MEMOIRE DE LA

FEDERATION DU QUEBEC POUR LE PLANNING DES NAISSANCES

POUR

L'ETUDE DE L'AVANT-PROJET DE LOI "LOI SUR LES SERVICES DE SANTE ET LES SERVICES SOCIAUX"

Janvier 1990

LISTE DES MEMBRES DE LA COMMISSION PARLEMENTAIRE

  • Présidente:Madame Pauline Marois. PQ (Taillon)
  • Vice-prés.:Monsieur Jean Joly. Lib (Fabre)

  • Monsieur Heinson. PEg (NDG)
  • Monsieur Blaudin. Lib (Gaspé)
  • Madame Boucher-Bacon. Lib (Bourget)
  • Madame Carrier-Perrault. PQ (Chaudière)
  • Monsieur Guy Chevrette. PQ
  • Monsieur Henri Gautrin. Lib. (Verdun)
  • Madame Loiselle. Lib. (St-Henri)
  • Monsieur Marcil. Lib. (Salaberry)
  • Monsieur Paradis. Lib. (Matapédia)
  • Monsieur Philibert. Lib. (Trois-Rivières)
  • Monsieur Tremblay.(Rimouski)
  • Monsieur Trudel . PQ (Abitibi)
  • Madame Vermette. PQ (Marie-Victorin)
  • Monsieur Marc-Yvan Côté. Lib.

MEMOIRE

POUR

L'ETUDE DE L'AVANT-PROJET DE LOI "LOI SUR LES SERVICES DE SANTE ET LES SERVICES SOCIAUX" RESUME

La Fédération du Québec pour le planning des naissances est un organisme communautaire qui représente des groupes autonomes de femmes et d'individues. Nous travaillons dans le domaine de la santé des femmes en général, tout en mettant un accent particulier sur la sexualité et la fécondité.

Notre mémoire sur l'Avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux discute d'abord des objectifs du système de services de santé et de services sociaux en tenant compte de l'absence d'orientation spécifique sur la santé des femmes. Nous exprimons aussi notre vision globale de la santé et du bien-être en contradiction avec l'approche morcelée du gouvernement.

Puis, nous examinons la reconnaissance des organismes communautaires dans l'avant-projet de loi. Nous refusons cette reconnaissance partielle et nous n'admettons pas un partenariat obligé par les considérations financières qui y sont rattachées. De plus, nous demandons au gouvernement de prévoir des mécanismes d'accès directs avec le ministère de la Santé et des Services sociaux pour les organismes communautaires.

Ensuite,  nous   analysonslefonctionnement  des régies

régionales en regard  des  relations etobligations   du secteur

communautaire  enverscelles-ci.  Nous  dénonçons la  fausse décentralisation des pouvoirs.

Finalement, nous préconisons un financement des organismes communautaires sur la base de subventions directement allouées par le ministère, sans qu'il y ait distinction entre les types de services offerts. De plus, nous refusons l'absence de subven­tions aux regroupements d'organismes communautaires.

Nous regroupons en dernier lieu de ce mémoire 17 recommanda­tions primordiales pour que l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux soit acceptable pour notre organisme communautaire.

JANVIER 1990

2540 rue Sherbrooke est, bureau 1, Montréal, Québec, H2K 1E9

Téléphone: (514) 522-6511

MEMOIRE

DE LA

FEDERATION DU QUEBEC POUR LE PLANNING DES NAISSANCES

POUR

L'ETUDE DE L'AVANT-PROJET DE LOI

"LOI SUR LES SERVICES DE SANTE

ET LES SERVICES SOCIAUX"

JANVIER 1990

TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES

  • INTRODUCTION
  • CHAPITRE  I  Qui sommes-nous?
  • CHAPITRE II  Les objectifs du système de services de santé et de services sociaux
  • CHAPITRE III  Les organismes communautaires et le partenariat
  • CHAPITRE  IV Les régies régionales et le secteur communautaire
  •  CHAPITRE V Le financement et l'évaluation des organismes communautaires
  • CONCLUSION
  • BIBLIOGRAPHIE     

    INTRODUCTION

    Avec le dépôt de l'avant-projet de loi, "prenaient fin cinq années du suspense. Cinq années de recherches, de réflexions, de consultations, de discussions, de négociations, de pressions qui avaient mobilisé à peu près tout ce qui grouille, et tout ce qui grenouille dans le domaine de la santé et des services sociaux au Québec."1

    Cinq longues années, mais seulement quelques semaines pour le mouvement communautaire pour réagir, analyser, discuter avec ses membres de cet avant-projet de loi! Le gouvernement ne saisit pas bien l'importance, l'énergie et le temps que cette consultation des membres suppose, surtout quand ce travail cohabite avec le désir de chacune de festoyer avec ses proches, sa famille et sa communauté pour les fêtes de la Noël et du premier de l'an!

    Hormis l'universalité des soins, cet avant-projet de loi change toutes les définitions, tous les objectifs de santé, tous les rapports entre les partenaires des services de santé et des services sociaux. Nous, de la Fédération du Québec pour le planning des naissances, ne pouvons donc laisser faire et accepter sans mot dire les impacts négatifs de ces règlements sur notre organisation, sur notre autonomie et sur nos services aux femmes.

    Ainsi par ce mémoire, nous expliquons ce que nous sommes, la composition de notre organisme, nos objectifs de santé, nos services et notre engagement social. Puis, nous examinons les objectifs du système de services de santé et de services sociaux tels que régis par l'avant-projet de loi et expliqués dans le document: Pour améliorer la santé et le bien-être au Québec: Orientations, en regard de nos propres objectifs de santé et de bien-être.

    Par la suite, nous traitons de la reconnaissance des organismes communautaires par l'avant-projet de loi et nous examinons notre participation au système des services de santé et des services sociaux.

    1    Lorraine Godard, Pour améliorer la santé et le bien-être des  femmes et  des  groupes de femmes?   Une analyse des orientations gouvernementales  en matière  de santé et de services sociaux, page 1.

