ON NE COMPTE PAS!

Dossier socio-économique sur la situation des femmes collaboratrices dans les Prairies

Rédigé par Micheline Desjardins

LA FEDERATION DES FEMMES CANADIENNES-FRANÇAISES

325, rue Dalhousie, Pièce #525, OTTAWA, (Ontario), K1N 7G2

Tél. : (613) 232-5791

Mise en page et dactylographie:  Line Boily Maquette de la page couverture:  Louise Gallant

Ce dossier a pu être réalisé grâce à un prêt de personnel du ministère des Affaires intergouvemementales du Québec (MAIQ) dans le cadre du programme d'aide Québec - FFHQ.

Dépôt légal - Mars 1984 Bibliothèque nationale du Canada ISBN 0-9691617-1-9

AVANT-PROPOS

La Fédération des femmes canadiennes-françaises est fière de présenter un nouvel outil de réflexion et d'action aux femmes francophones, plus particulièrement, aux femmes collaboratrices de l'entreprise familiale dans les Prairies.

Vous y trouverez des chiffres et des renseignements qui sauront vous tracer un portrait de la situation socio- économique des collaboratrices.  De plus, nous vous offrons toute une réflexion sur la valeur économique du travail des femmes tant sur le plan de son travail au foyer que sur le plan de son implication dans l'entreprise familiale. Finalement, le rapport On ne compte pas! s'adresse à toutes les femmes.

Jacqueline Collette

pour les membres du comité d'étude et d'action politique

Mignonne Bélanger

Lucille Cenerini

Louise Boivin - consultante

Nous souhaitons que cette lecture vous inspire, à toutes, une démarche personnelle.


TABLEAUX

  • Tableau I- Population de 15 ans et plus ayant travaillé en 1980, selon le nombre de semaines travaillées que ce soit surtout à temps plein ou surtout à temps partiel, selon le sexe, le groupe d'âge et l'état matrimonial pour le Canada et le reste des provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta
  • Tableau II-Mode d'occupation, résidence de l'exploitant et forme juridique pour les fermes - 1981 par région agricole et division de recensement au Manitoba
  • Tableau III-Épouses dans la population inactive selon l'âge, la langue maternelle et l'activité économique du mari - Manitoba
  • Tableau IV-Épouses dans la population active expérimentée selon l'âge, le statut professionnel, l'activité économique, le nombre d'heures travaillées et la langue maternelle - Manitoba .
  • Tableau V-Mode d'occupation, résidence de l'exploitant et forme juridique pour les fermes - 1981 par région agricole et division de recensement en Saskatchewan
  • Tableau VI-Épouses dans la population inactive selon l'âge, la langue maternelle et l'activité économique du mari - Saskatchewan
  • Tableau VII-Épouses dans la population active expérimentée selon l'âge, le statut professionnel, l'activité économique, le nombre d'heures travaillées et la langue maternelle - Saskatchewan
  • Tableau VIII-Mode d'occupation, résidence de l'exploitant et forme juridique pour les fermes - 1981 par région agricole et division de recensement en Alberta
  • Tableau IX-Épouses dans la population inactive selon l'âge, la langue maternelle et l'activité économique du mari - Alberta
  • Tableau X-Épouses dans la population active expérimentée selon l'âge, le statut professionnel, l'activité économique, le nombre d'heures travaillées et la langue maternelle - Alberta

INTRODUCTION

But de l'étude

L'Assemblée généraledes membres de la FFCF votait en juin 1981 un plan d'action visant à permettre aux membres de la FFCF de se réorienter vers une action communautaire davantage axée sur les besoins des femmes francophones vivant en milieu minoritaire, c'est-à-dire dans les provinces canadiennes à l'exception du Québec.  Pour mettre en oeuvre le plan d'action, des sessions de formation ont été offertes aux membres et des outils d'information ont été développés.  En 1982, le Conseil national d'administration décidait de donner suite à la recherche1 effectuée en 1979 et il appuyait la proposition d'étudier de plus près deux situations vécues par plusieurs femmes à savoir la monoparentalité et la collaboration entre conjoints dans une entreprise familiale.

[1 Pauline Proulx, Femmes et francophones:  double infériorité, Fédération des femmes canadiennes-françaises, Ottawa, juillet 1981.]

Pour permettre à la FFCF et à ses différentes catégories de membres réparties à travers le Canada de s'engager dans l'action communautaire, il a été décidé de choisir une région déterminée et de tenter de cerner le plus complètement possible les caractéristiques sociales et économiques d'une population féminine francophone vivant l'une ou l'autre des situations identifiées plus haut.  C'est ainsi que le Conseil national d'administration de la FFCF a décide, en janvier 1983, qu'une étude serait effectuée sur la situation des femmes collaboratrices de leur mari dans une entreprise familiale dans les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta.

Beaucoup de femmes travaillent dans l'entreprise de leur mari (mentionnons à titre d'exemples les commerces de détail, les fermes, les petites industries) et souvent ces femmes ne touchent aucune forme de rémunération directe (salaire) ou indirecte (reconnaissances de dettes, rentes, actions, dividendes). Notre objectif est donc d'amener les femmes à prendre conscience de la valeur économique de ce travail et à faire en sorte qu'elles en aient le bénéfice non seulement moral mais aussi financier.

La première partie du dossier s'efforce de préciser la réalité du travail des femmes.  Dans la deuxième partie, nous allons dresser quelques données statistiques qui feront ressortir la situation des femmes collaboratrices en agriculture, puis nous présenterons les associations qui se sont formées autour de la problématique des femmes collaboratrices au Québec et au Canada.

Nous souhaitons que ces données permettront aux femmes et à leur conjoint de mieux saisir le fond du débat sur la reconnaissance économique du travail effectué par la femme collaboratrice .


Ce dossier a été élaboré avec l'objectif de vulgariser suffisamment bien les renseignements sur le travail des femmes pour que chaque femme soit en mesure de s'identifier à l'une ou l'autre des catégories de travailleuses et être, en conséquence, en mesure de formuler des demandes précises aux personnes ou organismes concernés.

La méthodologie

Nous avons consulte un certain nombre d'études, de dossiers, d'articles de revue et de rapports de recherche sur la question générale du travail des femmes, ce qui nous a permis d'élaborer la problématique générale des femmes collaboratrices

Comme nous cherchions à pousser plus loin les démarches de prise en charge, nous avons utilisé l'enquête sur le terrain. Il ne s'agit pas d'une enquête systématique avec un questionnaire structuré, donnant lieu à des réponses codifiées, ni à un échantillonnage scientifique.  Nous avons choisi de rencontrer pendant les mois de mars et avril 1983 une cinquantaine de personnes du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta pour questionner la pertinence d'une intervention auprès des groupes du milieu concernant la situation des femmes francophones en milieu rural agricole.

Afin de pouvoir dessiner un portrait quantitatif des femmes collaboratrices en agriculture, nous avons utilisé les données statistiques de 1981 et nous avons demandé à Statistique Canada des totalisations spéciales afin de cerner certaines variables qui nous intéressent.

Ces données statistiques constituent la deuxième partie du dossier et devraient permettre aux groupes de situer leurs actions dans le milieu.

CHAPITRE I

LA VALEUR SOCIO-ÉCONOMIQUE DU TRAVAIL DES FEMMES*

Nous allons, en premier lieu, envisager la situation de la femme au foyer, puis nous aborderons la situation de la fem- me collaboratrice de son mari.  Nous tenterons de distinguer ce qui différencie l'un et l'autre statut, afin d'indiquer les pistes d'intervention possibles auprès des femmes travaillant dans l'entreprise de leur conjoint.

*  Ce  chapitre  reproduit une partie du  texte de  la conférence prononcée par Micheline Desjardins,   agente de recherche à la FFCF, à Transcona  (Manitoba), le  15 mai  1983,  devant  les membres de  la Ligue féminine catholique du Manitoba.

1.1  La femme au foyer

1.1.1      La   problématique

La plupart des personnes vous diront, lorsqu'elles parlent d'une personne au foyer, qu'elle ne travaille pas, oubliant de préciser qu'elle n'effectue pas de travail rémunéré.

De   la   même   façon,    les   données statistiques   canadiennes   ne   déclarent   pas   le   travail   au   foyer car   il   n'est   pas rémunéré,   donc   les   femmes   au   foyer, comme   les   étudiant(e)s,    les enfants,    les   vieillards,    les   retraité(e)s   font partie   de   la   population   dite   inactive   dont   le   produit   des activités   n'étant   pas évalué   en   termes   monétaires n'apparaît   pas   dans   le   Produit National Brut.  Et pourtant, le travail effectué comme ménagère (éducation des enfants, entretien et soins au conjoint et aux enfants) a une valeur sociale et économique certaine. Combien cela coûterait-il pour obtenir les mêmes services?

Un groupe de femmes, l'Association Féminine d'Éducation et d'Action Sociale (AFEAS), a fait une importante recherche sur les femmes au foyer.  Dans le dossier-synthèse1 de la recherche, on fournit un petit tableau sur ce que vaut le travail d'une femme au foyer, nous pouvons y lire que le coût annuel total des services rendus s'élève à 13 151$ (tableau reproduit à la page suivante).

