Introduction
Le Groupe des 13 existe depuis 1986. Même si cette
coalition n’est pas incorporée, elle est reconnue par
le gouvernement comme interlocuteur des regroupements nationaux
de groupes de femmes du Québec qui en sont membres. Elle a
été mise sur pied pour favoriser l’échange
d’information, le soutien, le ressourcement, la
solidarité et la prise de positions communes. Voici les
membres du Groupe des 13 :
- l’Association des collaboratrices et partenaires en
affaire (ACPA)
- l’Association féminine d’éducation et
d’action sociale (AFÉAS)
- le Centre de documentation sur l'éducation des adultes
et la condition féminine (CDEACF)
- le Conseil d’intervention pour l’accès des
femmes au travail (CIAFT)
- la Fédération des femmes du Québec (FFQ)
- la Fédération des ressources
d’hébergement pour les femmes violentées et en
difficulté du Québec (FRHFVDQ)
- la Fédération des associations de familles
monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ)
- la Fédération du Québec pour le planning des
naissances (FQPN)
- Femmes regroupées en options non traditionnelles
(FRONT)
- Nouveau départ national
- l’R des centres de femmes du Québec
- le Regroupement Naissance-Renaissance
- le Regroupement provincial des maisons
d’hébergement et de transition pour femmes victimes de
violence conjugale (RPMHTFVVC)
- le Regroupement québécois des CALACS (centres
d’aide et de lutte contre les agressions à
caractère sexuel)
- Relais-Femmes
- le Réseau des lesbiennes du Québec (RLQ)
- le Réseau québécois d’action pour la
santé des femmes (RQASF)
- la Société Élizabeth-Fry
D'entrée de jeu, le Groupe des 13 souhaite ramener à
la mémoire, puisqu'elles ont été perdues au fil
des projets, quelques définitions utiles, à titre de
prémisses, pour mieux saisir les commentaires et les
recommandations qui suivront. Voici donc quelques
définitions en matière d'éducation des adultes que
le Groupe des 13 fait siennes ou propose :
Éducation des adultes: La définition
à laquelle le Groupe des 13 adhère, se trouve dans la
Déclaration de Hambourg. Nous citons un extrait pour plus de
facilités : “ L'éducation des adultes
désigne l'ensemble des processus d'apprentissage, formels ou
autres, grâce auxquels les individus considérés
comme adultes dans la société à laquelle ils
appartiennent développent leurs aptitudes, enrichissent
leurs connaissances et améliorent leurs qualifications
techniques ou professionnelles ou les réorientent en
fonction de leurs propres besoins et de ceux de la
société. ” Selon celle-ci, les adultes sont donc
non seulement des hommes et des femmes qui travaillent, mais
l'ensemble de la population incluant celle qui n'est pas active
sur le marché du travail.
Formation continue : Tel que le titre du Projet
de politique l'énonce, l'éducation des adultes se doit
d'être conçue dans une perspective de formation
continue, c'est-à-dire tout au long de la vie des personnes,
hommes et femmes, en emploi ou non.
Formation de base : Une formation de base
équivaut aux études secondaires menant à
l'obtention du diplôme de secondaire 5. Cette formation de
base est accessible à toute la population et gratuite.
Formation générale : Une formation
générale inclut non seulement les matières
enseignées dans le réseau scolaire traditionnel, mais
des matières reliées à tous les aspects de la vie
des personnes, sociale, culturelle, politique, économique et
autres. Nous l'associons à la notion d'éducation
citoyenne. Cette formation générale doit aussi
être accessible à toute la population et gratuite.
Ces définitions sont rappelées parce qu'à notre
sens, le Projet de politique démontre sans équivoque
que des mots se sont perdus depuis la Déclaration de
Hambourg. Malheureusement, il ne suffit pas non plus de les citer
pour leur redonner un sens véritable. Dans cet esprit, nous
trouvons des plus logiques que les principes énoncés
dans le Projet de politique que l'on retrouve à la page 4,
se traduisent par des engagements de la part de chacun des
ministères à réaliser des actions
concrètes.
