apporter à mes concitoyens?" Après de longs moments de réflexion, je me suis souvenu de l'importance de la timidité dans notre vie. Cette timidité qui nous entoure tous est probablement la plus grande ressource que nous possédons étant minoritaire dans un pays aussi vaste que le nôtre. Lorsqu'une personne se sent seule et délaissée, cela lui donne le temps de réfléchir. C'est cette réflexion qui donne à une personne des idées et une idéologie qui se concrétisent dans des plans d'action positifs.

Je viens ici ce matin pour partager mes expériences personnelles et communautaires dans le domaine économique. Ma vocation, le mot me tient à coeur, est cultivateur. Je suis en société familiale avec, ma mère, mon père étant décédé. Mon seul frère travaille dans une entreprise laitière produisant du lait pour la consommation quotidienne.

A mon départ de l'école secondaire, je suis entré en fonction "subito presto" dans l'industrie laitière. Vu l'expérience que j'avais amorcée dans cette petite entreprise que la famille avait commencée, j'ai décidé de me servir de cette expérience au lieu de m'orienter aux études post-secondaires. Ceci après une douzaine d'années d'histoire personnelle dans le monde des affaires, était "peut-être" une faute inconçue.

Les années ont été pour la grande part fructueuses et remplies d'une éducation qui est toujours plus ardue à mesure que les années s'accumulent.

Songeant à la communauté fransaskoise hors Québec à laquelle appartient Zenon Parc, un village d'environ 450 habitants qui est à 99% d'origine fransaskoise, l'industrieprimaire reste toujours l'agriculture. Dans cette veine, la production céréalière est de blé et d'orge, et la production de récolte légumineuse, de canola et de lin. Les fermiers sont généralement des travailleurs saisonniers donnant une bourrée au printemps et une à l'automne. C'est une vie qui se mène à promouvoir la détente et l'égoïsme personnel. Mais il faut dire que cet égoïsme n'est pas d'une échelle élevée.

Une autre industrie qui a aidé la communauté au niveau financier est celle de la déshydratation de la luzerne. Elle a aidé aux cultivateurs en réduisant la superficie en culture saisonnière et en même temps elle aide à restructurer le sol argileux de la localité (voir: UEEAI, livret).

Passant à l'industrie du vêtement qu'aborde le livre "Un espace économique à inventer", pour sa part, elle appartient à l'histoire. Après avoir fait faillite en 1981, elle a recommencé sur une très petite échelle par un ancien actionnaire. Son futur lui aussi appartiendra à l'histoire, négative ou positive, je ne puis confirmer laquelle.

L'économie communautaire n'a pas trouvé un surgissement apparent à cause de ces indus-.ries. Au-delà de la moitié des employés qui travaillent à ces industries ne sont pas de la localité. Ils viennent des villages environnants et pour la plupart n'achètent pas leurs biens quotidiens chez nous. Cela laisse à désirer comme vous le constatez, mais il y a tellement de choses qui affectent le comportement des journaliers.

Pour les autres ressources que possède cette région, elles sont peut-être inaperçues. D'immenses rêves pourraient peut-être se réaliser mais la question qui nous préoccupe est partout la même, celle d'en faire une entreprise qui est économiquement auto-suffisante.

Au point de vue personnel, l'économie régionale, provinciale et nationale devrait toujours être basée sur la reconnaissance de nos besoins pour se suffire à nous-mêmes. Il faut faire attention à la magnitude de nos aspirations et effectivement reconnaître le rôle que chaque individu

doit jouer dans cet épanouissement économique. Lorsque nous parlons d'économie, nos premières pensées sont toujours de voir notre porte-feuille se gonfler et notre compte de caisse grandir de façon majestueuse. C'est la réalité et il faut garder ce point de vue. Mais il faut réaliser que le monde n'est pas fait uniquement pour soi-même. Il est la place où tout être humain doit évoluer et s'épanouir à son rythme préféré.

Dans la communauté, il s'est développé un effritement au niveau scolaire et social par le fait du développement de la localité qui est francophone. Ceci fait surgir des préférences individuelles qui doivent être respectées. Mais ce respect, parfois, ne se fait pas tant d'un côté comme de l'autre, ce qui résulte en des effritements que je viens de mentionner.

Cet atelier a pour but le développement économique à partir des ressources du milieu et ces ressources, on peut les énumérer et les développer. Mais, tenant compte que la plus grande ressource c'est notre monde, il est parfois difficile sinon impossible de développer une ressource sans appui communautaire. Il faut y procéder lentement et avec des fonds et des objectifs bien définis.

En terminant, réunis dans cette ville, capitale canadienne, gardons espoir et considérons nous pionniers modernes, dans la démarche vers une situation plus équilibrée dans notre beau et grand pays, le Canada!

Merci beaucoup

SYLVESTRE McLAUGHLIN : LE RÔLE ET L'IMPORTANCE DU CONSEIL ÉCONOMIQUE DU N.-B. DANS LE DÉVELOPPEMENT SOCIO-ÉCONOMIQUE

ORIGINE DU CONSEIL ECONOMIQUE DU N.-B. (C.E.N.B.)

L'idée d'un conseil économique pour les Acadiens et Francophones du N.-B. était en plan depuis plusieurs années déjà. Elle prit des formes plus concrètes à la réunion parrainée par la S.N.A. en 1976, et par la S.A.N.B. en 1978. Une réunion de fondation se tenait le 23 juin 1979, et le Conseil Économique Acadien du N.-B. est formé. Ce nom sera modifié à la réunion d'Ed-mundston en avril 1982, en faveur du CE.N.B., afin d'accommoder un grand nombre d'hommes d'affaires. C'est donc dire que le Conseil est une très jeune organisation et son rôle d'agent économique sera traité avec la modestie qui lui est due.

NATURE DU CE.N.B.

En bref, le CE.N.B. veut regrouper les hommes d'affaires acadiens et francophones du N.-B., de même que les individus et organismes qui ont un intérêt particulier au monde des affaires. Bien que sa langue rie travail soit le français, le CE.N.B. n'est pas un organisme qui a d'abord une vocation nationale: en premier lieu, la vocation du CE.N.B. est économique au sens large du thème. Par contre plus le CE.N.B. atteindra ses objectifs, plus fortes seront les communautés acadiennes et francophones du N.-B. Repassons donc en revue les principaux objectifs du CE.N.B.

Les buts du Conseil économique acadien, tels que déterminés par la Constitution, sont les suivants:

Évidemment, les objectif? sont la bonne conscience des organisations: on s'y rabat volontiers pour se sécuriser de leurs propos ronflants. D'autant plus que la nature d'un bon objectif c'est d'être difficile à atteindre, d'être atteint partiellement, voire même, pas du tout.

Et pour confirmer cet état de chose, il convient d'examiner quelques unes de nos activités pour s'assurer qu'il nous reste encore quelques objectifs à poursuivre, mais que nous ramons, espérons-le, dans la bonne direction.

ACTIVITÉS DU CE.N.B.

Afin de rejoindre sa base, le CE.N.B. réalise plusieurs activités:

1. Publication d'un bulletin:

Dans ce bulletin, le Conseil présente de l'information traitant de diverses questions économiques. Chaque bulletin présente également une ou deux entreprises de nos membres qui opèrent avec succès dans la communauté des affaires.

2. Colloques régionaux:

Le Conseil a organisé des colloques régionaux traitant entre autre de thèmes comme la forêt, le gazoduc et la distribution du gaz; et d'autres colloques avec des thèmes comme: "L'Économie, notre responsabilité" ou encore: "La coopération entre les hommes d'affaires".

3. Organisation de souper / causerie:

Le CE.N.B. se veut un forum où des hommes d'affaires ou des hommes politiques peuvent s'adresser pour traiter de questions particulières traitant du développement économique. C'est un lieu où l'homme d'affaires peut également questionner, faire valoir ses points sur des projets ou des problèmes qui le concernent.

4. Organisation de conférences:

Conjointement avec le Centre Universitaire de Moncton, le CE.N.B. a organisé une douzaine de conférences traitant de divers aspects de l'économie un peu partout dans les régions acadiennes et francophones du N.-B. Lors de sa dernière réunion annuelle, nous avions un conférencier qui traitait de la loi des Compagnies et des répercussions du dernier budget fédéral sur la P.M.E.

5. Porte-parole pour la communauté des affaires:

Par le biais du président et de son directeur général, le Conseil s'est prononcé sur plusieurs questions d'actualité tant à la radio que dans les journaux, et à la télévision.

6. Recherche:

Le Conseil a été invité à participer et à coordonner certaines recherches notamment sur le découpage des zones administratives au N.-B. Le Conseil a été invité à participer à une recherche dans le domaine de l'énergie. À moyen terme, le Conseil veut élaborer une stratégie de recherche qui réponde aux besoins de ses membres.

7. Présentation au Cabinet provincial:

Le Conseil économique du N.-B. travaille sur une présentation qu'il fera au Cabinet provincial vers l'automne 1982. Bien que nos recommandations traiteront principalement d'économie, certaines ne manqueront pas d'avoir des incidences particulières pour les régions acadiennes et francophones du N.-B. Voilà en bref quelques-unes de nos activités. En terminant, j'aimerais signaler que le

CE.N.B. bénéficie du support financier du Secrétariat d'État, du M.E.I.R. et du ministère du

Commerce et du Développement du N.-B.

M. CLAUDE LAPOINTE LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT CONCERNANT LES COMMISSIONS INDUSTRIELLES RÉGIONALES

(A) La commission industrielle régionale aidera à l'identification, la création et l'expansion desentreprises dans tous les secteurs de l'activité économique.

L'intérêt des commissions ne doit pas se limiter au seul développement industriel, quoique ce dernier soit de la plus grande importance. De plus, lorsque c'est approprié, la commission sera appelée à stimuler l'activité économique en coordonnant les développements dans le domaine du commerce, du tourisme et du secteur primaire, et en servant de mécanisme pour mieux taire connaître aux hommes d'affaires les services du gouvernements.

(B)La commission industrielle régionale agira au besoin en tant que service d'interaction et deliaison entre les entreprises et les organisations locales et les divers ministères et organismesdu gouvernement ainsi que les autres organisations privées de l'extérieur de la région danstoutes les questions concernant le développement économique de Sa région.

(C) Les commissions industrielles régionales aideront à l'établissement d'une infrastructure etd'un environnement économiques favorables à la croissance économique. Ceci comprendles parcs et sites industriels ainsi que les autres projets importants d'infrastructure, notamment les ports de mer, les chemins de fer, les aéroports et les routes importantes qui serventà favoriser le développement économique de la région. Il y a deux domaines où les commissions sont spécifiquement exclues: l'administration des services municipaux et celledesprogrammes de développement social.

(D) Les commissions industrielles régionales joueront un rôle de soutien pour les nouveaux développements industriels venant de l'extérieur de la province. Le rôle premier dans ce secteur continuera d'être assumé par le ministère de commerce et du développement. Les commissions, pour leur part, seront limitées à leur rôle de soutien du ministère et ne devront entreprendre aucune activité de promotion extérieure sans consultation préalable auprès du ministère, afin d'éviter la répétition des mêmes efforts et la confusion des investisseurs.

(E) Les commissions industrielles régionales aideront à promouvoir le programme d'aide à lapetite entreprise, du ministère du commerce et du développement en ce qui a trait àl'évaluation et à l'analyse des demandes d'inscription présentées dans le cadre de ceprogramme.

(F) Dans le cas d'ententes qui auront été négociées, les commissions industrielle régionalesseront responsables de l'administration de toutes les terres industrielles appartenant à lacouronne dans leurs régions respectives.

LA COMMISSION INDUSTRIELLE DU RESTIGOUCHE

Quels sont les services qu'un entrepreneur peut obtenir à la commission industrielle du Restigouche?

1. La commission industrielle du Restigouche offre à l'entrepreneur un service de consultation sur la préparation de projets industriels. Ce service comprend:

A) Une analyse approfondie du marché - Cet exercice comprend une évaluation du marchépotentiel total, l'étendue du marché, la valeur des ventes en dollars et méthode de distribution.

B) L'efficacité des opérations - Une analyse de la dimension des installations et équipementsrequis est faite. De plus, une analyse des sources d'approvisionnements et de main-d'oeuvrerequise est effectuée.

C) Rentabilité financière - Après avoir obtenu les informations relatives au marché et à la production, des états financiers pro-forma ainsi que l'analyse du fonds de roulement sont préparés afin de vérifier la rentabilité du projet.

2. La Commission industrielle du Restigouche agit en tant que négociateur pour unentrepreneur auprès du gouvernement pour obtenir une aide financière.

3. La Commission industrielle du Restigouche rencontre les banquiers avec l'entrepreneur si lebesoin existe, pour négocier le financement du projet ou des marges de crédit.

4. La Commission industrielle du Restigouche organise des visites des entreprises clés duComté pour les différents ministères et agences gouvernementaux impliqués dans ledéveloppement économique et tient ceux-ci informés sur le développement et les projetsdes entreprises - moteurs de l'économie locale.

COMPTE-RENDU DES DISCUSSIONS EN ATELIER

THÈME I

LE DÉVELOPPEMENT SOCIO-ÉCONOMIQUE DES RÉGIONS FRANCOPHONES

Atelier A

Les politiques gouvernementales et leur influence sur le développement économique des régions.

Exposé 1 - Denis Poirier

Titre: Un point de vue macroéconomique sur les politiques gouvernementales en matière de développement économique

En conclusion:

Exposé 2 - Gérald Bouchard

Le gouvernement entreprend une réorganisation dont l'objectif est une mise en oeuvre des priorités dans les secteurs du développement régional et industrie! et de la promotion du commerce et des exportations.

Cette réorganisation sera:

En un mot c'est un renouveau de définition de politique économique.

M. Bouchard lance une invitation aux Francophones hors Québec à participer à l'élaboration des stratégies et des plans de développement économique qu'une telle réorganisation va entraîner.

Atelier B

Le développement économique à partir des ressources du milieu

Exposé 1 - Serge Roy

Le développement d'une ville ou d'une région est un phénomène très complexe.

La région de la Beauce au Québec a connu au cours des 10 dernières années un essor en développement industriel; ceci est dû à l'implantation de nouvelles entreprises et à l'expansion de celles déjà existantes.

Ce dynamisme économique s'explique par:

Mais la principale raison c'est l'utilisation et la contribution optimale des ressources du milieu. L'autre raison: l'accent est mis sur les marchés d'exportation.

Enfin une animation constante auprès de la population et des entrepreneurs et/ou des investisseurs de la région.

Exposé 2 - Clément Dion

Notre timidité est probablement la plus grande ressource que nous possédons en tant que minoritaires.

Cette timidité donne le temps à la réflexion qui se concrétisera en plans d'action positifs.

chez nous en Saskatchewan, la ressource c'est l'agriculture mais aussi quelques entreprises comme la déshydratation de la luzerne.

Nous poursuivons le rêve de faire de Zenon Park une entreprise qui sera économiquement auto-suffisante.

Il faut que notre développement économique se fasse par notre principale ressource, c'est-à-dire nous-mêmes.

Atelier C

Les rôles et l'importance des conseils économiques et des commissions industrielles.

Exposé 1 - Claude Lapointe

La commission industrielle régionale aidera à l'identification, la création et l'expansion des entreprises et ce dans tous les secteurs économiques.

La commission industrielle doit penser développement économique dans un plan d'ensemble, c'est-à-dire au delà des entreprises, à savoir:

M. Lapointe nous parla ensuite des services offerts par la commission industrielle de Restigouche.

Ce qui a été le point marquant de son exposé c'est la volonté qu'a cette commission industrielle d'être dorénavant administrée par des gens du milieu. Ce qui a amené à dire que le développement économique ne se fait pas par des politiciens.

