La réforme de la sécurité du revenu, un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi : Pour les jeunes, un parcours en forme de cul-de-sac

ROCAJQ

Regroupement des organismes communautaires autonomes jeunesse du Québec

Mémoire dans le cadre des consultations particulières et auditions publiques sur le livre vert intitulé:

ROCAJQ

420 rue Saint-Paul est, 3e étage

Montréal, Québec

H2Y 1H4

Tél.: (514) 843-7942

télécopieur: (514) 843-9185

TABLE DES MATIÈRES

1. Ce qu'est le ROCAJQ

1.1Mission et objectifs du regroupement

1.2Les organismes membres qui rejoignent des jeunes adultes

2. Caractéristiques du projet de réforme que nous voulons souligner

2.1 Caractère obligatoire du parcours

2.2 Manque de justification pour cibler les jeunes

2.4 Absence de droits et de recours

2.5Le constat de la crise de l'emploi présent dans le projet ne mènepas à des choix conséquents

2.6L'expérience des organismes communautaires dans la lutte à la pauvreté n'est pas prise en compte

2.7 Le contexte d'enveloppe fermée dans lequel s'inscrit la réforme

3. Conséquences sur les jeunes du projet de réforme

3.1 Appauvrissement et phénomène des sans-chèque

3.2 Marginalisation, itinérance et débrouille

3.3 Impacts négatifs sur leur santé et leur sécurité

3.4 Conséquences particulières pour les jeunes mères

4. Recommandations dans le cadre de la réforme

5. Recommandations en dehors du cadre de la réforme

1. Ce qu'est le ROCAJQ

1.1Mission et objectifs du regroupement

Le ROCAJQ est né du besoin d'information, de concertation et de représentation de différents organismes communautaires jeunesse (OCJ) travaillant, chacun à leur façon, sur les multiples réalités socio-économiques et culturelles qui touchent les jeunes. Nous comptons 27 organismes membres dans 11 régions du Québec. (Vous trouverez en annexe la liste de nos membres)

Les objectifs du ROCAJQ sont:

  • Regrouper les organismes communautaires autonomes jeunesse du Québec;
  • Promouvoir et développer l'intervention et l'action communautaires;
  • Informer, sensibiliser et éduquer la population à la réalité jeunesse;
  • Faire reconnaître auprès des décideurs politiques la nécessité d'une politique definancement adéquate des organismes communautaires jeunesse autonomes;
  • Favoriser la collaboration, l'échange de services et la concertation entre sesmembres et avec les autres intervenants-es du milieu.

1.2Les organismes membres qui rejoignent des jeunes adultes

Les organismes membres du ROCAJQ rejoignent des adolescents-es et/ou des jeunes adultes. Ceux qui rejoignent exclusivement ou en partie des jeunes adultes sont particulièrement préoccupés par les tendances qu'ils perçoivent dans le projet de réforme de l'aide sociale. Les jeunes adultes rejoints proviennent pour la majorité de milieux défavorisés; la majorité des jeunes sont prestataires de l'aide sociale ou de ('assurance-chômage; ils et elles vivent la plupart du temps dans la précarité financière. La liste des réalités vécues par les jeunes est assez longue: pauvreté, isolement, problèmes avec les institutions (école, tribunaux, police, centre Travail-Québec, etc.) travail et non-travail, exclusion, précarité, etc. Les jeunes sentent le besoin d'être écoutés-es, de satisfaire leurs besoins primaires (tels se nourrir et se loger) et leurs besoins relatifs à la santé. Différents services leurs sont offerts mais ce qui fait la spécificité du travail des organismes affiliés au regroupement c'est le fait que les jeunes sont invités-es à définir eux-mêmes (elles-mêmes) leurs besoins, les problèmes et les solutions. Des approches individuelles et communautaires sont mises de l'avant. L'approche communautaire tourne autour d'une volonté commune de donner aux jeunes un sens d'emprise et de contrôle sur leur vie. On veut que les jeunes aient le pouvoir d'agir sur les réalités qu'ils vivent.

À partir de cela, des mandats sont donnés au regroupement provincial, comme celui de présenter un mémoire dans le cadre des audiences publiques sur la réforme de l'aide sociale.

