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REGROUPEMENT PROVINCIAL DES MAISONS D'HÉBERGEMENT ET DE TRANSITION POUR FEMMES VICTIMES DE VIOLENCE CONJUGALE
Erratum
Des erreurs se sont glissées dans la page de crédits de La violence conjugale pour y mettre fin... il faut aller à sa racine !
Le Regroupement provincial tient à s'en excuser et à faire les corrections nécessaires. Les crédite auraient dû se lire comme suit :
Conception : Madeleine Lacombe
Recherche et rédaction : Madeleine Lacombe, Nathalie Nahmiash
Coordination de la production : Christine Lessard
Conception graphique et mise en pages : Ginette Thibault
Impression : Valna
La violence conjugale pour y mettre fin... il faut aller à la racine !
La plate-forme de revendications du Regroupement représente le fruit de nombreuses années de travail et de réflexion.
Nous tenons à remercier chaleureusement les nombreuses collaboratrices qui ont investi généreusement leur énergie et leur travail et ce, de la conception jusqu'à la réalisation finale de notre plate-forme de revendications.
Coordination Christine Lessard
Conception graphique et mise en pages Ginette Thibault
Impression Valna
Ce document a été réalisé avec le soutien financier de Condition féminine Canada.
Les points de vue exprimés ici sont uniquement ceux des auteures et ne représentent pas les politiques officielles de Condition féminine Canada.
Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale
Téléphone: (514) 878-9134
Télécopieur: (514) 878-9136
Courriel : info@maisons-femmes.qc.ca
© Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale
Dépôt légal : deuxième trimestre 2000 Bibliothèque nationale du Québec
ISBN: 2-921018-03-9
Les maisons d'aide et d'hébergement -un double mandat
Expertes en violence conjugale
Depuis plus de vingt ans, le réseau des maisons d'aide et d'hébergement du Regroupement provincial vient en aide aux femmes et aux enfants victimes de violence conjugale. À l'aide de ce réseau, ces femmes reçoivent des services adaptés à leurs besoins partout dans la province. Elles sont soutenues et accompagnées dans leurs démarches pour se soustraire de la violence, se protéger et reprendre le pouvoir sur leur vie.
Tout en implantant des services pour les victimes de violence conjugale, les femmes engagées dans les maisons ont su reconnaître que l'élimination de ce problème exigeait plus qu'une intervention auprès des femmes. Elles savaient que l'éradication de la violence conjugale passait par une analyse des causes et des conséquences de ce phénomène et par des actions permettant d'aller à la source du problème.
Au-delà de l'aide directe apportée aux victimes de violence conjugale, les femmes des maisons ont donc travaillé sur des changements à long terme, afin de transformer le paysage social qui contribuait à entretenir les inégalités entre les hommes et les femmes ainsi que les agressions envers les femmes. Pour ce faire, elles ont assumé un rôle important d'éducation et de sensibilisation dans leurs milieux respectifs et auprès de la population en général. Elles ont poursuivi un mandat de changement social.
Agentes de changement social
Les représentantes des maisons d'aide et d'hébergement, du Regroupement provincial et d'autres groupes de femmes, ont été les premières à dénoncer publiquement la violence contre les femmes dans un contexte de relations conjugales et la tolérance sociale à l'égard de ce phénomène. Elles ont été les premières à avancer l'idée que la violence conjugale est un problème de société (et non un problème de couple) et que la lutte contre ce fléau nécessite un engagement sérieux de la part de tous les acteurs sociaux.
Le travail de sensibilisation des maisons et des nombreux groupes de femmes a permis, au cours des vingt dernières années, de mettre en lumière les conséquences terribles de la violence conjugale pour les femmes et leurs enfants et les « coûts » de cette violence pour l'ensemble de la société.
Dans le cadre de ces efforts, les représentantes féministes ont alerté les autorités publiques pour que ces dernières prennent leurs responsabilités vis-à-vis de ce problème et pour qu'elles changent leurs attitudes et façons de faire dans le but de mieux répondre aux besoins de cette « moitié » de la population trop souvent négligée.
Les femmes engagées dans les maisons et les groupes de femmes savaient alors que les mentalités changeaient tranquillement sur de longues périodes et que cela exigeait une sensibilisation constante et persistante. Dans la mesure où il fallait travailler sur plusieurs fronts, il fallait également adresser des messages précis aux femmes, aux hommes et aux jeunes sur la nature criminelle et répréhensible de la violence contre les femmes. Il fallait sensibiliser le public en général sur les causes et les conséquences de la violence conjugale. Et enfin, il fallait suivre de près les politiques et programmes gouvernementaux et agir comme groupe de pression pour que les dossiers en violence conjugale continuent à « avancer ».
Présentation de la plate-forme des maisons d'aide et d'hébergement
Les revendications des maisons d'aide et d'hébergement présentées dans l'actuelle plate-forme1 sont le fruit de nombreuses années de réflexion sur le problème de la violence conjugale, d'une vaste expérience acquise auprès des femmes et enfants victimes de violence conjugale et d'une analyse des conditions sociales qui nuisent à une égalité de fait entre les hommes et les femmes.
Cette plate-forme s'inscrit dans la mission d'éducation populaire et de sensibilisation du Regroupement provincial et représente de ce fait un projet politique. De tels projets, sous la forme de mémoires, d'avis ou de rapports, ont déjà permis au Regroupement provincial de faire connaître ses positions sur les politiques du gouvernement, sur sa vision de la problématique et sur les solutions qu'il prône pour mettre fin à la violence conjugale.
Cette nouvelle plate-forme est fondée sur une volonté de continuer à faire évoluer le contexte social actuel. Elle vise à modifier les structures, les règlements et les normes qui sont à l'origine des pratiques courantes qui ont pour effet d'entretenir les mêmes rapports de domination des hommes sur les femmes. Elle met donc l'accent sur la prévention, sur la formation des travailleurs et travailleuses ou des intervenants et intervenantes de tous les milieux et sur une « réforme » dans l'enseignement, dans les communications et dans toutes les professions dont la tâche consiste à transmettre des images, des messages, des valeurs et à véhiculer les « nouvelles normes ».
