DEBAT  SUR LA  CONDITION  FEMININE : DOCUMENT DE  BASE (projet soumis au comité de lecture)

CENTRE   DE   FORMATION   POPULAIRE

TABLE DES MATIERES

AVANT-PROPOS

INTRODUCTION

LES FEMMES SUR LE MARCHE DU TRAVAIL

LA FEMME, PROPRIETE PRIVEE DE L'HOMME ET DE L'ETAT (La notion de femme dans nos mentalités)

LA FEMME ET SON RÔLE DANS LA POLITIQUE

LE ROLE DE LA FEMME DANS LA FAMILLE

CONCLUSION.

AVANT-PROPOS

1. LA DEMARCHE DU COMITE

L'automne dernier, l'assemblée générale décidait de mettre sur pied un comité de la condition féminine.  Le mandat était de faire de la question des femmes une préoccupation constante et réelle au CFP qui soit présente dans toutes ses activités.  C'est sur ce mandat bien vaste et bien large que nous sommes réunies en septembre dernier.

Nous étions des femmes de milieux différents, ayant des expériences de travail et de vie très différentes aussi.  Ce qui nous rassemblait, c'était d'abord le sentiment profond d'être concernées par le problème de l'oppression des femmes.  Puis, c'était le désir commun d'approfondir notre propre compréhension de l'oppression que nous vivons.  Nous espérions enfin faire ensemble une réflexion qui puisse contribuer à faire avancer la lutte des femmes en général et plus spécifiquement à l'intérieur du CFP.

Alors, notre démarche apparaissait dès le départ comme un processus collectif d'auto-formation où nous pouvions poursuivre notre réflexion sur les femmes et elle nous paraissait bien trouver sa place dans un centre de formation populaire.

Mais l'évolution de notre travail ne se fit pas sans heurts.  Si la composition hétérogène de notre comité contenait un potentiel de richesse d'expériences et d'idées, elle devait aussi nous mettre face à l'effort que nous devions faire pour bâtir une unité réelle au sein du comité. Or, nous avons choisi de chercher une compréhension commune de l'oppression des femmes à partir d'abord de notre propre vécu.  Puis nous avons fouillé la réalité des femmes que nous connaissions dans nos familles, à notre travail ou dans les groupes populaires et syndicaux afin d'avoir la vision la plus réaliste possible.  Par des lectures, nous avons également confronté nos réflexions avec celles d'autres femmes de notre pays et d'ailleurs.

Après de nombreux échanges, débats, questionnements, voici les grandes lignes de ce que nous avons cerné du problème de l'oppression et de l'exploitation des femmes.

1) La source de notre oppression est préalable au capitalisme

Bien que le capitalisme ait modifié cette oppression selon ses propres lois et qu'il détienne aujourd'hui le rôle principal dans l'exploitation et l'oppression des femmes, nous croyons que nous n'arriverons pas à une compréhension profonde de la question et, conséquemment, à une solution réelle si nous ne fouillons pas le problème à la source.

2)    Les femmes sont exploitées et opprimées dans tous les domaines de lavie.  Un des plus importants domaines de l'oppression des femmes est la famille, ce domaine du privé: amour, sexualité, éducation des enfants, etc.  Nous devons donc inclure le domaine "privé" dans notre travail d'analyse si nous voulons avoir une connaissance globale de la réalité des femmes.

3)    Nous nous entendons évidemment pour reconnaître que la lutte des femmes a comme ennemi principal le capitalisme.  Toutefois, l'homme est un instrument important du capitalisme pour maintenir les femmes dans la soumission.  Les femmes elles-mêmes contribuent parfois à leur propre oppression.  Or, nous croyons important de cerner les différentes causes de nos problèmes, bien qu'il soit clair que nous devons distinguer les causes principales et secondaires.  Mais nous nous refusons d'aborder uniquement les causes générales de notre exploitation, simplement parce que pour comprendre le tout, nous croyons qu'il faut en comprendre les différentes composantes.

4)    Les femmes ont une exploitation et une oppression communes avec lestravailleurs. Mais elles vivent aussi une exploitation et une oppression bien spécifiques.  Pourtant, les diverses organisations progressistes, syndicales, populaires et politiques, qui se sont prononcées n'ontpas avancé de position qui synthétise ces deux aspects de l'exploitationet de l'oppression des femmes. Certaines organisations autonomes de femmes tentent depuis quelques années de développer une analyse qui englobele caractère spécifique de la lutte des femmes et son caractère d'unitéavec la lutte de l'ensemble du peuple.  Les positions que nous développons devront s'inscrire dans cet effort de synthèse de cette double réalité.

5)    Les femmes ont une longue histoire de lutte.  Nous constatons d'abordl'absence de synthèse véritable qui nous permette de tirer des leçons de l'histoire des luttes des femmes.  Mais nous sommes en mesure de constater également la place d'arrière-plan qu'ont toujours occupé ces luttes parmi les luttes des travailleurs et de l'ensemble du peuple.  Cette dernière constatation pose la critique des organisations syndicales, populaires et politiques en ce qui a trait à la question des femmes. Il faut donc faire porter notre travail, non seulement sur une compréhension théorique meilleure, mais également sur le terrain pratique en passant par la critique de nos attitudes et de nos organisations.

En somme, la démarche que nous avons entreprise nous a amenées à concevoir notre travail comme un travail à long terme, si nous voulons réaliser notre mandat. Faire de la question des femmes une préoccupation réelle au CFP, cela exige une recherche d'envergure, sur le plan théorique, sur l'historique des causes, des luttes, etc... et un travail concret dans le CFP sur le plan pratique (information sur la lutte des femmes, apport aux sessions de formation, etc...).

2. LE DEBAT

En janvier "77, nous acceptions la proposition venant du C.A. à l'effet d'organiser un débat sur la question des femmes.  Il va de soi que nous concevions ce débat à partir de notre propre démarche: au niveau du contenu, comme un échange sur la réalité des femmes dans ses différents aspects pour développer au CFP une vision commune de cette réalité, et au niveau de la forme, comme un lieu collectif de réflexion et de confrontation à partir des différentes pistes proposées par le comité.

A.    Le débat, un lieu collectif de réflexion et de confrontation

1)    Avant d'entreprendre notre travail théorique et pratique, noustrouvons important d'aller vérifier auprès des membres si nousavons un accord global sur l'orientation de fond qui guidera notrerecherche.

Cette consultation nous semble nécessaire étant donné que le CFP n'a encore produit aucun document sur la question, des femmes.

B.    Le débat, un lieu de sensibilisation sur notre propre compréhensionde la lutte des femmes et sur nos pratiques

Sommes-nous toujours aussi sensibilisés que nous le disons ou le laissons croire? Notre compréhension de la lutte des femmes n'est-elle pas souvent bien superficielle et, surtout dans nos pratiques quotidiennes, que faisons-nous vraiment?  Nous voulons briser avec une façon typique chez les militants de développer des analyses, des concepts, et de se mettre à l'extérieur de cette analyse. . Souvent, le refus de nous reconnaître au-dedans, en nous voyant uniquement comme des personnes-ressources qui ont à aider les autres à se transformer, nous évite de nous inscrire dans le processus de transformation.

En résumé, voici les objectifs du débat,

  • Approfondir notre prise de conscience collective de l'oppression et l'exploitation spécifiques des femmes;
  • Consulter les membres en vue de découvrir leur situation concernant cette question sur le plan des idées et face à leur pratique quotidienne d'individus et de militants;
  • Nous permettre de poursuivre notre démarche comme    comité en tenant compte du "pouls" réel du CFP en vue d'une recherche adéquate et d'une pratique réalisable à court terme.

3. LES OUTILS PROPOSES POUR LA DISCUSSION

Le texte qui suit servira de base à la discussion.  Il contient cinq parties dont les quatre premières correspondent respectivement à un thème qui sera discuté en ateliers:

Ces quatre thèmes nous paraissent toucher les principaux domaines de l'oppression spécifique des femmes.  Ils nous permettront, croyons-nous, d'aborder la question des femmes à partir d'une situation concrète pour ensuite tenter de dégager des pistes d'analyse et de solutions.

Rappelons que le texte n'a nullement la prétention d'avancer une position globale sur la question des femmes. Beaucoup de travail reste à faire et les questions sont encore trop nombreuses pour que nous en soyons arrivées à une position définitive. Ce texte vous livre la synthèse de nos réflexions et interrogations, comme point de départ à la discussion

Enfin, nous avons fait un effort particulier pour fournir un texte accessible au plus grand nombre de personnes possible. Nous encourageons donc chacun et chacune des membres à inviter ses amis(es), ses collègues de travail ou les membres de son groupe syndical ou populaire à cette journée d'échange.

A bientôt,

Le comité de la condition féminine.

INTRODUCTION

"La femme est l'égale de l'homme."  Cette phrase sort de la bouche de tous ceux qui se disent progressistes, évolués ou simplement modernes.  Si cela reflète que l'oppression des femmes est un problème qu'on ne peut plus garder sous silence, ça reflète aussi une sorte de facilité, de fuite qui nous évite d'y porter une véritable attention et de l'analyser en profondeur.  Les femmes, depuis bien avant le capitalisme, ont été marquées d'un sceau d'infériorité qu'aucune affirmation facile ne suffira à effacer.

Au-delà de notre volonté, l'inégalité des femmes est encore profondément présente dans les structures économiques, politiques et sociales. Les capitalistes sont les premiers à profiter de cette inégalité et ils en sont les plus grands responsables. Mais n'ont-ils pas trouvé une sorte d'allié en chacun de nous qui, par nos habitudes, nos farces, nos pratiques quotidiennes, sommes des véhicules de cette mentalité qui maintient les femmes au bas de l'échelle dans la soumission et le mépris?

L'égalité des femmes dans la "vie publique" comme dans la "vie privée" reste une lutte à gagner. Peut-être n'avons-nous pas à nous en convaincre? Pourtant, la plupart de ceux qui se sont faits les ardents dé-fenseurs d'une société égalitaire pour tous ont laissé à d'autres le soin de s'occuper de la lutte spécifique des femmes.