Exposé 2 - Sylvestre McLaughlin

Le rôle et l'importance du Conseil économique du Nouveau-Brunswick. Le Conseil économique du Nouveau-Brunswick veut regrouper les hommes d'affaires aca-diens et francophones du Nouveau-Brunswick.

Le Conseil économique du Nouveau-Brunswick n'est pas un organisme à vocation nationaliste mais bien à vocation économique.

Plus le Conseil économique du Nouveau-Brunswick atteindra ses objectifs, plus fortes seront les communautés.

M. McLaughIin nous résume les buts du conseil économique ainsi que ses activités. Mais entre les buts, les objectifs, il y a tout un travail d'organisation, de sensibilisation. En terminant il nous rappelle que le Conseil économique du Nouveau-Brunswick bénéficie du support financier du Secrétariat d'État et du ministère du Commerce et du développement du Nouveau-Brunswick.

En résumé il faut que les gens d'affaires se réunissent, se parlent, se fassent connaître et s'appuient mutuellement.

THEME II : LES COOPÉRATIVES ET CAISSES POPULAIRES

Président:

M. Martin Légère, président, Conseil canadien de la coopération, Caraquet (Nouveau-Brunswick)

Animateur:

M. Gérald Lafrenière, directeur, Études en coopératisme, Université Laurentienne, Sudbury (Ontario)

Les caisses populaires et les coopératives occupent une place importante dans la réalité économique de beaucoup de nos communautés et elles, ont un rôle à jouer dans le développement économique de la collectivité francophone hors Québec. De façon très précise et concrète, nous voulons explorer les paramètres à l'intérieur desquels l'action et la participation des caisses populaires et des coopératives peuvent contribuer au développement socio-économique des communautés et des régions francophones hors Québec.

9h00à 10h30 ATELIER A

LES AVANTAGES ET LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉS DANS LA FORMATION DE DIVERSES FORMES DE COOPÉRATIVES

Cet atelier veut présenter un aperçu des divers types de coopératives et souligner la nécessité de leur adaptation à la conjoncture économique actuelle. L'accent sera mis sur les nouvelles coopératives et on tentera d'examiner les difficultés qu'elle peuvent rencontrer dans leur établissement et leur développement ainsi que les éléments nécessaires à leur réussite.

PERSONNES-RESSOURCES:

M. Marc Jean, directeur, Direction des associations coopératives, Ministère des Institutions financières et Coopératives, Québec (Québec)

M. Yves Lord, directeur, Service Relations et éducation, Fondation de l'habitation coopérative du Canada, Ottawa (Ontario)

10h45 à 12h15 ATELIER B

LES CAISSES POPULAIRES ET LE CRÉDIT COMMERCIAL

Les caisses populaires peuvent certainement contribuer à la croissance et à la rentabilité d'entreprises francophones hors Québec qui ont besoin de crédit commercial et qui font face à des taux d'intérêts élevés et à un climat économique incertain. Les avenues possibles, les contraintes à surmonter et les conditions à remplir pour permettre aux caisses populaires de jouer un rôle plus actif dans ce domaine seront abordées.

PERSONNES-RESSOURCES:

M. Louis Giroux, directeur, Division du crédit, Fédération des caisses populaires Desjardins du Centre du Québec, Trois-Rivières (Québec)

M. Gilles Lepage, chef de la division technique, Fédération des caisses populaires acadiennes, Caraquet (Nouveau-Brunswick)

14h00 à 15h30 ATELIER C

LE DÉFI DES ANNÉES '80: LES CAISSES POPULAIRES, LES COOPÉRATIVES ET LES POSSIBILITÉS D'UNE PLUS GRANDE INTÉGRATION COMMUNAUTAIRE

Les caisses populaires et les coopératives pourront-elles relever le défi des années '80 et réconcilier l'efficacité technique et financière avec les relations humaines et les valeurs coopératives traditionnelles? L'atelier tentera d'identifier des exemples et des suggestions en vue d'une plus grande intégration de ces institutions dans leur milieu afin de favoriser le développement économique communautaire.

PERSONNES-RESSOURCES: M. Roger Frenette, directeur général, Fédération des caisses populaires de l'Ontario, Ottawa (Ontario)

M. Michel Nadeau, journaliste, Le Devoir, Montréal (Québec)

M. Maurice Therrien, directeur général, Centrale des caisses populaires du Manitoba, St-Boniface (Manitoba)

M. MARC JEAN

Mesdames, Messieurs,

Avant de traiter du sujet prévu pour cet atelier, je veux vous dire que c'est avec plaisir que j'ai accepté l'invitation qui m'a été faite par les responsables de l'organisation de ce colloque national en économie. Je les remercie de me fournir cette occasion d'échanger avec vous dans le cadre de l'atelier sur les coopératives.

Ma collaboration à cet atelier se veut une contribution à votre réflexion.

Dans un premier temps, je donnerai une définition de la coopérative. Par la suite, je vous présenterai un aperçu des divers types de coopératives au Québec tout en traitant des avantages et des difficultés rencontrés dans la formation de coopératives, pour terminer sur certains éléments nécessaires à la réussite de la coopérative. Et là-dessus, il y a quelques personnes dans la salle qui, à cause de leur expérience, pourront m'aider à compléter le tableau.

Ce que nous entendons par coopérative c'est une entreprise possédée et contrôlée par une association de personnes. Les membres de la coopérative sont à la fois les propriétaires et les usagers de l'entreprise qu'ils ont organisée en fonction de leurs besoins et de leurs aspirations, pour la mettre à leur service et au service de la communauté. Dans une coopérative, les membres-usagers assurent collectivement la propriété de l'entreprise, participent démocratiquement à son contrôle et s'en répartissent les bénéfices en fonction de l'utilisation qu'ils ont faite de ses services.

Au Québec, il existe en opération plus de trente (30) catégories de coopératives. Rassurez-vous, je n'en ferai pas l'énumération, je me contenterai d'un survol. Le secteur de l'épargne et du crédit avec le Mouvement Desjardins, par exemple, est bien connu et sa réputation dépasse depuis longtemps les frontières du Québec. Il en va de même pour le secteur agricole qui regroupe en son sein la quasi-totalité des agriculteurs québécois et qui achève d'intégrer toutes les entreprises de transformation de produits laitiers en sol québécois. Parmi les autres secteurs bien organisés - ce qui se traduit généralement par la présence d'une fédération qui chapeaute le secteur - mentionnons le secteur de la consommation avec son réseau de magasins co-op et de cooprix; le secteur des pêches maritimes avec Pêcheurs-Unis du Québec qui est la principale entreprise de pêche et de transformation des produits marins au Québec; enfin, la Coopérative des producteurs de sucre d'érable du Québec qui fait la mise en marché de plus de 50% des produits de l'érable du Québec.

Récemment, nous avons connu un développement considérable dans le secteur de l'habitation. En effet, de 1977 à aujourd'hui, le nombre de coopératives d'habitation est passé de 50 à plus de 385. Ce développement est principalement dû aux programmes gouvernementaux incitatifs dans ce domaine et à la mise sur pied d'organismes d'assistance technique appelés "groupe de ressources techniques" qui ont joué le rôle important de promoteurs de la formule coopérative dans ce secteur. Nous assistons aussi présentement à une augmentation sensible du nombre de formulions dans le secteur des coopératives ouvrières de production et de travail. Dans le contexte économique actuel, il semble que de plus en plus de travailleurs aient décidé de prendre eux-mêmesen main leurs outils de travail. Cependant, il faut bien dire que l'expertise et l'assistance dans ce secteur sont quasi inexistantes au Québec et que chacune des coopératives qui se crée dans ce domaine représente une expérience difficile et exigeante. Les

tentatives d'autant plus difficiles qu'elles se fondent habituellement à partir d'entreprises à capital actions en sérieuses difficultés financières ou carrément en faillite. La coopération n'étant pas en soi une formule magique, il va de soi qu'une coopérative construite sur une telle base démarre avec un handicap.

Au Québec le développement des coopératives s'est fait selon trois grandes catégories en fonction de la notion de membres-usagers (propriétaires et utilisateurs du service):

1er type: Les coopératives de consommateurs:

Elles comprennent généralement toutes les coopératives de services. Elles visent à regrouper les consommateurs potentiels d'un service qui opèrent par la suite une entreprise qui vise à combler leurs besoins de consommation. Exemples: caisses d'épargne et de crédit, coopératives de consommation, coopératives funéraires, coopératives d'habitations.

2e type: Les coopératives de producteurs:

Elles groupent des producteurs dans le but, d'une part, de leur procurer des biens d'utilités professionnelles au meilleur coût et, d'autre part, d'organiser la transformation et la vente des produits de ses producteurs-membres. Exemples: coopératives agricoles, coopératives de pêcheurs.

3e type: Les coopératives ouvrières de production et de travail:

Elles groupent des travailleurs et visent à leur procurer du travail par l'exploitation d'une entreprise. Elles supposent la réorganisation complète des schémas traditionnels de l'entreprise basée sur les rapports patrons-employés. Exemples: coopératives forestières, coopératives d'imprimerie, coopératives de consultants, coopératives artistiques.

Dépendant de l'expertise et de la tradition développées dans chacune de ces catégories de coopératives, il sera plus facile de démarrer des coopératives dans certaines catégories que dans d'autres. Ainsi, une coopérative de services est plus facile à démarrer qu'une coopérative de travail par exemple.

Pour faire d'une entreprise coopérative un succès, ses promoteurs doivent avoir des critères et des exigences aussi solides que ceux des administrateurs d'entreprises capitalistes, en s'assurant notamment de la rentabilité économique de leur projet. Ils doivent de plus veiller à ce que les dimensions sociale et humaine propres à ce type d'entreprises soient respectées.

On peut définir ainsi les étapes de formation d'une entreprise coopérative:

Et maintenant, regardons quelques-uns des avantages de la mise sur pied d'une coopérative; j'en ai identifié 6:

Évidemment, le premier avantage est la satisfaction du besoin ressenti par le membre lorsque la coopérative lui procure le bien dont il a besoin;

Le deuxième avantage, la répercussion sur la structure de prix dans la région. On a constaté que la seule présence d'une coopérative dans un milieu avait pour effet de resserrer sensiblement la structure des prix pratiquée par les compétiteurs dans cette région. L'explication est fort simple: la coopérative de consommation, par exemple, vise à vendre des produits à ses membres au meilleur coût possible (les propriétaires étant aussi les consommateurs). Cette politique du meilleur prix force les compétiteurs en situation de concurrence avec la coopérative à "aligner" leurs prix sur ceux pratiqués par la coopérative d'où un avantage économique pour tous les consommateurs de la région.

Le troisième avantage, la création d'un outil de développement économique autochtone permanent. La coopérative est non aliénable et épouse la philosophie du développement régional. De ce fait, elle devient un outil à privilégier pour développer des entreprises dont les intérêts socio-économiques correspondront à ceux des gens du milieu.

Le quatrième avantage, la canalisation du désir de participation de la population. De par sa structure, la coopérative favorise et encourage le militantisme, elle devient donc un lieu de participation populaire et un milieu propice pour l'expression des désirs profonds d'une population, d'une communauté.

La mise en place d'un instrument de promotion individuelle et collective est un autre avantage. En effet, la coopérative permet au simple membre-usager d'accéder au poste de direction d'une entreprise économique qui peut atteindre des dimensions importantes. Qu'on pense par exemple à la coopérative Agropur: on retrouve sur le conseil d'administration de cette entreprise, qui brasse annuellement un chiffre d'affaires d'au-delà de 500 millions, de simples agricuIteurs-membres.

Collectivement, la coopération au Québec a permis aux agriculteurs québécois de rompre le joug de leur asservissement aux intermédiaires et leur a permis d'occuper une place de choix dans la transformation et la mise en marché des produits laitiers.

Enfin le sixième avantage, l'accès à une formation populaire. La coopérative permet à ses membres d'acquérir dans l'action une expertise de gestionnaires exceptionnelle dans des champs d'activités tels la comptabilité, le "marketing", le "management", la planification, etc. ... En fait, chaque nouvelle coopérative devient un centre nouveau de formation professionnelle et d'éducation économique.

Après avoir considéré brièvement certains avantages, regardons les difficultés susceptibles d'être rencontrées:

Premièrement, la mobilisation des futurs membres.

Une coopérative ne peut exister sans s'appuyer sur le militantisme de ses membres. Dans un contexte de surabondance de produits et de services, où chaque citoyen est continuellement sollicité par la publicité, il pourrait s'avérer difficile de faire surgir l'idée "prenons-nous en main" indispensable au succès de la coopérative.

Deuxièmement, le financement.

Une coopérative, nous l'avons dit auparavant, c'est l'opération d'une entreprise économique.

Cette entreprise se trouve en situation de libre concurrence de marché par rapport à l'entreprise privée à capital-actions. Dans le contexte nord-américain, où le démarrage d'entreprise requiert une mise de fonds initiale considérable, il pourrait s'avérer difficile d'amasser chez les futurs membres les capitaux nécessaires au démarrage de l'entreprise.

Troisièmement, la compétence administrative déficiente.

Parce que les administrateurs d'une coopérative sont choisis parmi ses membres, il arrive très souvent que ceux-ci n'aient pas au départ toute la compétence nécessaire pour bien faire fonctionner l'entreprise qu'ils auront à administrer.

Cette déficience de compétence administrative pourrait affecter la viabilité de l'entreprise.

Quatrièmement, l'absence de ressources compétentes dans le milieu.

La coopérative, à sa création, est très vulnérable. Elle fait appel à la bonne volonté des citoyens du milieu mais n'est pas de ce seul fait exempte des multiples problèmes résultant de la création d'entreprises. Le désir de participation et la bonne foi des gens doivent être encadrés par des ressources compétentes qui sauront prodiguer à l'entreprise naissante tout le soin et toute l'attention qu'elle requiert. Dans un contexte de libre entreprise absolue, il pourrait s'avérer difficile et onéreux pour la jeune coopérative de recourir à toute l'expertise technique et humaine dont elle a besoin pour guider ses premiers pas.

Nous venons de souligner quelques difficultés auxquelles peut être confrontée une coopérative lors de son démarrage. D'une façon plus positive, nous aimerions vous exposer brièvement quelques éléments qui, à notre avis, apparaissent indispensables a la réussite d'une entreprise coopérative, (voir note à la fin de ce texte).

Des besoins réels ressentis:

Étant fondé sur la notion de "besoin à satisfaire", il devient fondamental pour la coopérative que ce "besoin" soit réel et ressenti par le plus grand nombre possible de membres. Si ce besoin s'avérait ma! fondé ou inexistant, il en résulterait à brève échéance une désaffection des membres et les leaders se retrouveraient seuls à poursuivre leur chimère.

les leaders disponibles:

Même si les besoins sont existants, il devient de première importance qu'émergent parmi les membres des leaders qui sauront conscientiser les individus, rechercher les solutions et orchestrer l'action. Sans la présence de ces leaders naturels, le projet risque de tourner en rond et de mourir à bout de souffle faute de n'avoir pu canaliser les énergies déployées par le milieu.

Le militantisme:

Le coopératisme doit faire appel au bénévolat pour assurer la survie de l'association puisque pendant un certain temps la motivation, plus que l'argent, sera le premier nerf de la guerre. Il est donc important que les leaders aient la capacité de susciter ce militantisme.

La connaissance de la formule:

Le coopératisme ne s'avère pas une panacée universelle; il importe d'en connaître les possibilités par rapport aux besoins exprimés par le milieu, mais aussi les contraintes inhérentes. L'information et l'éducation coopérative sont donc des préalables importants à toute mise sur pied de coopératives.

