Séminaire international : réhabilitation et réinsertion socio-économique au Rwanda, 21 septembre au 10 octobre 1997

• GROUPES PARTENAIRES

Québec :

  • Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec
  • L'R des centres de femmes
  • Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale
  • Regroupement québécois des CALACS

Rwanda :

  • ACOR
  • DUHO
  • ANYE
  • PREFED
  • INGABO

•  RESPONSABLE DU PROJET :

Relais-femmes

Céline Martin, coordonnatrice générale

•  ONG PROMOTEUR :

«Développement et Paix»

•  ACCOMPAGNATRICE :

Patricia Rossi

Activité financée et réalisée dans le cadre d'un programme de l'Organisation catholique canadienne pour le développement et la paix (Développement et Paix) «Réhabilitation et réinsertion socio-économique au Rwanda 1996-1998»

• OBJECTIFS GÉNÉRAUX

  • Permettre une compréhension plus approfondie de l'intervention féministe à l'égard de la violence faite aux femmes en vue de participer à la réhabilitation et la réinsertion socio-économique des femmes.
  • Présenter des outils pratiques nécessaires au renforcement et au développement de capacités d'intervention dans le domaine de la violence faite aux femmes.
  • Faciliter la création de liens privilégiés entre les groupes de femmes du Rwanda et du Québec.
  • Permettre aux Rwandaises de prendre un temps de répit afin de refaire le plein d'énergie.

• APPROCHE PÉDAGOGIQUE

Le séminaire intègre des aspects théoriques et pratiques. Pendant trois semaines, nous mettrons l'accent sur les éléments permettant des échanges d'expériences et d'expertises entre les femmes du Rwanda et celles du Québec.

La méthodologie du séminaire place les participantes au centre du processus d'apprentissage, les encourageant à prendre une part active dans la formation et ce, à partir de leur propre expérience. Les moyens utilisés seront diversifiés: exposés, échanges, visites de groupes, vidéos, ateliers d'intégration, etc.

• RAPPORT

Pour permettre un résumé chronologique du déroulement de ce séminaire, voici la description détaillée des activités qui ont eu lieu quotidiennement.

DIMANCHE LE 21 SEPTEMBRE 1997

Arrivée de la délégation du Rwanda

Dès leur descente d'avion, c'est un réel plaisir de voir et de constater l'étonnement et le ravissement que ces visiteuses ont à découvrir ce pays qu'elles voient pour la première fois.

On peut noter dès le début, qu'il y aura sûrement des apprentissages à faire de part et d'autre pendant toute la durée du séminaire...

LUNDI LE 22 SEPTEMBRE 1997

Relais-femmes

La journée débute par la rencontre des groupes partenaires suivie d'un échange sur les objectifs de la formation.

Après un tour de table permettant à chacune de se présenter et de décrire le mandat des ressources respectives, les attentes de la formation sont clairement identifiées.

Au Rwanda, la femme ayant un rôle important à occuper dans le développement socio-économique de son pays, les cinq déléguées désirent surtout :

  • recevoir de l'information, de la formation sur divers sujets tels que la violence conjugale, l'inceste et l'économie sociale, afin d'adapter les outils pour mieux intervenir;
  • s'inspirer des expériences québécoises afin d'améliorer la condition de vie des femmes rwandaises;
  • développer des mécanismes afin d'établir un réseau-femmes pour mieux échanger et pour promouvoir la défense des droits de celles-ci;
  • améliorer l'autonomie des Rwandaises.

En après-midi, l'intégration débute avec l'adaptation aux réalités de la vie quotidienne québécoise :

  • calculer l'échange de l'argent en dollars canadiens
  • prendre le métro et l'autobus
  • se familiariser avec les escaliers mobiles
  • visiter la Plaza St-Hubert.

Pour une première journée, ce fut très rempli et fatiguant vu le décalage horaire. Les Rwandaises ont cependant vite remarqué que notre rythme de vie est très rapide

mais...elles ont suivi!

MARDI LE 23 SEPTEMBRE 1997

Regroupement des Centres de femmes

Michelle Asselin, la coordinatrice, nous accompagne pour aller rencontrer la directrice, le personnel et les membres du Carrefour des femmes du Grand Lachute.

Après la visite de ce centre, Michelle demande à toutes les femmes présentes ce qui les a le plus touchées dans les luttes menées par les femmes. Les réponses variées ont permis de tracer un portrait du mouvement féministe au Québec. Malgré les gains, il faut continuer la lutte pour conserver les acquis et surtout pour apporter d'autres changements souhaités tels que la lutte contre la pauvreté et l'équité salariale.

