ETUDE DES BESOINS DES FAMILLES MONOPARENTALES DEPUIS MOINS DE QUATRE ANS

Protocole UQAM/Relais-femmes et Laboratoire de recherche en écologie humaine et sociale (LAREHS)

Pour la Fédération des associations de familles monoparentales du Québec (FAFMQ)

Service aux collectivités
Université du Québec à Montréal

SEPTEMBRE 1990

Fédération des Associations des Familles Monoparentales du Québec — 890, boul. René-Lévesque est, pièce 2320, Montréal, OC, H2L 2L4, tél.: (514) 288-5224

PRÉFACE

La recherche-action sur les besoins des jeunes familles monoparentales de date récente a été produite pour la Fédération des associations de familles monoparentales du Québec (FAFMQ), dans le cadre du Protocole UQAM- Relais-femmes et du Laboratoire de recherche en écologie humaine et sociale (LAREHS), par la chercheure, madame Claire Malo.

La FAFMQ avait, comme objectif premier, de connaître les besoins des jeunes familles monoparentales et de repenser ses activités afin de développer a leur endroit une bonne stratégie d'accueil.

La recherche dévoile l'existence d'une clientèle non répertoriée, socialement très isolée et souvent en état de crise. Le nombre de répondantes (94) démontre que c'est une clientèle difficile a rejoindre et souvent trop démunie pour avoir le temps, l'énergie et la volonté de s'intéresser à autre chose qu'a leur survie et a celle de leurs enfants. Les besoins d'aide exprimés par les repondantes se regroupent sous trois grands thèmes: manque d'argent, manque d'énergie et nécessité d'apprendre à gérer ses émotions

Le réseau de gardiennage ne répond ni au besoin de garde d'appoint, (visite du médecin, urgence la nuit, le travail le soir, la fin de semaine, le temps supplémentaire) ni au besoin de relais avant ou après les heures contraignantes de la garderie ou du réseau scolaire.

Pauvres, elles le sont : les logements inadéquats, les coûts prohibitif de l'éducation, les emplois précaires et mal payés, le manque de gardiennage, l'endettement, l'impossibilité d'emprunter, le manque de l'essentiel et, il va sans dire, manque de loisirs et de non-essentiel.

Fatiguées oui elles le sont! Les gros travaux ménagers, la surcharge des rôles, les conflits d'horaire, l'absentéisme et retards au travail, la fatigue mentale et physique, le manque de loisirs, le manque d'amis-es en sont la cause.

Solitaires oui elles le sont. Les craintes, face au futur pour elles et pour leurs enfants, la tristesse face au passé et le sentiment de solitude sont le lot d'une forte proportion de mères monoparentales. C'est la toile de fond de leur univers.

Les relations avec les enfants, avec les hommes, l'image de soi, ainsi que la confiance en soi, les préjuges sociaux, le sentiment d'incompétence et de culpabilité, ce sont là, des lieux d'émotions qu'elles doivent gérer.

La FAFMQ est consciente de son rôle primordial d'organisme de rassemblement d'associations et de son rôle de formation et de support technique auprès de ses associations qui la rendent apte à mieux répondre aux besoins de ces jeunes familles monoparentales de date récente.

Le plan d'action de la FAFMQ va s'inspirer des résultats de la recherche pour mettre sur pied une stratégie d'action dans l'accueil, le soutien, et les services d'aide aux jeunes familles monoparentales. L'étude des dossiers de fond sur les problèmes qui touchent ces familles fera état des besoins exprimés. Les solutions envisagées, tant du côté gouvernemental que communautaire, seront présentées à qui de droit. La Fédération se veut un agent de changement social.

La Fédération des associations de familles monoparentales du Québec

TABLE DES MATIERES

CONTEXTE DE L'ÉTUDE

Cette étude a été produite par Claire Malo dans le cadre du Protocole UQAM/Relais- femmes et du Laboratoire de recherche en écologie humaine et sociale (LAREHS) dans le but de connaître les besoins des familles monoparentales de date récente (moins de 4 ans). Les résultats qui suivent devraient permettre à la FAFMQ de repenser ses activités et de former de nouvelles associations.

2. MÉTHODOLOGIE UTILISÉE

Le questionnaire de l'étude comporte 8 secteurs: personnel, légal, économique, ménager, social, du travail, de l'éducation des enfants et du gardiennage. A ces secteurs, une catégorie "autres problèmes" est ajoutée. A chaque question la fréquence d'apparition des problèmes est précisée de même que l'aide reçue et celle demandée. Une dernière partie est consacrée à la connaissance des associations de familles monoparentales.

