Lors du discours inaugural de la législature, le 23 mars 1983,
le chef du gouvernement disait: "vouloir soumettre dans les mois
qui viennent aux familles québécoises, pour consultation,
un projet de politique de la famille qui proposera des orientations
sur tout un éventail de préoccupations familiales couvrant,
entre autres, les services à la famille, l'aide financière,
la fiscalité, le congé parental et le logement. Une
attention particulière y sera accordée aux familles monoparentales
dont la situation est souvent si difficile sur tous les plans".
Ce projet de politique de la famille, initié en novembre 81, vous
sera bientôt soumis lors de consultations régionales organisées
par le gouvernement en collaboration avec les organismes du milieu.
Le ministre responsable de ce dossier est maintenant Pierre-Marc Johnson,
ministre des Affaires sociales.
POURQUOI FAUT-IL PARTICIPER A CES CONSULTATIONS? COMMENT INTERVIENDRONS-NOUS?
Voilà deux questions de toute première importance.
Nous ne pouvons ignorer ce projet de politique de la famille. Il concerne
toutes et chacune d'entre nous et risque de modifier la vie des
familles québécoises. L'AFEAS, en tant qu'association
féminine visant la promotion de la femme au sein de la famille
et de la société, s'intéresse à ce projet de politique
de la famille. Elle a donc choisi d'analyser ce projet du point de vue
des femmes impliquées dans des familles. Cette approche signifie
que nous regarderons, analyserons les propositions de l'État
et apporterons nos idées et recommandations comme femme, individu
et partenaire dans la famille.
Peu d'organismes au Québec seront en mesure d'apporter cet éclairage.
Souvent les organismes préoccupés de la famille ont davantage
une pensée familiale que féministe. Il n'existe, à une
exception près, aucun organisme ou association, qui groupe autant
de femmes au Québec. Nous devons donc intervenir comme femme en
tant qu'individu dans une famille. Nous avons toutes les raisons de
croire que cet aspect de la vie des femmes sera négligé si,
personnellement, les membres de notre association ne s'en préoccupent
pas.
Notre but n'est pas d'écarter l'homme ou les enfants qui sont
aussi membres de la cellule familiale, mais de mettre en relief la valeur
et la contribution de chacun d'eux et particulièrement celles de
la femme. Qui peut, mieux que nous, faire valoir toutes les ressources
qu'une femme peut apporter à la famille et vice-versa, car
cet apport ne doit pas se faire en vase clos et unilatéralement.
Ces consultations régionales, répétons-le, sont importantes
et le projet gouvernemental de politique de la famille répondra
à nos besoins dans la mesure où nous déciderons d'y apporter
nos réflexions et nos recommandations. Voilà pourquoi, depuis
le printemps dernier, l'AFEAS a formé un comité ad hoc provincial
afin de penser à une stratégie d1intervention.
Ce comité a d'abord fait le tour des recommandations AFEAS et
a cerné quelques secteurs où il serait nécessaire d'intervenir.
Nous avons rédigé ce dossier afin de vous permettre de mieux
comprendre les secteurs d'activités présentant un intérêt
pour les femmes au sein de la famille. Ce document veut aussi vous sensibiliser
à l'importance de participer aux consultations régionales
et vous préparer à intervenir.
Vous trouverez donc dans ce document cinq secteurs d'intervention avec
quelques informations suscitant des questions à se poser ou à
poser lors des consultations. Ce sont des pistes, que vous pourrez enrichir
de vos propres expériences, mais pour l'unité du mouvement
AFEAS, nous vous recommandons de toujours partir des principes déjà
adoptés par l'AFEAS.
Tous les secteurs ne doivent pas nécessairement être étudiés;
tant mieux si vous pouvez le faire, mais nous vous suggérons de
choisir ceux qui vous paraissent prioritaires et parmi lesquels
vous sentez que des améliorations doivent être faites.
Lorsque le projet de politique de la famille du gouvernement sera déposé,
ce document-ci sera suivi d'une annexe vous permettant de faire
le lien entre ces deux dossiers. Nous espérons que, malgré
toutes vos préoccupations, vous prendrez le temps de prendre
connaissance de ce dossier et pourrez intervenir lors des consultations
dans vos régions. Il y a certainement des femmes dans votre région,
responsable de l'action sociale ou autres, qui porteront un grand intérêt
à la question et qui ne demanderont pas mieux que d'y consacrer
du temps et des énergies.
