DE SOLITAIRES À SOLIDAIRES
CAHIER 1
Nous tenons à remercier la Société
montérégienne de développement de nous avoir
fourni le support financier indispensable à la
réalisation de cette recherche.
À la recherche et à la
rédaction:
Colette Boudrias
Claire Cousineau
Hélène deMontigny
À la mise en page :
Linda Lavoie
Femmes regroupées en options non
traditionnelles
Octobre 97
" Le féminisme est un processus qui vise
l'égalité des femmes, l'élimination des
barrières artificielles fondées sur le sexe, le
changement fondamental de la société à tous les
niveaux, l'«empowerment» des femmes et leur
revalorisation."
(Ryan, 1986)
Lors de la conception de ce projet au
printemps de 1996, nous étions dans la 10ième
année d'opération de P.L.A.C.E. Rive-Sud inc. Ces dix
années d'intervention en matière de travail non
traditionnel ont permis le développement d'une expertise peu
commune au Québec et nous voulions l'enchâsser dans un
document qui fait le point sur la situation du non-traditionnel
en Montérégie à la lumière de son
évolution et de ses tendances actuelles à un moment
où un contexte de coupures et de régionalisation
redéfinit l'intervention communautaire en matière de
travail non traditionnel. Nous avons donc conçu une
recherche-action qui, tout en répertoriant les travailleuses
de la sous-région Rive-Sud, permettrait d'analyser
l'état de la situation, d'en comprendre les grands courants,
d'en identifier les acteurs principaux et d'en dégager les
actions à entreprendre.
Les travailleuses étant au cœur du dossier non
traditionnel, nous avons voulu partir d'elles, les anciennes et
les nouvelles travailleuses qui ont osé le non-traditionnel,
pour prendre le pouls du phénomène tel qu'il se vit sur
la Rive-Sud de Montréal en 1997.
Fortes de notre expertise, des recherches régionales
réalisées depuis quelques années par les groupes
de femmes, des analyses du Conseil du statut de la femme, des
écrits issus d'autres provinces voire d'autres pays, de
nombreux articles des médias écrits, de rapports de
chercheures spécialisées et de thèses
universitaires, nous avons opté pour une recherche-action
permettant une marge de manœuvre à la mesure des
résultats de nos recherches. Vous verrez ainsi que nos
efforts dirigés vers l'entreprise privée ont donné
peu de résultats et nos avis de recherche nous ont permis
d'entrer en communication avec un nombre restreint de
travailleuses de la région: nous y avons vu des
mécanismes lourds que nous n'avions pas avantage à
poursuivre.
Les travailleuses répertoriées décrivaient des
situations mille fois vécues par leurs collègues
québécoises qu'elles soient électriciennes,
techniciennes ou menuisières. Leur discours venait confirmer
la cohérence de toutes les recherches réalisées
à travers la province.
Nous avons alors décidé que la multiplication de
données similaires ne viendrait pas en soi augmenter la
connaissance de la problématique sur la Rive-Sud, pas plus
qu'une compilation de travailleuses n'identifierait les pistes
d'actions à entreprendre. Nous avons toutefois maintenu une
écoute active des analyses et des recommandations des
travailleuses répertoriées afin de ne jamais perdre de
vue la pertinence du point de vue des premières
impliquées. Nous avons d'ailleurs trouvé que les
travailleuses en emplois non traditionnels, qu'elles soient des
universitaires recyclées ou des femmes moins
scolarisées détenant des diplômes en formation
professionnelle, avaient en général fait une
réflexion poussée sur la problématique du
non-traditionnel et portaient un regard averti et fort
précieux sur nos travaux.
De toute évidence le portrait de la situation du
non-traditionnel sur la Rive-Sud avait besoin d'être
dressé dans le but d'être décortiqué,
analysé et compris. C'est pourquoi nous avons opté pour
une recherche qualitative plutôt qu'une recherche
quantitative.
Le fil conducteur de cette nouvelle réalité
incontournable qu'est le travail non traditionnel demeure le
courage et la conviction de ces femmes qui osent le difficile,
voire l'impossible. Au cours de cette recherche-action, nous
avons rencontré des femmes dont la noblesse était telle
qu'elles véhiculaient les grands idéaux du
féminisme. Elles nous ont alimentées et leur
contribution a été indispensable.