Les capitaux de démarrage:

L'entreprise coopérative regroupe très souvent des membres qui, pris individuellement, ne peuvent réunir les sommes nécessaires au démarrage de l'entreprise. D'autre part, l'objectif premier de l'association n'étant pas d'accroître son capital d'entreprise, il devient donc difficile d'amasser les capitaux nécessaires au démarrage de l'entreprise coopérative. Plus les besoins en capitaux fixes seront importants, plus la création de l'entreprise sera difficile.

De vrais membres-usagers:

Néanmoins, parce que l'entreprise coopérative transige avec ses membres plutôt qu'avec une clientèle possible, si elle réussit à bien apprécier et à répondre adéquatement aux besoins exprimés par ses membres, elle s'assurera de leur fidélité bien mieux que ne pourrait le faire toute entreprise à capital-actions et les membres pourront la soutenir même dans l'adversité. Il faudra donc s'assurer que les membres de la coopérative soient de vrais usagers de leur entreprise.

Le contrôle démocratique :

Pour être viable, une entreprise coopérative devra répondre à certains impératifs de gestion qui nécessitent une action planifiée et étroitement coordonnée. Ces impératifs d'efficacité peuvent conduire les administrateurs à prendre des décisions impopulaires. D'autre part, comme nous l'avons déjà souligné précédemment, une jeune coopérative doit attacher une importance capitale à la satisfaction des besoins exprimés par ses membres. Il faudra donc maintenir un juste équilibre entre les besoins de l'association et les besoins des membres. Les administrateurs de la coopérative devront donc faire preuve d'une capacité peu commune d'allier le leadership politique au leadership de gestion.

8° Les compétences administratives

Étant en situation de concurrence avec les autres formes d'entreprise, la jeune coopérative nécessite une compétence administrative certaine. On ne peut s'attendre à ce que les administrateurs de coopératives soient tous des autorités dans leur domaine. Il faudra donc s'assurer dès la mise sur pied de la coopérative que les promoteurs possèdent les capacités de développer eux-mêmes ces compétences ou qu'ils sauront mobiliser des gestionnaires qui puissent assurer les bases de fonctionnement de l'entreprise au plan technique.

Le contexte économique

La jeune coopérative devra oeuvrer dans le même contexte économique que les autres entreprises. Ainsi, des facteurs tels le dynamisme du secteur choisi, la concentration industrielle, la concurrence, la conjoncture économique influenceront la viabilité de l'entreprise coopérative et pourront atténuer ou faciliter son démarrage.

10°Les programmes d'aide et la réglementation:

La coopérative fait face à un cadre institutionnel conçu par et pour l'entreprise de type capitaliste. Les programmes d'aide et la réglementation sont généralement mal adaptés au mode de fonctionnement de la coopérative. Il sera donc important de vérifier jusqu'à quel point la jeune coopérative peut s'y tailler une place. Cependant, il faut reconnaître que l'importance grandissante des coopératives au Québec et dans d'autres provinces a suscité certaines modifications qui facilitent la création et la viabilité des nouvelles coopératives.

Si on fait le bilan des forces et des faiblesses de l'entreprise coopérative, on peut exprimer son enthousiasme ou manifester des réserves. Cependant, une chose demeure: pour qu'une coopérative soit viable, il faut que son association de personnes réponde aux aspirations de ses membres; il faut aussi que son entreprise réussisse à survivre et ces deux types de viabilité doivent nécessairement coexiter.

Les projets coopératifs doivent également compter sur des mécanismes propres à apporter de l'aide financière, (c'est-à-dire suppléer momentanément à l'insuffisance de capital) et sur de l'assistance technique.

Mai 1982

*Note: Cette partie du texte concernant les éléments indispensables à la réussite d'une coopérative s'inspire d'un document audio-visuel intitulé "Viabilité des coopératives", réalisé par les Hautes Études Commerciales et commandité par la Confédération des Caisses populaires Desjardins.

M. JEAN-YVES LORD LE COOPÉRATIVISME, C'EST QUOI EN 1980?

La majorité de nous faisons l'erreur de croire, lorsque l'on parle de développement économique, que le développement économique c'est les projets Alsands au nord de l'Alberta, c'est les projets hydro-électriques de la Baie James, ou encore peut-être les projets de génération nucléaire d'électricité. En effet, combien parmi nous étions réellement désappointés de savoir que le projet Alsands était tombé à l'eau? Combien de québécois étaient réellement déçus par le fait que les projets hydro-électriques du nord on dû prendre un recul à cause du taux élevé des intérêts. En effet, ce sont là des déceptions réelles lorsque nous considérons qu'il y a eu une perte de 161,000 emplois en 1981.

Mais avons-nous regardé ailleurs? Sommes-nous impressionnés par les "mega-projets" au point où nous oublions que peut-être pouvons-nous faire notre propre développement chez-nous pour assurer des emplois à nos gens? Sommes-nous maintenant dépourvus de l'esprit d'aventure et d'auto-suffisance que nos ancêtres avaient lorsqu'ils se sont installés au Canada il y a seulement quelques siècles.

Qu'est-il arrivé à cet esprit de coopération qui nous poussait alors à nous regrouper ensemble pour construire une maison, à nous regrouper ensemble pour rebâtir une étable incendiée, à nous regrouper ensemble pour partager l'achat de machines agricoles modernes, à nous regouper ensemble pour former une coopérative?

La coopération

Le secteur coopératif n'est ni public ni privé. C'est un troisième secteur indépendant des deux autres et opérant d'une façon complètement différente.

Comparons les différences entre les systèmes économiques que l'on connaît: Le capitalisme, pour satisfaire ses besoins, organise la société sur une base concurrentielle: il croit que l'initiative individuelle, l'entreprise privée, la liberté, le libre-échange permettront à chacun de trouver des moyens de satisfaire ses propres besoins. Le travail et le capital étant à la base de toute activité économique, le capitaliste croit qu'il faut donner la primauté au capital et que cela engendrera l'effort et obligera au travail. La concurrence devient un stimulant essentiel à la circulation des biens: chacun doit faire son effort pour "gagner sa vie" et acquérir les capitaux nécessaires à sa sécurité. Dans une société capitaliste, le capital représente le pouvoir; en le possédant, chacun s'assure l'appropriation des biens nécessaires à son existence, à son bien-être et à l'établissement de sa sécurité. C'est d'abord le capital qui compte.

Le socialisme et le communisme réagissent contre cette société capitaliste qui, selon eux, crée des écarts injustes entre les possédants du capital et les autres. Pour eux, la course à l'appropriation des biens est inégale puisque tous ne sont pas rangés à la même ligne de départ. Chacun n'a pas le même talent, les mêmes qualités, la même hérédité. Il en résulte que la concurrence libre devient injuste. Selon eux, il faudrait subordonner les intérêts de l'individu à ceux de l'État ou, en effet, confier à l'État la responsabilité de partager tous les biens de façon égale entre les hommes. Après avoir assuré la satisfaction des besoins vitaux pour l'effort collectif, la satisfaction des besoins secondaires doit aussi se faire à la mesure des biens qui demeurent disponibles. Chacun ne travaille plus à la satisfaction de son propre besoin mais à la satisfaction des besoins collectifs. Les règles de droit d'une telle société refléteront ses principes: l'entreprise socialiste ou communiste n'aura pas d'existence propre: elle sera plutôt un centre d'activités opérant en fonction d'un État souverain ou encore d'un système économique implanté par l'État. L'État devient alors le seul véritable entrepreneur.

Le fondement idéologique du coopérativisme

En général, on apprécie la liberté et la possibilité de développer son initiative personnelle dans les entreprises dont on peut exercer le contrôle. On admet également que le succès est un moteur qui engendre l'activité, entraîne l'effort, apporte des raisons de vivre/autant de valeurs qu'on retrouve dans le système capitaliste.

Par contre, l'homme rejette la concurrence inégale, la toute-puissance du possédant, la force du capital. Il en résulte finalement que la liberté et la dignité humaine de plusieurs sont brimées.

L'homme apprécie aussi le respect que porte le socialisme au principe de l'égalité des hommes, à celui de l'homme social agissant dans et pour la collectivité et finalement à l'idée du partage en fonction de l'individu et non du capital.

Le coopérateur cherche donc à ériger un système qui fait siennes les valeurs du capitalisme et du socialisme et qui en rejette les abus ou les défauts. Il reconnaît l'homme comme fin de son système mais l'homme total, en tant que corps et esprit. Il devra donc chercher à satisfaire les besoins matériels et les besoins intellectuels et s'assurera que tous sont gagnants.

ENTREPRISE

Capitaliste

Coopérative

  • Fondé dans le but de faire des profits.
  • En faveur des actionnaires seulement.
  • Au moyen du commerce des biens et des services au plus haut prix possible.
  • En traitant avec une clientèle étrangère à l'entreprise.
  • Fondé dans le but de fournir des biens et des services utiles.
  • En faveur du plus grand nombre possible de personnes.
  • Au meilleur prix possible pour ses membres.
  • En faveur de membres qui sont propriétaires de l'entreprise.
Conclusion

Le philosophe, Bertrand Russell, à l'âge de 90 ans, nous a laissé un conseil dont il faudra toujours se souvenir, "Coopérer, l'homme doit coopérer, sinon, il devra périr". Avec les moyens de communication que l'homme a établi pour lui-même, avec un monde qui devient de plus en plus petit à tous les jours, avec le nombre grandissant de guerres où tous ces hommes s'entretuent continuellement et avec les moyens de s'anéantir complètement que l'homme s'est donnés avec ses machines nucléaires, n'est-il pas temps que nous commencions tous à regarder autour de nous et à penser à nous entraider afin de nous donner les ressources nécessaires à notre propre survie.

Alors, pourquoi dépendre sur ces immenses projets d'intervention gouvernementale pour une relance économique lorsque, en effet, il créeront seulement des distorsions incroyables à la demande et au marché qui existent présentement. Le tout serait à recommencer dans cinq, dans huit, ou dans dix ans et, à ce moment, avec de nouvelles proportions encore plus gigantesques que celles que nous subissons présentement.

Le moyen de développement économique qui devra être privilégié par les Francophones hors Québec et par tous les autres canadiens devra être celui du développement local et régional à même un développement communautaire sain qui valorisera le plus grand nombre possible de membres de la collectivité. La coopération nous servira beaucoup plus comme solution permanente à nos problèmes de développement économique que toutes les interventions des instances gouvernementales et des investissements disproportionnés qui y seront rattachés.

Le développement économique, c'est notre affaire; alors commençons par nous parler, commençons à parler de projets et commençons à agir. La seule chose qui est pire que l'imperfection dans notre système c'est l'inaction.

M. ROGER FRENETTE LE DÉFI DES ANNÉES'80: L'IMPLICATION DE LA COMMUNAUTÉ DANS SA CAISSE POPULAIRE, L'ÉLÉMENT ESSENTIEL À SON DÉVELOPPEMENT

Bonjour Mesdames, Bonjour Messieurs,

II me fait extrêmement plaisir d'être avec vous aujourd'hui afin de discuter de développement économique et de caisses populaires. Vous avez sans doute deviné que c'est un sujet qui me passionne beaucoup.

Permettez-moi, pour commencer, de vous citer un passage tiré du rapport du comité économique de la Fédération des Francophones hors Québec: "Un espace économique à inventer". Ce paragraphe traite de l'objectif coopératif. Selon le rapport du comité économique de la F.F.H.Q.,

"La philosophie coopérative prône le développement harmonieux dans lequel le bien-être de l'individu, de sa communauté et de la collectivité est la préoccupation principale. Des individus s'associent pour combler un besoin et non pas pour réaliser un profit". Les caisses n'échappent pas à cette règle, au contraire. En tant qu'institution coopérative financière, les caisses sont appelées à assumer une double responsabilité. Elles doivent être des institutions financières efficaces et jouer un rôle social, assurer une présence active dans leur communauté.

L'implication des caisses dans leur communauté, voilà une expression qui ne date pas d'aujourd'hui. Depuis leur début, les caisses ont été des éléments dominants dans le développement économique, culturel et social dans plusieurs des communautés francophones hors Québec. Certes, c'était beaucoup plus facile pour les caisses il y a plusieurs années. À cette époque, il y avait l'église, l'école et la caisse populaire. Les Francophones se faisaient un devoir d'être membres d'une caisse. C'était leur caisse. L'implication sociale de la caisse se réalisait beaucoup plus facilement: la participation et la collaboration des membres étaient instantanées. Puis sont arrivées les années plus difficiles: montée de l'inflation,crise économique, taux d'intérêts élevés. Parallèlement à ces faits, il y eut le déplacement des populations des régions au profit des grands centres urbains. Cela a amené un changement dans l'échelle des valeurs: l'attachement aux institutions, la fidélité aux traditions se sont tour à tour effacés.

Nos gens de caisses ont été très préoccupés par des problèmes d'efficacité financière, de rentabilité, de réduction de marges d'opération. Malgré tout, et contrairement à ce qu'en pensent certaines personnes, les caisses s'impliquent encore aujourd'hui dans leur communauté. Seulement, et je l'avoue sincèrement, ce n'est pas suffisant! Pourquoi? Il serait facile d'accuser ici les gens de caisses; les administrateurs, les directeurs, les employés. Tel n'est pas mon but même si nous en sommes responsables en partie, je désire vous faire part d'une autre explication possible: le désintéressement de la communauté.

Nous touchons ici au point principal de l'exposé, le défi des années '80, c'est la participation des communautés à leur caisse populaire, à leur coopérative. L'intégration des caisses et des communautés francophones ne se réalisera parfaitement que si nos communautés en prennent elles-mêmes l'initiative. Le défi que nous avons à relever, c'est de nous impliquer. Si le "laisser-aller" qui existe présentement dans nos communautés francophones ne fait pas place à une action immédiate et concrète, ne pensons pas à contrôler le développement économique.

Depuis quelque temps nous constatons dans nos caisses populaires une indifférence totale des membres et de la collectivité en général. Il y a quarante (40) ans, les assemblées annuelles de caisses attiraient cinquante (50), soixante (60), cent (100) personnes. Aujourd'hui ce nombre est à peu près le même avec cette différence: les cent (100) et deux cents (200) sociétaires que comptaient ces caisses sont rendus maintenant mille (1,000), deux milles (2,000) et cinq milles (5,000). Où est l'intérêt? Où est la participation des membres? Est-ce que les actionnaires d'une compagnie quelconque agissent de la même façon?

Les gens n'interrogent même pas leurs dirigeants sur les performances de la caisse. Nous sommes devenus des propriétaires négligents.

En tant que directeur général de la Fédération des caisses populaires de l'Ontario Inc., j'entends régulièrement des remarques très négatives, parfois méchantes, au sujet des caisses populaires: "ce sont toujours les mêmes personnes au conseil d'administration", " la caisse n'a pas fait telle chose" ou encore "la caisse ne s adapte pas assez vite à nos besoins modernes", "la caisse n'est plus innovatrice" etc. ...

Pour critiquer, il n'y a pas de problème. Tout le monde se donne la main. Mais, y en a-t-il qui passe à l'action? Quelles sont les personnes ou organismes qui font des revendications précises et concrètes à leur caisse? Ceux qui affirment que les conseils d'administration des caisses sont devenus des clubs d'âge d'or ont-ils posé leur candidature et tenté de s'y faire élire?

On critique beaucoup mais on agit peu. Pourtant, la caisse, c'est la propriété de chacun et collectivement de la communauté. À mon avis, les caisses populaires constituent un excellent outil de développement économique pour les communautés francophones hors Québec. L'outil existe, il ne s'agit pas d'en créer d'autres mais plutôt de l'utiliser au maximum.