Si nous voulons unir nos efforts pour mener nos luttes dans le sens d'une libération complète de l'ensemble du peuple, nous devons contribuer à ouvrir la voie de la recherche pour mieux comprendre l'exploitation des femmes qui, bien qu'elle ait un caractère commun avec l'exploitation de la classe ouvrière, revêt aussi un caractère bien spécifique.

La lutte des femmes n'est pas une lutte isolée. Elle fait partie de la même lutte que doivent mener toutes les couches d'exploités contre l'agression constante des capitalistes. Mais nous ne pourrons construire d'unité véritable entre les luttes sans la reconnaissance de leurs conditions spécifiques.  Et les femmes ne pourraient subordonner leurs luttes à celle de la classe ouvrière au point d'en perdre leurs revendications propres.  Les femmes se sont suffisamment "sacrifiées".

Parmi toutes les couches sociales: ouvriers, chômeurs, assistés sociaux, retraités, les femmes sont toujours les plus grandes exploitées. Cela devrait suffire à nous convaincre de l'importance de nous y attarder de façon particulière.

LES FEMMES SUR LE MARCHE DU TRAVAIL

Travailleurs et travailleuses sur le marché du travail, nous subissons une oppression et une exploitation communes.  Les hommes et les femmes sont considérés comme des machines a production (et encore les machines, on en prend soin) sans égard pour leur sécurité et leur santé.  Ils souffrent tous les deux du système de profit qui fait un million de chômeurs au pays.

Mais les femmes sur le marché du travail connaissent une exploitation et une oppression encore plus grandes que les travailleurs.

Le droit au travail pour les femmes

Depuis longtemps, la femme participe au "travail social"1  mais jamais on ne lui a reconnu pour autant le droit au travail.

"Flux, reflux. Au gré de la conjoncture, les femmes troquent le tablier de cuisine pour la blouse d'atelier et vice-versa.  Quand Dame Production se porte bien, on les appelle en renfort.  Si quelque temps plus tard elle languit, qu'importe. Les servantes repartiront discrètement chez elles, sur la pointe des pieds pour ne pas trop gêner".2

Déjà dans la société rurale traditionnelle, le travail de la femme consistait en des tâches à l'intérieur de la cellule familiale (cellule économique fondamentale de la société pré-industrielle).  Ces tâches allaient du tissage aux travaux des champs en passant par le travail d'entretien ménager et le jardinage.  Ces travaux demandaient de longues heures et, chez la plupart des familles, on n'était pas assez riche pour confier ces tâches à un homme de main;  elles étaient donc assurées par les femmes et, bien sûr, s'accomplissaient de façon bénévole.

Avec l'industrialisation et l'urbanisation, au début du siècle, on commence a voir de plus en plus de femmes sur le marché du travail.  Ce qui n'exclut pas leur participation au travail social avant cette date: dans les premiers recensements du Canada, en 1891, elles représentent 11.07% de la population active.3  En 1901, elles comptent pour 10 % dans la main-d'oeuvre du Québec.  Ces chiffres vont en s'accroissant, jusqu'à atteindre 46.7 % pour la décennie 1921-31.4

C'est la crise qui viendra ralentir cette poussée mais les capitalistes et l'élite petite-bourgeoise, main dans la main, élaboreront une vaste campagne de revalorisation de la femme au foyer, visant à chasser celle-ci du marché du travail. Alors la femme retourne dans sa cuisine reprendre son bénévolat.

Puis vient la 2e Guerre mondiale, qui provoque une nouvelle augmentation de la participation des femmes au travail social. De nouveau les capitalistes alliés à l'élite petite-bourgeoise font campagne, mais cette fois pour que la femme sorte de chez elle et remplace la main-d'oeuvre masculine des usines occupée à se faire tuer au front.  En effet, la production de guerre étant à son maximum, le système cherchant de la main-d'oeuvre efficace et bon marché, fait appel à son "cheap labor", les femmes. L'Etat va mime organiser et subventionner des garderies.

Dans la période de l'après-guerre, on a trouvé un moyen d'attirer les femmes vers leur rôle de "procréatrices" et de "gardiennes du foyer" en leur offrant les allocations familiales. On a réussi à inculquer à la classe ouvrière l'argument que la femme sur le marché du travail, c'était la cause du taux de chômage à la hausse.

Aujourd'hui, la situation reste la mime.  Le taux de participation des femmes sur le marché du travail a sensiblement augmenté, mais il est encore plus bas que celui des hommes: en août 1978, au Canada, 37.6 % de la population active est composée de femmes et 62.4 % d'hommes. 5  Le droit au travail pour les femmes n'est toujours pas reconnu dans les faits. Les femmes revendiquent encore des congés de maternité, des garderies, etc.

Les femmes sont la main-d'oeuvre de réserve du système et celui-ci utilise toujours les mimes arguments pour les maintenir dans une semblable dépendance.

Exemples: Un article du Devoir (12 avril '78) est titré: "Le retour massif des femmes gonfle les chiffres du chômage" et le P.Q. pense à augmenter les allocations familiales en parlant de payer un salaire à la ménagère.

La discrimination à l'égard des femmes sur le marché du travail

Lorsque les femmes sont sur le marché du travail, elles sont au dernier rang des exécutants et ne sont nullement reconnues comme travailleuses à part entière.

Encore là, en remontant dans l'histoire du Québec, on s'aperçoit que les femmes se retrouvent majoritairement dans les emplois les plus mal payés et dans des "jobs" de servantes.

La majorité des travailleuses se retrouvent soit dans les manufactures, soit dans les services ou les bureaux.  En 1911, 27 % et, en 1941, 30 % des ouvriers de la production sont des femmes.  Ces femmes sont dans les industries qui paient les moins bons salaires: confection, textiles, tabac et chaussures. Tellement qu'en 1919, le gouvernement provincial doit leur concéder une loi du salaire minimum qu'il appliquera à partir de 1925 seulement.

Toutefois, cette législation est loin d'avoir résolu l'inégalité des sexes.  Cette loi couvre les femmes et les enfants, deux catégories de personnes considérées comme mineures dans notre société.  Un aspect un peu méconnu qui découle de cette loi: lorsque l'on porte plainte, c'est personel-lement qu'on le fait.  En effet, la Commission du salaire minimum reçoit les plaintes et règle (quand elle règle) tous les cas individuellement,  c'est impossible de faire une mobilisation de masse avec un tel procédé.  C'est du travail à la pièce. Ça serait voulu de la part de nos législateurs que nous n'en serions pas surpris!

De plus, le fait d'avoir une loi comme celle-là provoque souvent chez l'individu le sentiment de ne pas être complètement démuni face à l'arbitraire patronal, ce qui n'est pas tout à fait faux.  Mais, par contre, cette illusion de demi-protection tue la combativité et le désir de se syndiquer.

En 1940, les ouvriers du vêtement pour dames reçoivent un salaire de 54 1/2 cents de l'heure pour les presseurs et de 361/4 cents de l'heure pour les presseuses.

De façon générale, les femmes touchent en moyenne la moitié des salaires masculins: 53.6 % en 1921, 56.1 % en 1931 et 51 % en 1941 6 L'argument utilisé est que le salaire de la femme est un salaire d'appoint à celui du mari, alors que, dans 6.5 % des cas, elles sont chefs de famille et, dans 85.6 %, célibataires, en 1941 7

Aujourd'hui, l'inégalité des salaires demeure. (Voir tableau).

DIFFERENCE DANS LE REVENU SELON LE SEXE

Groupe d'âges

Nombre Hommes

de déclarations Femmes

Revenu Hommes

moyen Femme*

Différence en %

30-34 ans

817,165

476,785

   $14,998

$7,815

91.9%

35-39

645,810

383,845

16,610

7,841

111.8%

40-44

588,612

347,632

17,341

7,975

117.4%

45-49

593,411

354,039

17,331

8,015

116.2%

30-49

2,644,998

1,562,351

16,436

7,902

10S.O%

Tous âges

7,378,782

4,963,930

12,713

6,746

88.4%

Cette année encore les statistiques fiscales que dévoile Ottawa laissent apparaître l'injustice criante avec laquelle notre société rétribue le travail féminin en comparaison du statut privilégié de l'homme.

Les dernières données fiscales qui ont été publiées la semaine dernière à Ottawa et qui couvrent les déclarations d'impôt fédérales compilées en 1977 pour les revenus de 1976, font ressortir un écart fantastique entre le revenu moyen des 7,378,782 hommes et celui des 1,963,930 femmes tels que les a analysés l'ordinateur du Centre des données à Ottawa.

Dans le premier cas il s'agit d'un revenu de $12,713 alors que dans le second il n'atteint que 6,746, soit un avantage de 88.4 pour cent accordé à l'homme par apport au revenu de l'autre sexe:

comment peut-on, dans de telles circonstances ne pas le qualifier «faible"?.

Encore la différence de 88.4 pour cent n'est-elle qu'une moyen-nequi tient compte de toutes les catégories d'âge, tout le monde sachant qu'en plus de la discrimiation privilégiant l'homme comme tel, la femme en subit une seconde qui est reliée à son âge: autrement dit, lorsqu'un homme passe de l'âge de 30 ans à celui de 40, "il a pris de l'expérience» ce qui mérite promotion et hausse salariale. Pour la femme, passer de 30 a 40 ans c'est « prendre de l'âge», phénomène qui n'a jamais fait progresser les échelles de salaires.

C'est pourquoi, comme l'illustre le tableau No 2 ci-joint, l'écart entre le revenu de la femme et celui de l'homme s'élargit entre les âges de 30 à 49 ans, ces vingt ans-là amenant pour l'homme une amélioration de revenu (qui passe en moyenne de $14,998 à $17,331) alors que la femme voit le sien rester, pendant ces vingt années, sensiblement au même niveau: $7,815 et $8,015.  De ce fait, le niveau de vie de l'homme dépasse le double de celui de la femme, atteignant une différence de 117.4 pour cent quand les deux sexes se situent entre 40 et 44 ans.