[1 Lise Houle et Madeleine Bienvenue, "L'autonomie financière des femmes au foyer:  est-ce possible?" dans Femmes d'ici, 1983.]

Donc, toute personne vivant avec une autre personne qui accomplit pour elle des tâches domestiques, doit considérer qu'une partie de son salaire revient en droit à l'autre qui effectue un travail ménager.  Ce n'est pas un cadeau que le conjoint lui fait, ce n'est pas lui qui fait vivre l'autre, tous les deux ont choisi de vivre, ensemble, l'un(e) apportant des ressources monétaires par un travail rémunéré à l'extérieur, l'autre apportant des services d'entretien, de support, de renouvellement de la main-d'oeuvre par un travail non-rémunérë à l'intérieur.

Pour la femme qui travaille au foyer, cela signifie que les revenus($) qui lui sont nécessaires pour vivre lui proviennent en totalité de son conjoint. Elle doit donc négocier avec son conjoint la part qui lui revient en propre.


CE QUE VAUT LE TRAVAIL D'UNE FEMME AU FOYER*

Il faut ajouter à ces quelques  données difficilement mesurables, le climat familial chaleureux,  les visites au dentiste, au médecin, les devoirs et les leçons  terminés à temps, les activités pour les vacances, etc.

Tous les chiffres mentionnés dans ce tableau sont à quelques dollars près.

A. Coûts des services rendus par les personnes qui agiront à titre de ménagère, aide familiale et gardien.

* Ma Caisse, volume 19 // 3, La commission des normes du travail, Québec.

"Sur le plan économique, le mariage a de lourdes conséquences.  Un mari doit voir à ce que sa femme soit logée, nourrie et habillée.  Toutefois, un mari n'est pas tenu de fournir d'argent comptant à son épouse sauf au Manitoba où une loi, unique en son genre, a été adoptée l'an dernier et prévoit qu'un conjoint peut exiger "périodiquement" des sommes d'argent raisonnables pour des vêtements et d'autres effets personnels et peut dépenser ces sommes à sa guise sans que l'autre conjoint puisse intervenir"2.

[2 The Family Maintenance Act.  Statutes of Manitoba 1978, c. 25/f. 20, cité dans La Femme et la pauvreté, rapport du Conseil national du Bien-Être social, octobre 1979, page 20.]

La situation économique de la femme au foyer dépend donc de la générosité de son conjoint.  Cette attitude est en- couragée par les lois, entre autres, par les lois fiscales qui donnent une exemption d'impôt pour personne à charge non pas à l'épouse qui travaille au foyer, mais à son mari comme si la femme ne travaillait pas, qu'elle se faisait vivre. Lorsqu'on parle de la nécessité pour la femme d'avoir un revenu identifié comme lui appartenant en propre, on invoque la notion de revenu familial, et pourtant quel est le sort de la femme lorsqu'elle vieillit, lorsqu'elle est seule?

S'il est difficile pour la femme de négocier sa part d'autonomie financière lorsqu'elle vit avec son conjoint, ne faut-il pas envisager cette question en fonction d'une situation où la femme se retrouvera seule?  Ne faut-il pas souligner la situation des femmes lorsque leur mari décède?  La majorité des personnes qui ont des fonds de pension le possède en leur nom propre et leur conjoint(e) n'hérite que de la moitié quand ce n'est de rien du tout.  On sait que quatre femmes sur cinq de plus de 65 ans (célibataires, veuves ou divorcées) ne reçoivent aucun revenu des régimes de retraite prives.  De plus, les données fournies par le Conseil consultatif canadien de la situation de la femme révèlent qu'environ 333 000 femmes célibataires, veuves ou divorcées de plus de 60 ans, vivent en-dessous du seuil de pauvreté, soit trois fois le nombre d'hommes vivant dans la même situation (1977) et on ajoute "même avec la sécurité de vieillesse, trois femmes sur cinq de plus de 65 ans (célibataires, veuves ou divorcées) vivent en- dessous du seuil de pauvreté".

1.1.2  Les données canadiennes

Au tableau I, on peut lire qu'il y a au Canada une population féminine mariée âgée de 15 ans et plus qui s'élève à 5 972 260, cela représente environ 63% de l'ensemble de la population féminine âgée de 15 ans et plus qu'elle soit mariée (c'est-à-dire du point de vue statistique mariée et/ou séparée) ou non (célibataire, veuve, divorcée).


TABLEAU I

POPULATION DE 15 ANS ET PLUS AYANT TRAVAILLÉ EN 1980, SELON LE NOMBRE DE SEMAINES TRAVAILLÉES EN 1980 QUE CE SOIT SURTOUT A TEMPS PLEIN OU SURTOUT A TEMPS PARTIEL, SELON LE SEXE, LE GROUPE D'AGE ET L'ÉTAT MATRIMONIAL POUR LE CANADA ET LES PROVINCES DU MANITOBA, DE LA SASKATCHEWAN ET DE L'ALBERTA

Catalogue 92-916   (Volume 1  - Série nationale)


La population masculine mariée âgée de 15 ans et plus s'élève à 5 927 420, soit environ 65% de l'ensemble de la population masculine âgée de 15 ans et plus.

Voyons maintenant quelle est la proportion des femmes mariées en emploi et quel type d'emploi elles occupent. On observe que 44% de la population féminine mariée n'a pas travaillé en 1980 et que 31% des femmes mariées qui travail laient, avaient surtout occupé des emplois à temps partiel et 69% des emplois à temps plein.

En 1980, au Canada, 39% des femmes mariées ont travaillé surtout à temps plein.  Ceci laisse un pourcentage assez élevé de femmes mariées (61%) qui ont besoin du revenu du conjoint pour vivre.

Au Manitoba, on obtient les chiffres suivants:

42% des femmes mariées n'ont pas travaillé en 1980 et 36% des femmes mariées qui travaillaient, avaient surtout occupé des emplois à temps partiel et 64% des emplois à temps plein. En 1980, au Manitoba, 37% des femmes mariées ont travaillé surtout à temps plein.

En Saskatchewan, 45% des femmes mariées âgées de 15 ans et plus ne travaillaient pas en 1980, 22% des femmes mariées qui travaillaient, avaient surtout occupé des emplois à temps partiel et 78% des emplois à temps plein. En 1980, en Saskatchewan, 33% des femmes mariées ont travaille surtout à temps plein.

En Alberta, 36% des femmes mariées âgées de 15 ans et plus ne travaillaient pas en 1980, 21% des femmes mariées qui travaillaient, avaient surtout occupé des emplois à temps partiel et 79% des emplois à temps plein.  En 1980, en Alberta, 42% des femmes mariées ont travaillé surtout à temps plein.

En comparaison, l'absence de travail chez les hommes mariés âgés de 15 ans et plus offre un grand contraste. Au Canada, on compte 14% d'hommes mariés qui n'ont pas travaillé en 1980 et du nombre des hommes ayant travaillé, environ 95% avaient surtout occupé des emplois à temps plein.  Les mêmes chiffres se retrouvent dans les provinces à l'étude.

Au Manitoba, 15% des hommes mariés n'ont pas tra- vaillé en 1980 et du nombre des hommes mariés ayant travaillé, 94% avaient surtout occupé des emplois à temps plein.

En Saskatchewan, 16% des hommes mariés âgés de 15 ans et plus n'avaient pas travaillé en 1980 et du nombre des hommes qui avaient travaillé, 93% avaient surtout occupé des emplois à temps plein.


Pour l'Alberta, on observe que 10% des hommes mariés âgés de 15 ans et plus n'avaient pas travaillé en 1980 et    du nombre des hommes qui avaient travaillé, 95% avaient surtout occupé des emplois à temps plein.

Ces données nous éclairent sur la participation des femmes mariées au marché du travail.  Devant le nombre élevé de femmes qui ne travaillent pas ou qui travaillent à temps partiel, on peut en conclure que la majorité des femmes mariées (environ 60%) doit compter, pour vivre, sur les revenus de son conjoint ou d'une autre source de revenus (aide sociale, allocations, rentes, etc.).

Afin de sensibiliser toutes les femmes à la nécessité d'assurer leur autonomie économique, nous proposons aux femmes mariées de faire l'exercice suivant.  Cet exercice est proposé par la Fédération des unions de familles dans son dossier3  sur la famille, celui-ci s'intitule:  "Le carnet de la santé économique de la famille".  Nous avons choisi de vous présenter seulement les sections qui portent sur l'actif, le passif et les revenus de la famille. Rappelons que suite à sa recherche de 1982, l'AFEAS a publié une brochure4  visant à sensibiliser les femmes à leur situation financière. Dans cette brochure, on incite également les femmes à établir leur bilan financier.

    [3 La Fédération des unions de familles Inc., Le dossier économique de la famille, 1980.]

    [4 L'Association Féminine d'Éducation et d'Action Sociale (AFEAS), Comment conjuguer amour et sécurité, Montréal, 1983.]