Le recrutement s'est opéré par le biais d'organismes susceptibles de rencontrer les nouvelles familles monoparentales (garderies, CLSC...). Des 58 organismes contactés, 24 ont accepté de distribuer 700 questionnaires. Au total, 106 questionnaires ont été complétés et retournés, c'est-à-dire environ 15% des envois. Sur les 106 questionnaires complétés et retournés, 12 ont été retirés parce qu'ils ne répondaient pas aux critères pré-établis. Ce qui porte le nombre de sujets à 94.

3. LIMITES DE LA RECHERCHE

Le taux de réponses (15% ) peut sembler faible à première vue. Mais il ne faut pas sous-estimer la double difficulté qui conditionnait les stratégies de recrutement. Premièrement, il n'existe aucune liste exhaustive de la population monoparentale québécoise. Deuxièmement, cette population récemment monoparentale se retrouve, par définition, socialement isolée et souvent en état de crise. Conséquemment, nous n'avons pu entrer en contact direct avec les sujets, c'est par organismes interposés que nous avons procédé au recrutement.

Considérant ce qui précède, nous pouvons évaluer que le nombre de personnes monoparentales qui ont répondu est satisfaisant (94 sujets). Le taux de réponses (15%) est représentatif d'une partie non négligeable de la réalité monoparentale québécoise de date récente. Les résultats de la recherche constituent une base valable pour inspirer un plan d'action à la Fédération des associations de familles monoparentales du Québec.

4. CARACTÉRISTIQUES DE L'ÉCHANTILLON

Sur 94 sujets, 5 sont des hommes. La majorité est séparée, 22% sont divorcée 21% sont célibataires et 3% sont veuves. L'âge varie de 21 à 49 ans. Les familles ont de 1 à 4 enfants ayant surtout de 0 à 7 ans. Parmi elles, 64% n'ont pas complété d'études collégiales et 19% d'études secondaires.

De plus 46% ont un emploi à temps plein et 16% à temps partiel; 38% n'ont pas d'emploi à l'extérieur. Outre les revenus d'emploi, 37% reçoivent leur principale source de revenus de l'aide sociale et 39% reçoivent une pension alimentaire régulièrement versée dans 95% des cas. Le revenu annuel moyen est de $18,500. En excluant les hommes, cette moyenne tombe à $17,800.

Les personnes séparées, divorcées ou veuves ont vécu en moyenne 6 ans avec leur partenaire. La plupart (72%) ont la garde entière des enfants. Les contacts avec les ex- partenaires sont peu fréquents et quand ils existent, ils sont généralement bons. Les contacts des enfants avec leur père sont plus nombreux, ils sont au moins mensuels dans 70% des cas.

5. PROBLÈMES VÉCUS. AIDE REÇUE. BESOINS D'AIDE

Voici pour les 8 secteurs couverts, la proportion de personnes qui vivent des situations problématiques, la fréquence avec laquelle elles les vivent, l'aide reçue des professionnels ou de l'entourage et les besoins d'aide exprimés.

1) Secteur personnel

Une très forte proportion des mères monoparentales signalent leurs PRÉOCCUPATIONS FACE A L'AVENIR tant le leur que celui des enfants (89%), leur TRISTESSE FACE AU PASSÉ et leur SENTIMENT DE SOLITUDE (80%). La peur de ne pouvoir réintégrer leur place dans la société et celle de vieillir seule cristallisent les craintes face à l'avenir. Nombreuses sont celles qui voudraient refaire leur vie sentimentale, mais pas à n'importe quel prix. Toutefois, si de tels problèmes sont vécus par la plupart des mères, ils se présentent peu souvent dans la vie de chacune. Les problèmes reliés au passé, à l'avenir, à la solitude constituent la toile de fond des existences.

