Intégration des travailleuses au foyer au régime de rentes du Québec

Document de travail

Préparé par: Louise Coulombe-Joly Marie-Claire Lussier Noella Caron

Rédactrice:  Michelle Houle-Ouellet Juin 1987

INTRODUCTION

Depuis plusieurs années, l'AFEAS multiplie les démarches pour obtenir l'intégration des travailleuses au foyer (1) au Régime de Rentes du Québec en guise de reconnaissance du travail au foyer. L'actualité politique permet d'entrevoir une décision prochaine sur le sujet. Nous devons, membres de l'AFEAS, mobiliser encore une fois nos énergies pour défendre et revendiquer cette demande.

Pour être en mesure de le faire, nous vous présentons ce docu­ment. C'est un outil de travail qui aidera chacune d'entre nous simple membre dans un cercle ou responsable à quelque palier: local, régional ou provincial de notre association à mieux con­naître nos positions, à être préparée à les défendre, à véhiculer partout les mêmes principes et les bons arguments de façon à spécifier clairement notre position.

Ce document présente d'abord les raisons pour lesquelles nous réclamons l'intégration des travailleuses au foyer au RRQ. Nous faisons également état des positions prises par les partis politi­ques actuellement au pouvoir. Nous rappelons les résolutions de l'AFEAS sur le sujet ainsi que les positions entérinées par le conseil d'administration provincial de notre association. En guise de préparation pour défendre le dossier, nous présentons, sous forme de questions et réponses, les principales objections appor­tées habituellement sur ce dossier et de l'argumentation pour être en mesure d'y répondre. Vous trouverez enfin, réunies en annexe, l'ensemble des recommandations de l'AFEAS concernant l'intégration des travailleuses au foyer au Régime de Rentes du Québec.

Pour convaincre, il faut être convaincues, comprendre nos demandes et savoir les expliquer. Ce document se veut un guide pour nous y préparer.

LA SITUATION

Valérie, 24 ans, accède au marché du travail. Son emploi lui vaudra une rémunération. Il lui permettra de contribuer à l'assu­rance-chômage et au Régime de Rentes du Québec. Elle aura droit à des jours de congé fériés, à des congés pour maladie et à des vacances payées. Autant que la rémunération, ces avantages recon­naissent l'utilité sociale de son travail. Ils ont d'ailleurs été acquis au fil des ans, grâce aux revendications des travailleurs(ses).

Suzanne, 24 ans, deux enfants, travaille à temps plein au foyer. Elle ne reçoit pas de salaire et n'a pas accès aux avantages consentis aux travailleurs(ses) rémunérés(es). Même si ce sont, avant tout, son conjoint et ses enfants qui bénéficient de ses services, la société toute entière y trouve son profit. En effet, Suzanne éduque, nourrit, soigne, garde ses enfants. Elle évite par son travail la mise en place d'une structure de services coûteuse pour la société. De plus, elle produit des biens et contribue à faire prospérer la société de consommation qui est la nôtre. Pourtant son travail n'est pas reconnu. Il ne lui donne accès à aucun des avantages habituellement consenti aux travailleurs(ses) rémunérés(es).

Conscientes de cette injustice, les membres de l'AFEAS réclament depuis 1977 la reconnaissance sociale du travail au foyer par l'adoption de mesures concrètes. L'intégration des travailleuses au foyer au RRQ représente une de ces mesures de reconnaissance demandées depuis dix ans.

LES RESOLUTIONS ADOPTEES A L'AFEAS

Avec les années, notre demande d'intégration au RRQ se précise. En 1983, à l'occasion d'une consultation sur la réforme des pensions, les déléguées au congrès provincial adoptent plusieurs résolutions qui précisent la forme d'intégration qui est souhaitée. Ainsi, nous demandons:

- que la participation des travailleuses au foyer au RPC/RRQ soit obligatoire par une contribution basée sur la moitié du salaire industriel moyen canadien.

(1) Chaque fois que nous utiliserons le terme "travailleuse au foyer", nous l'appliquerons également au travailleur au foyer s'il y a lieu, conscientes cependant que les femmes forment aujourd'hui encore, la large majorité de ce groupe.

  • que soit inclue dans le RPC/RRQ toute personne qui reste à la maison pour prendre soin des enfants de moins de douze ans, ou de personnes invalides ou handicapées. L'Etat assurerait leurs cotisations à un niveau égal à la moitié du salaire industriel  moyen canadien.
  • que l'Etat assure les contributions sur la différence entre le salaire reçu et la moitié du salaire industriel moyen pour les personnes qui sont sur le marché du travail à temps partiel et qui ont des enfants de moins de douze ans.
  • qu'une période de transition maximale de 5 ans soit prévue pour l'intégration des travailleuses au foyer au RPC/RRQ.