Elle reflète ainsi notre volonté de donner à la lutte contre la violence conjugale un rayonnement au-delà des milieux interpellés directement par ce problème, telles la santé et la justice.
Tout en poursuivant cet objectif de transformation sociale, les maisons demeurent fortement attachées au principe fondamental de la gratuité et de l'universalité des services pour toutes les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants. En outre, l'accès à des services de qualité, qui assurent la confidentialité (dans le respect des lois) et qui protègent les femmes et leurs enfants indépendamment de leur lieu de résidence dans la province, demeure une des revendications de base des maisons d'aide et d'hébergement.
La présente plate-forme mise aussi sur la formation des intervenants et des intervenantes afin d'assurer un meilleur dépistage et une amélioration générale de l'accessibilité et de la qualité des services.
En résumé, les principaux axes de ce programme politique sont :
Les objectifs :
Où en sommes-nous en matière de violence conjugale ?
Le travail de titan accompli par les femmes entre les années 1970 et 2000 a heureusement porté fruits.
Nous observons d'abord, des acquis importants sur le plan du changement des mentalités en matière de droits individuels, d'égalité des sexes et de violence faite aux femmes. De façon générale, cette violence est dénoncée par les médias, les politiciens et les leaders communautaires et elle est tolérée moins longtemps par les femmes.
Le gouvernement a également fait du chemin depuis les années 1980. On remarque une plus grande volonté de reconnaître l'ampleur du phénomène et de poser des gestes pour mieux soutenir les victimes. Mentionnons premièrement, l'adoption des premiers énoncés dans la Politique d'aide aux femmes violentées du ministère de la Santé et des Services sociaux (1985), deuxièmement la Politique d'intervention en matière de violence conjugale du ministère de la Sécurité publique et du Solliciteur général3 (1986) et enfin la Politique de la santé et du bien-être du ministère de la Santé et des Services sociaux (1992).
Observons, par ailleurs, l'adoption de mesures pour favoriser la judiciarisation (utilisation des tribunaux, accès aux services juridiques, soutien des victimes, etc.), l'établissement de programmes de formation pour les intervenants et intervenantes et les campagnes de sensibilisation et de prévention visant le grand public.
Ces mêmes années furent également marquées par le renforcement des structures pour venir en aide aux femmes (ouverture de nouvelles maisons, financement plus soutenu des maisons existantes, etc.), permettant une meilleure accessibilité aux services.
En 1995, l'adoption d'une nouvelle Politique d'intervention en matière de violence conjugale a montré l'ouverture et la sensibilisation à la problématique de la part du Gouvernement. Une analyse mettant en relief les rapports de domination des hommes sur les femmes a été davantage intégrée dans cette politique (un gain important !), notamment en ce qui a trait à la définition de la violence conjugale et à l'explication des causes et des conséquences de ce problème. En lien direct avec cette analyse, le gouvernement a affirmé son adhésion à neuf principes directeurs devant guider ses actions dans le cadre de cette politique (annexe 2).
Les maisons membres du Regroupement provincial souscrivent à ces principes qui affirment, entre autres, le caractère criminel de la violence conjugale, rendent les agresseurs responsables de leurs comportements violents et donnent la priorité à la sécurité et à la protection des victimes.
Un autre aspect intéressant de cette politique est la volonté d'impliquer un plus grand nombre d'acteurs pour lutter contre la violence conjugale4 et d'identifier des solutions permettant d'enrayer la violence à plus long terme en ciblant, par exemple, le secteur de l'éducation. De plus, tout en impliquant un plus grand nombre d'acteurs sociaux, le gouvernement reconnaît la nécessité « d'harmoniser » les approches ou pratiques en violence conjugale. Dans le cadre de sa politique, il demande à tous les acteurs en violence conjugale de se rallier autour d'une approche globale et d'une vision commune:
« ... il devient urgent d'adopter une approche globale, cohérente et décloisonnée face à la violence conjugale et de l'axer sur la coordination et la complémentarité des services aux victimes, aux enfants et aux agresseurs. Cette approche sous-tend une compréhension commune du problème.»5
Bref, le Regroupement provincial peut être encouragé par les progrès réalisés au cours des trente dernières années, particulièrement sur le plan des attitudes à l'égard de la violence conjugale et du développement des services pour les victimes.
La violence conjugale toujours d'actualité !
En même temps, les tendances des dernières années, les statistiques sur la violence et la répétition d'incidents meurtriers au cours des derniers mois inquiètent grandement le mouvement des maisons d'aide et d'hébergement. Ces tendances soulèvent des questions de fond. Les maisons ont contribué grandement à faire adopter des lois, à faire évoluer les mentalités, à instaurer des politiques et, surtout, à développer une expertise en violence conjugale et des modèles d'intervention efficaces auprès des femmes et des enfants. Pourtant, 30 ans plus tard, la société québécoise est confrontée à « autant de manifestations du phénomène ». La violence conjugale « reste toujours l'un de nos plus grands problèmes sociaux ».6
Par ailleurs, le Regroupement provincial constate que, sur le « terrain », les contradictions dans les approches vont en s'accentuant et que les principaux acteurs en violence conjugale sont souvent divisés.
Ceci est d'autant plus marqué avec l'arrivée d'un plus grand nombre de groupes pour conjoints violents au cours de la dernière décennie. Certains de ces organismes s'attardent davantage à la souffrance des hommes violents qu'à leur responsabilisation claire de la violence exercée. Alors, même si le neuvième principe directeur de la politique d'intervention reconnaît que:
Le portrait de la situation sur le terrain a amené le Regroupement provincial à réexaminer l'état actuel des rapports hommes/femmes et les stratégies de lutte contre la violence conjugale. Il en est arrivé aux constats suivants.
La résistance aux rapports égalitaires freine les progrès
Dans Un grain de sable dans l'engrenage (1994), le Regroupement provincial a tenté de démontrer que, si les signes extérieurs de l'égalité sont en place {lois protégeant les droits individuels, lois protégeant les victimes d'actes criminels, dénonciation de la violence contre les femmes, etc.), les valeurs traditionnelles demeurent fortement ancrées en nous.