2. Caractéristiques du projet de réforme que nous voulons souligner

2.1 Caractère obligatoire du parcours

Tout d'abord il s'agit de ne pas banaliser cette mesure et d'y voir un tournant majeur du système d'aide sociale. L'aide sociale n'est plus considérée comme une reconnaissance que tout-e citoyen-ne a droit à une aide économique pour combler ses besoins élémentaires. Lier le chèque d'aide sociale à une réciprocité de bons services revient à nier le droit au support de la part de sa société aux personnes qui la composent. Cette responsabilité de la société devrait être d'autant plus évidente dans une situation de rareté des emplois et d'inégalités face à la distribution de la richesse collective, comme celle que nous connaissons actuellement.

Un autre aspect devrait être pris en compte: Notre expérience, tout comme des recherches scientifiques1, démontrent l'efficacité moindre des mesures accomplies sans démarche volontaire. De plus, les réductions des prestations d'aide sociale ne sont pas une solution efficace pour la réinsertion des bénéficiaires sur le marché du travail selon nous tout comme pour le Conseil national du bien-être social. 2Enfin, une recherche faite en 1995 par le département de sociologie de l'Université de Montréal en collaboration avec le Front commun des personnes assistées sociales, démontre que les principales barrières à la réinsertion sociale et professionnelle des personnes assistées sociales sont la pauvreté, la< discrimination, le système de sécurité du revenu lui-même, la difficulté d'accès à la< formation et le marché de l'emploi. 3

Les mesures coercitives ne laissent pas aux jeunes le choix de prendre en charge leur destinée. Il faut reprendre du pouvoir sur sa vie pour faire une véritable réinsertion. Une autre mesure qui va dans le même sens, c'est le fait de permettre que le loyer soit versé directement aux propriétaires. Cette mesure ne favorise pas la valorisation et la responsabilisation des jeunes.

2.2 Manque de justification pour cibler les jeunes

Nous croyons qu'il y a un manque total de justification pour cibler les jeunes alors que ceux-ci (celles-ci) participent en plus grand nombre aux mesures que l'ensemble des prestataires. Comparons, en septembre 1996, les taux de participation à l'une ou l'autre des mesures du Ministère de la Sécurité du revenu, des prestataires de l'aide sociale qui n'ont aucune contrainte à l'emploi. Si on compare le taux de participation des jeunes âgées de 18 à 24 ans à l'ensemble des adultes, on s'aperçoit que 22% des jeunes participaient contre 16,7% chez l'ensemble des adultes.4 Il ne s'agit pas d'un écart très élevé, mais suffisamment tout de même pour dire qu'il n'y a aucune raison de cibler particulièrement les jeunes. Non seulement ils ne participent pas moins que les autres, mais ils participent plus. Le véritable problème se trouvait du côté des listes d'attente, alors que 12,8% des jeunes étaient en attente de participation, faute d'un nombre suffisamment grand de mesures à leur offrir 5.

Les jeunes ont le dos large. On décide de faire des économies sur leur dos en prétextant qu'ils et elles ont besoin de mesures particulières d'encadrement. Si des emplois intéressants leur sont offerts, si la possibilité de poursuivre leurs études est réelle, il n'y a aucun doute que des jeunes se montreront intéressés-es. Il n'y a, selon nous, aucune nécessité de lier la participation à différentes mesures à des coupures, que ce soit pour les jeunes ou pour d'autres. Il nous apparaît également que cette orientation de la réforme est en contradiction avec la campagne de publicité du Ministère de la Sécurité du revenu qui disait que tes préjugés, ça tue l'espoir.

2.3 Imprécision de plusieurs aspects de la réforme

La composition du Conseil local des partenaires reste floue, notamment lorsqu'il est question des organismes communautaires. De quels organismes parle-t-on? Nous avons également des questions à soulever sur la durée, sur la nature et sur la mise en application du Parcours vers l'emploi. Le livre vert est plutôt vague sur ces sujets. En quoi consistera un parcours? Il est question que le parcours durerait environ 1 an, mais combien de parcours un-e jeune sera-t-il invité à faire?

2.4 Absence de droits et de recours

Ce projet de réforme de la sécurité du revenu aborde de manière non satisfaisante la question des droits et des recours. Les jeunes auront-ils des droits et quels seront les recours possibles concernant les décisions qui seront prises à leur égard? Dans le projet, le comité des usagers n'est que consultatif et n'a aucun pouvoir.