Parmi les autres problèmes mentionnés au niveau personnel, une majorité de sujets signale aussi l'anxiété continuelle reliée à la SURCHARGE DES RÔLES, l'ISOLEMENT, l'IMPUISSANCE, la SANTÉ, la FATIGUE MENTALE, le MANQUE DE DIVERTISSEMENT, les DIFFICULTÉS RELATIONNELLES AVEC L'AUTRE SEXE tant au plan affectif que sexuel (51%). En plus de maintenir l'anxiété, l'entière responsabilité de l'éducation des enfants et du soutien économique, engendre des horaires rigides, un manque d'autonomie et des privations de tous ordres, surtout au plan relationnel tant amoureux qu'amical. A cet effet, plusieurs déplorent la perte d'amis-es lors de la séparation et la difficulté à s'en faire de nouveaux à cause de l'absence de disponibilité. Ces situations contribuent au développement d'une image négative de soi alimentée par le manque de confiance et la dévalorisation.

En regard des problèmes personnels, les mères reçoivent de l'aide de la part de l'entourage (58%) et, dans une moindre mesure, des services professionnels (16%).

C'est par rapport à la catégorie "autres problèmes" que les mères expriment, dans une plus forte proportion, leur besoin d'aide (75%).

2) Secteur légal

Une majorité des mères séparées ou divorcées ont régulièrement des CONFLITS AVEC L'EX-CONJOINT CONCERNANT LA GARDE DES ENFANTS (62%). La moitié d'entre elles vivent des conflits au sujet du PARTAGE DES BIENS ou de la PENSION ALIMENTAIRE (47%). Les conflits concernant la pension alimentaire sont rencontrés souvent ou très souvent par plus de la moitié des mères qui les mentionnent.

Quelques autres problèmes sont mentionnés au niveau légal tels les ABUS DE JUSTICE, la NON RECONNAISSANCE AU DROIT À LA PENSION ou à la GARDE ENTIÈRE DES ENFANTS; les problèmes d'HYPOTHÈQUES, de DETTES, d'ASSURANCES (17%). Quelques mères soulignent les injustices du système légal et des institutions sociales telle l'aide sociale.

En regard de ces problèmes, les mères reçoivent de l'aide de la part des services professionnels (34%) et, également, de l'entourage surtout, dans ce dernier cas, lorsqu'il s'agit de la garde des enfants (24%).

C'est par rapport à la catégorie "autres problèmes" que les mères expriment, dans une forte proportion, leur besoin d'aide (82%). Par ailleurs, une bonne proportion a besoin d'aide face aux conflits avec l'ex-conjoint pour le partage des biens et la garde des enfants (30 à 45%).

3)Secteur économique

La majorité des mères manquent d'argent surtout lorsqu'il s'agit de se PAYER DES LOISIRS (92%), mais aussi pour PAYER L'ESSENTIEL (65%). En outre, plusieurs d'entre elles font face à l'ENDETTEMENT (66%). C'est le manque d'argent pour les loisirs et les "petits luxes" qui se présente le plus fréquemment dans la vie de chacune. Cependant le manque d'argent pour l'essentiel et l'endettement se présentent fréquemment pour plus du tiers des femmes qui les vivent.

Les autres problèmes économiques mentionnés sont reliés à des problèmes concrets: le GARDIENNAGE, l'INADÉQUATION DES LOGEMENTS, les COÛTS DE L'ÉDUCATION, l'ABSENCE D'ACTIVITÉS POUR LES ENFANTS, de DIVERTISSEMENT POUR LES MÈRES, de VACANCES FAMILIALES, aussi l'ABSENCE D'ÉCONOMIES, l'IMPOSSIBILITÉ D'EMPRUNTER et l'IMPOSSIBILITÉ D'ACHETER UNE VOITURE (32%). Les problèmes de gardiennage sont cruciaux car ils sont liés à la fois à des besoins essentiels et à ceux dits superflus. Ainsi les mères hésitent à payer une gardienne pour sortir et se distraire alors qu'elles devront en payer une lors des congés scolaires; les comptes en banque sont souvent vides lorsque surviennent les imprévus et l'impossibilité d'arrangements bancaires empêche la création d'entreprises personnelles.

Encore là, l'aide vient principalement du réseau social, lequel est surtout actif quand les mères manquent d'argent tant pour l'essentiel que pour les choses superflues (43%). L'aide des professionnels est négligeable (4%).

C'est par rapport à la catégorie "autres problèmes" qu'une plus grande proportion de mères expriment un besoin d'aide (54 à 73%).

