COLLOQUE VOLONTÉ POLITIQUE ET
PORNOGRAPHIE - "C'EST LE TEMPS D'AGIR AU MOINS POUR
PROTÉGER LES MINEURS"
FEDERATION DES FEMMES DU QUEBEC
DOCUMENT DE TRAVAIL
SlÈGE SOCIAL: 1600 RUE BERRI, BUREAU 3115, MONTRÉAL.
QUE. H2L 4E4 TEL, 844-7049
Sommaire :
- Introduction
- Lise Dunnigan, "Pourquoi dénoncer la por-
nographie? Une reformulation du problème
s'impose"
- Maurice Barker, "Pourquoi protéger les
mineurs?"
- Me Andrée Ruffo Mondor, "Paramètres
lé-
gaux: Exploitation sexuelle des mineurs"
- Me Nicole Trudeau-Bërard, Dispositions
concernant le cinéma.
- Recommandations
- Annexes:
- La requête de la F.F.Q.
- Liste des associations et organismes
qui ont appuyé la requête
- Liste des membres du comité organisa-
teur.
Montréal, le 25 mai 1981
INTRODUCTION
La F.F.Q., soucieuse de prendre part aux débats
importants de
l'heure et d'intervenir pour améliorer la situation
prévalant dans
l'ensemble de notre société, s'est penchée depuis
quelques années dé-
jà, sur le problème de la violence et plus
particulièrement, sur les
dommages causés par la pornographie chez les enfants et les
adoles-
cents .
ORIGINE DU COLLOQUE
Dès 1977, à l'assemblée de la F.F.Q., les
membres se sont ar-
rêtées sur le problème de l'accessibilité de
la pornographie aux jeu-
nes. La formation d'un comité ad hoc sur la question avait
même alors
été recommandée. Cependant, à cause du choix
d'autres priorités, le
projet fut mis en veilleuse jusqu'au congrès de 1979, qui
portait sur
la femme et la violence. A ce moment, la recommandation a
été repri-
se à l'instigation de Monica Matte (1) qui avait
préparé une pétition
pour inciter les gouvernements à interdire la vente aux
mineurs et ré-
glementer l'étalage public de ce matériel. À
l'automne 79, le comité
de la F.F.Q. fut mis sur pied et prépara une requête
qui fut adressée
aux ministres de la Justice du Canada et du Québec. Cette
requête re-
prenait essentiellement les éléments de la
pétition de Monica Matte et
le texte de la résolution se lisait comme suit:
La Fédération des femmes du Québec prie le
Ministre de la Justice du
Canada et le Ministre de la Justice du Québec de prendre
toute mesure
nécessaire, législative ou administrative, afin que
la pornographie
soit rendue inaccessible aux mineurs et hors de leur
vue.
La F.F.Q. propose que ces publications soient:
a)ou bien affichées et vendues dans des
établissement spécia-
lisés du genre "sex shops" détenteurs d'un permis
spécial
à cet effet, et dont l'accès devra
être interdit aux mineurs;
b)ou bien qu'elle soit en vente libre dans les
établissements
commerciaux ou les mineurs ont accès, mais interdites à
l'é-
talage ou placées dans un étalage spécial de sorte
qu'elles
ne puissent être vues par quiconque, ni de l'extérieur
ni à
l'intérieur de l'établissement.
(1) Monica Matte, à cette époque commissaire à
la Commission des Droits
de la personne, a repris le projet car elle avait été
particulière-
ment frappée et sensibilisée par une lettre de Me
Maurice Marquis
qui engageait la Commission a se pencher sur le problème de
la por-
nographie accessible aux jeunes.
Un appui à la requête fut demandé à la
fois à des organismes
et a des individus. Les résultats ont dépassé les
espoirs escomptés
car plus de 325,000 personnes ont souscrit à cette
requête. En effet,
358 organismes, 2449 participants et participantes aux colloques
sur
la violence du Ministère de la Justice du Québec et
plus de 10,670 si-
gnataires individuels se sont montrés d'accord avec les
demandes de
la F.F.Q..
Cet appui massif manifeste qu'un nombre important de
citoyens
de divers milieux croient qu'une action de redressement s'impose
face
à l'envahissement progressif de la pornographie,
particulièrement dans
le monde des jeunes. Cette action est attendue avec impatience
par u-
majorité de la population qui fut, jusqu'à
récemment, silencieuse
face à ce problème.
Pour poursuivre l'action entreprise avec la requête et la
pé-
tition de même que celle amorcée par les colloques
régionaux sur la
violence organisés par le ministère de la Justice du
Québec, la F.F.Q.
a décidé de mettre sur pied ce colloque "Volonté
politique et pornographie?"
L'objectif fondamental de ce colloque est de
déclencher une
volonté politique de changement dans le domaine de la
pornographie
prioritairement en ce qui touche les mineurs considérés
comme consommateurs ou objets, c'est-à-dire participants utilisés
dans la production de matériel pornographique. Des changements sont
nécessaires,
tant au niveau des lois, des règlements et de la
surveillance de leur
application, qu'au niveau des mentalités.
La F.F.Q. a voulu rassembler toutes les personnes et les
organismes déjà sensibilisés à la question et
qui considèrent qu'une ac-
tion s'impose. La F.F.Q. n'a pas la prétention de s'occuper
seule de
ce dossier: en effet, de nombreux organismes ont aussi
travaillé cet-
te matière et en ont fait leur priorité. A cet
égard, nous devons
souligner les plans d'action mis de l'avant entre autres par
l'AFEAS,
les Unions de familles, Parents Secours et le Cercle des
Fermières.
Nous souhaitons ardemment que ces organismes et de nombreux
autres,
unissent leurs forces pour faire en sorte que les pressions
communes
obtiennent des résultats.
RAISONS D'ÊTRE DE NOTRE ACTION
Nous sommes parfaitement conscientes en nous attaquant à
ce
problème, même si actuellement nos préoccupations
sont surtout orien-
tées vers les enfants, que nous abordons un sujet difficile
et que
nous devrons faire face à de nombreuses résistances.
Nous savons
aussi que de s'attaquer au phénomène de la
pornographie, c'est d'abord
vaincre "un sentiment généralisé d'impuissance, de
cul-de-sac, devant
l'ampleur et la complexité du phénomène. Devant
son escalade dans la
vie quotidienne" (1). Cependant, nous croyons que le
mépris, la haine
et la violence qui sont transmis par la pornographie ne peuvent
que
conduire à une dégradation des rapports humains et
sociaux.
Pourrons-nous encore longtemps, sous prétexte de
liberté d'ex-
pression, laisser libre cours à la bestialité, à
la violence, au sado-
masochisme et à la perversion qui surabondent dans la
pornographie ac-
tuelle et qui risquent de devenir la normalité pour la
nouvelle gêné-
ration? Pourrons-nous attendre encore longtemps les
amendements au
code criminel du Canada? Pourrons-nous encore longtemps, sous
prétex-
te de ne pas censurer, laisser se hausser le seuil de
tolérance et ac-
cepter -et même favoriser- une situation dégradante
pour les hommes,
les femmes et les enfants? Accepterons-nous plus longtemps un tel
dé-
tournement et une telle déshumanisation de la sexualité
humaine?
Quand estimerons-nous que notre tolérance devient de
1'irresponsabili-
té?
PAS UN REFUS DE LA SEXUALITE
Il n'est nullement question pour nous de refuser la
sexualité;
nous voulons plutôt que chacun ait la possibilité
d'exprimer sa sexu-
alité sans influences avilissantes des rapports humains.
Nous croyons
en une sexualité fondée sur le respect et la
dignité de la personne.
Nous ne pouvons accepter entre autre, l'état courant, dans
la porno-
graphie, de domination imposée dans les rapports sexuels et
de néga-
tion de la sexualité féminine. La pornographie,
qu'elle soit hétéro-
sexuelle ou homosexuelle, impose toujours en effet, une relation
de
dominant-dominé qui la plupart du temps s'exprime par une
violence
physique ou morale des plus abaissantes. Est-ce là une
valeur que
l'on veut transmettre aux générations montantes?
PAS DE VOLONTE DE RETABLIR LA CENSURE
Il n'est pas question pour nous de vouloir rétablir une
censure contraignante et répressive. La libre expression d'une
sexualité n'est cependant pas conditionnelle à
l'envahissement par tous
les systèmes de perversion. Nous recherchons le respect
mutuel et
égalitaire des hommes et des femmes, de même
que le respect des droits
de ceux qui se retrouvent "consommateurs involontaires" de
pornographie.
(1) Rapport, Colloques régionaux sur la violence, 1980,
p. 19
ACTION PRIORITAIRE POUR LA PROTECTION DES JEUNES
Notre action s'oriente actuellement prioritairement pour
la
protection des jeunes sans exclure la condamnation de
l'exploitation
sexuelle des hommes et des femmes. Nous voulons, dans un
premier
temps, assurer à nos enfants et adolescents un environnement
sain où
ne prédominent pas des influences néfastes qui peuvent
hypothéquer
leur développement psychologique et sexuel et provoquer des
perturba-
tions sérieuses. Nous endossons pleinement Maurice Barker
lorsqu'il
affirme qu'à l'adolescence, la pornographie répond aux
critères de
1'obscénité.
Ce que nous refusons avant tout, c'est que nos enfants
intè-
grent les modèlesdecomportement que la
communication pornographi-
que leur présente actuellement.
CONTENU DU DOCUMENT DE TRAVAIL
Vous trouverez dans ce document un texte de Lise Dunnigan
qui vous présente la problématique de la pornographie
et des voies
d'approche possibles du phénomène, un autre de Maurice
Barker qui
analyse les méfaits et dommages causés aux jeunes par
la pornogra-
phie et enfin, un dernier de Me Andrée Ruffo-Mondor qui nous
indique
les paramètres légaux nécessaires pour
éliminer l'exploitation sexuel-
le des mineurs.
Nous vous soumettons, de plus, des recommandations
d'actions
précises à engager pour tenter de remédier à
la situation actuelle.
Nous espérons trouver chez les participantes et
participants, l'appui
nécessaire pour poursuivre notre engagement commun.
"C'EST LE TEMPS D'AGIR AU MOINS POUR PROTÉGER LES
MINEURS"
Le comité organisateur du colloque
POURQUOI DENONCER LA PORNOGRAPHIE?
UNE REFORMULATION DU PROBLEME S'IMPOSE
Lise Dunnigan
Agent de recherche
Conseil du Statut de
la femme du Québec
Les débats au sujet de la pornographie ne sont pas
nouveaux.
La pornographie existe depuis des millénaires et a pris des
formes
particulières dans chaque société. Son expansion
est devenue plus
importante dès le moment où les moyens de communication
modernes se
sont développés. Ce qui est nouveau aujourd'hui, ce
sont les questions qui sont posées au sujet de la pornographie.
Jusqu'aux années
1970, on s'est rarement interrogé sur la signification de ce
phénomène à l'intérieur des relations entre les hommes
et les femmes dans
une société donnée.
En 1975, les Rolling Stones produisaient un album dont la
pochette et la publicité représentaient une femme
ligotée à une
chaise, les jambes écartelées, les vêtements
déchirés et le corps cou-
vert de marques de coups. La légende disait: "l'm Black and
Blue from
the Rolling Stones and I love it!". Un mouvement se forma aux
Etats-
Unis pour dénoncer cette sorte de publicité et il donna
naissance à un
vaste réseau de lutte contre la violence envers les femmes
dans la pornographie et les média de masse.