MA SITUATION FINANCIÈRE

Indiquez dans la première colonne s'il s'agit de vos biens personnels (P), ceux de votre conjoint (C) ou de biens acquis conjointement avec votre mari (PC) et dans la deuxième colonne, la valeur des actifs et des passifs évalués en dollars



Après avoir fait cet exercice, vous constaterez peut-être que vous possédez quelques biens, peut-être que vous ne possédez rien en propre, que tout est entre les mains de votre conjoint ou encore que ni l'un ni l'autre ne possédez rien ou à peu près rien.  La pauvreté est une réalité que plusieurs veulent ignorer mais qui existe et dans un temps de crise économique, cette réalité sera de plus en plus répandue. Cependant, comme notre dossier cherche à cerner la problématique des femmes collaboratrices, nous savons que les femmes mariées qui se prêteront à l'exercice du bilan font surtout partie de la classe moyenne et qu'elles vivent avec un conjoint dont les revenus sont égaux sinon supérieurs à la moyenne. Aussi est-il important pour ces femmes mariées de réaliser de quelle autonomie financière elles disposent.

Comme femmes mariées, si elles ne possèdent rien en propre, elles doivent alors s'interroger sur leurs régimes matrimoniaux advenant une séparation ou un divorce et advenant le décès de leur conjoint elles devront s'interroger sur les testaments, les régimes de rentes et les pensions.

Les lois du mariage varient d'une province à l'au- tre et elles existent pour protéger les droits des conjoints au sein du mariage. Les femmes au foyer doivent bien connaître les régimes matrimoniaux car ce sont ces lois qui régissent les liens socio-économiques avec leur conjoint.

Nous plaçons en appendice les textes sur les lois du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta ainsi qu'un texte de l'Association des femmes collaboratrices du Québec (ADFC) sur les régimes de pension.  Voyons maintenant ce qui distingue la femme collaboratrice de la femme au foyer.

1.2  La femme collaboratrice

1.2.1  La problématique

Les femmes collaboratrices de leur mari sont des femmes mariées qui, en plus de leurs tâches domestiques, c'est- à-dire les tâches reliées à leur rôle de ménagère et d'épouse, travaillent dans l'entreprise de leur mari.  Il s'agit de femmes qui effectuent un nombre de tâches spécifiques qui correspondent à un travail soit de secrétariat, de comptabilité, un travail agricole, etc.

En 1975, l'Association Féminine d'Éducation et d'Action Sociale (AFEAS) faisait une enquête auprès de ses membres et découvrait que la majorité des femmes qui travaillaient dans l'entreprise de leur mari n'étaient pas rémunérées et, qui plus est, très souvent ignoraient que le travail qu'elles effectuaient n'était pas lié à leur rôle d'épouse.

Depuis le cas de Rathwell en Saskatchewan et d'Irène Murdock5  (cette agricultrice de l'Ouest qui s'était vue dépossédée parce que le juge avait considéré que le travail effectué par elle sur la ferme de son mari faisait partie de ses obligations d'épouse), les lois canadiennes en matière de régimes matrimoniaux ont été modifiées.  Devant les changements apportés, la résistance des propriétaires s'organise.  En Saskatchewan, on assiste présentement à une demande d'amendement de la nouvelle loi.  Les groupes de femmes de la province ont été sensibilisés et la position du Conseil consultatif sur le statut de la femme de la Saskatchewan face aux demandes d'amendement de la Saskatchewan Matrimonial Property Act est explicite, la loi ne doit pas être modifiée.

    [5 Suzanne Zwarun, "Farm wives, 10 years after Irene Murdock", Châtelaine, March 1983.]

Voici la recommandation présentée à cet effet.

"It is the position of the Saskatchewan Advisory Council on the Status of Women that the present Saskatchewan Matrimonial Property Act reflects the following concepts:

  • 1. The concept of marriage as an economic and social partnership of legal equals.
  • 2. The family as the fundamental unit of the economy and the recognition of unpaid work within the family as being as vital to the unit and to socie- ty as paid work performed out- side the family.
  • 3. Upon a division of matrimonial property, the right of the part- ners to an equal share of the assets accumulated during the period of the marriage, and ap- preciation during the course of the marriage on assets owned by the spouses prior to the marria- ge, and their right to the pro- tection of those assets from undue alienation during the marriage.

ACCORDINGLY, WE STRONGLY RECOMMEND TO THE MINISTER RESPONSIBLE FOR THE STATUS OF WOMEN THAT THERE BE NO ALTERATION TO THE PRESENT MATRIMONIAL PROPERTY LEGISLATION THAT WOULD IN ANY WAY UNDERMINE THE UNDERLYING PRINCIPLE OF EQUALITY BETWEEN PARTNERS IN MARRIAGE"6.

    [6 Saskatchewan Advisory Council on the Status of Women, Brief on the Saskatchewan Matrimonial Property Act Review, October, 1983, page 4.]

Les femmes doivent connaître les lois afin d'avoir accès aux avantages qu'elles peuvent en tirer. Malheureusement, on constate que beaucoup de femmes ignorent leurs droits, beaucoup de femmes ignorent, par exemple, qu'elles peuvent recevoir un salaire équivalent au nombre d'heures travaillées dans l'entreprise, que ce salaire est déductible d'impôt pour l'entreprise du mari.  Beaucoup de femmes ignorent que ce salaire leur est dû en propre et que leur conjoint ne peut, après avoir versé le salaire, considérer cette somme comme le montant qu'il doit verser pour loger, nourrir et entretenir sa famille.

Les femmes collaboratrices doivent faire reconnaître la valeur économique de leur travail comme indépendante de celle de leur mari, pour ce faire, elles doivent continuer à défendre leur droit à une autonomie économique.  La FFCF, ayant choisi de se pencher sur la situation des femmes collaboratrices en milieu rural dans les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta, nous observerons les conditions de vie au travail des femmes collaboratrices de leur mari dans une entreprise agricole.

Les rencontres que nous7 avons effectuées en mars et avril 1983, nous permettent d'affirmer que les femmes francophones qui travaillent en milieu agricole, vivent des situations voisines de celles qui sont décrites par Suzanne Zwarun.8

    [7  En mars et avril 1983, Adrienne Bernard, agente de liaison à la FFCF pour les provinces de l'Ouest et Micheline Desjardins, agente de recherche ont rencontré plusieurs groupes et personnes impliqués dans la problématique des femmes collaboratrices au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. En avril 1983, Rachel Gaudreau, agente de formation à la FFCF a effectue la tournée des sections de la FFCF en Saskatchewan avec Adrienne Bernard.]

    [8  op. cit.]

En effet, suite à notre enquête dans les différents milieux nous avons noté que:

  • On ne prend pas les femmes au sérieux tant au niveau des institutions qui négocient les crédits qu'au niveau des acheteurs ou vendeurs éventuels;
  • Dans les organisations de producteurs on ne reconnaît pas l'expertise pro- fessionnelle des femmes même si se sont elles qui sont effectivement les productrices ou les principales exécutantes des travaux agricoles;
  • Très souvent, le conjoint négocie des emprunts importants pour l'achat de machinerie complexe et coûteuse sans demander l'avis de leur femme;
  • Souvent, les agents de crédit incitent les épouses à endosser les emprunts du mari en signant des documents qui leur font renoncer à leurs droits sur le "homestead".  Les femmes sont très mal informées et se croient obligées de signer cette renonciation de ce qui leur revient en droit;
  • Les femmes ignorent leurs droits.  Les régimes matrimoniaux ont été modifiés depuis l'affaire Murdock, mais cela n'empêche pas les conjoints de donner des terres à leur père ou à leur fils ou à leur frère sans le consentement de leur épouse ou à l'insu de celle-ci.

Le problème majeur des femmes collaboratrices vient surtout de ce qu'elles ignorent, le plus souvent, que le tra- vail qu'elles accomplissent ne relève pas de leur rôle d'épouse mais constitue bien un travail qui, s'il était accompli chez un voisin, serait rémunéré.

La plupart des femmes collaboratrices le deviennent par hasard, par amour, "pour aider" leur conjoint.  Au début de la collaboration, il peut s'agir de petites choses à faire (téléphones, emplettes, comptabilité) puis l'entreprise grossit et les tâches deviennent plus complexes (l'exécution de travaux agricoles s'ajoute à la comptabilité, l'inventaire aux achats, etc.).  La femme voit à l'entretien de la maison, des enfants, du mari et, graduellement, participe de plus en plus aux travaux de la ferme.  Le mari souvent travaille moins et profite de la présence de sa femme sur les lieux pour participer à des rencontres d'information, à des sessions de formation, à des congrès agricoles, à des foires, etc.