Pourquoi? Premièrement, à cause de leur structure. Représentative de leur communauté, les caisses n'ont d'autres raisons d'être que de répondre adéquatement à ses besoins.

Également, les caisses ne s'anglicisent pas en grossissant comme les entreprises privées. Ce secteur nous démontre tout de même de très belles réussites de Francophones qui ont pu se construire pratiquement des empires. Par contre, il se sont sentis obligés de s'angliciser: pas nécessairement eux, mais la structure de leur compagnie, par exemple!

Comment les caisses peuvent-elles être des instruments servant les Francophones dans leur développement économique? C'est là qu'entre en jeu la responsabilité de chacun d'entre nous en tant que membre d'une communauté francophone.

Les caisses ont accompli des choses extraordinaires et pourraient faire encore beaucoup plus. Donnez-leur des mandats spécifiques à réaliser et accordez-leur des outils pour le faire. Vous voulez que votre caisse participe au financement d'une coopérative d'habitation, dites-le lui. Vous désirez qu'elle accorde des prêts aux PME francophones, demandez-le lui. Vous voulez qu'elle accorde du financement lors de la fondation de nouvelles coopératives, exigez-le. Mais attention, si vous exigez des choses de votre caisse, et vous êtes parfaitement en droit de le faire, n'oubliez pas qu'en retour, vous avez vous aussi des obligations envers votre caisse. Vous devez la supporter si vous voulez qu'elle en fasse autant.

Il est essentiel qu'aujourd'hui, les communautés francophones passent à l'action et exigent beaucoup de leur caisse tout en l'appuyant.

C'est simple: impliquez-vous dans votre caisse. Voilà le défi des communautés francophones pour les années '80. C'est de s'intégrer à leur caisse, à leur coopérative par une participation active et dynamique. Ne la regardez pas comme une institution financière comme les autres, mais plutôt comme un instrument, un outil. À partir du moment où les communautés francophones comprendront et assumeront ce rôle, il n'y a aucun doute que nous serons sur la bonne voie.

Ne perdons pas de vue que la caisse appartient à ses membres. Si elle démontre des performances financières exceptionnelles, ce sera la communauté qui en profitera.

S'il faut que vous vous fassiez élire au conseil d'administration, faites-le. Je l'ai mentionné plus tôt, c'est facile: amenez quelques amis et le tour est joué.

À cause de sa philosophie coopérative, de son caractère démocratique, de son appartenance à sa communauté et de son autonomie locale, votre caisse populaire pourrait être l'outil qui sonnera l'éveil économique de votre région.

Le centre de décisions d'une caisse populaire ne va pas plus loin que la communauté qu'elle dessert. N'est-ce pas là ce que nous recherchons: le contrôle de notre vie économique?

L'un de nos problèmes en tant que Francophones c'est souvent la dispersion, le dédoublement des efforts et des énergies, notre manque de concertation, d'unité. En tant que groupe minoritaire, il me semble que nous ne pouvons plus nous permettre cela.

Nous devons nous regrouper socialement, culturellement et financièrement. Travailler autour d'objectifs collectifs communs. Nous en sommes rendus à un point où il faut faire un choix, passer à l'action.

Je me permets, en terminant, de vous rappeler quelques idées tirées du livre "Un espace économique à inventer" où il est clairement indiqué que les communautés francophones se doivent d'agir, d'être dynamiques. N'allons pas croire que des "missionnaires" viendront s'occuper du développement économique chez nous.

Ce développement ne peut se réaliser que par l'initiative des communautés francophones.

Nous vous offrons la formule coopérative. N'avons-nous pas tout à gagner et peu à perdre en l'essayant.

Il ne faut pas perdre de vue que le contrôle de notre vie économique est la plus sûre garantie de la survie et de l'épanouissement de notre identité culturelle.

Merci beaucoup de votre attention.

M. MAURICE THERRIEN

On m'a demandé de participer à l'atelier qui traite du défi des Coopératives et des Caisses Populaires pour les années 80 et des possibilités de leur plus grande intégration dans le milieu. Il n'y a aucun doute que ce défi existe, surtout lorsqu'on compare la décennie actuelle à celle des années 70. Sous de nombreux aspects, les années 70 étaient des années de croissance. Nous n'avions surtout pas trop à nous inquiéter de la question de rentabilité. Aujourd'hui, la rentabilité nous préoccupe tous du fait que la conjoncture économique est extrêmement difficile; la technologie change rapidement et on fait face à une concurrence beaucoup plus poussée. De plus, la population est à la fois plus indépendante et moins loyale qu'elle ne l'était auparavant. Pour plusieurs, les Coopératives ou les Caisses Populaires ne sont pas différentes des autres institutions. Que doit-on leur dire? Il faut donc se poser des questions sur notre avenir, notre raison d'être. Cette raison d'être était précise dans les années 30 mais elle est beaucoup plus difficile à définir aujourd'hui. Je tenterai d'approfondir ce point un peu plus. Comme de raison, mes commentaires seront basés sur mes connaissances manitobaines, plus particulièrement au niveau des Caisses Populaires du Manitoba, mais je crois néanmoins que la plupart des points soulevés pourront s'appliquer à plusieurs autres régions du pays.

Un besoin réel s'était fait sentir à l'époque où les Caisses Populaires et les Coopératives ont été fondées au Manitoba dans les années 30. Il était difficile d'obtenir du crédit et il existait peu d'institutions financières dans les centres ruraux en particulier. De plus, ce fut chose facile que de regrouper les forces francophones étant donné une population homogène. La formule coopérative était donc un bon moyen pour les Francophones de se prévaloir de services financiers. Depuis, les choses ont changé énormément. Les services financiers sont disponibles partout, ils sont variés, la concurrence est forte et la population francophone plutôt éparpillée. Dans notre cas, l'arrivée des Anglophones dans nos villages francophones a eu pour résultat d'angliciser nos villages. Les Francophones qui se sont installés dans le milieu urbain se sont établis un peu partout. On se pose maintenant des questions sur notre avenir, notre raison d'être. D'ailleurs, ces questions se posent dans d'autres secteurs du mouvement coopératif autant francophone qu'anglophone.

Quel est donc notre défi! Notre défi est de survivre économiquement en français sous la formule coopérative en tenant compte des besoins des sociétaires de notre milieu. Il y en a d'autres encore bien sûr, mais celui-ci est le plus important. Ce qui veut dire que lorsque l'on parlera d'argent, on aura aussi à parler de langue. De là viendra probablement notre force, un point de ralliement, notre raison d'être, notre sens d'appartenance.

Dans ce but, au Manitoba, on a commencé par se définir pour se donner une orientation, et nous nous définissons ainsi: un organisme financier coopératif dont les avoirs seront gérés, administrés et contrôlés par les Francophones, il faut se donner une orientation, une identité, avant d'essayer de s'intégrer d'une façon plus efficace dans la communauté. Pour les Coopératives du secteur non-financier, elles se voient en grande majorité intégrées à de grandes coopératives provinciales. Elles sont donc amalgamées à ces organismes et leur implication au niveau communautaire devient moins importante. Les décisions ont pour but d'améliorer l'efficacité et de rationaliser les opérations. Bien sûr, elles rendent de grands services à leur entourage immédiat, tels la création d'emplois, etc., mais le contrôle peut se perdre beaucoup plus facilement. Selon cette formule, il serait à craindre que l'autonomie locale ne s'effrite ou même ne disparaisse. Il est donc nécessaire que les Coopératives trouvent une formule qui permettra de rationaliser les opérations, de centraliser certains services, mais également de retenir l'autonomie locale dans la mesure du possible.

Toute réflexion faite, je crois qu'il est quand même possible de survivre au niveau économique malgré toutes les contraintes apparentes. Si les coopératives se dotent des compétences nécessaires à une bonne administration, se créent une base d'équité adéquate sous forme de capital social ou de réserves, si elles répondent aux besoins de leurs membres, créent une ambiance où le membre se sent chez lui, et que les membres sont impliqués dans l'orientation de leur organisme, le défi pourra être relevé en dépit de la concurrence et des changements technologiques. D'abord, l'organisme doit établir sa crédibilité de façon à attirer la confiance de ses participants et attirer de nouveaux participants. Il doit voir à ce que ses membres aient une participation financière afin d'assurer une base d'équité solide pour faire face aux fluctuations. Il doit bien former ses dirigeants et sa gérance. De là viendront les leaders et le succès de l'organisme en découlera. Les gens du milieu voudront faire partie d'un organisme qui va de l'avant. Le résultat auquel on peut s'attendre est que la coopérative sera automatiquement intégrée au milieu parce que les gens qui y participent seront du milieu et en grande partie des leaders de la communauté. On peut satisfaire aux autres besoins socio-économiques des sociétaires en organisant des ateliers sur le budget familial, des mini-cours pour les fermiers ou les commerçants. En d'autres mots, créer un intérêt et une implication plus marquée auprès des membres. Aux assemblées annuelles, on peut dialoguer sur l'avenir et sur le passé, c'est-à-dire: donner l'occasion aux gens de parler des orientations souhaitées pour les années à venir. Par exemple, le changement technologique de la carte plastique ou des ordinateurs, parler de rationalisation et centralisation si ceci s'avère nécessaire. Les consommateurs doivent comprendre ce que ces changements peuvent vouloir dire pour eux, en tant que sociétaires. Il y a aussi les projets entrepris dernièrement tel que Co-Enerco. Les sociétaires pourront dorénavant se procurer des actions par l'entremise de coopératives et ce sera une façon de plus de les impliquer au mouvement. D'ailleurs, le gouvernement canadien reconnaît que la base coopérative est un bon moyen d'impliquer les gens aux projets énergétiques et il est prêt à y mettre des fonds.

Une clientèle qui nous échappe en partie est celle des sociétés francophones. Trop souvent, ces sociétés ne se donnent pas la peine de faire leurs transactions financières auprès de nos institutions même quand l'organisme local peut leur rendre d'aussi bons services que les concurrents. Ce domaine pourrait être amélioré et doit être exploité plus sérieusement.

J'aimerais aussi toucher brièvement à un domaine qui est souvent mal compris par les sociétaires. Lorsqu'une demande d'emprunt est faite pour un projet quelconque, on pense souvent que la Caisse Populaire devrait le financer entièrement sans que l'emprunteur y mette du sien. On doit reconnaître que la Caisse Populaire est un organisme financier qui doit sauvegarder l'intérêt de ses dépositaires. C'est donc à l'emprunteur de mettre du capital de risque dans l'entreprise et non pas à la Caisse Populaire de le taire. L'engagement doit venir de l'emprunteur.

Pour le financement de projets utiles et d'envergure, rien n'empêche deux ou trois Caisses Populaires de financer un projet conjointement. C'est ce qu'on appelle la syndicalisation. C'est une autre façon de mieux répondre aux besoins du milieu.

Il n'existe aucune magie à l'intégration de la coopérative au sein du milieu économique. Il faut tout simplement que les organismes coopératifs se définissent, se fassent mieux connaître et rehaussent leur niveau de crédibilité. L'entreprise coopérative doit présenter un bilan financier positif avec suffisamment d'équité de ses membres pour assurer la viabilité et doit aussi démontrer une gérance saine qui inspire la confiance de la communauté. À partir de ce moment-là, les gens adhèrent à la coopérative et l'intégration à la communauté se fait automatiquement. De plus, les coopératives francophones ont un atout en particulier qui est celui de la langue française. Cela deviendra peut-être le point majeur de ralliement. N'oublions surtout pas la clientèle de l'immersion qui sera très importante pour nous dans les années à venir. Ces gens-là sont sympathiques à notre langue et pourront être intégrés à notre milieu de façon à pouvoir donner plus d'impact à notre force économique. La force économique nous donnera ensuite plus de force politique et contribuera à notre épanouissement.

En conclusion, j'ose espérer que ces quelques remarques vous permettront de réfléchir sur l'épanouissement coopératif et sur son intégration au développement socio-économique de votre milieu.

COMPTE-RENDU DES DISCUSSIONS EN ATELIERS

THÈME II: LES COOPÉRATIVES ET LES CAISSES POPULAIRES

Les participants de ce thème s'accordent pour dire que les Caisses populaires et les coopératives constituent des outils fondamentaux pour assurer aux Francophones hors Québec un développement économique qui s'harmonise avec leur spécificité linguistique et culturelle. Toutefois, les défis auxquels sont confrontées les Caisses populaires et les coopératives restent nombreux.

Les problèmes de la relève, de la participation active des sociétaires aux institutions coopératives, de l'éducation populaire, de la formation en ce qui touche le secteur du prêt commercial, du cadre légal à l'intérieur duquel doivent se développer les caisses populaires, de la conjoncture économique actuelle, de la nécessité pour les caisses de devenir encore plus efficaces et plus concurrentielles, ont été abordés à l'intérieur des ateliers.

Dans la conjoncture économique actuelle, les Caisses populaires doivent chercher à assurer leur rentabilité tout en maintenant un certain équilibre avec l'oeuvre sociale et communautaire qui a présidé à l'édification du mouvement coopératif.

Étant donné que la coopération demeure une dimension essentielle dans la vie économique des Francophones hors Québec, un certain nombre de besoins fondamentaux devront être comblés et ont été identifiés par les participants, pour assurer et maintenir le rayonnement et le dynamisme du mouvement coopératif. Ces besoins sont au nombre de quatre (4).

Il est clair qu'à l'intérieur du système scolaire l'on devra chercher à sensibiliser davantage les étudiants des niveaux secondaire, collégial et universitaire aux fondements de la coopération, aux modalités de fonctionnement de l'entreprise coopérative et à son rapport à la communauté. À l'intérieur des programmes d'enseignement de l'économie, il y a lieu d'insérer un volet qui touche le secteur de la coopération et de développer, en particulier au niveau universitaire, des programmes qui touchent la coopération de façon à former de bons gestionnaires.

Un autre défi pour les Caisses populaires consiste à s'assurer qu'elles se maintiendront à la fine pointe du progrès, tout particulièrement en ce qui concerne le développement de l'informatique, de façon à demeurer concurrentielles.

Les Caisses devront voir à développer des compétences au niveau du prêt commercial de façon à minimiser les risques. Les fédérations devront donner le leadership et le "know how" aux Caisses populaires locales. D'où la nécessité, pour les fédérations de se doter de spécialistes capables de former le personnel des Caisses populaires de façon a ce qu'il puisse acquérir les notions nécessaires pour bien opérer dans le domaine commercial. Les Caisses devraient également se doter de mécanismes leur permettant d'assurer le suivi des entreprises auxquelles elles ont prêté.

Enfin, le mouvement coopératif est confronté au dilemme du maintien du statut francophone des caisses et des institutions coopératives. Il devra assumer le défi de survivre économiquement tout en tenant compte de sa vocation francophone et des besoins des sociétaires francophones.

THÈME III : L'ENTREPRISE

Président:

M. Gaston Demers, actionnaire-courtier,Pitfield, MacKay, Ross, Sudbury (Ontario)

Animateur:

M. Donald Foidart, vice-président, CERECO Inc., St-Vital (Manitoba)

Les petites et moyennes entreprises francophones font face aux mêmes difficultés et sont soumises aux mêmes règles économiques que toutes les autres entreprises au pays. Raison de plus, face à leur particularité linguistique, d'étudier de près les ressources existantes à exploiter et les mécanismes à mettre sur pied pour qu'elles jouent un rôle plus dynamique au sein de leur communauté.

9h00 à 10H30 ATELIER A

LA GESTION DE LA P.M.E., DÉVELOPPEMENT DE L'ENTREPRENEURSHIP

Les petites et moyennes entreprises ont besoin de partager entre elles leurs expériences. Plusieurs de ces entreprises ne connaissent pas les différents programmes ou moyens pour améliorer leur gestion et leur productivité. L'atelier aidera les participants(es) à prendre connaissance de l'importance d'une bonne gestion dans la réussite d'une P.M.E.