Au Québec, le coup d'envoi du mouvement fut donné en
1979 par
la publication du dossier de la journaliste Micheline Carrier
dans la
revue Châtelaine, et peu après par la présentation
au ministre de la
Justice d'une pétition de la Fédération des femmes
du Québec et de
plusieurs autres associations concernant l'étalage et la
vente des
revues à caractère pornographique; en 1979-80,
suivirent les colloques
régionaux sur la violence à l'intérieur desquels
était abordé le thème
de la pornographie. Des réactions assez vives furent
observées dans
différents milieux face à l'intérêt soudain
des groupes de femmes sur
cette question. Des journalistes, des avocats, des psychologues,
des
producteurs de cinéma [des hommes en majorité]
s'élevèrent parfois vio-
lemment contre les critiques que des féministes
commençaient à peine à
formuler. Même à l'intérieur des groupes de
femmes, des confusions et
des hésitations profondes côtoyaient un sentiment de
révolte grandis-
sant.
Plus d'un an après la tenue des colloques sur la
violence, de
nombreux projets d'intervention ont pris forme, mais la plupart
se sont
inscrits dans le prolongement des débats qui avaient
dominé les collo-
ques, c'est-à-dire qu'ils furent axés sur les moyens de
contrecarrer ou
de contrôler la diffusion de la pornographie. En ce sens,
les moyens
et les objectifs de la nouvelle lutte contre la pornographie ne
la dis-
tinguent pas encore clairement de celles qui se sont
déjà déroulées
dans le passé.
Pourquoi donne-t-on encore si peu d'importance à la
compréhension et à la réflexion sur une question si grave et
surtout si complexe?
Et pourquoi nous dirigeons-nous si rapidement vers les solutions
avant
même d'avoir regardé le problème en face?
La raison de cet empressement est peut-être la même
qui a fait
que les hommes et les femmes surtout, ont longtemps ignoré
la pornographie, et préfèrent encore l'ignorer aujourd'hui: il
n'est pas facile
de poser un regard attentif sur le contenu de la
pornographie.
Il est facile de croire que la pornographie c'est Playboy,
les
danseuses à gogo et le petit journal jaune à la tabagie
du coin. Il est
plus pénible de constater que c'est aussi la montée
d'une idéologie de
violence sexuelle et de l'exploitation des enfants comme objets
de consommation, et que le commerce illégal de ce matériel
fait roules des
sommes d'argent importantes ici même au Québec.
Il est facile de croire que la pornographie intéresse peu
de
gens, qu'elle permet seulement d'assouvir des hommes aux
besoins
sexuels trop grands, leur évitant ainsi d'avoir à
violer des femmes et
des enfants. Il est plus difficile d'admettre que la
pornographie est
aussi consommée par des hommes mariés, d'âge
moyen, ce qu'on appelle
des hommes "normaux", et qu'elle est l'instrument de reproduction
d'une
sexualité violente et stéréotypée que nous
vivons tous à différents
degrés.
Bref, il n'est pas facile de regarder la pornographie en
face
parce qu'elle nous fait peur, qu'elle nous fait mal, qu'elle
nous
plonge dans un sentiment d'impuissance totale, et qu'en même
temps elle
nous pose à son tour des questions troublantes.
Il est essentiel de nous confronter à cette démarche
d'exploration et de réflexion ne serait-ce que pour d'abord savoir
vraiment
de quoi on parle. Les statistiques de toutes sortes peuvent
être très
utiles pour établir des perspectives, mais elles ne peuvent
pas remplacer l'expérience directe du contenu de la pornographie.
Il est
essentiel ensuite de chercher à savoir et à
établir le plus clairement
possible pourquoi nous dénonçons la pornographie au
départ, quitte à
réévaluer ces raisons au fil de notre
démarche.
Nous voulons que nos actions aient un impact nouveau et ne
soient pas ramenées aux anciennes querelles à
l'intérieur desquelles
nos droits furent toujours niés et ignorés: le droit
pour les femmes
de disposer de leur corps, de définir leur sexualité et
de refuser les
modèles aliénants auxquels on voudrait les
réduire, le droit pour tous
d'être non pas des objets passifs ou des consommateurs
solitaires mais
des êtres sexuels autonomes en relation avec les autres.
Le besoin d'agir nous apparaît urgent et le recours aux
lois
ou à l'appareil judiciaire peut nous sembler
inévitable; c'est dans
un tel contexte qu'il faut voir à ce que nos efforts ne
servent pas à
d'autres fins que celles que nous poursuivons et que les moyens
de
contrôle que nous souhaitons ne se retournent pas finalement
contre
nous, aux mains d'autres pouvoirs. Car la pornographie est plus
que
jamais une question de pouvoir. Son développement actuel
n'est pas le
signe d'une libération ou d'un affranchissement. Il
correspond plutôt
au durcissement d'un pouvoir économique et social qui veut
réaffirmer
avec violence que la place des femmes dans notre
société est encore
celle d'objets de consommation et que, comme d'autres biens,
elles
peuvent être "jetées après usage".
Il faut enfin se rappeler que les tribunaux et les lois ne
régleront pas le fond du problème. Qu'il soit
largement étalé ou qu'il
circule dans le noir, le message de la pornographie reste le
même. Il
faudra nécessairement trouver d'autres niveaux
d'intervention pour espé-
rer un changement fondamental à moyen et à long
terme.
Le thème de la protection des mineurs aux plans de
l'accès à la
pornographie et de l'exploitation des enfants dans l'industrie
pornographique est apparu à plusieurs comme une question prioritaire
sur la-
quelle des actions devaient être entreprises
immédiatement. Les deux
raisons invoquées à cet effet sont, d'une part, la
vulnérabilité parti-
culière des jeunes face aux adultes qui cherchent à les
exploiter, et
d'autre part, l'impact sérieux des valeurs et des formes de
rapports
humains véhiculés par le matériel pornographique
auprès des jeunes qui,
bien souvent, ne bénéficient par ailleurs d'aucune
autre source d'information et d'éducation sexuelle.
Sur ce plan encore une fois, il serait inconséquent et
surtout
illusoire de vouloir retourner en arrière en engageant un
combat "pour
la moralité" et contre les droits sexuels des jeunes. Il
n'en reste
pas moins qu'il faut s'attaquer au problème, et il importe
par conséquent de relier nos actions à une nouvelle
problématique articulée
autour de l'appropriation, de l'exploitation, de l'atteinte aux
droits
sexuels et à l'intégrité physique, et de la
violence que nous voulons
dénoncer. C'est peut-être à cette condition que
la lutte contre la
pornographie débouchera vraiment sur un mouvement pour
l'autonomie
physique sexuelle et sociale de chacun de nous .
POURQUOI PROTEGER LES MINEURS?
Maurice Barker
Psychologue
Section aux adolescents
Département de Pédiatrie
Centre Hospitalier Ste-Justine
Alors que le Ministère de la Justice du Québec, le
Ministère
des Affaires sociales du Québec, le Comité pour la
Protection de la
jeunesse et le Conseil sur le Statut de la femme organisent des
colloques de septembre 79 à janvier 80 sur la violence et la
pornographie,
il devient maintenant important d'être conséquent et de
stimuler une
volonté politique d'appliquer les lois et règlements et
de surveiller
leur application dans le domaine de la pornographie. La
conscience
sociale des citoyens exige de leurs représentants qu'ils
assument une
responsabilité sociale face à la pornographie.
Cette responsabilité sociale devient très
réelle dans la pers-
pective des mineurs qui, par définition, ne peuvent assumer
la responsabilité des effets de la société sur eux.
Pourquoi protéger les mineurs? Non seulement parce qu'ils
ne
sont pas responsables de la société dans laquelle ils
vivent, mais
plus encore parce qu'ils sont vulnérables, beaucoup plus
vulnérables
que les adultes. Les mineurs sont vulnérables parce que ce
sont des
êtres en développement et, de ce fait, méritent
notre vigilance et
notre respect. Le terme "mineur" est donc abandonné
puisqu'il est
condescendant et substitué par enfant ou adolescent selon le
cas. Les
enfants se développent, c'est une affirmation presque
redondante. Il
faut par contre rappeler que spécifiquement la
sexualité se développe
durant l'enfance qui emmagasine dans sa mémoire une
multitude d'expériences, de fantaisies, d'attitudes, de goûts, d'idées
et d'émotions
qui prendront une très grande importance à
l'adolescence. Les enfants,
comme les poissons qui emmagasinent et accumulent le mercure,
emmagasinent la pollution pornographique que notre société
tolère.
La vulnérabilité des enfants devient visible lorsque
la puberté
métamorphose biologiquement l'enfant en jeune adulte qu'on
appelle adolescent. Il faut reconnaître que tout organisme qui se
développe,
déploie beaucoup d'énergie à accomplir sa
croissance et donc devient
plus vulnérable aux adaptations qu'exige son environnement.
Préoccupé
à se développer, il devient temporairement une cible
plus facile.
L'adolescent se développe physiquement, mais il n'y a pas
que ce développement. Il y a de nombreux développements à
l'adolescence et chacun
rend l'adolescent d'autant plus vulnérable. Les parents
connaissent
très bien les inquiétudes que suscitent les
transformations majeures
au niveau de l'intensité extraordinaire des émotions,
des humeurs très
variables, du caractère qui se forge une identité
personnelle. Les professeurs connaissent très bien les frustrations et le
plaisir de reconnaître l'énorme différence entre les
étudiants du primaire et du
secondaire, de même que les changements qualitatifs
importants au
niveau de la pensée qui permettent la progression des
Tintins jusqu'aux
éditoriaux du Devoir. Tous les membres de la
société identifient immé-
diatement les adolescents qui attribuent une importance
considérable à
leurs amis, qui ont une créativité débordante
quand ils ne sont pas
blasés, qui s'habillent d'une façon particulière,
qui apprécient des
genres de musique parfois très singuliers [l'm black and
blue and I
love it - Rolling Stones]. Les citoyens regardent avec
méfiance les
bagues multiples, les coiffures, les comportements parfois
insultants
ou arrogants. Tous reconnaissent les adolescents et chacun y
voit une
ou plusieurs dimensions de l'humain en développement, que ce
soit la
puberté biologique, les émotions, la socialisation, le
jugement moral,
la sexualité, la personnalité ou l'intelligence.
Toutes ces sphères
se développent simultanément et souvent avec bien peu
d'harmonie.
L'adolescent est donc un être en développement et,
à ce titre, vulnéra-
ble en soi.
En examinant de plus près le développement de la
sexualité à
l'adolescence, il est utile de la considérer en tant que
fonction,
fonction comme celle de la respiration ou de la digestion, mais
une
fonction qui se développe tardivement par rapport aux
autres, au plan
de la conscience. C'est la puberté qui éveille cette
conscience et
l'adolescent est presque gêné d'être le dernier
renseigné sur sa sexualité. Timides au début, ils et elles apprennent les
bases dé leur
sexualité en se regardant de loin, en s'explorant de plus
près, par
l'éducation, par imitation, par les modèles parentaux
et sociaux, par
les amis, par les média incluant la pornographie.
La sexualité n'est pas fragile en soi, mais le moment que
la
nature a choisi de l'actualiser par apprentissage
correspond aujourd'hui à une adolescence qui s'étend de 12 à 18
sinon 25 ans. La
puberté rajeunit de trois mois à tous les dix ans
depuis le début du
siècle, tandis que l'autonomie éducative et
financière continue à
retarder. Il en résulte une prolongation inquiétante
de l'adolescence
vulnérable aux modèles d'imitation.