2.5 Le constat de la crise de l'emploi présent dans le projet ne mènepas à des choix conséquents

Après avoir constaté qu'il y a de plus en plus de chômage en raison des pertes d'emplois, le document ne tire pas la conclusion qu'il s'agit de chômage involontaire.

Les jeunes sont de plus en plus nombreux à l'aide sociale et ils y demeurent plus longtemps. Si de plus en plus de jeunes se retrouvent à l'aide sociale, c'est, comme le dit Madeleine Gauthier, sociologue et experte des questions jeunesse, parce que «...les jeunes ont été particulièrement vulnérables aux effets de la conjoncture: les derniers à entrer sur le marché du travail, ils sont souvent les premiers à en sortir».6

Dans l'ensemble, on constate qu'il y a encore et toujours, malgré un discours qui parle beaucoup d'emploi, beaucoup de services d'orientation face au travail et peu de vrais débouchés.

2.6 L'expérience des organismes communautaires dans la lutte à la pauvreté n'est pas prise en compte

Notre travail sur le terrain nous amène à rencontrer des jeunes adultes qui n'ont pas d'expérience officielle du travail; des jeunes qui stagnent dans le cercle vicieux des programmes d'employabilité qui ne visent qu'à les occuper. On banalise l'exclusion des jeunes en prétendant pouvoir régler la situation à l'aide de mesures qui les stigmatisent comme des «populations à risque», par exemple dans le Plan d'action jeunesse du Ministère de la santé et des services sociaux.

Ce dont les jeunes ont besoin, c'est de support. Comment? En mettant en place des politiques qui leur viendront réellement en aide, en améliorant l'image collective des jeunes, notamment dans les média, en supportant financièrement les organismes communautaires jeunesse qui peuvent être des lieux d'appartenance et de socialisation pour les jeunes. En ce qui a trait à l'image sociale positive des jeunes, la réforme risque d'avoir l'effet contraire.

L'expertise des organismes communautaires jeunesse n'est pas prise en compte. Certains-nés jeunes ont besoin de l'aide particulière que peut leur apporter l'organisme communautaire qu'ils-elles fréquentent. Ils y font des apprentissages qui respectent leurs rythmes. Et de un, les démarches d'insertion sociale ne sont pas reconnues dans le projet de réforme, et de deux, le rapport volontaire qui est essentiel dans nos organismes risque de disparaître avec l'ingérence du Ministère de la Sécurité du revenu.

2.7 Le contexte d'enveloppe fermée dans lequel s'inscrit la réforme

Au Québec, la réforme de l'aide sociale s'inscrit dans le contexte de la loi antidéficit. Pour nous, une aide de dernier recours ne peut s'inscrire dans une enveloppe fermée. Si un plus grand nombre de personnes ont besoin de s'y inscrire, le seul choix possible pour les gestionnaires du système de sécurité du revenu sera alors de réviser à la baisse le niveau des prestations de tout le monde ou bien d'une catégorie de prestataires. De la même manière, le choix de privilégier les mesures dites actives se fera au détriment des mesures dites< passives, c'est-à-dire le chèque de dernier recours.

Des éléments de la conjoncture actuelle, nous font croire qu'il y aura de plus en plus de gens qui n'auront aucun autre revenu. Pensons par exemple aux critères d'admissibilité à la nouvelle assurance-emploi qui ont été considérablement resserrés. Cette nouvelle situation risque d'amener plus de gens à l'aide sociale: En effet, ou bien ils ne se qualifieront pas pour ('assurance-emploi, ou bien ils y auront droit moins longtemps. Actuellement, il y a des estimations voulant que 45% des cotisants à l'assurance-emploi ne vont pas se qualifier pour recevoir des prestations. Comme les jeunes se retrouvent nombreux dans les emplois précaires et le chômage cyclique, ils seront particulièrement touchés-es.7

Une autre conséquence de l'enveloppe fermée est que les effectifs des agents socio-économiques ne sont pas augmentés. Dès lors, on peut s'interroger sur leur capacité à consacrer le temps nécessaire à chaque jeune et sur la réelle possibilité du système d'offrir des mesures intéressantes aux jeunes.