L'ancienne « norme » constitue chez les individus « une façon de penser, de sentir et de faire traditionnellement apprise » qui peut influencer nos modes de fonctionnement, même si elle est en contradiction avec la norme «officielle».7
De plus, les résistances au changement qui découlent de ce contexte contribuent à freiner l'avancement des femmes, à diminuer leurs gains et à empêcher une égalité de fait. Observons, par exemple, les attitudes et les attentes que nous avons à l'égard des hommes et des femmes. Sont-elles si différentes de celles qui existaient il y a vingt ou trente ans ? N'attendons-nous pas encore de nos filles qu'elles soient douces, compréhensives, en plus d'être autonomes, responsables et de réussir au travail et à l'école ? Qu'est-ce qui a véritablement changé à part le fait que plus de femmes travaillent à l'extérieur de la maison ? Regardons nos publicités et les images des femmes encore véhiculées par les médias, et pire encore, par les revues dites féminines.
Dans un article récent (1999) de La Gazette des femmes, la journaliste Gloria Escomel résume comme suit « l'évolution » des contenus des revues féminines :
« Le contenu de Elle Québec ou de Madame au foyer a beaucoup évolué, mais il reste les messages subliminaux de la publicité, l'orientation des rubriques. On parle bien sûr des droits des femmes, de leur situation professionnelle, mais on les renvoie toujours à la décoration, au maquillage, à la santé, à bien faire à manger, etc.».8
En matière de violence conjugale, ces résistances revêtent la forme de justifications, d'arguments, de discours qui mettent en doute les réalités vécues par les victimes, détournent les projecteurs des agresseurs et contribuent à atténuer le caractère criminel de leurs agressions. Tout ceci a pour effet de diluer le discours officiel en matière de violence conjugale et affecte l'application des sanctions contre les agresseurs ainsi que la mise en place de programmes ou de pratiques qui pourraient améliorer le soutien offert aux victimes.
Bref, l'évolution des mentalités à l'égard des femmes violentées n'a pas été accompagnée d'actions significatives permettant d'aller à la source du problème, de s'attaquer aux structures et aux pratiques qui favorisent le maintien des rapports inégaux entre les hommes et les femmes, et surtout, de s'attaquer à la norme implicite qui entretient des préjugés à l'endroit des femmes violentées et qui les tient responsables de ce qu'elles subissent.
Les valeurs dites traditionnelles (et sexistes) qui guident nos attentes envers les hommes et les femmes, quoique moins visibles dans le domaine public que dans le privé, sont intériorisées et perdurent encore aujourd'hui. Elles nuisent à des changements significatifs dans les rapports entre les hommes et les femmes.
Pour le Regroupement provincial, le maintien de cette dynamique et du rapport de force inégal entre les hommes et les femmes fait en sorte que le phénomène de la violence conjugale persiste encore de nos jours, que les femmes en demeurent les principales victimes et qu'elles sont toujours confrontées à des obstacles importants lorsqu'elles essaient de s'en sortir.
Les actions gouvernementales demeurent insuffisantes
Ces résistances aux changements sociaux se manifestent sous la forme d'une multitude de barrières systémiques qui entravent l'accès des femmes aux richesses et aux ressources de la société. Par conséquent, elles se voient réduites dans leurs chances de défendre pleinement leurs droits et d'améliorer leur situation socio-économique.
En d'autres termes, au-delà des discours, de la sensibilisation et de la formation, l'action gouvernementale n'a pas permis de s'attaquer aux lieux de résistance dans lesquels sont encore ancrées certaines valeurs traditionnelles; ni de modifier les structures et cultures organisationnelles qui pèsent lourdement en faveur des hommes.
Les politiques et programmes gouvernementaux n'ont pas donné lieu à une amélioration générale des conditions socio-économiques des femmes. Un pourcentage important de femmes continue de vivre sous le seuil de la pauvreté, particulièrement lorsqu'elles sont âgées, récemment immigrées ou cheffes de familles monoparentales. Deux enquêtes menées par le ministère de la Santé et des Services sociaux en 1987 et en 1992-93, montrent que :
Or, une amélioration générale des conditions de vie des femmes favoriserait leur autonomie. Et celles qui sont victimes de violence conjugale pourraient alors quitter leur milieu plus facilement. Parallèlement, une aide plus soutenue à celles qui ont déjà entrepris des démarches pour se soustraire de la violence faciliterait leur réinsertion sur les plans social et économique.
De plus, les actions du gouvernement n'auront pas permis d'assurer un accès réel à des services gratuits et de qualité pour toutes les femmes et leurs enfants à travers le Québec.
En effet, malgré les « progrès » des années 80, l'offre de services aux femmes et aux enfants victimes de violence conjugale a subi, au cours de la dernière décennie, les effets de la réforme de la santé et des services sociaux qui ont amené des coupures de services dans presque tous les ministères et organismes gouvernementaux (ex : Sécurité du revenu, aide juridique).
En même temps, les maisons d'hébergement, qui reçoivent un financement déjà nettement insuffisant, non indexé depuis près d'une décennie, ont été sollicitées par des demandes de services de plus en plus nombreuses et multiples auxquelles elles n'ont pas toujours pu répondre dans leur globalité faute de ressources.
La Politique d'intervention en matière de violence conjugale a été adoptée en cette période de coupures. En raison du peu d'argent injecté dans des programmes ou dans des mesures concrètes en violence conjugale, les objectifs de cette politique sont présentement loin d'être atteints.
Enfin, la régionalisation des services de santé a eu pour effet de renforcer les disparités entre les régions et semble ainsi compromettre une réelle égalité d'accès aux services pour toutes les femmes.
En outre, compte tenu :
Ses maisons d'aide et d'hébergement membres du Regroupement provincial ont élaboré une série de revendications représentant [es solutions qu'elles ont identifiées pour enrayer la violence conjugale, ou du moins réduire l'ampleur de ce phénomène, et pour éliminer toute forme de tolérance (implicite ou explicite) à l'égard de ce problème.
En violence conjugale, la prévention permet de s'attaquer aux causes et aux facteurs associés à ce phénomène et contribue ainsi à en diminuer l'ampleur.
La promotion permet quant à elle d'agir sur les valeurs généralement transmises par le système d'éducation et sur les comportements qui entretiennent la violence et les rapports inégaux entre hommes et femmes.