LA POSITION GOUVERNEMENTALE

II n'est pas sans intérêt de rappeler qu'en 1984, au cours de la campagne électorale, le parti conservateur, actuellement au pou­voir à Ottawa a reconnu le bien-fondé du principe de la pension des femmes au foyer et a pris l'engagement suivant:

"Nous sommes favorables à l'introduction d'une pension de fem­mes au foyer dans le Régime de pensions du Canada; nous esti­mons qu'il s'agit là d'une proposition financièrement saine et nous incitons les provinces à l'adopter. Il est tout à fait normal que les femmes bénéficient d'une certaine sécurité dans leurs vieux jours".

En 1985, le Parti Libéral du Québec s'engage à répondre à nos demandes s'il est porté au pouvoir. Dans le plan d'action gouver­nemental en matière de condition féminine (1986-1987), la Ministre de la Condition Féminine annonce l'analyse des différentes formes que pourrait prendre la participation des travailleuses au foyer au Régime de rentes du Québec.

Elle planifie pour le printemps 1987 la tenue des consultations nécessaires et la convocation, au besoin, d'une commission parle­mentaire.

LA STRATEGIE PREPARATOIRE DE L'AFEAS

En janvier 1986, un comité ad hoc est formé au palier provincial. Son mandat consiste à élaborer une stratégie d'action pour les membres de l'AFEAS et avec les autres organismes intéressés à promouvoir l'intégration des travailleuses au foyer au RRQ. Il est alors décidé de préparer le plan d'un mémoire et d'un document d'intervention à l'intention des membres.

En révisant les positions adoptées, les membres du comité ressen­tent le besoin de préciser davantage les modalités souhaitées pour l'intégration au Régime de rentes et les propositions que l'AFEAS devra mettre de l'avant lorsque se dérouleront les consultations annoncées par le gouvernement. Des hypothèses sont élaborées, étudiées, soumises au conseil exécutif de l'association. Des pro­positions sont finalement adoptées par les membres du conseil d'administration provincial lors de leur réunion, en novembre 1986.

Ces propositions découlent des grands principes déjà adoptés par 1s membres de l'AFEAS. Elles vont plus loin dans leur formulation afin de mieux définir nos demandes et de présenter des moyens d'y répondre adéquatement.

Quand elles seront utilisées, il sera spécifié clairement que ces modalités n'ont pas été adoptées en assemblée générale mais repré­sentent des solutions possibles, endossées par les membres du conseil d'administration provincial. Elles s'énoncent ainsi:

  • Que soit inclue dans le RPC/RRQ, toute personne qui reste à la maison pour prendre soin de personnes en perte d'autonomie.
  • Qu'un partage égal (Etat:  50%;famille 50%)  des contributions, basées sur la moitié du salaire industriel moyen canadien, soit prévu pour les travailleuses au foyer ayant des enfants entre 12 et 15 ans.
  • Que l'Etat assume 50% des contributions sur la différence entre le salaire reçu et la moitié du salaire industriel moyen canadien pour les travailleuses au foyer qui ont des enfants de 12-15 ans mais qui sont aussi sur le marché du travail à temps partiel.
  • Que les contributions au RRQ, basées sur la moitié du salaire industriel moyen canadien, soient entièrement assumées par la famille pour les travailleuses au foyer ayant des enfants de 15 ans et plus.
  • Que les travailleuses au foyer qui n'ont pas eu d'enfants ou d'autres personnes à charge,  puissent contribuer au RRQ en assumant entièrement le coût des cotisations, basées sur la moitié du salaire industriel moyen canadien.
  • Que la contribution entière,  basée sur la moitié du salaire industriel moyen canadien, soit assumée par l'Etat,  pour les familles à faibles revenus incluant les familles monoparentales.
  • Qu'il y ait possibilité de choix pour la travailleuse au foyer entre la période d'exclusion existant déjà dans les règlements du RRQ et l'inclusion  accordée aux travailleuses au foyer.
  • Que le calcul des prestations soit basé  sur le nombre d'années de cotisation pour les travailleuses au foyer âgées entre 40 à 50 ans au moment de l'intégration au RRQ,
  • Que les travailleuses au foyer entre 50 et 55 ans au moment de l'intégration au RRQ et qui n'ont pas complété leurs dix années requises de cotisation; puissent racheter le nombre d'années nécessaires pour totaliser ces dix ans.
  • Que la proposition qui exige les dix années de contribution ne s'applique pas pour les travailleuses au foyer ayant 55 ans et plus au moment de l'intégration au RRQ,
  • Que les travailleuses au foyer ayant atteint l'âge de la retraite au moment de l'intégration au RRQ, puissent bénéficier des mêmes avantages pour les services rendus à la société et ce, sans obligation de cotiser.
  • que suite à l'intégration des travailleuses au foyer au RRQ, le gouvernement complète en conséquence, les autres formes de prestations (ex.2 rentes d'orphelins, rentes d'invalidité,... etc) dont bénéficient habituellement les cotisants(es) au régime.