LE COMITE AD HOC PROVINCIAL SUR LA POLITIQUE DE LA FAMILLE
Lise Paquette, présidente de l'AFEAS Solange Gervais, ex-présidente
de l'AFEAS
Lucille Bellemare, ex-membre du Conseil Exécutif provincial de
l'AFEAS
Claire Levasseur-CÔté, membre de la région de St-Jean
Lise Houle, agente d'information au secrétariat général
de l'AFEAS
UNE POLITIQUE DE LA FAMILLE
Avant d'aborder chacun de nos champs d'intervention, il serait bon
dans un premier temps de définir ce qu'est une politique de la
famille et en quoi elle doit tenir compte des femmes.
1. Qu'est-ce qu'une politique de la famille?
Une politique de la famille, c'est un ensemble de mesures, de programmes
visant à favoriser le bien-être des familles, que ce
soit dans le domaine des services de santé, de l'éducation,
des services sociaux, de la sécurité du revenu, de la
fiscalité.
Le comité inter-ministériel du gouvernement s'est vu confier
le mandat d'analyser ces divers programmes et mesures, de les
resituer dans un cadre cohérent et intégré qui s'appelle
une politique familiale(1). Selon le ministre Lazure, cette politique
familiale devrait "s'attacher à l'ensemble des difficultés
vécues par la famille et faciliter la présence d'enfants".
(2)
Les objectifs officiels de cette politique, tels que définis par
monsieur Lazure au début du travail d'élaboration de la politique
familiale sont:
- Reconnaître le rôle social de la famille et ses droits.
- Améliorer la qualité de vie des familles,
- Permettre de rendre compatibles les nouveaux modes de vie et la
présence d'enfants.
- Leur apporter les appuis nécessaires (services et prestations)
pour qu'elles remplissent leurs rôles et fonctions.
2. Ce qu'est une politique de la famille qui tienne compte des
femmes
Une politique de la famille qui tienne compte des femmes est une politique
qui reconnaît l'apport des femmes en tant qu'individu dans
la famille. C'est une poli-tique respectueuse des besoins et des droits
des femmes en tant que personnes à part entière. C'est une
politique qui permet l'enrichissement et l'épanouissement de chacune
des personnes constituant la famille afin que l'évolution personnelle
de ses membres contribue à l'évolution de la cellule familiale.
- Audette Gisèle, Coté Marie-Hélène, Femmes
et politiques familiales, Conseil du statut de la femme, Gouvernement
du Québec, 11 novembre 82.
- "La politique familiale":"mandat, plan de travail et participation
des organismes familiaux", document présenté par le ministre
Lazure aux organismes du comité consultatif lors d'une rencontre
préliminaire le 6 novembre 1981.
Dans une politique de la famille qui tienne compte des femmes on
devrait trouver les principes suivants :
- identité
- autonomie
- égalitéresponsabilité partagée
- sécurité
IDENTITE
Reconnaître la femme en tant que personne distincte de son conjoint
ou de ses enfants.
AUTONOMIE
Reconnaître pour la femme le droit de se gouverner elle même,
EGALITE
Avoir des conditions de vie, de travail, de loisir équivalentes
aux autres membres de la famille et aux autres travailleuses (eurs)
RESPONSABILITE PARTAGEE
Partager les avantages et les inconvénients. Les droits ne vont
pas sans les devoirs et les responsabilités. Le partage veut aussi
dire collaboration et échange dans les tâches et les rôles.
SECURITE
Reconnaître à la femme le droit d'assurer sa sécurité
actuelle et future. La femme qui investit du temps, des énergies,
des années pour sa famille ne reçoit aucune compensation financière
pour ce travail. Elle est en droit de demander des mesures pour assurer
sa sécurité.
3. Comment définir la famille
Avant d'aborder le cœur de notre sujet, nous apporterons une définition
de la famille que plusieurs organismes ont déjà adoptée.
Les groupes parent (s) - enfant(s) vivant ensemble dans une
certaine continuité pour favoriser le développement personnel
et social des individus qui les composent.
Nous avons retenu cinq secteurs auxquels une politique familiale devrait
s'intéresser et s'appliquer. Ces secteurs sont:
- Le droit familial
- Le travail
- Les services sociaux et de santé
- L'éducation et la formation
- Les loisirs
La révision du Code civil a reconnu de nouveaux droits pour les
femmes mariées, les rendant ainsi égales à leur conjoint.