Ainsi, les activités de prévention et de promotion en violence conjugale doivent viser à faire respecter les droits de la personne, atténuer l'effet de la norme implicite et promouvoir de nouveaux modèles de rapports entre les hommes et les femmes.
Le rôle des acteurs sociaux
L'ensemble des acteurs sociaux ont un rôle à jouer dans les domaines de la prévention et de la promotion - notamment, les professionnels et professionnelles ou intervenants et intervenantes susceptibles de travailler auprès des femmes et des enfants (ex : professeurs et professeures de COFI, enseignants et enseignantes, éducateurs et éducatrices). En outre, il est impératif d'offrir une formation continue à ces travailleurs et travailleuses pour les sensibiliser aux rapports égalitaires entre les hommes et les femmes et aux conséquences de la norme implicite.
Par ailleurs, il est nécessaire d'engager dans cette voie les institutions universitaires et collégiales responsables de former les nouvelles générations de travailleurs et de travailleuses dans tous les domaines (journalisme, droit, travail social, etc.).
En somme, du niveau préscolaire au niveau post-secondaire, les institutions d'enseignement sont des lieux privilégiés pour effectuer des activités de prévention et de promotion ayant des impacts à long terme et pouvant contribuer à des changements permanents dans les mentalités, comportements et pratiques sociales.
Tout en poursuivant les efforts d'éducation et de sensibilisation du grand public, des groupes particuliers doivent être ciblés au sein de la population telles les femmes, car elles sont susceptibles d'être victimes ou témoins de violence conjugale à n'importe quel moment de leur vie. Rappelons à cet égard les résultats alarmants de l'enquête de Statistique Canada (1993) sur la violence envers les femmes :
Il faut également rejoindre les enfants et les adolescents et adolescentes en leur présentant des modèles positifs de rapports homme/femme sans se concentrer exclusivement sur l'aspect violence.
En conséquence, nous demandons
En matière de prévention auprès des enfants, des adolescents et adolescentes:
1. Que le ministère de l'Éducation (MEQ) fasse la promotion des émissions de télévision à caractère éducatif qui ne comporteraient pas de violence, de sexisme ou de racisme.
2. Que le CRTC favorise la publicité qui ne comporterait pas de violence, de sexisme ou de racisme.
3. Que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) favorise et investisse dans la production de publicités et d'émissions de télévision à caractère éducatif qui ne comporteraient pas de violence, de sexisme ou de racisme.
4. Que de nouveaux cours soient mis sur pied au niveau du primaire et du secondaire afin d'apprendre aux enfants de nouveaux modèles de rapport entre les filles et les garçons. Que ces cours abordent la question de la norme implicite et proposent de nouveaux modèles de fonctionnement, de rapports entre les femmes et les hommes et de règlements de conflits.
5. Que des cours « de conditions de vie des femmes et des hommes » soient donnés au niveau secondaire, en plus des cours sur la norme implicite. Qu'ils permettent d'aborder avec les adolescents et adolescentes les problématiques reliées à la condition féminine, aux stéréotypes, à l'histoire des femmes, au système patriarcal, au sexisme et au racisme.
6. Qu'un comité permanent soit mis sur pied, au sein du ministère de l'Éducation (MEQ),formé de représentantes des groupes de femmes con cernés et des autres instances, avec le triple mandat de :
1 ) répertorier toutes les expériences existantes dans ce domaine tant au niveau des centrales syndicales, des organismes communautaires, du ministère de l'Éducation, des commissions scolaires ou autres;
En matière de formation :
En matière de prévention auprès des femmes:
impliqués dans la lutte contre la violence, supportent la mise sur pied d'ateliers de dévictimisation pour les femmes, de cours de relation mère/enfant basés sur l'élimination de la norme implicite et de cours d'autodéfense intégrant la prise de conscience de la norme implicite.
11.Que les régies régionales travaillent en concertation avec les groupes concernés et prévoient des fonds à cet effet dans les budgets de développement.
En matière de prévention et de sensibilisation du grand public :
16.Que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) appelle les groupes de femmes impliqués dans la lutte contre la violence à siéger comme consultants sur la problématique de la violence faite aux femmes au sein de l'Institut National de santé publique du Québec.
En matière de promotion :
f ) toutes et tous, nous devons nous impliquer, soit en intervenant directement quand c'est possible, en offrant du support, en se questionnant et en changeant ses propres valeurs ;
g) le gouvernement entend questionner dans l'enseignement et dans les institutions la perpétuation des valeurs sexistes par la « norme implicite ».
Un bon dépistage constitue une étape préalable à toute intervention de qualité en violence conjugale. Il permet aux victimes de briser le silence qui entoure leur situation, d'arrêter l'escalade de la violence et de réduire la lourdeur des conséquences pour l'ensemble des personnes touchées. Le dépistage permet de venir en aide rapidement aux femmes et aux enfants vivant dans des contextes de violence conjugale.11
Étant donné l'importance de cette intervention, notamment auprès des femmes qui ont de la difficulté à « s'auto-dépister » ou à reconnaître le problème, une formation solide en dépistage et en intervention de première ligne est nécessaire pour tous Ses intervenants et toutes les intervenantes ou professionnels et professionnelles (pédiatres, professeurs et professeures, etc.) susceptibles de rencontrer des femmes ou des enfants dans le cadre de leurs fonctions.
Pour les maisons du Regroupement provincial, les exigences de base pour assurer des interventions de qualité en dépistage sont:
En conséquence, nous demandons
En matière de formation en dépistage:
L'expérience acquise au fil des ans sur le « terrain » a permis aux travailleuses en maison de développer une expertise unique en matière de violence conjugale. En effet, elles vivent en proximité avec des femmes victimes de violence conjugale sur une base quotidienne. Elles sont donc les mieux placées pour connaître les causes et les conséquences de ce phénomène, pour identifier les facteurs qui contribuent à maintenir la violence et pour en saisir les enjeux pour la société.
Un rapport de domination sur la femme
Un des postulats de l'analyse féministe de la violence conjugale, c'est que ce phénomène - indépendamment des cultures, des lieux géographiques, des pratiques religieuses - est issu d'un contexte social où l'homme jouit d'un rapport de domination sur la femme. La violence est donc située dans un système patriarcal « où il existe une norme dominante mâle et dans laquelle toute femme peut être victime d'une agression au sein d'une relation de couple ».14 Autrement dit, la domination socio-économique des hommes sur les femmes dans les sociétés patriarcales transparaît dans les relations de couple.