PERSONNES-RESSOURCES: M. Charles Arsenault, propriétaire, Éditions Champlain Ltée, Toronto (Ontario)

M. Gaston Plourde, directeur général, Entraide P.M.E. Inc., Québec (Québec)

10h45 à 12h15 ATELIER B

LES ASSOCIATIONS DE GENS D'AFFAIRES EXISTANTES ET POSSIBLES

Les gens d'affaires en milieux francophones hors Québec commencent à se regrouper ensemble afin d'améliorer leur impact sur l'économie. Les associations de gens d'affaires ou les conseils économiques sont des types possibles de regroupement. D'autres formules pourront être examinées lors de cet atelier. Les participants(es) se pencheront sur l'efficacité de tels regroupements selon la situation particulière qui existe dans leur province.

PERSONNES-RESSOURCES:

M. Alphée Michaud, conseiller économique, Conseil des premiers ministres des provinces des maritimes, Caraquet (Nouveau-Brunswick)

M. Dollard Landry, directeur général, Conseil économique acadien du Nouveau-Brunswick, Moncton (Nouveau-Brunswick)

14h00 à 15h30 ATELIER C

LE MONDE DES AFFAIRES ET LES TYPES DE FINANCEMENT DISPONIBLES

Les petites et moyennes entreprises connaissent insuffisamment les diverses sources de financement disponibles. Comment peut-on améliorer la diffusion de cette information auprès des entreprises francophones hors Québec? On cherchera également à mieux renseigner les personnes présentes sur les façons de présenter leurs demandes de financement auprès des institutions privées et gouvernementales. Les participants(es) pourront s'interroger sur la flexibilité ou l'inflexibilité des sources de financement compte tenu des disparités régionales.

PERSONNES-RESSOURCES:

M. Jean-Pierre Gosselin, gérant régional, Banque Nationale, Ottawa (Ontario)

M. Gilles Hanfield, vice-président exécutif, Crédit industriel, Confédération des caisses populaires, Montréal (Québec)

M. Normand Lévesque, Ministère d'État à la petite entreprise, Ottawa (Ontario)

M. ALPHEE MICHAUD LES ASSOCIATIONS DE GENS D'AFFAIRES EXISTANTES ET POSSIBLES

Chers amis;

Tenter de démontrer la nécessité des associations ou regroupements, ça me semble un peu futile, puisque votre seule présence ici même démontre mieux que tout votre croyance en ceux-ci. Aussi, j'aimerais tout simplement vous livrer mes impressions personnelles à titre de collègue, principalement quant à la nécessité et aux buts visés par les regroupements.

Pour terminer, je vous entretiendrai des qualités à rechercher au sein d'une organisation afin d'assurer son efficacité avec quelques exemples à l'appui.

Je sais, tous sont déjà convaincus de la nécessité de l'association à deux ... et bien plus, du plaisir qu'on peut en retirer... je parle ici bien entendu du couple époux et épouse. Faute d'être toujours souhaitable, c'est une association certes désirable . . .

On connaît aussi la doctrine philosophique de l'association basée sur la contiguïté et la loi de l'association en algèbre.

Qui plus est, dans un contexte historique, on peut retracer la marche et le progrès des hommes et des femmes à travers les temps en faisant un parallèle avec leurs associations, leurs regroupements et leurs alliances. À titre d'exemple, les Égyptiens, les Grecs et puis, tout près de nous, les Japonais sont sortis du Moyen-Age, au 19e siècle, après s'être ouverts à l'Occident.

Sur une base strictement économique, les compagnies et les coopératives toutes dernières nées et pleines de promesses reposent sur le principe de l'association, sur la multitude de leurs membres. De toute façon, le "one man show" n'existe plus en affaires à notre époque! Comment a-t-on pu oublier le caractère de l'homme qui est celui d'un animal grégaire!

Mais revenons sur terre en véritable homme d'affaires pratique et énumérons tout au moins les réalités très simples comme celles reconnaissant qu'il y a bien plus d'idées dans plusieurs têtes que dans une seule. Que les associations favorisent les échanges et le civisme; en effet l'homme a tôt appris qu'il voulait commercer. Le commerce, c'est bien connu, diminue les différences et accentue les ressemblances, il tend à rendre l'homme plus pacifique et plus cultivé. Messieurs Campeau et Desmarais ont très tôt appris la nécessité des bonnes relations à tous les niveaux pour faire de bonnes affaires. Monsieur Desmarais aurait sûrement beaucoup à nous apprendre sur la façon d'approcher les soeurs (grises) ... il devait s'y connaître, un peu au moins, en psychologie et en bonnes oeuvres . . .

Monsieur Campeau, quant à lui, est un grand ami de Monsieur Desmarais et de M. Pierre Elliot Trudeau . . . tout ceci pour évoquer la valeur des relations publiques et des contacts Serait-ce vrai que le succès dépend de "qui" l'on connaît et non pas de ce qu'on connaît?

Évidemment les associations permettent d'échanger des idées, d'en susciter des nouvelles, de découvrir d'autres manières de fonctionner et d'autres trucs. Elles permettent aussi d'entrevoir des horizons nouveaux et d'élaborer de nouveaux projets.

Aussi, il va de soi que ces regroupements améliorent nos connaissances et notre perspective des affaires et de l'économie en général. Il va sans dire que les échanges et les amis qu'on se fait par les mêmes occasions nous rendent plus sociables, qualitéessentielle pour l'échange et le commerce quoi! Aussi tout ceci nous motive et nous stimule. Enfin ça rend la vie tellement plus agréable.

Avant de terminer ce chapitre j'aimerais mentionner un aspect important de l'association, soit celui d'un moyen de pression et de lobbying auprès des instances concernées. Généralement plus on est nombreux et mieux on sait passer notre message, meilleurs seront les résultats.

Les buts visés

En un sens, c'est un peu tout ce que je viens de vous dire plus haut, l'échange d'idées, la source d'information, le lobbying et ses trucs, les relations publiques et la publicité concomitante ainsi que l'éducation des nôtres dans le sens large du mot. Ici, je pense entre autres au catholicisme et à notre culture qui associent l'homme d'affaires au riche pour qui il est plus difficile de pénétrer dans le royaume des deux qu'il l'est pour un chameau de passer dans le chas d'une aiguille. On se retrouve ainsi avec beaucoup de gens nobles, beaux et honnêtes dans les professions libérales et des restants très louches dans les affaires. On est gêné de parler d'économie et de "piastres" car, ce faisant, on s'associe aux yeux du peuple, aux exploitants sans morale et sans scrupule. Je parle ici en connaissance de cause ayant déjà connu la noblesse - j'ai pratiqué la médecine quelques années - mais maintenant je le sens trop bien, je ne suis qu'un homme d'affaires sans idéal.

Une chose est certaine, on n'a pas de tradition en affaires, on représente la première génération, par opposition aux professions libérales qui s'exercent chez nous habituellement de père en fils, car on en est fier.

N'ayant pas de tradition et trop peu de personnes intéressées et qualifiées, nous manquons énormément de compétences.

Voici quelques-unes des raisons pour lesquelles nous devrions instituer un programme d'information et d'éducation visant à atteindre les adultes aussi bien que les écoliers afin d'établir une plus juste notion des affaires et, par voie de conséquence, cette continuité qui fait tellement défaut chez nous.

Et finalement un mot sur les qualités à rechercher au sein d'une organisation avec quelques modèles types:

Je pense bien qu'on doit en général joindre un organisme bien établi qui a de l'expérience susceptible d'attirer des personnes ressources et capable de stimuler les échanges et l'émergence de nouvelles idées. Il faudra aussi être bien structuré, posséder un personnel cadre dévoué, connaissant et ayant le sens de l'organisation; il doit aussi être en mesure d'établir des contacts et des échanges avec les dirigeants aussi bien qu'avec les gens en général par l'entremise des médias ou autrement. Il faudra enfin que le tout repose sur une base solide, soit un nombre important de membres représentatifs. En somme, l'efficacité d'une bonne organisation est en fonction de ses membres et de sa structure.

Ceci dit, je recommanderais aux hommes d'affaires de devenir membres de l'association locale d'abord et de toute nécessité, ensuite régionale puis enfin nationale, si possible.

À titre d'exemple, tous connaissent les Chambres de Commerce. Celles-ci jouent un rôle assez important à l'heure actuelle, elles ont une base très impressionnante, mais elles représentent mal nos intérêts au niveau national.

L'Association des Manufacturiers canadiens me semble intéressante, de même que l'Association de la petite entreprise, mais ces deux dernières ont un champ d'action très restreint. Enfin en Acadie on vient tout juste de former le Conseil Économique du Nouveau-Brunswick, qui s'est adjoint les services d'un économiste et d'une secrétaire. Il est certainement très près de nous et je crois donc qu'il saura rendre de grands services.

Et voilà, très brièvement, en espérant que ces associations ou regroupements nous conduiront non seulement aux échanges d'idées, mais surtout au désir de nous entraider pour édifier tous ensemble une société meilleure répondant aux aspirations des nôtres. Le jour où nous aurons compris ce principe fondamental qui consiste à nous regrouper, à nous unir et à nous entraider, on viendra frapper à nos portes et nous, nous contrôlerons enfin notre destinée économique.

M. DOLLARD LANDRY : LES ASSOCIATIONS DE GENS D'AFFAIRES EXISTANTES ET POSSIBLES

TYPES D'ASSOCIATIONS

II existe toute une gamme d'associations de gens d'affaires. Ces associations se différencient soit par leurs caractéristiques spatiales, (c'est-à-dire, elles sont locales, régionales, provinciales ou nationales), ou soit par les objectifs poursuivis.

DÉFINIR SES BESOINS

Tout groupe de gens d'affaires qui désire se former une association doit d'abord établir clairement la nature de l'association à former, le territoire à couvrir et les objectifs primaires et secondaires à atteindre.

Par exemple, si on désire offrir des services spécifiques dans le secteur industriel, dans une région donnée, l'outil serait une Commission industrielle régionale. Si l'on désire un regroupement local qui s'intéresse à l'économie en général d'une localité, l'outil serait soit une association locale, ou une Chambre de Commerce. Si le service à offrir est spécifique en terme d'action, exemple: le marketing, alors on peut penser à une association du genre "Atlantic Canada Plus". Si le service requis se rattache à un secteur spécifique, il faut penser à une association de secteur, exemple: Fédération agricole.

UN CONSEIL ÉCONOMIQUE

L'objectif d'un conseil économique est normalement de regrouper des gens de tous les secteurs s'intéressant au développement économique, afin de favoriser par divers moyens ce développement. Il est possible de nommer des représentants de divers secteurs, comme le fait le Conseil Économique du Canada, et sans avoir un membership à la base. Il est également possible que ce Conseil Économique soit formé à partir de membres, comme c'est le cas pour APEC et le Conseil Économique du N.-B. Inc.

Le Conseil Économique du N.-B. Inc. est donc une association incorporée au N.-B. regroupant les hommes et femmes d'affaires et personnes intéressées aux affaires de la communauté francophone du N.-B. Son objectif est de promouvoir le développement économique de ses membres et de l'ensemble de la communauté, d'aider les membres à mieux se connaître, d'établir un moyen de communication entre eux, et de contribuer au perfectionnement des ressources humaines.

Le conseil se veut indépendant et apolitique. Parmi ses membres se retrouvent des entreprises de toute grosseur et de différents secteurs de l'économie, des associations à buts non-lucratifs et des individus intéressés aux affaires économiques de la communauté francophone de la province du N.-B.

À partir du membership, le Conseil se donne une structure, c'est-à-dire, un Conseil d'Administration, un exécutif, et se nomme des comités selon les besoins.

SES MOYENS D'ACTION

II existe normalement plus d'un moyen pour atteindre un objectif. C'est alors au Conseil de choisit ses moyens d'action. Pour le Conseil Économique du N.-B., sept principes furent d'abord définis, il s'agit de: (1) répondre aux besoins des nombres; (2) être toujours positifs; (3) être un agent de communication; (4) devenir le porte-parole de la communauté économique francophone du N.-B.; (5) apprendre à se connaître; (6) promouvoir la fierté d'être du monde des affaires, (7) viser l'indépendance financière du Conseil à moyen terme.

Le Conseil choisit les activités et les services suivants pour atteindre ses objectifs: (a) 12 bulletins par année; (b) séminaires; (c) conférences; (d) diverses rencontres; (e) porte-parole auprès des gouvernements; (f) recherches sur l'économie du N.-B.; (g) sources d'information et de renseignements.

HISTORIQUE

Le Conseil Économique du N.-B. fut fondé en 1979. Jusqu'à tout récemment, il portait le nom de "Conseil Économique Acadien du N.-B." Il est formé de membres qui sont soit des gens d'affaires ou des personnes intéressées et impliquées en affaires. Le recrutement de membres doit en effet recommencer à chaque année, puisque les cotisations se paient sur une base annuelle, et déjà en 1982, 280 ont payé leurs cotisations. Depuis le 1er avril 1981, je suis au Conseil comme directeur général, prêté par le MEER pour une période de trois (3) ans.

LES DÉFIS À RELEVER

Pour que le Conseil Économique du N.-B. se développe, un nombre de défis sont à relever. Il s'agit, entre autres, de (1) maintenir l'intérêt des membres: l'intérêt peut être retenu si des services sont rendus aux membres, comme les informations données par le Bulletin, ou l'organisation de colloques, ou des représentations auprès des gouvernements. (2) Voir au recrutement: d'abord, il faut voir au renouvellement des cotisations à chaque année, et deuxièmement, trouver des nouveaux membres. (3) Voir au financement: il en coûte un minimum de $100,000 par année pour opérer un secrétariat, payer les salaires, loyers, dépenses de bureau et dépenses pour Bulletins et autres activités. (4) Éviter les divisions internes: c'est sans doute le plus grand danger d'une association provinciale à base de membership. Il faut alors éviter de se prononcer sur des questions de natures locales qui pourraient résulter en des déchirements. (5) Élaborer des positions claires et défendables: par la recherche et la participation des membres, le Conseil doit obtenir une crédibilité auprès des gouvernements par la qualité de ses positions, et auprès des membres par leur participation.

GILLES HANDFIELD : LES TYPES DE FINANCEMENT DISPONIBLES AU MONDE DES AFFAIRES

Je remercie la Fédération des Francophones hors Québec de m'avoir invité à participer à cet atelier de travail portant sur la description des principaux types de financement disponibles au monde des affaires.

Je félicite également votre Fédération pour cette initiative car il s'agit là d'un sujet fort important pour les gens d'affaires qui désirent administrer des projets économiques dans leur communauté.

Je vais donc essayer de vous brosser un tableau sommaire des divers modes de financement possibles en laissant pour la discussion toute précision qui pourrait être nécessaire sur un sujet particulier. Le financement des entreprises

On regroupe généralement en deux grandes catégories les diverses sources de financement des entreprises: les sources internes comprenant les bénéfices réinvestis dans l'entreprise et l'amortissement des immobilisations de même que les sources externes comprenant le crédit fournisseur, les capitaux d'emprunt et la participation à la propriété de l'entreprise sous forme de souscription au capital-actions ou de parts sociales dans le cas des coopératives.

Les capitaux d'emprunt à leur tour se divisent selon l'échéance de l'emprunt: on aura donc les capitaux à court terme (moins d'un an), les capitaux à moyen terme (de un à trois ans), et les capitaux à long terme (plus de trois ans).