LES OBJECTIFS POURSUIVIS

A nouveau, nous nous préparons à défendre ce dossier. Ce ne sera pas la première fois. Depuis 1977, les actions se sont multipliées à l'AFEAS pour obtenir la participation des travailleuses au foyer au RRQ, pétitions, actions de sensibilisation auprès de la popula­tion, demande d'appuis, démarches auprès de la Régie des Rentes, rencontres des autorités concernées. Ces actions ont porté fruit. Un sondage Gallup réalisé en septembre 1986 en fait foi: 82% des personnes alors consultées dans la population ont affirmé que les femmes au foyer devraient participer au Régime de rentes du Qué­bec. A Québec comme à Ottawa, les politiciens(nes) ont promis cette intégration. Nous devons poursuivre nos actions et nous préparer pour obtenir enfin, gain de cause.

CE QUE NOUS VOULONS ET POURQUOI

Q Pourquoi demander l'accès au RRQ pour les travailleuses au foyer?

R Cette demande de l'AFEAS est faite parce que l'intégration au RRQ représente un moyen tangible de reconnaître la valeur sociale du travail effectué auprès des enfants et des autres personnes à charge: personnes âgées, handicapées, en perte d'autonomie.

En assumant ce travail, la personne au foyer, travailleuse ou travailleur, contribue au fonctionnement de toute la société. Elle permet d'éviter des investissements collectifs énormes que l'Etat devrait alors prendre à sa charge plus de services de garde, de centres d'accueil par exemple.

Pourtant, parce que le travail au foyer n'est pas rémunéré,il ne donne droit ni au Régime de rentes, ni à des jours de congé, ni à l'assurance-chômage, ni à des indemnités en cas d'accidents comme c'est le cas pour les autres travailleurs.

D'autres mesures pourraient reconnaître l'apport social du travail fait au foyer. Nous mettons l'emphase sur l'intégration au RRQ parce que le gouvernement en discute actuellement. L'AFEAS réclame d'ailleurs d'autres mesures de reconnaissance telles: des program­mes de recyclage pour un retour sur le marché du travail rémunéré, l'accès aux déductions pour frais de garde, aux bourses d'étu­de, des mesures fiscales, etc. pour les travailleuses au foyer.

L'accès au RRQ rend disponible plusieurs bénéfices: rentes au moment de la retraite, rente d'invalidité, rente versée au con­joint survivant, rente pour orphelins et enfants de cotisant invalide, prestation de décès, partage des crédits accumulés lors d'un divorce.

On le sait, la travailleuse au foyer, même si elle travaille pour son mari et ses enfants, effectue du travail qui bénéficie à l'ensemble de la société. 24 heures sur 24, 7 jours par semaine, elle est "de garde". En plus d'effectuer l'entretien ménager, elle assure la survie de l'espèce, elle éduque, nourrit, garde la génération qui monte. Elle produit des biens, fait prospérer notre société de consommation. Même les employeurs profitent du travail qu'elle effectue et qui laisse au mari la liberté de se consacrer entièrement à son travail rémunéré.

Si le travail effectué au foyer était inclus au produit national brut, on estime qu'il représenterait 35 à 40% de ce dernier, soit environ 136 milliards de dollars.

L'intégration au RRQ contribuera à augmenter l'autonomie finan­cière des travailleuses au foyer mais ne réglera pas le problème de pauvreté des femmes à la vieillesse et l'AFEAS ne la réclame pas dans cette optique. La rente obtenue sera en effet trop modes­te pour atteindre ce résultat. Plusieurs facteurs contribuent à créer cette pauvreté que l'intégration au RRQ ne pourra seule régler.(ex.: formation insuffisante, participation restreinte au le marché du travail et ce, dans des emplois souvent subalternes, manque de participation à des fonds de pension privés,etc.).