« un processus qui vise à discerner de façon
préventive au cours de l’élaboration et de la
conception d’une politique, d’un programme ou toute
autre mesure, les effets distincts que pourra avoir son adoption
par le gouvernement sur les femmes et les hommes ainsi
touchés compte tenu des conditions socio-économiques
différentes qui les caractérisent »
- Appliquer l'analyse différenciée selon les sexes
à tous les aspects du Projet de politique de
l'éducation des adultes
Le recours à l'analyse différenciée selon les
sexes nous apparaît être un moyen des plus concrets
pour traduire certains aspects des principes dont l'accès
à l'éducation des adultes pour toute la population, de
façon équitable pour les femmes. L'analyse
différenciée selon les sexes (ADS) devrait traverser la
politique d'éducation des adultes dans tous ses volets et le
gouvernement s'est lui-même engagé à le faire.
1.1 L'obligation d'appliquer
l'analyse différenciée selon les sexes
L'application de l'analyse différenciée selon les
sexes nous apparaît devoir être un principe liminaire
de la politique de l'éducation des adultes. À ce titre,
son application serait inconditionnelle et elle en traverserait
tous ses volets.
Nous le rappelons : le gouvernement s'est lui-même
obligé à appliquer l'ADS. Cette obligation prend sa
source dans le Programme d'action 1997-2000 pour toutes les
Québécoises issu de la Politique
québécoise en matière de condition féminine.
Ainsi, via le Programme d'action, dès le début d'un
projet, les hautes instances gouvernementales sont incitées
à promouvoir l'application de l'ADS.
Le Groupe des 13 apprécie que les signataires du Projet
de politique aient pensé à appliquer la politique aux
trois groupes cibles que sont les jeunes adultes de 16 à 24
ans, les adultes handicapés et les personnes immigrantes. Il
ne peut que se réjouir de retrouver dans une politique
gouvernementale une référence à l'ADS. Le Projet
fait également état de l'exigence de disposer de
données ventilées selon les sexes. Leur existence est
en effet conditionnelle à l'application de l'ADS, mais
celles-ci ne suffisent pas à elles seules. Le Groupe des 13
s'attend à ce que l'ADS soit appliquée à tous les
groupes de la population.
Même auprès de ces trois groupes, nous
déplorons qu'il ne soit pas assuré que l'ADS sera
utilisée. Nous référons à la page 17 du
Projet de politique : “ Dans ces groupes, une approche
différenciée selon les sexes sera adaptée. Ainsi,
une attention particulière pourrait être portée
aux femmes qui vivent des situations différentes de celles
des hommes. ” Vous noterez l'emploi du conditionnel et le
fait que l'ADS soit adaptée.
Le recours à l'ADS permettrait de cibler les obstacles
auxquels les femmes sont confrontées, qui sont liés
à leur statut, et d'identifier les mesures pour lever chacun
de ces multiples obstacles et répondre adéquatement
à leurs besoins d'éducation et de formation.
- Quelques exemples d'impacts déjà
identifiés
À propos de la pauvreté des femmes qui leur
rend beaucoup plus difficile l'accès à
l'éducation :
“ La pauvreté : une réalité qui vise
plus particulièrement les femmes, jeunes et moins jeunes. En
1995, les femmes représentent toujours la majorité des
plus pauvres parmi les pauvres. Pour l'ensemble du Canada, la
proportion des personnes qui sont le chef d'une famille
monoparentale et qui ont un revenu avant impôt
inférieur aux seuils de faible revenu de Statistique Canada
est deux fois plus importante pour ce qui est des femmes (45,4 %)
qu'en ce qui a trait aux hommes (22,9 %). De plus, au Québec
et toujours en 1995, 95,3 % des femmes âgées de 15
à 24 ans et qui sont cheffes d'une famille monoparentale,
à savoir la presque totalité a un revenu avant
impôt inférieur aux seuils de faible revenu de
Statistique Canada. ”
Le Groupe des 13 est fermement convaincu que la pauvreté
des femmes est un des principaux obstacles qui doit être
résolu pour leur rendre accessible l'éducation des
adultes dans une perspective de formation continue. L'application
de l'ADS le réaffirmerait et inciterait à la mise en
place de mesures pour lever cet obstacle.