    A l'avant-dernier chapitre, nous analysons les rapports et les obligations du secteur communautaire avec les toutes der­nières-nées du système: les régies régionales.

    Pour terminer ce mémoire, nous examinons au dernier chapitre le financement des organismes communautaires tel que prescrit par l'avant-projet de loi.

    En conclusion, nous regroupons nos recommandations sur l'avant-projet de loi, car il est clair, pour nous, que nous ne pouvons cautionner telle quelle cette grande illusion de décen­tralisation du pouvoir et cette récupération-institutionnalisa­tion des organismes communautaires.

    CHAPITRE I Qui sommes-nous?

    La Fédération du Québec pour le planning des naissances est un regroupement féministe de groupes autonomes de femmes et d'individues. Nous travaillons dans le domaine de la santé des femmes en général, tout en mettant un accent particulier sur la sexualité et la fécondité qui pour nous se situent au coeur de la santé des femmes. Très peu de questions touchent les femmes d'aussi près comme individues et jouent un rôle aussi déterminant pour les femmes comme groupe social.

    Nous définissons la santé comme un état de bien-être physique et mental influencé par les conditions sociales, économiques, politiques et environnementales.

    Nos grandes préoccupations sont: la prise en charge et l'autonomie des femmes par rapport à leur santé, la démédicalisa­tion, l'auto-santé, la solidarité et la concertation des femmes.

    En liens étroits avec des groupes de femmes, le but de notre travail d'analyse et de recherche est d'aboutir à des actions et à des pressions dont l'impact social et politique favorisera l'autonomie des femmes et le respect de leurs droits. Nous travaillons donc à une amélioration de la qualité de vie et de la santé des femmes.

    Nous sommes membre, entre autres, de la Coalition des organismes communautaires du Québec (COCQ) et de Relais Femmes.

    La Fédération du Québec pour le planning des naissances est une des seules organisations non gouvernementales d'envergure provinciale à promouvoir:

    l'accès universel et gratuit  à une  information critique et fiable;

    la  liberté  de choix  dans  lesdécisions concernant  la grossesse;

    le consentement éclairédes  individus  faceaux décisions concernant leur propre fécondité;

    - des services accessibles de façon à ce que chaque personne puisse se prévaloir de l'information, de la connaissance et des compétences qui l'aideront à prendre des décisions éclairées et à assumer la responsabilité de sa santé sexuelle et de sa planification des naissances.

    Nous offrons des services de publication, d'information et de référence. De plus, notre participation aux forum, tables de concertation, enquêtes gouvernementales, conférences, débats télévisés permet de sensibiliser et d'informer les groupes et individus-es sur des dossiers tels: les nouvelles technologies de reproduction humaine; l'avortement; la contraception; l'auto-santé des femmes; la ménopause; l'éducation sexuelle. D'ail­leurs, la plupart des groupes, établissements et individus-es, qu'ils travaillent en santé et bien-être ou dans des domaines connexes, reconnaissent notre expertise.

    En raison du contrôle de plus en plus évident de la fécon­dité des femmes par la science, la médecine, la loi et le gouvernement, nous devons poursuivre notre travail de réflexion critique, de pressions et d'actions. C'est pourquoi nos membres nous ont demandé de rédiger ce mémoire qui situe notre désaccord quant à la définition morcelée de la santé et du bien-être, définition inscrite dans les objectifs des orientations et dans les articles de l'avant-projet de Loi sur les services de santé et les services sociaux. Ce mémoire présente aussi les impacts négatifs de l'avant-projet de loi sur le fonctionnement, le financement et l'autonomie de notre organisme, donc sur son efficacité.

    CHAPITRE  II LES OBJECTIFS  DU  SYSTEME DE  SERVICES DE SANTE ET DE SERVICES SOCIAUX

    Les objectifs du système de services de santé et de services sociaux de l'avant-projet de loi traduisent l'ensemble des préoccupations et des priorités du gouvernement pour améliorer la capacité physique, psychique et sociale des personnes d'agir dans leur milieu et l'accomplissement des rôles que ces mêmes person­nes entendent assumer d'une manière acceptable pour elles-mêmes et pour les groupes dont elles font partie.

    Dans un premier temps, nous tenons à requestionner la notion de rôle, qu'elle s'applique à la personne, à la communauté, aux proches ou à la famille. A qui prioritairement le gouvernement pense-t-il lorsqu'il interpelle ce milieu naturel? Il vise directement la famille, puisque les documents précités mention­nent que le premier réseau naturel à renforcer c'est la famille. Or, nous sommes convaincues que c'est aux femmes indirectement que le gouvernement adresse cette "mission"! Nous nous deman­dons , quand un gouvernement responsable pourra considérer une fois pour toutes que les tendances sociales actuelles ne se résument plus en la famille nucléaire traditionnelle? Il serait grand temps que l'Etat effectue une lecture de la réalité contemporaine telle qu'elle est et qu'ainsi il compose avec ces éléments. Nous serions enfin devant des orientations pertinentes et percutantes, plutôt que de nous retrouver devant le renforce­ment, sans cesse formulé, de "l'idéal" familial version 19501

    Par sa planification technocratique, le gouvernement amorce un certain virage puisqu'il propose de substituer aux objectifs de services, des objectifs orientés vers la réduction des problèmes de santé et des problèmes sociaux. Cependant, nous pensons que la réduction des problèmes comme objectif signifie un piège quantitatif et réducteur de la santé et du bien-être des Québécois et Québécoises. Nous refusons cette approche morcelée de la personne, approche qui détermine l'orientation vers l'aspect malade, clinique donc curatif des interventions. Nous préconisons et ce, depuis toujours, que les interventions auprès des femmes soient situées dans une perspective globale et intégrées aux contextes social, économique, politique et envi­ronnemental dans lesquels elles vivent.