Les adolescents ne sont pas à blâmer ni responsables
de leurs
explorations et apprentissages. Même les adultes en 1973, en
se référant
à la Commission d'enquête présidentielle
américaine sur l'obscénité et
la pornographie, ne pouvaient pas conclure au fait que la
pornographie
entraîne un comportement déviant ou délinquant.
Par contre et heureuse-
ment, les conclusions de cette commission basées sur
l'absence de recher-
ches concluantes ont stimulé un grand nombre de recherches
qui sont
aujourd'hui concluantes.
Pour n'en citer que quelques-unes, pour rappeler au gros
bon
sens ce qu'il sait depuis toujours [souvenons-nous que l'astre
non décou-
vert par 1'astrophysicien existe quand même] voici quelques
exemples.
Rappelons :
FREUD, S.
- la sexualité est teintée d'agression chez l'homme
qui
désire séduire. L'instinct de libido et l'instinct
d'agression sont intimement liés dans l'inconscient.
MALAMUTH, N. [Université du Manitoba]
- la lecture de passages erotiques entraîne des
réac-
tions plus agressives que la lecture de passages
neutres.
- être vu visionnant un film extrêmement
érotique
anxiogène et gênant inhibe l'agression à cause
de
l'anxiété et de la gêne.
- une histoire fictive de viol où la victime souffre
pour finalement succomber et prendre un plaisir
sexuel au viol inhibe carrément les femmes au plan
sexuel mais stimule les hommes.
- une exposition antérieure à du matériel
sadomaso-
chiste permet à l'homme d'être excité
sexuellement
à un viol où la victime n'a aucun plaisir,
démon-
trant ainsi que la pornographie sadomasochiste
facilite l'interprétation de la douleur en terme de
plaisir sexuel.
Tout ceci se résume facilement pour l'adolescent
vulnérable
de par ses multiples développements: la violence erotique
s'apparente
à un livre ou un film éducatif où la juxtaposition
de violence avec
excitation sexuelle et satisfaction CONDITIONNE une
réponse agressive
à un stimulus erotique. C'est donc dire que la pornographie
avec vio-
lence montre à nos adolescents, consciemment ou pas, bon
gré mal gré,
à réagir avec violence dans le domaine de la
sexualité.
L'adolescent qui apprend et découvre 1'érotisme fait
peu de
distinction entre érotisme et pornographie et
obscénité. Même les
adultes, comme en témoigne un récent congrès
à Vancouver, ont peine à
faire ces distinctions. Mais il est important de répondre
à la ques-
tion suivante: la pornographie est-elle psychologiquement
malfaisante
pour l'adolescent qui se développe? Et si la réponse
est affirmative, il faudrait alors conclure que la pornographie est
obscène pour les
adolescents . La pornographie stimule la lascivité, la
pornographie
teintée de violence va certes au delà des standards
quant à la repré-
sentation de la sexualité et enfin si cette pornographie
peut conditionner une réponse agressive dans une situation erotique,
elle n'a
aucune valeur sociale pour l'adolescent. Il faut donc conclure
que
la pornographie répond aux critères de
l'obscénité à l'adolescence.
Il faut conclure d'une façon plus large que la
pornographie
est nocive pour les mineurs, qu'elle existe dans notre
société, que
nous avons les outils juridiques et législatifs pour agir et
que
donc, il ne nous manque que la volonté politique d'assumer
notre
responsabilité sociale face aux mineurs.
.. Et c'est pour ça qu'il faut protéger les
mineurs.
FESHBACH, S., MALAMUTH, N., Sexual aggression:
proving the link. Psychology Today, Nov. 78,
111-122.
COMITE DE LA PROTECTION DE LA JEUNESSE: La
prostitution des jeunes? Connais pas.
DONNERSTEIN, E., HALLAM, J., Facilitating
effects of erotica on aggression against women,
Journal of Personality & Social Psychology,
1978, 36, 1270-77.
SHEARIN, R.B., Pornography and the adolescent
good or bad? Journal of current adolescent
medicine, July 1980, p. 11.
FREUD, S., Five essays on sexuality.
PARAMETRES LEGAUX: EXPLOITATION SEXUELLE DES MINEURS
M Andrée Ruffo Mondor
Avocate
Avec la participation de Me Nicole Trudeau-Bérard
pour la section concernant le cinéma
Dans le cadre de ce colloque de la FFQ, il nous semble
important de prendre connaissance du cadre juridique dans lequel
nous
évoluons lorsque nous parlons du phénomène de la
pornographie en termes
d'accès des mineurs au matériel et spectacles
pornographiques et de
participation de ceux-ci à ces mêmes spectacles et
matériel; nous voulons aussi prendre connaissance du cadre juridique relatif aux
phénomènes rattachés à la pornographie comme les
danseurs nus et la prostitution des mineurs, etc...
Nous n'avons pas la prétention de faire une étude
exhaustive
des dispositions légales en la matière, mais
plutôt de celles qui nous
permettront ensemble de préciser les moyens d'action dont
nous disposons pour contrer cette triste réalité et élaborer
une stratégie
efficace.
Il faut préciser que le législateur a fixé des
cadres face à
l'exercice de la liberté des citoyens. Quant aux questions
qui nous
préoccupent, il convient de se redire que le seuil de
tolérance de
notre société a été largement
dépassé même en tenant compte de l'évo-
lution rapide qu'a connue cette communauté depuis les
dernières années.
Il est également probable que quelques problèmes
spécifiques ne se
soient soulevés que depuis récemment. Comment
l'application de certaines dispositions législatives peut-elle être
efficace dans ces
cas-là?
Accès et participation
Vente de matériel pornographique
et accès aux "sex-shops"
A notre connaissance, il n'existe aucune disposition
spécifique
interdisant la vente aux mineurs de matériel pornographique.
Il en est
de même quant à l'accès des mineurs aux
"sex-shops". Il conviendrait
Directive "concernant l'application du Code criminel
relative-
ment aux revues et journaux pornographiques" émise par le
Ministère de
la Justice du Québec le 25 novembre 1977.
dans ces cas-là de réglementer spécifiquement
la vente et l'accès des
mineurs à ce matériel ou aux établissements
"spécialisés" dans ce
domaine.
Il est à noter qu'il existe une directive concernant
l'accès
des mineurs dans les "sex-shops". Une directive cependant n'a
pas
force de loi; elle ne lie que les personnes soumises à
l'autorité du
ministère qui l'émet. Elle ne lie pas le public en
général.
Cinéma
Actuellement, il appartient au Bureau de surveillance du
cinéma de décréter quel film ne porte pas atteinte
à l'ordre public
et aux bonnes moeurs et d'autoriser sa projection en indiquant
à
quelle catégorie il s'adresse:
a) "Film pour tous" spectateurs de tous âges;
- "Film pour adolescents et adultes" spectateurs âgés
d'au
moins quatorze ans ;
- "Film réservé aux adultes" spectateurs
âgés d'au moins
dix-huit ans.
Le Bureau peut aussi, conformément aux règlements,
autoriser
la projection d'un film offrant un intérêt spécial
pour une catégorie
particulière de spectateurs, au moyen d'un visa spécial
indiquant la
catégorie de spectateurs devant laquelle il peut être
projeté ainsi
que les endroits et les moments où il peut l'être.
Soulignons ici qu'on ignore les critères selon lesquels
une
autorisation de projeter un film est donnée. Le
système de classifi-
cation des films prévu par la Loi sur le cinéma est
essentiellement
conçu en fonction de catégories de spectateurs
déterminées par l'âge.
La loi prévoit des peines pour le propriétaire de
cinéma dans
les cas suivants :
a) projection d'un film sans autorisation;
Loi sur le cinéma, S.R.Q. 1964 1964, c. 55
(modifiée par
L.Q. 1967, c. 22).
b) n'affiche pas la catégorie de spectateurs dans
laquelle le
film a été classé.
Il est alors passible d'une amende de pas moins de 500$
et,
à défaut de paiement de l'amende et des frais, d'un
emprisonnement
de trois mois.
En ce qui concerne l'accès des mineurs aux salles de
cinéma,
la loi prévoit que:
art. 19. Nul ne peut admettre à une séance de
projection
dans une salle de cinéma:
- une personne âgée de moins de dix-huit ans
s'il y est projeté un film réservé aux adul-
tes ;
- une personne âgée de moins de quatorze ans
s'il y est projeté un film pour adolescents
et adultes ou un film réservé aux adultes.
Le contrevenant s'expose alors à une peine
n'excédant pas 50$
et, à défaut de paiement de cette amende, à un
emprisonnement n'excé-
dant pas un mois et, en cas de récidive, à une amende
d'au moins 50$
et d'au plus 100$ et, à défaut, à un
emprisonnement n'excédant pas 2
mois. Le magistrat peut dans tous les cas annuler la
licence.
Cependant, la loi prévoit aussi un moyen de défense
qui rend
à toute fin pratique l'application de la loi impossible. En
effet,
l'accusé n'encourra aucune peine s'il prouve qu'il a
usé de diligence
raisonnable pour constater l'âge du mineur avant de
l'admettre dans
la salle de cinéma et qu'il a eu raisonnablement lieu de
croire que
ce mineur avait l'âge requis pour y être admis.
Dans le projet de Loi sur le cinéma no 20, la
classification
reste sensiblement la même mais on augmente les amendes:
art. 126. ... d'une amende d'au moins cent dollars
et d'au plus mille dollars dans le cas
d'un individu et d'au moins cinq cents
dollars et d'au plus deux mille dollars
dans le cas d'une corporation ou d'une
Projet de Loi n° 20 sur le cinéma.
société et, en cas de récidive, d'une
amende
d'au moins deux cents dollars et d'au plus
cinq mille dollars dans le cas d'un individu
et d'au moins mille dollars et d'au plus dix
mille dollars dans le cas d'une corporation
ou d'une société.
On remarque cependant que l'alinéa 2 de l'article 21 de
la
loi actuelle qui permet l'annulation de la licence a disparu dans
le
nouveau projet de loi.
Affichage
En ce qui concerne l'affichage ou annonces des films, la
loi
prévoit que:
art. 24. Il est loisible au lieutenant-gouverneur en
conseil d'établir et d'organiser, sous le
contrôle et la direction du Bureau, un sys-
tème de censure des affiches, panneaux-réclame
ou autre mode servant à annoncer une repré-
sentation théâtrale ou une représentation
ciné-
matographique; d'adopter des règlements à
cette fin; de prescrire les honoraires pour
l'examen d'iceux, par le Bureau, et de nommer
le personnel nécessaire et de pourvoir à sa
rémunération.
Le nouveau projet de Loi sur le cinéma n° 20
prévoit que toutes
réclames pour un film notamment au moyen d'un film, annonce
ou d'une
affiche doivent être approuvées au préalable par
la Régie. "La Régie
approuve une réclame si elle est d'avis qu'elle est conforme
aux exi-
gences de la catégorie 'Tous âges1". Ce qui
pourrait nous sembler être
une amélioration nous laisse songeur quand le président
du Bureau de
surveillance affirme que "le Bureau classifie 'Pour tous' un film
(ou
annonce) qu'il juge pouvoir être vu par le
Québécois-type de tous
âges". Selon le Bureau, "il ne faut pas croire que la
catégorie 'Pour
tous' convient nécessairement à la famille et aux
enfants.... Lorsqu'un
film est ainsi qualifié, cela veut dire qu'il n'est pas en
mesure de
nuire et de causer des traumatismes".