À propos de l'accès aux technologies de
l'information pour la formation à distance
“ Si l'on considère la quantité
d'ordinateurs performants de dernière génération
et les ratios de personnes employées par ordinateur
récent, dans les secteurs où on compte plus de 10
répondants, les groupes répondants des secteurs
loisirs, femmes, santé et services sociaux, et personnes
handicapées apparaissent moins bien nantis comparativement
aux répondants des secteurs du développement
économique, de l'insertion professionnelle et du
développement communautaire. ”
Les groupes de femmes seraient donc moins équipés en
nouvelles technologies et moins formés. L'application de
l'ADS ferait probablement ressortir, si cela n'a pas
déjà été démontré dans le
passé, que les femmes, de manière générale,
ont moins accès aux nouvelles technologies et sont moins
formées pour ce faire. Les raisons invoquées auraient
trait, notamment, à la pauvreté et au fait que les
connaissances techniques ne sont pas valorisées
traditionnellement chez les femmes. L'application de l'ADS
devrait inciter à la mise en place de mesures
spécifiques pour favoriser les femmes dans l'accès
à la formation à distance et, de manière
générale, à l'information.
À propos des inégalités entre les hommes
et les femmes en emploi
“ Qu'il s'agisse du salaire horaire ou du salaire
hebdomadaire, les femmes, peu importe leur âge, gagnent un
salaire inférieur à celui des hommes, en 1998. De
manière générale, les femmes gagnent
l'équivalent de 83,4 % du salaire horaire moyen des hommes
et 71,5 % de leur salaire hebdomadaire moyen. L'écart entre
le salaire des femmes et celui des hommes est plus
élevé dans le secteur de la production de biens qu'il
ne l'est dans le grand secteur des services. Pour l'ensemble du
secteur de la production de biens, le salaire horaire moyen et le
salaire hebdomadaire moyen des femmes représentent
respectivement 74,1 % et 68,4 % du salaire horaire moyen et du
salaire hebdomadaire moyen des hommes. Pour ce qui est du grand
secteur des services, le salaire horaire moyen et le salaire
hebdomadaire moyen des femmes en représentent respectivement
85,2 % et 73,6 %. ”
Oui, la situation des femmes a progressé tant à
l'école que sur le marché du travail, mais elle n'est
pas comparable à celle des hommes, loin de là.
L'application de l'ADS confirmerait que les femmes subissent
encore des iniquités en emploi et inciterait à la mise
en place de mesures pour favoriser l'accès des femmes à
la formation continue parce qu'elles en ont d'autant plus besoin
sur le marché du travail.
Quelques autres exemples
L'application de l'ADS pourrait permettre de dégager les
inégalités subies par les femmes sous plusieurs autres
aspects du Projet de politique :
- La reconnaissance des acquis est plus significative pour les
femmes que pour les hommes, les femmes étant plus absentes
du marché du travail pendant de longues périodes pour
la grossesse et l'éducation des enfants. L'application de
l'ADS affirmerait la nécessité de mettre l'emphase sur
la reconnaissance des acquis, ce que ne fait pas de manière
adéquate le Projet de politique à l'exception de la
reconnaissance des acquis pour les personnes immigrantes, en
restant encore à l'étape des vœux pieux.
- De façon générale, tel que le confirme le
Projet de politique, la présence des femmes dans le travail
autonome, atypique et dans les entreprises de petite taille est
significative. Le
Groupe des 13 trouve peu réaliste d'exiger des employeurs de
ces petites entreprises et des travailleuses et travailleurs
eux-mêmes de contribuer au financement de leur formation en
emploi tel que le suggère le Projet de politique. Encore plus, leur demander
de contribuer au retour aux études relève d'une
véritable utopie. Mais si cette mesure était maintenue,
l'application de l'ADS réaffirmerait la nécessité
de prendre en compte le fait que les personnes
désavantagées par cette mesure seraient en
majorité des femmes et d'apporter des correctifs.