On parle maintenant d'égalité de droits et de devoirs. Ensemble,
les époux doivent assurer la direction morale et matérielle
de la famille, exercer l'autorité parentale et assumer les tâches
qui en découlent. Les époux doivent maintenant contribuer
aux charges du mariage en proportion de leurs facultés respectives
et chaque époux peut s'acquitter de sa contribution par son activité
au foyer. Les époux sont responsables ensemble des achats contractés
par l'un d'eux pour subvenir aux besoins courants de la famille,
à moins que l'un ou l'autre n'ait manifesté à son
conjoint son désaccord avant l'achat. Enfin, le Code civil reconnaît
le travail au foyer comme un travail d'enrichissement du patrimoine
et lors d'un divorce ou d'une séparation légale cet apport
à l'enrichissement du patrimoine peut être reconnu.
Si dans la loi on reconnaît l'égalité des époux
et la responsabilité partagée, il en est autrement dans les
faits. Aujourd'hui, la femme a encore l'entière responsabilité
de l'éducation des enfants. C'est elle qui, dans la majorité
des cas, demeure à la maison pour en prendre soin, par choix ou
par devoir. Elle sacrifie souvent travail, autonomie financière
et personnelle au profit du bien-être de sa famille. Sa
sécurité financière est souvent menacée car comment
pourra-t-elle prouver au juge que son apport au patrimoine s'élève
à tant de milliers de dollars. Et comment le juge, de son coté,
pourra-t-il évaluer quantitativement et qualitativement ce
travail quotidien s'étalant sur plusieurs années alors qu'il
n'a jamais été préparé à le faire? Ce n'est
pas lors d'un divorce que doit se reconnaître tangiblement ce travail,
c'est dès maintenant.
Le Code civil ne mentionne nulle part le rôle que doit jouer chaque
membre de la famille; on ne parle pas non plus du partage des tâches
qui doit s'effectuer au sein de la famille. Le Code civil ne reconnaît
pas non plus les conjoints de fait, seuls les gens mariés
sont visés par le Code civil.
Une politique de la famille qui tienne compte des femmes et qui
a comme principes l'identité, l'autonomie,
l'égalité, la responsabilité partagée et la sécurité
des femmes devrait:
- Reconnaître dans le droit familial et dans toutes les autres
lois le travail au foyer comme une participation a l'enrichissement
du patrimoine.
- Faire valoir le partage des tâches et l'égalité
des conjoints comme une mesure favorisant l'équité
et l'autonomie des conjoints.
- Reconnaître les conjoints de fait comme pouvant constituer
une cellule familiale avec les mêmes droits et obligations
que tout autre parent.
- Assurer la sécurité et la protection de la famille par
l'enregistrement automatique de la résidence familiale.
- Lors d'un décès, attribuer une réserve au conjoint
survivant pour reconnaître l'échange de services
entre conjoints,
LE TRAVAIL
Le travail devrait tour d'abord être considéré comme
un droit, comportant ses obligations, ses règles, mais aussi ses
avantages sociaux. Que ce soit la production domestique, le travail
de femmes collaboratrices dans une entreprise, le travail à temps
partiel, tout ce travail qui relève souvent du privé doit
être rendu public et reconnu comme tel.
1. Le travail : un droit
Le droit au travail devrait être reconnu par nos gouvernements
comme un droit absolu. Permettre à tous et chacun de travailler
pour assurer sa sécurité et sa survie est dans l'ordre naturel
des choses.
Lors d'une récession économique, ce droit au travail est
menacé. De plus, de nombreux facteurs d'ordre social et économique
(ex: préjugés à l'égard des femmes, coupures
budgétaires) peuvent nuire aux femmes qui sont sur le marché
du travail ou qui veulent l'être.
Le travail est sans nul doute un des principaux secteurs où des
énergies devront être déployées pour relancer
l'économie. Il faut cependant être conscient que le
tournant technologique que nous prenons actuellement doit influencer
la formation et le type d'emploi qui seront créés au cours
des prochaines années.
Chaque milieu de travail doit aussi permettre aux femmes, non seulement
d'être traitées a l'égal des autres et sans discrimination
aucune, mais aussi d'occuper la place qui leur revient. Pour
y arriver, il faut que les femmes puissent obtenir un nombre de postes
cadre proportionnel à leur importance sur le marché
du travail; il faut des mesures susceptibles de corriger les effets
des discriminations passées.