Il faut cependant signaler que le seuil de la cinquantaine voit l'homme gagner son bâton de maréchal, c'est-à-dire qu'il connaît ensuite un déclin dans ses revenus, qui les ramène à $13,364 dans le groupe d'âge de 60 à 64 ans, au lieu des $17,341 de ses 40 ans.

La seule période où la population féminine se maintient à un niveau moins éloigné de celui du maitre est chez les adolescentes (moins de 20 ans) où le revenu moyen est de $3,104 à comparer à $4,049 chez l'homme.

Mais l'écart ne tarde pas à grandir puisque au palier suivant (20 à 24 ans, le revenu de l'homme a gagné plus de S4.000(passant de $4,049 à $8.182) alors que celui dé la jeune femme n'a progressé que de $2,800 (de $3,104 à $5,929).

La Presse, 13 septembre 1978

La discrimination à l'égard des femmes ne s'opère pas uniquement au niveau des salaires.  Les femmes conservent sur le marché du travail le rôle qu'elles avaient dans la famille.  Cette situation est confirmée par la formation scolaire donnée aux filles. Une étude de la CEQ 8 nous apprend que le système scolaire oriente les filles de façon à ce qu'elles se retrouvent dans des emplois bien spécifiques: secrétaire, infirmière, assistante sociale et professeur.  (Surtout cantonnées au niveau élémentaire).  Pour celles qui terminent leurs études plus tôt, elles seront dans les secteurs qui demandent peu d'entraînement (ça coûte trop cher à l'employeur d'entraîner une femme puisqu'elle va se marier).  Cette situation fait que les femmes subissent de mauvaises conditions de travail (non syndiquées) quand ce n'est pas le chômage.

Mime syndiquées, avec une convention collective qui a aboli, en principe, la discrimination, les femmes continuent en pratique à subir la même discrimination.  Une petite enquête dans un hôpital a été révélatrice à ce sujet: dans le département de la buanderie, plier du linge a toujours été accompli par des femmes: un homme postule  cet emploi, la direction accepte sa candidature et l'intègre au service, mais si une femme tente l'inverse pour un emploi dit masculin, elle sera automatiquement refusée.  Pire, une femme a mime été délogée de son poste après 12 ans parce que la direction avait jugé que c'était un emploi masculin:

Un mime emploi pratiqué par un homme ou une femme ne revêt pas le même caractère.  Le travail masculin sera plus rentable parce que jugé plus prestigieux: coiffeur (euse), cuisinier (ère), serveur (euse), couturier (ère), etc...  Une valeur est ajoutée, valeur que l'on peut monnayer.  Quelle est cette valeur?

Partout sur le marché du travail, la femme devra vivre son état de femme comme un handicap.  Lorsqu'elle est enceinte, elle doit l'assumer seule et souvent dans des conditions très difficiles. Des femmes enceintes sont obligées de travailler souvent jusqu'à épuisement physique, n'ayant pas de congé de maternité payé et aucune sécurité d'emploi.  Un exemple des conditions que les femmes enceintes peuvent subir dans certaines usines: dans les abattoirs de poulets, les travailleuses sont privées du droit le plus élémentaire pour tout individu, celui d'aller aux toilettes, tout simplement parce qu'on ne peut pas arrêter la chaîne de montage (baisse du profit).  Alors, il est défendu d'y aller plus de deux fois par jour et, de plus, vous êtes minutée.  Le calcul se fait comme ceci: deux minutes pour se rendre, deux minutes pour exécuter ce que la nature commande et deux minutes pour revenir à votre place.  Pour la femme enceinte, cette restriction devient encore plus inhumaine, puisqu'on sait pertinement que le fait de porter un enfant comprime la vessie et exige que l'on doive aller plus souvent aux toilettes.

A qui sert cette discrimination à l'égard des femmes sur le marché du travail?

Les capitalistes sont les premiers à profiter de cette situation; l'inégalité entretenue entre hommes et femmes assure une compétition entre les travailleurs et les travailleuses, ce qui fait baisser les salaires. En considérant le salaire des femmes comme un salaire d'appoint, on se permet de les payer moins que les hommes.  De ce fait, on refuse aux femmes un salaire décent et on les cantonne dans la pauvreté et la misère, réserve des travailleurs affamés à qui l'on offrira du travail par exemple au cours d'une grève afin d'en faire des briseurs de grève (scabs).  En perpétuant ainsi la division hommes-femmes, on prouve aux travailleurs que ce qui les menace réellement,ce ne sont pas les patrons, mais les femmes, ces voleuses de "jobs".

Les capitalistes n'ont pas intérêt à reconnaître aux femmes le droit au travail en tout temps. Ils rémunèrent le travailleur uniquement pour qu'il puisse acheter les biens qu'il produit et pour sa survie.  Or, comme le travailleur jouit gratuitement des services d'une ménagère, d'une infirmière, d'une secrétaire, etc., cela permet aux capitalistes de ne pas avoir à entretenir sa force de travail, cela leur permet de le payer moins cher.

Les hommes, où se situent-ils dans tout ça?

Sont-ils conscients que ce ne sont pas les femmes qui sont responsables de la baisse des salaires, mais que c'est justement la division entre homme et femme, l'inégalité, qui en est la première cause et qui profite aux capitalistes?

Quand un mari refuse à sa femme d'aller travailler à l'extérieur, est-il conscient qu'il renforcit la mentalité qui confine la femme au foyer et qui lui refuse le droit au travail social?

Les hommes acceptent-ils facilement de faire les batailles sur le congé de maternité, le salaire égal à travail de valeur égale, les garderies, l'avortement libre et gratuit? Les hommes ne doivent pas jouer uniquement un rôle de spectateurs dans notre libération, ils doivent se joindre à nous (il y a plus de comités de femmes qui appuient leurs maris grévistes que de comités d'hommes qui appuient des femmes grévistes).

Auto-critique des femmes

Quant aux femmes, on entend souvent dire qu'elles sont exploitées et opprimées parce qu'elles le veulent bien.  Pour nous, ce n'est pas aussi simple que ça.  La résistance quotidienne des femmes sur le marché du travail contre les conditions d'exploitées se manifeste de diverses façons.

Quand elles se manifestent collectivement dans les luttes pour les congés de maternité, pour l'avortement libre et gratuit, pour les garderies populaires, pour le droit au travail, les participantes ne viennent certainement pas que des "marges" de la société.  Mais malheureusement ce ne sont pas toutes les femmes sur le marché du travail qui participent à ces luttes, comme les hommes ne participent pas tous à leur libération.  Les femmes ne défendent pas toujours leurs intérêts, de la mime façon que souvent la classe ouvrière appuie des intérêts qui vont à l'encontre de ses intérêts propres.

Alors les femmes jouent un rôle dans leur oppression et leur exploitation en ne les combattant pas.  Mais le système capitaliste met toutes sortes de barrières et tue la combativité de plusieurs catégories de femmes. Exemple:  la difficulté de se syndiquer dans plusieurs secteurs de l'économie où se trouvent en majorité des femmes: les serveuses de restaurant, les caissières de banques, certaines secrétaires, etc.

En plus, la femme elle-même considère que sa place est avant tout au foyer.  Elle ne voit pas l'importance de s'impliquer dans des organisations syndicales et populaires qui luttent pour conquérir sa place égali-taire sur le marché du travail.  Ces mêmes femmes ne luttent pas pour faire partager les tâches ménagères et le soin des enfants aux membres de la famille.  De cette façon, tant que les femmes restent passives, elles portent '• une partie de la responsabilité de leur oppression.

Les femmes doivent prendre l'initiative de leur lutte.  Les patrons dévalorisent notre travail, notre santé, notre vie comme être humain.  Nos confrères ne prennent pas toujours conscience du poids de notre oppression et de notre exploitation et ne reconnaissent pas l'importance de nos revendications.  Alors qui,  sinon nous, devra insister pour changer les mentalités et faire comprendre l'importance de notre vie au travail et chez nous. Si nous considérons que notre vie a de l'importance, nous n'avons qu'un choix, trouver les moyens collectifs pour enlever les barrières que nous avons devant nous.

Quelles solutions pouvons-nous envisager?

Pour les femmes non syndiquées, tous les recours actuels favorisent soit les luttes individuelles, soit le découragement et la passivité.  Bien sûr, une des solutions à court terme pour ces femmes, c'est la syndicalisa-tion.  Mais, compte tenu des difficultés énormes de se syndiquer, il faut aussi revendiquer une législation qui facilitera la syndicalisation.

C'est quoi le rôle des syndiqués par rapport aux difficultés des non-syndiqués?  On sait aussi que parmi les non-syndiqués une grande partie sont des femmes qui travaillent à temps partiel.  Comment attaquer le problème du travail à temps partiel?

Revendiquer le droit au travail pour les femmes implique-t-il nécessairement une réorganisation? A long terme, comment pouvons-nous envisager une réorganisation du marché du travail?

Comment développer une unité véritable entre les syndiqués majoritairement hommes et non-syndiqués majoritairement femmes9 et aussi entre les secteurs du peuple exclus du marché du travail tels que: chômeurs (euses), assisté(e)s sociaux(aies) et ceux qui sont sur le marché du travail?

LA FEMME, PROPRIETE PRIVEE DE L'HOMME ET DE L'ETAT (La notion de femme dans nos mentalités)

Introduction

La femme battue, la femme violée, la femme avortée, sont des faits qui parlent.  Ils sont le franc reflet de ce que la femme représente dans la société.  Pourtant, ils paraissent exceptionnels alors qu'au contraire ils sont courants et liés à toute une mentalité.  La femme dans la société et dans ses rapports avec les hommes ne s'appartient pas, elle représente aux yeux de tous un objet à s'approprier que l'on peut traiter à sa guise.