Nous n'avons pas effectué de sondage pour connaître exactement le profil des femmes collaboratrices de leur mari en milieu agricole.  Nous proposons donc aux groupes désireux de se pencher sur cette problématique de s'interroger sur les caractéristiques des femmes collaboratrices de leur milieu pour déterminer certains éléments tels que:  âge, nombre d'années de mariage, nombre d'enfants, langue maternelle, scolarité de la femme et du< mari, régime matrimonial, le rôle joué par la femme dans l'entreprise, les conditions de rémunération:  salaires ou autres formes de rémunération.  L'enquête pourrait également porter sur l'attitude des femmes collaboratrices face à la nature de leur travail.  Il faut se rappeler que l'enquête menée au Québec par l'AFEAS en 1975 auprès d'une population de femmes collaboratrices avait révélé que "43% travaillaient pour des raisons d'ordre culturel (c'est le rôle de la femme d'aider son mari), que 38.1% travaillaient pour des raisons d'ordre affectif (parce que j'aime mon mari), que 30.8% travaillaient pour des raisons d'ordre économique (cela permet de bien partir l'entreprise), que 29.2% n'avaient pas d'autres choix, que 14.9% le faisaient pour des raisons d'ordre professionnel et 14.9% parce que le travail était plus intéressant".

Les femmes deviennent collaboratrices par amour pour leur mari mais lorsque l'union est rompue soit par le décès du conjoint, soit par une séparation ou un divorce, il faut voir la situation financière des collaboratrices. Certaines femmes peuvent se trouver avec très peu, sinon rien du tout. Il faut alors référer aux avantages et aux inconvénients des différents régimes matrimoniaux en vigueur dans chaque province. À cet égard, nous nous référons au texte de Louise Dulude9 reproduit en appendice "A".

    [9 Louise Dulude, Description des lois canadiennes sur les biens matrimoniaux,

    Conseil consultatif canadien de la situation de la femme, août 1982, pages 13 à 19.]


Les régimes matrimoniaux du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta prévoient un partage égal de certains biens matrimoniaux entre les époux au moment d'une séparation ou d'un divorce.  Cependant, Louise Dulude fait remarquer que l'Alberta ne prévoit le partage des biens matrimoniaux que si le mariage se termine par un divorce ou une séparation; les veuves ont une plus petite part que les femmes séparées ou divorcées Les lois des diverses provinces donnent beaucoup d'importance à la discrétion judiciaire.  Compte tenu de ces quelques remarques, nous pouvons ajouter que les avocats rencontrés lors de notre enquête sur le terrain nous ont souvent souligné l'importance pour les femmes de ne pas se fier uniquement aux provisions contenues dans les lois, mais plutôt d'acquérir en leur nom propre ou en copropriété les terres exploitées par elles.

Nous avons mentionné les régimes matrimoniaux pour souligner l'importance de la relation époux-épouse dans l'association des collaborateurs.  Il faut également se pencher sur le type d'entreprise et sur le statut de la femme au sein de cette entreprise pour découvrir les autres situations vécues par la femme collaboratrice.  Nous reproduisons en appendice "B" un tableau précisant les avantages et les inconvénients des trois genres d'entreprises.


Il faut s'interroger sur les possibilités offertes selon que l'entreprise est à propriétaire unique, une société ou une compagnie.  Les lois fiscales permettent maintenant que le mari dans une entreprise à propriétaire unique, verse un salaire à son épouse et que ce montant soit déductible d'impôt pour l'entreprise.  Ceci avantage donc l'entreprise, le conjoint et la conjointe.  Depuis l'amendement à la loi fiscale, les femmes "ont acquis le statut de salariée...".

"Le statut de salariée accorde aux femmes collaboratrices les mêmes droits et avantages sociaux (sauf les prestations d'assurance-chômage) que les autres travailleurs, travailleuses, et elles ont acquis par le fait même le droit de souscrire au Régime des rentes du Québec et au Régime de pension du Canada.  (...)  L'Association des femmes collaboratrices considère que le statut de salariée comporte des avantages... mais il laisse de côté la négation de plusieurs an- nées de travail.  Afin de pallier à ces lacunes, nous proposons pour les femmes collaboratrices une alternative, le statut de salariée étant insuffisant.  Les femmes collaboratrices ayant un statut de conjoint collaborateur (travailleur autonome) auraient droit à un prélèvement ainsi qu'à tous les avantages sociaux"10.

    [10 ADFC, La réforme des Régimes de pensions et le statut particulier des femmes collaboratrices, septembre 1983, page 2-3.]

Cette législation vient répondre à certains besoins manifestés depuis longtemps.  Cependant, dans certains cas, il y a résistance dû aux mentalités; il est important de préciser aux femmes collaboratrices et à leur conjoint que la reconnaissance de la valeur économique du travail des femmes collaboratrices correspond aux réalités économiques actuelles tant de la famille, du couple que du rendement de l'entreprise.  Les femmes vivent plus longtemps, les veuves sont pauvres, le nombre de séparations et de divorces augmente toujours, etc.  Dans l'intérêt également de l'entreprise, il est important de reconnaître le travail de la femme.

Nous suggérons aux femmes collaboratrices de faire l'exercice suivant pour juger du travail qu'elles effectuent au sein de l'entreprise de leur mari.  L'exercice vise à faire ressortir le temps consacré aux tâches ménagères (épouse) qui correspondent aux échanges que les époux doivent se rendre selon les lois du mariage (support mutuel) et le temps consacré aux tâches de collaboratrice (travailleuse) qui correspondent aux activités d'une personne que l'on pourrait engager à salaire, a contrat, à honoraires, etc.  Les femmes collaboratrices doivent s'informer des limites offertes par les régimes de pension. A cet égard, nous présentons en appendice "C" les propositions fai- tes par l'ADFC au comité spécial sur la réforme des pensions.

À titre d'information, nous soumettons à la fin de ce chapitre une petite bibliographie qui permettra à celles qui le désirent de s'informer davantage sur les questions qui viennent d'être effleurées.

TEMPS CONSACRE AUX ACTIVITÉS DE MÉNAGÈRE ET AUX ACTIVITÉS DE COLLABORATRICE

1. Combien d'heures par semaine est-ce que je consacre aux activités suivantes:

  • ménage de la maison
  • cuisine, préparation des repas, marché
  • -entretien des vêtements:
  • . couture
  • . nettoyage
  • . repassage
  • - entretien des enfants:
  • . surveillance
  • . support pédagogique
  • . etc.

2. Combien d'heures par semaine est-ce que je consacre à des activités reliées à l'entreprise de mon mari:

  • -dactylographie
  • -téléphone(s)
  • -rédaction de lettres, de rapports
  • -comptabilité, tenue de livre
  • -exécution de travaux précis:
  • . fabrication d'objets
  • . soins aux animaux
  • . culture
  • . etc.
  • -achat, vente de produit
  • autres

3.  Si je travaille pour mon mari dans son entreprise, quelle est la forme de rémunération reçue?

  • salaire
  • cadeau
  • reconnaissance de dette
  • actions dans l'entreprise
  • part dans la société
  • aucune

4.  Si vous recevez un salaire:

- Devez-vous avec ce salaire payer la nourriture, les vêtements et l'entretien du foyer?

- Pouvez-vous en disposer comme vous voulez?

5.  Si vous ne recevez aucun revenu, comment pensez-vous être éventuellement reconnue:

  • Au décès de votre mari, par un testament qui vous rend légataire universelle ou par son régime de pension?
  • Par le régime matrimonial en vigueur au moment d'une séparation ou d'un divorce?

6.  Connaissez-vous vos droits?  les régimes matrimoniaux? les lois qui régissent les testaments?  les régimes de pension?


PETITE BIBLIOGRAPHIE

    Association Féminine d'Éducation et d'Action Sociale (AFEAS), Quand le coeur et la tête sont en affaires, 1982. Comment conjuguer amour et sécurité, 1983.

    Pat Armstrong et Hugh Armstrong, Une majorité laborieuse, les femmes qui gagnent leur vie, mais à quel prix? CCCSF, 1983.

    Commission de réforme du droit au Canada, Droit de la famille, 1976.

    Louise Dulude Description des lois canadiennes sur les biens matrimoniaux. CCCSF, 1982.

    ICRAF, La femme et le travail, un inventaire de recherche. Ottawa, 1978.

    Malcolm C. Kronby, Canadian Family Law, 1981.

    Monique Proulx, Cinq millions de femmes, une étude de la femme canadienne au foyer. CCCSF, 1978.

    Santé nationale et Bien-être social Canada, Précis sur la Loi sur le Régime de pension du Canada et le Régime de rentes du Québec et sur la Loi sur la sécurité de vieillesse, supplément de revenu garanti et allocation au conjoint. Ottawa, 1972.

    "Women and Agriculture Production" in Documentation sur la recherche féministe, vol. 11, no.l, March 1982.



Nous   avons   utilisé   Statistique   Canada   comme principale source   d'information   sur   les   données   touchant l'agriculture 1 au   Manitoba,   en   Saskatchewan   et   en   Alberta.

    [1    Statistique Canada,  Recensement du Canada de 1981, Agriculture Manitoba, Catalogue 96-908.

    Statistique  Canada,   Recensement  du Canada de  1981, Agriculture  Saskatchewan, Catalogue 96-909.

    Statistique Canada,  Recensement du Canada de 1981, Agriculture Alberta, Catalogue 96-910.]