Q Pourquoi rendre l'intégration obligatoire pour toutes les tra­vailleuses au foyer?

R Tous les travailleurs(s es ) sont obligés(es) de contribuer au RRQ dès qu'ils accèdent au marché du travail. L'AFEAS réclame qu'il en soit de même pour les travailleuses au foyer.

Cette mesure risque d'être peu efficace si la participation au RRQ est laissée libre. L'utilisation de la déclaration de résidence familiale en fournit la preuve. Très peu de déclarations ont été enregistrées. Les femmes ont souvent préféré préserver la paix de leur ménage plutôt que d'affronter des discussions pénibles décou­lant de l'insécurité du conjoint face à cette démarche.

Une situation semblable est à prévoir si la participation au RRQ n'est pas obligatoire. Comment penser par exemple que la travail­leuse au foyer pourra exiger le paiement de ses cotisations au détriment de d'autres dépenses familiales?

Sa participation au RRQ sera laissée au bon vouloir du conjoint dans les situations où ce dernier aura à assumer les coûts de cotisation et cette participation ne sera pas nécessairement ac­quise même si les revenus du conjoint sont élevés et la situation financière aisée. La participation volontaire su RRQ perpétuerait la dépendance financière de la travailleuse au foyer vis-à-vis son conjoint ce qui est loin de l'objectif de reconnaître l'utili­té sociale de son travail.

Q Comment seront payées les cotisations au RRQ?

R Dans certains cas, elles seront totalement assumées par l'Etat, dans d'autres cas, elles feront l'objet d'un partage entre la famille et l'Etat. Enfin, dans certaines circonstances, elles seront entièrement payées par la famille de la travailleuse au foyer .

Les questions qui suivent donnent les informations relatives à chaque situation.

Q Pourquoi l'Etat assumerait-Il 100% des cotisations et dans quelles situations?

R L'AFEAS demande au gouvernement d'assumer la totalité des cotisa­tions pour reconnaître pleinement le travail assumé par les tra­vailleuses au foyer qui ont des enfants de 0 à 12 ans, ou par celles qui prennent soin de personnes âgées, handicapées ou en perte d'autonomie. Ce travail profite à toute la société et nous demandons au gouvernement de reconnaître ainsi sa valeur.

Différentes positions sont mises de l'avant par les organismes à cet effets  Certains préconisent que l'Etat assument la totalité des cotisations pour les femmes à la maison qui ont des enfants de 0 à 7 ans.

Le Régime de rentes tient compte actuellement de la reconnaissance des soins à effectuer auprès des enfants en accordant la période d'exclusion de 7 ans pour les travailleuses participant au Régime.

A l'AFEAS, nous proposons la période de 0 à 12 ans parce que l'absence d'un réseau adéquat et accessible de services de garde fait en sorte que beaucoup de travailleuses au foyer décident de rester à la maison jusqu'à ce que leurs enfants aient atteint cet âge afin de dispenser les soins et la garde qu'ils requièrent. Elles retardent pour cette raison leur retour sur le marché du travail rémunéré.

En plus des services de garde déficients, l'organisation actuelle du travail rémunéré n'offre pas les conditions qui faciliteraient les soins à dispenser aux enfants, qu'on pense par exemple aux horaires de travail et aux horaires scolaires (heures de cours, congés, vacances). Toutes ces raisons font en sorte que les femmes n'ont souvent pas le choix et doivent prolonger leur présence à la maison quand elles ont la responsabilité des soins aux enfants.

En se chargeant des cotisations pour celles qui sont dans cette situation, l'Etat rendrait justice aux travailleuses au foyer et reconnaîtrait ainsi, la valeur du travail accompli.

De la même façon, l'AFEAS réclame que les cotisations soient assumer totalement par l'Etat pour les travailleuses au foyer qui prennent soin de personnes âgées, handicapées ou en perte d'autonomie et ce, pendant toute la période pendant laquelle elles dispensent ces soins.

Q Pourquoi y aurait-il partage des cotisations: 50% Etat, 50% famil­le pour les travailleuses au foyer ayant des enfants de 12 à 15 ans?

R Cette période en est une de transition. Après s'être consacrée totalement aux soins des enfants depuis leur naissance jusqu'à l'âge de 12 ans, les travailleuses au foyer peuvent ensuite envi­sager leur avenir. Malheureusement, elles ne réussiront pas néces­sairement, ni dans l'immédiat, à réintégrer le marché du travail. Elles subiront les conséquences du chômage et d'un marché du travail saturé. La plupart devront prendre de la formation pour acquérir des compétences ou actualiser leur formation profession­nelle initiale. Plusieurs n'auront d'autre choix que celui de demeurer au foyer.