3. Conséquences sur les jeunes du projet de réforme

3.1 Appauvrissement et phénomène des sans-chèque

L'aide sociale est de moins en moins généreuse au Canada, selon un rapport du Conseil national du bien-être social. Ce rapport prévoit une dégradation de la situation des bénéficiaires de l'aide sociale au cours des prochaines années, notamment en raison des réformes en cours comme celle prévue au Québec.8Les mesures coercitives prévues au projet de réforme sous forme de pénalités financières très dures créeront un appauvrissement pour plusieurs jeunes. En effet des coupures du chèque sont prévues jusqu'à concurrence de $300. pour refus de participer. On peut imaginer l'impact d'une telle mesure sur le niveau économique de jeunes ayant déjà souvent à choisir entre se loger et se nourrir.

Un des buts visés par la réforme est de diminuer le nombre de jeunes prestataires de l'aide sociale. Resserrez les critères d'admissibilité à l'aide sociale (qui est un programme d'aide de dernier recours) peut aboutir à se retrouver sans chèque. Quitter l'aide sociale peut signifier la quitter pour une situation plus enviable, par exemple se trouver un travail avec des conditions décentes, ou au contraire la quitter pour se retrouver dans une situation des plus précaires. Le Premier Ministre Lucien Bouchard s'est vu confronter à la situation des sans-chèque lors d'une tournée aux îles-de-la-Madeleine au mois de février 1997. Les normes d'admissibilité à l'aide sociale tiennent compte de la valeur des outils (barques de pêche, etc.)- Dans nos organismes il y a également des jeunes sans-chèque, notamment en raison de la clause de contribution parentale 9, ou en raison du fait qu'ils-elles n'ont pas d'adresse. Le maintien du calcul de la contribution parentale contribue quant à elle à la mise hors-circuit de certains-es jeunes ou encore à leur appauvrissement. Enfin, certains-es jeunes choisissent de ne pas faire appel à l'aide sociale, en raison de toutes les tracasseries administratives qui vont avec, ou par fierté.

Le maintien de la coupure pour partage de logement est une mesure qui touche beaucoup les jeunes qui sont nombreux-ses à vivre en cohabitation notamment pour des questions de survie économique. L'abolition de cette coupure avait d'ailleurs fait l'objet d'une promesse du Parti Québécois. Où est passée cette belle intention?

3.2 Marginalisation, itinérance et débrouille

L'itinérance peut signifier se retrouver dans la rue mais elle est peut aussi se définir par une grande instabilité par rapport à la question du logement. Par exemple, un-e jeune qui déménage 3 fois par année peut être considéré-e comme itinérant-e. Il y a aussi les jeunes qui arrivent de peine et de misère à payer leur loyer et qui font appel à des banques alimentaires pour manger. Cette problématique est un peu moins vive, mais il faut comprendre qu'à la moindre catastrophe, ce fragile équilibre peut être rompu, et le ou la jeune se retrouve dans l'itinérance.

La perception qu'ont les jeunes de leur place dans la société sera sûrement touchée par la réforme. Après avoir obtenu la parité avec les plus de 30 ans en 1989, la réforme actuelle peut s'apparenter au retour du double standard.

Les mesures qui ciblent les jeunes de 1 8 à 24 ans contribuent à faire des jeunes une catégorie de citoyens-nés à part et elle ne fera qu'aggraver l'actuelle marginalisation des jeunes. Dans un communiqué de presse du 23 février 1995, le ROCAJQ disait que les politiques jeunesse actuelles conduisaient en quelque sorte à une mise à la retraite sociale anticipée des jeunes. Plutôt que de réviser les orientations déjà prises, nous devons constater que l'actuel projet de réforme continue dans le même sens que les politiques que nous décriions à ce moment.

Nous croyons que le projet de réforme ne mesure pas pleinement le fait qu'il risque d'accentuer le recours par les jeunes à toutes sortes de manières de se débrouiller pour survivre. Certaines des «débrouilles» dérangent les adultes et au premier titre la police (les jeunes qui lavent les vitres d'autos au coin des rues, les jeunes qui quêtent, etc.) d'autres formes de débrouilles sont des petits boulots, du travail au noir; sans compter les autres moyens plus illégaux et proscrits par le code criminel, voir moralement (vente de drogue, prostitution, vol, etc. ).

Loin de porter un jugement sur ces multiples manières qu'ont les jeunes de se débrouiller, nous pensons cependant qu'il est peu conséquent de la part du gouvernement de proposer, d'un côté un resserrement des conditions d'éligibilité à l'aide sociale, et de l'autre côté de vouloir contrôler ce qui est vu comme du travail au noir.