Par   ailleurs, nous   avons   demandé   à   Statistique   Canada de   faire   des   totalisations   spéciales   pour   connaître   la situation   des   femmes mariées   travaillant   dans   une   entreprise familiale   afin   de faire   ressortir   le   nombre   de   femmes   mariées qui   travaillent avec   rémunération   et   le   nombre   qui travaillent   sans   recevoir de   rémunération.      Nous   citons   ici   les références   des   tableaux statistiques   utilisés:

1°   6427-01157AB   -   2B   -   Recensement   - 1981, EC1157A  D        Épouses   dans   la   population active   expérimentée   selon   l'âge   (7), le statut   professionnel    (3),    l'activité économique   (2),    le   nombre   d'heures travaillées   (4)   et   la   langue   maternelle   (2). Division   de   recensement   du   Manitoba,    de la   Saskatchewan   et   de   l'Alberta,    1981.

2°   6427-01157AB   -   2B   -   Recensement   - 1981, EC01157B   D      Épouses   dans   la   population inactive   selon   l'âge    (7),    la   langue maternelle   (2)   et   l'activité   économique du   mari   (23).      Divisions   de   recensement du   Manitoba,   de   la   Saskatchewan et   de   l'Alberta,    1981.

Nous   avons   utilisé2 l'Atlas   des   Francophones de   l'Ouest pour   les   informations   susceptibles   de   compléter les   renseignements   recueillis   lors   de   notre   enquête   dans diverses   régions des   provinces   de   l'Ouest.

    [2    Nous  tenons  ici à remercier Rachel Gaudreau, agente de  formation à la FFCF, pour  la liste d'ouvrages  et de  textes  sur la francophonie hors Québec  qu'elle a rassemblée pour nous.]

Afin   de   faciliter   la   consultation   de   cette deuxième   partie du   dossier,   nous   allons   présenter   en   premier lieu   quelques   données   sur   les   modes   d'occupation,    la résidence   des   exploitants et   la   forme   juridique   des   fermes,   puis   nous ferons   ressortir la   part   occupée   par   l'agriculture   dans l'ensemble   des   activités économiques.

Nous   traiterons   chaque   province séparément,   car   les   réalités   sont   différentes,   même si certains   phénomènes   sont   semblables comme   le   taux   d'urbanisation   de   plus   en   plus élevé   de   la   communauté   francophone, le   taux   d'assimilation,    les difficultés   pour les   groupes   de   femmes   à   rejoindre   la population   féminine   francophone   des   villes.


Notre recherche de données statistiques nous a amené à dresser des tableaux par groupes d'âge et par divisions de recensement pour les trois provinces à l'étude. Cependant, ces données, pratiques pour les agents du milieux désireux de mettre sur pied des services d'entraide, offrent un aspect fastidieux pour les non-initié(e)s, aussi avons-nous choisi de dresser trois tableaux-synthèses pour chaque province et de nous servir des renseignements fournis par les tableaux détaillés pour indiquer les régions et les secteurs d'activités ou il serait bon que le milieu intervienne.  La FFCF disposera de l'ensemble des données.  Pour faciliter la localisation des divisions, nous reproduisons les cartes de repérage fournies par Statistique Canada.

2.1  Le Manitoba

Le tableau II dresse un portrait de l'ensemble du milieu agricole manitobain.  Il y a 29 442 fermes au Manitoba.  Les régions agricoles qui comptent le plus grand nombre de fermes sont les régions 7, 8 et 9 soit celles qui sont situées le long de 1'Assiniboine et du lac Manitoba autour de Portage-la-Prairie, Grey, Lakeview, Glenella, Lansdowne, Westbourne, Cornwallis, Oakland, Cypress, etc.  La majorité des exploitants réside sur leur ferme et ce, pour une période d'environ 9 à 12 mois.


TABLEAU II

MODE D'OCCUPATION, RÉSIDENCE DE L'EXPLOITANT ET FORME JURIDIQUE POUR LES FERMES - 1981 PAR RÉGION AGRICOLE ET DIVISION DE RECENSEMENT AU MANITOBA

Catalogue96-908 p. 13-1 à 13-6


Un petit nombre ne réside pas sur leur ferme.  En ce qui concerne le mode d'occupation des fermes, on observe que la majorité (16 083 sur 29 442) est propriétaire mais qu'il y a un nombre élevé (11 100 sur 29 442) qui est mi-propriétaire, mi-locataire.  La forme juridique de la ferme indique que la grande majorité (25 701 sur 29 442) est individuelle ou familiale ou si l'on veut à propriétaire unique.  On trouve un petit nombre de fermes qui sont des sociétés en nom collectif mais il s'agit surtout de sociétés sans convention écrite (1965).  Le nombre de compagnies juridiquement constituées avec des membres de la famille s'élève à 882.

En lisant ce tableau, on constate que cette tendance provinciale se retrouve dans les divisions.  Pour les inter- venants du milieu, il est intéressant de noter le nombre de fermes, leur forme juridique afin de mieux cerner le type de sessions d'information à organiser.

Le tableau III indique le nombre de femmes mariées qui déclarent ne pas travailler.  Nous avons cherché à connaître combien de femmes se déclaraient inactives selon l'activité économique de leur mari pour tenter de voir si dans l'agriculture les femmes étaient nombreuses.

TABLEAU III

ÉPOUSES DANS LA POPULATION INACTIVE SELON L'ÂGE, LA LANGUE MATERNELLE ET L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DU MARI Source:  6427-01157AB-2B

Recensement de 1981

Province:   MANITOBA

Division   de   recensement:   Toutes

Age :    Tous

Nous pouvons donc faire ressortir en premier lieu qu'il y a au Manitoba 10 620 femmes, dont l'époux est en agriculture et qui, déclarent ne pas travailler.  S'agit-il de femmes collaboratrices qui s'ignorent?  S'agit-il vraiment de femmes qui ne font aucun travail sur la ferme?  Qui sont strictement des ménagères, des femmes au foyer?  Nous référons aux tableaux détaillés pour mieux cerner les régions d'intervention possibles.

Le même tableau permet d'identifier d'autres catégories possibles de femmes collaboratrices soit les épouses de professionnels ou de commerçants.  On note 12 005 femmes dont les époux sont dans les services socio-culturels et à la personne et 10 320 dont le mari est dans le commerce.

Nous avons présenté ces chiffres surtout pour que l'on s'interroge sur le nombre de collaboratrices qui s'ignorent et sur la nécessité pour les groupes de femmes d'amener les femmes à reconnaître leur apport, lorsqu'il y en a un, à l'entreprise familiale.

Ceci nous amène tout naturellement à commenter le tableau IV qui indique le nombre de femmes mariées qui se déclarent actives dans l'entreprise familiale et qui ne touchent aucune rémunération.  Ce tableau montre en premier lieu que l'agriculture n'est plus la principale activité économique aussi bien pour les personnes de langue maternelle française que pour les personnes d'autres langues maternelles.

TABLEAU IV

ÉPOUSES DANS LA POPULATION ACTIVE EXPÉRIMENTÉE SELON L'ÂGE, LE STATUT PROFESSIONNEL, L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE, LE NOMBRE D'HEURES TRAVAILLÉES ET LA LANGUE MATERNELLE

Source:  6427-01157AB-2B Tous les âges


Recensement de 1981

Province du Manitoba

Toutes les divisions

Ce tableau permet de voir qu'il y a 220 femmes francophones (180 en agriculture, 40 dans autres activités) et 3 070 femmes de langue maternelle autre (2 575 en agriculture et 495 ailleurs) qui travaillent sans rémunération dans une entreprise ou une ferme familiale. La majorité des femmes mariées se retrouve dans les catégories de celles qui travaillent 30 heures et plus dans une autre activité économique que l'agriculture et qui touchent une rémunération, des pourboires et des commissions.  Il est intéressant de noter que dans l'agriculture les femmes qui travaillent avec rémunération sont moins nombreuses que celles qui travaillent sans rémunération.

Pour les intervenant(e)s au dossier, il apparaît donc que l'information à diffuser devra porter sur les genres d'entreprises, sur la reconnaissance du travail de la femme comme indépendant de celui du mari.

Les données statistiques ont fait ressortir la réalité des francophones:  ceux-ci se retrouvent maintenant en ville, le phénomène "femmes collaboratrices" sera donc surtout observable dans le Grand Winnipeg et le genre d'entreprise sera représentée par des commerces, des bureaux de professionnels, etc .

Les régions où les interventions auprès des femmes francophones rurales seront susceptibles d'aider une certaine clientèle semblent se retrouver dans les divisions suivantes:

  • 2 (Ste-Anne, La Broquerie, Taché, etc.)
  • 3 (Roland, Stanley, Grey, Dufferin)
  • 4  (Lorne, Argyle, Roblin, Pembina, Louise)
  • 17  (près du lac Dauphin)

Soulignons que la concentration3 des francophones se retrouve dans les villes et villages suivants:

  • Grand Winnipeg
  • St-Boniface
  • St-Vital
  • Transcona
  • Fort-Garry
  • Brandon
  • Portage-la-Prairie
  • Thompson
  • Le Pas
  • Ste-Anne
  • St-Pierre
  • Somerset
  • St-Claude
  • Notre-Dame de Lourdes
  • St-Lazare
  • Ste-Rose-du-Lac
  • Powerview

    [3 Les Héritiers de Lord Durham,  volume  2, page 21.]