4) Secteur éducation des enfants

Au sujet de l'éducation des enfants, le problème le plus courant est le MANQUE DE TEMPS pour s'occuper d'eux (83%). Ce problème est amplifié, apprenons-nous dans la section "autres problèmes", du fait de l'absence de l'opinion d'autrui sur le développement et le comportement des enfants et sur les décisions prises à cet égard. De plus, une majorité fait face aussi à des problèmes reliés aux COMPORTEMENTS DES ENFANTS (agressivité, indiscipline) (62%) et à des CONFLITS AVEC L'EX- CONJOINT concernant l'éducation des enfants (57%). Enfin des PROBLÈMES SCOLAIRES sont relevés dans une assez bonne proportion (44%). De tous les problèmes, ceux concernant les comportements des enfants sont les plus fréquemment rencontrés dans la vie de chacune.

Parmi les autres problèmes mentionnés par les mères, on retrouve la NON RECONNAISSANCE DE LEURS COMPÉTENCES PARENTALES, les PROBLÈMES ÉMOTIFS DES ENFANTS À L'ENDROIT DE LEUR MÈRE (agitation, possessivité, insécurité affective) et également les PROBLÈMES ÉMOTIFS DES MÈRES À L'ENDROIT DES ENFANTS (autoritarisme, laxisme, impatience, culpabilité) (29%).

Ici, l'aide professionnelle apparaît davantage; elle s'attarde aux problèmes des enfants tant scolaires que comportementaux, de même qu'aux problèmes relationnels des mères à l'endroit des enfants (16%). Le réseau social est aussi actif; son aide porte sur les problèmes comportementaux des enfants et pallie au manque de temps des mères (38%).

Il est à noter que tous les problèmes mentionnés suscitent, pour près de la moitié des mères, un besoin d'aide. Face aux autres problèmes qu'elles ont décrits (dont les problèmes relationnels avec les enfants, l'ex-conjoint, etc), plus de la moitié réclame de l'aide (67%). On voudrait tantôt un appui, tantôt un échange, des conseils, un autre son de cloche ou encore, une relève.

5) Secteur gardiennage

Le problème le plus courant est l'absence de services de GARDE À LA MAISON (75%). Une majorité note aussi des problèmes concernant les HORAIRES et les COÛTS DES GARDERIES (61%), tandis qu'un bon nombre soulève les problèmes du GARDIENNAGE D'APPOINT (49%) et de FIABILITÉ DU GARDIENNAGE (36%). La plupart des mères vivent ces problèmes fréquemment, en particulier le manque de personnes pour garder à la maison et les problèmes d'horaires et de coûts des garderies.

Parmi les autres problèmes vécus, les mères reviennent sur le GARDIENNAGE D'APPOINT, le soir surtout ou à l'occasion d'urgence telle la maladie d'un des enfants (32%). Il est très difficile précisent-elles de trouver des services fiables, disponibles, peu coûteux et adaptés aux horaires de travail. L'on souligne également la présence continuelle d'un sentiment de culpabilité lorsqu'il s'agit de faire garder les enfants.

Encore une fois l'aide reçue provient principalement de l'entourage. Ce soutien concerne surtout la garde à la maison (68%). Toutefois, on peut supposer ici que les mères ne peuvent compter sur la régularité de ce soutien accordé par des membres de la famille ou par des amis-es. Par ailleurs, une majorité de mères qui vivent des problèmes dus aux horaires et aux coûts des garderies ne bénéficient généralement d'aucun soutien social.

La plupart des problèmes de gardiennage suscitent un besoin d'aide (57%). Les besoins d'aide sont particulièrement aigus par rapport aux autres problèmes (dont le gardiennage d'appoint), aux problèmes coûts-horaires des garderies et à ceux de la fiabilité des services de garde.

6)Secteur ménager

Une très grande majorité MANQUE DE TEMPS OU D'ÉNERGIE POUR LE GROS MÉNAGE (90%) et le MÉNAGE HABITUEL (82%). Aussi plusieurs se sentent INCOMPÉTENTES pour effectuer des TRAVAUX dits MASCULINS (77%). Sentiment d'incompétence donc pour faire du bricolage, de la peinture, de la plomberie, de l'électricité, des déménagements. Quelques-unes soulignent les difficultés à faire du ménage en présence d'enfants en bas âge. C'est le manque de temps ou d'énergie pour faire les gros travaux qui se vit le plus fréquemment.

C'est toujours auprès de l'entourage que l'on trouve aide et soutien.(40%). Une bonne majorité des mères expriment un besoin d'aide face aux travaux dits masculins (71%) et en regard des gros travaux ménagers (53%). Finalement une bonne proportion désire de l'aide pour le ménage habituel (44%).