Toutes sont touchées par le visionnement du vidéo sur "La Marche du Pain et des Roses".

Après une visite du Marché extérieur de Lachute, le dîner est grandement apprécié.

Les intervenantes présentes font une description de leurs tâches et des outils pertinents pour l'accomplissement de leur mandat tout en tenant compte des objectifs de leur organisme:

  • briser l'isolement;
  • développer l'autonomie;
  • lutter contre l'appauvrissement des femmes.

La discussion se termine par une question : "Qu'est-ce que les femmes québécoises peuvent faire pour les femmes rwandaises?"

Les besoins des Rwandaises sont trop nombreux et elles ont de la difficulté à prioriser. Cependant il est évident qu'elles souhaitent ressentir la solidarité, recevoir un soutien moral, échanger l'information, faire des actions concrètes, voir aux besoins alimentaires et répondre aux besoins de parrainage des enfants orphelins.

En soirée, la conversation se poursuit tout en dégustant des fruits qu'elles mangent pour la première fois: des pommes, des pêches et des raisins blancs.

En une seule journée, elles ont reçu beaucoup d'informations à intégrer. Elles se sentent rassurées sachant que plusieurs sujets seront repris, entre autres l'inceste et le lesbianisme, lors de futures rencontres.

On discute également de la religion, de ses impacts sur la vie quotidienne, de la sexualité et du rôle des femmes et des hommes dans le développement.

MERCREDI LE 24 SEPTEMBRE 1997

Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS)

Marie Drouin nous reçoit et distribue son document qui explique le contenu de sa formation.

Les sujets discutés en avant-midi sont :

  • la problématique de la violence incluant la définition de la violence, les formes de violences et l'intervention féministe
  • l'origine des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel et les services qui sont offerts
  • la naissance du Regroupement des CALACS, sa mission et sa philosophie

La discussion sur l'inceste a pris de l'ampleur et les Rwandaises admettent le fait qu'il s'agit encore d'un sujet tabou et que, même le mot "inceste" n'est pas utilisé. Par contre, elles réalisent qu'elles connaissent des femmes qui l'ont vécu et des familles pour qui c'est toujours une réalité.

Le Chaînon

Pendant le dîner, un échange se crée entre les Rwandaises et plusieurs membres du personnel de cette maison d'hébergement pour femmes en difficulté. La visite de cette ressource a permis de voir concrètement son fonctionnement, ses services et ses besoins à de multiples niveaux, entre autre le financement, le bénévolat

Le programme des bénévoles les a conquises à tel point que les cinq Rwandaises se questionnent sur la possibilité d'adapter ce volet dans leurs ressources respectives. Les dons en matériel, en plus du don de soi pour venir en aide aux femmes les plus démunies les ont fortement impressionnées. L'organisation des tâches à accomplir et la démonstration concrète de le faire ont été pour elles, une formation très appréciée.

JEUDI LE 25 SEPTEMBRE 1997

Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale

Chantal Boudreau nous présente l'ordre du jour. En matinée, elle explique le processus de victimisation avec des exemples afin de mieux en saisir les impacts.

On relève beaucoup de ressemblance entre les deux pays: les femmes sont responsables des enfants et selon leurs choix et prises de position, les femmes vivent de la culpabilité et se sentent victimisées. Les messages véhiculés dans la société les empêchent de réagir ou de changer leurs attentes. Tout comme ici, les hommes ont le pouvoir et les privilèges.

Les exemples, qui expliquent le processus de dévictimisation, suscitent beaucoup d'intérêt. Les femmes doivent apprendre à se déresponsabiliser des situations qui ne leur appartiennent pas.

L'intégration du contenu de cette formation s'est faite rapidement. Durant le reste de leur séjour, elles apportaient des exemples de victimisation qu'elles avaient subie, l'identifiaient et discutaient pour trouver une façon de se dévictimiser.

Ce jour-là, nous avons participé également à la marche annuelle de la Coalition de Femmes sans Peur. Pendant le trajet, la gêne et la timidité du début ont fait place au chant et à l'affirmation : "La rue, la nuit, femmes sans peur!" Elles se disaient à certains moments, que jamais elles n'auraient pu participer à un tel événement au Rwanda sans risquer des représailles ou même faire de la prison. Ce geste d'action a été pour elles un moment mémorable rempli de courage et de fierté. Josepha affirme que " cette marche a injecté un plus de féminisme". Durant le reste de leur séjour, cette phrase scandée sera souvent répétée comme un slogan!