La force de cette mentalité se vit à travers des gestes de haine et de mépris, par la violence des images et des paroles que la société impose aux femmes.  On éduque la femme en être soumis et passif, on lui concède plus tard le rôle d'objet sexuel, on la traite en poupée qu'on "catine" ou qu'on tape selon qu'elle est gentille ou rebelle.

Les femmes battues, violées, sans droit sur leurs maternités, ce sont quelques effets quotidiens parmi tant d'autres fondés sur la même logique, la même oppression.

L'oppression spécifique des femmes existe, nous la ressentons au plus profond de nos êtres quand elle se manifeste par l'agression, qu'elle soit physique ou morale, par le fait qu'on nous refuse le droit de choisir, de nous appartenir, d'être, de penser et d'agir sur nos vies.

La femme battue

il est très difficile d'avoir des statistiques exhaustives sur le nombre et la situation des femmes battues. Une raison à cela, c'est que la femme battue a peur de dire les nombreux traumatismes qu'elle vit.  Parmi celles qui portent plainte aux centre de référence, la plupart sont déjà en danger de mort.  27.7 % des homicides au Canada sont reliés à des relations de famille immédiate: 60 % de ces victimes sont des femmes.  30 % des divorces ont comme motif principal la cruauté physique.  Nous ne connaissons donc que les cas de violence extrême.  Pourtant combien de femmes de notre entourage, la voisine, une amie, une soeur, se sont déjà fait serrer les coudes ou ont toléré les menaces10

Pourquoi tant de femmes battues? Un homme qui frappe une femme sous l'effet de l'alcool justifie son geste aux yeux de la société parce qu'il n'était pas dans son "état normal".  Effectivement, beaucoup d'hommes boivent avant de battre, mais c'est plutôt le résultat d'une situation déjà fortement détériorée et l'alcool ne fait que la renforcer.

Et on bat sa femme parce qu'on doute de sa fidélité, parce qu'elle donne un mauvais rendement de ménagère, parce qu'elle refuse des relations sexuelles.  Comme si c'était des raisons de battre, de faire violence. Finalement,  lorsque la femme ne répond pas aux normes qui réglementent sa vie, son rôle social de femme, on la bat et on la culpabilise.  Ainsi, plusieurs centaines de femmes se taisent de peur de mettre à jour leurs soi-disant fautes, leur déviations, elles se taisent pour ne pas être rouées de coups à nouveau...

"Bats ta femme une fois par semaine; si tu ne sais pas pourquoi, elle, elle le sait" (adage populaire).

La situation des femmes violentées reflète l'inégalité entre les sexes: l'homme est admis comme ayant un droit sur la femme et la femme n'est que propriété.  On cautionnera la violence, d'une part, par l'importance de la force physique pour un homme, et, d'autre part, par l'éducation des femmes qui apprennent tôt à être soumises, à s'oublier, et qui subissent longtemps des situations difficiles avant de pouvoir les remettre en question.

Etre battue, c'est la manifestation d'un acte profondément méprisant envers les femmes.  Et la violence, ça veut dire aussi vivre ses relations dans la crainte de la répression, sous une autorité au bout de laquelle est suspendue la menace d'une punition.  Or, le nombre de femmes violentées est très grand.  Celles qui se révoltent contre les affronts, celles qui parlent parce qu'elles n'en peuvent plus, font exception.  L'isolement social de la majorité des femmes les amène nécessairement à vivre leur problème dans la solitude.  Et elles en viennent à considérer leur situation comme normale ou à croire que toutes les femmes subissent le même sort.

La femme battue, c'est une caricature tragique de sa position d'infériorité; elle met en évidence les violences quotidiennes que subissent les femmes.

En réalité, ces crimes ne sont pas essentiellement le fait "de marginaux et de détraqués", ils sont aussi le fait de ceux qui font leur devoir d'homme en indiquant à leur femme la bonne voie, de tous ceux qui ont appris tôt que l'homme, c'est le viril, le violent, le maître, et qui utilisent ce pouvoir comme on dompte, mate et brise parfois des bêtes. Ce sont aussi tous ces hommes "normaux" qui font des menaces avec les gros yeux, les paroles dures, qui ne laissent aucune marque visible.

Le viol

Le viol est un crime courant et répandu.  Mais c'est quoi le viol? Qui est violé?  Et par qui? Après les femmes battues, le viol est le crime le moins rapporté.  En 1973, dans l'Etat de New-York, on compte 4,764 viols. En 1971, au Canada, 1,230 cas de viols signalés.  Ce sont des chiffres qui reflètent très peu la réalité.  On reconnaît comme ayant été violées, celles qui ont été agressées par un étranger et il doit y avoir eu pénétration.  Ces chiffres disent peu parce qu'il y a toutes celles qui se taisent, parce qu'elles connaissent leur agresseur et qu'elles ne veulent pas lui faire de troubles, parce que ça ne donnerait rien d'avertir la police, de poursuivre l'agresseur 11

En effet, les lois actuelles découragent et culpabilisent les femmes par les nombreux témoignages qu'elles exigent, et où finalement les plaignantes deviennent les accusées. En procès, la défense est autorisée à poser à la victime toute question relative à sa vie sexuelle passée.  On qualifie de femme facile et de femme aux moeurs légères celle qui avait déjà eu des relations sexuelles sans les liens du mariage; ainsi il est normal de se faire agresser, attaquer ou violer, "elle l'avait cherché".

En procès, la femme doit également prouver par des détails importants qu'elle n'était pas consentante. Les femmes victimes de viols reconnus comme crimes ne gagnent que rarement leur cause.  Lorsqu'elles gagnent ce sont des victoires arrachées à force de persévérance et de luttes.  Dans quelques cas précis, l'appareil judiciaire a rendu des sentences exagérées, empreintes le plus souvent de racisme12.  Nous sommes conscientes que l'appareil judiciaire tel qu'il existe aujourd'hui ne peut régler le problème social de la violence.  Mais, à court terme, c'est un moyen radical que nous possédons pour faire pression contre des situations d'injustice.

Et que dire de tous les viols non reconnus et non signalés? Comme, par exemple, l'agression sexuelle de nos maris ou de nos amis? Selon l'art. 143 du Code criminel, un mari peut utiliser la force physique pour avoir des relations sexuelles avec son épouse.13 On légalise l'obligation des femmes à se soumettre aux désirs des hommes. On nie ouvertement le droit des femmes de vivre leur sexualité de façon épanouissante.  Les femmes doivent remplir leur devoir conjugal et on leur a appris tôt à ne pas se reconnaître une sexualité.  Ainsi, la sexualité représente souvent un instrument de pouvoir et de domination sur la femme.  Un homme peut mime retirer du plaisir en utilisant une femme comme un objet.

Pour les femmes, il y a les viols où on agresse directement leur corps, mais il y a aussi toutes les remarques, les petits affronts quotidiens, il y a les innombrables agressions morales.  Pour les femmes, toutes les autres formes d'agression, que ce soit dans la rue, dans les bars, où on t'interpelle, on te frôle un sein, etc., sont aussi des formes de viol en ce sens qu'on impose à la femme un geste, une parole non désirée, reliée au rôle d'objet sexuel qu'on lui impose.

Presque toutes les femmes ont connu le viol ou connaissent la peur d'être violées.  Une femme peut-elle se promener seule dans la rue? Donc, si le viol c'est le geste qui bafoue ou arrache à chaque fois une partie intime de soi-même, toutes les femmes connaissent les agressions.  Les "violeurs" ne sont pas que des insatisfaits sexuels, ou des maniaques qui s'obsèdent à la vue d'une femme, ils sont plutôt des hommes normaux que le plus souvent les femmes connaissent. Ce sont les hommes qui exigent des femmes un plaisir auquel on leur dit avoir droit et ce, au-delà des besoins et de la volonté des femmes.

Contraception, maternité, avortement

La revendication "C'est à nous de décider de nos besoins" est actuelle. Et pour les femmes elle veut dire beaucoup. Aujourd'hui encore, nous nous voyons refuser le droit de choisir d'avorter ou d'enfanter.  Le péché d'avorter et la nécessité catholique de faire des enfants planent lourdement dans notre vie.  Pourtant des milliers de femmes avortent chaque année: 5,657 avortements thérapeutiques au Québec en 1975.  De plus, 75 % des Québécoises sont forcées de le faire dans la clandestinité, souvent dans des conditions où elles risquent leur santé ou même leur vie.  La majorité des femmes qui ne peuvent pas ou ne veulent pas avoir d'enfant posent le geste dans la terreur où aucun support moral, aucun soutien quant à leur avenir ne leur est accordé. C'est la honte, le mépris, la culpabilité la plus grande, puisque dans la clandestinité.  On fait l'amour à deux, mais on avorte dans la solitude, le silence.

Refuser aux femmes le droit à 1'avortement, c'est nous refuser le droit de contrôler nos corps.  C'est nous considérer en mineures, en irresponsables, incapables de juger de quand nous sommes dans les conditions les meilleures pour mettre au monde un enfant.  C'est ainsi nous nier le droit au plaisir en dehors de la reproduction.

Et ce droit de s'appartenir, de décider de sa vie, de son corps, ce ne sont pas uniquement les lois sur l'avortement qui nous le refusent. Ce sont également les lois de planning familial qui, dans certains pays, obligent la stérilisation des femmes.  Ce sont aussi les nombreux préjugés autour des "dangers" de l'avortement alors qu'en réalité, il s'agit d'une intervention bénigne et sans conséquences pour la vie de la femme s'il est pratiqué dans des conditions médicales adéquates.  Mais quand entend-on parler des nombreuses complications possibles liées à la maternité: phlébite, hémorroïdes, varices, descente de vessie et dangers parfois mortels durant un accouchement difficile?