Dans une politique de la famille qui tienne compte des femmes et
qui a comme principes l'identité, l'autonomie, l'égalité,
la responsabilité partagée et la sécurité des
femmes ,
- Le travail devrait être reconnu comme un droit pour toute
personne en âge de travailler.
- Le travail devrait être accessible: horaires flexibles,
transport adéquat, garderies en milieu de travail ou dans le
milieu d'habitation.
- Les gouvernements devraient favoriser et promouvoir la création
d'emplois adaptés aux nouvelles réalités du marché
du travail (ex: par des subventions aux employeurs)
- Un traitement ou un salaire égal devrait être accordé
à tous les travailleuses(eurs) qui accomplissent un travail
équivalent au mime poste et au même endroit, tel que décrit
dans la Charte des droits et libertés de la personne
2. Le travail au foyer; un travail a reconnaître aux plans
social, économique et fiscal (1)
Le travail au foyer est une préoccupation majeure pour 1'AFEAS
car 58% de ses membres sont exclusivement au foyer. De plus, une recherche
entreprise par notre association au printemps '82, auprès de 2
000 Québécoises au foyer, nous a permis de mieux connaître
la situation sociale et économique de ces "travailleuses
au foyer"* et de réaliser que ces personnes n'avaient aucune reconnaissance
sociale, économique et fiscale pour leur travail.
Reconnaissance sociale
Le travail au foyer n'étant pas reconnu comme du travail au point
de vue social, les travailleuses au foyer ne peuvent avoir accès
à certains programmes sociaux auxquels les autres travailleuses
(eurs) ont droit tels: les régimes de pensions publics, les programmes
de formation professionnelle, les allocations de maternité.
Reconnaissance économique
Le travail au foyer n'est pas comptabilisé dans le produit national
brut (P.N.B.). Les travailleuses au foyer rendent pourtant de nombreux
services à l'intérieur du ménage; si ces mêmes services
étaient rendus hors du foyer, ils seraient inclus dans le P.N.B.
De plus, si demain toutes les femmes au foyer se retrouvaient sur le
marché du travail, l'État devrait de toute urgence réorganiser
tous ses services sociaux.
(1) Pour plus d'information, veuillez vous référer au mémoire
"Un avenir pour
les femmes", mémoire présenté par l'AFEAS à la
Commission royale sur 1'Union économique et les perspectives de
développement du Canada, octobre 83.
* Chaque fois que le terme "travailleuse au foyer" sera utilisé
dans le texte, il inclura celui de "travailleur au foyer". Le
travail au foyer est
la production domestique non rémunérée.
Qui garantirait la garde et l'éducation des enfants? Qui prendrait
soin des handicapés et des personnes malades qui sont à domicile?
Et combien coûterait à l'État l'instauration de
telles mesures? Ceci n'est que quelques exemples illustrant la
valeur sociale et économique des services que les travailleuses
au foyer rendent à la société.
Reconnaissance fiscale
Au plan fiscal, les travailleuses au foyer sont considérées,
tout comme les enfants, comme des personnes à charge, leur conjoint
profitant ainsi d'une exemption d'impôt. Ce manque d'autonomie
financière entretient l'état de dépendance des
travailleuses au foyer vis-à-vis de leur conjoint et vis-à-vis
de la société.
De plus, certains programmes sociaux se basent uniquement sur le revenu
familial pour évaluer l'accessibilité des personnes,
de sorte qu'une femme dépendant entièrement du revenu
de son conjoint peut se voir refuser un programme d'aide (bourses d'études,
subventions pour frais de garde) même si elle n'a aucun revenu.
On sait par ailleurs que le revenu du conjoint ne profite pas nécessairement
à l'autre conjoint, ceci relevant des ententes entre conjoints,
donc du privé.
Reconnaissance des acquis
L'expérience acquise par le travail au foyer et l'engagement social
de ces travailleuses ne sont pas considérés par les
institutions scolaires et le marché du travail. Entre autres,
le milieu scolaire, dans la formation qu'il accorde aux futurs travailleurs,
n'est pas assez préoccupé par les besoins particuliers, multiples
et variés de formation des travailleuses au foyer qui désirent
s'engager davantage au sein de leur collectivité ou retourner
sur le marché du travail.