- Faire du Projet de politique tel que proposé une
véritable politique gouvernementale de l'éducation aux
adultes
- Une définition beaucoup plus large de
l'éducation des adultes
Le Groupe des 13 considère que le Projet de politique,
tel qu'il est proposé actuellement, ne constitue pas une
politique de l'éducation aux adultes, mais plutôt une
politique de formation de la main-d'oeuvre. Il en veut pour
preuve la place plus que considérable consacrée à
la formation à l'emploi et en emploi. Cette place est
démesurée dans un Projet de politique de
l'éducation des adultes. De plus, le Projet de politique
débute sans ambages par l'objectif de “ répondre
avec cohérence aux besoins de la main-d'œuvre et des
entreprises ”
et s'y consacre en majeure partie alors que nous croyons que la
formation de la main-d'œuvre aurait dû prendre une
place beaucoup moindre et surtout ne pas débuter le Projet
de politique.
Si nous revenons à l'exercice fait précédemment
de définir certaines expressions, il est certain qu'une
politique de l'éducation des adultes, selon le Groupe des
13, doit définir beaucoup plus largement l'éducation
des adultes et surtout proposer des engagements clairs de la part
de tous les ministères concernés. De plus, une telle
politique doit favoriser l'accès libre et gratuit à
l'éducation des adultes.
Cette définition de l'éducation des adultes inclut
l'accès à la formation de base et à une formation
générale. La formation de base à laquelle
adhère le Groupe des 13 exige le soutien aux adultes dans
leurs études jusqu'à l'obtention du diplôme
d'études secondaires, soit à la fin du secondaire 5.
Quelle est la formation de base évoquée dans le Projet
de politique ? Celle-ci serait-elle réduite au secondaire
3 ? Que s'est-il passé pour que le secondaire 3 devienne
suffisant comme formation de base dans notre société de
plus en plus complexe ? Entendons-nous bien. Le Groupe des 13 ne
croit pas que le diplôme de secondaire 5 doive devenir une
exigence pour obtenir un emploi. Mais ce qui est primordial,
c'est que l'État conserve sa responsabilité de soutenir
les adultes dans leurs démarches pour recevoir la formation
de base, ce jusqu'à l'obtention du diplôme de
secondaire 5.
De plus, l'État doit affirmer dans une véritable
politique de l'éducation des adultes, son rôle d'offrir
une formation générale à toute la population en
développant tous les aspects de la vie des personnes,
culturelle, sociale, politique, économique,
environnementale, communautaire et autres. Le Groupe des 13 croit
qu'il est fondamental de former des êtres humains complets,
éduqués et citoyens.
C'est dans ce cadre que la formation de la main-d'œuvre
s'inscrit. Cet aspect de la formation des personnes est tout
aussi fondamental, mais il constitue un des aspects parmi tous
les autres de la formation générale. Oui, la plupart
des personnes doivent se trouver un emploi, mais elles
s'intègreront au marché du travail et de façon
satisfaisante, d'autant plus qu'elles seront capables de
réfléchir, de se questionner et de trouver des
solutions aux difficultés qui se dresseront devant elles,
que ce soit au travail ou dans la vie en général. La
formation générale leur aura permis de transférer
leurs connaissances d'un domaine à un autre. La
transférabilité est l'une des caractéristiques
principales de la formation générale, non seulement
d'une entreprise à une autre, d'un emploi à un autre,
mais d'un domaine à un autre de la vie en
société.
Une nouvelle expression survient dans le Projet de politique :
la formation commune. Encore là, peu d'indices sont
révélés sur ce qu'elle permettrait d'acquérir
comme connaissances. Est-il proposé qu'elle remplace la
formation de base ? Le concept est flou dans le Projet de
politique, mais puisque nous ne croyons pas utile qu'elle soit
introduite et qu'elle entraîne davantage de confusion, nous
recommandons tout simplement de la supprimer de tout nouvel
énoncé de politique.
- Le ministère de l'Éducation : un acteur
central
D'une part, le maître d'œuvre de la politique de
l'éducation aux adultes doit demeurer sinon redevenir le
ministère de l'Éducation, ce que nous ne sentons pas
affirmer dans le Projet de politique. Plutôt, le MEQ semble
en être réduit à jouer un rôle de
dispensateur de services de formation aux entreprises et aux
employeurs, et le Projet nous semble avoir été
élaboré pour s'adresser aux employeurs obligés de
consacrer un pourcentage de leur masse salariale à la
formation et qui ont besoin de ressources pour y parvenir. Ainsi,
à plusieurs reprises dans le Projet de politique, selon les
différentes expressions employées, il est question soit
des “ besoins de formation des adultes et des
employeurs ”, des “ besoins de la main-d'œuvre et des
entreprises ”, ou encore des “ besoins de toutes les
catégories de main-d'œuvre et de tous les types
d'entreprises ”, des “ besoins de formation du personnel ” et des
“ besoins du marché du travail ”.