11 est donc équitable de prévoir une période ou conjointement l'Etat et la famille défraient les cotisations des travailleuses au foyer. La société toute entière a bénéficié du travail réalisé par la travailleuse au foyer auprès des jeunes enfants. Cette tâche a cependant pénalisé celle qui l'a faite en réduisant son accès au marché du travail rémunéré» Pour cette raison, l'Etat devrait continuer d'assumer une partie des cotisation pour compen­ser l'injustice subie. La famille doit cependant commencer à cotiser, les services rendus par la travailleuse étant largement à son bénéfice.

Q Pourquoi les familles devraient-elles payer la totalité (100%) des cotisations des travailleuses au foyer dont les enfants ont plus de   15   ans?

R Les enfants de 15 ans et plus ne nécessitent pas la même présence de la part de leurs mères qu'au moment ou ils étaient jeunes et dépendants. Une travailleuse au foyer dont les enfants ont atteint cet âge s'occupe à rendre des services qui bénéficient directement au mari et aux enfants. C'est pourquoi il est souhaitable que ce soit la famille bénéficiaire des services reçus qui reconnaisse le travail effectué par la travailleuse au foyer. Le paiement des cotisations au RRQ est un moyen tangible de le faire.

Le paiement des cotisations représentera une dépense additionnel­le, nous en sommes bien conscientes. Dans le même ordre d'idée, combien d'autres dépenses surviennent comme par exemple l'augmentation des impôts, la hausse des produits de consommation courante, etc. pour lesquelles la famille n'apas d'autres choix que celui de s'adapter. Dans ce cas au moins, cette nouvelle dépense sera reliée à un avantage direct pour la travailleuse au foyer. Une fois à la retraite, elle retirera sous forme de rentes, l'inves­tissement effectué.

Q Pourquoi permettre l'Intégration des travailleuses au foyer qui n'ont pas de personne à charges enfant, personne âgée, handicapée ou en perte d'autonomie?

R L'AFEAS réclame l'intégration de toutes les travailleuses au foyer au RRQ. Pour celles qui jouent un rôle utile à l'ensemble de la société, nous réclamons la participation de l'Etat, en tout ou en partie, pour défrayer le coût des cotisations. Nous tenons cepen­dant à ce que toutes les travailleuses au foyer puissent contri­buer, à leur frais, au RRQ au même titre que l'ensemble des travailleurs(ses) qui ont cette possibilité.

Les services rendus, dans ces cas, par la travailleuse au foyer sont davantage d'ordre privé puisqu'ils bénéficient avant tout à la famille Il est donc normal que ce soit cette dernière qui paient les cotisations.

Q Pourquoi est-Il nécessaire de demander des mesures particulières pour les femmes de 40 ans et plus?

R Ces femmes sont les plus pénalisées actuellement. Au moment de leur jeunesse, le mariage et le fait d'élever une famille représentaient l'idéal de vie à réaliser. Le plus souvent, leur formation professionnelle était limitée quand elle n'était pas carrément inexistante.

Elles ont souvent élevé de nombreuses familles, s'y dévouant corps et âmes. Aujourd'hui rendues à 40 ans et plus, elles rencontrent des difficultés quasi insurmontables pour envisager un retour sur le marché du travail: études à reprendre, marché du travail saturé et peu ouvert aux personnes de plus de 40 ans, emplois subalternes peu considérés et mal rémunérés.

Pour ces femmes, il est indispensable que des mesures particulières soient mises en place pour reconnaître le rôle important qu'elles ont rempli dans le passé.

Parmi ces mesures, l'AFEAS préconise que le calcul des prestations soit basé sur le nombre d'années de cotisation pour les travail­leuses ayant entre 40 et 50 ans au moment de l'intégration au RRQ. Pour celles ayant entre 50 et 55 ans à ce moment, qui n'aurons pas complété les dix années requises de cotisation, qu'elles puissent racheter le nombre d'années manquantes pour compléter ces dix ans et que la proposition qui exige les dix années de cotisation ne s'applique pas pour les travailleuses au foyer âgées de 55 ans et plus au moment de l'intégration. L'AFEAS demande de plus que les travailleuses au foyer ayant atteint l'âge de la retraite au moment de l'intégration puissent bénéficier des avantages du ré­gime sans obligation d'y avoir cotisé. Dans tous ces cas, la contribution est basée sur la moitié du salaire industriel moyen canadien »

Q Pourquoi demander une mesure comme l'Intégration au RRQ, alors que les travailleuses au foyer sont appelées à disparaître?