Une politique de la famille qui tienne compte des femmes et qui
a comme principes l'identité, l'autonomie, l'égalité,
la responsabilité partagée et la sécurité des
femmes:
- Devrait reconnaître la valeur du travail au foyer aux plans
social, économique et fiscal et dans les programmes de formation:
- en accordant à la travailleuse au foyer un statut légal
de "travailleuse au foyer";
- en incluant la production des travailleuses au foyer au produit
national brut;
- en faisant bénéficier les travailleuses au foyer des mimes
avantages accordés aux autres travailleurs et travailleuses dans
les régimes sociaux et les programmes de formation (régimes
des rentes du Québec, allocation de maternité...);
- en considérant au plan fiscal les travailleuses au foyer
comme des personnes a part entière et non comme des personnes
à charge;
- en considérant les expériences et les acquis des travailleuses
au foyer lors d'un retour aux études et sur le marché du
travail;
- en rendant accessibles les programmes de formation;
- en calculant individuellement le revenu des conjoints dans l'octroi
des programmes sociaux: bourses et prêts, aide sociale;
- en partageant automatiquement et obligatoirement les crédits
de pension au divorce, à la retraite et lors de l'invalidité
du conjoint.
3. Le travail des femmes collaboratrices de leur mari
Le travail des femmes collaboratrices de leur mari dans une entreprise
à but lucratif est encore loin d'être reconnu aux plans juridique,
économique et fiscal, même si quelques pas sérieux
ont été faits dans ce domaine ces dernières années.
Les femmes collaboratrices peuvent maintenant recevoir un salaire gui
soit déductible du revenu de l'entreprise pour fins d'impôt
et ainsi avoir accès à certains avantages sociaux tels:
le Régime des rentes du Québec, les accidents du travail,
la prestation compensatoire.
D'autres réformes aux plans fiscal, juridique et économique
devront être amorcées en vue de faire reconnaître la
valeur économique du travail de ces femmes, indépendamment
de leur conjoint et permettre aux entreprises familiales de se développer
en assurant la sécurité et la reconnaissance de l'apport de
chacun de ses membres.
Nous appuyons l'Association des femmes collaboratrices dans la poursuite
de cet objectif.
Une politique de la famille qui tienne compte des femmes et gui
a comme principes l'identité, l'autonomie, l'égalité,
la responsabilité partagée et la sécurité des
femmes devrait:
- Reconnaître la valeur économique des femmes collaboratrices
et favoriser leur autonomie.
4. Le travail à temps partiel
Les raisons qui motivent les femmes à retourner ou à être
sur le marché du travail sont multiples: besoins de gagner sa
vie, de conserver son autonomie financière, de se réaliser
par un travail rémunérateur, d'apporter un revenu supplémentaire
à la famille, de poursuivre une carrière.
Cependant, de plus en plus de femmes veulent avoir la possibilité
de choisir librement entre le travail à l'extérieur,
le travail au foyer ou un partage des deux. Mais ces besoins nouvellement
exprimés se heurtent à des barrières solides. Les tâches
d'éducatrice et de ménagère échoient encore presque
entièrement aux femmes et le travail des femmes à l'extérieur
du foyer est encore perçu trop souvent comme un moyen de se changer
les idées, de sortir un peu, de s'occuper lorsqu'elles ont moins
d'ouvrage à la maison.
Le travail à temps partiel apparaît pour certaines femmes
comme un moyen d'intégrer le marché du travail tout en s'occupant
de la famille. Il apporte à de nombreuses femmes un revenu
leur permettant d'être autonome financièrement et leur
permet de se réaliser en dehors de la famille.
Malheureusement, le travail à temps partiel constitue pour les
femmes un ghetto où elles sont mal payées, exploitées
et où elles n'ont aucune sécurité financière.
Une politique de la famille qui tienne compte des femmes et qui
a comme principes l'identité, l'autonomie, l'égalité,
la responsabilité partagée et la sécurité des
femmes doit faire en sorte:
- Que les lois soient amendées de façon à ce que
les travailleuses(eurs) à temps partiel bénéficient
proportionnellement des mêmes avantages sociaux que les
travailleuses(eurs) à temps plein effectuant une tâche
semblable;
- Que des normes de travail à temps partiel soient élaborées,
comprenant des modalités de contrôle afin de protéger
les droits des travailleuses(eurs) qui choisissent ce type de travail;
ces normes devraient toucher la sécurité d'emploi, le
nombre d'heures de travail, l'accessibilité à la formation,
au travail à temps plein ou à des postes supérieurs;
- Que le travail à temps partiel constitue un choix pour les
travailleuses(eurs) et non une "spécialité" de la main-d’œuvre
féminine. Ceci aurait pour avantage d'amener progressivement
les hommes et les femmes à faire des choix et à
favoriser un partage plus égalitaire des emplois rémunérés
et des tâches domestiques et familiales;
- Que les gouvernements travaillent à réaliser, par tous
les moyens dont ils disposent, l'égalité homme-femme en
emploi, tant dans le secteur public que privé.