D'autre part, la proposition de réduire la formation de
base à une exigence de secondaire 3 donne l'impression que
le MEQ tende à se déresponsabiliser de fournir une
formation de base adéquate à toute la population. Le
Groupe des 13 est inquiet de cette nouvelle orientation que
semble privilégier le MEQ et croit que ce dernier doit se
positionner de façon très claire pour conserver dans
l'éducation des adultes, le soutien aux adultes qui veulent
acquérir la formation de base menant au diplôme de
secondaire 5.
Dans le présent mémoire, le Groupe des 13 tient
à insister sur la mission fondamentale du MEQ qui est de
voir à l'éducation de toute la population, enfants et
adultes, femmes et hommes. La distinction entre l'éducation
et l'insertion à l'emploi doit aussi être
réitérée, l'insertion à l'emploi ne relevant
pas de la mission du MEQ. Ainsi, lorsqu'il est écrit dans le
Projet de politique que les entreprises sont en droit de
s'attendre à avoir accès à un bassin de
main-d'œuvre qualifiée selon leurs besoins, cette
responsabilité ne relève pas de la mission du MEQ. Mais
à la fois, le Groupe des 13 croit qu'il ne doit pas
être créé deux niveaux de formation, l'un
s'inscrivant dans une formation générale des adultes
dans une perspective de formation continue, et l'autre étant
constituée à rabais pour les besoins des
employeurs.
De plus, nous sommes d'avis que lorsque des entreprises ont
recours à des équipements qui leur sont
spécifiques, il relève de leurs responsabilités de
former leur personnel pour l'utilisation de ces équipements.
Cette formation n'est pas une responsabilité
d'Emploi-Québec, encore moins du MEQ et n'est pas
essentielle à une formation générale, selon nous,
puisqu'une de ces caractéristiques principales est de ne pas
être transférable d'une entreprise ou d'un emploi
à l'autre.
Le Groupe des 13 croit également que l'éducation des
adultes doit être considérée spécifiquement
par le MEQ. Comme l'écrit Claude Ryan dans le texte d'une
conférence prononcée, le 6 juin dernier, lors du
congrès annuel de la Table ronde des responsables de
l'éducation des adultes et de la formation professionnelle
des commissions scolaires du Québec : “ Les adultes ne
sont pas des élèves attardés à qui il
s'agirait d'inculquer, en leur appliquant les mêmes normes
et exigences qu'aux élèves réguliers, des
connaissances qu'ils auraient dû acquérir plus
tôt. Porteurs d'expériences variées, ils ont leurs
manières de faire, leurs modes propres de fonctionnement
intellectuel. Au lieu de les traiter comme des élèves
réguliers, l'éducation des adultes doit au contraire
considérer leur expérience de la vie et leurs modes de
fonctionnement comme des actifs précieux. ”
- La reconnaissance, la consolidation et le
développement des groupes et des réseaux mis en place
par les femmes
L'éducation des adultes est assumée notamment par
les lieux de formation qu'ont mis en place les groupes
communautaires et particulièrement les groupes de femmes
pour offrir une formation citoyenne au moyen de l'éducation
populaire autonome. La reconnaissance, la consolidation et le
développement de ces groupes et de leurs réseaux sont
nécessaires pour maintenir la qualité de la formation
qui est offerte. Des personnes y recourent parce qu'elles les
préfèrent au réseau “formel” de
l'éducation des adultes et la notion de volontariat est
essentielle selon nous.