    Même si nous sommes totalement en désaccord avec le morcel­lement de la personne en une multitude d'objectifs quantifiables à atteindre dans une perspective de diminution des problèmes de la santé et du bien-être, nous avons examiné les sous-objectifs présentés dans le document Pour améliorer la santé et le bien-être au Québec; Orientations. Connaître les priorités du gouvernement en cette matière permet de saisir où se situent ou ne se situent pas nos propres orientations dans cette "échelle" d'objectifs à atteindre!

    Nous examinerons les aspects plus spécifiques concernant la santé en regard de la sexualité et de la fécondité des femmes.

    Nous constatons d'abord, tout comme le Conseil du statut de la femme, l'absence d'orientation spécifique sur la santé des femmes, bien que: "il est reconnu qu'elles (les femmes) vivent des problèmes de santé inhérents à leur condition même de femmes et qu'elles représentent une partie importante de la clientèle des services de santé." 2

    De plus, que penser comme groupe de femmes travaillant à l'objectif d'un CHOIX ECLAIRE en matière de planification des naissances, de l'abstraction presque complète de priorités concernant la sexualité et la fécondité? Hormis des sous-objec­tifs concernant majoritairement la santé des futures mères et ceux traitant des maladies transmises sexuellement et du SIDA, les priorités sur la santé reproductrice des femmes brillent par leur absence!

    Le concept de réduction des problèmes amène aussi avec lui des objectifs quantifiables à atteindre, des programmes-cadres et des groupes-cibles et/ou groupes à risques. Nous nous retrouvons devant une nette prépondérance vers les groupes de femmes en difficulté. Or, dans le domaine de la planification des naissan­ces, et en regard des dossiers de l'heure (contraception, auto­santé, avortement, fécondité, nouvelles technologies de la reproduction humaine), nous certifions que ces aspects touchent toutes les femmes, qu'elles soient en difficulté ou non.

    2 Conseil du statut de la femme, Commentaires et propositions sur les orientations du ministère de la Santé et des Services sociaux pour améliorer la santé et le bien-être au Québec, page 7.

    Encore ici, le gouvernement définit un des aspects de la prévention comme "une approche axée sur les personnes les plus exposées". 3 Or selon nous, toutes les femmes sont exposées à devoir faire un choix éclairé en matière de planification des naissances et de santé reproductrice. Malheureusement, dans l'esprit du document d'orientations et de l'avant-projet de loi, la capacité de reproduction spécifique des femmes c'est-à-dire la grossesse et l'accouchement, les transforme en groupe à risques ayant des problèmes qui lui sont propres, dont la soumission à la médecine et évidemment essentielle. Pour nous, il s'agit plutôt d'admettre que la capacité de reproduction spécifique des femmes engendre des situations de vie, de santé et de bien-être diffé­rentes de celles des hommes.

    Nous pensons d'ailleurs que l'intervention presque exclusive­ment auprès des groupes à risques signifie moins de prévenir que de vouloir contrôler la propagation du "mal". Les causes et les déterminants, qu'ils soient d'ordre économique, social, environ­nemental ou autres, sont donc relégués au second plan et l'action se concentre alors sur les victimes désignées: la personne placée au coeur du système. Ainsi, ce concept de groupes-cibles s'accole parfaitement à la conception gouvernementale de la prévention réduite à la transformation de comportements indivi­duels: on pense éliminer les effets alors que les causes restent inchangées.

    L'approche individuelle est certes nécessaire, mais nous nous devons, par exemple en planning des naissances, de prévenir toutes les femmes des effets sur leur santé et leur bien-être: de la surmédicalisation des interventions; des retombées des multiples problèmes reliés à l'utilisation des méthodes contra­ceptives; des impacts possibles des nouvelles technologies de la reproduction humaine sur la reproduction humaine, en particulier sur les droits des femmes; des changements dus à la ménopause et des approches alternatives aux thérapies médicales; des causes de l'infertilité et des façons d'améliorer sa fertilité.

    Il ne s'agit pas ici d'attribuer une partie des problèmes à quelques habitudes de vie malsaines, à prôner presque exclusive­ment quelques changements individuels de comportement; il s'agit de considérer les femmes comme un groupe partageant une identité et une réalité groupale, non pas de s'acharner à les considérer

    3 Gouvernement du Québec, ministère de la Santé et des Services sociaux, Pour améliorer la santé et le bien-être au Québec: Orientations, page 18.

    comme  un  groupe  àrisques  ou à les diviser en groupes-cibles suivant les problèmes qui les assaillent.

    De plus, l'objectif de réduction des problèmes de santé et de bien-être nous laisse un arrière-goût amer d'une tendance nettement plus accentuée vers les services curatifs, plutôt que vers les services de prévention et de promotion. Certes, dans la vision gouvernementale il y a un souci de prévention, mais la prévention-promotion demeure encore le "parent pauvre" de cette politique de santé. La prévention-promotion favorise, chez la personne, un choix éclairé; ce choix est basé sur son projet de vie et exige une information critique et une connaissance de ses propres valeurs.

    Par conséquent, les groupes communautaires dont les princi­pales activités sont liées à la prévention-promotion risquent d'être rapidement confrontés à un financement (déjà maigre!) diminué. Nous reviendrons plus loin sur l'aspect du financement.

    Bref, nous pensons que l'objectif louable du gouvernement en vue de l'amélioration de la santé des femmes, doit être un objectif global avec une signification de santé et de bien-être pour toutes les femmes, plutôt qu'une orientation prépondérante des interventions vers les femmes en difficulté.