Dans cet exposé, j'aimerais vous présenter surtout le financement externe des entreprises sous forme de dettes aussi bien à court terme (dans les banques et les institutions d'épargne et de crédit) qu'à moyen et long terme; considérant la spécificité de CID, je vous présenterai principalement le financement à moyen et long terme de l'entreprise. Nous regarderons surtout quelles sont les sources de tels financements, les outils ou types de financement les plus populaires, les critères d'évaluation du crédit d'un emprunteur, et finalement les garanties exigées par les institutions oeuvrant dans cette sphère spécialisée.

Le financement externe à court terme des entreprises

Les besoins de financement à court terme sont surtout occasionnés par la nécessité de supporter les inventaires de matières premières et de produits finis, les coûts de transformation et les comptes à recevoir. En d'autres termes, c'est parce qu'il y a nécessairement un décalage dans le temps entre le moment où les coûts sont encourus et le moment où une entreprise perçoit le produit de ses ventes qu'il y a nécessité de financement externe couvrant ce laps de temps. Certains besoins très particuliers peuvent aussi imposer le recours aux emprunts à court terme: le financement des exportations, le financement temporaire des projets ou l'attente de subventions.

De tels financements peuvent être obtenus par une entreprise en plaçant en garantie les comptes à recevoir eux-mêmes ou les inventaires. Ces marges de crédit s'obtiennent d'une institution financière par des billets, des transport:, de créances, un acte de fiducie ou un contrat de vente conditionnelle. En certaines circonstances, l'institution prêteuse exigera une garantie supplémentaire sous forme d'endossement des principaux actionnaires ou de l'assurance-vie. Les termes de remboursement de tels prêts sont fondés sur les mouvements de trésorerie plus que sur la rentabilité à long terme de l'entreprise et sont suffisamment souples pour s'adapter aux besoins saisonniers ou autres de l'entreprise-client. Les actifs mis en garantie sont ordinairement évalués sur la base de la valeur aux livres.

Les sources de fonds à court terme sont très nombreuses et diversifiées. Cependant, les banques à charte occupent de loin le premier rang bien qu'il soit difficile de définir clairement les parts de marché respectives des divers types d'institutions prêteuses. Les fournisseurs qui consentent des conditions de paiement à leurs clients représentent également une source importante de fonds à court terme. Depuis quelques années, le "factoring" (affacturage) prend de la popularité et certaines P.M.E. ont recours ainsi à la vente de leurs comptes à recevoir dans le but de soulager leur marge de crédit, surtout lorsque l'entreprise est en pleine expansion.

LE FINANCEMENT EXTERNE À MOYEN ET LONG TERME DES ENTREPRISES

Le prêt à terme aux entreprises est un type de financement variant de un à quinze ans: il constitue une alternative intéressante pour une P.M.E. à émission publique d'obligations dont les frais fixes sont souvent trop importants pour que l'entreprise ait accès à ce marché.

A. Nature du financement à terme

L'objectif principal d'un prêt à terme est de financer l'achat, la construction, la rénovation ou l'agrandissement d'immobilisations; l'achat d'équipements ou d'outillages; le refinancement de dettes; l'acquisition d'un concurrent ou l'amélioration du fonds de roulement. Le prêt à terme permet donc de diminuer les pressions sur le fonds de roulement d'une entreprise en répartissant une dette sur une plus grande période.

Ce type de financement est consenti directement par une institution financière à une entreprise et comporte des conditions établies à l'avance pour toute la durée du prêt.

B. Outils de financement à terme

Les principales formes de financement à terme sont le nantissement commercial, l'acte de fiducie, l'hypothèque, le contrat de vente conditionnelle et le crédit-bail.

C. Critères d'évaluation du crédit d'une entreprise

I) La direction

Le principal critère qu'un prêteur à terme évalue est la capacité de la direction d'une entreprise, c'est-à-dire les données d'ordre quantitatif et qualitatif sur le personnel de direction et sur les principaux actionnaires. L'administration en place constitue, en fait, l'un des critères les plus importants, car nous devons dissocier et analyser séparément la compétence technique à diriger l'entreprise et la compétence administrative nécessaire à la gestion de l'entreprise. L'oeil critique qu'un prêteur à terme porte sur la qualité de gestion d'une entreprise en fait un véritable partenaire de l'entrepreneur.

II) Le projet et son financement

Le prêteur à terme cherchera ici à avoir une description précise du projet de l'emprunteur, de l'utilisation des fonds empruntés, des méthodes d'évaluation des besoins de financement, etc . . .

III) La capacité de remboursement

L'établissement et la vérification de la capacité d'une entreprise à rencontrer le service de la dette peut sembler, à première vue, un processus relativement simple, mais dans les faits cette activité englobe, entre autres, l'analyse et le contrôle de tous les renseignements financiers, l'application de différents ratios financiers (fonds de roulement, le rapport dette/équité, le rendement du investi, etc . . .) qui serviront de points de référence et de comparaison pour évaluer la santé financière de l'entreprise.

En somme, il s'agit pour le prêteur à terme d'avoir une image claire non seulement de la rentabilité passée et présente d'une entreprise, mais aussi d'entrevoir le plus précisément possible ses perspectives d'avenir.

IV)Les garanties matérielles

Une évaluation minutieuse des actifs donnés en garantie dans le but d'en définir une valeur marchande et une valeur de liquidation.

D.Conditions d'un prêt

Tout cet exercice vise à définir le niveau de risque représenté par un emprunteur, le taux d'intérêt qui lui sera demandé et les autres garanties ou clauses restrictives (concernant la disposition d'actifs, le maintien de certains ratios financiers, etc . . .) que le prêteur imposera à l'emprunteur.

Il faut avoir toujours présent à l'esprit que le rôle du financier se distingue de celui de l'investisseur qui doit prendre les risques du propriétaire et profite de la plus-value de son investissement. Pour sa part, le financier ne retirera d'un prêt que le taux d'intérêt convenu à l'origine du prêt, jamais plus.

Si l'élément "confiance" doit toujours être présent dans le financement d'entreprises comme dans toute forme de crédit, il faut toujours pondérer ce facteur par les critères objectifs qui apparaissent dans une étude attentive des états financiers de l'emprunteur.

E. L'administration continuelle des prêts aux entreprises: une nécessité

La responsabilité du prêteur à terme se situant sur une longue période, parfois jusqu'à 15 ans, il devient obligatoire qu'il mette en place tous les systèmes administratifs requis pour assurer un suivi constant sur les prêts consentis: maintenance des assurances prévues, analyse régulière des états financiers de l'emprunteur, entretien adéquat de la machinerie, perception régulière des remboursements, saisie des garanties si nécessaire, etc ... sont des exemples concrets d'opérations qui découlent tout naturellement d'un prêt et auxquelles il faut apporter une attention aussi grande que dans la sélection même du prêt.

Le financement des entreprises une spécialité

En terminant, permettez-moi de vous rappeler que le crédit commercial et industriel constitue une spécialité très exigeante qui requiert un personnel compétent et une vigilance de tous les instants ainsi que des sources de capitaux importantes. Les entreprises sont très sensibles aux fluctuations des cycles économiques et en conséquence, leur faire crédit implique le suivi de leurs opérations régulièrement et pendant longtemps après qu'un crédit eut été consenti.

Finalement, rappelons que les institutions financières ne sont que des intermédiaires entre les épargnants et les emprunteurs. Ce ne sont pas les institutions financières qui déterminent les taux d'intérêt mais bien les conditions du marché et les politiques économiques gouvernementales.

Les institutions financières ne tirent pas leurs profits du niveau des taux d'intérêt, mais plutôt de l'écart entre les taux obtenus des emprunteurs et ceux versés aux épargnants. Au surplus, il faut rappeler que des profits suffisants sont nécessaires à toute institution financière pour obtenir des capitaux permanents qui par effet de levier permettront un volume accru de capitaux à prêter.

Je vous remercie de votre attention.

M. J.N. LEVESQUE

Il me fait grandement plaisir d'être parmi vous aujourd'hui lors de ce colloque sur l'économie. Laissez-moi d'abord vous féliciter pour une telle initiative qui permet aux principaux intervenants socio-économiques francophones hors Québec d'échanger des idées et de chercher des solutions aux problèmes de la PME, qui doit présentement faire face à une conjoncture économique difficile.

À la fin d'avril, le "Conference Board du Canada", grâce en partie à l'aide financière du secrétariat de la petite entreprise, publiait pour la première fois les résultats provenant d'une enquête auprès de 4,000 petites et moyennes entreprises, en plus des 240 grandes entreprises déjà comprises dans leur échantillonnage. L'étude prédit une sérieuse récession pour les premiers six (6) mois de 1982. Les hommes d'affaires en général, s'attendent à une stagnation dans les ventes, à des profits inférieurs à l'an passé ainsi qu'à un plus haut taux de chômage. Les propriétaires de petites entreprises cependant démontrent un certain optimisme en espérant voir leur volume des ventes s'accroître, leur profit se maintenir, leur personnel augmenter et leurs investissements reprendre.

Cet exemple illustre qu'il peut y avoir des différences viscérales entre la grande entreprise et la PME et que les différents paliers du gouvernement, les institutions financières, les groupes de pression et les académiciens se doivent d'être de plus en plus sensibilisés et se pencher sur les problèmes réels de la PME. Tous ces intervenants, sans oublier le petit homme d'affaires lui-même, se doivent de mettre la main à la pâte et de tenter de trouver ensemble les solutions aux problèmes de rentabilité des PME. Ces multiples problèmes sont internes et externes et nous tenterons d'en identifier les plus importants.

D'abord, examinons ensemble quelques données sur la contribution de la PME à la croissance et à l'expansion économique du Canada. Il y a plus de 1,200,000 petites et moyennes entreprises au Canada, représentant 97% de toutes les entreprises canadiennes, avec un volume de ventes de plus de $200 milliards. Ces PME fournissent plus de 64% de tous les emplois et sont responsables de 17% des exportations directes. Fait très intéressant, 99% de toutes ces entreprises sont contrôlées par des Canadiens.

Le secrétariat n'a pas la prétention de connaître la recette qui peut améliorer la rentabilité des entreprises car, si c'était le cas, tous ses membres se lanceraient à pied levé dans le secteur privé. Cependant, le secrétariat, toujours à l'écoute des PME, s'est rendu compte que la rentabilité ne résulte pas d'une mais de plusieurs causes.

La rentabilité donc peut dépendre de:

1) L'environnement économique

Les PME souffrent énormément du haut taux d'inflation, des taux d'intérêts élevés. Les faillites commerciales, quoique représentant encore moins de 1 % de toutes les entreprises, sont à la hausse.

2) Du financement

Les PME semblent avoir de la difficulté à obtenir du fonds de roulement et du capital-risque. Le financement d'une PME devient de plus en plus difficile et complexe et les propriétaires ne sont pas toujours au courant des mesures à prendre.

3) De la fiscalité

La fiscalité canadienne est d'une complexité extrême et les règles du jeu changent fréquemment. La plupart des propriétaires de PME ne peuvent connaître toutes les mesures inactives.

4)La gestion

Une bonne gestion est la clef du succès et de rentabilité. Il y a encore trop de décisions qui sont basées sur un optimisme intuitif; encore trop de réticence à recourir aux compétences extérieures. Trop souvent, les propriétaires de PME manquent d'expérience ou possèdent une formation inadéquate.

5) La disponibilité et coûts de la main-d'oeuvre compétente

Les coûts de la main-d'oeuvre augmentent sans cesse de même que les coûts des initiatives d'ordre social, comme les pensions, etc . . . La PME a beaucoup de difficulté à concurrencer avec les grandes sociétés.

6) La paperasserie et réglementation

Quoique la PME ait des ressources financières et humaines très limitées, elle fait face au même volume de rapports et elle est soumise à la même réglementation que la grande entreprise.

7) La technologie

La PME n'a pas toujours accès à la nouvelle technologie et même si elle y a accès, elle peut trouver les coûts prohibitifs. La PME doit se réadapter rapidement à ce nouveau phénomène.

8) L'information

La PME se plaint souvent qu'elle n'a pas accès à l'information sur les programmes d'aide. Cependant, fait-elle sa part ou se contente-elle d'attendre que l'information l'atteigne?

J'ai tenté d'énumérer que quelques-uns des problèmes majeurs qui confrontent la P.M.E. Les gouvernements, à quelque palier que ce soit, jouent un rôle important, de même que des institutions financières mais un fait demeure. C'est au propriétaire lui-même, celui qui a décidé de se lancer en affaire, de prendre le risque; c'est à lui, et à personne d'autre, qu'incombe la responsabilité de rentabiliser l'entreprise.

Ceci étant dit, examinons maintenant ensemble quelques mesures ou programmes mis en place par le gouvernement fédéral qui peuvent aider à rentabiliser les PME.

1) La loi sur Ses prêts aux petites entreprises.

Le gouvernement fédéral garantit certains prêts que les institutions financières consentent aux petites entreprises pour l'achat ou la modernisation d'installations ou d'équipement.

2) Les obligations de petites entreprises (OPE).

Cette mesure, proposée au budget fédéral du 12 novembre 1981, permet aux petites entreprises en proie à des problèmes financiers sérieux de réduire jusqu'à 50% le montant des intérêts sur leurs emprunts.

3) Programme d'expansion des entreprises (PEE).

Ce programme est conçu pour aider les entreprises, notamment les petites et les moyennes, à entreprendre des projets innovateurs ou des projets d'adaptation comportant des risques assez élevés, mais susceptibles de produire des taux de rendement intéressants par rapport à l'investissement total.

4) Programmede développement des marchés d'exportation (PDME).

Ce programme encourage et aide les compagnies canadiennes à percer sur de nouveaux marchés d'exportation ou à élargir leurs marchés étrangers par le biais d'une aide financière lorsque le risque demande à être partagé. Les contributions sont remboursables si des ventes à l'exportation sont effectuées.

5) Banque fédérale de développement (BFD).

Cet organisme fournit des services financiers et administratifs presque exclusivement aux petites entreprises, plus particulièrement à celles qui n'ont accès à aucune autre source de financement, à des conditions raisonnables. Les formes de financement offertes comprennent les prêts, garanties de prêts et participation au capital-actions.

Ces programmes gouvernementaux, ajoutés aux efforts des entrepreneurs, des institutions financières, des chercheurs, des associations, contribuent à l'amélioration de la rentabilité des PME.

La Banque fédérale de développement possède plus de 100 établissements à travers le pays. Le ministère de l'Expansion économique régionale en a plus de 30, tandis que le ministère de l'Industrie et du Commerce a 10 centres d'information dans chacune des capitales. Quoiqu'il y ait encore beaucoup d'amélioration à apporter à la dissémination de l'information, des efforts constants sont faits. La PME, la principale actrice, doit aussi faire des efforts pour se tenir informée de tous les moyens qui pourraient la rendre encore plus rentable. Je vous invite à visiter notre kiosque, à vous documenter sur les différents programmes mis à la disposition des PME canadiennes et même à discuter de vos problèmes particuliers avec notre personnel.

Le gouvernement fédéral a élaboré un plan d'action pour la PME en 1982. Une nouvelle stratégie pour la PME sera développée tandis que l'on accentuera le programme de recherche sur la problématique de la PME et sur les solutions. On envisage un accroissement du rôle de la Banque fédérale et un meilleur accès aux programmes fédéraux dans les régions. On prônera une meilleure collaboration entre les gouvernements, le secteur privé, les institutions financières, et les associations. En terminant, j'estime avoir beaucoup appris à votre contact et j'ose espérer que cette rencontre sera la première de plusieurs autres à venir.