7)Secteur travail

Parmi les mères qui travaillent à l'extérieur du foyer, une bonne majorité est INSATISFAITE DU SALAIRE, des HORAIRES et de la NATURE DU TRAVAIL effectué (75%). D'autre part, la moitié des mères s'inquiètent de la possibilité de TROUVER UN EMPLOI ou de CHANGER D'EMPLOI (50%). Toutes ces difficultés sont vécues dans la majorité des cas quelquefois ou rarement; cependant une bonne proportion des mères éprouvent souvent ou très souvent des insatisfactions face au salaire.

Parmi les autres problèmes reliés au travail, les plus fréquents sont les RETARDS, l'ABSENTÉISME et les CONFLITS D'HORAIRE(38%). L'absentéisme est souvent dû à la maladie des enfants ou à la fatigue des mères. Les retards et les conflits d'horaires sont davantage dus à la difficulté de gérer le temps, par exemple, de coordonner les horaires de travail avec ceux des garderies. Ces conflits se font particulièrement sentir lorsque les mères travaillent le soir, participent à des réunions ou font des heures supplémentaires.

C'est le réseau social qui offre son aide aux mères (32%), surtout pour la recherche d'emploi ou les problèmes d'horaires. L'aide des services professionnels intervient peu (5%).

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Une bonne proportion des mères expriment un besoin d'aide au sujet de la GESTION DU TEMPS (retards, absentéisme, conflits d'horaires) (57%). Les inquiétudes concernant l'emploi, qu'il s'agisse d'en trouver un ou d'en changer, suscitent aussi un besoin d'aide (52%).

8) Secteur social

Une forte majorité des mères signalent le MANQUE DE TEMPS POUR LES LOISIRS (92%) et leur CULPABILITÉ lorsqu'elles en prennent (86%). Près de la moitié d'entre elles vivent ces problèmes très fréquemment. Une grande majorité déplore aussi le MANQUE D'ENDROITS pour sortir avec les enfants (80%). Plus de la moitié déplorent également la perte d'amis-es (63%) et les préjugés sociaux (57%). Les préjugés sociaux les plus répandus sont le rejet par les familles traditionnelles, la croyance en l'incompétence parentale de la mère seule et la discrimination face au logement. Une grande proportion des bénéficiaires de l'aide sociale rencontrent des problèmes avec leur agent-e (41%).

Parmi les autres problèmes sociaux, quelques personnes on noté la DISCRIMINATION de la part des INSTITUTIONS SOCIALES et les DIFFICULTÉS D'INTÉGRATION surtout chez les non-francophones et les immigrantes. A la perte d'amis-es déjà mentionnée, s'ajoute la difficulté de s'en faire de nouveaux à cause du manque de temps et de disponibilité.

En ce qui concerne leurs sorties et loisirs, les femmes peuvent compter sur l'accueil de leur entourage.

C'est d'abord face aux autres problèmes décrits (discrimination de la part des institutions, difficultés d'intégration, etc) que les mères expriment un besoin d'aide (70%). Beaucoup expriment encore un besoin d'aide concernant le manque d'endroits pour sortir avec les enfants, le manque de temps de loisirs, la culpabilité de faire garder et le sentiment d'avoir perdu ses amis-es.

6. CONNAISSANCE DES ASSOCIATIONS DE FAMILLES MONOPARENTALES

Les diverses associations de familles monoparentales, qu'elles soient ou non sous le couvert de la FAFMQ, sont très peu connues par les personnes interrogées. Ainsi 82% sont incapables d'en nommer une, tandis que 12% en connaissent une seule et 7% en connaissent 2 ou 3. Pour la grande majorité, la non participation à une association de familles monoparentales s'explique d'une part par leur manque de connaissances des associations existantes et de leurs activités et, d'autre part, par leurs nombreuses difficultés à trouver le temps de s'engager et l'argent pour un gardiennage adéquat.

7. CONCLUSION

On aura constaté que les résultats de l'étude pointent dans diverses directions selon la variable adoptée: proportion des répondantes qui vivent les problèmes, fréquence des problèmes dans la vie de chacune, aide reçue et besoins d'aide exprimés.