La sous-région de la Rive-Sud a la
population la plus dense de la Montérégie, la
municipalité la plus pauvre, les instances
décisionnelles régionales les plus nombreuses, le plus
grand nombre de ministres provinciaux féminins: la
spécificité de la région est réelle. Mais il
n'en reste pas moins que le sort de ces travailleuses en emplois
non traditionnels rejoint celui de toutes les autres
québécoises exerçant des métiers
traditionnellement réservés aux hommes. La
concentration de décideurs aguerris bien au fait du discours
non discriminatoire et la présence accrue de femmes
combatives dans les instances décisionnelles régionales
sont peut-être responsables de l'importance accordée
à la condition féminine en Montérégie, mais
nous avons trouvé en bout de ligne que le discours
devançait de beaucoup la réalité.
Les femmes préoccupées par l'égalité des
chances ont fait en sorte que la Montérégie a
placé la problématique des femmes en emplois non
traditionnels dans les priorités régionales lors du
Sommet régional sur l'emploi de janvier 1997. Cette
recherche reflétera cet esprit et permettra de voir comment
cette volonté s'est articulée.
Entreprise en mai 1996, elle avait comme objectif de diriger
notre action vers une meilleure connaissance de la situation des
femmes en emplois non traditionnels dans la région de la
Rive-Sud, d'en saisir la complexité, d'en comprendre les
enjeux et d'en dégager une ligne directrice qui polarise les
interventions futures.
Plus spécifiquement, les objectifs de cette
recherche-action visaient à:
- améliorer les connaissances reliées à la
problématique des femmes à profil non
traditionnel;
- effectuer une analyse des besoins et des services touchant
les travailleuses et les étudiantes dans les secteurs non
traditionnels et développer une analyse plus serrée de
leur réalité;
- développer des stratégies d'intervention afin de
soutenir et assister les femmes en emploi et en processus
d'intégration au travail;
- soutenir les employeurs qui embauchent des femmes pour
combler des postes non traditionnels;
- favoriser l'arrimage des besoins de main-d’œuvre
des entreprises de la région et les choix de formation des
femmes en processus d'orientation scolaire et
professionnelle.
Pour atteindre ces objectifs, nous avons cru important de
situer la problématique du non-traditionnel sur la Rive-sud
dans un contexte global en faisant d'abord un survol de cette
problématique telle qu'elle s'est développée
à travers le Québec. Le non-traditionnel a connu un
essor important au cours des 15 dernières années dont
on ne peut faire abstraction dans l'analyse de la situation
particulière de la sous-région Rive-Sud de la
Montérégie. La proximité de la grande région
montréalaise, centre névralgique de l'emploi et
important bassin de main-d’œuvre de la province, a
contribué au dynamisme de la région en matière
d'emplois et a privilégié la Rive-Sud face à la
transformation du marché du travail.
La première partie que nous vous proposons se veut donc
un tour d'horizon qui nous ramènera dans la région
Rive-Sud à la deuxième partie.
Les revendications des femmes ont
contribué à changer les mentalités et à force
de pressions les gouvernements ont voté des lois et mis en
place des programmes pour reconnaître l'égalité
des femmes notamment sur le plan de l'équité en emploi.
Les employeurs, les syndicats, les institutions de formation, les
ministères ont dû s'impliquer dans la création de
programmes favorisant l'accès des femmes à des
occupations non traditionnelles. Des femmes ont cru en leurs
capacités d’occuper des emplois non traditionnels
où elles ont fait des percées importantes et leur lutte
pour accéder à la maîtrise de leur destin
économique et social a contribué petit à petit
à faire évoluer les mentalités à plusieurs
niveaux.
On pourrait être tenté de croire qu'à l'heure
actuelle tous les emplois sont facilement accessibles aux femmes.
Or, le témoignage des travailleuses non traditionnelles
ainsi que les résultats des recherches effectuées sur
la problématique du non-traditionnel en Montérégie
comme ailleurs au Québec, nous amène à constater
que le droit de choisir et d'aimer son travail et d'accéder
à une autonomie financière décente est encore loin
d'être acquis pour les femmes et les jeunes filles.