Merci

COMPTE-RENDU DES DISCUSSIONS EN ATELIERS

THÈME III: L'ENTREPRISE

L'entreprise, et plus particulièrement la petite entreprise (P.M.E.), sera sûrement un des éléments importants de toute stratégie de développement économique des Francophones hors Québec. Il importe pour nous d'exploiter comment nous pouvons rendre notre P.M.E. encore plus rentable, de découvrir les programmes et les services qui existent et qui sont aptes à nous être d'une utilité considérable et de discuter des moyens par lesquels nous pouvons nous entraider mutuellement.

L'entreprise requiert "l'entrepreneurship" ou l'esprit entreprenant, c'est-à-dire le goût d'un certain risque. Contrairement à ce que beaucoup pensent, l'entrepreneurship n'est pas un trait héréditaire; il se développe, se prépare, s'apprend et nous verrons ensemble qu'un tas de facteurs influencent le succès ou non d'une entreprise. Évidemment, nous ne pourrons répondre à toutes les questions mais nous devons au moins nous imposer trois (3) obligations:

ATELIER A: LA GESTION DE LA P.M.E., DÉVELOPPEMENT DE L'ENTREPRENEURSHIP

M. Charles Arsenault, propriétaire Éditions Champlain Ltée Toronto, Ontario

M. Arsenault illustre pour nous, avec l'aide d'un exemple tiré du "Choc du futur" d'Alvin Toffler, que de nos jours, tout change tellement vite qu'il devient de plus en plus difficile de faire des projections pour investir correctement et de bien planifier le développement d'une entreprise. Malgré ce climat d'incertitude, le rêve d'une personne ambitieuse demeure toujours d'avoir son propre commerce, de gagner sa vie de façon indépendante.

Pour que le rêve devienne réalité, pour qu'un projet d'entreprise ait une chance de succès, certains facteurs doivent être considérés; entre autres il faut:

Aujourd'hui plus que jamais chaque facteur peut jouer un rôle déterminant dans le succès éventuel ou la faillite de l'entreprise.

Il était un temps ou le mot d'ordre était: "Emparons-nous du sol"; aujourd'hui, il faut s'emparer de l'industrie en multipliant les P.M.E. profitables dans nos communautés. Gaston Plourde, directeur général, Entraide P.M.E Inc., Québec, Québec

M. Plourde nous explique qu'en 1970, le gouvernement du Québec commandite une étude qui soulève les problèmes principaux préoccupant les gens d'affaires vivant à l'extérieur des grands centres du Québec. Les deux préoccupations majeures sont les suivantes: l'absence d'une relève pour assurer une continuité des commerces établis et l'absence de programmes pour aider l'entrepreneur à gérer son entreprise de façon convenable.

l'Entraide P.M.E. Inc. a été créée pour combler ces deux (2) lacunes et avec les objectifs suivants:

Les services offerts par l'Entraide P.M.E. sont les suivants:

En réponse à des questions de participants à l'atelier certaines précisions furent ajoutées: la plupart des entreprises-membres sont des industries manufacturières puisque les besoins en capital de ce genre d'industries sont souvent beaucoup plus importants. Pour assurer une relève aux entrepreneurs existants, l'Entraide P.M.E. Inc. recrute des personnes intéressées à investir dans une entreprise, soit en achetant une entreprise existante, soit en devenant partenaire d'un entrepreneur en affaires; finalement, l'Entraide P.M.E. Inc. n'accepte pas comme membre une entreprise qui est directement en concurrence avec une entreprise-membre.

ATELIER B - LES ASSOCIATIONS DE GENS D'AFFAIRES EXISTANTES ET POSSIBLES

M. Alphée Michaud, conseiller économique, Conseil des premiers ministres des provinces maritimes, Caraquet, Nouveau-Brunswick

D'après cet homme d'affaires du Nouveau-Brunswick, le "one man show" n'existe plus en affaires à notre époque.

De là vient, donc, la nécessité de coopérer, de communiquer et d'échanger entre gens d'affaires et peut-être particulièrement dans les communautés francophones.

Les associations permettent d'échanger des idées et aussi de les tester, d'établir des contacts; en plus, elles évoquent la valeur des relations publiques en nous rendant plus social, caractère nécessaire pour le commerce.

M. Michaud, enfin, soulève le problème de la mauvaise image des gens d'affaires. Ceux-ci sont généralement perçus comme des personnes sans scrupules. Il faut faire en sorte que nos jeunes connaissent mieux l'importance du monde des affaires dans notre société pour qu'ils valorisent de plus en plus ce domaine d'activité. Enfin, si les Francophones doivent contrôler leur destin, il faudra qu'ils assument un plus grand contrôle sur leur économie.

M. Dollard Landry, directeur général Conseil économique du Nouveau-Brunswick Moncton, Nouveau-Brunswick

M. Landry nous a décrit la nature et la fonction du Conseil économique qu'il dirige en nous expliquant l'utilité de ces genres d'associations.

Le Conseil est à l'origine d'une foule d'actions dans le but d'atteindre ses objectifs. D'abord, il publie un bulletin mensuel qui dispense de l'information sur les programmes gouvernementaux qui s'appliquent aux entreprises, rapporte les activités du Conseil et décrit des entreprises appartenant à des Francophones et connaissant un certain succès. Ensuite, il organise des colloques, et des conférences pour le bénéfice de ses membres. En plus, il agit comme porte-parole auprès du gouvernement et initie des recherches sur l'économie.

Le Conseil a réussi à obtenir pour lui-même une certaine stabilité et crédibilité lorsque le M.E.E.R. a accepté de lui prêter un de ses fonctionnaires pour une période de trois (3) ans.

Par la suite, la période de questions fit ressortir les points suivants:

ATELIER C - LE MONDE DES AFFAIRES ET LES TYPES DE FINANCEMENT DISPONIBLES

M. Jean-Pierre Gosselin, directeur régional, Banque Nationale, Ottawa (Ontario)

La langue est probablement l'organe de financement la plus utilisée quoique souvent très mal utilisée.

Parmi les services offerts par les institutions financières aux entreprises, on retrouve la marge de crédit, souvent utilisée pour financer les recevables ou une partie des inventaires de l'entreprise et les prêts à long terme tels les hypothèques, le crédit-bail, les prêts sur les actifs et la lettre de crédit. Des services en informatique sont aussi offerts mais surtout à la grande entreprise à cause des coûts impliqués.

M. Gosselin souligne l'importance pour l'entrepreneur d'entretenir des relations soutenues avec son banquier. Il est essentiel de discuter avec ce dernier de l'éventail des services disponibles afin de déterminer lequel ou lesquels répondent le mieux aux besoins de l'instant.

Une étude récente démontre clairement que les institutions financières ne traitent pas de façon différentes les P.M.E. que les grosses entreprises; par contre, les demandes provenant de P.M.E. sont plus souvent refusées que celles provenant de grosses entreprises mais cela est dû à une préparation inadéquate. Il serait souvent à davantage de l'entrepreneur de préparer sa demande de financement en collaboration avec son comptable pour s'assurer que tous les détails pertinents sont couverts.

Si tous ces points sont respectés, la relation entrepreneur-banquier devrait être de beaucoup améliorée.

M. Pierre Lagueux, adjoint au vice-président, Crédit industriel, Confédération des caisses populaires, Montréal (Québec)

On regroupe généralement en deux grandes catégories les diverses sources de financement des entreprises: les sources internes comprenant les bénéfices réinvestis dans l'entreprise et l'amortissement des immobilisations de même que les sources externes comprenant le crédit fournisseur, les capitaux d'emprunt et la participation à la propriété de l'entreprise sous forme de souscription au capital-actions ou de parts sociales dans le cas des coopératives.

M. Lagueux nous exposa surtout les sources de financement à moyen et long terme, les outils ou types de financement les plus populaires, les critères d'évaluation du crédit d'un emprunteur, et finalement les garanties exigées par les institutions oeuvrant dans ce domaine.

Finalement, il fut noté que les institutions financières ne sont que des intermédiaires entre les épargnants et les emprunteurs et que les taux d'intérêt sont déterminés par les conditions du marché et les politiques économiques gouvernementales. Les profits résultent de l'écart entre les taux obtenus des emprunteurs et ceux payés aux épargnants et non des taux eux-mêmes.

M. J.N. Lévesque, Ministère d'État à la petite entreprise, Ottawa (Ontario)

M. Lévesque commence par nous livrer les résultats d'une enquête faite auprès de 4000 P.M.E. par la Conference Board of Canada. Cette enquête fit ressortir une divergence importante entre les grosses entreprises et les P.M.E.; tandis que les premières envisageaient l'avenir avec pessimisme, les dernières étaient beaucoup plus optimistes prévoyant une croissance continue des ventes et de maintien au niveau des profits.

Ajoutons d'abord quelques données sur la contribution de la P.M.E. à la croissance économique du pays; les statistiques démontrent qu'il y a 1,200,000 P.M.E. au Canada, représentant 97% de toutes les entreprises canadiennes, avec un volume de ventes de plus de 200$ milliards. Ces P.M.E. fournissent 64% de tous les emplois et sont responsables de 17% des exportations directes. Finalement, 99% de toutes ces entreprises sont contrôlées par des Canadiens.

La rentabilité des P.M.E. dépend des facteurs suivants:

Quelques programmes gouvernementaux existent qui peuvent aider à rentabiliser la petite entreprise:

Le gouvernement prépare un plan d'action pour aider la P.M.E. qui comprendra une stratégie de développement, un accroissement du rôle de la B.F.D. et un genre de comptoir général où tous les services pourront être regroupés.

Suite aux questions soulevées par ce dernier atelier, les précisions suivantes furent apportées:

CONCLUSION

Les délibérations de la journée ont fait ressortir certains faits primordiaux qui méritent d'être repris: la P.M.E. s'avère un outil économique des plus importants pour les Francophones hors Québec; Ieur succès dépend d'une bonne gestion. Les associations de gens d'affaires, en milieu minoritaire particulièrement, constituent un moyen d'action efficace. Finalement, le financement de l'entreprise est une affaire complexe qui mérite une préparation soignée.

Nul ne peut douter que l'économie sera dorénavant un des piliers sur lesquels les Francophones hors Québec devront bâtir leur futur. En fait, un contrôle grandissant de notre développement économique sera peut-être le seul moyen par lequel notre épanouissement sera assuré.

THEME IV : L'ÉDUCATION ET L'ÉCONOMIE

Président:

Claude Quentin, vice-président (Québec), de l'A.C.E.L.C.F.

Animateur:

J. Yvon Thériault, Professeur de sociologie à l'Université d'Ottawa

II faut amener les participants(es) à une réflexion sur la nécessité de fournir aux Francophones hors Québec les outils et les moyens indispensables à leur formation et à leur éducation économique afin de leur faciliter l'accès au monde de l'économie, de la finance et des affaires. Il y aura lieu de s'interroger sur la pertinence des programmes actuels dans le développement de l'esprit d'entrepreneurship dans les milieux francophones hors Québec.

9h00 à 10h30 ATELIER A

L'ENSEIGNEMENT DE L'ÉCONOMIE AUX NIVEAUX SECONDAIRE ET UNIVERSITAIRE EST-IL ADÉQUAT?

L'enseignement de l'économie aux niveaux secondaire et universitaire ne semble pas adéquat et adapté aux réalités de la vie moderne. Les programmes existants véhiculent souvent des stéréotypes économiques et ne reflètent pas assez les réalités économiques des collectivités francophones hors Québec. Les participants(es) pourront se pencher sur les lacunes des programmes actuels et suggérer des façons de mieux préparer nos jeunes à des réussites économiques. L'éducation permanente en économie sera également abordée.

PERSONNES-RESSOURCES: M. René-Jean Ravault, Professeur en communications, Université du Québec à Montréal, Mont Saint-Hilaire (Québec)

M. Michel Gabrario, enseignant, École secondaire Garneau, Ottawa (Ontario)

10h45 à 12h15 ATELIER B

L'ÉDUCATION ÉCONOMIQUE PAR LES MÉDIAS

Les médias francophones de nos communautés doivent jouer un rôle de premier plan quant à la diffusion de l'information et à l'éducation économique des Francophones hors Québec. Après un examen un ce qui se fait actuellement pour l'éducation économique de la population francophone hors Québec, les participants(es) pourront se pencher sur les moyens à prendre pour mieux diffuser l'information économique.

PERSONNES-RESSOURCES: M. Pierre Bergeron, éditorialiste, Le Droit, Ottawa (Ontario)

M. Lucien Lapointe, Conseiller en communications, Toronto (Ontario)

14h00à15h30 ATELIER C

LA FORMATION ET L'ENTREPRENEURSHIP

On tentera de découvrir s'il est possible de mettre sur pied des programmes pour favoriser le développement de l'entrepreneurship. Bien souvent, l'enseignement théorique ne correspond pas à la situation réelle. Différents programmes d'éducation permanente pour les dirigeants d'entreprises et les jeunes entrepreneurs sont disponibles, mais il faut qu'ils soient davantage connus.

PERSONNES-RESSOURCES: M. Ronald LeBlanc, professeur, Département d'économie, Université de Moncton, Moncton (Nouveau-Brunswick)

M. René Gendron, directeur, Centre d'entreprises, Faculté d'administration, Université de Sherbrooke, Sherbrooke (Québec)

M. Robert Vincent, Bureau d'Ottawa, Banque fédérale de développement, Ottawa (Ontario)

M. RENE-JEAN RAVAULT : L'AMORCE DU REDRESSEMENT DES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC: . . . : ANALYSE CRITIQUE DE "UN ESPACE ÉCONOMIQUE À INVENTER"

En 1978, on pouvait se demander si la Fédération des Francophones hors Québec n'avait pas un peu manqué le bateau en négligeant l'économique au profit du politique. En 1982, on peut affirmer que si cet important organisme s'intéresse enfin indéniablement à l'économie, il manque définitivement le bateau en prenant une approche beaucoup trop timorée. En 1982, on peut dire que l'espace économique des Francophones hors Québec reste encore à inventer.

En effet, les auteurs de cet ouvrage semblent s'embourber dans un marasme stérilisant où convergent l'analyse d'une démographie linguistique aux objectifs suspects, une vision des rapports bilinguisme-économie dont on sait qu'elle a pour but de défendre les intérêts des Anglophones par l'entremise de l'Institut CD. Howe, une idéologie de petitesse dont la mode très romaine n'a été que de courte durée et, enfin, une interprétation des plus pessimistes de l'histoire selon laquelle les Francophones hors Québec auraient perpétuellement oscillé entre la dépendance servile et l'auto-suffisance autarcique.

En fait, c'est peut-être ce chapitre II qui porte sur l'histoire et qui est intitulé: "Ce que nous avons été, notes historiques" qui explique le mieux cette incapacité de dépassement que l'on ressent dans tout le reste de l'ouvrage. D'après cette interprétation de l'histoire, il semblerait que les Francophones hors Québec aient eu pour objectif constant de former une collectivité fermée, une sorte de "terre promise" ou de "réserve indienne" sur laquelle ils auraient pu vivre d'agriculture, de chasse, de pêche et d'eau fraîche en restant à l'écart de l'industrialisation, du modernisme et, surtout, de l'urbanisme. Mais, hélas, toujours d'après cette interprétation quelque peu rousseauiste de l'histoire, les Francophones hors Québec, aux moments mêmes où ils étaient sur le point d'atteindre cet idéal rustique, ont été détournés et parfois même "déménagés" et "déportés" pour être exploités en tant que main-d'oeuvre à bon marché par les conquérants anglophones avides d'expansion commerciale et industrielle.

À chaque fois qu'elle se rapprochait de son but, "la nation canadienne-française se voyait ainsi enlever toute possibilité d'amorcer son décollage en partant de sa structure propre" 8 et, toujours selon l'auteur de ce chapitre, la nation canadienne-française n'avait plus qu'à se "complaire dans la marginalité ou à s'intégrer par le bas." 9 Et cette interprétation de l'histoire explique parfaitement pourquoi, tout au long du livre, les concepts "d'utilité économique" et d'"intégration" se confondent inexorablement avec les concepts d' "exploitation", de "domination", et d'"assimilation."