Ce fut une belle façon de boucler les apprentissages des premières journées de formation.

VENDREDI LE 26 SEPTEMBRE 1997

Le Parados

Les femmes rwandaises ont visité cette maison d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale avec enfants, située à Lachine. Elles ont aimé voir les femmes et les enfants hébergés ensemble. Pour elles, il est inconcevable de séparer les mères de leurs enfants.

Un échange sur les services offerts (hébergement, accueil, écoute active, intervention de crise, intervention individuelle et de groupe, suivi, accompagne­ment, références), sur le fonctionnement et sur la problématique a lieu avec les intervenantes du Centre. Pour concrétiser davantage, des exemples sont apportés afin de faciliter la compréhension et alimenter la conversation. Une observation intéressante relevée par l'une d'elle démontre le fait que malgré l'énorme souffrance vécue depuis toujours au Rwanda, il y a beaucoup moins de suicides qu'au Québec. Elles sont étonnées de voir les statistiques...

Une discussion sur la souffrance des femmes québécoises versus celle des Rwandaises démontre que ce n'est pas comparable. Ici, les femmes victimes de violence ont un recours et beaucoup de services. Au Rwanda, la souffrance est intériorisée à une plus grande échelle. Elles subissent de la violence au niveau environnemental, social et individuel. De plus, le génocide a traumatisé le pays entier.

Elles sont touchées par la solidarité, par la conscientisation et la liberté des femmes d'ici. La présence d'une sexologue dans l'équipe nous permet d'échanger sur la sexualité et les condoms. Elles ont trouvé cela intéressant surtout que ça répondait à un besoin.

Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec (F.R.H.F.V.D.Q.)

Pendant un repas communautaire, Marie-Hélène Houle, la coordinatrice, élabore sur le rôle de la Fédération et celui des maisons d'hébergement.

L'importance d'une association provinciale est démontrée par la description des objectifs et du mandat. Grâce à cet échange informel, les Rwandaises ont pu clarifier plusieurs notions de base, entre autre, la différence entre une ressource de base et

une association provinciale. Ceci a permis de faire une comparaison et de voir la complémentarité.

SAMEDI LE 27 ET DIMANCHE LE 28 SEPTEMBRE 1997

Relâche!

Enfin un répit après cette longue semaine mais surtout un repos bien mérité. Durant ce week-end, nous visitons, marchons, magasinons, mangeons...

Beaucoup de complicité, de respect, de sagesse !

LUNDI LE 29 SEPTEMBRE 1997

Regroupement québécois des CALACS

Marie Drouin poursuit la formation entamée le 24 septembre dernier.

Les sujets de discussion portent sur:

  • les formes d'agressions sexuelles et les conséquences;
  • le processus d'auto-guérison;
  • les mythes et préjugés sur la violence.

Par la suite, on enchaîne avec la réalité et la vécu des lesbiennes.

MARDI LE 30 SEPTEMBRE 1997

Centre de documentation sur l'éducation des adultes et la condition féminine (CDEACF).

Rosalie Ndejuru et Thérèse LeBlanc expliquent le mandat et les services offerts au Centre.

Elles sont fières de présenter le Bulletin Réseau Femmes qui se veut un outil de communication de plus en plus indispensable. Il sera nécessaire de faire un suivi pour que les Rwandaises puissent y participer.

Suite à une discussion sur le rôle de la femme dans la société, on remarque encore une fois, les nombreuses similitudes des deux pays surtout en ce qui touche la position des femmes au niveau familial, social et politique. La réalité des femmes du Rwanda est comparable à celle des femmes du Québec. Il faut lutter pour la reconnaissance de nos capacités et de notre pouvoir. Les hommes ont peur et préfèrent que nous demeurions inférieures. On reconnaît la force que nous possédons en groupe: il est plus difficile de nous ignorer.

Trêve pour Elles

En après-midi, Marie Drouin et Louise Picard accueillent les visiteuses à ce centre d'aide, de lutte et de prévention contre les agressions à caractère sexuel. Les services offerts sont décrits, tels que le service d'écoute personnalisée, le service d'aide individuelle et de groupe et le service d'accompagnement. L'intervention est basée sur une analyse féministe de l'oppression des femmes.

La préoccupation de faire des activités de sensibilisation dans le milieu afin de briser les mythes et préjugés et l'importance de la levée de fonds annuelle sont soulignées.