Dans la société où nous vivons, l'Etat, par les structures et les lois qu'il nous impose, décide de nos corps et de nos vies, tout en nous faisant croire que la maternité nous appartient et qu'il n'intervient pas dans ce domaine du privé.  La maternité est-elle un libre choix dans une société où les idées véhiculées valorisent surtout cet aspect de la vie d'une femme?  "Une vraie femme est mère". "Le taux de natalité baisse; chaque famille est responsable de l'avenir de notre société". On nous encourage à faire des enfants mais la maternité n'est pas reconnue comme un acte social.  La femme enceinte doit donc en assumer seule les conséquences (perte de son emploi, coupure des prestations de chômage).  De plus, l'Etat entretient l'illusion que les femmes contrôlent leur corps à travers la production des enfants alors qu'il nous oblige à accoucher dans des conditions tout à fait hors de notre pouvoir et de notre volonté14.

Tant que tout ce qui touche à la contraception, à l'avortement et à la maternité demeurera un problème strictement "féminin", tant qu'on utilisera ces "domaines du privé" pour écraser et soumettre les femmes au pouvoir des hommes et de l'Etat, nous devrons revendiquer le droit de contrôler notre santé et nos corps, le droit de développer notre autonomie et d'avoir une sexualité libre et épanouissante, de sorte que nos corps ne se retrouvent plus seulement entre les mains des gynécologues, des hommes de loi et de l'Etat.

Conclusion

Les lois sur l'avortement, le viol, et les femmes battues  et toutes les croyances populaires qui entourent ces divers problèmes, traitent les femmes en criminelles, en "femmes faciles", en "masochistes", en irresponsables et leur retirent tout droit de juger elles-mêmes de leur vie.

Et les problèmes des femmes battues, du viol ou de l'avortement ne touchent pas uniquement les quelques femmes qui vivent ces problèmes de façon très aiguë, celles qui paraissent dans l'Allô Police et que la société et la justice ne peuvent plus ignorer.  Ces cas extrêmes dont parlent les statistiques ne sont que la pointe de l'iceberg.  Ils ne sont que les manifestations les plus flagrantes de toute une mentalité qui traite la femme en inférieure.  Ils cachent toute une montagne de. problèmes très courants que doit subir chaque femme dans l'humiliation, le mépris et l'isolement.

En chaque femme, que ce soit la femme violée ou celle qui se soumet au devoir conjugal, que ce soit la femme battue ou celle qui vit dans la crainte d'être méprisée par son chef, que ce soit la femme qui avorte dans des conditions de boucherie ou la femme enceinte qui doit accoucher dans des conditions qu'elle n'a pas choisies, qui souvent l'agressent et lui sont imposées, dans ce qu'elle a de plus privé, de plus personnel, son corps, sa sexualité, ses rapports avec les hommes les plus proches, dans ce qu'elle vit de plus quotidien, une femme ne s'appartient pas.

Et pour que l'Etat puisse se mêler de jouer avec nos vies et nos corps, il doit tout simplement pouvoir s'ingérer (pour la sauvegarde de nos intérêts individuels!) dans notre vie quotidienne dite privée.  Par exemple, le contexte social et politique nous incite fortement à légaliser notre sexualité (en fonction de la reproduction) par le mariage, civil ou religieux, et il entretient l'illusion que les rapports hommes-femmes sont libres et autonomes alors qu'ils sont fondamentalement contrôlés par des politiques et déterminés par le pouvoir en place.

Ce type d'oppression nous fait prendre conscience avec acuité que si la femme souffre en tant qu'entité sociale, tout comme le travailleur, elle souffre en plus en tant que femme et subit un ensemble de contraintes que l'homme ne connaît pas.

Tous ces problèmes violents agressent les femmes, que ce soit moralement et/ou physiquement.  Et s'ils existent,c'est qu'ils cristallisent des rapports de domination de l'homme sur la femme.  C'est pourquoi notre lutte pour la libération des femmes ne saurait être complète si elle n'inclut pas la remise en question des rapports hommes-femmes et la redéfinition des rôles sexuels.

Nous sommes toutes touchées tous les jours et a tous les niveaux de notre vie par cette réalité, et nous avons un grand travail devant nous de réflexion et de prise en charge de nos problèmes spécifiques. Nous devons ensemble chercher en quoi (attitudes, paroles, silences...) nous renforçons notre situation de dominées, et regarder les solutions à court et à long terme qui s'offrent à nous.

  • Quelle importance on donne aux luttes contre les femmes battues, contre le viol, pour l'avortement, etc.?
  • Comment nos attitudes quotidiennes peuvent-elles renforcer ou transformer ces problêmes et plus globalement les mentalités?
  • En quoi la lutte des femmes implique-t-elle une transformation économique de la société?
  • La lutte contre l'exploitation économique et le renversement de la bourgeoisie implique-t-elle nécessairement un changement des rapports dominants-dominés?
  • Dans un point de vue d'unité pour l'ensemble de nos luttes, quelle importance devrait-on donner à la lutte pour la transformation radicale des rapports sociaux?

Nous vivrons ce que nous changerons ensemble.

LA FEMME ET SON RÔLE DANS LA POLITIQUE

Avoir le pouvoir signifie contrôler l'ensemble du fonctionnement d'une société à tous les niveaux: l'économie et toutes les institutions •sociales, politiques et idéologiques.  Dans notre société ceux qui contrôlent sont une minorité.  Cette classe dirigeante utilise les instruments du pouvoir de l'Etat, appareils judiciaires et législatifs, pour défendre ses intérêts qui vont à l'encontre de ceux de la majorité.  Mais tout ça est camouflé par le grand jeu de la démocratie, sous le drapeau de la liberté: "libre association", "libre concurrence", "libre entreprise", "les chances égales pour tous", et surtout le droit de vote universel (acquis depuis peu par les femmes: 1940 au Québec).

Mais le droit de vote à tous les quatre ans est-il vraiment une démonstration de la démocratie? Le fait de choisir une personnalité ou une autre qui sont fondamentalement identiques nous laisse-t-il vraiment le choix? De même, les chances sont-elles vraiment égales pour un petit gars de la classe ouvrière et un autre de la classe bourgeoise, quand, dès les premières années d'école, celui de la classe ouvrière développe, comme par hasard, des soi-disant troubles de comportement? Serait-ce que l'école est faite pour une classe bien précise?

En fait, la. majorité du peuple n'a aucun contrôle sur l'organisation de la société.  Mais les travailleurs, par leur lutte et leurs structures d'organisation parallèle, essaient de faire valoir leurs revendications, leurs droits, leur place dans notre société.  Les pressions que font les travailleurs sur le pouvoir politique bourgeois, par l'intermédiaire des organisations syndicales et populaires, nous paraissent être leur seul pouvoir réel dans la société capitaliste.

Quelle est la place des femmes dans la politique?

Les femmes ont toujours été absentes des structures de pouvoir. Elles ont eu peine à se faire reconnaître leur statut de citoyennes.  Historiquement, à part quelques exceptions, elles n'ont eu aucun rôle dans les prises de décision concernant la collectivité et dans les structures de la politique "bourgeoise", les femmes sont très minoritaires.  Elles n'ont qu'une participation exceptionnelle.  Elles sont surtout des femmes-alibis dos gouvernements pour masquer leurs véritables intérêts économiques et leur chauvinisme profond. La structure politique tente la plupart du temps de récupérer les manifestations de la lutte des femmes, comme elle l'a fait au cours de l'année de la femme. Ceux qui possèdent le pouvoir politique "bourgeois" se donnent bonne conscience en ne permettant qu'à quelques femmes de s'intégrer dans le monde des hommes, mais quand il s'agit d'actions pour véritablement opérer des transformations, ils se ravisent facilement. Par exemple, le présent gouvernement n'a pas hésité à oublier ses promesses compromettantes sur les garderies et sur l'avortement.

Les femmes, travailleuses rémunérées ou non, n'ont aucun pouvoir politique dans la société bourgeoise autre que celui de servir d'appât ou d'être elles-mêmes servantes, donc de conserver leur éternel rôle.  Or, les femmes, pas plus que les travailleurs, n'ont de place dans le pouvoir "bourgeois" mais comme nous le mentionnions précédemment, les travailleurs,face à l'oppression et l'exploitation qu'ils subissent, se sont donnés des moyens d'action, des terrains de lutte pour influencer, ébranler et, à long terme, prendre le pouvoir.

L'isolement de la grande majorité des femmes les coupe complètement de toute possibilité d'influencer le pouvoir en place et de participer à la formation de tout autre pouvoir.  Malgré tout, une minorité de celles-ci est intégrée aux organisations que se donne la classe ouvrière.  Mais quelle place laisse-t-on aux revendications des femmes dans ces organisations? Reconnaît-on leur oppression spécifique? La lutte harassante, quotidienne pour vivre dans un monde juste, égalitaire, peut-elle se mener en traînant avec elle le fardeau d'une inégalité souvent oubliée: celle qui existe entre les sexes?

Dans nos organisations syndicales

Depuis quelques années, de plus en plus de femmes rejoignent les rangs des syndicats.  Certains syndicats sont même essentiellement féminins. Par contre, les femmes ont encore à lutter pour occuper la place qui leur revient. Les syndicats reproduisent souvent les schèmes traditionnels de la société en ce qui concerne les femmes.

Pouvoir et participation des femmes dans les syndicats: combien de femmes retrouve-t-on dans les postes de direction? On s'aperçoit qu'elles y sont minoritaires et lorsqu'on les retrouve sur les exécutifs, c'est le plus souvent au poste de secrétaire.

En dehors de la participation des femmes à la direction des syndicats, on peut également constater que de façon générale leur participation à l'ensemble des activités syndicales est beaucoup moins élevée que celle des hommes.  A quoi cela est-il dû?  Tout d'abord, on nous a appris à considérer la politique comme un domaine réservé aux hommes.  On peut ajouter à cela qu'après des siècles de domination et d'isolement dans nos cuisines, on ressent une grande timidité et une insécurité qui rendent notre processus d'affirmation en public bien difficile.  On peut dire aussi que de militer, pour une femme, ça veut souvent dire une "3e job".  D'ailleurs, lorsqu'elle travaille à l'extérieur, elle se fait reprocher de négliger son rôle de mère et d'épouse.  Peut-elle se permettre de se le faire reprocher, en plus, à cause du militantisme syndical?