La lutte pour le droit de choisir son travail et de l'exercer
en toute sérénité dans les mêmes conditions
que tout autre individu est sous-jacente à tout ce qui
touche la problématique du non-traditionnel. F.R.O.N.T. en a
fait son leitmotiv tout en l'inscrivant dans une lutte plus
globale qui défend l'équité en matière
d'accès, de traitement et de rémunération. Le
choix non traditionnel ne veut pas se faire au détriment du
travail traditionnel et les travailleuses qui exercent des
métiers "d'hommes" ne jettent pas un regard critique ou
méprisant sur le travail traditionnellement féminin. On
constate non seulement que les femmes n'ont facilement accès
qu'à des emplois généralement moins bien
payés que ceux auxquels les hommes ont accès, mais
aussi que de nombreux emplois occupés majoritairement par
des hommes qui offrent des conditions salariales
intéressantes accusent des reculs importants en matière
de rémunération quand les femmes y accèdent
massivement (qu'on pense aux chauffeures d'autobus scolaires par
exemple).
Il y a dans cette déqualification une manifestation de la
croyance fondamentale que le travail des femmes vaut moins que le
travail des hommes ou que les femmes accepteront une
rémunération moindre. La question de la valorisation de
la main-d’œuvre féminine n'est pas une
confrontation du travail traditionnel et du travail non
traditionnel mais une défense de l'équité à
deux niveaux différents.
La rémunération plus intéressante souvent
reliée aux emplois non traditionnels est un
élément de plus en sa faveur mais ne saurait être
le facteur déterminant sa légitimité comme choix
de carrière. Les femmes ont maintenant les mêmes
responsabilités financières que les hommes et sont de
plus en plus nombreuses à défendre les droits
inhérents à cette nouvelle réalité tout en
prônant le droit d'exercer des choix professionnels
correspondant à leurs aspirations et à leurs aptitudes.
Les iniquités persistent mais les choses ont commencé
à changer.
La présence des femmes sur le marché du travail est
maintenant monnaie courante. Or, malgré la forte
progression du nombre de femmes en emploi, elles se retrouvent
dans les mêmes types d'emploi qu'il y a 30 ans,
c'est-à-dire le travail administratif (employées de
bureau), la vente au détail (commis-vendeuses) et les
services aux individus tels que les soins infirmiers et le
service social. Elles sont moins bien rémunérées
que les travailleurs puisque l'écart salarial entre les
travailleuses et les travailleurs reste toujours élevé
même après 10 ans de mesures législatives. En
Montérégie, les femmes gagnent 58% du salaire des
hommes.
Le même phénomène se reproduit chez les
étudiantes qui continuent massivement à s'inscrire dans
des secteurs d'études traditionnellement féminins. Les
inscriptions vers des secteurs d'études donnant accès
à de nouveaux types d'emplois et à des
responsabilités professionnelles plus variées
augmentent très lentement. La façon dont les
adolescentes préparent leur avenir est calqué sur des
modèles traditionnels et sur des valeurs de stabilité
qui ne reflètent plus la réalité
d'aujourd'hui.
Elles ne se préparent pas aux rigueurs de la vie:
divorce, monoparentalité, pauvreté, chômage et
temps partiel sont des réalités qui n'arrivent qu'aux
autres. Elles persistent à faire fi du fait que les
personnes sur le marché du travail devront occuper plusieurs
emplois dans leur parcours professionnel.
Manque d'information, manque de modèles, difficulté
du système scolaire à intéresser les filles à
une diversité d'emplois: les conditionnements culturels sont
solidement enracinés tant chez les femmes que dans
l'ensemble de la population. Il reste beaucoup de chemin à
parcourir et plusieurs barrières à faire sauter.
Conditionnées comme l'ensemble de la population aux
rôles traditionnels des sexes, toutes les femmes ne peuvent,
du jour au lendemain, s'imaginer travaillant dans des emplois
"d'hommes". Elles restent très attachées à cette
fonction de prendre soin des personnes; la propreté est une
valeur importante dans leur choix de carrière; l'espace que
prend le travail dans leurs vies se confronte à des valeurs
fondamentales qu'elles ne sont pas prêtes à sacrifier;
elles sont très préoccupées par l'équilibre
entre la vie familiale et le travail. Ces valeurs féminines
seront souvent présentées comme étant en
contradiction avec l'exercice d'emplois non traditionnels comme
si les femmes se devaient de les abandonner pour accéder
à une forme de vie professionnelle plus "masculine".
