L'informatique... se faire une idée... prendre notre place

REALISE PAR MARIE-CLAIRE DUMAS A PARTIR DE LA RECHERCHE DE MARIE-PAULE MAURICE:

"Portrait chiffré, recensement des études et position des différents acteurs sociaux, concernant les nouvelles technologies de la micro-informatique, en regard de la problématique des femmes"

RELAIS-FEMMES JANVIER 1987

 INTRODUCTION

Dans les dernières années, quelques groupes de femmes ont commencé à s'interroger sur la micro-informatique et ses impacts sur nos vies.  S'interroger aussi sur les positions qu'on peut adopter, les actions qu'on peut mener pour s'assurer une juste part du gâteau.  "S'approprier la technologie", est devenu un slogan "à la mode" dans les groupes.  Mais qu'est-ce que ça veut dire?

Dans ce document, on trouvera certaines positions élaborées par le Conseil du statut de la femme (CSF), et par des groupes de femmes comme la Fédération des femmes du Québec (FFQ), le Conseil d'intervention et d'action des femmes au travail (CIAFT) et Action-travail des femmes. Question de voir comment certaines d'entre nous ont commencé à prendre "l'ordinateur par les cornes".

Cette synthèse est bien partielle.  D'autres groupes ont élaboré leurs stratégies et leur réflexion depuis, dans les milieux de femmes, les syndicats, les gouvernements. Nous ne vous offrons pas l'exhaustivité mais bien des pistes pour mener votre propre discussion entre vous.

Vous voulez explorer plus à fond?  La bibliographie vous permettra d'aller un peu plus loin.  Vous pouvez aussi consulter notre document de recherche à Relais-Femmes, qui contient une section complète sur les positions des groupes.

Bonne lecture

CE QU'ON VEUT

LES PRINCIPES QUI NOUS GUIDENT:

Participation active des femmes à l'informatisation afin que leurs aspirations et leur vision du monde en fassent partie intégrante, qu'elles retirent leur juste part des avantages et qu'elles soient partie prenante de ces nouveaux développements .

Lutte contre les divisions sexuelles traditionnelles, la discrimination, le sexisme, dans tous les secteurs de la société.

Contrôle démocratique du développement technologique.  En d'autres mots, qu'on puisse participer aux décisions qui nous concernent au niveau des entreprises aussi bien qu'au plan national.

COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES INFORMATION

ON VEUT: - Lutte pour que les communications demeurent un service public et gratuit;

  • Législation urgente pour la protection de la vie privée et des droits individuels;
  • Assurance que l'implantation des systèmes électroniques de fonds (STEF) respecte les droits des consommatrices et consommateurs;
  • Inciter les femmes à demander le contenu de leur dossier informatique;
  • Politique d'aide à l'accessibilité du public aux banques d'information et aux réseaux télématiques.

 FORMATION - RECYCLAGE

DEMYSTIFICATION - ORIENTATION - EDUCATION Un CHAMP important d'intervention

  • Mise en place de supports additionnels afin d'intéresser et d'habileter les filles à l'utilisation des outils informatiques.  Qu'on en évalue les résultats;
  • Orientation et programmes de formation "sur mesure" pour les femmes de chaque catégorie d'âge en sciences, informa tique, technologies et ingénierie;
  • Désexisation du matériel scolaire actuel et du matériel informatique à venir;
  • Programmes d'accès à l'égalité visant à corriger la dis crimination systémique notamment par des mesures d'accès prioritaire à la formation professionnelle;
  • Enseignement adéquat et égalitaire en sciences, mathématiques et informatique dès le secondaire et mesures de rattrapage pour les filles;
  • Programmes de sensibilisation des enseignant-e-s et des éducatrices-teurs d'adultes aux problèmes spécifiques des filles et des femmes; et transformation de leurs pratiques pédagogiques en conséquence;
  • Services d'orientation professionnelle pour inciter les filles à choisir une carrière non-traditionnelle;
  • Production de logiciels et didacticiels qui respectent les critères en matière d'abolition de la discrimination et du sexisme.