L'expression utilisée couramment par les groupes
communautaires et les groupes de femmes est
“ éducation populaire autonome ”. Pourtant, le
Projet de politique ne s'en préoccupe guère. Il en est
question uniquement à la section 5.4 pour proposer une
“ reconnaissance légale des groupes populaires en
formation des adultes ”. Bien que souhaitable, la
reconnaissance légale doit être accompagnée du
financement adéquat pour consolider et développer ces
lieux de formation. À cet égard, dans les
dernières années, le MEQ a adopté un moratoire sur
le Programme de soutien à l'éducation populaire
autonome (PSEPA); peu de nouveaux groupes ont été
accrédités et les groupes déjà financés
n'ont reçu aucune augmentation de leur financement.
Actuellement, le PSÉPA demeure un programme
discrétionnaire, donc menacé de disparition au MEQ.
Même si les efforts demeurent tout à fait
insuffisants, d'autres ministères tel le MSSS ont, quant
à eux, fait plus pour l'éducation populaire autonome
que le MEQ lui-même. Qu'en est-il de la responsabilité
du MEQ face à l'éducation populaire autonome ? Le
Groupe des 13 croit que le Projet de politique constitue
l'occasion d'affirmer sa responsabilité face à
l'éducation populaire autonome et de prendre les engagements
financiers qui s'imposent auprès des groupes communautaires
et des groupes de femmes.
Les groupes de femmes et leurs réseaux constituent une
infrastructure très élaborée de lieux de formation
à la citoyenneté pour les femmes au Québec. Voici
quelques-uns de ces lieux qui en illustrent l'ampleur :
- Relais-femmes, créé depuis 1982, relève le
défi de la recherche, de la réflexion et de la
formation en concertation avec les groupes de femmes et les
milieux universitaire et syndical.
- Le Centre de documentation sur l'éducation des adultes
et la condition féminine, créé en 1983, s'est
donné, d'une part, un mandat de diffusion des connaissances
sur l'éducation des adultes et la condition féminine
et, d'autre part, de dépôt d'une mémoire
collective sur ces deux thèmes.
- Les regroupements de groupes de femmes ont à peu
près tous développé des services de formation
auprès de leurs groupes membres.
- Enfin, les groupes de femmes eux-mêmes offrent de la
formation aux femmes qui en sont membres ou qui les
fréquentent.
- Reconnaître l'importance de la formation continue
spécifiquement pour les femmes
- Les obstacles que rencontrent les femmes pour accéder
à l'éducation des adultes et l'élaboration de
mesures spécifiques pour que ces obstacles soient
levés
Les femmes en particulier doivent faire face à des
obstacles pour acquérir la formation de base et la formation
générale auxquelles elles ont droit. La pauvreté
est une des réalités spécifiques que vivent les
femmes : elles sont plus pauvres que les hommes. Cette
réalité doit être rappelée constamment pour
favoriser l'accès des femmes à l'éducation des
adultes qui est une des clés pour améliorer leurs
conditions de vie et de travail.
Le Groupe des 13 rappelle que le recours à l'analyse
différenciée selon les sexes, ce dans tous les volets
d'une politique de l'éducation des adultes, de façon
transversale, permettrait de mieux cibler les obstacles que
rencontrent les femmes pour accéder à l'éducation
des adultes et, surtout, d'identifier les mesures pour qu'ils
soient levés.
Le Groupe des 13 croit que la pauvreté des femmes
constitue la trame de fond qui doit être prise en compte
constamment lors de l'élaboration des mesures qui
permettront aux femmes d'accéder à l'éducation des
adultes. Actuellement, les mécanismes tels le régime de
prêts et bourses et les allocations versées par
Emploi-Québec pour de la formation en vue d'une insertion
sociale et professionnelle, ne sont pas adéquats pour
inciter les femmes à accéder à l'éducation.
Le régime de prêts et bourses doit être
révisé en profondeur, notamment pour mettre fin à
la pratique qui consiste à prendre en compte le revenu
familial comme condition d'accès à ce régime.
De la pauvreté des femmes découlent de multiples
conséquences. Isolées moralement et physiquement,
l'accès à l'éducation ne peut être que
difficilement une priorité pour elles. L'état de survie
dans lequel bon nombre d'entre elles sont confinées leur
impose de répondre à leurs besoins essentiels, avoir un
toit et la nourriture pour elles et leurs enfants, et
l'éducation ne peut malheureusement pas en faire partie. Les
femmes vivant en dehors des grands centres urbains se trouvent
doublement isolées parce qu'il n'y a pas ou peu de services
de transport en commun en dehors des grands centres et elles
n'ont pas l'argent pour se payer un véhicule.