Nous faisons nôtres les commentaires du Protecteur du
citoyen
Onzième rapport du Protecteur du citoyen (1979),
pp. 51-55.
qui dénonce le fait que des critères de
classification soient inexis-
tants et trouve regrettable que le Bureau de surveillance,
organisme
public, ne mette pas par écrit les points de repère
qu'il se donne et
cela dans un but d'uniformité et de protection tant pour lui
que pour
tous les citoyens, de sorte qu'il soit possible d'en
vérifier la teneur
et surtout l'application.
De cette analyse tant de la loi actuelle que du projet de
Loi
sur le cinéma n° 20, on doit constater des
difficultés d'application
du point de vue du contrôle de l'accès des mineurs aux
salles de cinéma,
De ce fait, le Bureau de surveillance dans son rôle
d'autorisation de
projection et de classification des films a une
responsabilité sociale
importante. Ce qui nous amène à souhaiter que les
critères d'autori-
sation et de classification soient énoncés clairement
et publiquement
et à recommander que la composition du Bureau de
surveillance ou de
la nouvelle Régie proposée par la Loi sur le
cinéma n° 20 soit modifiée
de manière à comprendre une représentation
adéquate des divers milieux
socio-économiques.
Enfin l'autre problème majeur, à notre avis, c'est
l'utilisa-
tion des mineurs dans la pornographie.
Malgré les dénonciations répétées de
cette situation, et malgré
le fait qu'il existe des dispositions législatives qui ne
demandent
qu'à être appliquées, les résultats sont loin
d'être spectaculaires.
Nous allons examiner les dispositions législatives en
question
à travers des situations particulières. Ceci nous
permettra de jauger
non seulement la pertinence de ces dispositions, mais aussi la
volonté
réelle d'intervenir dans des situations éhontées
d'exploitation des
mineurs.
Nous aborderons plus spécifiquement la situation des
spectacles
et revues obscènes, et ensuite celle des danseurs(ses)
nus(es)
et de la prostitution, et ce, à travers les paramètres
légaux.
Ceci nous apparaît d'autant plus important dans la mesure
où
chacun pourra réaliser que de nombreux outils sont à
notre disposition et que, malheureusement, personne n'a appris à les
utiliser.
1. Les revues obscènes
De nombreuses personnes se sont penchées sur ce
problème,
notamment l'ancien sous-ministre à la Justice, Me
François Tremblay,
et Me Jean-François Dionne, substitut du
procureur général du Québec
lors d'une mission en Europe, concernant la prostitution et
la pornographie. Cette mission recommandait dans son rapport
l'intervention dans les domaines où les mineurs étaient
impliqués (p. 63). Dans
les autres cas, le rapport suggérait un statu quo vu la
tradition de
permissivité reconnue jusqu'alors de nos différentes
administrations.
Ceci nous permet de croire que, politiquement, une
intervention n'est pas souhaitée.
Cependant, nous reposons la question de la pertinence de
la
tolérance surtout en ce qui concerne l'accessibilité au
matériel pornographique .
L'article 159 du Code criminel crée une infraction pour
quiconque rend accessible du matériel obscène ou
pornographique:
Art.159 C.cr. (1): Commet une infraction quiconque
"a" produit, imprime, publie, distribue,
met en circulation, ou a en sa. posses-
sion aux fins de publier, distribuer ou
mettre en circulation, quelque écrit,
image, modèle, disque de pornographie
ou autre chose obscène, ou
"b" produit, imprime, publie, distribue, vend,
ou a en sa possession aux fins de publier,
distribuer, ou mettre en circulation, une
histoire illustrée de crime.
(2): Commet une infraction, quiconque, sciem-
ment et sans justification ni excuse
légitime,
"a" vend, expose à la vue du public, ou a en sa
possession à une telle fin, quelque écrit,
image, modèle, disque de pornographie ou
autre chose obscène,
"b" publiquement expose un objet révoltant ou
montre un spectacle indécent,
"c" ...
Rapport de Mission en Europe concernant
1'obscénité et la
pornographie chez les mineurs, Me J.-F. Dionne,
1977.
"d" annonce quelque moyen, indication,
médicament, drogue ou article ayant
pour objet, ou représenté comme un
moyen de rétablir la virilité sexuelle,
ou de guérir des maladies vénériennes
ou maladies des organes génitaux, ou en
publie une annonce.
Art.159 C.cr. (8): Aux fins de la présente loi, est
réputée
obscène toute publication dont une carac-
téristique dominante est l'exploitation
indue des choses sexuelles, ou des choses
sexuelles et de l'un quelconque ou plu-
sieurs des sujets suivants, savoir: le
crime, l'horreur, la cruauté et la vio-
lence .
Art.161 C.cr. : Commet une infraction quiconque refuse
de
vendre ou fournir à toute autre personne
des exemplaires d'une publication pour la
seule raison que cette personne refuse
d'acheter ou d'acquérir de lui des exemplai-
res d'une autre publication qu'elle peut,
dans son appréhension, considérer comme
obscène ou comme histoire illustrée du
crime.
Art.163 C.cr. (1): Commet une infraction, quiconque,
étant le
locataire, gérant ou agent de théâtre, ou
en ayant la charge, y présente ou donne, ou
permet qu'y soit présenté ou donné, un spec-
tacle, un divertissement ou une représenta-
tion immorale, indécente ou obscène.
(2): Commet une infraction, quiconque participe
comme acteur ou exécutant, ou aide en n'im-
porte quelle qualité, à un spectacle, à un
divertissement ou à une représentation immo-
rale, indécente ou obscène, ou y figure de
la sorte, dans un théâtre.
Notion d'obscénité
L'on emploie souvent, pour parler de publication ou de
spectacle, le mot pornographique que l'on ne retrouve pas cependant
dans
le Code criminel. Lorsque le Code criminel emploie
indifféremment
les mots obscène, indécent, ou immoral, il faut noter
que seul le mot obscène y est défini [voir plus haut définition
de l'article 159 (8).
Cette dernière définition ne fut introduite au Code
criminel qu'en
1959. Avant que le législateur n'ait formulé cette
définition, les
Cours de justice, lorsqu'elles devaient déterminer les
caractères
obscènes ou non obscènes d'une publication,
s'appuyaient sur la déci-
sion rendue dans Rex vs Hykling (1868)
11.L.R.3Q.B.360. Le critère
de cette décision était la tendance à corrompre;
il est formulé à la
page 360 de ladite décision; il est devenu, par la suite,
un test
classique. Depuis que le législateur a défini le mot
obscène dans le
Code criminel, le critère établi dans la cause
Rex vs Hykling n'a
plus cours.
Pour qu'une publication soit obscène, il faut donc que
la
caractéristique dominante de celle-ci soit "l'exploitation
indue des
choses sexuelles, ou des choses sexuelles et de l'un quelconque
ou
plusieurs des sujets suivants: le crime, l'horreur, la
cruauté, et
la violence".
Il est intéressant de remarquer que le Code criminel
emploie
indifféremment les mots immoral, obscène ou
indécent, alors que ces
trois mots ne sont pas synonymes; il existe en effet une
différence
de degré entre les trois. Dans l'arrêt de La
Reine vs Roger Soublière
1976 C.S.P. page 1014, le juge Roger Lagarde écrivait
à ce sujet:
Dans l'échelle des concepts, "indécent" serait
placé au bas de l'échelle, de sorte qu'un spec-
tacle indécent n'est pas nécessairement
obscène.
Alors qu'un spectacle obscène doit être
indécent.
Un acte ne devient pas non plus immoral parce
qu'il est indécent. A la page 1014, le juge
Lagarde poursuit en disant:
Selon Robert, "l'indécence" c'est ce qui est
contraire à la décence; c'est ce qui "choque",
blesse, déplaît ou offense la décence; c'est
également synonyme de "déplacé", "grossier",
"inconvenant".
On doit enfin se référer aux standards cana-
diens de la décence dans la communauté au
Canada et non se référer au mot "obscène"
prévu
à 1'article 159(8) .
Le test de l'indécence consiste à se demander si
le spectacle offert offense les standards recon-
nus canadiens de décence.
Ce ne sont pas ceux qui font preuve du plus
mauvais goût ou d'un manque d'intérêt à
la
communauté, pas plus que ceux d'ailleurs qui
sont rigides ou austères qui forment les nor-
mes de la société. On doit découvrir ce que
la communauté canadienne dans sa majorité
pense et ressent.
Comment alors déterminer les standards canadiens
contemporains? Dans l'arrêt La Reine vs Philippe
Prud'homme C.S.P. No. 724691,
Monsieur le juge Paul Bélanger exprimait les
difficultés inhérentes à
cette détermination:
Il est évident que le problème le plus difficile
en appliquant la définition de l'obscénité est
de déterminer les standards de tolérance de la
communauté actuelle.
Le tribunal est bien au fait qu'il doit se
garder de faire prévaloir ses goûts personnels
en pareille matière et d'ériger ses opinions en
principes juridiques, qu'il doit distinguer très
nettement ses propres goûts d'avec les standards
de tolérance de la communauté.
Dans un jugement maintenant devenu une autorité
en la matière, l'Honorable Juge Freedman de la
Cour d'Appel du Manitoba a déterminé les
critères
que l'on doit rechercher pour définir ces stan-
dards canadiens. Il s'agit de l'arrêt The Queen
vs Dominion News & Gifts (1962) Ltd. (1963) 2
C.C.C.
103, 40 C.R. 109.
Le juge Freedman dans la détermination de ses
critères s'est
référé au concept exprimé par le juge Lagarde
à l'effet "qu'on doit
découvrir ce que la communauté canadienne dans sa
majorité pense et
ressent".
Le juge doit donc se demander si la communauté actuelle
a
atteint un seuil de tolérance relativement à ces
publications ou spec-
tacles .
Application de la loi
Ceci revient à dire qu'il appartient au juge de
définir les
normes de la communauté canadienne. Il faut
sérieusement poser la
question de la prévention, de préférence à la
répression.
Un comité représentatif de la communauté
pourrait établir des
normes acceptables quant à la vente, la distribution, la
publication
et l'importation d'un tel matériel avant que quiconque ne se
retrouve
dans l'une des situations énumérées aux articles
159 à 163 du Code
criminel.
Il semble, en effet, qu'il serait légitime pour quiconque
de
demander l'intervention du tribunal en cas de désaccord.
Ceci nous
apparaît d'autant plus logique que ces dispositions trouvent
rarement
application dans la pratique.
Qui oserait, dans ce contexte, porter plainte, sans passer
pour un rétrograde, un puritain outré? Cependant,
lorsque la porno-
graphie est illustrée dans un contexte de violence et de
cruauté,
nous nous permettons d'être étonnés devant
l'inaction flagrante de nos
représentants. Comment prôner l'égalité de
tous et, du même coup,
permettre que l'on insulte et bafoue des personnes, des enfants
et de
plus en plus des hommes sous prétexte de
libéralité? La société doit
choisir ses priorités.
La directive de l'ancien sous-ministre associé aux
Affaires
criminelles, Me François Tremblay, émise en
janvier 1978, limite sin-
gulièrement l'application du Code criminel et confirme nos
prétentions
et nos préoccupations à ce sujet:
D-l Lettre annexée aux "directives"
QUEBEC, 24 janvier 1978
AUX DISTRIBUTEURS DE JOURNAUX
Messieurs,
Nous vous faisons parvenir une copie de cer-
taines directives que nous avons adressées aux
substituts du Procureur général.
Nous vous demandons votre coopération afin
de suivre ces directives, et je vous prie de vous
gouverner en conséquence.