En soirée, nous regardons ensemble une émission à la télévision, Le Match de la Vie, dont le sujet est le génocide au Rwanda. Ce fut extrêmement pénible pour elles de voir et de revivre ces moments difficiles. "Ça fait mal, dit l'une d'elles, de constater que les autres pays ne sont pas intervenus pour mettre fin à cette guerre atroce." À la fin de l'émission, il est écrit : "Le Rwanda est trop petit, trop loin, trop pauvre et trop noir". Des larmes et du silence...

MERCREDI LE 1ER OCTOBRE 1997

Violence en Héritage

Lucie Lépine et Gisèle Ampleman donnent une journée de formation "Violence en Héritage", outil publié par le Comité des affaires sociales de l'assemblée des évêques du Québec. Les objectifs de la session sont entre autres, de sensibiliser au phénomène de la violence conjugale et de permettre de situer cette problématique dans une perspective évangélique.

Le visionnement du vidéo "Au-delà de nos dires" fut très apprécié. Il a permis de constater concrètement comment la théorie et les concepts sont traduits dans le vécu d'une femme.

Durant la discussion qui a suivi, les Rwandaises ont demandé ou était Dieu durant le génocide ? Quelques-unes trouvent difficile de croire à la suite de ces atrocités. Dans un sens plus large, elles partagent leurs opinions sur les effets qu'a eu la religion catholique. Elles ont été témoins de plusieurs événements difficiles à accepter.

Il est nécessaire, affirment-elles, d'adapter la religion catholique pour qu'elle soit plus proche de la réalité de la vie d'aujourd'hui, plus inclusive et moins rigide.

Lors de l'évaluation de la journée, elles sont d'accord pour dire que ce fut une journée des plus importantes vu la place que tient la religion dans leur pays et dans leur vie. Il faut retrouver un sens et redonner à la religion la place qui lui revient. Il y a un retour aux croyances traditionnelles et en ce sens, elles font un lien avec les communautés autochtones du Canada.

JEUDI LE 2 OCTOBRE 1997

Centre d'organisation mauricien de services et d'éducation populaire (COMSEP)

Un accueil extraordinaire! Une journée remplie d'informations très concrètes. Sylvie Tardif et le personnel de COMSEP, décrivent leurs activités. Cette équipe dégage de l'enthousiasme et du dynamisme.

Les Rwandaises sont impressionnées par l'organisation des bénévoles pour le comptoir vestimentaire, le fonctionnement des cuisines collectives et la micro-entreprise de couture ainsi que par bien d'autres activités. Elles se demandent comment adapter certains projets à leurs besoins, dans leur communauté.

À cette occasion, un dîner communautaire a été préparé par leur entreprise d'économie sociale, Bouff'elles Café. Plus de soixante

membres y participent; chaque Rwandaise partage sa réalité: c'est le silence ! Le tout est suivi d'applaudissements et d'une ovation fort touchante. Tous et toutes sont touchés par leur tristesse mais surtout par leur courage.

Économie communautaire de Francheville (ECOF)

En après-midi, le groupe se divise. Deux d'entre elles rencontrent le groupe ECOF. Cet organisme communautaire en développement économique a pour objectif de mettre sur pied des entreprises de type communautaire pour la création d'emplois destinés à des personnes peu scolarisées: Ensuite, elles approfondissent leurs connaissances et compréhension des cuisines collectives: les buts, les objectifs et le fonctionnement.

Centre des Femmes Parmi Elles

Trois d'entre elles visitent ce centre de femmes en milieu rural. Avant d'arriver et tout au long du voyage, elles apprécient la beauté du paysage. Une fois sur place, une belle surprise attend Josepha: une amie d'enfance qui habite présentement a Drummondville fait partie du groupe. Quel bonheur mutuel!

Lors de l'échange qui suit, les différences entre le milieu rural et le milieu urbain sont observées. Le travail des intervenantes de ce centre de femmes doit tenir compte de certaines réalités du milieu rural, tels que les grandes distances, l'absence de transport en commun et le manque de confidentialité. Ce milieu est beaucoup plus proche de la réalité des femmes rwandaises.

Par la suite, Francyne Ducharme, la directrice, nous accompagne sur la ferme de son père et de son frère. Quelle joie pour nos visiteuses de voir le nombre et la grosseur des vaches. La majorité des femmes rwandaises rêvent de posséder une vache. Tout le processus laitier est démontré. Quelle belle expérience!

Nous retournons très vite à Trois-Rivières ou nous sommes attendues dans un restaurant au bord du fleuve. L'échange intéressant continue, c'est une journée inoubliable!