En fait, face à cette perpétuelle victimisation, les auteurs du livre semblent être beaucoup plus préoccupés par la recherche d'un espace, d'un territoire, d'un pays où ils pourraient développer la solitude francophone que par l'élaboration d'une stratégie économique qui permettrait le plein épanouissement des Francophones en tant que tels. En fait, on peut très bien considérer cet ouvrage comme n'étant que la continuation, sous un prétexte économique, du document politique de la F.F.H.Q. intitulé: "Pour ne plus être sans Pays". 10 L'accent dominant reste politique, une quête plus ou moins vaine pour un territoire, une collectivité, un pays et l'économie, malgré l'intensité et la prégnance de la crise actuelle, est encore une fois négligée.

Évidemment, cela est fort regrettable car, pour la première fois dans l'histoire des Francophones hors-Québec, l'intégration par le haut est possible et ce, principalement, par la valorisation sur un plan économique de ce qui leur est le plus cher, à savoir, leurs ressources culturelles et linguistiques.

En effet, pour la première fois, l'économie nord-américaine subit une crise profonde qui résulte, dans une large mesure, de l'inaptitude des Anglo-Américains à saisir ce qui se passe dans le reste du monde. Comme l'ont récemment démontré l'ex-sénateur Fulbright11 et le rapport Perkins 12 aux États-Unis, l'aveuglement culturel et linguistique des Anglo-Américains explique, en partie, l'incapacité de ces derniers à pénétrer avec succès les marchés étrangers tandis que les étrangers multilingues et bien informés pénètrent allègrement les marchés nord-américains.

Pour sortir de cette crise majeure, Perkins et Fulbright suggèrent de recourir à cette ressource économique inépuisable que constituent les minorités linguistiques et culturelles qui, jusqu'à maintenant, ont réussi à sauvegarder leur authenticité sur ce continent en dépit de l'augmentation et de la multiplication des forces assimilatrices du melting-pot.

Hélas, les auteurs d'Un Espace Économique à Inventer restent dans une vision passéiste et triomphante de l'économie nord américaine et négligent d'analyser l'évolution de cette dernière au cours des quinze années passées. Alors que la mondialisation de l'économie force les Anglo-Américains à intégrer par le haut les minorités dont les langues et les cultures permettent de mieux saisir ce qui se passe dans d'importantes régions de la planète, les leaders francophones hors Québec, qu'ils soient d'idéologie de conservation ou de participation, justement refroidis par le gigantisme économique d'envergure continentale et favorable à l'implantation de l'anglais comme unique langue de travail, préfèrent se replier timidement sur des "réserves communautaires" alors que l'idéologie de rattrapage, que leur ouvrage réfute par ailleurs, les inciterait à s'engager dans le défi mondial en permettant aux Francophones hors Québec de s'intégrer par le haut. Une telle intégration individuelle cesserait d'être synonyme d'assimilation et si l'exploitation persiste, celle-ci devient tolérable et même souhaitable dans la mesure où elle incite les individus à se transcender dans ce qu'ils ont de plus cher et de plus authentique: leur propre langue et leur propre culture.

S'il est souhaitable de stimuler le développement communautaire, collectif et coopératif des Francophones hors-Québec, il est regrettable et même dangereux, d'exclure et de condamner, comme le fait ce livre, le développement économique individuel des Francophones en milieu urbain. Cela est regrettable et dangereux dans la mesure où ceux qui, pour des raisons essentiellement économiques, se croient obligés de suivre cette voie, se sentant plus ou moins rejetés par leur communauté d'origine, n'auront pas d'autre alternative que de s'assimiler. Comme le nombre de Francophones émigrant vers les villes majoritairement anglophones ne cesse de croître, l'idéologie qui imprègne cet ouvrage risque fort de devenir indirectement un autre facteur d'assimilation supplémentaire. Pour sortir de cette impasse, il faudra que les économistes de la F.F.H.Q. se penchent d'avantage sur l'étude des principales causes de la crise actuelle pour qu'ils se rendent compte que les Francophones, en tant que tels, ont un rôle économique crucial à jouer dans le redressement de la situation économique de ce continent. Ce faisant, ils contribueront significativement à leur propre redressement. . .

RONALD C. LEBLANC LA FORMATION ET L'ENTREPRENEURSHIP

Ce document représente un sommaire des idées d'un document plus élaboré préparé pour l'atelier intitulé "La formation et l'entrepreneurship".

Essentiellement, l'auteur identifie trois questions à poser:

1 - Est-il possible de former des entrepreneurs?

Après avoir défini le concept d'entrepreneurship comme une activité créatrice ou génératrice de nouveauté, l'auteur précise les fonctions traditionnelles assignées à l'entrepreneur: génération de capitaux, organisation des facteurs de production, prévision de la demande et supporteur du risque de l'entreprise.

L'auteur argumente que l'esprit d'entreprise, ou encore, la motivation à l'entrepreneurship relève d'abord et avant tout de l'environnement familial et de l'environnement social de l'individu. L'environnement le plus susceptible d'éveiller et de stimuler l'entrepreneurship est celui qui vise à développer le sens des responsabilités personnelles, l'autonomie, l'indépendance et l'autosuffisance. C'est une ambiance familiale et sociale qui encourage et supporte l'initiative personnelle et valorise les succès individuels. Enfin, c'est un milieu qui fournit à la personne la possibilité d'observer, de prendre contact et d'imiter des modes de comportements typiquement d'entreprise.

En conclusion, l'entrepreneurship s'apprend. Mais l'apprentissage débute bien avant que la personne soit assujettie à l'instruction formelle. La formation institutionnelle peut cependant jouer un rôle important. C'est l'objet de la deuxième question.

2 - Quelle doit être la formation appropriée?

L'auteur distingue d'abord entre la motivation à l'entrepreneurship et la réussite dans l'entreprise. La formation institutionnelle peut jouer une influence sur les deux. Au niveau de la motivation, l'acquisition de connaissances peut contrecarrer les forces négatives de l'environnement familial et social qui découragent l'esprit d'entreprise. Au niveau du succès dans l'entreprise, l'habilité de découvrir et d'utiliser l'information est fondamentale au succès. Ici, la formation plus scientifique est d'importance capitale, car elle fournit les outils nécessaires à la bonne marche de l'entreprise.

Au niveau de la motivation, la formation devrait incorporer des programmes qui encouragent l'initiative, la créativité, la persévérance et la confiance en soi. L'approche devrait être axée sur la pratique et les expériences reçues plutôt que théorique. Au niveau des connaissances spécifiques, nécessaires au succès de l'entreprise, les programmes traditionnels fournissent la possibilité d'offrir les éléments nécessaires, s'ils sont utilisés rationnellement.

3 - La formation actuelle va-t-elle dans le bon sens?

D'après l'auteur, la formation traditionnellement offerte dans les établissements d'enseignement fait défaut aux deux niveaux. Quant à l'esprit d'entreprise, elle devrait davantage privilégier la prise de conscience des possibilités d'entreprise, les expériences pratiques, des activités exigeant une participation active de l'individu et la prise de contact avec des entrepreneurs existants. Quant à l'aspect cognitif, la formation actuellement offerte par les organismes existants, constitue le véhicule approprié. Cependant, on peut se demander si le contenu des programmes est le plus approprié.

Avant de traiter du contenu de la formation, il faut apporter des distinctions quant à la population cible. Une première distinction doit être faite entre la jeune population étudiante susceptible de devenir des entrepreneurs, et la population adulte d'entrepreneurs déjà sur place. Une deuxième distinction doit être faite au niveau des entrepreneurs établis. Les besoins de ceux-ci ne sont pas homogènes. S'il y a une carence au niveau de la formation donnée aux jeunes inscrits à des programmes d'affaires dans les divers établissements, elle se trouve au niveau de la faiblesse des connaissances de la chose économique. Le système économique, ses institutions, ses mécanismes, son fonctionnement et ses problèmes et difficultés constituent l'environnement dans lequel l'entreprise opère. Pourtant, rares sont les programmes de formation qui offrent la possibilité à l'élève de parfaire sa formation en économie, du moins au Nouveau-Brunswick. Au niveau primaire et secondaire premier cycle, on touche à peine la chose économique à l'intérieur des cours existants. Au niveau secondaire deuxième cycle, la popularité de l'unique cours d'économie a diminué tellement que plusieurs écoles ont dû abandonner le cours. Au niveau universitaire, même si dans les cours d'introduction et de principes s'inscrivent de nombreux étudiants, particulièrement des étudiants de la Falculté d'administration, l'intérêt pour la chose économique ne dépasse pas celui de l'initiation. Bien que les connaissances de l'auteur relativement aux programmes des collèges communautaires soient limités, il ne distingue pas de tendance qui diffère de celle qui est évidente aux écoles publiques et à l'université.

La formation d'entrepreneurs déjà établis doit être différente, car les besoins et les circonstances diffèrent. La première chose à réaliser, c'est que les besoins de formation d'entrepreneurs existants ne sont pas homogènes. On doit distinguer entre le petit entrepreneur-propriétaire d'un commerce local, l'entrepreneur-propriétaire d'une entreprise de taille dont il est le principal administrateur et l'entrepreneur-propriétaire d'une entreprise où la spécialisation et la division des tâches existent. Les besoins de formation du petit entrepreneur se résument souvent à des connaissances des plus élémentaires tels la mise sur pied d'un système de comptabilité simple, la préparation d'annonces, l'information sur les exigences fiscales et la réglementation publique, etc. Pour l'entrepreneur-propriétaire et principal administrateur d'une entreprise qui prend de l'expansion, les besoins se définissent en termes de compétences plus techniques (analyse et techniques comptables, analyse financière et de marché,, fiscalité, gestion de personnel, connaissance des programmes de subventions, etc.). Pour l'entrepreneur-propriétaire d'une entreprise où certaines fonctions d'entreprise sont déléguées à des spécialistes, l'entrepreneur se doit d'améliorer ses connaissances générales au niveau de l'entreprise et du système économique.

Non seulement les besoins diffèrent-ils selon les types d'entrepreneurs, mais aussi le moyen de les atteindre et de transmettre les connaissances doivent différer. Il n'est pas certain, à titre d'exemple, que des cours magistraux, des conférences ou des colloques vont attirer le petit entrepreneur local. C'est à ce niveau de formation qu'il faut être le plus flexible et le plus innovateur. Pour certains groupes d'entrepreneurs, des cours magistraux, desconférences ou des colloques constituent la formule la plus appropriée. Pou petits groupes de travail informels sont préférables. Dans d'autres cas, la transmission d'information est préférable par le biais des médias (journaux, radio, télévision).

Conclusion

D'après l'auteur, l'entrepreneurship demeurera toujours une ressource rare. Il est fort probable que chez les Francophones, l'environnement familial et social ne soient pas le plus propice pour assurer le plein épanouissement du potentiel au niveau de l'entrepreneurship dans tous les secteurs d'activité. La formation peut être utile pour éveiller l'esprit, d'une part, et pour accroître la probabilité de réussite, pourvu qu'ellesoit bien adaptée aux besoins.

M. RENE GENDRON : L'EXPÉRIENCE DE L'UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE AU NIVEAU DE LA FORMATION ET L'ENTREPRENEURSHIP

PREAMBULE

Dans les années 80, les universités réussiront-elles à accroître leur participation à la formation et au développement d'un entrepreneurship régional?

De plus, dans les milieux régionaux de l'industrie et des affaires, cette question suscite une inquiétude grandissante chez nos dirigeants, au moment où les problèmes de nos petites et moyennes entreprises deviennent de plus en plus urgents et paraissent exiger sans délais, des mesures et des solutions bien concrètes.

Et c'est dans cette perspective que je voudrais vous parler durant quelques minutes de l'importance et de l'utilisation cohérente des ressources collectives au sein de l'Université.

1.0 Problématique de la relation université et le milieu

Dotée de ressources considérables sur les plans humains et techniques, l'Université a été longtemps considérée comme l'un des atouts les plus importants du développement économique et industriel des régions périphériques du Québec.

Alors que l'on s'était contenté pendant des décennies de mesurer l'impact des institutions universitaires sur le développement régional en termes des retombées économiques indirectes qu'elles produisaient dans leur milieu, ce n'est que depuis quelques années à peine que de nombreux agents économiques (gouvernants, entreprises et syndicats) ont commencé à interroger de façon de plus en plus pressante l'Université, sur ses aptitudes à contribuer au développement économique des régions et sur le rôle actif qu'elle entendait désormais assumer pour contribuer à soulager certains des maux qui affligent les régionaux - par exemple le sous-développement et le chômage.

L'analogie qui a symboliquement donné à ce débat des tournures piquantes et imprévues consistait à désigner nos "institutions de haut savoir" sous l'appellation fort évocatrice de "tours d'ivoire" . . . provoquant, à coup sûr, certaines prises de conscience dans le milieu universitaire, et ce, bien avant la parution du célèbre rapport de la commission Angers sur l'avenir des universités.

1.1 L'université et le développement économique

Dans la région de l'Estrie, l'Université de Sherbrooke avait été considérée par les responsables de la Mission Estrie (dont le rapport fut déposé en 1972) comme la véritable pierre d'assise de l'édifice économique que devaient construire les agents économiques de la région dans les années futures.

Malheureusement, on finit par réaliser - sur le tard, il est vrai - que le développement économique d'une région ne s'opère pas seulement à coup d'études et de plans de développement, fussent-ils sortis en droite ligne de l'intellect de nos penseurs des universités.

Il fallut donc chercher ailleurs que dans ces volumineux documents l'étincelle susceptible de provoquer l'allumage économique tant attendu. Cultivant l'imagination et une certaine astuce, des chefs de file régionaux - incluant désormais bon nombre d'universitaires - tentèrent d'inventer de nouvelles formules visant à mettre à profit le "savoir-faire" et l'expertise de l'Université dans le développement de l'Estrie. Et, si nos régionaux avaient cessé de crier des noms, la concertation et l'innovation qui ont suivi n'en connurent pas moins des heures glorieuses mais difficiles avant que ne se produisent les premiers résultats tant attendus.

1.2 L'éducation permanente et le développement économique régional

L'Université de Sherbrooke mit au monde au cours de la dernière décade, un certain nombre d'organismes de développement. Citons quelques exemples: Le Centre de Recherche en Aménagement Régional (C.R.A.R.) et l'Institut de Recherche et d'Enseignement sur les coopératives de l'Université de Sherbrooke (I.R.E.C.U.S.) . . .

Plus récemment, l'Université a joué un rôle de premier plan dans la création de l'Institut de Recherche et de Développement sur l'Amiante (I.R.D.A.).

Et, dans la même foulée, en 1977, le Centre d'Entreprises de l'Université de Sherbrooke voyait le jour. La Faculté d'Administration a piloté sa naissance en assumant plus particulièrement la responsabilité d'aider les petites et moyennes entreprises de la région de l'Estrie. Nous y reviendrons tout à l'heure.

Entretemps, la direction de l'Université optait pour un plan directeur de développement axé prioritairement sur les besoins particuliers de formation des adultes, de même que sur sa présence et son implication de plus en plus grandes dans le milieu.

1.3 Les services à la collectivité

Cette politique de développement s'est traduite en 1978, notamment:

Cette gamme d'initiatives nouvelles constitue les premiers pas de l'institution dans la réalisation d'une mission de promotion collective des clientèles qu'elle dessert, et, il s'agit là, sans aucun doute, d'une voie à privilégier dans le contexte de l'Estrie des années '80 et du devenir de l'Université comme agent économique responsable.

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