Le sous-ministre associé
aux affaires criminelles,
FRANÇOIS TREMBLAY
"Directives" proprement dites
ANNEXE POUVANT ETRE DISTRIBUEE S'IL Y A LIEU
CONCERNANT LES REVUES ET JOURNAUX PORNOGRAPHIQUES
Nous allons diviser les catégories de revues
et journaux en trois parties, afin de mieux déter-
miner dans quels cas il y aurait lieu de procéder
devant les tribunaux ou non.
A. Les catégories d'obscénité ci-après
définies
sont considérées comme une violation évidente
des valeurs traditionnelles et des moeurs de
la société et peuvent faire l'objet de pour-
suites :
- Toute publication qui contient des images
d'actes sexuels accompagnés de violence
(incluant le sadisme, le masochisme et
autres actes de même nature);
- Toute publication qui contient des images
de bestialité;
- Toute publication qui contient des images
d'activités sexuelles impliquant les en-
fants .
B. Quant aux revues reconnues comme "Hardcore"
(i.e. foncièrement pornographiques, outra-
geant, répugnant à tous) qui ne sont pas
englobées par les critères ci-dessus mention-
nés :
- Ces revues ne peuvent être vendues à des
mineurs ou leur être accessibles;
- Ces revues vendues dans certains établis-
sements doivent être enveloppées de façon
à ce qu'elles ne peuvent être feuilletées
au comptoir. Ces commerces doivent s'assu-
rer que l'étalage de ce matériel n'est pas
à la vue du public de l'extérieur du maga-
sin .
G. Quant aux revues reconnues comme "Softcore"
(i.e. pornographiques mais acceptables par
une bonne partie de la population), ces re-
vues ne doivent pas être vendues ni être
accessibles aux enfants de moins de 14 ans.
La protection des mineurs étant notre souci
premier, nous comptons sur la collaboration des
commerçants afin d'atteindre les buts que nous
nous sommes fixés.
Vous êtes priés de noter que l'on doit
interdire complètement l'accès aux mineurs dans
les établissements spéciaux dits "sex shops".
QUEBEC, 25 novembre 1977.
FRANÇOIS TREMBLAY
Sous-ministre associé
aux affaires criminelles.
Dans la cause La Reine vs Claude Perron, cause
numéro 1810723
de la Cour municipale, la défense s'est même
appuyée sur ladite direc-
tive pour convaincre le juge de son innocence. Cette directive
a
pour effet de rendre non applicable la partie de l'article 159 du
Code
criminel relative aux publications obscènes, indécentes
ou immorales,
autres que celles qui ont trait à des actes sexuels
accompagnés de
violence, de bestialité ou encore contenant des images
sexuelles impli-
quant des enfants. Ce qui veut dire que les revues reconnues
comme
"Hardcore", foncièrement pornographiques, outrageantes,
répugnantes en
tout, non comprises par les critères
énumérés, à savoir: violence,
bestialité, ou enfant, pourront circuler librement. Il est
cependant
recommandé que ces revues ne soient pas vendues aux mineurs
et que
lorsqu'elles sont vendues dans certains établissements
qu'elles soient
enveloppées de façon à ce qu'elles ne puissent
être feuilletées au
comptoir, et qu'elles ne puissent être vues du public de
l'extérieur
du magasin.
Ce qui sous — entend que, lorsqu'on satisfait aux
conditions
énumérées au paragraphe b) de ladite directive,
ces revues pourront
être vendues et les personnes soumises à ces directives
ne pourront saisir le matériel. En conséquence, les revues
reconnues comme
"Hardcore" pourront être vendues, et effectivement sont
vendues à
des adultes, et ces revues à cause de cette directive ne
seront pas
saisies et aucune accusation ne sera portée. Et pourtant,
ces revues
sont nettement obscènes, nettement indécentes,
nettement immorales.
L'on continue, grâce à une directive
administrative d'un sous-ministre,
à vendre ces revues, et à en faire un étalage
public.
Il nous apparaît donc impérieux qu'une telle
directive soit
immédiatement retirée, puisqu'elle a pour effet la
non-application du
Code criminel.
Encore une fois, doit-on se dire, surtout à la lecture
d'une
directive semblable, que la volonté politique de faire
cesser cette
situation est inexistante? Que faut-il pour convaincre nos
dirigeants? Il y a eu des dénonciations publiques, la
population s'est
prononcée, il y a eu les colloques sur la violence, il y a
des péti-
tions signées par des milliers de personnes, et encore ces
revues
continuent à circuler!
A ce colloque, nous donnerons-nous enfin des moyens
d'action
efficaces, réalistes, pour que cesse l'exploitation sexuelle
de nos
enfants?
2 . Les danseurs(ses) nus(es)
Cette situation n'est ignorée de personne. Nos
représentants
ont été saisis depuis longtemps de cette question. Les
journaux, la
télévision, la radio, les mouvements de femmes, les
groupes de parents
ont non seulement sensibilisé ceux qui sont chargés de
faire les lois
et de les appliquer, mais aussi la population entière.
Nous sommes encore a nous demander où se situent les
résultats .
Il est certes difficile d'agir lorsque nous avons affaire
à
une clientèle comme celle-ci, surtout caractérisée
par son nomadisme.
Nous reprenons ici le portrait de ces jeunes qui, pour la
plu-
part, sont en fugue du foyer, et dont l'âge varie de 13
à 17 ans. Ils
sont engagés pour travailler comme danseurs(ses) nus(es) ou
serveurs(ses)
dans des débits de boisson. Ils se présentent
généralement à des agen-
ces de placement qui les "bookent" dans différents
hôtels de province.
Ils travaillent 2 ou 3 jours dans tel hôtel, pour ensuite
être conduits
dans une autre région pour encore 2 ou 3 jours.
Ces jeunes voyagent habituellement par avion ou par
autobus;
ils sont parfois conduits en voiture par des employés de
l'agence qui
leur a trouvé ce "contrat". L'agence reçoit un
pourcentage du salaire
du jeune, plus, dans certains cas, un montant forfaitaire du
proprié-
taire de l'hôtel. Leur travail consiste à servir aux
tables, danser
nu ou presque, c'est-à-dire à faire 1, 2, 3 et
même parfois jusqu'à 5
"strip-tease" durant la même soirée. Les heures sont
de 15hOO à 2hOO
ou 2h30 du matin.
Ces jeunes, en quête d'aventures, certes, mais surtout
à la
recherche d'une identité, d'une autonomie, se voient
propulser dans un
monde où ils serviront à satisfaire les besoins des
autres; ils
trouveront rarement une satisfaction aux besoins les plus
fondamentaux
qui n'ont pas été comblés dans leur famille,
c'est-à-dire être voulus,
aimés, respectés, valorisés. Au contraire, la
société, maladivement
parfois, permettra que l'on exploite ces enfants.
Comment ne pas être sensible à la vue de ces jeunes
qui se
retrouvent presque toujours seuls dans un monde où le
"métier de dan-
seurs à go-go ne constitue en somme qu'un monde de
production de la
nudité la plus fraîche possible", où cet enfant
verra son jugement
foncièrement faussé sur la hiérarchie des valeurs
et confondra la véna-
lité avec le fruit d'un travail
honnête?2
Ces jeunes gagnent parfois de 800$ à 900$ par semaine et
ne
réussissent parfois jamais à épargner le moindre
sou. Les cachets
alléchants offerts aux jeunes mineurs pour s'exhiber en
public constituent de puissants appâts pour de nombreux adolescents et
notamment
pour l'enfant en fugue.4
Comment peut-on les convaincre de changer de milieu de
travail? Qu'auront-ils alors en partage?
La Reine vs Hôtel Victoria Lasarre Inc.,
No. 605-42-00001678
2La Reine vs Pierre Doyon, No.
500-42-000438-77.
3Rapport: Colloques régionaux sur la
violence, p. 72: "Elles
deviennent vite asservies à la drogue, ce qui les contraint
à poursui-
vre leurs activités".
4Idem, p. 72: "Elles sont difficilement
récupérables lors-
qu'elles ont pris goût à l'argent et à la
drogue".
Dans notre mode de vie actuel, il est généralement
considéré
et admis que danser nu est un acte immoral1 et expose
sérieusement un
enfant à des dangers physiques et moraux. Comment peut-on
expliquer
l'inertie des autorités, la complicité des adultes "bon
père de
famille" avec les personnes impliquées, l'impuissance des
parents, la
tolérance de cette société qui décrète
l'année internationale de l'en-
fant, et de ce législateur qui promulgue des lois pour le
respect des
droits de l'enfant?
Les lois
Les lois nous permettent d'agir. De nombreuses
dispositions
législatives nous permettraient d'intervenir au niveau des
enfants
exploités; elles n'ont malheureusement pas ou peu
été utilisées à ce
jour. Rappelons la Loi des bureaux de placement où il
semble clair
que toutes les agences de placement s'occupant de trouver des
con-
trats aux jeunes dansant nus n'ont pas le permis requis par la
loi et
agissent illégalement. Et pourtant, ces agences continuent
toujours
à opérer impunément.
La Loi des établissements industriels et
commerciaux
Plusieurs articles de cette loi pourraient trouver
application
au niveau des mineurs exploités, par exemple, l'article 6
où l'on pré-
cise que tout membre du personnel d'un établissement doit
être âgé d'au
moins 16 ans, l'article 15 qui stipule que les membres du
personnel de
moins de 18 ans ne peuvent travailler plus de 9 heures dans une
journée;
cette journée de 9 heures ne devant pas commencer avant 7
heures du
matin, ni se terminer après 6 heures de l'après-midi.
Que penser des
jeunes qui commencent à travailler à 22 heures? La
presque-totalité de
ces danseurs(ses) travaillent après 6 heures de
l'après-midi.
La Loi sur les permis d'alcool
Suite à une intervention de Monsieur Claude Forget,
ancien
ministre des Affaires sociales, l'Assemblée nationale a
amendé la Loi
1Cause R.J., un enfant, No. 0006123-783.
Cause de Claude Vignon vs Procureur
général de la
Province de Québec, No. 27002784769, en appel
numéro 36, No.
0000028-772.
de la commission de contrôle des permis d'alcool afin de
permettre des
sanctions réalistes lorsqu'un jeune est trouvé dans un
endroit où l'on
vend des boissons alcoolisées.
Cette loi précise en effet à l'article 103.1 et
103.2 que:
- Un détenteur de permis ne peut vendre des
boissons alcooliques à un mineur. Il ne
peut non plus en vendre à une personne
majeure s'il sait que celle-ci en achète
pour un mineur.
- Un détenteur de permis de brasserie, de
taverne ou de bar ne peut admettre un
mineur, permettre sa présence, l'employer,
lui permettre de présenter un spectacle
ou d'y participer dans une pièce ou sur
une terrasse de son établissement où des
boissons alcooliques peuvent être vendues.
Dans les poursuites intentées en vertu de ces articles,
le
détenteur du permis devra prouver qu'il a agi avec diligence
raison-
nable pour constater l'âge de la personne et qu'il avait un
motif
raisonnable de croire que celle-ci était majeure.
Reconnu coupable d'avoir contrevenu à cette loi, ou
à l'article 135 de la Loi sur la protection de la jeunesse ou encore
à
l'article 33 de la Loi sur les jeunes délinquants, le
détenteur pourra
voir son permis révoqué, ou suspendu (art. 86). La
Régie pourra aussi
refuser de renouveler ledit permis (art. 55).