R II est faux de prétendre que les travailleuses au foyer sont un groupe en voie de disparition. Et si cela était, c'est une ques­tion de justice que de leur offrir l'avantage de pouvoir partici­per au RRQ. Pourtant, on parle de 800 000 Québécoises qui travail­lent au foyer à temps plein. Elles représentent 50% de la popula­tion des femmes de 15 ans et plus. Parmi elles, une sur deux a 45 ans et plus.(1)

II est vrai que l'accroissement de la participation des femmes au marché du travail rémunéré est continu, ainsi, de 1966 à 1983, la présence des femmes s'est accrue de 43%. Malgré cela, "les prévi­sions économiques démontrent que même loin dans l'avenir un nombre important de Canadiennes continueront de travailler au foyer."(2)

Ainsi, beaucoup de femmes choisiront encore de demeurer au foyer pendant quelques années pour élever leurs enfants. La rente pour les travailleuses au foyer aidera également les femmes qui font partie de la population active, qui travaillent à temps partiel ou à temps plein pour un salaire peu élevé en leur donnant la possibilité de hausserleur rente à la moitié du salaire industriel moyen canadien.

Une mesure comme l'intégration au RRQ pour reconnaître le travail accompli au foyer sera par conséquent toujours un besoin. En plus de revaloriser la personne qui dispense les soins aux enfants, aux personnes âgées, handicapées ou en perte d'autonomie, cette mesure contribuera à  son autonomie financière au moment de la retraite.

(l)"Le plan gouvernemental en matière de condition féminine 1986-1987", Gouvernement du Québec, 1986.

(2)"Les femmes et la réforme des pensions du Canada", Comité consultatif du régime de pensions du Canada, mars 1983.

Q Pourquoi baser nos demandes sur un revenu fictif équivalent à la moitié du salaire industriel moyen canadien?

R Le montant des cotisations à payer pour contribuer au RRQ est basé sur le revenu des travailleurs(es). Ce montant détermine également le montant des prestations qui pourront être versées par la Régie.

Il est difficile de s'entendre sur une évaluation réaliste du coût du travail effectué par la travailleuse au foyer. La difficulté s'aggrave encore du fait que chaque travailleuse au foyer ne remplit pas nécessairement les mêmes fonctions,  il n'y a qu'à penser aux soins aux enfants ou aux personnes malades.

Il s'avère donc obligatoire de définir un montant qui puisse rallier toutes les parties. La proposition qui revient le plus souvent est celle qui équivaut à la moitié du salaire industriel moyen canadien soit, en 1984, un montant de 11 400$.

"Cette proposition est la plus populaire, car ce montant est assez élevé pour en valoir la peine mais pas suffisamment élevé pour poser des problèmes d'équité et décourager les femmes de prendre un emploi en donnant des pensions plus importantes aux femmes au foyer qu'à celles qui occupent un emploi rémunéré à plein temps.

Dans le cas des personnes qui travaillent à temps partiel et tiennent maison, il est proposé qu'elles continuent de verser des cotisations au RPC (RRQ) d'après leurs propres gains tout en recevant des crédits allant jusqu'à la moitié du salaire moyen. Cela tiendrait compte de la réduction partielle de leurs gains occasionnés par leurs responsabilités familiales.

Ce niveau de revenu comporte également un autre avantage; il s'agit d'un critère objectif qui n'est pas soumis aux aléas politiques comme l'est le salaire minimum.(1)

Q Les coûts engendrés par la participation des travailleuses au foyer su RRQ ne seront-ils pas trop élevés pour l'Etat?

R En réalité, toutes les mesures sociales qui sont mises en applica­tion entraînent des dépenses pour l'Etat.

C'est à même les impôts prélevés des contribuables, des corpora­tions ainsi que des différentes taxes que le gouvernement consti­tue ses revenus. L'Etat décide ensuite de leur utilisation en dépenses de santé, d'éducation, allocations familiales, etc. Un gouvernement doit faire des choix pour redistribuer les revenus qu'il administre. On peut juger des objectifs poursuivis par un gouvernement selon les choix qu'il privilégie, selon sa volonté de mettre certaines mesures en application ou de permettre certaines réalisations.

(1)"L e s femmes et la réforme des pensions du Canada", Comité consultatif du régime de pensions du Canada, Mars 1983.