    En fonction des aspects énumérés précédemment,  nous demandons au gouvernement d'examiner sérieusement les possibilités suivantes:

    • de concevoir  les  servicesà  la  personne  d'une manière globale plutôt que par  l'atteinte d'objectifs quantifiables qui visent une rentabilité à échéance fixe;
    • de  fonder,  dedévelopper  et d'accentuer le souci de pré­ vention, et des services  s'y  rattachant,en  fonction des causes structurelles des problèmes de santé et de bien-être, et non uniquement en fonction des effets reliés aux causes;
    • d'abolir  le  conceptde  programme-cadre  associéà des groupes-cibles ou  groupes à  risques au profit de la notion de réalité groupale qui englobe l'ensemble des causes et des conditions, ainsi  que leurs effets, reliés à la santé et au bien-être;
    • de reconnaître dans ses objectifs et  ses moyensla réalité et les besoins particuliers des femmes;
    • d'intégrer à ses objectifs et moyens des priorités axées sur la santé sexuelle et la santé reproductrice des femmes.
    • CHAPITRE  III LES ORGANISMES COMMUNAUTAIRES ET LE PARTENARIAT

      Par son avant-projet de loi, le gouvernement accorde enfin une reconnaissance officielle aux organismes communautaires. L'Etat admet qu'il n'est pas en mesure d'assumer seul toutes les tâches nécessaires au bien-être de la population et, du même souffle, reconnaît le mérite et l'apport indispensable du mouvement communautaire. Pour la première fois, le gouvernement intègre cette reconnaissance dans un article de loi (article 229) .

      Lors de la publication des orientations, la condition la plus intéressante par rapport à cette reconnaissance était celle stipulant que les organismes communautaires "définissent libre­ment leurs orientations, leurs politiques et leurs approches." 4

      Que faut-il penser de "l'oubli" de ces conditions essentiel­les qui font la force du communautaire? Qu'en sera-t-il de son dynamisme, de sa créativité, des réponses adéquates aux besoins exprimés, de sa souplesse, de la participation du milieu, de l'identification rapide de "problématiques" nouvelles, de son autonomie? Bref, qu'en sera-t-il de sa nature même qui est d'être proche de ses membres et de pouvoir ainsi intervenir rapidement et efficacement sans être à la remorque des cadres et structures rigides imposés par le pouvoir central ou régional?

      Le gouvernement doit comprendre que le mouvement communau­taire n'est pas prêt à payer aussi chèrement une reconnaissance légale incomplète, qui nie totalement son essence même et qui, finalement, le récupère ou l'institutionnalise, ne respectant pas ce qu'il est ni ce qu'il représente. Il est vital et primordial pour les groupes communautaires et pour le gouvernement que les critères de reconnaissance des organismes communautaires, indiquant que ceux-ci définissent librement leurs orientations, leurs politiques et leurs approches, soient inscrits de nouveau dans le projet de loi, tels qu'ils l'étaient lors de la rédaction des orientations.

      4 Gouvernement du Québec, ministère de la Santé et des Services sociaux, Pour améliorer la santé et le bien-être au Québec; Orientations, page 82.

      Tout en "oubliant" ces conditions vitales pour le mouvement communautaire, le gouvernement accompagne la reconnaissance officielle d'une "invitation" formelle, d'une quasi directive à participer pour les groupes communautaires à la réalisation des objectifs de santé et de bien-être déterminés par le pouvoir central (c'est-à-dire par lui) et transposés, pondérés par le pouvoir régional (c'est-à-dire les régies régionales). Cette "participation" obligatoire s'imbrique pour le gouvernement dans ce qu'il nomme le partenariat.

      Entendons-nous bien, nous tenons à un partenariat équitable et volontaire pour tous les partenaires comprenant bien sûr le pouvoir central, c'est-à-dire, le ministère de la Santé et des Services sociaux. N'avons-nous pas constamment déploré, tout comme les autres groupes communautaires, l'hégémonie du réseau public?

      Nous sommes contre l'apparente élasticité du gouvernement (lire souplesse) envers le communautaire. Il faut voir les limites, les contraintes, les incitations à rendre le communau­taire semblable au réseau et ce, en échange d'un financement supposé adéquat. Nous reviendrons ultérieurement sur l'analyse du financement pour les organismes communautaires tel que définit par l'avant-projet de loi.

      Ainsi, le gouvernement s'empresse de définir le cadre général dans lequel ce partenariat devra s'exercer. Ce cadre sera sous la responsabilité directe des dernières-nées: les régies régionales.

      Malgré le fait que le gouvernement se réserve la totalité des pouvoirs sur la décision des objectifs prioritaires, et donc des programmes en santé et bien-être, aucun mécanisme n'est prévu pour qu'il y ait contacts, échanges et négociations directs avec le ministère. En fait, nous pensons que les organismes communau­taires sont volontairement écartés de l'accès au pouvoir central et qu'ils n'auront donc pas ou peu de moyens de se faire entendre sur ces choix et ces objectifs en matière de santé et de bien-être. Il s'agit là d'une erreur inéquitable et regrettable pour chacun des partenaires du système de santé et de bien-être.

      Ainsi notre expertise dans nos champs d'action respectifs ne pourra être mise à contribution pour améliorer la santé et le bien-être des Québécoises et Québécois. Le gouvernement se prive donc, et prive par le fait même, la population des informations et analyses que nous sommes à même de lui fournir, analyses découlant d'une pratique collée au quotidien et au vécu de ses membres.

      Nous, à la Fédération du Québec pour le planning des naissances, avons depuis toujours participé aux enquêtes gouver­nementales, tables de concertation, forum, colloques, conférences convoqués par le gouvernement ou par ses établissements. Cette participation sur des thèmes tels les nouvelles technologies de la reproduction humaine, l'avortement, la ménopause, le dévelop­pement des méthodes contraceptives, les aspects éthiques et légaux de quelques unes de ces problématiques, démontre que notre expertise est reconnue et sollicitée. Il serait déplorable pour la santé et le bien-être de la population que le gouvernement n'en tienne plus compte.

      Le gouvernement propose une décentralisation des pouvoirs, en préconisant l'élargissement des ramifications des structures à de nouveaux paliers, les régies régionales. Nous analyserons ce nouveau palier au prochain chapitre, ainsi que ses impacts sur les organismes communautaires et sur la participation des citoyens-nés à la gestion et à l'orientation du système des services de santé et des services sociaux.