Bien que les jeunes ne puissent fréquenter des
débits de bois-
son, aucune disposition législative n'empêche ces
jeunes d'assister à
des spectacles à caractère pornographique (strip-tease,
donné bénévo-
lement pour cause philanthropique [hôpitaux], parades de
mode erotiques, etc...) si ces endroits ne sont pas licenciés.
3. La prostitution chez les mineurs
Bien que l'objet de notre colloque ne comporte pas
spécifique-
ment la prostitution, nous savons par ailleurs que
généralement la
pornographie favorise la prostitution et avons jugé utile
à titre
d'information, d'apporter quelques données sur cette
problématique.
Le Rapport du groupe de travail sur la prostitution chez
les
mineurs1 nous permet de tracer un portrait qui indique
que les filles
font la prostitution pour trois raisons concurrentes: la
recherche de
gratification, la satisfaction sexuelle, et la satisfaction
affective.
La prostitution est organisée en réseaux par des
adultes ou
prend la forme de l'échange et de la circulation des jeunes
filles
entre adultes. La prostitution est généralement
hétérosexuelle et se
fait autant dans des lieux privés que publics. Il existe
toutefois une
prostitution homosexuelle chez les filles.
La prostitution des filles prend la forme du rapport
sexuel
direct; cependant, pour de nombreux intervenants, elle se
manifeste
également dans la pornographie, les danses nues avec service
aux tables, et certaines activités de photographie. Le groupe
ajoute que
l'on ressent une frustration devant les propriétaires de
club et
d'agence de placement de danseuses nues qui, souvent,
n'hésitent pas
à envoyer les filles travailler à l'extérieur, en
province, ce qui les
rend plus facilement exploitables.
Le portrait du garçon prostitué nous permet une
première cons-
tatation: il s'agit de la double réalité, prostitution
pédophilie.
La prostitution homosexuelle a ses règles propres et ses
lieux. On ne
peut pas dire que les clubs gais constituent des réseaux de
prostitution, mais plutôt qu'ils invitent à ce genre de
rapport.
En général, les garçons se prostituent pour les
mêmes trois
raisons que les filles, soit: la gratification, la
satisfaction
sexuelle, et la satisfaction matérielle et affective. Le
garçon pros-
titué est soit call-boy, serveur aux tables, danseur nu, ou
encore le
préféré d'un homosexuel qui le passe à
d'autres adultes.
Comme nous pouvons le voir, la question d'exploitation
sexuelle
des danseurs nus est reliée aux problèmes de la
prostitution.
En vertu du Code criminel, la prostitution des adultes
n'est
pas interdite; c'est la sollicitation qui est plutôt
défendue. Le
Code criminel mentionne à l'article 195.1 que:
toute personne qui sollicite une autre personne
dans un endroit public aux fins de la prostitution,
1-Rapport du groupe de travail sur la
prostitution chez les
mineurs. Service des impressions en régie.
Ministère des communica-
tions, Gouvernement du Québec, mars 1981.
est coupable d'une infraction punissable sous
déclaration sommaire de culpabilité.
Cependant, lorsqu'on connaît la situation des jeunes
s'adonnant à la
prostitution, on est surpris que si peu de choses soient faites
pour
enrayer cette situation au niveau des adultes qui exploitent de
telle
façon les jeunes. Il suffit de penser à l'article 33
de la Loi sur
les jeunes délinquants relatif à la contribution à
la délinquance
impliquant l'immoralité sexuelle. A notre connaissance,
aucune
plainte n'a encore été portée contre des adultes
qui favorisent la
prostitution des jeunes.
Au contraire, les jeunes eux-mêmes font l'objet de
poursuites
non pas en vertu de l'article 195.1 C.cr., mais plutôt en
vertu de
l'article 195.2 C.cr. Combien de jeunes filles ont été
accusées de
tenir une maison de débauche parce qu'un adulte complaisant
leur louait
une chambre à bon prix? Que fait-on des dispositions
pertinentes con-
cernant ces adultes?
Egalement, nous n'avons qu'à examiner l'article 195 h) et
i)
afin de nous convaincre qu'il faut avant tout décourager les
adultes
de ces pratiques :
Art. 195.1 C.cr. Est coupable d'un acte criminel et
passible d'un emprisonnement de dix
ans quiconque:
h) aux fins de lucre, exerce un contrôle,
une direction ou une influence sur les
mouvements d'une personne de sexe
féminin de façon à démontrer qu'il
l'aide, l'encourage ou la force à
s'adonner ou à se livrer à la prostitu-
tion avec quelque personne en particu-
lier ou d'une manière générale;
i) applique ou administre, ou fait pren-
dre à une personne du sexe féminin,
quelque drogue, liqueur enivrante,
matière ou chose, avec l'intention de
la stupéfier ou de la subjuguer de
manière à permettre à quelqu'un d'avoir
avec elle des rapports sexuels illicites.
Face au phénomène grandissant de la prostitution
chez les jeunes
garçons, nous considérons que l'article 195 devrait
être amendé de façon
à les protéger.
Nous devons donc réaliser qu'il existe de nombreuses
disposi-
tions qui nous permettraient de pénaliser les adultes qui
exploitent
les jeunes .
Nous devons cependant constater que la volonté
d'intervention
est presque inexistante en ce qui regarde la participation des
adultes
à ce niveau.
CONCLUSION
Cet aperçu nous a permis de nous rendre compte de
l'immense
silence de nos représentants en terme d'action
concrète, et ce, malgré
l'éventail d'outils depuis longtemps mis à notre
disposition.
Nous exigeons que des gestes concrets soient posés afin
que
soit respectée la personne dans toute sa dignité.
Notre société qué-
bécoise ne saurait tolérer de voir ses valeurs ainsi
bafouées.
Nous exigeons également, en tant que parents
responsables, que
soient appliquées strictement les lois relatives aux adultes
exploitant
honteusement les enfants.
RECOMMANDATIONS
PRÉAMBULE
ESTIMANT que la pornographie est une question de marche et
qu'un mar-
che ne tient pas compte de l'intérêt public;
ESTIMANT que la pornographie attaque des valeurs
essentielles:
- en glorifiant le mépris et la violence,
- en agressant la liberté de ceux qui ne veulent pas
être des
consommateurs involontaires de pornographie,
- étant directement ou indirectement reliée à
d'autres phénomè-
nes comme la drogue, la prostitution et le crime
organisé,
- contrecarrant la liberté des parents à élever
leurs enfants
et le droit des enfants a être élevés dans un
environnement
qui leur permet un développement sexuel respectueux de la
di-
gnité humaine;
ESTIMANT que les mineurs, en raison même de leur
âge, ne sont pas suffisamment mûrs pour être exposés à cette
pollution, et qu'ils ont besoin d'une protection spéciale en cette matière;
ESTIMANT que l'Etat assure déjà à la jeunesse
une protection spéciale
dans d'autres domaines, notamment la consommation des boissons
alcooliques, la possession d'armes a feu, le cinéma, le permis de
conduire, la
publicité destinée aux enfants, etc.;
ESTIMANT que les recommandations que nous vous proposons
constituent un
élément majeur de la protection des enfants du
Québec;
Le comité organisateur du colloque "Volonté
politique et pornographie?" propose à l'assemblée, une série de
recommandations qui tiennent compte des aspects légaux du problème, des
changements de mentalités, et du rôle de surveillance à assurer dans ce
domaine. Nous vou-
lons que ces recommandations déclenchent une volonté
politique d'action.
Nous demandons aux autorités fédérale,
provinciale et municipa-
les, selon leurs compétences respectives, de prendre les
mesures néces-
saires afin d'assurer que la pornographie soit rendue
inaccessible aux
mineurs, hors de leur vue et que l'utilisation des mineurs
dans la com-
munication pornographique soit strictement
interdite.
ACCÈS
A. VENTE, ÉTALAGE PUBLIC ET AFFICHAGE
CONSIDÉRANT qu'il n'y a aucune disposition légale
spécifique qui inter-
dise la vente aux mineurs de toute publication ou matériel
à caractère
pornographique ;
CONSIDÉRANT qu'il n'y a aucune disposition légale
spécifique qui inter-
dise l'accès des sex shops aux mineurs;
CONSIDÉRANT que les dispositions de l'article 159 du code
criminel re-
latives à la vente a l'étalage et à l'affichage ne
sont pas appliquées;
NOUS RECOMMANDONS:
a) ou bien que la vente des publications et du
matériel
à caractère pornographique soit interdite dans les
établissements autres que les sex shops,
Que l'accès des sex shops soit interdit
aux mineurs;
Que les propriétaires des sex shops soient
détenteurs
d'un permis spécial et que des sanctions rigoureuses
soient prévues pour les contraventions à l'accès
des
mineurs à ces établissements;
b)ou bien que la vente des publications à
caractère
pornographique soit permise dans les établissements
commerciaux où les mineurs ont accès,
Que ces publications soient interdites à l'étalage
ou
placées dans un étalage spécial et sous une forme
spé-
ciale, de sorte qu'elles ne puissent être vues par
quiconque, ni de l'extérieur, ni à l'intérieur de
ces
établissements,
Que la vente de ces publications soit interdite aux
mineurs;
Que la vente de tout autre matériel à caractère
porno-
graphique ne soit permise que dans les sex shops.
CONSIDÉRANT qu'il y a des placards, des affiches, des
enseignes et
d'autres formes de publicité qui transmettent le même
message que les
publications à caractère pornographique;
NOUS RECOMMANDONS:
Que les placards, les affiches publicitaires et
les autres formes de publicité a caractère
por-
nographique transmis par les médias et/ou affichés
dans les lieux publics accessibles aux mineurs,
soit interdits.
CONSIDÉRANT la directive émise par le sous-ministre
associé aux
affaires criminelles en date du 25 novembre 1977;
CONSIDÉRANT que cette directive a pour effet la
non-application d'une
partie du code criminel
NOUS RECOMMANDONS :
Que le Ministre de la Justice retire cette direc-
tive émise par son ministère.
B. SPECTACLES
CONSIDÉRANT que les dispositions de la loi sur les permis
d'alcool
- relatives à l'accès des mineurs dans les endroits
où l'on vend des
boissons alcooliques - ne sont pas appliquées avec
suffisamment de
rigueur;
CONSIDÉRANT qu'il n'y a aucune disposition légale
spécifique qui inter-
dise l'accès des mineurs à des endroits où l'on
présente des specta-
cles à caractère pornographique lorsque ces spectacles
sont présentés
dans des établissements non licenciés;
NOUS RECOMMANDONS:
Qu'une législation spécifique interdise
l'accès
aux mineurs de tous les endroits où l'on présente
un spectacle à caractère pornographique,
Que des sanctions rigoureuses soient prévues pour
les contrevenants et particulièrement, les tenan-
ciers de ces établissements;
CONSIDÉRANT l'influence du cinéma dans le processus
d'intégration chez
les jeunes des valeurs autant positives que négatives et des
attitudes
humaines ;
CONSIDÉRANT l'importante responsabilité sociale qui
incombe au Bureau
de surveillance du cinéma du Québec qui administre la
loi sur le cinéma;
NOUS RECOMMANDONS;
Que l'accès des mineurs aux films classés
"18 ans et plus" soit strictement contrôlé;
Que le Bureau de surveillance se donne des
critères de classement des films et qu'il les
fasse connaître au public;
Que le Bureau montre plus de vigilance au
classement des films de même qu'aux autori-
sations qu'il donne pour projeter des films
qui peuvent porter atteinte à "l'ordre pu-
blic et aux bonnes moeurs", et des autorisa-
tions concernant les affiches, panneaux-
réclames, annonces publicitaires des films
autorisés.