Il   faut   voir   cependant   que   la   majorité des   femmes   collaboratrices   n'est   plus   à   la   campagne,   mais   à la   ville.

NORTHERN PART MANITOBA                                     PARTIE NORD



2.2  La Saskatchewan

Le tableau V indique le nombre de fermes, leur superficie totale par divisions de recensement.  La Saskatchewan est la pro- vince de l'Ouest qui compte le plus grand nombre de fermes (67 318) et la plus grande superficie agricole.  La majorité des fermiers réside sur leur ferme soit 55 050 et 12 258 (20%) environ ne ré- side pas sur leur ferme.

La moitié des fermes est occupée par des propriétaires alors que 40% (27 203 sur 67 318) est occupé par mi-proprié- taires et mi-locataires.

La forme juridique de l'entreprise la plus répandue est la forme individuelle familiale (59 671 sur 67 318) suivie de la société en nom collectif sans convention écrite (4 003) et de la compagnie (1 768).

Les divisions de recensement qui comptent le plus grand nombre de fermes sont autour de Régina, le long de la Qu'Appelle et le long de la Saskatchewan (autour de Prince-Albert).

Le tableau VI indique que l'agriculture constitue une ac- tivité économique importante et qu'un grand nombre de femmes (25 420) dont le mari est dans l'agriculture déclarent ne pas travailler et sont donc considérées comme partie de la population inactive.

TABLEAU VI

ÉPOUSES DANS LA POPULATION INACTIVE SELON L'ÂGE, LA LANGUE MATERNELLE ET L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DU MARI Source:  6427-01157AB-2B

Recensement de 1981

Province :     Saskatchewan

Division   de   recensement:    Toutes

Age :     Tous

Nous aimerions questionner ces femmes. S'agit-il encore une fois de femmes collaboratrices qui s'ignorent? Sont-elles réellement inactives?  N'ont-elles pas tendance à confondre travail domestique et travail de collaboration?

Le tableau VII indique qu'il y a un grand nombre de femmes en agriculture qui déclarent travailler sans rémunération dans une entreprise ou ferme familiale.  Le nombre est beaucoup plus élevé qu'au Manitoba parce que la Saskatchewan est une province plus agricole.  En 1981, on comptait 5 890 femmes en agriculture qui n'étaient pas rémunérées dont 170 francophones.  Au total dans toutes les activités économiques, on compte 6 690 femmes qui sont sans rémunération.  En Saskatchewan comme au Manitoba, la majorité des femmes mariées faisant partie de la population ac- tive se retrouve dans les autres activités économiques comme travailleuses de 30 heures et plus recevant une rémunération (salaire/pourboires/commissions) soit 91 535 dont 3 045 francophones.

Les tableaux détaillés sur la situation des femmes collaboratrices indiquent que les régions les plus favorables pour une intervention auprès des populations francophones rurales seraient autour de Prince-Albert, North Battleford, au sud de Swift Current et autour de Gravelbourg.  Notons que les populations se retrouvent surtout dans le secteur nord: Prince-Albert, Zenon Park, Debden, St-Isidore de Bellevue, Prud'homme-Vonda, Saskatoon, Saint-Brieux, St-Louis - Domrémy et dans le secteur sud aux endroits suivants:  Régina, Gravelbourg, Storthoaks - Bellegarde, Willow Bunch - St-Victor, Ferland, Ponteix.

TABLEAU V

MODE D'OCCUPATION, RÉSIDENCE DE L'EXPLOITANT ET

FORME JURIDIQUE POUR LES FERMES - 1981 PAR RÉGION AGRICOLE ET DIVISION DE RECENSEMENT EN SASKATCHEWAN




APPENDICE "C"

Extrait   de:

ADFC, La Réforme des Régimes de pensions et le Statut particulier des Femmes Collaboratrices, septembre 1983


PROPOSITION 1:  FEMME COLLABORATRICE / TRAVAILLEUR AUTONOME

Nous proposons que:  le R.R.Q./R.F.C., permette au conjoint-collaborateur de cotiser à titre de travailleur autono- me et que le montant de la cotisation soit basé sur la part de la femme (conjoint-collaborateur) dans le re- venu net de l'entreprise.

Il nous apparaît essentiel que le gouvernement prévoit des mesures transitoires comparables à celles mises en application au début du R.P.C./R.R.Q., afin de compenser le fait que les femmes collaboratrices n'avaient pas le droit de cotiser pendant les premières quinze années du régime et seront donc pénalisées pour ce "trou" dans leur dossier.

PROPOSITION 2:  MESURES TRANSITOIRES POUR 45 ANS ET PLUS

Nous proposons que:  pour les personnes de 45 ans et plus, qui contribuent au R.R.Q. et au R.P.C. depuis 1980, à par- tir d'un salaire payé par l'entreprise du conjoint, que la période cotisable commence en 1980.  Toutefois, au moment de la retraite, si la personne n'a pas cotisé 10 ans, elle aurait droit de ra- cheter le nombre d'années nécessaire pour faire un total de 10 ans, au même niveau de salaire que la moyenne des années pendant lesquelles elle a cotisé ou la moitié du salaire industriel moyen. Nonobstant ces dispositions, la personne peut toujours choisir une période coti- sable qui commence en 1966 ou à son 18e anniversaire, si cela l'avantage.

PROPOSITION 3:  MESURES TRANSITOIRES POUR 55 ANS ET PLUS

Nous proposons que:  pour les personnes âgées de 55 à 65 ans la disposition qui exige 10 ans de cotisations ne s'applique pas, et que l'exigence de cotisation soit la même que la période cotisable.

PROPOSITION 4:  MESURES TRANSITOIRES POUR 45 ANS ET MOINS

Nous proposons que:  les personnes de 45 ans et moins, qui contribuent au R.R.Q. depuis 1980 à partir d'un sa- laire payé par l'entreprise du con- joint, la période cotisable débute en 1980.


PROPOSITION 5:

MESURES TRANSITOIRES ET STATUT DU CONJOINT COLLABORATEUR


Nous proposons que:  la déclaration de statut de conjoint collaborateur pré- voit des mesures spéciales d'intégra- tion au Régimes des Rentes du Québec (R.R.Q.), telles que prévues dans les recommandations précédentes.

La plupart des propriétaires de petites entreprises et leurs conjoints investissent leurs épargnes dans leurs entreprises et ne peuvent donc rarement bénéficier des avantages fiscaux accordés aux régimes enregistrés d'épargne-retraite ou des régimes supplémentaires de rentes. Lorsqu'ils vendent l'entreprise au moment de la retraite ou quelques années avant, ils sont imposés sur leurs gains de capital à un taux très élevé puisque les sommes sont comptabilisées dans une même année.


PROPOSITION 6:

MESURES APPLICABLES LORS DE LA VENTE DE L'ENTREPRISE


Afin de permettre aux petits pro- priétaires et leurs conjoints de bénéficier du même droit d'épargner pour leur retraite que les autres canadiens, nous proposons que:


lors de la vente de l'entreprise familiale l'on permette à chacun des membres du couple de déposer dans un régime d'épargne- retraite à partir des gains de capital, un montant calculé de la façon suivante:

  • pour chacune des années de propriété de l'entreprise, identifier le maximum que l'on pouvait déposer dans un REER à titre de travailleur autonome;
  • puis diminuer du montant que la person- ne à déjà déposé dans un REER cette année-là ;
  • enfin, majorer par le taux d'intérêt payable sur les obligations du Canada.

Que cet article soit rétroactif pour les entreprises vendues dans les cinq années précédent l'adoption de cette mesure.

La présentation et les recommandations que nous venons d'élaborer portent uniquement sur la situation spécifique des femmes collaboratrices

AMÉLIORATIONS DES RÉGIMES PUBLICS

Toutefois, nous voulons préciser que nous adhérons à plusieurs des revendications ou propositions visant à améliorer la situation économique de l'ensemble des personnes retraitées.

PROPOSITION 7;  LA RÉFORME DES RÉGIMES PUBLICS

Nous proposons:

7.1  Que le revenu maximum assuré soit augmenté de façon à assurer au moins le seuil de pauvreté aux personnes seules.

7.2 Que l'on maintienne la pleine indexation de la Pension de Sécurité de Vieillesse et que l'on augmente le revenu minimum assuré, que l'on maintienne au moins la proposition actuelle de la P.S.V. dans le total.

7.3  Que l'on augmente le maximum des gains assurables dans le R.R.Q.

7.4  Que l'on augmente le taux de remplacement du salaire antérieur dans le R.R.Q. à 50% sur une période de dix ans en augmentant d'abord ce taux sur la première moitié du salaire industriel moyen.

PLACE DES FEMMES DANS LES RÉGIMES PUBLICS

PROPOSITION 8:

Nous demandons:

8.1  Que les travailleuses aux foyers participent de façon obligatoire et équitable au R.P.C. et R.R.Q.

8.2  Que cette participation se concrétise au moyen d'une cotisation universelle au niveau de la moitié du salaire industriel moyen.  Les cotisations seraient payées à partir d'un crédit d'impôt qui remplacerait les exemptions personnelles et de personne mariée.