FORMATION DES ADULTES

  • Première priorité, comme moyen d'accès aux nouveaux emplois et maintien des emplois actuels;
  • Une politique d'éducation des adultes en terme d'objectifs précis, quantifiables, mesurables et assortis de clauses budgétaires ;
  •  Un programme national de formation professionnelle; il doit s'attaquer au nécessaire rattrapage des femmes;
  • Programmes de démystification et d'appropriation du bagage informatique;
  • Octroi de prêts et bourses plus accessibles aux femmes et calculés sur leur revenu individuel et non en fonction du revenu familial;
  • Autres mesures de financement comme le crédit d'impôt négatif;
  • Diffusion d'informations aux femmes des secteurs de formation;
  • Des programmes de formation professionnelle qui tiennent compte des besoins des femmes à l'accès aux emplois qualifiés;
  • Formation de base socio-politique de l'organisation du travail en contexte d'informatisation permettant aux travailleuses d'élaborer des alternatives à l'organisation actuelle du travail;
  • Formation professionnelle polyvalente de préférence à une formation trop spécialisée;
  • Accès à la formation en cours d'emploi; obliger les entre prises à contribuer financièrement au recyclage de la main-d’œuvre et à se doter de comités de formation;
  • Soutien accru aux programmes de formation préparatoire à l'emploi pour les femmes dans les secteurs de l'avenir;
  • Programmes d'initiation et d'information sur les changements technologiques conçus pour rejoindre les femmes, stimuler leurs intérêts, et les aider à prendre le virage technologique ;
  • Établissement de services de garde et déduction fiscale correspondante ;
  • Formation et recyclage pour les femmes écartées du marché du travail par les nouvelles technologies;
  • Incitation de l'université à continuer et à augmenter ses services à la collectivité.
  •  Reconnaissance des acquis non-scolaires des bénévoles et des femmes à la maison; mécanismes d'application à développer ;
  • Mettre l'accent sur les besoins des femmes de 35 ans et plus;
  • Reconnaissance de l'importance de l'éducation populaire où les besoins des femmes sont immenses;

 L'INFORMATISATION DU TRAVAIL... OUI - MAIS A QUELLES CONDITIONS?

  • Remettre en question les divisions traditionnelles du travail, améliorer les conditions de travail non-rémunéré et revoir les notions comme le chômage (qui ne tient pas compte du chômage caché), le travail (qui ne comprend pas le travail non-rémunéré), la population active, etc.;
  • Favoriser l'accès des femmes au marché du travail, les sortir des ghettos d'emploi, les inciter à se diriger vers les emplois non-traditionnels et les emplois porteurs d'avenir;
  • Créer des emplois dans les secteurs où les femmes sont majoritaires;
  • Améliorer les conditions de travail des femmes, la santé et la sécurité avec les nouveaux appareils; établir des normes d'utilisation de ces équipements;
  • Augmenter le marché de l'emploi, un objectif prioritaire mais dans la mesure où on tient compte des besoins des femmes;
  • Mesures de protection pour les travailleur-e-s non- syndiqué-e-s et mesures pour assurer leur implication au niveau des changements technologiques dans les entreprises; réglementation du travail à temps partiel;
  • Mesures de réduction du temps de travail pour tous et toutes;
  • Incitation du milieu industriel à faire une place plus visible et positive aux femmes et à encourager l'entrepreneurship féminin;
  • Une politique d'emploi et de main-d'oeuvre qui tient compte de la problématique des femmes et qui touche: formation et recyclage, mobilité géographique, politique de revenu, relations patrons-employé-e-s, création d'emplois et des mesures spécifiques à la population féminine, politique

de stabilisation économique - y impliquer tous les partenaires sociaux.  Ex.: création directe d'emplois par la mise sur pied de nouveaux services pour personnes âgées, enfants, handicapé-e-s, pour la sauvegarde de l'environnement et. par la réorientation de dépenses publiques vers des productions de biens utiles;

  •  Inciter les gouvernements à instaurer des programmes d'accès à l'égalité assortis de programme de formation et de recyclage.  Ex.: Assortir tout projet d'investissement, de subventions et de création d'emplois de mesures visant à faciliter l'intégration des femmes à l'emploi et imposer aux employeurs l'obligation de se doter de programmes d'accès à l'égalité pour être éligibles aux programmes de subventions ;
  • Santé; études sur les radiations et équipements dangereux pour les femmes enceintes;
  • Législation pour l'accès à la syndicalisation notamment par l'accréditation multipatronale;
  • Resserrer les dispositions actuelles en matière de licenciements collectifs;
  • Débats et consultations publics sur l'aménagement du temps de travail;
  • Indexation du salaire minimum, des services de garde d'enfant;
  • Recherches sur les impacts sociaux de l'informatisation;
  • Recherches sur le secteur tertiaire (inventaire des débouchés, transfert d'habiletés, etc.);

-Développement de modalités d'implantation qui tiennent compte de la situation particulière des femmes en maximisant les effets positifs;

 COMMENT AGIR? NOS STRATEGIES

Augmenter notre rapport de force pour imposer des directions qui tiennent compte de notre réalité.

TROIS NIVEAUX DE STRATEGIE:

  • Influencer le développement technologique;
  • Actions autonomes;
  • Appropriation;

1. Influencer le développement technologique:

  • En investissant les lieux de pouvoir pour concevoir, planifier et orienter le développement selon les aspi rations des femmes ; encourager plus de femmes à prendre place aux instances de décision politique et économique; par exemple: participation accrue aux tables de concertation et de décisions et aux conférences et sommets socio-économiques organisés par les gouvernements ;
  • En s'appropriant les connaissances scientifiques et techniques; former les femmes dans les secteurs de technologie de pointe;
  • En s'impliquant dans les processus d'implantation des machines et face aux contenus?
  • Par la consultation et les revendications organisées auprès des gouvernements et du patronat;
  • Par la participation à la gestion de l'informatisation et à la naissance et au développement des technologies en s'appropriant les connaissances, en planifiant et en orientant leur développement selon les aspirations des femmes dans un but égalitaire; que les femmes soient directement impliquées à tous les niveaux de décision et de consultation;
  •  En étant représentées à des instances de recherches mandatées pour étudier les impacts de l'informatisation sur les femmes.  Cette présence devrait être assurée par des moyens financiers et techniques correspondant aux besoins des groupes de femmes;
  • En s'assurant qu'un pourcentage de postes scientifiques soient réservés à des candidatures féminines dans le programme de soutien à l'emploi scientifique;