PARTICIPATION ET UTILISATION DES MINEURS DANS LA
COMMUNICATION PORNO-
GRAPHIQUE (revues, spectacles, films, etc.).
CONSIDÉRANT qu'il y a un nombre sans cesse croissant de
mineurs utili-
sés dans les spectacles (serveurs(ses) nus(es), strip-tease,
etc.) et
dans la production du matériel pornographique;
CONSIDÉRANT que l'article 135 de la loi sur la protection
de la jeu-
nesse et l'article 33 de la loi sur les jeunes délinquants,
ainsi que
les lois sur les établissements industriels et commerciaux
et sur les
permis d'alcool ne sont pas appliqués ou ne sont pas
appliqués unifor-
mément sur tout le territoire du Québec;
NOUS RECOMMANDONS:
Qu'une loi spécifique interdise toute utilisa-
tion des mineurs dans la production de tout ma-
tériel ou spectacle à caractère
pornographique,
Que des sanctions sévères soient prévues
pour
les contrevenants (et spécialement pour ceux
et celles qui utilisent ces mineurs -agences,
intermédiaires de toutes sortes, propriétai-
res d'établissement, photographes, etc.);
Qu'en attendant, les lois existantes soient ap-
pliquées rigoureusement à la grandeur du
Québec.
ORGANISMES DE SURVEILLANCE
CONSIDÉRANT que l'application des lois et règlements
relatifs à la
pornographie et a l'obscénité est presque impossible
à cause de la dif-
ficulté d'identifier les "normes" et le "consensus social"
qui servent
de base à la définition de ces termes;
NOUS RECOMMANDONS :
Que soit mis sur pied par les Ministères de la
Justice fédéral et provincial, un comité
conseil
para-gouvernemental auprès des autorités
judici-
aires et autres organismes concernés, formé de
représentants de divers milieux et groupes socio-
économiques et des Ministères concernés, qui
re-
présenterait le plus fidèlement possible la
société entière, et dont le mandat
consisterait:
- à définir ce qui est pornographique, pour sta-
tuer dans tous les domaines qui peuvent être
touchés (films, publications, spectacles,
disques, etc.) et auxquels les mineurs ont accès,
- à recevoir des plaintes et à en assurer le
suivi,
- à signaler aux autorités compétentes toute
in-
fraction aux lois et règlements concernant la
pornographie,
- à faire connaître au public ses avis,
- à conseiller les Ministres dans toutes ques-
tions se référant à son mandat.
CHANGEMENT DES MENTALITÉS, PRÉVENTION
CONSIDÉRANT qu'un changement de mentalité face au
matériel pornogra-
phique en général est essentiel, nous endossons la
recommandation 75
du rapport des colloques régionaux sur la violence.
NOUS RECOMMANDONS;
Que les Ministères de la Justice fédéral et
provincial, en collaboration avec les autres
ministères concernés et des organismes privés,
entreprennent une campagne d'information et de
sensibilisation sur:
- les lois et règlements touchant la pornogra-
phie;
- les possibilités de plaintes et de recours;
- le phénomène de la pornographie;
- l'escalade du phénomène et ses liens avec
d'autres formes de criminalité;
- la tolérance et l'encouragement de la porno-
graphie .
CONSIDÉRANT que dans une société comme la
nôtre, qui n'est pas de type
autoritaire, l'Etat ne peut intervenir efficacement que dans la
mesure
où il reçoit un appui populaire concret;
NOUS RECOMMANDONS;
Que les associations et groupes qui ont appuyé
la requête de la F.F.Q. et tous les autres inté-
ressés par la protection des mineurs dans le do-
maine de la pornographie, forment un front com-
mun pour établir les stratégies d'actions
néces-
saires afin d'assurer que la pornographie soit
rendue inaccessible aux mineurs, hors de leur vue,
et que l'utilisation des mineurs dans la communica-
tion pornographique soit strictement interdite.
ANNEXES
REQUÊTE
soumise par la
FÉDÉRATION DES FEMMES DU QUÉBEC
aux
Ministre de la Justice du Canada, Ministre de la Justice du Québec,
Hon. Jacques
Flynn
Hon. Marc-André Bédard
au sujet de
la réglementation de la vente aux
mineurs et de l'étalage public
des publications pornographiques
PROJET S'INSÉRANT DANS LE CADRE DE
L'ANNÉE INTERNATIONALE DE L'ENFANT
Novembre 1979
Monsieur le Ministre,
Nous aimerions vous soumettre un problème qui nous
préoccupe
depuis bien longtemps: soit celui des journaux et des
magazines à caractère pornographique dont l'étalage
nous crève
les yeux chaque fois que nous entrons dans certains
lieux
publics, spécialement les tabagies, les dépanneurs
et les
pharmacies.
Notre démarche n'a pas pour but de se prononcer sur la
nature
pornographique ou non pornographique de cette
littérature,
non plus que sur son caractère légal ou illégal
eu égard aux
dispositions du Code criminel.
Nous ne préconisons donc aucune forme de censure
dans ce domaine. Nous voulons établir ce fait clairement dès
le début.
Même si nous sommes très sensibles, au nom du
respect de la
dignité humaine (art. 4 de la Charte des droits et
libertés
de la personne), à l'utilisation de la femme et de
l'homme
comme simples objets de satisfactions sexuelles, notre
propos
n'est pas de porter sur cette difficile question un
jugement
de valeur. D'autres commencent, heureusement, à se
pencher
sur ce problème.
Par contre, nous sommes grandement préoccupés par le
droit
des enfants et des adolescents à un environnement qui
leur
permette un développement sain.
Or, il est impossible à un enfant qui veut acheter
du pain,
du lait ou une tablette de chocolat de ne pas voir cette
littérature abondamment illustrée, et toujours
facilement acces-
sible et bien en vue tandis que les bandes dessinées et
la
littérature pour enfant sont souvent à l'abri sur
les derniers
rayons.
Les "Playboys" d'il y a cinq ans sont devenus presque
de la
littérature "rose" à côté des revues
spécialisées en sodomie,
flagellation, bestialité, sadomasochisme,
nécrophilie qui ont
littéralement inondé le marché
dernièrement.
Il faut s'opposer à ce que, en ce domaine, et
surtout pour
l'enfant, le quotidien ne devienne la normale, et la
normale
1a norme.
Nous pensons, en effet, que l'éducation sexuelle
revient, de
droit, aux parents qui doivent la partager avec
l'école et
non au colporteur de matières obscènes
qui.pratique une
exploitation indue des choses sexuelles.
L'étalage public de ce matériel aux yeux des enfants
entre
clairement en conflit avec ce droit; il en est de même
de
la vente et de la distribution aux enfants de ces
matériaux.
L'article 39 de la Charte des droits et libertés de la
personne affirme: "Tout enfant a droit à la
protection, à la
sécurité et à l'attention que doivent lui
apporter sa famille
ou les personnes qui en tiennent lieu".
C'est notre obligation en tant qu'adultes de permettre
aux
enfants d'atteindre à la maturité avec le plus de
chances de
l'obtenir; or, l'obscénité représente
l'immaturité. Elle
contrecarre le développement personnel.
Le Comité de recherche sur l'obscénité de la
Commission de
Réforme du Droit du Canada s'exprime en ces termes:
"C'est à bon droit que pour leur bien, nous
empêchons
les bambins de jouer avec le feu. Ne pourrait-on
tenir le même raisonnement à propos de
l'obscénité?
Car même si, en dernière analyse, on doit
choisir
ses propres priorités et s'engager comme on le
désire,
encore faut-il posséder assez de maturité pour
ce
faire. Les enfants n'ont pas encore atteint ce
degré
de maturité et en les exposant à l'obscénité
on risquerait peut-être de les empêcher de l'atteindre un
jour.
Le libre choix doit être protégé de toute
influence
susceptible de l'entraver". Or, "... une exposition
prématurée à l'obscénité risque
d'hypothéquer les options
prises à l'âge adulte. Dans ce sens, une
forme restreinte
de paternalisme n'est pas en conflit avec la liberté
individuelle; de fait, elle contribue à
l'étayer".
Les enfants sont traités différemment des
adultes. A l'heure
actuelle, il sont protégés contre l'exploitation
et la corruption sur le plan moral dans certains domaines par la
loi ou
le pouvoir réglementaire. L'accès à
certains films, par exem-
ple, leur est refusé; ils ne peuvent, avant un
certain âge,
acheter ou consommer des boissons alcooliques, du tabac,
posséder une arme à feu et obtenir un permis de
conduire, etc...
La publicité commerciale qui s'adresse aux enfants sera
interdite à partir du 1er mars 1980.
Si l'obligation individuelle de protection des enfants
revient
avant tout aux parents, il existe aussi une obligation
collective à assumer. C'est pourquoi la collaboration de
tous ceux
qui y croient est nécessaire de même que celle du
gouvernement.
L'année 1979 est l'Année Internationale de
l'Enfant. Cette
protection doit être une préoccupation constante des
citoyens
et citoyennes que nous sommes et des gouvernants que nous
élisons .
La réglementation de la vente et de l'étalage
public du matériel obscène permettra de montrer à nos enfants que
nous les
aimons et les respectons assez pour ne pas accepter, sans
interdit, qu'on leur présente la sexualité humaine
départie de
ce qu'elle a de magique, pour la réduire à un
phénomème animal,
mécanique, violent, souvent déviant,
dépourvu de respect, de
dignité et de sensibilité.
Nous proposons donc que les autorités provinciales,
régionales et municipales adoptent en matière d'octroi de
permis,
de zonage et de protection des enfants, des lois, des
règlements, en vue de s'assurer que les enfants et les
adolescents
n'auront pas accès au matériel pornographique.*
Cette proposition est dans l'esprit des recommandations
provisoires de la Commission de Réforme du Droit du
Canada, de
la Commission américaine sur l'obscénité et la
pornographie
de 1970 et dans les recommandations du Rapport du
Comité permanent de la Justice et des questions juridiques de la
Chambre
des Communes en 1978.
Connaissant l'état du droit et de la jurisprudence,
nous sommes
conscients du fait que le Code criminel n'est pas
actuellement d'un grand secours pour remédier aux abus que
nous
dénonçons. C'est pourquoi nous vous
recommandons d'agir dans
le cadre de vos juridictions respectives: au niveau
fédéral,
un amendement au Code criminel s'impose, et en
matière
d'application, nous demandons au législateur
québécois d'agir en
se basant sur les pouvoirs de la province. Celle-ci a
clairement juridiction pour légiférer en matière de
droit de la famille, de protection de la jeunesse, de droit civil et
de toute
matière d'intérêt "purement privé,
local" et même "provincial".
Cependant, en tant que citoyens responsables, nous
insistons
pour que ces publications soient:
a) ou bien affichées et vendues dans des
établissements spé-
cialisés, du genre "sex shops" détenteurs d'un
permis
spécial à cet effet, et dont l'accès devra
être interdit
aux mineurs;
* Tiré du "Troisième Rapport sur la
Pornographie à la Chambre
des Communes", Fascicule n° 18 (22 mars 1979) par
le Comité
permanent de la Justice et des questions - juridiques.
Recom-
mandation n° 8, p. 10.
b) ou bien qu'elles soient en vente libre même dans
les
établissements commerciaux où les mineurs ont
accès,
mais interdites à l'étalage ou placées dans un
étalage
spécial de sorte qu'elles ne puissent être vues par
quiconque, ni de l'extérieur ni à l'intérieur
de l'é-
tablissement.