8.3  Que l'exclusion de la période cotisable des années passées au foyer avec des enfants de moins de sept ans soit étendue pour couvrir les enfants jusqu'à l'âge de 12 ans.


TABLEAU VII

ÉPOUSES DANS LA POPULATION ACTIVE EXPÉRIMENTÉE SELON L'ÂGE, LE STATUT PROFESSIONNEL, L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE, LE NOMBRE D'HEURES TRAVAILLÉES ET LA LANGUE MATERNELLE

Source:  6427-01157AB-2B

Recensement de 1981

Province de la Saskatchewan Toutes les divisions Tous les âges



SOUTHERN  PART SASKATCHEWAN

Map 26

PARTIE  SUD


NORTHERN PART SASKATCHEWAN

PARTIE NORD

Map 27


2.3  L'Alberta

Le tableau VIII indique qu'il y a 58 056 fermes en Alberta dont 52 914 sont occupées par leurs exploitants et 5 142 fermes où l'exploitant agricole ne réside pas.  Il y a 60% des fermes qui sont occupées par des propriétaires, 40% par un mode d'occu- pation mi-propriétaire, mi-locataire.

Enfin, la majorité des fermes sont des fermes individuelles ou familiales (50 169 sur 58 056).  Les sociétés en nom collec- tif sans convention écrite comptent 3 723 fermes et il y a 2 269 compagnies avec des membres de la famille.  Pour l'Alberta, comme pour la Saskatchewan et le Manitoba, nous fournissons les données pour chaque division de recensement, ce qui permet de cerner les régions d'intervention.  Les régions agricoles qui comptent le plus grand nombre de fermes se retrouvent au sud et à l'est d'Edmonton, le long de la Saskatchewan nord, de l'Athabasca, de la Smoky et de la Rivière-la-Paix.

Le tableau IX indique qu'il y a 19 835 femmes mariées dont le mari est actif en agriculture qui déclarent ne pas travailler. Nous questionnons ces chiffres.  Encore une fois, nous nous interrogeons sur la vraie réalité de ces femmes:  sont-elles des collaboratrices qui s'ignorent?  Nous pouvons également nous interroger sur le nombre d'épouses dont les maris sont dans le commerce (21 410),les services à la personne (26 670).

TABLEAU VIII


MODE D'OCCUPATION, RÉSIDENCE DE L'EXPLOITANT ET

FORME JURIDIQUE POUR LES FERMES - 1981 PAR RÉGION AGRICOLE ET DIVISION DE RECENSEMENT EN ALBERTA


TABLEAU IX

ÉPOUSES DANS LA POPULATION INACTIVE SELON L'ÂGE, LA LANGUE MATERNELLE ET L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DU MARI Source:  6427-01157AB-2B

Recensement de 1981

Province:     Alberta

Division   de   recensement:    Toutes

Age :     Tous


  Le tableau IX révèle que la population est majoritairement urbaine.  Ce que vient confir- mer le tableau X.

Le tableau X révèle qu'il y a 5 835 femmes (165 francophones) mariées qui travaillent en agriculture dans une entreprise ou une ferme familiale et qui ne reçoivent pas de rémunération.  Le nom- bre de femmes mariées qui travaillent sans rémunération s'élève à 7 130 lorsque l'on considère l'ensemble des activités économi- ques.  Ce tableau montre que la majorité des femmes mariées acti- ves est dans d'autres activités économiques que l'agriculture et qu'elles travaillent 30 heures et plus contre rémunération.

Il y a 7 885 femmes francophones et 248 765 de langue maternelle autre dans cette catégorie de travailleuses soit 256 650 au total.  Il est sans doute intéressant de savoir que les interventions les plus susceptibles de rejoindre les femmes francophones de milieu rural sont dans la division 11 (sud-ouest d'Edmonton), la division 12 (Smoky Lake, St-Paul, Bonnyville, Cold Lake) et la division 15 (Rivière-la-Paix, Grande Rivière, Smoky River).


TABLEAU X

ÉPOUSES DANS LA POPULATION ACTIVE EXPÉRIMENTÉE SELON L'ÂGE, LE STATUT PROFESSIONNEL,L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE, LE NOMBRE D'HEURES TRAVAILLÉES ET LA LANGUE MATERNELLE

Source:  6427-01157AB-2B

Recensement de 1981

Province de l'Alberta Toutes les divisions Tous les âges


NORTHERN  PART ALBERTA              PARTIE NORD

Carte 29


SOUTHERN  PART

Map 28

ALBERTA

PARTIE  SUD



Produced by Statistics Canada    1981

Préparé par Statistique Canada    1981


2.4  Les types d'intervention

Lorsque la FFCF a décide de se pencher sur la situation des femmes collaboratrices de leur mari dans une entreprise familiale, elle a choisi de travailler dans une optique d'ouverture sur le milieu.  Désireuse de faire connaître à ses membres la situation de cette catégorie de femmes, la FFCF a mis sur pied des comités de formation au sein de son association en Saskatchewan, elle a demandé à une agente de liaison en Alberta de faire enquête pour connaître les ressources du milieu et la FFCF a informé ses grou- pes affiliés au Manitoba de la situation des femmes collaboratrices et du support que le Secrétariat national pourrait leur apporter. Par ailleurs, la FFCF a établi des contacts avec l'ADFC (Association des femmes collaboratrices du Québec).  Les deux groupes ont signé un protocole d'entente par lequel l'ADFC offre son support technique aux membres de la FFCF.  La FFCF a donc choisi comme principaux types d'intervention l'information, la formation et l'appui aux groupes qui se portent à la défense des droits des travailleuses collaboratrices.

2.4.1  L'intervention en Saskatchewan

L'enquête en Saskatchewan est venue confirmer les résultats d'une recherche4 publiée par Michael Jackson en 1972.

    [4 Michael Jackson, "Une minorité ignorée:  les Franco-Canadiens de la Saskatchewan" in Journal of Canadian Studies, February 1972, Vol. VII, no 1.]


La population francophone est dispersée à travers la province, cependant, on note deux concentrations soit dans le nord entre Saskatoon et Prince-Albert et au sud de Régina entre Ponteix et Bellegarde.  Le centre le plus important est à Gravelbourg. Il n'y a aucun groupe francophone entre les deux régions.  Les diverses associations de la communauté se retrouvent réparties en deux régions.  C'est ainsi que l'Association Culturelle Franco- Canadienne de la Saskatchewan (ACFCS) et la FFCF ont des sections dans le nord et dans le sud.  Les observations recueillies par Jackson en 1972 se sont confirmées et ce qu'il avait noté concernant l'anglicisation, le taux d'assimilation, la diminution des communautés francophones explique nos difficultés à trouver des ressources francophones pour donner de l'information juridique aux personnes désireuses de connaître leur situation personnelle, de l'information concernant la gestion de l'entreprise, etc.

Notre intervention vise la société rurale mais les statistiques nous apprennent qu'il faudra surtout bâtir de nou- veaux réseaux d'entraide pour rejoindre les femmes francophones

des villes.  Il faudra créer de nouveaux moyens de communication car :

"La société agricole des Prairies est en voie de disparition.  La mécanisation des fermes, le dépeuplement rural, l'exode vers les principales villes (Régina, Saskatoon, Prince- Albert) transforment les campagnes. Et les Franco-Canadiens qui s'installent dans les centres urbains courent de graves risques d'être "noyés" dans le milieu anglophone (...).  En même temps, les institutions et traditions rurales sur lesquelles étaient bâties les petites communautés francophones s'affaiblissent ou disparaissent, au préjudice des gens qui restent sur les fermes et dans les villages"5.

[5 Ibid., 14.]

La FFCF pour réussir dans ses projets d'information et de formation devra s'appuyer sur les ressources développées par les autres associations francophones.  Le projet de se pencher sur la situation des conjoints dans les petites entreprises rejoint dans son ensemble les préoccupations exprimées par l'ACFCS dans son plan d'action visant à exercer une action sociale, éducative et économique.

L'intervention de la FFCF comprend dans un premier

temps la mise sur pied d'un réseau de personnes-ressources (agent(e)s multiplicateurs(trices), animateurs(triées), avocat(e)s, comptables) capables de donner de l'information sur les lois du mariage, les testaments, les lois fiscales, la gestion de l'entreprise et dans un second temps, l'organisation de sessions de sensibilisation et d'information.  L'objectif ultime du projet étant d'amener les communautés francophones à se doter de services juridiques et administratifs capables d'informer de façon permanente les personnes


désireuses de clarifier leur situation personnelle, conjugale, familiale ou commerciale en fonction de la situation de colla- boration dans l'entreprise familiale.

2.4.2  L'appui aux autres groupes

II existe plusieurs groupes qui se portent à la défense des femmes travailleuses.  Cependant, quelques groupes se distinguent plus particulièrement par rapport à la situation des femmes dans l'agriculture:  Women for the Survival of Agriculture, National Fariner's Union, l'Association des femmes collaboratrices (ADFC).