Depuis que les services de santé et les services sociaux ont été
institutionnalisés, plus de personnes peuvent les utiliser.
Mais afin de répondre à la majorité des personnes qui
les utilisent, on a développé des normes qui ne satisfont
pas toujours les besoins particuliers des utilisateurs et des utilisatrices.
Toujours pour répondre à nos principes de base: identité,
autonomie, égalité,. responsabilité partagée
et sécurité,demandons-nous si les services sociaux et
de santé correspondent aux besoins des femmes et les aident à
mieux jouer leur rôle au sein de la famille et de la société?
Passons en revue quelques-uns de ces services.
1. La contraception
Respecte-t-on le choix des femmes qui désirent ou non d'avoir
des enfants?
2. Les services d'aide à la femme enceinte
Les services d'aide à la femme enceinte permettent-ils aux femmes
de vivre leur grossesse et leur accouchement en toute quiétude
et leur donnent-ils la possibilité de mener leur grossesse à
terme sans problèmes psychologiques, matériels et économiques.
3. Les services d'avortement thérapeutique
Après avoir eu recours aux autres services d'aide, il arrive que
certaines femmes désirent interrompre leur grossesse constituant
pour elles un danger physique et mental. Sont-elles assurées de
trouver à ce moment-là des services de qualité et sécuritaires
qui ne mettront pas en danger leur santé?
4. Les maisons_d'hébergement
Les femmes maltraitées (battues, violées) trouvent-elles
dans leur milieu des endroits où elles peuvent se réfugier
en toute quiétude et une aide adéquate pour répondre
à leurs besoins?
5. Les services de garde
Les services de garde permettent-ils aux femmes qui travaillent à
la maison ou à l'extérieur du foyer de vivre pleinement leur
rôle au sein de la famille, au travail et au sein de la société?
6. Les services thérapeutiques et autres services de support
ou d'aide
(CLSC, Centre de services sociaux, services médicaux ou psychologiques,
centre de consultation familiale et/ou conjugale)
Ces établissements ou services sont-ils suffisamment attentifs
aux besoins divers et particuliers des femmes qui forment la majeure
partie de leur clientèle? Dans leurs interventions, ont-ils
une approche féministe, c'est-à-dire, une approche qui vise
l'autonomie des femmes et l'égalité avec son partenaire
ou sont-ils centrés sur la conservation des rôles traditionnels
des femmes dans la famille?
Les ressources offertes aux familles et aux conjoints sont-elles orientées
vers la prévention et la prise en charge? L'intervention ne se
fait-elle pas habituellement lorsque les personnes sont en difficulté?
A-t-on une approche préventive ou curative? Les services permettent-ils
aux femmes de vivre leur sexualité d'une façon sereine et
complète?
Dans une politique de la famille qui tienne compte des femmes et
qui a comme principes l'identité, l'autonomie, l'égalité,
la responsabilité partagée et la sécurité des
femmes,
- L'État ne doit pas être un substitut de la famille mais
un soutien.
- Les services sociaux et de santé doivent favoriser l'autonomie
des femmes au sein de leur famille.
- Les services sociaux et de santé doivent être accessibles
et de qualité et répondre aux besoins des femmes qui les
utilisent.
1. Formation
Les travailleuses au foyer ont des besoins multiples de formation et
d'information, d'ordre personnel et collectif, pour jouer des
rôles aussi diversifiés et aussi indispensables au développement
de leur famille que de la société.
Parmi ces rôles mentionnons la maternité, l'éducation
des jeunes enfants, le support psychologique et technique à apporter
aux adolescents, la garde de malades et de personnes âgées,
la collaboration dans l'entreprise du mari, l'engagement social
et le bénévolat indispensables dans nos sociétés
déhumanisées et même les travaux ménagers quand
ils s'ajoutent à ces tâches dites sociales.
