Association Féminine d'Éducation et d'Action Sociale

L'obligation alimentaire

Mémoire concernant

l'obligation alimentaire entre

les grands-parents et leurs petits-enfants

présenté lors de la tournée de consultation du ministre de la Justice du Québec, M. Paul Bégin

Siège social

5999 rue de Marseille
Montréal (Québec)
H1N 1K6

Téléphone (514)251-1636 Télécopieur: (514) 251-9023

Rédigé par Lise Girard et Lise Tremblay Mars 1996

INTRODUCTION

Née en 1966 avec la mission de travailler à l'amélioration des conditions de vie et de travail des femmes, l'AFEAS (Association féminine d'éducation et d'action sociale) regroupe aujourd'hui 21 000 québécoises réparties dans 500 regroupements locaux. Pour réaliser ses objectifs, l'AFEAS privilégie la recher­che, la sensibilisation, l'information, la formation et l'action communautaire.

La vie du mouvement repose entièrement sur la participation active des membres à l'intérieur de structures démocratiques leur permettant d'exprimer leurs points de vue et de prendre position sur différents dossiers. Les élues (conseil d'administration ou conseil exécutif) préparent des plans d'activités, d'action ou d'intervention en respectant les orientations, les principes et les positions spécifiques adoptées parles membres. Elles s'appuient continuellement sur des valeurs aussi fondamentales que la justice sociale, l'équité et la solidarité.

Les récents jugements concernant l'obligation alimentaire des grands-parents envers leurs petits-enfants ont suscité de nombreuses discussions et réactions parmi les membres AFEAS et la population en général. L'annonce rapide, par le ministre de la Justice du Québec, d'une consultation sur l'article 585 du Code civil portant sur cette obligation alimentaire a amené les membres du conseil exécutif à étudier le dossier et à préparer une réaction. Étant donné que nous ne disposions pas de position spécifique adoptée par nos membres sur cette question, nos travaux reposent sur des orientations ou principes généraux ultérieurement adoptés par toutes les membres.

Nous exprimons donc dans le présent document les résultats de nos réflexions concernant l'obligation alimentaire entre les grands-parents et leurs petits-enfants et souhaitons que les autorités concernées en tiennent compte dans leurs décisions.

PROBLÉMATIQUE

Selon l'article 585 du Code civil du Québec, les grands-parents, en cas de défaillance des parents, peuvent être obligés de verser des aliments à leurs petits-enfants. Cet article a toujours fait partie du droit québécois. Il prévoit que «les époux de même que les parents en ligne directe se doivent des aliments». L'obligation alimentaire est donc réciproque.

Jusqu'à présent, malgré une importante réforme du Code civil dans les années 80, cet article n'a jamais été remis en question. La famille constitue une valeur importante dans la société québécoise. Cet article, et plusieurs autres du Code civil, confirment légalement l'interdépendance entre les membres d'une famille en définissant les droits, obligations et responsabilités de chacun. Selon nos lois, l'obligation alimentaire repose primordialement sur l'intérêt de l'enfant et le respect de ses droits.

Il est assez rare que des grands-parents soient forcés par un tribunal à verser une pension alimentaire à leurs petits-enfants. Toutefois, à cause d'un contexte social différent, des changements dans la structure familiale et de la situation économique de plus en plus précaire de plusieurs parents, de nombreux grands-parents aident financièrement ou matériellement leurs petits-enfants, et ce de façon tout à fait volontaire et responsable, sans recours aux tribunaux. Cependant, récemment les médias informaient le public de jugements rendus par la Cour supérieure contraignant des grands-parents à payer une pension alimentaire à leurs petits-enfants. Ces décisions rendues par des juges du Québec ont suscité de vives réactions dans la population.

Plusieurs citoyennes et citoyens considèrent que cette règle de droit engendrent actuellement des situations inéquitables ou perçues comme telles. En effet, étant donné qu'il n'existe pas de balises pour les juges, les interprétations concernant la définition des "aliments" varient considérablement.

Cette problématique nous amène à nous demander si on doit supprimer le caractère légal de l'obligation alimentaire entre grands-parents et petits-enfants ou plutôt la maintenir avec des balises réduisant sa portée et faisant valoir son caractère complémentaire.

POSITION DE L'AFEAS

La famille constitue toujours au Québec la cellule de base de notre société. Les grands-parents, les parents et les enfants, malgré d'importants changements dans la structure familiale, en font partie. Il nous apparaît donc essentiel que les responsabilités, autant que les droits des grands-parents vis-à-vis leurs petits-enfants, incluant l'obligation alimentaire réciproque, soient maintenus dans notre Code civil, et ce autant dans l'intérêt de l'enfant que celui de la famille. Toutefois, des mécanismes efficaces doivent être mis en place pour éviter le recours aux tribunaux et s'assurer que les jugements rendus soient équitables pour tous.

Nous demandons donc:

  • Que l'obligation alimentaire en ligne directe devienne une loi de dernier recours et qu'elle soit considérée comme complémentaire aux devoirs des parents.
  • Que cette obligation ne soit utilisée qu'après avoir épuisé tous les recours possibles auprès des parents.
  • Que la pension soit versée uniquement pour des biens jugés essentiels à la vie des petits-enfants, c'est-à-dire, la nourriture, le gîte et le chauffage, l'éducation au sens strict du terme, et le vêtement.
  • Que cette obligation des grands-parents n'existe que pour les petits- enfants mineurs.
  • Que l'obligation alimentaire envers les petits-enfants soit obligatoirement partagée entre tous les grands-parents de la famille.
  • Que, lorsqu'une telle demande est faite, l'on tienne compte de l'ensemble de la situation familiale, des responsabilités assumées, des hens qui unissent les parties, des attentes légitimes de chacun dans l'organisation de sa vie, du statut de retraité et de la planification de la retraite des grands-parents, de l'évolution des politiques sociales concernant les personnes âgées.
  • Que les grands-parents qui paient une pension alimentaire à leurs petits- enfants puissent, au niveau fiscal, déduire de leurs revenus les sommes versées.