Des critères d'équité ou de justice sociale et d'efficacité dans l'allocation des ressources sont supposés guider les choix faits par un gouvernement. Plusieurs programmes sociaux ont été mis sur pied au fil des ans; allocations fami1ia1es, bien-être social, assurance-maladie, etc...Ces programmes ont été adoptés pour ré­pondre à des besoins précis de la population. Chacun de ces pro­grammes entraînent des coûts élevés. Ils sont pourtant acceptés par la population parce qu'ils sont jugés nécessaires et que la majorité de la population y est favorable.

Il faut également se souvenir que les avantages procurés par un programme social entraînent souvent une économie par rapport à d'autres dépenses, qu'on pense par exemple à l'aide sociale. Des dépenses faites en regard de la formation professionnelle favorisant une réintégration du marché du travail contribueront à diminuer les dépenses de l'aide sociale.

De plus, l'intégration des travailleuses au foyer au RRQ bénéficie de l'appui d'une large majorité de la population. Un sondage Gallup, réalisé en 1986 est clair à ce sujets les canadiens sont en grande majorité favorables à ce que les femmes au foyer bénéficient du régime de rentes du Québec ou du régime de rentes du Canada. 82% des personnes consultées se sont déclarées pour la participation des femmes au foyer à un régime de rentes gouvernemental. Seulement 15% s'y opposent.

L'AFEAS en a la preuve concrète par tous les appuis qu'elle a en main et qui ont été recueillis auprès d'une multitude d'organismes existants dans toutes les régions du Québec.

Les deux partis actuellement au pouvoir, le parti libéral au Québec et conservateur à Ottawa se sont déclarés favorables à l'instauration de cette mesure. Le parti conservateur reconnaissait de plus que la proposition d'intégrer les travailleuses au foyer au Régime de Pensions du Canada (RRQ, pour le Québec) était financièrement saine et qu'ils inciteraient les provinces à l'adopter.

Il ne manque plus maintenant que la volonté réelle de passer aux actes.

Q L'intégration des travailleuses au foyer peut-elle être considérée comme une assure nataliste?

R Ce n'est pas dans cette optique que l'AFEAS réclame l'intégration mais pour reconnaître l'utilité sociale du travail effectué par les travailleuses au foyer.

Il   est   juste   que   des   mesures   favorisent   la famille,    notre   démarche pour    réclamer    la mise   en    place    d'une    politique    familiale    est claire sur ce sujet. Une telle politique n'est pas réclamée cependant pour inciter les Québécoises et Québécois à mettre plus d'enfants au monde mais bien plutôt pour créer un environnement et des conditions qui favorisent et aident celles et ceux qui dési­rent avoir des enfants, la participation au RRQ s'inscrit dans cette même ligne de pensée.

Q La participation des travailleuses au foyer sera-t-elle désincitative face au travail rémunéré?

R Les travailleuses au foyer, quand elles participeront au RRQ, retireront une petite rente au moment de leur retraite. Il faut rappeler que les prestations seront basées sur la moitié du sa­laire industriel moyen canadien.

Ce n'est pas l'espoir d'une petite rente qui pourra retenir les femmes de réintégrer le marché du travail rémunéré avec les avan­tages qui s'y rattachent; salaire et avantages sociaux divers, dont, entre autres une pension encore mieux préparée. Plus que la rémunération, l'autonomie financière immédiate, la réalisation d'un potentiel jusqu'alors non-exploité constituent des motiva­tions à réintégrer le marché du travail rémunéré en comparaison desquelles l'espoir de la rente du RRQ accordée pour le travail au foyer ne fait pas le poids.

Q Que signifie avoir le choix entre la période d'exclusion ou l'In­clusion au RRQ pour les travailleuses au foyer?

R Dans le fonctionnement actuel du Régime de rentes du Québec, il est prévu une période d'exclusion. C'est une période pendant laquelle une femme peut se retirer du marché du travail rémunéré et par conséquence, arrêter de payer ses cotisations au RRQ pour prendre soin d'unenfant de moins de 7 ans. Cette période est retranchée dans le calcul de la rente de manière à ce qu'elle n'ait pas pour effet d'amoindrir la rente que la travailleuse toucherait autrement.

La période d'exclusion est un acquis important, c'est pourquoi, nous tenons à la conserver. Toutefois, l'AFEAS demande que la travailleuse qui laisse la marché du travail rémunéré pour prendre soin d'enfants, ait le choix entre la période d'exclusion qui lui est offerte et le fait d'être considérée comme une travailleuse au foyer et intégrée au régime à ce titre, selon les modalités en vigueur(ex.: cotisation basée sur la moitié du salaire industriel moyen canadien).