De plus, dans une deuxième étape de leur vie, un grand nombre
de femmes prennent de nouvelles orientations. Retourner aux études,
au travail ou s'impliquer dans des activités communautaires,
ces trois choix font appel à un surplus de formation qui
devra s'ajuster à leurs acquis et à leurs ambitions.
Afin d'aider les femmes à jouer ces différents rôles,
la société doit favoriser des conditions de vie culturelle
de qualité dans lesquelles ces femmes sont appelées à
s'épanouir et leur permettre ainsi de transformer leurs valeurs
personnelles en valeurs collectives. Les travailleuses au foyer ont
droit aux mêmes services de qualité que l'on offre aux jeunes
et aux travailleurs. Leur besoin d'épanouissement culturel
est légitime et le développement des collectivités
en dépend.
Les besoins des travailleuses au foyer étant particuliers, les
services que le système scolaire et para-scolaire peuvent offrir
à cette clientèle ne sauraient être uniformes.
Ils varieront selon l'âge, la formation, les intérêts,
les moyens financiers et souvent même selon les régions.
Une attention particulière doit cependant être apportée
à la femme chef de famille qui vit des prestations d'aide
sociale et veut, par ses études, faciliter sa réinsertion
sociale; aux femmes sans instruction et sans revenus suffisants;
aux femmes âgées de soixante (60) ans et plus.
Une politique de la famille qui tienne compte des femmes et gui
a comme principes l'identité, l'autonomie, l'égalité,
la responsabilité partagée et la sécurité des
femmes,
- Doit faire en sorte que le marché du travail et les institutions
scolaires reconnaissent les acquis des travailleuses au foyer.
- Doit rendre accessibles les programmes de formation (pro grammes
diversifiés, horaire flexible, transport adéquat, bourses
et prêts, garderies...)
- Doit considérer la formation comme un droit.
- Doit offrir aux femmes des services d'orientation et d'in
formation non stéréotypés et non sexistes.
- Doit assurer une formation sur mesure et répondant à leurs
besoins.
2. Education
Les mass médias, les manuels scolaires et l'environnement véhiculent
des valeurs et des modèles de conduite souvent discriminatoires,
stéréotypés et sexistes pour les femmes. Dans les messages
transmis par les émissions, la publicité, enfin toute communication
verbale ou écrite, les femmes sont, soit absentes ou discriminées.
Et que dire de la violence et de la pornographie qui chaque jour agressent
autant les femmes, les hommes que les enfants? Pourquoi les femmes sont-elles
continuellement représentées, soit dans des rôles traditionnels,
soit comme objet de décoration ou d'attrait sexuel?
Tous ces messages ne sont pas sans affecter notre imagerie et contribuent
indéniablement à notre socialisation en conditionnant
chaque jour nos faits et gestes.
Une politique de la famille gui tienne compte des femmes et qui
a comme principes l'identité, l'autonomie, l'égalité,
la responsabilité partagée et la sécurité des
femmes
- Doit prévoir des mesures de contrôle des images représentant
les membres d'une famille afin qu'elles ne soient pas discriminatoires,
sexistes et stéréotypées,
- Doit porter une attention toute spéciale aux valeurs qui
sont transmises par l'école (enseignants, manuels scolaires,
cours d'éducation à la sexualité) car l'école
est l'un des lieux privilégiés d'éducation de l'enfant
après sa famille.
- Doit prévoir des mesures qui visent à enrayer la violence
et la pornographie dans notre environnement.
C'est un fait connu, les femmes, particulièrement celles qui travaillent
à l'extérieur du foyer, disposent de moins de temps pour se
récréer et se reposer que les hommes.
Pourtant le repos et la détente de même que les loisirs organisés
ou non, sont essentiels au maintien de la qualité de vie. Ils
sont souvent l'occasion pour les femmes de sortir de leur isolement
et de se ressourcer.
Pratiqués hors famille, les loisirs permettent aux femmes d'échapper
pendant quelques heures à la lourde responsabilité des enfants
et de sortir des cadres de la maison, souvent trop étroits.
Les loisirs familiaux sont aussi l'occasion pour les membres de la
famille de renouer contact et de se voir sous un autre jour que dans
les rôles quotidiens de parents et d'enfants.
Une chose est certaine, la détente est essentielle au bien-être
physique et mental tout comme le sommeil. Combien de problèmes
de santé seraient évités si toute personne faisait de
la détente et des exercices une règle de vie?