La violence conjugale constitue, par ailleurs, une des manifestations d'un contexte généralisé de violence à l'égard des femmes. La violence conjugale « n'est pas un phénomène marginal, isolé du contexte social dans lequel nous vivons. Elle n'est, au fond, qu'une des multiples facettes de la violence faite aux femmes, chez nous au Québec, comme dans le monde entier.»15
Une approche féministe d'intervention
Toujours dans cette perspective, les femmes « tolèrent » la violence (à divers degrés) à cause de leur conditionnement social, des stéréotypes masculins et féminins qu'elles ont intégrés depuis leur enfance et du « silence social qui bâillonne les victimes».16
En se référant à ce cadre, les maisons d'hébergement ont développé une approche visant à briser ces stéréotypes et à redonner du pouvoir aux femmes. Cette approche dite féministe est axée principalement sur les femmes et sur la restauration de leur estime de soi. Elle donne priorité à la protection et à la sécurité des femmes et des enfants, et elle est basée sur une reconnaissance du potentiel de toutes les femmes à reprendre le pouvoir sur leur vie.
L'efficacité des modèles d'intervention développés par les maisons d'aide et d'hébergement n'est plus à démontrer. En se centrant d'abord sur les besoins des femmes et de leurs enfants, en ciblant comme priorité leur sécurité et protection (plutôt que le maintien des familles) et en les aidant à s'extirper du cycle de la violence, les maisons ont réussi, au fil des années, à sauver des vies et à leur permettre une existence plus équilibrée et dénuée de violence.
L'évaluation du modèle féministe (1992) a démontré:
« qu'une approche centrée sur la femme peut agir efficacement à la fois sur le niveau de violence subie et sur la restauration de l'estime de soi de la femme, sur la croissance de son autonomie et sur l'amélioration de son état général de santé mentale, confirmant la pertinence des choix de travail que les intervenantes féministes ont fait dans leur action auprès des femmes violentées.»17
Pourtant, à l'extérieur des maisons, l'utilisation de cette approche est largement ignorée.
Malgré la formation et les sessions de sensibilisation, les maisons constatent qu'en CLSC et dans les hôpitaux, la culture de travail tend encore vers les approches systémiques. Or, ces approches, centrées plutôt sur la famille ou le couple, sont « dénoncées dans leur incapacité à identifier la violence conjugale et à intervenir efficacement dans cette problématique à cause des dilemmes qu'elles posent aux intervenantes et intervenants ».18
De plus, l'émergence d'un nombre croissant de groupes pour conjoints violents travaillant selon une approche thérapeutique et attribuant, dans certains cas, une part de responsabilités à toutes les personnes touchées par la violence, font apparaître des contradictions sérieuses dans les interventions en violence conjugale.
Ces approches vont carrément à rencontre des principes et objectifs de la politique gouvernementale en violence conjugale. De surcroît, elles représentent un danger réel pour les femmes et les enfants. Ces approches dites thérapeutiques minimisent le caractère criminel des agressions du conjoint et, très souvent, elles donnent « espoir » aux femmes, retardant ainsi leurs propres démarches pour reprendre le pouvoir sur leur vie, au détriment de leur santé et de celle de leurs enfants.
Dans le cadre de la nouvelle politique, il faut donc continuer à faire des pressions sur les instances gouvernementales pour que :
En conséquence, nous demandons
En matière de formation des intervenants et des intervenantes:
En matière d'accès aux services pour toutes les femmes du Québec:
43. Que les régies régionales supportent par des ressources humaines et financières les mécanismes de concertation avec d'autres groupes con cernés : santé mentale, toxicomanie, etc.
En matière de cohérence des interventions, notamment auprès des conjoints violents:
50.Que le financement des groupes intervenant auprès des conjoints violents relève du ministère de la Sécurité publique plutôt que du ministère de la Santé et des Services sociaux.
Quel que soit le stade de l'intervention en violence conjugale, allant du dépistage au suivi post-hébergement, la priorité est d'assurer la protection des femmes et des enfants en tout temps.
Toutes les institutions sociales - qu'il s'agisse d'écoles, de cliniques médicales ou de services d'aide juridique - doivent avoir comme première préoccupation la protection des femmes et des enfants victimes de violence dès l'apparition des premiers signes du problème. De plus, cette préoccupation doit se refléter dans les modes d'intervention privilégiés par ces institutions.
Les membres du Regroupement provincial préconisent des mesures pour améliorer la protection des femmes et des enfants via :
Afin de protéger les femmes et les enfants d'agressions possibles venant du conjoint et de les aider à se soustraire du milieu violent, il faut améliorer l'accès au système judiciaire. À titre d'exemple, il faut diminuer les listes d'attente pour obtenir des services et assouplir les critères d'éligibilité pour obtenir de l'aide juridique. Les critères actuels rendent les femmes souvent inadmissibles aux services, même lorsqu'elles n'ont pas les ressources financières nécessaires pour entamer des procédures de séparation ou autre.
Le gouvernement doit demeurer le principal bailleur de fonds de l'aide juridique, celle-ci étant une mesure sociale fondamentale pour les plus démunis de notre société qui veulent accéder à la justice.
Le gouvernement doit également prendre tous les moyens nécessaires pour traiter les femmes et les enfants ayant subi la violence d'un conjoint ou d'un père comme des victimes d'actes criminels. Autrement dit, les infractions définies au Code criminel24 commises dans le cadre d'une relation de couple25 doivent être judiciarisées. Elles doivent être traitées par l'appareil judiciaire comme toute autre acte criminel.