Dernièrement, le National Farmer's Union et le Women for the Survival of Agriculture ont dénonce le fait que les statistiques publiées par Statistique Canada sous-estiment gravement la contribution des femmes à l'économie du pays.  Ces groupements soulignent qu'il y a encore beaucoup de femmes qui travaillent sur des fermes sans être rémunérées mais cela n'apparaît nulle part car ces femmes ne se déclarent pas actives au sens du ministère du Travail.  Nos données statistiques viennent confirmer ces déclarations.

De son côté, l'Association des femmes collaboratrices travaille à faire accepter une déclaration de statut et à améliorer les conditions de la femme au sein de l'entreprise.  Depuis que l'ADFC est considérée par le Secrétariat d'État comme une association nationale, elle envisage de développer un réseau d'information à travers le Canada.

Les femmes collaboratrices francophones en milieu minoritaire peuvent compter sur la FFCF pour être représentées auprès de ces groupes.  En effet, la FFCF s'est donnée comme mandat d'être le porte-parole des femmes francophones en milieu minoritaire auprès des groupes québécois désireux de s'implanter dans les communautés francophones hors Québec.

La situation des femmes collaboratrices a été mise en lumière, depuis une dizaine d'années, surtout à l'occasion de causes de divorce.  Les jugements rendus par les juges, au moment où les femmes faisaient valoir l'importance économique de leur travail au sein de l'entreprise, ont montré clairement que la seule loi du mariage était insuffisante pour reconnaître la contribution financière de ces femmes qui travaillent sans rémunération d'aucune sorte.

Devant les injustices faites à ces femmes, devant les protestations des groupes concernés par les droits de la personne, les législateurs ont modifié les lois et maintenant toutes les provinces ont des lois qui reconnaissent la participation des conjoints dans l'acquisition des biens pendant le mariage.  En principe, les conjoints collaborateurs sont protégés au moment d'une séparation ou d'un divorce, mais les lois des différentes provinces ne contiennent pas toutes des provisions adéquates pour la période durant le mariage et/ou après le décès du(de la) conjoint(e).  Ajoutons que certains couples signent des contrats de mariage qui les soustraient à certaines garanties prévues par la loi ou encore les règlements de séparation et de divorce sont parfois soumis à la discrétion du juge qui peut interpréter la loi en faveur de l'un ou l'autre conjoint.

Parler de femmes collaboratrices, c'est référer souvent à des situations de rupture:  séparation, divorce ou encore au décès.

Cependant, la situation de collaboratrice doit être aussi envisagée comme une situation avantageuse pour la femme, son conjoint et l'entreprise à condition que certains droits soient assurés à la collaboratrice par une juste reconnaissance du travail effectué, et une rétribution égale au temps consacré soit sous forme de salaire déductible d'impôt pour le chef d'entreprise ou pour l'entreprise, d'actions, de parts, de titres, de reconnaissance de dettes, de rentes, etc.

Notre enquête a révélé que beaucoup de femmes ne savent pas qu'elles sont collaboratrices et beaucoup d'autres confondent le travail de ménagère avec le travail de collaboratrice. Nous avons cherché dans ce document à clarifier les deux statuts de façon à ce que les femmes et leurs conjoints réalisent la nature de leur travail et, en conséquence, sachent faire valoir leurs droits.

La situation de ces femmes qui doivent faire valoir leurs droits au sein de l'entreprise n'est pas facile.  Elles ont à négocier leur statut de travailleuse avec leur mari, quelques fois leurs enfants, leurs parents et beaux-parents.  En parlant d'une question de "stricte justice élémentaire", elles semblent jouer "les radicales" aux yeux des hommes et des femmes qui considèrent le travail effectué par une femme pour son mari comme faisant partie du contrat de mariage, du support mutuel entre époux.

Lorsque l'on parle d'égalité entre conjoints, d'égalité et de juste répartition des richesses, tout le monde acquiesce, personne ne conteste.  Mais en pratique, lorsqu'il s'agit de partager un bien acquis en son nom propre mais grâce à la force de travail d'un(e) autre, la juste répartition fait mal, les grands principes se heurtent aux résistances naturelles des propriétaires, des possédants en titre.  Les lois changent, les mentalités souvent s'attardent.

Si les statistiques révélées pour la Saskatchewan, le Manitoba et l'Alberta indiquent que certaines femmes et cer- tains hommes ont compris qu'il fallait reconnaître ce principe élémentaire de justice:  rémunérer le travail accompli; elles soulèvent une question.  Devant le grand nombre de femmes qui se disent inactives dans des secteurs où l'expérience nous prouve qu'elles sont souvent collaboratrices, nous pouvons nous interroger à savoir si nous sommes en présence de femmes qui ignorent leur statut de collaboratrice ou en présence de femmes réellement travailleuses au foyer?

Cette question soulevée par tous les groupes de femmes qui se penchent sur les droits des femmes collaboratrices nous conduit à parler de la première étape de notre intervention qui en est une de sensibilisation de la population en général et des couples collaborateurs en particulier.  Il faut que les droits de la personne soient reconnus, car il ne faut pas se cacher que, pour une femme collaboratrice qui travaille sans aucune forme de rémunération, sans autonomie financière, sans protection pour ses vieux jours, combien y a-t-il d'enfants (fils,filles) qui travaillent dans les mêmes conditions et qui se retrouvent dépossédés lorsque leur père vend sa ferme, son commerce ou encore meurt en laissant tous ses biens à un seul fils ou encore divorce, se remarie et lègue tous ses biens à une autre famille?

Notre intervention se fait dans un domaine délicat, celui du couple, de la famille obligeant les personnes en cause à s'interroger sur le sens de leur engagement comme conjoint au sein du mariage, pour prolonger le questionnement sur le sens de leur engagement dans un autre projet, celui de l'entreprise. L'entreprise est souvent vue comme le prolongement du mariage. Mais le couple existe avec ou sans l'entreprise, la situation de collaboration existe avec le mariage et l'entreprise.

Les femmes qui assistent à une session d'information sur les régimes matrimoniaux, les lois fiscales, les contrats, les testaments demandent presque toujours à la fin des exposés: "mais comment en parler à mon mari?  comment lui faire comprendre que je ne veux pas le laisser mais je veux avoir une protection financière garantie?"

Les femmes au foyer comme les femmes collaboratrices veulent une sécurité économique garantie, elles veulent la gérer elles- mêmes.  Les chiffres, l'histoire montrent qu'elles ont raison, elles veulent surtout que leur conjoint comprenne cette réalité.

APPENDICE "A"

Extrait   de:

Louise Dulude, Description des lois canadiennes sur les biens matrimoniaux, Conseil canadien consultatif de la situation de la femme, août 1982, page 13 à 19


MANITOBA


MANITOBA (suite)

Au décès du mari;  Le Power Act du Manitoba, qui s'applique quoi que disent les testaments des époux, accorde à toutes les veuves (et aux veufs) la moitié de la succession de leur conjoint décédé jusqu'à concurrence de 250 000 $ ou 15 000 $ par année.  Le conjoint survivant a aussi un droit d'usufruit sur le "homestead" (la maison et jusqu'à 320 acres de terrain), c'est-à-dire le droit d'y vivre pour le restant de ses jours, ou de percevoir des loyers qui en découlent.

Si, malgré tout cela, la veuve n'a toujours pas assez d'argent pour pouvoir vivre convenablement, elle peut se présenter devant les tribunaux pour réclamer une plus grande part de la succession de son mari en vertu de la loi provinciale sur le secours aux personnes à charge.


SASKATCHEWAN


SASKATCHEWAN (suite)


A   L   B   E   R   T   A


A   L   B   E   R   T   A (suite)


APPENDICE "B"

Extrait   de:

Ministère de l'Industrie et du Commerce, Direction des petites entreprises et des services régionaux, Fondation d'une petite entreprise en Ontario, Toronto, mai 1983.


GENRES D'ENTREPRISES

Propriétaire unique


AVANTAGES

  • Frais de démarrage minimes
  • Moins assujetti à la régle- mentât ion
  • Le propriétaire contrôle directement l'entreprise
  • Exigences minimales de fonds de roulement
  • Avantage fiscal aux petits propriétaires
  • Tous les bénéfices reviennent au propriétaire

INCONVÉNIENTS

  • Responsabilité illimitée
  • Manque de permanence
  • Difficulté de réunir des capitaux

Société en nom collectif


AVANTAGES

  • Facile à fonder
  • Frais de démarrage minimes
  • Sources supplémentaires de capitaux de risque
  • Direction plus importante
  • Avantages fiscaux possibles
  • Réglementation extérieure ill imitée

INCONVÉNIENTS

  • Responsabilité illimitée
  • Manque de permanence
  • Autorité diluée
  • Difficulté de réunir des capitaux supplémentaires
  • Difficulté de trouver des associés appropriés

Compagnie et association


AVANTAGES

  • Responsabilité limitée
  • Direction spécialisée
  • La propriété peut être transférée
  • Permanence
  • Personne morale
  • Avantages fiscaux possibles
  • Facilité de réunir des capitaux

INCONVÉNIENTS

  • Réglementation stricte
  • Organisation plus onéreuse
  • Restrictions provenant de l'acte constitutif
  • Tenue de livres plus poussée
  • Double imposition