Copies de cette lettre et de cette résolution sont
expédiées
au Solliciteur Général, Me Allan Lawrence; au
ministre du
Revenu national du Canada, Hon. Walter Baker; au ministre
chargé de la Condition féminine, Hon. David
MacDonald; au
ministre d'Etat à la condition féminine, Hon. Lise
Payette;
au ministre des Finances, Hon. Jacques Parizeau; au
ministre
de l'Industrie et du Commerce du Québec, Hon. Yves
Duhaime;
ainsi qu'au président de la Commission de Réforme du
Droit,
M. Frank Muldoon, c.r.
Sheila Abbey-Finestone
Présidente de la
FÉDÉRATION DES FEMMES DU QUÉBEC
RÉSOLUTION
CONSIDÉRANT QUE la distribution et la vente des
publications
pornographiques s'effectuent, au Québec,
dans un grand nombre d'établissements commer-
ciaux où les mineurs ont accès;
CONSIDÉRANT QUE ces publications sont étalées
bien à la vue
du public, et donc des mineurs;
CONSIDÉRANT QUE les mineurs, en raison même de leur
âge, ne
sont pas suffisamment mûrs pour être
exposés
à cette pollution;
CONSIDÉRANT QUE l'article 39 de la Charte des droits
et
libertés de la personne du Québec
décrête
que:
"Tout enfant a droit à la protection, à
la sécurité et à l'attention que doivent
lui apporter sa famille ou les personnes
qui en tiennent lieu.";
CONSIDÉRANT QUE la jeunesse a besoin d'une protection
spéciale en cette matière;
CONSIDÉRANT QUE l'Etat assure déjà à la
jeunesse une protec-
tion spéciale dans d'autres domaines compa-
rables, notamment la publicité, la consomma-
tion des boissons alcooliques, la possession
d'armes a feu, le cinéma, le permis de
conduire, etc.;
CONSIDÉRANT QUE l'année 1979 a été
déclarée l'Année Inter-
nationale de l'Enfant;
CONSIDÉRANT QUE la pornographie incite à la
violence envers
les femmes et les enfants;
CONSIDÉRANT QUE la législation que nous vous
proposons peut
constituer un élément majeur de la protection
des enfants du Québec;
CONSIDERANT QUE la F.F.Q. et de nombreux individus et
associations appuyant ce projet, sont conscients
de leur responsabilité et entendent l'assumer
pleinement;
SUR RÉSOLUTION DÛMENT PROPOSÉE ET ADOPTÉE
À L'UNANIMITÉ;
IL EST RÉSOLU QUE:
La Fédération des Femmes du Québec prie le
Ministre de la
Justice du Canada et le Ministre de la Justice du Québec
de prendre toute mesure nécessaire, législative ou
administrative, afin que la pornographie soit rendue inaccessi-
ble aux mineurs et hors de leur vue.
La F.F.Q. propose que ces publications soient:
- ou bien affichées et vendues dans des
établissements
spécialisés, du genre "sex shops" détenteurs
d'un
permis spécial à cet effet, et dont l'accès
devra
être interdit aux mineurs;
- ou bien qu'elles soient en vente libre même dans les
établissements commerciaux où les mineurs ont
accès,
mais interdites à l'étalage ou placées dans un
étalage
spécial de sorte qu'elles ne puissent être vues par
quiconque , ni de l'extérieur ni à l'intérieur
de
l'établissement.
Et vos requérantes ne cesseront de veiller!
LISTE ALPHABÉTIQUE D'ORGANISMES ET ASSOCIATIONS
QUI ONT APPUYÉ LA REQUÊTE DE LA FFQ.
GROUPES MIXTES;
- Association Canadienne Pour la Santé Mentale
- Association des Centres de Services Sociaux du Québec
- Association des Commissions Scolaires de la Région de
Montréal
- Association des Commissions Scolaires de la Vallée du
Richelieu
- Au Coup de Pouce Inc.
- Bureau de Consultation Jeunesse Inc.
- Carrefour Le Moutier
- Carrefour Orléans
- Centraide Richelieu Yamaska
- Centre Communautaire Pour Personnes Agées
- Centre d'Accueil Cartier
- Centre d'Accueil Cité des Prairies
- Centre d'Amitié et d'Entraide de Brassard
- Centre de Santé Bois Bouscoche, Lac-des-Aigles
- Centre des Services Sociaux de l'Estrie
- Centre des Services Sociaux de l'Outaouais
- Centre de Services Sociaux du Centre du Québec
- Centre de Services Sociaux Richelieu
- Centre des Services Sociaux du Nord-Ouest
Québécois
- Centre Educatif Communautaire René Goupil Inc.
- Centre Le Puits
- Centre Mariebourg
- Centres Marronniers
- Cercle St-Charles Borromée
- Cercle Bonne Entente, St-Camille
- Club des Familles de Demain Inc.
- Commission Scolaire Régionale Lapointe
- Comité d'Ecole Maria Chapdelaine
- Comité de Parents, C.S.R. Lapointe
- Comité d'Ecole, Polyvalente d'Arvida
- Comité d'Ecole, Polyvalente de Jonquière
- Comité de Parents d'Arvida
- Conseil de la Famille Richelieu Yamaska
- Conseil Québécois des Pré-Maternelles
Coopératives
- Corporation Professionnelle des Conseillers d'Orientation
du Québec
- Corporation Professionnelle des Psychologues du
Québec
Corporation des Conseillers Sociaux du Québec
- Corporation Professionnelle des Travailleurs Sociaux du
Québec
- CRAIC
- Entraide A Chez-Nous
- Entraide Sacré-Coeur
- Envol Inc.
- Family Life Dept. Catholic Community Services
- Fédération de la Famille de Québec
- Fédération de l'Âge d'Or du Québec
- Fédération des Comités de Parents de la
P.Q.
- Fédération des Organismes Familiaux
- Fédération des Organismes Familiaux De
Lanaudiêre
- Groupe de Professeurs de l'Ecole Rosemont
- Habitat Soleil
- Institut de la Famille de Montréal
- Institut Dominique Savio
- L.A.C.E. de la C.T.C.U.M.
- Laval Citizens Advisory Council
- Loisirs Amitié Inc.
- Manoir Notre-Dame-de-Grâce
- Marée Montante
- Office Diocésain de la Famille
- Petits Frères des Pauvres
- Regroupement d'Action Communautaire
- Rendez-Vous Croissance du Couple
- Service d'Animation à La Réparation
- Service d'Entraide, Regroupement et Solidarité
- Service d'Information Inter-Communautaire
- Société d'Aide aux Enfants souffrant de Troubles
Emotifs
- Société de St-Vincent-De-Paul
- Société Québécoise Pour Enfants
Autistiques
- Syndicat Professionnel des Infirmières et Infirmiers
de
Québec (SPIIQ)
- The Salvation Army Men's Social Service Centre
- ASSOCIATIONS FÉMININES :
- Les Abeilles - St-Jérome
- AFEAS - Association Provinciale
- AFEAS - 203 cercles individuellement
- AFDU (M) Association des femmes diplômées
d'université, Montréal
- Association des Diplômées en Economie familiale
- Association des veuves de Montréal Inc.
- L'Autre Parole (femmes chrétiennes), UQAM
- Ayer's Cliff Women's Institute
- Centre d'Information et de Référence pour Femmes -
CIRF -
Montréal
- Centre de Références et d'Information - CIRF -
Granby
- Centre de Santé des Femmes de Québec
- Centre des femmes de St-Lëonard
- Centre Rosalie Jette
- Cercle des Châtelaine Inc.
- Cercle des femmes journalistes
- Cercle des Fermières
- Cercle des Rencontres du Mercredi Inc.
- Cercle fémina - Ste-Agathe
- Cercle Social Marguerite d'Youville
- Châtelaines Thetford Inc.
- Club de la femme active
- Club des Femmes d'Aujourd'hui de Laval
- Club des femmes de carrière de Shawinigan
- Club des femmes de carrière - Victoriaville
Comité d'action politique des femmes du Parti
Québécois
Comité féminin de la Caisse- St-Jovite
Comité féminin Société St-Jean-Baptiste -
Sherbrooke
Comité national d'Action
Comité d'étude sur la situation de la femme cadre ou
pro-
fessionnelle à l'Université de Montréal -
Association des
cadres et professionnelles de l'Université de Montréal
(ACPUM)
- Comité de la condition féminine - CSN
Conseil des femmes de Montréal
- Conseil Provincial des Associations des Femmes
Diplômées
des universités (Q)
- Conseil régional Saguenay - Lac St-Jean - FFQ
- Conseil régional Thetford-Mines - FFQ
- C.S.M.D. - Section Notre-Dame des Champs
- Darnes Hélène de Champlain - Pointe Gatineau
- Dames Hélène de Champlain - Ste-Agathe
- Echo féminin de Shawinigan Inc.
- Editions Remue-ménage
- Etudiantes en travail social de l'UQAM
- Eveil féminin
- F.D.F.D.Q. - St-Lin-des-Laurentides
- Femmes du Québec
- Femmes illimitées
- Gaspé County Women's Institute
- Groupe féminin de St-Laurent
- Horizon-femme
- Information-femme Inc.
- Junior League of Montréal
- Laval au Féminin
- Librairie des femmes
- La Ligue des citoyennes de Jonquiëre
- Madame - prend - congé
- Montréal Lakeshore (University Women's Club)
- Mouvement des femmes chrétiennes - Québec
- Mouvement des femmes chrétiennes - Paroisse
St-Ambroise
Mouvement femmes chrétiennes - Paroisse St-Pierre-Claver
Mouvement des femmes monoparentales - Baie St-Paul
Regroupement des Femmes Québécoises
- Réseau d'Action et d'Information pour les femmes de
Montréal
(RAIF)
- RAIF - La Tuque
- Richelieu Valley University Women's Club
- Y.W.C.A. Montréal
- FAMILLES MONOPARENTALES;
- Carrefour des Associations de familles monoparentales du
Qué-
bec Inc.
- Carrefour monoparental Orléans - Beauport
Carrefour Familles Monoparentales de Québec
Familles monoparentales - Beloeil - St-Hilaire
Association des familles monoparentales de Montmagny
Association Parents uniques de Laval Inc.
Association Familles Monoparentales du Lac Mégantic
- Association Familles Monoparentales - Paroisse St-Jean-
Baptiste-de-la-Salle
- Association Familles Monoparentales de l'Estrie
- CENTRES DE BÉNÉVOLAT:
- Association des Centres de bénévolat - Membres du
Québec
- Centre de Bénévolat de Farnham Inc.
- Centre de Bénévolat de Shawinigan
- Centre d'action bénévole de Québec, Ville
Vanier, Québec
- Centre de bénévolat des Trois-Rivières
métropolitain Inc.
- Centre de bénévolat d'Iberville, Québec
- Centre de bénévolat Vallée du Richelieu
Inc.
- Centre de bénévolat de Marieville Inc.
- Centre de bénévolat de St-Jean
- Centre de bénévolat Le Colibri, La Tuque
- Centre de bénévolat de Granby
- Centre de bénévolat de Cowansville
- Centre de bénévolat de St-Hyacinthe
- Les auxiliaires bénévoles, Centres hospitaliers,
Jonquiëre
- Service bénévole aux personnes âgées de
St-Hubert
- Nous nous excusons auprès de ceux et celles qui
auraient
pu être omis par mégarde.
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