En conséquence, nous demandons
En matière d'accès à la justice :
51. Que la définition de l'aide juridique soit:
« Tout avantage, accordé à une personne économiquement défavorisée, ayant pour objet de lui faciliter l'accès aux tribunaux, aux services professionnels d'un avocat ou d'une avocate, d'un notaire ou d'une notaire et à l'information nécessaire sur ses droits et obligations.»26
52. Que la Loi sur l'aide juridique soit modifiée de façon à rendre admissible :
En matière d'amélioration du traitement judiciaire de la violence conjugale27 au criminel:
En matière d'amélioration du traitement judiciaire de la violence conjugale au civil:
80. Que les intervenants ou intervenantes judiciaires (avocat et avocate, huissier et huissière, greffier et greffière du tribunal) assurent la sécurité des femmes victimes de violence conjugale. Dans le cadre de toutes les procédures familiales, notamment lors d'une séparation de corps, de divorce ou de rupture d'union de fait, il est demandé que :
Outre le besoin d'assurer la protection des femmes victimes de violence conjugale, la société doit s'assurer qu'elle soutient ces femmes qui tentent de mettre fin à une relation violente.
Les femmes victimes de violence conjugale sont généralement isolées (ex : déménagement) et elles doivent souvent « repartir à zéro » (ex: recherche d'emploi) lorsqu'elles décident de quitter leur conjoint. Après la séparation, ces femmes se retrouvent parmi les citoyennes les plus pauvres de notre société. Il est donc impératif qu'elles ne se retrouvent pas doublement pénalisées.
Par ailleurs, les travailleuses en maison constatent que lorsque ces femmes tentent, pour elles et leurs enfants, de briser le cycle de la violence et de réorganiser leur vie, elles se retrouvent face à de nombreux obstacles (ex : impossibilité d'obtenir la résiliation d'un bail sans pénalité financière) qui entravent leur démarche.
Pour remédier à ce problème, des mesures devraient être mises en place pour faciliter les démarches de ces femmes et leur donner accès à certains services (ex: chômage, logements à prix modique).
En conséquence, nous demandons
En matière de « réintégration » sociale, des mesures facilitantes pour les femmes:
(MRCI)28 reconnaisse un statut autonome aux femmes qui arrivent au pays par le biais du programme de la réunification familiale et qu'elles aient des mesures spécifiques d'aide d'intégration à la société d'accueil.
92. Que les centrales syndicales sensibilisent leurs membres à la problématique de la violence conjugale et développent des mesures de soutien aux travailleuses syndiquées victimes de violence conjugale.
LA NORME IMPLICITE
Norme explicite
Les lois qui interdisent la violence conjugale, les messages officiels qui stipulent que notre société ne tolère plus la violence conjugale, font partie de la norme explicite que cette société a décidé de mettre de l'avant.
Cependant, tous les individus ont été éduqués aux valeurs traditionnelles qui placent les hommes au centre du monde et les femmes à leur service. Ce qui nous mène à croire qu'il est naturel et normal qu'un homme soit agressif et une femme soumise ou raisonnable. C'est ainsi que ces messages nous envahissent et se perpétuent, maigre le discours de la norme explicite.
Les individus chargés d'appliquer les lois, de mettre en place différents programmes visant à éliminer la violence conjugale, d'éduquer les enfants, etc. sont tous porteurs de ces valeurs et souvent, sans même s'en apercevoir, les soutiennent dans leur intervention. Officiellement, ces personnes peuvent prôner le discours de la norme explicite et, en même temps, la pervertir en trouvant des explications à la violence de l'homme, en posant un jugement différent sur les écarts de conduite des garçons et des filles, en demandant à la victime de comprendre son conjoint, etc.
Norme implicite
Ces valeurs, ces jugements, qui vont à l'encontre de la norme explicite, qui la diluent et la rendent parfois inopérante constituent la norme implicite. En violence conjugale, la norme implicite justifie l'agresseur, responsabilise et blâme la victime. Par exemple, lorsqu'on dit qu'un homme a été violent parce qu'il a bu ou parce qu'il était stressé, et qu'on demande à la victime de l'aider dans son problème d'alcool et de stress, on déresponsabilise l'agresseur et on responsabilise la victime. On dilue alors le message social (norme explicite) qui dit que la violence c'est criminel, et on permet implicitement la continuité de l'abus de pouvoir.
Référence : Un grain de sable dans l'engrenage, pistes de solution pour contrer la violence conjugale, Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale, 1994.
LES NEUFS PRINCIPES DIRECTEURS DE LA POLITIQUE D'INTERVENTION EN MATIÈRE DE VIOLENCE CONJUGALE
Référence : Politique d'intervention en matière de violence conjugale, Prévenir, dépister, contrer la violence conjugale Gouvernement du Québec, 1995.
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REGROUPEMENT PROVINCIAL DES MAISONS D'HÉBERGEMENT ET DE TRANSITION POUR FEMMES VICTIMES DE VIOLENCE CONJUGALE
110, rue Sainte-Thérèse, bureau 401, Montréal, Qc H2Y 1E6
Téléphone (514) 878-9134-Télécopieur (514) 878-9136 • Courrier électronique wgacja48@web net
Communiqué de presse
Pour diffusion immédiate
Un monde sans violence conjugale pour les femmes et leurs enfants « La violence conjugale pour y mettre fin... il faut aller à sa racine ! »
Montréal, le 31 mai 2000 - Le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale est fier de lancer aujourd'hui sa plateforme de revendications qui vise l'élimination de la violence conjugale. Force est de constater, après 20 ans d'intervention en violence conjugale, que les mesures partielles et isolées apportées jusqu'à maintenant n'ont pas réussi à enrayer le problème, celui-ci étant toujours d'actualité. En réponse à ce constat social, le Regroupement provincial a élaboré près de cent (100) revendications représentant les solutions pour enrayer la violence conjugale, ou du moins réduire l'ampleur de ce phénomène, et pour éliminer toute forme de tolérance implicite ou explicite à l'égard de ce problème.
Ce document constitue un véritable projet politique, un projet de société, parce qu'il fait appel aux changements et interpelle directement l'intervention de l'État, ainsi que l'implication de plusieurs acteurs sociaux face à cette problématique.
En résumé, les principaux axes de ce programme politique sont : la dénonciation de la violence conjugale et la protection des femmes et des enfants qui en sont les victimes; l'implication des réseaux d'enseignement dans la promotion de valeurs et de rapports égalitaires entre garçons et filles; l'accessibilité des services et l'amélioration des interventions auprès des femmes et des enfants victimes de violence conjugale; la responsabilisation des agresseurs; l'élimination des obstacles qui nuisent à la réinsertion sociale des femmes victimes de violence conjugale.