Le loisir est un mode d'expression culturelle, un moyen de développement
personnel voire d'engagement social, et il offre souvent l'occasion
de rompre la solitude. Il peut contribuer à libérer les femmes
d'une dépendance psychologique engendrée notamment par
le type d'éducation reçue et les attentes de la société.
(1)
Une politique de la famille qui tienne compte des femmes et qui
a comme principes l'identité, l'autonomie, l'égalité,
la responsabilité partagée et la sécurité des
femmes
- Doit stimuler par des moyens appropriés la participation
des femmes à la pratique d'activités physiques et de sports.
- Doit rendre accessibles les équipements pour permettre aux
femmes d'exercer les activités de leur choix selon leur disponibilité
.
(1) Conseil du statut de la femme, Rapport Égalité et
Indépendance, p. 280
Doit tenir compte des besoins des femmes en matière de loisirs
et de sports.
Doit rendre les activités de loisirs et de sports accessibles
aux femmes défavorisées (comme les bénéficiaires
d'aide sociale, les chefs de famille, les personnes seules, les
personnes âgées, etc.)
Doit mettre à la disposition des femmes des endroits pour qu'elles
organisent sur une base coopérative ou autre, la garde de leurs
enfants pendant leurs activités de loisirs et de sports.
Doit prévoir des activités de loisirs et de sports différentes
et simultanées pour les enfants et les parents.
Une politique de la famille, rappelons-le, est un ensemble de mesures,
de programmes visant à favoriser le bien-être des familles,
que ce soit dans le domaine des services de santé, de l'éducation,
des services sociaux, de la sécurité du revenu, de la fiscalité.
Pour l'AFEAS cette réforme doit absolument tenir compte des femmes
et de leurs besoins et avoir comme principes de base l'identité,
l'autonomie, l'égalité, la responsabilité partagée
et la sécurité des femmes.
L'AFEAS a identifié cinq secteurs d'intervention dont une politique
de la famille devrait tenir compte, ce sont: le droit familial, le
travail, les services sociaux et de santé, l'éducation et
formation, les loisirs. Chacun de ces secteurs s'appuie sur des
recommandations déjà adoptées par les membres lors des
assemblées générales. L'AFEAS invite ses membres à
participer aux consultations gouvernementales et à se servir
de ce dossier comme un instrument pour les aider à préparer
leur intervention.
Toutefois, il faut bien se rendre à l'évidence, qu'une politique
de la famille qui mettra en application les principes de base
énumérés ci-haut, nécessitera des réformes
importantes et majeures dans tous les secteurs d'activités de notre
société. Cette réorganisation modifiera dans un premier
temps les rôles des hommes et des femmes en tant qu'individu et
parent. Des modifications devront s'opérer de plus dans
les domaines juridique et fiscal. Le travail, les loisirs, les services
sociaux et de santé, l'éducation, la formation et le
logement sont autant de secteurs où des correctifs devront être
apportés .
Cette réforme fait nécessairement appel aux structures mêmes
de notre société en commençant par nos gouvernements
fédéral, provincial et municipal. De plus, les organismes
en place, que ce soit les groupes de femmes, les groupes familiaux,
les groupes de loisirs, etc. ainsi que les intervenants dans tous les
secteurs déjà identifiés, doivent se sentir responsables
de cette réforme et contribuer à une nouvelle politique
de la famille et à des mesures qui la favorisent, L'État ne
doit plus être considéré comme un pourvoyeur. En conséquence
chacun et chacune doit prendre ses responsabilités et affirmer
son autonomie.
Toutes ces mesures qui apporteront des modifications majeures dans
plusieurs secteurs d'activités seront efficaces dans la mesure
où elles seront assorties de moyens financiers pour les réaliser.
La volonté politique d'un gouvernement ou de ses citoyens pour
amorcer ces changements est importante, voire essentielle, mais
si elle ne s'accompagne pas de budgets appropriés elle risque d'être
acculée à un échec.
L'AFEAS souhaite aussi, qu'une fois les consultations terminées,
le gouvernement s'assure la collaboration des groupes touchés par
cette réforme. Compte tenu que notre association regroupe 35 000
femmes, nous aimerions être des intervenantes privilégiées
dans ce dossier pour ainsi se faire le porte-parole de milliers de femmes
du Québec.