Quant aux femmes qui sont actives dans les syndicats, elles doivent souvent faire face à des attitudes discriminatoires.  Une femme qui assume une tâche syndicale habituellement assignée à un homme aura à supporter le poids "d'être une femme".  Elle aura à prouver qu'elle est aussi bonne et même meilleure qu'un homme.  Elle subira la peur de voir ses erreurs associées au fait qu'elle est: une femme.  Elle a, en plus, à lutter contre un ensemble d'attitudes stéréotypées qui font d'elle un objet sexuel et une exécutante plutôt qu'une militante à part entière.

Quels efforts font les centrales syndicales pour remédier à ces situations? Quelles attitudes ont les militants, les syndiqués et permanents, pour participer à la transformation de ces situations?

Dans les syndicats, comme dans la société, les mentalités sont bien longues à se transformer.

Revendications des femmes dans les syndicats:  les syndicats ne cessent de répéter qu'il faut unir la lutte des femmes à la lutte des travailleurs.  Les femmes ont démontré leur accord là-dessus en participant aux luttes syndicales.  Peut-on en dire autant des travailleurs dans la lutte spécifique des femmes (avortement, garderies, congé de maternité ?). Bien sûr depuis quelques années, les centrales syndicales ont intégré à leur politique officielle ces revendications, mais qu'en est-il des luttes concrètes qui se mènent dans les syndicats pour les obtenir?

Ainsi, la revendication syndicale "à travail égal, salaire égal" 15 est mise de l'avant depuis plus de 75 ans; comment se fait-il qu'elle ne soit pas encore un acquis syndical? D'autre part, si certains syndicats ont obtenu le droit aux congés de maternité, cette lutte n'est pas terminée: dans plusieurs cas, c'est la première clause sur laquelle on cédera lors des négociations et la dernière pour laquelle on acceptera de se battre.  Enfin, les syndicats qui luttent pour l'obtention de garderies sur les lieux de travail font véritablement exception.

Bien sûr, on note un certain changement des mentalités au sein des centrales syndicales depuis la création des comités de la condition féminine. Ces comités ont entrepris un travail de sensibilisation sur les questions et revendications des femmes.  Ces revendications ne sont plus le fait de quelques femmes isolées mais sont soutenues par l'appareil syndical.  Le statut de la femme travailleuse s'est donc quelque peu amélioré.  Par contre, les comités sont très conscients de leur isolement et des difficultés à faire pénétrer leurs préoccupations dans toutes les structures et instances du mouvement syndical.  On ne saurait oublier l'immense retard des revendications féminines sur l'ensemble des revendications syndicales.

Dans les organisations populaires

Dans les organisations populaires, les femmes sont majoritaires car ces groupes touchent des secteurs où elles sont spécifiquement concernées (assistées sociales, travailleuses au salaire minimum, etc.). Nous sommes à même de constater que les femmes, y compris dans les organisations de défense, occupent encore principalement le terrain du travail non rémunéré.  Les organisations populaires permettent de remettre en question l'organisation de la vie quotidienne.  Elles touchent des domaines comme l'éducation des enfants, la distribution des biens de consommation, l'organisation communautaire de quartier. Elles permettent aux femmes de sortir de leur isolement, de se prendre en main, de connaître leurs droits et de se défendre contre les attaques virulentes et quotidiennes du système capitaliste en place.

Mais dans quelle mesure peut-on dire que les femmes possèdent un réel pouvoir dans les organisations populaires?

Une mini-enquête auprès de personnes oeuvrant dans les milieux populaires nous permet de supposer qu'effectivement les femmes sont majoritaires dans les organisations populaires, mais que les quelques hommes présents occupent une place de choix dans leurs structures de décision et de gestion (dans les assemblées générales et les conseils d'administration) Evidemment, les organisations populaires ne sont pas à l'abri de manifestations des rôles sexistes.  Le discours et la gestion sont des domaines habituellement réservés aux hommes, d'où une certaine crainte des femmes à s'exprimer et à prendre des décisions.

Il ne s'agit pas d'enlever la parole aux hommes, mais il nous semble normal que la direction des organisations populaires reflète leur composition.

Avant de conclure sur le sujet, il est important de souligner le fait que les groupes populaires sont isolés des syndicats, donc que les groupes qui remettent en question l'organisation de la vie quotidienne (majoritairement composés de femmes) sont isolés de ceux qui remettent en question l'organisation du travail (majoritairement composés d'hommes). Cette constatation doit nous rappeler l'importance d'unir les femmes et les hommes sur ces deux terrains de lutte.

Dans les organisations politiques (dites de gauche)

A coté des organisations populaires et syndicales, il existe aussi au Québec, des organisations politiques dites de gauche.  Ces organisations  se veulent des embryons de parti des travailleurs et proposent  à la classe ouvrière une ligne politique et une stratégie de lutte contre les capitalistes. Malgré ces grandes prétentions, le traitement qui est fait aux femmes est bien loin de révolutionner les schémas traditionnels: la question des femmes est inscrite au 25e point du programme politique, on ne retrouve que très peu de femmes dans les postes de direction et on a des exigences politiques à l'égard des femmes qui ne tiennent pas compte de leurs responsabilités de mères et de ménagères. Certaines organisations font des efforts pour intégrer des femmes dans les postes de direction (à compétence égale, ils choisissent une femme) et tentent de favoriser l'échange de gardiennage, mais la conception de fond reste la même.16.

La lutte des femmes est considérée comme secondaire, la lutte principale étant celle du prolétariat.  De ce fait la lutte des femmes doit se soumettre à une ligne prolétarienne et le socialisme sera la solution de toutes les contradictions.

A partir de cette conception,

LES GROUPES AUTONOMES DE FEMMES

Nombreuses sont celles qui ont décidé de former des groupes exclusivement composés de femmes. Mais quelles sont les raisons qui les ont amenées à faire un tel choix?

3. il faut se retirer et acquérir assurance et expérience sur son propre terrain, avant de retourner défendre ses positions dans les groupes mixtes. Connaître enfin le droit à la parole qui nous est refusé si souvent.

4. il est nécessaire qu'existé enfin un lieu où la question des femmes soit la priorité afin qu'une véritable analyse puisse voir le jour et que de véritables stratégies de lutte puissent être élaborées.

Ce ne sont là que quelques-unes des raisons qui ont amené la fondation de ces groupes, mais ce sont, nous croyons, les raisons principales que l'on retrouve dans la plupart des groupes tant au Québec qu'ailleurs dans le monde. Par contre, ces groupes diffèrent énormément les uns des autres, quant à leur analyse politique (reconnaissance ou non-reconnaissance de l'existence des classes sociales) et à leur lieu spécifique d'intervention (centre d'auto-santé, comité de lutte pour l'avortement, maison d'édition, journal ou revue).

Les luttes menées par ces groupes sont un des éléments moteurs qui ont amené un changement des mentalités et des attitudes quant à la question des femmes. Nous leur reconnaissons une place importante dans l'ensemble des luttes menées par les femmes. Mais nous ne pouvons nous empêcher de questionner leur isolement relatif. Comment parvenir à faire de la lutte des femmes pour acquérir le droit à l'avortement et la contraception libres et gratuits, non pas une lutte réservée aux seules femmes mais une lutte qui doit être menée par l'ensemble du peuple? Comment donner sa juste place et toute sa place à l'intérieur de l'ensemble des luttes, aux luttes concernant le domaine de la reproduction? Nous menons des luttes contre l'oppression spécifique des femmes, mais nous refusons d'être circonscrites a ces seules luttes.

Quoique nous appuyions certains groupes autonomes dans leur stratégie de luttes à court terme, nous nous questionnons beaucoup sur l'avenir, l'insertion de ces groupes, dans un projet de changements sociaux à plus long terme.

Conclusion

La lutte des femmes est une lutte contre le pouvoir bourgeois et le pouvoir mâle (soutenu par le pouvoir bourgeois). Notre but n'est pas de s'emparer seules du pouvoir, mais d'y occuper la place qui nous revient.  Nous sommes la moitié du peuple, nous avons des droits, des revendications à faire respecter.  Nous avons à conquérir un pouvoir réel sur nos vies, nos organisations populaires, syndicales et politiques. Ces organisations devraient tendre le plus possible vers "l'image de notre société juste et égalitaire".  Elles devraient nous permettre de faire disparaître l'écart entre les sexes.  Elles devraient participer a l'unification des hommes et des femmes prolétaires en un même combat et nous permettre la destruction de cet homme comme instrument d'oppression de la femme. Bien sur, ce n'est pas facile, tout est à faire, mais nous ne pouvons qu'exprimer notre impatience devant la situation de statu quo actuelle. La parole vous est rendue femmes et hommes.  En espérant qu'elle détruira dès maintenant l'éternel maladie des sujets tabous.

LE ROLE DE LA FEMME DANS LA FAMILLE

En choisissant d'aborder le rôle de la femme dans la famille, nous touchons le lieu privilégié de l'oppression féminine: la famille est le lieu principal de la reproduction (avant de pouvoir produire des biens nouveaux, une société doit d'abord se reproduire).

La famille est à la fois une micro-société et le pilier de l'ensemble de la société.  Elle doit à la fois se reproduire (la société a besoin que la famille se perpétue puisqu'elle est la base de son fonctionnement) et reproduire les valeurs et les personnes qui font la société.

Quel est le rôle de la femme à l'intérieur de cette structure? Elle produit les enfants, reproduit la force de travail17 des travailleurs et des futurs travailleurs et inculque les valeurs véhiculées par la famille et la société.  La femme est donc avant tout reproductrice, alors que l'homme se définit plutôt par son rôle de producteur.