Le programme PARIE (précurseur du Parcours de la réforme) a eu pour effet d'empêcher des jeunes de pouvoir concilier leur nouvel emploi du temps avec la fréquentation des banques alimentaires. Leur chèque passait de $500. à $620., ce qui demeurait insuffisant pour se nourrir. Dans le cas, du Parcours proposé par le réforme, le chèque demeurera à $500. et ils-elles risquent d'avoir peu de temps pour chercher des alternatives à leur problème d'incapacité financière à se nourrir.

On parle beaucoup des coûts de l'aide sociale. Il faudrait aussi parler de l'augmentation des coûts du système judiciaire, du système de santé et notamment en santé mentale, que peut entraîner l'appauvrissement des jeunes. Il faudrait aussi calculer l'impact d'un dossier judiciaire sur les chances de réinsertion au travail d'un jeune. En définitive, les solutions proposées par l'État manquent de crédibilité.

3.3 Impacts négatifs sur leur santé et leur sécurité

La plupart des institutions gouvernementales chargées de donner leur avis sur les causes des mauvaises conditions de santé placent la pauvreté comme un «déterminant» majeur de cette situation. Les organismes communautaires où s'impliquent notamment des personnes concernées par les réalités de la pauvreté font le même constat, au quotidien. Déjà, la toxicomanie, l'itinérance, les problèmes de santé mentale ou de santé physique sont très présents chez les jeunes. Les effets combinés de l'appauvrissement et de la marginalisation qui pourraient résulter de l'application sans modification de l'actuel projet de réforme de l'aide sociale, nous font craindre le pire.

De plus, les voies alternatives comme les activités illégales dont nous avons parlé plus tôt, comportent souvent un niveau de dangerosité très élevé pour les jeunes. Dans notre recherche parue en 1995 et intitulée Valeurs et pratiques des jeunes< face au travail et au non-travail, quelques jeunes parmi ceux et celles interviewés-es se retrouvaient pour de multiples raisons (mais entre autres pour des raisons économiques) dans des activités illégales. Le fait de se retrouver très jeune dans un réseau d'activités illégales, place ce jeune dans une situation où sa santé et sa sécurité sont hypothéquées, pensons aux règlements de comptes dans les réseaux de vente de drogues, aux maladies transmises sexuellement pour les jeunes qui font de la prostitution, etc.

3.4 Conséquences particulières pour les jeunes mères

Pour cette partie du document, nous nous référons à l'analyse de la réforme faite par des jeunes mères montréalaises qui participent à un groupe de jeunes parents d'un organisme membre du ROCAJQ À deux mains Head and hands. Cet organisme communautaire qui travaille depuis 25 ans dans le quartier Notre-Dame de Grâce, offre des services sociaux, légaux et médicaux particulièrement adaptés aux jeunes. Elles ont axé tout d'abord leur réflexion sur l'importance du rôle social qu'elles jouent auprès de leurs enfants et sur le fait que les jeunes mères bénéficiaires de l'aide sociale perdront avec la réforme la liberté de choisir de rester auprès de leurs jeunes enfants. Nous pourrions ajouter que si elles ont de jeunes enfants et qu'elles sont seules, il est possible que la rupture avec le conjoint soit récente, et qu'elles sont alors dans la période de crise qui suit parfois la rupture et qu'elles ont besoin de temps pour reprendre de l'assurance.

Elles souhaitent par contre que des programmes de formation soient offerts, mais sur une base à temps partiel, pour leur permettre de concilier leurs responsabilités familiales et les exigences d'un retour aux études. Leurs expériences passées leur enseignent qu'autrement, la tentative d'étudier échoue étant donnée la surcharge de travail impliquée. Elles désirent également que les services de garde à tarif réduit leur soient offerts soit sur les lieux de leurs cours, soit chez elles, ceci afin d'éviter d'avoir à passer de longues heures dans les transports en commun.

La possibilité de retourner aux études ne devraient pas être réduites aux champs d'études menant à des emplois en demande à l'heure actuelle À long terme, elles croient qu'une éducation supérieure dans le champ d'études qui les intéressent risque beaucoup plus de leur permettre de briser le cercle de la pauvreté.

Nous pourrions ajouter que tout est mis en branle dans la réforme pour inciter les jeunes à faire appel au système de prêts et bourses et ainsi quitter l'aide sociale. Plusieurs jeunes auront beaucoup d'appréhension à s'endetter alors que peu de perspectives d'emplois suffisamment rémunérateurs pour pouvoir rembourser leur dette, leur sont offertes.