Si on adopte la variable proportion des répondantes qui vivent les problèmes, ce sont les difficultés personnelles qui apparaissent d'abord, particulièrement les CRAINTES FACE AU FUTUR; puis les difficultés ménagères, surtout le MANQUE DE TEMPS- ÉNERGIE POUR LE GROS MÉNAGE et enfin, les problèmes économiques tel le MANQUE D'ARGENT POUR LE NON-ESSENTIEL.

Si on privilégie la variable fréquence des problèmes dans la vie de chacune, c'est le secteur économique qui est prioritaire; apparaît alors un premier recoupement avec la variable précédente quant au MANQUE D'ARGENT POUR LE NON-ESSENTIEL; vient ensuite le secteur ménager avec un deuxième recoupement quant au manque de TEMPS-ÉNERGIE POUR LE GROS MÉNAGE et enfin le secteur du gardiennage avec les problèmes DE GARDE A LA MAISON.

On peut supposer, dès à présent, que ces données sont pertinentes pour orienter les aspects d'un plan d'action visant à répondre adéquatement aux besoins des jeunes familles monoparentales et à fonder de nouvelles associations.

La variable aide reçue est plus difficile à utiliser pour établir les priorités d'un plan d'action. Cependant, on s'aperçoit que l'aide reçue, quels que soient les secteurs de difficultés, vient massivement de l'entourage familial et amical. A l'exception du secteur légal et, dans une moindre mesure du secteur éducation des enfants, l'aide des professionnels est négligeable pour ne pas dire inexistante. Ces données sont de nature à orienter l'action vers la consolidation ou la constitution de réseaux d'entraide.

Finalement, la variable besoins d'aide exprimés révèle une mosaïque de besoins diversifiés. Néanmoins, si on considère tous les recoupements possibles, des lignes de force se dégagent.

Au premier chef, on retrouve les problèmes du secteur personnel. Il  ne faut pas s'en étonner, car plusieurs ont regroupé sous cet item les problèmes des secteurs économique, social et éducation des enfants. Ce qui apparaît avec beaucoup d'insistance, c'est le MANQUE DE TEMPS exprimé en tant que tel, mais aussi par le biais de la surcharge des rôles et de ses corollaires: conflits d'horaires, fatigue physique et mentale, absence de loisirs et difficultés à se faire des amis-es. Puis, s'ajoute à cela la SOLITUDE qui conduit souvent à l'impuissance, et les difficultés relationnelles avec les hommes, tant au plan affectif que sexuel, et avec les enfants.

Après le manque de temps et la solitude, le MANQUE D'ARGENT tant pour l'essentiel: logements adéquats, soins aux enfants; que pour le non-essentiel: divertissements, petits luxes. Plus rarement, on retrouve les problèmes reliés à l'endettement et à l'impossibilité d'emprunter dans les institutions financières.

Viennent ensuite tous les problèmes reliés au GARDIENNAGE: coûts, horaires, fiabilité, disponibilité des garderies, manque de gardiennage à la maison et de garderies d'appoint; et ceux du secteur MENAGER tels le manque de temps-énergie pour le gros ménage et l'incompétence ressentie face aux travaux dits masculins.

Ces informations peuvent, sans aucun doute, inspirer les grandes lignes d'un plan d'action visant à repenser les activités proposées aux participantes.

Il ne fait pas de doute qu'une vision panoramique des données recueillies dans cette étude, une vision incluant les variables proportion, fréquence, besoins d'aide exprimés retient les clés suivantes: ARGENT, TEMPS, ÉMOTIONS. Aider à la gestion du temps, de l'argent et des émotions en offrant des outils pour le faire semble une aide pertinente si l'on considère que gérer veut non seulement dire composer, mais aussi améliorer.

Le tableau suivant se veut une tentative pour rapatrier les problèmes majeurs des mères sous les thèmes: argent, temps, émotions.

Argent Temps                                Émotions

Logements inadéquats        Gros travaux ménagers                Craintes face au futur Coûts de l'éducation           Surcharge des rôles                      Solitude et impuissance Manque de gardiennage      Conflits d'horaires                        Relations aux enfants Endettement                       Absentéisme et retards au travail   Relations aux hommes Impossibilité d'emprunter Fatigue physique et mentale         Image de soi et confiance Manque de loisirs               Manque de loisirs                 Préjugés sociaux Peu de petits luxes             Manque d'amis-es                        Sentiment d'incompétence

Liliane Goulet Septembre 1990