Mais quelle valeur accorde-t-on au rôle de reproduction? Une valeur beaucoup moins grande que celle accordée à la production.  Vingt-cinq années d'expérience comme ménagère n'ont qu'une valeur affective comparées à vingt-cinq ans d'expérience acquise a la production. La société capita-. liste valorise beaucoup plus le travail productif puisque c'est de ce travail qu'elle peut tirer un profit. Nous croyons que la dévalorisation vécue par la femme dans l'ensemble de ses rapports sociaux (sexuels, politiques, économiques) est directement reliée à la dévalorisation qu'elle subit en tant que reproductrice.

1. La femme reproductrice de l'espèce humaine

Toutes les femmes, que ce soit la bourgeoise, la travailleuse ou la ménagère, occupent un rôle essentiel dans la  société: la reproduction de l'espèce humaine. Cette fonction biologique propre à la femme a servi à la confiner dans un rôle de reproductrice.  Même incluses à la production, les femmes s'identifient d'abord en référence à cette fonction: "la maternité est notre destinée".

2. La femme reproductrice de la force de travail des travailleurs et des futurs travailleurs

La femme au sein de la famille joue également un rôle économique, celui de l'entretien journalier de son époux et de ses enfants (futurs travailleurs) : confection des repas, lavage, tout ce qui entoure leur confort.

En fait, la mère devient tour à tour pour son mari et ses enfants la cuisinière, la serveuse, la couturière, la ménagère, la buandière, l'infirmière, l'éducatrice, la secrétaire, la comptable, la gardienne, la jardinière, sans oublier l'amante et bien d'autres encore.

Ce travail de la femme procure une économie de temps et d'énergie à celui qui gagne la vie de la famille et lui permet de réaliser un travail à l'extérieur.

3. La femme reproductrice des valeurs de notre société

Dans presque toutes les formes d'organisation sociale, c'est la femme qui s'occupe de l'éducation et de la garde des enfants.  Cette occupation privilégiée lui confère un rôle de la plus haute importance: la reproduction des valeurs de notre société.  La mère apprend à ses enfants des règles, des normes, un mode de vie, une conception du monde dont le poids est décisif.  Elle est, sans le savoir, un agent de transmission des valeurs, des stéréotypes de notre société, bref de la culture, de l'idéologie.

Alors, non seulement elle prépare pour la société des travailleurs en santé, mais elle les prépare moralement à ne pas dévier de la norme, à accepter le fonctionnement de la société avec le rôle échu à leur sexe.  La première valeur transmise par la famille, c'est justement la famille.  Le modèle de vie proposé aux enfants est le modèle familial où le rapport entre les sexes traduit le rapport dominant/dominée.  La petite fille apprend dos l'enfance un rôle où elle est infériorisée par rapport au garçon.  Elle est soumise en outre à tous les conditionnements appropriés pour en faire une bonne épouse et une bonne mère.  La famille est une valeur sacrée et elle est transmise comme telle.

4. La femme dévalorisée, exploitée  dans son rôle de reproductrice

Il est fréquent d'entendre parler de femmes dans la cinquantaine qui font une dépression.  Sa famille élevée, la femme s'ennuie et déprime tranquillement.

Nous voulons nous attarder ici sur la dévalorisation que connaissent les femmes qui, pour toute carrière, ont élevé une famille.  La mère se dévoue entièrement pour sa famille.  "Môman a travaille pas, a trop d'ouvrage" exprime sous l'ironie les ingrates conditions de travail de la femme au foyer, c'est-à-dire son exploitation. Le salaire est nul, l'horaire est de 24 heures par jour et de sept jours par semaine en disponibilité.  Elle n'est affiliée à aucun syndicat, elle n'a pas le droit de grève, pas de bénéfices marginaux, pas de vacances, pas de sécurité d'emploi (sinon la garantie que l'amour dure toujours).

Même si tout ce qui entoure la maternité comporte une grande valeur affective, cette valeur n'est pas monnayable dans notre société. On n'engage pas quelqu'un par amour.  Parmi les tâches traditionnelles, les travaux ménagers ont été appelés du "travail invisible", à juste titre d'ailleurs, car c'est du travail qui disparaît avec l'usage et qui : n'est pas considéré comme productif.  La femme qui a une expérience de 15 ans en tant que ménagère n'est en aucune façon "vendable" sur le marché du travail. Entre faire un travail sans valeur et n'avoir aucune valeur, il n'y a qu'un pas.

Que la femme s'identifie d'abord et avant tout à une mère, qu'elle y consacre sa vie, a aussi comme résultat une perte de son identité, une méconnaissance de ses besoins et l'absence de projet personnel.  L'encadrement social, les lois qui la concernent confirment cette aliénation. Elle a besoin de la signature de son mari pour des opérations bancaires ou commerciales (achat de propriété, emprunts,cartes de crédit...), pour une intervention médicale comme l'avortement.  La tradition chauviniste donne à la nouvelle mariée le nom de son époux.  Il n'y a pas longtemps, les femmes avaient besoin de la signature de leur mari pour une intervention chirurgicale, etc...

Le fait que les femmes soient isolées dans leur maison ou en banlieue, contribue encore à maintenir leur aliénation, et rend d'autant plus difficile leur mobilisation.  Les femmes qui vont travailler à l'extérieur ont l'occasion de sortir de leur isolement, mais elles demeurent attachées à leur tache de mère et de ménagère.  Elles sont alors doublement exploitées car elles font la double journée d'emploi.

On pourrait se demander s'il suffirait de donner le salaire à la ménagère pour redonner une valeur à la femme?

Que penser aussi de la socialisation des tâches ménagères?

5. Le travail "improductif" des femmes profite au capitalisme

Pour s'assurer des profits de plus en plus grands, le capitalisme voit au bon fonctionnement de la production, planifie et investit.  Il réinvestit aussi dans la reproduction et l'entretien des usines, des machines et du matériel nécessaires à la production.  Mais il n'investit pas directement dans la production et l'entretien de la main-d'oeuvre, même si une maigre partie des profits est versée en salaire aux travailleurs.  Ce salaire doit pourvoir à la fois à l'entretien de la force de travail et à sa reproduction, ce qui n'est possible qu'en ayant recours au travail gratuit accompli par les femmes au sein de la famille.  La femme assume un rôle à la fois biologique (enfants), économique (travail domestique gratuit) et idéologique (transmission des valeurs, etc.) absolument nécessaire à la survie du capitalisme, même si celui-ci refuse de le reconnaître en le qualifiant d'"improductif".

6. L'homme participe à l'oppression des femmes dans la famille et en retire des avantages

Dans la famille, c'est l'homme qui personnifie les intérêts de la bourgeoisie.  Son rôle de chef de famille lui confère la responsabilité de voir à ce que la femme accomplisse bien ses devoirs de mère, de ménagère et d'épouse, et lui donne une autorité sur la femme avec droit de réprimander ou punir.  De cette façon, il est le gardien des intérêts de la bourgeoisie et en retire des avantages concrets: il est déchargé des tâches ménagères et du soin des enfants et connaît une liberté d'action plus grande que la femme à tous les niveaux.

Par contre, s'il refuse d'assumer ce rôle de chef, des pressions diverses s'exerceront sur lui: on le traitera de faible et de mou (lavette, tapette) et même d'irresponsable.

7. La femme elle-même se maintient dans un rôle de dominée

Sous prétexte d'un mariage d'amour, nous pensons que la femme se ménage dans bien des cas:

Ce qui peut se résumer à "quand je suis avec toi, j'ai la vie devant moi".  L'homme recherche également la sécurité affective, l'amour, mais, à la différence de la femme, il n'en fait pas le but de sa vie, sa raison sociale.  La femme, conditionnée à réaliser sa vie par amour envers les autres surtout, a développé des traits que l'on dit typiquement féminins: l'altruisme, le don de soi, la soumission, la résignation, le masochisme, et qui résument un peu la psychologie du dominé.  La femme a appris à faire des choses pour les autres, rarement pour elle-même, ce qui fait qu'elle ignore souvent ses propres besoins.

La femme paie donc cher la sécurité acquise dans le mariage et la vie de famille.

Conclusion

La plupart des femmes ne sont évidemment pas conscientes de leur oppression spécifique, la cage est souvent dorée (les avantages) et les rôles culturels sexistes sont soigneusement transmis et surtout bien intégrés par les femmes.  Il n'en demeure pas moins qu'elles subissent à l'intérieur de la famille une double oppression:

Dans l'immédiat, les femmes ont un travail d'éducation à faire auprès des hommes contre le chauvinisme mâle (mépris du sexe masculin envers le sexe féminin) tant dans le domaine privé (la famille, les relations sexuelles...), que dans le domaine public (le travail, le syndicat, le militantisme...).

Enfin, nous ne saurions parler de libération des femmes sans nous questionner sur la famille et sur les relations émotives qui la fondent et la maintiennent.

CONCLUSION

Prendre conscience réellement de l'oppression spécifique des femmes nous amène à développer un regard critique sur nos organisations syndicales et populaires et à repenser nos pratiques et nos objectifs de lutte.  Un socialisme véritable ne saurait exister sans que les femmes et leurs luttes spécifiques n'y occupent toute leur place.

Mais la tâche n'est pas facile.  Il faudra mieux comprendre les mécanismes de l'oppression des femmes et les responsabilités respectives de la bourgeoisie, des hommes et des femmes.

Nous vous livrons ici quelques conclusions de notre réflexion qui devront être soumises au questionnement, à la discussion collective et à une étude plus approfondie pour pouvoir aboutir à une position réelle et unitaire de la question des femmes.

1. Les femmes vivent une oppression spécifique

Nos réflexions nous font prendre conscience que les femmes, depuis des siècles et encore aujourd'hui ont vécu et vivent une exploitation et une oppression profonde et particulière dans tous les aspects de leur vie.