La plate-forme met l'accent sur les cinq champs d'intervention qui doivent être travaillés simultanément afin de diminuer la violence conjugale et ses incidences, c'est à dire : la prévention et la promotion, le dépistage, l'intervention, la protection et l'intégration sociale. Elle met l'emphase également sur la formation des intervenants et intervenantes de tous les milieux, notamment dans les communications et dans toutes les professions dont la tâche consiste à transmettre des images, des messages, des valeurs et à véhiculer les «nouvelles normes».
La prévention et la promotion
Les activités de prévention et de promotion en violence conjugale visent à faire respecter les droits de la personne, à atténuer l'effet de la norme implicite et à promouvoir de nouveaux modèles de rapports hommes/femmes. L'ensemble des acteurs sociaux ont un rôle à jouer dans les domaines de la prévention et de la promotion, notamment les professionnels et professionnelles susceptibles de travailler auprès des femmes et des enfants (ex.: enseignants et enseignantes, éducateurs et éducatrices).
Ilest impératif:
Le dépistage
Un bon dépistage constitue une étape préalable à toute intervention de qualité en violence conjugale. Il permet de venir en aide rapidement aux femmes et aux enfants vivant dans des contextes de violence conjugale, notamment auprès des femmes qui ont de la difficulté à s'auto-dépister ou à reconnaître le problème. Il permet aux victimes de briser le silence, d'arrêter l'escalade de la violence et de réduire la lourdeur des conséquences pour l'ensemble des personnes touchées.
Pour les maisons du Regroupement provincial, les exigences de base pour assurer des interventions de qualité en dépistage sont :
L'intervention
Les maisons d'hébergement ont développé une approche dite féministe axée principalement sur les femmes et sur la restauration de leur estime de soi. Cette approche donne priorité à la protection et à la sécurité des femmes et des enfants et est basée sur une reconnaissance du potentiel de toutes les femmes à reprendre le pouvoir sur leur vie. À l'extérieur des maisons, cette approche est souvent ignorée. Dans le réseau de la santé et des services sociaux, ainsi que dans d'autres organismes, la culture de travail tend encore vers les approches systémiques (centrées plutôt sur la famille ou le couple) qui sont dénoncées dans leur incapacité à identifier la violence conjugale et à intervenir efficacement dans cette problématique. 2/5
Certaines approches vont carrément à l'encontre des principes et objectifs de la Politique d'intervention en matière de violence conjugale, Prévenir, dépister, contrer la violence conjugale (Gouvernement du Québec, 1995). Elles représentent un danger réel pour les femmes et les enfants. Ces approches minimisent le caractère criminel des agressions du conjoint, donnent de l'espoir aux femmes, retardent leurs propres démarches pour reprendre du pouvoir sur leur vie, au détriment de leur santé et de celle de leurs enfants.
Dans le cadre de la nouvelle politique, il faut donc continuer à faire des pressions sur les instances gouvernementales pour que :
La protection
Quel que soit le stade de l'intervention en violence conjugale, allant du dépistage au suivi post-hébergement, la priorité est d'assurer la protection des femmes et des enfants en tout temps.
Dans un monde où la violence est toujours présente, notre société s'est dotée d'outils pour assurer le respect et la protection des personnes et pour sanctionner et prévenir les transgressions. Dans ce sens, elle s'est donnée un système judiciaire pour favoriser l'égalité des droits. Afin de protéger les femmes et les enfants d'agressions possibles venant du conjoint et de les aider à se soustraire du milieu violent, il faut améliorer l'accès au système judiciaire.
En effet, les femmes victimes ont de la difficulté à investir le système judiciaire pour toutes sortes de raisons : parce qu'elles ont peur, parce qu'elles ne sont pas ou peu informées de leurs droits et de leurs recours possibles, parce qu'elles ne se reconnaissent pas dans ce système juridique qui leur semble complexe. Les femmes victimes ont souvent à entreprendre des procédures civiles de séparation ou de divorce et ces procédures peuvent entrer en contradiction avec des mesures visant la sécurité (interdiction de contact, par exemple). Par ailleurs, les critères actuels rendent souvent les femmes inadmissibles aux services d'aide juridique, même lorsqu'elles n'ont pas les ressources financières nécessaires pour entamer des procédures de séparation ou autre.
Les membres du Regroupement provincial préconisent des mesures pour aider les femmes à investir le système judiciaire, soit :
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L'intégration sociale
Outre le besoin d'assurer la protection des femmes victimes de violence conjugale, la société doit s'assurer qu'elle soutient ces femmes qui tentent de mettre fin à une relation violente.
Les femmes victimes de violence conjugale sont généralement isolées (déménagement) et elles doivent souvent " repartir à zéro " (recherche d'emploi) lorsqu'elles décident de quitter leur conjoint. Après la séparation, ces femmes se retrouvent parmi les citoyennes les plus pauvres de notre société. Il est donc impératif qu'elles ne se retrouvent pas doublement pénalisées.
Or, on constate que lorsque ces femmes tentent, pour elles et leurs enfants, de briser le cycle de la violence et de réorganiser leur vie, elles se retrouvent face à de nombreux obstacles (impossibilité d'obtenir la résiliation d'un bail sans pénalité financière) qui entravent leur démarche. Elles vivent des situations hors de l'ordinaire qui demandent de prendre en compte leur besoin d'être supportées : en leur facilitant l'accès à un revenu de subsistance, en assurant leur sécurité, en reconnaissant leur besoin de quitter leur travail et leur logement si nécessaire; et de temps pour reprendre leur vie en main. Pour remédier à ce problème, des mesures devraient être mises en place pour faciliter les démarches de ces femmes et leur donner accès à certains services (chômage, logements à prix modique).
Les membres du Regroupement provincial préconisent des mesures facilitantes pour les femmes via:
En conclusion
Le réseau des maisons d'aide et d'hébergement du Regroupement provincial vient en aide aux femmes et aux enfants victimes de violence conjugale, depuis plus de 20 ans. Ces femmes reçoivent des services adaptés à leurs besoins partout dans la province. Elles sont soutenues et accompagnées dans leurs démarches pour se soustraire de la violence, se protéger et reprendre le pouvoir sur leur vie.