      En  regard  denotre  analyse  concernantle  partenariat, nous demandons au gouvernement:

      • d'inclure à  la définition  des  organismes communautaires, article 229,  la condition indiquant que ceux-ci définissent librement  leurs  orientations,  leurs  politiques  et leurs approches, tel  qu'inscrit dans le document sur les orienta­ tions;
      • que le partenariat soit volontaire et égalitaire pour chacun des partenaires et non pas encadré et quasi obligatoire pour les organismes communautaires;
      • de reviser l'absence de liens avec le ministère  de la Santé et des  Services sociaux  et d'établir  un mécanisme d'accès direct auprès du ministère  pour  les organismes communaut­ aires .

      CHAPITRE  IV LES REGIES REGIONALES ET LE SECTEUR COMMUNAUTAIRE

      L'avant-projet de loi définit en ses articles 234 à 254, la toute dernière-née des structures de gestion gouvernementale la régie régionale. Le gouvernement y voit l'actualisation de la décentralisation du pouvoir tant attendue par les groupes communautaires.

      Selon nous, il s'agit plutôt d'une multiplication des structures de pouvoir qui demeurent de toute façon redevables à l'instance décisionnelle et centrale, le ministère. Ainsi, selon les orientations et l'avant-projet de loi, il est clair que le ministère demeure le grand maître d'oeuvre. Il a comme mandat de déterminer les grandes orientations du système, d'assurer le partage des ressources financières entre les régions et d'évaluer l'efficacité de tout l'appareil. Les régies régionales sont, quant à elles, les exécutrices de tout ce qui a été décidé en haut.

      Dans ce contexte, on peut prévoir que les bénévoles ou permanentes des groupes communautaires seront contraintes de faire un double travail de pression politique! Que fera le ministère, lorsque les partenaires d'une région (que ce soit du domaine public, privé ou communautaire) se diviseront sur des questions de programmation, de budgets, de pouvoir? Il s'en lavera probablement les mains en retournant tous ces "constesta-taires" refaire leurs devoirs et régler leurs "petits" problèmes en région. D'ailleurs, l'avant-projet de loi ne prévoit aucun mécanisme d'arbitrage, de médiation ou d'appel.

      Une fois que les priorités sont établies par le ministère, les régies régionales doivent: régionaliser ces grandes orienta­tions; assurer des fonctions de coordination et de concertation; établir toute la programmation régionale, toujours en conformité avec les orientations, les priorités et les programmes gouverne­mentaux; distribuer les budgets aux établissements et les subventions aux organismes, toujours sur la base du cadre établi par le ministère; faire travailler ensemble les partenaires du système, en favorisant l'établissement de liens plus étroits entre les secteurs public, communautaire et privé en vue d'utili­ser de façon plus efficace les ressources de la région; évaluer la performance, l'efficacité et l'appréciation de la qualité des services offerts; faire la promotion de la participation des citoyens-nés à une séance d'information par année; traiter les

      plaintes des bénéficiaires. Selon nous, les régies régionales ne seront que les gestionnaires des décisions prises par le ministè­re. La fausse impression de décentralisation vient probablement du fait que le mandat des régies semble couvrir à peu près tous les aspects de gestion et d'organisation du système régional de santé et des services sociaux. Il ne faut cependant pas oublier que toutes les priorités, les orientations sont décidées par le pouvoir central, le gouvernement, et ce, sans aucune véritable consultation de la base.

      Les rapports du communautaire avec la régie régionale sont omniprésents et règlent le quotidien des organismes. Ecartés de l'accès au pouvoir central, les organismes communautaires devront s'impliquer activement au niveau régional. Nous pensons, suite à l'examen des attributions de la régie régionale, que le projet de loi implique une relation obligée entre cette instance et les groupes communautaires, puisque des questions de "sous" déguisent et déforment cette relation. Nous reviendrons plus en détail sur le financement des organismes communautaires.

      L'avant-projet de loi détermine la composition des diffé­rents conseils d'administration et du collège régional. Celui-ci a comme mandat d'élire les membres du conseil d'administration de la régie régionale; d'approuver la liste des priorités régionales que lui soumet la régie; d'approuver le rapport annuel de la régie régionale. Il semble qu'en fait le collège régional ne serve que de courroie de transmission.

      La première lecture de ces articles (articles 260 à 275 pour les régies régionales, article 278 pour le collège régional) peut favoriser l'interprétation d'une ouverture des systèmes de gestion à la population en général, ainsi qu'aux groupes commu­nautaires. Cependant, suite à une analyse plus approfondie des articles traitant de la composition du conseil d'administration de la régie régionale, nous constatons que ce sont les représen-tants-es des conseils d'administration des établissements du réseau qui détiennent la majorité des postes (les autres postes étant répartis entre plusieurs types de représentants-es). Nous ne pouvons nier les éventuels rapports de force que cela suppose: les gros établissements versus les petits; les secteurs socio-économiques et les établissements versus les représentants-es du milieu communautaire et ainsi de suite.

      Le secteur communautaire occupe une portion restreinte de pouvoir au niveau régional, passant du quart des représentants-es pour le collège régional à 13% à peine pour le conseil d'adminis­tration de la régie régionale et à 0% au niveau du ministère.

      Malgré la reconnaissance officielle mais partielle, comme nous l'avons déjà démontré, des organismes communautaires dans le texte de l'avant-projet de loi, nous constatons que la proportion des représentants-es du secteur communautaire rétrécit au fur et à mesure que nous nous rapprochons des centres de décision.