Economiquement

La femme est une personne que le capitaliste exploite davantage qu'un homme comme travailleuse sous-payée et comme ménagère non-payée. Et en plus de vendre sa force de travail à meilleur marché, souvent la femme doit vendre aussi son corps, son sourire, sa "belle apparence" et se confiner à des secteurs particuliers de la production.

Si on constate que les travailleurs dans notre belle "démocratie bourgeoise" sont démunis de tout contrôle politique réel sur l'organisation de la société, nous constatons aussi que les femmes ont encore moins d'influence sur le pouvoir bourgeois puisque majoritairement non syndiquées ou complètement isolées dans leur cuisine. La ménagère devra subir les décisions sans avoir aucun moyen valable de protester contre les injustices.

Idéologiquement

Les travailleurs connaissent, en plus d'une exploitation, le mépris de leur statut d'exécutant et d'exploité. Leur existence est conditionnée par un ensemble de valeurs imposées par la minorité dominante.

Ce mépris, les femmes le connaissent aussi.  Mais elles connaissent pire encore, un mépris plus quotidien.  Elles sont au dernier rang des exécutants.  Elles ne contrôlent ni leur corps, ni leur sexualité.  Et ce mépris, elles doivent le subir, non seulement en face de la bourgeoisie, mais en face de leurs propres alliés de classe, leurs compagnons de travail, leur mari, leurs amis et aussi d'elles-mêmes.

2.     La libération des femmes passe par une transformation radicale des rapports de production et de reproduction

Les intérêts des femmes sont tout à fait opposés à ceux de la bourgeoisie.  Notre oppression et notre exploitation sont fondées sur le fait que nous assumons individuellement et gratuitement la reproduction des travailleurs et de leur force de travail.  Notre libération exige donc

Alors notre libération passe par un changement radical du processus de production et de reproduction, ce qui implique l'abolition du capitalisme.

Les femmes et les travailleurs doivent s'unir pour abolir le capitalisme et pour construire une société égalitaire.  Mais nous voulons une société égalitaire pour tous. Dans les pays socialistes, il est vrai que la situation a changé: les moyens de production sont répartis plus également, les richesses aussi. Mais quels changements radicaux a connu tout le domaine de la reproduction (des enfants, de la force de travail, des valeurs)? La famille, institution-clé de la bourgeoisie, fonctionne encore selon des ' schèmes traditionnels bourgeois; les femmes bien qu'elles aient eu accès au marché du travail, ne sont pas encore maîtresses de leur corps et de leur vie.  Elles se sont battues à coté des hommes pour la révolution; est-il normal qu'elles aient encore à se battre dans la nouvelle société pour conquérir leur place d'égalité?

Nous ne pouvons que critiquer les alternatives qui ne remettent pas radicalement en cause et le processus de production et le processus de reproduction capitalistes.

3.     La libération des femmes passe par la transformation radicale des rapports hommes-femmes

La lutte des femmes est double: d'abord et principalement, une lutte contre la bourgeoisie qui nous conserve dans un état d'isolement et d'oppression et également une lutte contre les hommes qui participent et profitent de cette oppression.  En effet, l'éducation bourgeoise a appris à l'homme à considérer "sa" femme comme étant sa propriété, son soutien, sa petite sphère à lui, lui fournissant ainsi l'illusion qu'il peut lui aussi avoir sa propriété privée, être maître à son tour.

La lutte contre la bourgeoisie ne pourra réussir qu'en alliant toutes les forces en présense.  Mais la femme ne s'unira pas à un oppresseur mais à un allié, ce qui implique une transformation radicale des rapports hommes-femmes.  Et remettre en question les rapports hommes-femmes, c'est remettre en question tout un domaine qu'on considère encore trop souvent intouchable: celui de l'amour, de la sexualité, de l'éducation des enfants, de la famille.

Ceci nous amène encore une fois à questionner les alternatives qui remettent en question les rapports de production ouvriers-patrons sans remettre en question les rapports hommes-femmes.  Ainsi, dans les pays socialistes, si les prolétaires ont transformé leur rôle de producteur économique, ont-ils transformé leur rôle d'homme, de dominateur sur la femme, leur rôle sexuel, leur rôle de mari et de père?

Or nous croyons essentiel de transformer non seulement les rapports de production a l'usine mais aussi tous les rapports sociaux dans la vie privée.

4. La lutte des femmes enrichit la lutte de l'ensemble du peuple

Nous croyons que les femmes auraient beaucoup à apporter à la lutte de l'ensemble du peuple contre la bourgeoisie, entre autres, une conception nouvelle des rapports sociaux et de la reproduction.  C'est peut-être ce qu'entend un collectif italien de femmes quand il dit: "Si le marxisme pose des questions aux femmes, les femmes posent aussi des questions au marxisme". Peut-on vraiment transformer la structure économique sans transformer les valeurs qui la maintiennent en place?  Peut-on vraiment aspirer à une société égalitaire où le "libre épanouissement de chacun est la condition du libre épanouissement de tous" (Marx, le Manifeste) si nous n'avons pas transformé ce qu'il y a de plus profond en nous, de plus privé et qui nous rend chacun oppresseur de l'autre?

La lutte des femmes peut permettre également de bâtir une unité réelle avec les travailleurs, c'est-à-dire une unité où, non seulement les femmes doivent lutter à côté des travailleurs, mais où les travailleurs doivent lutter avec les femmes pour leurs revendications spécifiques.

5. La lutte des femmes est importante, il faut la développer

Il n'y a aucune raison d'attendre l'abolition du capitalisme. Il faut dès maintenant poser les conditions pour bâtir cette véritable unité entre travailleurs et femmes, et pour construire un socialisme nouveau:

Au niveau théorique

II faut construire nos outils théoriques, acquérir une compréhension scientifique de notre oppression spécifique et de notre rôle de reproductrice.

Au niveau pratique

Développer nos lutter contre la bourgeoisie (viol-avortement, garderie, etc...).

Lutter pour faire reconnaître nos revendications spécifiques dans nos organisations syndicales et populaires et conquérir une place d'égalité dans le contrôle de ces organisations.

Eduquer travailleurs et travailleuses pour transformer les mentalités -et développer une conception différente des rapports hommes-femmes.

Politiser tout le domaine "privé" (amour, sexualité...). Et développer notre autonomie de pensée et d'action.

Et ... nous vivrons ce que nous changerons ensemble.

Notes

1 Travail social: être payé pour son travail.

2 Guillemette De Sairigni, Les Françaises face au chômage.  Denoël/Gonthier, Paris, 1978, p. 55. Tiré de l'Agenda 1979.  Editions Remue-Ménage.

3 Women at work 1850-1930, Women's Press, 1974.

4 Francine Barry, Le travail de la femme au Québec, l'évolution de 1940 à 1970, P.U.Q.,

5 Statistiques Canada.  La population active, août 1978.

6 Pouvoir choisir, Cook, pp. 124-125.

7 Francine Barry, pp. cit.

8 Ecole et luttes de classes au Québec, 1974.

9 Sauf dans certains secteurs syndiqués où les femmes sont majoritaires tels que: hôpitaux, textiles, etc.

10 "Une étude américaine récente établit à 25 millions le nombre d'américaines qui font l'objet de sévices corporels de la part de leur mari". "Un américain sur deux bat sa femme", in Le Soleil, 28 juin 1977, p. F-l.

11 Une étude faite à Toronto, couvrant le territoire canadien, nous révèle que, dans36 % des cas, les personnes étaient des connaissances, 25 % des connaissances récentes et 39 % des inconnus.  On peut donc affirmer que dans 60 % des cas, la victime et l'auteur du viol étaient au moins de vagues connaissances ou des parents.Tiré de "Réflexion sur la condition des femmes violentées", Conseil du Statut dela Femme.

12 Par exemple, citons le cas d'un jeune ouvrier agricole, immigré dans la région minoise en France, condamné à 10 ans de réclusion criminelle pour le viol d'une jeune femme de 25 ans, in Le Monde, 26 avril 1978, "Viol: les femmes et le recoursà la justice".

13 "Une personne du sexe masculin commet un viol en ayant des rapports sexuels avec une personne du sexe féminin qui n'est pas son épouse...", extrait de l'art. 143, Code criminel. Tiré de Réflexion sur la condition des femmes violentées, Conseil du Statut de la Femme.

14 Un article dans l'Actualité, septembre 1978, nous révèle que lors d'accouchements difficiles, la délivrance se fait de plus en plus par le recours à la césarienne. Evidemment, des circonstances obligent une telle intervention, mais que dire de son emploi généralisé?: "...les nouveaux spécialistes formés dans les hôpitaux où l'on règle de plus en plus les cas difficiles par ce recours chirurgical n'apprendront jamais les autres méthodes: ils n'auront donc plus le choix".  Les femmes non plus!  A qui profite ce genre de méthode: c'est la production accélérée pour les hôpitaux, c'est un horaire moins perturbé et un cachet plus élevé pour les médecins.  C'est l'accouchement rentabilisé.

15 Depuis trois ans, la revendication s'est transformée: "à travail de valeur égale, salaire égal". Les syndicats auraient grand intérêt à intégrer les femmes à leurs structures, puisqu'elles deviendraient des alliées et non, comme on le dit souvent, un facteur de conservatisme. Les femmes pourront se sentir vraiment à l'aise à lutter au coté des travailleurs contre l'exploitation capitaliste lorsqu'elles seront à même d'y intégrer leurs revendications spécifiques, i.e. à mesure que sera détruit le rapport de domination qui existe entre les sexes.

16 Nos recherches ne nous permettent pas d'expliquer les petites nuances entre les différentes organisations.  Mais il nous semble juste de rattacher à cette conception les "m-1" les plus orthodoxes: la Ligue communiste marxiste-léniniste, En lutte, Le parti des travailleurs du Québec.  Toutefois, nous possédons trop pou d'informations sur la Ligue ouvrière révolutionnaire pour définir leur position.

17 Reproduction de la force de travail: entretien matériel et moral du travailleur.