2. Actions autonomes:

  • Former un comité permanent "femmes et nouvelles technologies" composé de regroupements de femmes avec le mandat d'exercer de la vigilance, d'informer sur l'implantation de nouveaux systèmes; de stimuler, conseiller et animer des stratégies de recherche; d'évaluer les impacts; de nommer des femmes dans les instances de décisions;
  • Exercer une vigilance constante;
  • Faire des recherches, études, analyses notamment sur la micro-électronique et ses effets sur les femmes;

.- Étudier continuellement les impacts afin de prévoir les effets sociaux indésirables et d'en prévoir les conséquences sur la vie des femmes.  Se servir de ces connaissances afin d'orienter le développement vers un but égalitaire;

3. Appropriation:

  • Appropriation ; un choix de société;
  • Accessibilité et démocratisation des outils et ressources informatiques des divers niveaux gouvernementaux et des écoles;
  • Conception de nouvelles façons de travailler avec les machines, selon les besoins des groupes de femmes;
  • Démystifier le progrès technologique dans les groupes et la population en général;
  •  Inciter les femmes à l'utilisation de moyens et outils technologiques pour la création et l'édition;
  • Créer et contrôler nos propres banques de données - mettre en commun informations et ressources;
  • Établir un réseau national de micro-électronique dont la tâche serait de stimuler les groupes et organisations existants;
  • Ressources informatiques consenties aux milieux défavorisés;
  • Assistance aux groupes de femmes entreprenant des activités de loisirs informatiques ou des réseaux télématiques;

 BIBLIOGRAPHIE

Association féminine d'éducation et d'action sociale (AFEAS). La puce à l'oreille...,  1985.  21p.

Association féminine d'éducation et d'action sociale (AFEAS). L'informatique, dossier.  Janvier 1985.  20p.

Centre des femmes de Montréal.  Mémoire présenté au Ministère de la science et de la technologie, publié dans la revue Les cahiers de la femme.  Été 1984.  vol. 5, no. 4. 49p.

Coalition d'organismes.  200,000 Québécoises réclament leur droit à l'éducation.  11 mai 1984.  3 p.

Comité les femmes et la micro-électronique. L'avenir se décide maintenant.  Les femmes et la micro-électronique. Rapport de la Conférence tenue en juin 1982, à Ottawa. Août 1983.  126p.

Conseil d'intervention et d'action pour les femmes au travail (CIAFT),  La micro-électronique et les femmes, document de travail pour le Colloque du CIAFT, en novembre 1982.  7p.

Conseil de la science et de la technologie du Québec. La participation des femmes en science et technologie au Québec.  Document de consultation pour la 6e séance publique du Conseil.  Montréal.  4 décembre 1985.  34p.

Conseil du statut de la femme (CSF).  Les effets des changements technologiques sur le travail des femmes. Recension des recherches et des actions.  Janvier 1986. 101p.

Conseil du statut de la femme (CSF).  Les femmes et l'emploi. 1983.

Conseil du statut de la femme (CSF).  Les femmes et la production sociale.  1983.

Conseil du statut de la femme (CSF).  Forum: Les femmes, une force économique insoupçonnée. Résumé des ateliers de ce Forum tenu à Montréal les 29 et 30 octobre 1983.  10 février 1984.  110p.

 Conseil du statut de la femme (CSF). Les nouvelles technologies et le travail salarié des femmes. 1983.

Dumas, Marie-Claire.  Les femmes et l'informatisation. Bilan et pistes pour un programme d'intervention. Centre canadien de recherche sur l'informatisation du travail. Direction de la recherche organisationnelle. Novembre 1985. 80p.

Fédération des femmes du Québec (FFQ). Mémoire présenté au groupe d'étude de la micro-électronique et de l'emploi. (Travail Canada). 15 juillet 1982. 8p.

Fédération des femmes du Québec (FFQ) et le Conseil d'intervention et d'action pour les femmes au travail (CIAFT). Rapport-synthèse du "siège des groupes de femmes" de la deuxième rencontre de la Conférence sur l'électronique et l'informatique.  1er décembre 1984.  30 p.

Leclercq, D., Vincent, S.  Micro-technologie - Méga-chômage: A la recherche d'alternatives.  Action-Travail des femmes.  Montréal. Octobre 1982.  37p.

La Vie en Rose
  • Guénette, Françoise et Lise Moisan.  "Dossier: Apprivoiser l'informatique".  Septembre 1983.  pp. 21-37.
  • Moisan, Lise et Claudine Vivier.  "Le P.R.N.: Pour runner les nurses"".  Mars-Avril-Mai 1981.  pp. 43-45