Son choix sera déterminé par les avantages offerts par chacune des deux possibilités, selon sa situation.

CONCLUSION

Ces questions et réponses résument les raisons pour lesquelles l'AFEAS réclame l'intégration au Régime de Rentes du Québec. Elles nous font connaître les arguments à développer pour convaincre du bien-fondé de notre position.

Qu'on soit membre dans un cercle, responsable régionale ou repré­sentante provinciale, à tous les paliers de notre association, nous sommes à présent en mesure de véhiculer les mêmes principes afin de convaincre pour obtenir l'intégration des travailleuses au foyer au Régime de Rentes du Québec.

RECOMMANDATIONS

1- Adoptées en assemblée générale;

  • Que la participation des travailleuses au foyer au RPC/RRQ soit obligatoire par une contribution basée sur la moitié du salaire industriel moyen canadien.
  • Que soit inclue dans le RPC/RRQ toute personne qui reste à la maison pour prendre soin des enfants de moins de douze ans, ou de personnes invalides ou handicapées.  L'Etat assurerait leurs cotisations à un niveau égal à la moitié du salaire industriel moyen canadien.
  • Que l'Etat assure les contributions sur la différence entre le salaire reçu et la moitié du salaire industriel moyen canadien pour les personnes qui sont sur le marché du travail à temps partiel et qui ont des enfants de moins de douze ans.
  • Qu'une période de transition maximale de 5 ans soit prévue pour l'intégration des travailleuses au foyer au RPC/RRQ.

2- Adoptées par le conseil d'administration provincial;

  • Que soit inclue dans le RPC/RRQ, toute personne qui reste à la maison pour prendre soin de personnes en perte d'autonomie.
  • Qu'un partage égal (Etat: 50%; famille: 50%} des contributions, basées sur la moitié du salaire industriel moyen canadien, soit prévu  pour les travailleuses au foyer ayant des enfants entre 12 et 15 ans,
  • Que l'Etat assume 50% des contributions sur la différence entre le salaire reçu et la moitié du salaire industriel moyen canadien pour les  travailleuses au foyer qui ont des enfants de 12-15 ans mais qui sont aussi sur la marché du travail à temps partiel.
  • Que les contributions au RRQ? basées sur la moitié du salaire industriel moyen canadien, soient entièrement assumées par la famille pour les travailleuses au foyer ayant des enfants de 15 ans et plus.
  • Que les travailleuses au foyer qui n'ont pas eu d'enfants ou d'autres personnes à charge, puissent contribuer au RRQ en assumant entièrement le coût des cotisations, basées sur la moitié du salaire industriel moyen canadien.
  • Que la contribution entière, basée sur la moitié du salaire industriel    moyen    canadien, soit    assumée   par   l'Etat,    pour    les familles à   faibles   revenus   incluant   les   familles monoparentales.
  • Qu'il   y   ait   possibilité   de   choix   pour   la travailleuse   au   foyer entre   la   période d'exclusion   existant   déjà   dans   les règlements   du RRQ   et   l'inclusion   accordée aux   travailleuses   au   foyer.
  • Que   le   calcul   des      prestations   soit   basé sur    le   nombre   d'années de   cotisation   pour   les travailleuses   au   foyer   ayant   entre   40   et   50 ans au   moment   de   l'intégration   au   RRQ.
  • Que   les   travailleuses   au   foyer   entre   50   et 55   ans   au   moment   de l'intégration   au   RRQ   et qui   n'ont   pas   complété   leurs   dix années requises   de   cotisation,    puissent   racheter le      nombre   d'années      nécessaires   pour totaliser   ces   dix   ans.
  • Que    la    proposition    qui    exige    dix années    de    contribution    ne s'applique   pas   pour les   travailleuses   au   foyer   ayant   55   ans   et plus au   moment   de   l'intégration   au   RRQ.
  • Que    les     travailleuses     au     foyer     ayant atteint     l'âge     de     la retraite   au   moment de   l'intégration   au   RRQ,   puissent bénéficier des   mêmes   avantages  pour   les services  rendus  à  la  société   et   ce, sans obligation   de   cotiser.
  • Que    suite   à   l'intégration   des travailleuses   au    foyer   au   RRQ,    le gouvernement complète    en    conséquence,      les    autres formes     de prestations   (ex.:   rentes  d'orphelins, rentes  d'invalidité...etc.) dont   bénéficient habituellement   les   cotisants(es)   au   régime.