Pourtant les employeurs qui ont embauché des femmes dans
ce type d'emplois nous diront combien l'arrivée des femmes
humanise les milieux de travail majoritairement masculins.
Visiblement les valeurs qu'elles véhiculent se
reflètent positivement dans leur environnement professionnel
tandis que certains voudraient plutôt que les femmes
s'adaptent aux milieux de travail masculins et portent seules le
fardeau de l'adaptation et de l'intégration. Les femmes
influencent mais elles y arrivent en prenant des bouchées
doubles.
L'automatisation, les technologies, l'informatique sont des
facteurs supplémentaires qui contribuent à la
redéfinition du marché de l'emploi. Les travailleurs
doivent s'adapter à ces changements et cette adaptation
s'avère particulièrement ardue pour ces femmes qui, en
30 ans, ont vu leur rôle se transformer profondément.
Cette mutation de la reine du foyer en soutien de famille
reflète une transformation sociale qui a des
répercussions profondes; les rôles traditionnels se
fusionnent, les femmes sont appelées à exploiter le
meilleur d'elles-mêmes. Les défis abondent tant pour
les hommes que pour les femmes.
De tous temps, les femmes sont passées "maîtres"
dans le faire avec, le système D, le
y'a toujours moyen de moyenner, l'art de se virer de
bord à deux minutes d'avis pour éviter la
catastrophe, le faire du neuf avec du vieux. Mais
paradoxalement, toutes plus ou moins atteintes du manque de
confiance en elles, elles hésitent à investir un monde
de nouveauté, de préjugés et souvent même
d'hostilité où elles se retrouvent isolées.
Pourtant, un nombre de plus en plus grand de femmes se dirigent
vers des occupations non traditionnelles. Seules ou soutenues par
des organismes, elles font des percées dans toutes les
chasses gardées masculines.
Pour réaliser leur rêve, elles
devront être extrêmement motivées. Alors que le
support des proches est déterminant pour affronter les
étapes ultérieures, les premières réserves
viendront sans doute de leur entourage: parents, ami(e)s,
conjoint(e)s, enfants. Elles auront pourtant souvent du fil
à retordre pour les convaincre du bien-fondé de leur
choix. La lutte commence...
Viendront les farces plates des compagnons d'étude et le
laisser-faire des professeurs. Les femmes aux études dans
des secteurs non traditionnels dénoncent l'ignorance, la
fermeture et parfois le mépris de certains intervenants. Ces
acteurs font souvent preuve de mauvaise foi dans leurs
comportements ou de négligence dans le processus
d'intégration des nouvelles valeurs. L'étape de la
formation servira souvent à décourager les moins
coriaces qui pourtant avaient tout le bagage intellectuel pour
réussir. Persister tient à l'occasion de
l'héroïsme et exige une force morale non
négligeable.
Pour celles qui persistent, viendra ensuite l'étape de la
recherche d'emploi. Encore là, beaucoup de chemin a
été parcouru. De plus en plus d'employeurs sont
prêts à embaucher des femmes. Ils ont découvert
les qualités exceptionnelles de cette
main-d’œuvre: qualifiée, motivée,
consciencieuse. Ils sont ceux qui nous disent : "C'est payant
engager des femmes!" D'autres employeurs, moins convaincus, se
sentent néanmoins progressivement obligés d'embaucher
des femmes pour répondre aux exigences légales
imposées par les gouvernements.
Là comme ailleurs, les changements de mentalité
s'effectuent graduellement. Bien que de plus en plus d'employeurs
acceptent de gré ou de force d'embaucher des femmes,
certains s'y refusent catégoriquement et se cachent
derrière des critères discriminatoires. Parlez-en
à Nancy, Nicole ou Martine qui ont réussi à se
trouver un emploi ... deux ans après l'obtention de leur
diplôme d'études professionnelles (DEP) en
électricité de construction, électromécanique
et mécanique de chantier. Ou encore à Isabelle qui a
dû faire 150 applications à bicyclette dès 5
heures du matin avant de décrocher son premier emploi. Les
anecdotes aberrantes abondent: d'une secrétaire morte de
rire qui émeute le personnel de l'entreprise pour venir voir
une fille qui a la prétention de postuler sur un poste de
tuyauteure à une femme qui échoue un test d'entrée
qui comprend des notions de physique et de chimie pour faire de
l'entretien... Et il s'agit de celles qui réussissent!