VENDREDI LE 3 OCTOBRE 1997

Association féminine d'éducation et d'action sociale (AFEAS) Aujourd'hui l'accueil chaleureux se poursuit à Pont-Rouge. Nous sommes reçues par trente femmes de cette organisation. Les présidentes locale, régionale et provinciale sont parmi elles. Les membres nous présentent divers dossiers qui les préoccupent et nous partageons les différentes prises de position sur des sujets qui touchent la vie des femmes. Les objectifs de l'AFEAS sont la promotion de la femme, l'éducation, la reconnaissance du travail invisible des femmes et l'action sociale. Les conversations continuent durant le dîner communautaire.

En après-midi, des membres nous accompagnent chez "Les délices d'Yvette". Celle-ci est une femme qui gère une petite entreprise de traiteur. Elle en parle avec beaucoup de fierté bien méritée. Les Rwandaises apprennent comment mettre sur pied une petite entreprise mais surtout comment reconnaître ses propres compétences afin de générer des revenus.

La tournée se poursuit et nous visitons le Moulin Marcoux, moulin à farine historique restauré en Centre culturel. Nous y retrouvons entre autres, une galerie d'art, une boutique d'artisanat et une salle de spectacle. Nous apprenons que les étapes de restauration furent réalisées grâce à la participation de cinq cent bénévoles.

Un membre de l'AFEAS nous invite sur sa ferme pour voir des patates, des patates et encore...des patates! Quelle joie pour nos Rwandaises mais aussi quelle tristesse. Elles disent qu'il est très difficile d'en acheter présentement au Rwanda à cause de la sécheresse.

Nous poursuivons vers Lévis et nos voyageuses commentent encore une fois, sur les différences entre le milieu rural et le milieu urbain. Dans celui-ci, tout est plus rapide, les gens sont toujours à la course, plus stressés et plus centrés sur la tâche.

Elles se retrouvent plus facilement dans le milieu rural ou le rythme de vie et l'accueil ressemblent plus à ce qu'elles connaissent. Elles reconnaissent qu'il y a des avantages et des désavantages dans les deux milieux. Discussion pertinente et analyse intéressante!

On arrive enfin chez Angèle Aubin et André Bourque où l'on se sent en famille immédiatement. Il y a beaucoup d'échanges et elles partagent ce qu'elles ont vu, vécu et ressenti: ce sont des images et des émotions qui resteront gravées à jamais au fond de leur mémoire

SAMEDI LE 4 OCTOBRE 1997

Journée libre

Nous en profitons pour visiter Québec, prendre la traverse de Lévis, se rendre aux chutes Montmorency, savourer la nature et même musarder dans le Vieux-Québec. En soirée, c'est la démonstration de la danse traditionnelle du Rwanda. On s'amuse, on danse, quel bonheur!

Grâce à leurs connaissances, leur ouverture d'esprit, leur gentillesse et leur disponibilité, Angèle et André facilitent notre séjour.

DIMANCHE LE 5 OCTOBRE 1997

Carrefour Tiers-Monde

Les Rwandaises sont les invitées d'honneur d'un café causerie organisé par Carrefour Tiers-Monde. Lors d'un échange avec les participants(es), elles donnent de l'information sur leurs associations. Il est évident que la femme rwandaise à un rôle important à jouer dans la reconstruction de son pays. Ce sont elles qui construisent les maisons. Elles ont décidé de se concentrer sur l'avenir et sur la recherche de solutions afin d'améliorer la vie de tout un peuple.

Leur séjour à Québec leur a fait réaliser l'importance de la création d'un mouvement de femmes parce qu'elles se sentiront davantage solidaires et auront ainsi plus de force et de pouvoir.

Lors du voyage de retour à Montréal, elles mentionnent que l'intervention d'un par­ticipant leur a fait prendre conscience qu'elles avaient entamé le processus de guérison. Cet homme du Rwanda qui vit maintenant au Québec, a le profil d'une victime. Il n'a pas eu l'opportunité de faire un cheminement dans son pays et se sent isolé au Québec. De victimes qu'elles étaient comme lui, il y a quelque temps, elles ont reçu le support et le soutien des groupes de femmes au Rwanda et elles

retrouvent un sens à la vie. Comme elles le disent si bien, elles ont commencé le processus de «dévictimisation» et de «détraumatisation». Cette révélation leur redonne de l'espoir, de l'assurance, elles se sentent sur la «bonne voie»!