De plus, même si la société
québécoise a évolué en ce qui concerne le
partage des responsabilités familiales, c'est encore une
majorité de femmes qui les assument. Lorsqu'elles sont sur
le marché du travail, elles ont une double tâche et
doivent concilier travail et famille. Mentionnons également
la violence physique et psychologique faite à de nombreuses
femmes, tant dans le milieu familial qu'au travail. Il est alors
extrêmement difficile pour plusieurs d'entre elles de
s'inscrire dans une démarche éducative.
Lorsque tous ces obstacles se dressent, l'accès libre et
gratuit à l'éducation des adultes peut bien être
offert, mais les conditions pour poser des choix n'existent pas
ou sont déficientes. Pour lever les obstacles, des mesures
spécifiques pour les femmes sont donc nécessaires. Le
Groupe des 13 recommande que ces mesures aient trait, entre
autres, au financement de services de garde, du transport, à
l'adaptation des horaires pour concilier l'éducation avec
les responsabilités familiales et à la révision du
régime de prêts et bourses. En formation
professionnelle, une mesure est depuis longtemps revendiquée
par des groupes de femmes, soit celle de réserver cinq
places aux femmes dans les programmes de formation où elles
représentent moins du tiers de la population
étudiante.
- La solution de l'éducation des adultes dans une
perspective de formation continue pour les femmes
Nous avons vu que les femmes demeurent désavantagées
sur le marché du travail. Elles auront donc besoin, d'autant
plus, d'accéder à de la formation pour maintenir leurs
acquis. Quant aux femmes qui ne sont pas sur le marché du
travail et qui ont aussi droit à de la formation, celle-ci
constitue un des moyens, parmi les plus importants, soutient le
Groupe des 13, d'acquérir une certaine autonomie, sinon
d'améliorer leurs conditions de vie, et de devenir des
citoyennes actives dans la société
québécoise.
Plus particulièrement, en ce qui concerne la formation de
la main-d'œuvre, que les femmes soient déjà en
emploi ou à la recherche d'un travail, la formation
s'inscrit dans un processus pour atteindre une certaine autonomie
économique. Distinguons les travailleuses dans les
entreprises assujetties à la Loi 90 de celles qui ne le sont
pas. Les premières ont accès à de la formation en
emploi en vertu de la Loi 90. Cependant, ne nous leurrons pas.
Nous les retrouvons dans les secteurs d'emploi traditionnels et
la formation qui risque de leur être offerte va porter sur
l'amélioration de leurs connaissances dans ces secteurs
d'emploi.
Quant aux travailleuses dans des entreprises non assujetties
à la Loi 90, nous avons vu qu'elles constituent une bonne
partie de la main-d'œuvre féminine, dans des emplois
atypiques ou pour de petites entreprises. Les mesures
suggérées par le Projet de politique sont utopiques,
avons-nous exprimé comme opinion précédemment, et
ne risquent pas, selon nous, de favoriser l'accès à la
formation pour ces travailleuses.
Dans tous les cas, l'éducation des adultes doit permettre
aux femmes de se former pour une éventuelle
réorientation et de faire des choix. Il est évident que
tant les travailleuses dans les entreprises assujetties à la
Loi 90 que les autres n'ont pas cette possibilité parce
qu'elle implique pour les employeurs de contribuer à leur
formation générale. Ces femmes, après une
formation pouvant mener à une réorientation,
quitteraient leur emploi auprès d'employeurs qui auraient
investi dans leur formation. Les employeurs investiront-ils dans
une formation pour n'en recevoir aucun bénéfice ? Qu'il
nous soit permis d'en douter.
Le Projet de politique est l'occasion idéale pour
corriger ces inégalités que l'application de l'analyse
différenciée selon les sexes viendrait fort
probablement réaffirmer. Le Groupe des 13 affirme, en
conclusion, que la formation continue constitue bel et bien un
jalon vers la pleine autonomie des femmes. Aussi faut-il lever
les obstacles qui se dressent devant elles pour y accéder,
quelles que soient leurs réalités et leurs
conditions.