Chapeau les filles!
Les travailleuses non traditionnelles de
la Rive-Sud répertoriées dans le cadre de cette
recherche redisent souvent le plaisir d'exercer un emploi
qu'elles ont choisi: satisfaites parce qu'elles aiment leur
travail, elles éprouvent de la fierté à exercer
leur métier, s'y sentent valorisées et
bénéficient de conditions de travail souvent plus
avantageuses que leurs consœurs dans les emplois
traditionnels. Elles identifient aussi la satisfaction de
réussir à s'intégrer et le sentiment de contribuer
à la reconnaissance du droit des femmes de choisir l'emploi
de leur choix. Le succès qu'elles remportent lorsqu'elles
témoignent de leur itinéraire professionnel en fait
foi.
En effet, de plus en plus de travailleuses veulent communiquer
leur enthousiasme à des jeunes filles du primaire et du
secondaire et se posent en modèles auprès
d'étudiantes qui n'avaient jamais vu une plombière de
près, encore moins une professeure en plomberie!
Pourtant, plusieurs vivent ou ont vécu du
harcèlement sexuel ou psychologique. Certaines ont
été victimes de discrimination lors d'une promotion ou
vivent difficilement l'isolement, l'humour déplacé et
l'exclusion des réseaux informels au travail. Plusieurs
d'entre elles nous parlent d'accueil dans un nouvel emploi
où le message qu'elles ne sont pas à leur place et
plus vite elles retourneront à leur pâté chinois
plus vite tout rentrera dans l'ordre est très direct
tandis que d'autres nous disent l'humiliation constante qui fait
partie de leur quotidien. Pourtant la plupart d'entre elles
persistent dans la poursuite de leur objectif; cependant on ne
pourrait faire abstraction du nombre important de femmes qui ont
lâché par épuisement ou par
découragement.
La Commission de la Construction du Québec (CCQ) a
effectué, en 1995, une enquête auprès des femmes
ayant quitté l'industrie de la construction. Cette
enquête révèle que:
" il y a l'expérience somme toute décevante des
femmes qui ont dû faire elles-mêmes leur place dans
l'industrie. C'est qu'en plus de la conjoncture économique
entraînant des problèmes d'emplois disponibles, elles
ont dû se battre contre les nombreux préjugés des
hommes qu'elles côtoient sur les chantiers et résister
aux épreuves physiques et psychologiques que le milieu leur
imposait. Le souhait qu'elles ont exprimé est à l'effet
que l'industrie fasse un meilleur accueil aux femmes et leur
laisse la chance de faire la preuve de leur compétence en
cessant de les mettre à l'épreuve.
Cette enquête aura aussi révélé que ces
femmes, et surtout celles qui sont entrées sans lien de
parenté avec l'employeur, ont bien à regret dû
quitter un métier qu'elles adoraient parce qu'elles
étaient souvent épuisées de subir la
discrimination à l'embauche ou de faire continuellement la
preuve qu'elles sont compétentes..."
Minoritaires et marginales, les femmes voient leurs
revendications syndicales souvent reléguées au bas de
la liste. Dernières engagées, elles seront les
premières mises à pied. Les syndicats sont encore loin
d'accepter de remettre en question certains droits acquis pour
rendre justice aux femmes discriminées. Les syndicats et les
entreprises sont peu au courant de la réalité des
travailleuses non traditionnelles et sont dépassés
lorsqu'ils ont à régler des situations de
harcèlement. Ils se préoccupent peu des revendications
des femmes telles l'aménagement des postes de travail,
l'obtention de vêtements de travail adéquats,
l'identification de lieux qui leur soient spécifiques.
Celles qui réussissent à se faire entendre auront
généralement fait preuve d'une ténacité peu
commune ou auront trouvé des alliés progressistes qui
auront mené la bataille avec elles. Il en existe, reste
à les dépister. Un travail souvent long et laborieux
mais qui crée des complicités indispensables.