LUNDI LE 6 OCTOBRE 1997

Entraide Missionnaire et Association des femmes Autochtones du Québec

Pendant que Josepha passe la journée à une Table de concertation à l'entraide Missionnaire, le reste du groupe rencontre Christine Sioui Wawanoloath, de l'Association des femmes autochtones du Québec. Celle-ci nous trace un portrait du vécu des communautés autochtones, de la place des femmes et des diverses problématiques présentes telles que la violence, la toxicomanie, le suicide et la pauvreté. Une explication possible à ces diverses difficultés est l'oppression subie et la perte de l'identité culturelle.

Les Rwandaises s'identifient à ce vécu difficile. Elles veulent en savoir davantage sur les moyens pris par les femmes autochtones qui essaient toujours de reprendre le pouvoir qui leur revient.

En après-midi, Specios rejoint Josepha à la table de concertation afin d'échanger sur les moyens d'assurer l'appui aux divers projets au Rwanda.

L'échange informel continue dans une atmosphère détendue tout en partageant un bon repas chez Andrée Brasseau et Suzanne Loiselle. Un vrai plaisir!

MARDI LE 7 OCTOBRE 1997

Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes (CRI-VIFF)

Nous entamons la dernière journée de formation en présence de Solange Cantin, Michelle Charland et Lucie Bélanger. Nous y traitons de l'importance de faire de la recherche dans le domaine de la violence faite aux femmes. Celle-ci permet de nommer et de mieux outiller les groupes de base qui interviennent directement auprès des femmes, hommes et enfants.

Les animatrices expliquent comment l'analyse féministe de cette violence a permis une nouvelle lecture des causes et une nouvelle définition de la violence décrite comme un moyen de contrôle et non pas, comme une perte de contrôle. Cette rencontre permet de revoir des informations déjà entendues afin de mieux les assimiler et mieux les intégrer.

La discussion se poursuit avec la liste des diverses recherches faites par le CRI-VIFF. On a surtout attiré l'attention sur les services non-existants pour les femmes qui vivent de la violence et qui ont des limites fonctionnelles. L'exemple de la Maison des femmes sourdes de Montréal est parfait pour démontrer comment elles travail­lent beaucoup pour obtenir des services adéquats et adaptés.

Fédération des Femmes du Québec (FFQ)

En après-midi, au bureau de la FFQ, les Rwandaises rencontrent Françoise David dont elles ont beaucoup entendu parler. Elles sont impressionnées et de plus, cette dernière a déjà séjourné au Rwanda au début de sa carrière ' Une belle surprise!

Françoise décrit les objectifs de la FFQ qui sont de promouvoir et de défendre les intérêts des femmes. La FFQ est aussi un lieu de concertation et de pression dans tous les domaines, tels que l'accès des femmes à l'égalité et à l'équité. Cet organisme se veut représentatif de toutes les femmes du Québec incluant entre autres, celles des communautés culturelles, des femmes autochtones et des lesbiennes.

La rencontre se termine avec l'annonce de la marche mondiale des femmes «Du pain et des roses» pour légalité, le développement et la paix. Au plaisir de se revoir à cette marche de l'an 2000.

MERCREDI LE 8 OCTOBRE1997

Atelier d'intégration

Pendant cet atelier, les participantes font l'évaluation du séminaire, sur l'horaire, l'accueil et la pertinence des formations reçues et de leur contenu. L'évaluation a aussi permis d'identifier des lacunes et de dégager des propositions pour le suivi de ce stage. (Voir rapport d'évaluation)

L'Autre Montréal

La journée se termine par une visite guidée de la ville de Montréal, activité organisée par l'Autre Montréal. L'information est intéressante grâce à une approche sociale et féministe.

JEUDI LE 9 OCTOBRE 1997

Développement et Paix

Le matin, une rencontre avec Rhéal Drisdelle, chargé de programmes, leur permet de partager le contenu de l'évaluation de la journée précédente. Au dîner-causerie organisé, nos visiteuses rencontrent le personnel de Développement et Paix. C'est un échange dynamique et elles partagent les constatations faites lors de l'évaluation.

Relais-femmes

En après-midi, l'évaluation continue en présence des groupes partenaires; les Rwandaises présentent les résultats de l'atelier d'intégration.

Dans le cadre d'un "5 à 7" organisé au Café Daphné, les Rwandaises ont l'opportunité de partager une dernière fois, leurs impressions et commentaires avec les partenaires et les groupes qui ont participé au séminaire. Cette soirée animée par Michelle Asselin a été un véritable succès: la joie, les rires, les au revoirs ont été une superbe façon de terminer un stage si bien réussi.