      De plus, nous sommes totalement contre le fait que les travailleuses du réseau et les permanentes du communautaire soient complètement absentes de toutes structures de pouvoir décisionnel. Nous retrouvons ces travailleurs-ses uniquement aux représentations à divers comités consultatifs auprès de la direction des établissements. Cette pratique va à l'encontre de notre pratique communautaire. Comme nous avons déjà beaucoup de difficultés comme permanentes à maintenir la somme d'énergie et de travail nécessaires pour mener à bien l'ensemble des dossiers de gestion et d'organisation, nous nous demandons comment, des personnes bénévoles pourront le faire. Entendons-nous bien, il ne s'agit pas ici de douter de leurs capacités pour réaliser cet énorme travail, mais bien de tenir compte des limites liées au temps, à l'énergie, aux structures même qui ne rendent pas toujours ce travail des plus passionnants et qui laissent l'impression désagréable d'une illusion de pouvoir!

      Même s'il est vrai que les organismes communautaires ont accès au conseil d'administration des régies régionales par une représentation de 13% des sièges, nous devons signaler que ces représentants-es feront face à l'hégémonie des établissements dont les représentants-es occupent près de la moitié des sièges, les autres appartenant à des représentations diverses. Nous pensons qu'il serait illusoire d'imaginer que seule cette participation du communautaire à cette instance exécutrice des mandats gouvernementaux, pourra faire pencher la balance en faveur du communautaire dans la gestion des nombreux dossiers. Ces "nouvelles instances de pouvoir" ne peuvent à elles seules réussir à cacher et à diminuer l'existence des rapports de force souvent inégalitaires entre les organismes communautaires et les établissements du réseau, ou encore entre le secteur communau­taire et certains secteurs socio-économiques d'une région donnée.

      Nous refusons en dernier lieu, de nous faire imposer une "mission de complémentarité" selon des normes édictées par la régie régionale. En effet, selon l'article 244, cette instance verra à ce que les établissements et les organismes communautai­res collaborent et se concertent en vue d'assurer une utilisation rationnelle et une répartition équitable des ressources lesquel­les tiendront compte de la complémentarité des établissements et des organismes, élimineront entre eux les dédoublements et permettront la mise en place de services communs. Sur la base de

      quelles normes la régie régionale décidera-t-elle que l'organisme régional pro-vie est signifïcativement plus représentatif que notre collectif de femmes qui lui est pro-choix? Sur quels critères la régie régionale tranchera-t-elle entre un CLSC offrant des services de consultations en contraception pour une "clientèle à risques" telle que les jeunes et un de nos collec­tifs de femmes qui, lui, offre le même service à l'ensemble de la population féminine de sa région?

      D'ailleurs, le retrait de support financier à certains groupes communautaires comme le nôtre peut vouloir dire une perte d'outils pour les établissements. Ceux-ci ont souvent besoin des dépliants et productions réalisés par les organismes communautai­res. Par exemple, la Fédération du Québec pour le planning des naissances est la seule au Québec à produire des dépliants sur l'ensemble des méthodes contraceptives.

      En regard de tout ce que nous avons exposé et exprimé concernant les organismes communautaires et la régie régionale, nous demandons au gouvernement de retourner faire ses devoirs, principalement sur les aspects suivants:

      • faire en sorte queles  organismes  communautaires puissent conserver  leur  autonomie d'orientation, d'organisation, de fonctionnement et de services;
      • d'établir  à  courtterme  un  lieu dedécision national concernant  lesorientations  où les groupes communautaires jouiraient d'une participation égalitaire;
      • que les représentants-es des divers partenaires à ce lieu de décision  national   soientchoisis   selon  lesprocessus démocratiques des groupes qu'ils représentent;
      • examiner à moyen termeles possibilités  d'une vraie décen­ tralisation du pouvoir, basée sur celle du Rapport Rochon.

      CHAPITRE  V LE FINANCEMENT ET L'EVALUATION DES ORGANISMES COMMUNAUTAIRES

      A.   Le financement des organismes communautaires

      Nous tenons à expliquer les répercussions négatives du type de financement prévu aux articles 230 et 231 de l'avant-projet de loi sur notre propre organisme et sur nos collectifs-membres. Encore faut-il que vous acceptiez que, comme regroupement provincial, nos collectifs nous aient demandé de les représenter par ce mémoire. Considérant le peu de respect et même la négation des regroupements provinciaux par le gouvernement, le doute s'installe en nous!

      Les organismes communautaires devront se soumettre à des critères précis de financement. Le gouvernement prévoit une possibilité de financement sur une base triennale, dont le montant sera déterminé par la régie régionale. L'article 230 indique en effet que la régie régionale peut subventionner; elle n'a donc aucune obligation de le faire. Les critères de finance­ment sont déterminés par l'article 230 de l'avant-projet de loi. Le document d'orientation précise encore davantage les conditions d'accès au financement. Celles-ci ne figurent pas dans l'avant-projet de loi, mais nous sommes convaincues qu'elles indiqueront clairement aux régies régionales la réglementation qu'elles seront obligées d'appliquer.

      Ainsi, les organismes communautaires voulant intervenir dans des secteurs d'activités autres que celui de la santé et des services sociaux en ont l'entière liberté, mais ils devront alors adresser leur demande de subventions à toutes les instances concernées. Nous ne comprenons pas tellement bien alors comment l'avant-projet de loi peut stipuler, à l'article 230, alinéa 1, qu'un organisme communautaire peut être subventionné si ses activités sont reliées même indirectement au domaine de la santé et des services sociaux. Y a-t-il une différence pour le gouvernement entre des secteurs d'activités autres que celui de la santé et des services sociaux, par ailleurs très certainement connexes à ce même secteur, et des activités reliées même indirectement au domaine de la santé et des services sociaux? Si oui, nous aimerions bien connaître cette différence! Est-ce que le gouvernement a peur que les groupes communautaires s'éparpil­lent aux quatre vents et "gaspillent" ainsi les subventions du ministère de la Santé et des Services sociaux? Comme nous considérons notre intervention dans une perspective globale de la personne, oui, il se peut que le gouvernement considère que nous

      gaspillons ses précieuses subventions en travaillant à des "activités" autres qu'exclusivement reliées à la santé et au bien-être, mais par ailleurs toujours directement ou indirecte­ment reliées à ce domaine.