Elles se prononcent également contre les coupures du chèque de l'aide sociale pour les jeunes mères. Dans certains cas, selon les jeunes mères concernées, les jeunes enfants nécessitent une présence très soutenue de leur mère. Forcer toutes les mères de jeunes enfants âgés de deux ans et plus (qui sont sur l'aide sociale) à faire garder leurs enfants et à s'engager dans un parcours ou un autre, leur semble injuste. En effet, les femmes plus fortunées seront les seules à avoir le privilège de choisir de rester ou non avec leurs enfants. Les coupures prévues leur semblent tout à fait déplorables étant donné que leurs enfants auront sûrement à en souffrir.

Aucune garantie n'existe à l'effet que les jeunes mères qui auront suivi un cours de formation, arriveront à se trouver un emploi convenable sur le marché du travail. Les mères qui ne trouvent pas un emploi immédiatement ne devraient pas être coupées car il faut prendre en considération que la recherche d'emploi amène des frais.

4. Recommandations dans le cadre de la réforme

  • Enlever le caractère obligatoire du parcours vers l'insertion, la formation etl'emploi et les pénalités financières s'y rattachant;
  • Enlever toute obligation ou clause particulières pour les jeunes de 18-24 ans;
  • Proposer une réforme qui ne stigmatise pas les jeunes et ne contribue pas àl'image sociale négative des jeunes;
  • Installer des droits et des recours par rapport à l'application des différentesmesures de la réforme et démocratiser le système en instituant par exempleun comité d'usagers avec des pouvoirs réels;
  • Laisser aux jeunes mères le choix de demeurer ou non auprès de leurs jeunesenfants;
  • Penser à des parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi qui permettentde concilier les responsabilités envers des jeunes enfants, qui tiennent comptedes besoins particuliers de chacun-e, et qui fassent une place à l'insertionsociale;
  • Orienter la réforme en terme de responsabilité collective plutôt qu'individuelle;
  • Accorder à toute personne un revenu décent;
  • Respecter le caractère autonome des organismes communautaires.

Plusieurs des recommandations précédentes supposent des changements de< caps du gouvernement qui dépassent le cadre de la réforme de l'aide sociale, c'est pourquoi nous nous permettons d'émettre d'autres recommandations qui dépassent le cadre de l'actuel projet de réforme.

5. Recommandations en dehors du cadre de la réforme

  • Un budget adéquat pour la sécurité du revenu afin que le régime demeurevraiment un régime de dernier recours qui réponde aux besoins essentiels de tous, d'une part, et qu'il puisse offrir des services de qualité aux bénéficiaires;
  • Penser révision de la fiscalité plutôt que coupures pour les sans-emploi;
  • Penser création d'emplois de qualité ou un autre mécanisme de redistributionde la richesse.

NOTES

1 Le gouvernement fait fausse route, avec les pénalités prévues, la réforme envisagéecourt vers l'échec. Camil Bouchard, Vivian Lavrie, Alain Noël, La Presse, mercredi 12 février 1997, p. A9

2 L'aide sociale est de moins en moins généreuse, in La Presse, Montréal, mardi 11février 1997, p. A22

3 Les barrières à la réinsertion sociale et professionnelle des personnes assistées socialeset la réforme du système de la sécurité du revenu. Christopher Mc All et autres, Université de Montréal, 1995

4 Rapport statistique mensuel, septembre 1996, Ministère de la sécurité du revenu, Gouvernement du Québec

5 Nous tenons à souligner ici que nous ne souhaitons pas uniquement un grand nombre demesures, mais des mesures intéressantes pour les jeunes.

6 Madeleine Gauthier, La pauvreté chez les jeunes. IQRC 1994, 190 pages

7 Soulignons l'aberration des 17 milliards de profits de la caisse de l'assurance-chômage alors que les sans-emploi se retrouvent de plus en plus sans chèque.

8 La Presse, Montréal, mardi 11 février 1997, p. A22

9 S'ils ne contestent pas un avis du Centre Travail-Québec les invitant à poursuivre leurs parents, ils peuvent avoir à se débrouiller sans aide sociale ou avec un chèque amputé. Lesjeunes qui contestent les décisions prises dans le cadre de la clause de contributionparentale, ont toujours gain de cause en révision.

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