VENDREDI LE 10 OCTOBRE 1997

L'heure du départ est arrivée, il faut refaire les valises!

De la tristesse bien sûr mais aussi beaucoup de satisfaction, et surtout de la joie à retourner auprès de leurs familles !

APPRENTISSAGES

En atterrissant au Canada, les Rwandaises s'attendaient à voir un pays riche où les gens vivent à l'aise, avec un travail, une voiture, un logement, des vêtements et de la nourriture: un endroit où les femmes ne souffrent pas. Elles ont vite réalisé que la réalité de ce pays est toute autre avec un taux de suicide élevé, le placement des personnes âgées dans des foyers d'accueil, un chômage excessif, la présence de la violence sous toutes ses formes et de nombreux itinérants dans les rues de Montréal.

Cette constatation les amène à se poser une question : " Le développement, c'est quoi et cela se fait à quel prix?" On court toujours, on devient de plus en plus individuel, l'aspect humain des choses n'a plus d'importance. - C'est quoi les conditions de vie? C'est quoi le plaisir de vivre?

Elles pensent que l'Afrique devra trouver elle-même sa propre définition de "développement" et y arriver à son propre rythme.

Les Rwandaises se demandaient également: "Actuellement la problématique de la violence faite aux femmes est-elle ce qu'il y a de plus urgent au Rwanda? " Elles croyaient que non, mais suite aux rencontres avec les personnes-ressources du Québec, elles ont vite réalisé que oui, c'est une priorité. Les femmes du Rwanda ne sont pas conscientes qu'elles vivent de la violence ou... elles ont peur d'en parler. Grâce à ce stage, elles pourront sensibiliser leurs consoeurs à ce grave problème.

Ce séminaire a permis d'approfondir leurs connaissances sur des sujets comme l'approche féministe et la problématique de la violence faite aux femmes. Il leur a donné également l'opportunité d'échanger sur des sujets tabous au Rwanda: l'inceste, le lesbianisme et le suicide. Ces problèmes sont présents dans leur réalité rwandaise mais demeurent très cachés: la société est peu sensibilisée. La formation sur le processus de victimisation et de dévictimisation a changé leurs propres attitudes et leur mentalité: elles ont appris à ne pas juger. Elle voient le tout "d'un autre oeil" maintenant et elles disent que ce contenu "a ouvert leur esprit"!

Pour conclure, nous affirmons sans l'ombre d'un doute que ce séminaire international a été bénéfique autant pour les Québécoises que pour les Rwandaises. Toutes les participantes ont été profondément touchées par leurs souffrances, leurs dures réalités, leurs besoins et leurs objectifs. Personne n'est restée insensible et indifférent. Les Rwandaises ont pu ressentir la compassion que nous éprouvions à la narration de leur vécu.

ÉVALUATION

Voici un compte-rendu de l'évaluation du séjour et du séminaire, discuté lors de l'atelier d'intégration et lors des rencontres avec "Développement et Paix" ainsi qu'avec les groupes partenaires.

De façon générale, nous pouvons affirmer que le séjour des Rwandaises ainsi que les formations données ont répondu intégralement aux attentes. L'accueil des plus chaleureux, la souplesse de l'horaire, l'hébergement familial chez des familles qui connaissaient déjà le Rwanda ainsi que la très grande disponibilité de l'accompagnatrice ont contribué au franc succès de ce séminaire. L'attention accordée à tous les détails a permis à nos visiteuses de se sentir à l'aise dès les premiers jours rendant ainsi leur séjour agréable et facile.

Les Rwandaises ont trouvé très pertinent, le contenu des différentes formations qui rejoignait les sujets qui les préoccupent davantage et qu'elles doivent prioriser. La documentation des conférencières et animatrices était bien préparée et fort adéquate. Elles ont surtout apprécié la méthodologie employée, c'est-à-dire de visiter les diverses ressources dans leurs milieux respectifs au lieu de passer trois semaines dans les mêmes locaux à rencontrer les personnes responsables. Elles ont pu ainsi apprécier les avantages de ces milieux tout en échangeant plus facilement avec les membres du personnel et/ou les équipes de ces organismes.

C'était une première! Elles étaient heureuses de reconnaître l'importance des choix faits par "Développement et Paix" qui a invité des femmes des groupes de base pour participer à cette formation. Les femmes de terrain ont eu l'opportunité d'échanger et de rencontrer des femmes de terrain d'un autre pays. Ce sont elles qui connaissent vraiment la réalité.