      Il ne faut pas oublier de plus que pour le gouvernement le financement sera nécessairement en liens directs avec les objectifs morcelés de réduction des problèmes de santé et sociaux; il y a donc très peu d'espoir pour que les groupes communautaires travaillant avec une approche globale de la personne soient subventionnés.

      En page 83 du document Pour améliorer la santé et le bien-être au Québec; Orientations, le gouvernement stipule que les organismes communautaires devront démontrer leur allégeance à leur communauté ou encore leur enracinement. Pour ce faire, les organismes devront profiter du soutien de leur communauté sous la forme d'une participation financière. Presque comme une "fleur", on indique qu'il ne revient pas au ministère de fixer les règles ou de déterminer l'ampleur du soutien attendu. Le raisonnement du gouvernement est clair, même si boiteux! Ainsi, si la communauté ne nous soutient pas financièrement, nous sommes incapables de prouver notre enracinement dans cette même commu­nauté! Nous aimerions bien connaître les fondements d'une telle argumentation. Pourquoi le gouvernement voudrait-il une autre caution par la communauté que celle des assemblées générales décisionnelles composées des membres?

      Il est prévu que l'enveloppe budgétaire par programme sera établie à partir des montants jusqu'à maintenant versés aux organismes communautaires et aux ressources du réseau. Il ne s'agit donc pas pour le gouvernement d'injecter de "l'argent neuf", mais de mettre en commun des fonds provenant de postes budgétaires distinctifs. Est-ce à dire que les régies régionales veilleront dans leur partage de l'argent à préserver les ressour­ces initialement financées? Nous ne le pensons pas, car rien n'oblige les régies à reconduire les budgets déjà alloués aux groupes communautaires.

      Cette enveloppe budgétaire par programme suppose qu'un groupe refusant ce morcellement des services ne sera pas subven­tionné. Ce fonctionnement suppose aussi qu'un groupe travaillant sur plusieurs programmes distincts devra faire des demandes de subventions à l'intérieur d'autant de programmes.

      Le travail de recherche, d'analyse, de formation et d'action des regroupements provinciaux est essentiel à la qualité des services et des diverses interventions de ses groupes membres. Les regroupements contribuent également à la sensibilisation de la population et de l'ensemble du gouvernement aux conditions de vie des Québécoises et Québécois. La Fédération du Québec pour le planning des naissances produit des dossiers et des dépliants concernant la santé reproductrice des femmes; ces documents d'information et d'éducation sont largement utilisés et diffusés par les établissements publics. Le gouvernement doit reconnaître toutes ces contributions majeures à l'amélioration de la qualité de vie par un financement adéquat des regroupements provinciaux.

      Notre organisme est un regroupement de groupes autonomes de femmes et d'individues. Dans quelle définition, le gouvernement nous insèrera-t-il? Devrons-nous, d'une part, être subventionnés par nos associations membres et, d'autre part, par le gouverne­ment pour la partie de nos activités s'occupant de la défense des droits pour l'ensemble du Québec? Ou encore, devrons-nous chercher des subventions régionales pour nos activités correspon­dant au service d'information et de références? Peut-être nous faudra-t-il demander un financement à notre régie pour la réalisation de nos activités de promotion, de sensibilisation et de défense des droits au niveau de la région métropolitaine? Et dans tous les cas fort probables de l'apparition d'une nouvelle "problématique" en planning des naissances, devrons-nous demander de l'argent au ministère sur "le tout petit peu" qui lui restera pour les "nouveaux problèmes"?

      Pour nos collectifs qui défendent des dossiers autant de portée régionale que nationale, qui offrent des services d'éduca­tion, d'information et de références, que seront les règles pour obtenir un financement, à quelles instances devront-ils s'adres­ser? Dans le cas probable de l'émergence d'un "nouveau problème" de portée strictement régionale, à qui nos collectifs devront-ils alors s'adresser pour obtenir un financement?

      Autant de questions qui demeurent sans réponse parce que le cadre du financement proposé par le gouvernement dans l'avant-projet de loi ne peut répondre aux différences de fonctionnement, ni à la diversité des groupes communautaires.

      Suite à notre analyse du financement  des groupes communautaires prévu dans l'avant-projet de loi:

      • nous exigeons une révision complète de l'article 231, sur le refus du gouvernement de financer lesregroupements provin­ ciaux; nous  exigeons un  financement pour les regroupements d'organismes  communautaires  surla  même  baseque celle demandée ci-dessous pour les groupes communautaires;
      • nousdemandons  au gouvernement  definancer  les groupes communautaires  surla  base   desubventions  directement allouées par  le ministère,  sans faire de distinction entre les types de services, puisque dans la majorité des cas, les organismes  communautaires  travaillent  à  lafois sur des interventions  directes  etsur  des  activitésvisant  la promotion et la défense des droits;
      • nous demandonsun financement  sur le base d'une subvention globale  de  fonctionnement  et  nonsur  des  priorités de programmes-cadres;
      • que cettesubvention soit  effective selon un plan triennal de  financementet  qu'elle  soit automatiquement indexée annue11ement.

      B.   L'évaluation des groupes communautaires

      II serait bon de rappeler ici que les organismes communau­taires ont développé leurs propres mécanismes d'évaluation. Il suffirait que le gouvernement accepte de les reconnaître et de les respecter.

      Nous refusons toute évaluation imposée par le gouvernement et par la régie régionale. D'autant plus que les mécanismes d'évaluation risquent fort d'adopter la logique curative médica­le, celle-ci demeurant largement dominante dans l'avant-projet de loi.

      Nous avons notre propre évaluation: des bilans en assemblée générale, puisque nos mandats viennent directement de nos membres.