Cependant, au Québec, il y a encore beaucoup trop de femmes et d'enfants victimes de violence conjugale. Les coûts sociaux et humains sont gigantesques, on parle de coûts estimés de 4 milliards de dollars au Canada par année (le 1/4 de la population canadienne est au Québec). La répartition des coûts comprend les services suivants : santé, services sociaux, éducation, marché de l'emploi et justice pénale. Et ce, sans compter les vies gâchées et brisées. Nous devons faire quelque chose pour remédier à ce mal social.
Pour pouvoir mettre fin à la violence conjugale nous devons reconnaître que la violence conjugale c'est criminel et que rien ne la justifie. Nous devons admettre que nous avons tous un rôle à jouer dans la prévention et l'élimination de ce problème.
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Nous avons besoin que tous les acteurs sociaux impliqués de près ou de loin dans la problématique de la violence conjugale se concertent pour assurer une cohérence dans les messages, dans les approches d'intervention, dans les actions concrètes sur le terrain et surtout dans les changements d'attitudes et de mentalités.
Les coûts sociaux et humains sont trop importants pour que nous continuions à l'ignorer. Nous avons besoin d'un projet de société qui propose un ensemble de mesures concertées. Nous avons besoin d'un monde sans violence conjugale pour les femmes et les enfants du Québec.
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Source : Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale Informations : Christine Lessard : (514) 878-9134 poste 224
1)Norme implicite : En violence conjugale, la norme implicite justifie l'agresseur, responsabilise et blâme la victime. Par exemple, lorsqu'on dit qu'un homme a été violent parce qu'il a bu ou parce qu'il était stressé, et qu'on demande à la victime de l'aider dans son problème d'alcool et de stress, on déresponsabilise l'agresseur et on responsabilise la victime. On dilue alors le message social (norme explicite) qui dit que la violence c'est criminel, et on permet implicitement la continuité de l'abus de pouvoir.
Référence : Un grain de sable dans l'engrenage, pistes de solution pour contrer la violence conjugale, Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale, 1994.
2)Estimé des coûts de la violence faite aux femmes et aux enfants et les coûts de la santé reliés à la violence, Olena Hanvisky et Lorraine Greaves, Centre de Recherche sur la violence envers les femmes et les enfants, 1995.
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1. Les revendications de cette plate-forme ont toutes été adoptées dans le cadre des assemblées générales du Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale. Une première partie fut adoptée en 1994 et une autre, en 1996. Par la suite, les revendications sur l'intervention auprès des conjoints violents qui ont été adoptées en 1997, ont été intégrées à cette plate-forme.
2. Voir la définition à l'annexe 1.
3. Anciennement, le ministère de la Justice.
4. Elle est signée par six ministères - le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministère de la Justice, le ministère de la Sécurité publique, le secrétariat à la condition féminine, le ministère de l'Éducation, le secrétariat à la famille.
5. Politique d'intervention en matière de violence conjugale. Prévenir, dépister, contrer la violence conjugale. Gouvernement du Québec, 1995, p.67.
6. Un grain de sable dans l'engrenage, pistes de solution pour contrer la violence conjugale, Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale, 1994, p.16-17.
7. Un grain de sable dans l'engrenage, pistes de solution pour contrer la violence conjugale, 1994, p. 29.
8. Pierre Frisco, « Pièges d'identité », La Gazette des femmes, septembre-octobre 1999, p. 21.
9. Guyon, Louise et al. Derrière les apparences, santé et conditions de vie des femmes, Ministère de la Santé et des Services sociaux, novembre 1996, p 240.
10. L'Enquête sur la violence envers les femmes, Statistique Canada, novembre 1993.
11. Politique d'intervention en matière de violence conjugale, Prévenir, dépister, contrer la violence conjugale. Gouvernement du Québec, 1995, p. 40.
12. Anciennement, ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration (MCCI).
13. Anciennement, ministère de l'Emploi et de l'Immigration Canada.
14. Rinfret-Raynor, Maryse. Intervenir auprès des femmes violentées. Évaluation de l'efficacité d'un modèle féministe, Édition Saint- Martin, 1992, p. 8.
15. La violence conjugale, c'est quoi au juste?, Regroupement provincial des maisons d'hébergement, 1993, p 31.
16. Rinfret-Raynor, Maryse. Intervenir auprès des femmes violentées, Évaluation de l'efficacité d'un modèle féministe. Éditions Saint-Martin, 1992, p. 66.
17. Rinfret-Raynor, Maryse. Intervenir auprès des femmes violentées, Évaluation de l'efficacité d'un modèle féministe, Éditions Saint-Martin, 1992, p. 72.
19. Notamment, ceux qui oeuvrent dans la santé et les services sociaux.
20. Au cours des vingt dernières années, les membres du Regroupement provincial ont adopté de nombreuses résolutions sur l'accessibilité des services aux femmes et aux enfants victimes de violence conjugale. Cette revendication, adoptée en 1979, est toujours d'actualité.
21. Approche centrée sur l'arrêt de l'agir violent à partir des intentions et gains des comportements violents, des valeurs qui les « justifient » et des conséquences sur les victimes. Politique de principe et revendications concernant les groupes intervenants auprès des conjoints violents, Adoptée en assemblée générale annuelle, R.P.M.H.T.F.V.C, juin 1997, p. 4
22. Approche centrée sur l'individu et sur ses malaises intérieurs qui «justifient » ses comportements violents, ibid. p. 4
23. Les revendications présentées dans ce chapitre ont été adoptées en 1994 et 1996. Il se peut qu'avec la Réforme de l'aide juridique, certaines de ces revendications soient déjà atteintes.
24. Notamment les différentes formes de voies de fait, agressions sexuelles, menaces de mort, etc.
25 . Relation avec un ami(e), ex-ami(e), conjoint(e), ex-conjoint(e).
26. La loi 87 • des enjeux majeurs pour les femmes violentées, Mémoire présenté au Comité de travail sur la réforme de l'aide juridique. Décembre 1995.
27. Infractions commises dans les relations de couple.
28. Anciennement, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration (MCCI).