Les Rwandaises ont été impressionnées également par plusieurs facettes de notre société mais en particulier par la solidarité des femmes, l'entraide sous toutes ses formes, que ce soit en bénévolat, en dons de biens matériels ou en argent. Nous avons un système bien organisé pour venir en aide aux personnes les plus démunies.

Elles ont trouvé qu'au Québec les femmes sont libres, alors qu'au Rwanda, les femmes ont peur et ne s'expriment pas publiquement. Elles ont appris et compris que les conditions de vie des femmes s'améliorent quand les femmes s'extériorisent et surtout quand elles le font en groupe. La solidarité entre femmes brise non seulement l'isolement mais leur redonne également du pouvoir.

Ce stage leur a permis de constater que toutes les femmes du monde entier vivent les mêmes problèmes mais peut-être parfois, de façon différente. Toutes doivent lut­ter pour atteindre l'égalité et faire cesser la violence faite aux femmes et aux enfants.

LACUNES / DIFFICULTÉS

Suite au séminaire, nous avons demandé aux Rwandaises et aux groupes partenaires de nous souligner les situations, les détails ou les formations qui ont présenté des difficultés ou qui auraient pu être traités de façon différente.

Enoncé des Rwandaises:

  • L'accent, les expressions typiques et la vitesse du langage parlé sont les premiers obstacles qu'elles ont dû surmonter. Après deux ou trois jours, la compréhension était meilleure.
  • Les Rwandaises auraient préféré passer davantage de temps en milieu rural parce que plus semblable à leur réalité. Les outils et les services deviennent plus faciles à adapter.
  • Elles auraient apprécié toujours être ensemble et non divisées en groupe parce que toutes les rencontres et les formations étaient importantes et riches en contenu et en expériences.
  • Elles auraient aimé rencontrer et échanger avec la communauté rwandaise établie à Montréal.

Énoncé des groupes partenaires:

• Une rencontre avec les Rwandaises aurait pu être prévue à la mi-formation. Lors d'un repas informel, l'évaluation de la première partie du stage aurait pu s'effectuer tout en leur permettant de mieux se connaître. Ceci aurait permis d'adapter la fin de session à leurs besoins et leurs attentes, si cela avait été nécessaire.

DEFIS

Ces Rwandaises auront d'énormes défis à relever lors de leur retour au pays. L'un des premiers sera de trouver les mots adéquats pour faire comprendre et bien traduire ce qu'elles ont vu, entendu et vécu au Québec. Entre autre, d'avoir vu des feuilles d'arbres aux couleurs jaune et rouge, c'est assez incroyable pour elles! Comment exprimer cela?

Le deuxième défi sera de garder l'enthousiasme, l'étincelle! Cette flamme doit être transmise et entretenue auprès d'autres femmes. Pour y parvenir, elles doivent rapidement:

  • organiser des sessions d'information afin de sensibiliser leurs consoeurs à la violence faite aux femmes
  • mettre sur pied diverses activités génératrices de revenus
  • susciter une solidarité entre femmes afin de faire du lobbying auprès des diverses instances dans le but d'améliorer la condition de vie de toutes les femmes.

Comme autre défi et de façon plus concrète, elles devront trouver des solutions pour adapter au Rwanda ce qu'elles ont vu dans le milieu rural, ce qui est plus proche de leur réalité. Elles ont été fortement impressionnées par les cuisines collectives, le comptoir vestimentaire et la petite entreprise de couture.

Ce séminaire a permis à ces Rwandaises de faire un cheminement personnel et collectif. Elles ont fait des apprentissages et des analyses qui leur permettront d'adapter des outils à leurs besoins. Elles retournent chez elles avec plus de confiance et d'assurance.

SUIVI AU SEMINAIRE

Besoins de formation sur:

  • la solidarité
  • le bénévolat
  • le processus de dévictimisation
  • la sensibilisation auprès de la communauté
  • l'importance et les besoins d'une levée de fonds

Aide pour réfléchir sur les stratégies à adopter afin de lutter contre le pouvoir

Aide afin de savoir comment sensibiliser le gouvernement et les organismes privés à leurs besoins

  • Besoins d'aide et de collaboration continue  (Exemple: Récupérer le matériel inutilisé: machine à écrire, machine à coudre, ordinateur, ATS (sourdes) etc._)
  • Besoin de recherche-action (Liens avec CRI-VIFF)
  • Faire circuler l'information afin que le lien continue
  • Sensibiliser et conscientiser les Québécoises à la réalité des femmes du Rwanda le plus rapidement possible.