      Nous ne sommes pas dans une situation de sous-traitance par rapport au ministère; nous acceptons d'être un partenaire à part égale et nous demandons donc au gouvernement de nous considérer comme tel et de respecter nos propres mécanismes d'évaluation.

      Comprenons-nous bien; nous ne refusons pas de rendre compte de notre travail et de notre gestion des fonds publics. Nous le faisons déjà à notre manière. D'ailleurs, le ministère ne semble pas avoir eu à s'en plaindre jusqu'à présent.

      Compte  tenu de  notre  analyse  sur  l'évaluation  des groupes communautaires prévue à l'avant-projet de loi nous demandons:

      que le gouvernement reconnaisse tout notre fonctionnement démocratique et qu'il respecte nos propres mécanismes d'évaluation sans nous en imposer d'autres.

      EN REGARD DE TOUT CE QUE NOUS AVONS EXPOSE, NOUS, DE LA FEDERA­TION DU QUEBEC POUR LE PLANNING DES NAISSANCES, DEMANDONS AU GOUVERNEMENT :

      1. de concevoir les services à la personne d'une manière globale plutôt que par l'atteinte d'objectifs quantifiables qui visent une rentabilité à échéance fixe;

      2. de fonder, de développer et d'accentuer le souci de préven­tion, et des services s'y rattachant, en fonction des causes structurelles des problèmes de santé et de bien-être, et non uniquement en fonction des effets reliés aux causes;

      3. d'abolir le concept de programme-cadre associé à des groupes-cibles ou groupes à risque; au profit de la notion de réalité qui englobe l'ensemble des causes et des condi­tions, ainsi que leurs effets, reliés à la santé et au bien-être;

      4. de reconnaître dans ses objectifs et  ses moyens et les besoins particuliers des femmes;

      5. d'intégrer à ses objectifs et moyens des priorités axées sur la santé sexuelle et la santé reproductrice des femmes;

      6. d'inclure à la définition des organismes communautaires, article 229, la condition indiquant que ceux-ci définissent leurs orientations, leurs politiques et leurs approches, tel qu'inscrit dans le document d'orientations;

      7. que le partenariat soit volontaire et égalitaire pour chacun des partenaires et non pas encadré et quasi obligatoire pour les organismes communautaires;

      8. de reviser l'absence de liens avec le ministère et d'établir un mécanisme d'accès direct auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux pour les organismes communautaires;

      9. de faire en sorte que les organismes communautaires puissent conserver leur autonomie d'orientation, d'organisation, de fonctionnement et de services;

      10. d'établir à court terme un lieu de décision national concernant les orientations où les groupes communautaires jouiraient d'une participation égalitaire;

      11. que les représentants-es des divers partenaires à ce lieu de décision  national   soientchoisis   selon  les processus démocratiques des groupes qu'ils représentent;

      12. d'examiner  à moyen  terme  les  possibilités d'une vraie décentralisation du pouvoir,  basée  sur celle  du Rapport Rochon;

      13. de  financer les regroupements  provinciaux d'organismes communautaires sur la même  base que  celle demandée en 13,14,15 ci-dessous pour les groupes communautaires;

      14. de  financer  les groupes  communautaires  sur la  base de subventions  directement  allouéespar  le  ministère, sans faire de  distinction entre les types de services (interven­tions directes ou activités de promotionet de  défense des droits);

      15. de financer  les organismes communautaires sur la base d'une subvention globale de fonctionnement et nonsur des priori­tés de programmes-cadres;

      16. de  verser  cettesubvention  selon un plan triennal de financement et de l'indexer automatiquement chaque année;

      17. de reconnaître tout notre fonctionnement démocratique  et de respecter nos  propres mécanismes  d'évaluation sans nous en imposer d'autres.

    Les chapitres de ce mémoire expliquent et analysent le fondement de ces dix-sept (17) recommandations. Il est clair et vital que la Fédération du Québec pour le planning des naissances et ses membres ne peuvent accepter l'avant-projet de loi tel que présenté par le ministère de la Santé et des Services sociaux: ..

    • parce que cet avant-projet de loi définit "l'amélioration de la santé  et du bien-être" comme une série de problématiques quantifiées et devant se résoudre en  un échéancier détermi­ né;
    • parce que  la définition et la reconnaissance des organismes communautaires n'est que partielle et nerespecte pas notre orientation, ni notre fonctionnement;
    • parce que  nos rapports tels que définis avec les dernières- nées, les  régies régionales,  ne respectent  en aucun point notre autonomie et la nature des services indispensables que nous offrons auprès et avec l'ensemble des femmes du Québec;
  • parce qu'aucun mécanisme  d'accès  direct  pourles groupes communautaires n'est  prévu avec le lieu central du pouvoir, le ministère;
  • parce que cetavant-projet  de  loi,par  la récupération- institutionnalisation   desorganismes   communautaires, signifie leur disparition à plus ou moins brève échéance.

BIBLIOGRAPHIE

ASSEMBLEE NATIONALE, Avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux. Editeur officiel du Québec, 1989, 400 articles.

GOUVERNEMENT DU QUEBEC, Pour améliorer la santé et le bien-être au Québec; Orientations. Ministère de la Santé et des Services sociaux, avril 1989, 147 pages.

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME, Commentaires et propositions sur les orientations du ministère de la Santé et des Services sociaux pour améliorer la santé et le bien-être au Québec. Avis du Conseil du statut de la femme, Québec, octobre 1989, 58 pages.

GODARD, LORRAINE pour Relais-Femmes, "Pour améliorer la santé et le bien-être"... des femmes et des groupes de femmes? Une analyse des orientations gouvernementales en matière de santé et de services sociaux, août 1989, 90 pages.

FEDERATION  DUQUEBEC  POUR  LE PLANNING DES NAISSANCES, Pour un choix éclairé, pochette de présentation.

FEDERATION DU  QUEBECPOUR  LE  PLANNINGDES  NAISSANCES, Bilan annuel 1988-1989, 53 pages.