Dans certains milieux de travail les résistances sont
fortes, les travailleurs se sentent menacés, ont peur de
perdre leurs jobs, craignent que leur emploi soit
déqualifié par l'arrivée des femmes et
quelques-uns vont jusqu'à proférer des menaces à
l'endroit de ces travailleuses. Tous les milieux reproduisent
sensiblement les mêmes difficultés. Nous sommes toutes
et tous issus d'une société où le droit au travail
rémunéré a été refusé aux femmes,
où la valeur de leur contribution sociale ne pouvait
être monnayée et où chaque sexe devait s'en tenir
à son rôle.
Face à cette problématique où il importe que
les mentalités soient changées, F.R.O.N.T.
considère prioritaire de promouvoir la valeur de la
main-d’œuvre féminine et de sensibiliser les
différents acteurs du territoire de la Rive-Sud en
divulguant les fruits de cette recherche-action qui analyse le
résultat de 10 ans de réflexions et d'intervention de
femmes préoccupées par l'égalité des chances
en emploi. Ces résultats doivent s'inscrire dans une
conjoncture favorable à l'avancement du dossier non
traditionnel et à la prise en compte des revendications des
travailleuses.
Cette recherche se veut un bilan des besoins réels des
femmes de la Rive-Sud qui s'actualisera dans la conception
d'actions et d'outils de travail élaborés en fonction
de l'expérience et des réflexions de toutes ces
travailleuses qui sont, pour nous, "des femmes de tête, des
femmes de cœur, des femmes d'action."
Les travailleuses non traditionnelles
évoluent dans un contexte social bousculé par une
économie nouvelle et un marché de l'emploi souvent
inquiétant. Elles sont un phénomène nouveau dans
notre histoire contemporaine. Audacieuses, fonceuses,
déterminées, elles ont débarré et ouvert des
portes d'accès. Accès à la liberté de choisir
et de concrétiser leurs aspirations au-delà des
conventions, des modèles, des stéréotypes.
Il y a 30 ans, les postes de travail auxquels elles
accèdent s'écrivaient exclusivement au masculin. Reflet
d'une société en constante évolution, de plus en
plus de femmes ont maintenant accès à des professions
et des métiers jusque-là réservés aux hommes.
Cet état de fait illustre l'une des transformations majeures
du marché du travail des 30 dernières années
c'est-à-dire l'arrivée massive des femmes sur le
marché du travail et leur percée dans tous les secteurs
d'emploi. En 1960, les femmes constituaient 27% de la
main-d’œuvre; dès 1991, le pourcentage passait
à 45%. Est-ce
que cette progression des femmes à l'emploi a favorisé
une diversification des métiers qu'elles exercent?
Force nous est de constater que non: elles occupent encore
majoritairement les mêmes types d'emplois que dans les
années 60: c'est-à-dire que 80% d'entre elles occupent
toujours des emplois dans le secteur des services. Et pendant
qu'elles gonflaient le secteur des services, le taux du salaire
moyen baissait!
Pourtant ces 10 dernières années ont été
effervescentes en terme de revendications des femmes et le
contexte d'égalité des droits se répercute sur la
question du travail. Le mouvement des femmes, préoccupé
par l'égalité des chances, a vu émerger et a
soutenu les initiatives pour contrer la pauvreté des femmes:
les métiers non traditionnels, c'est-à-dire des
métiers des secteurs primaires et secondaires habituellement
réservés aux hommes, sont alors apparus comme une
solution économique importante. Ces métiers sont
généralement mieux rémunérés et
valorisés dans notre
société et ils étaient, jusqu'à une
récente époque, des emplois permanents, syndiqués
et plus stables.
Un boulot énorme a été accompli par les
organisations féminines pour faire reconnaître le droit
des femmes à exercer des emplois de leur choix. Dès
1986, après 8 ans de luttes juridiques, Action travail des
femmes de Montréal (ATF) gagnait un jugement de la Cour
suprême du Canada dans la cause du CN. Dans cette cause, le
plus haut tribunal du pays reconnaissait les pratiques
discriminatoires d'embauche à l'endroit des femmes et, via
des mesures législatives, obligeait les sociétés
de la couronne à corriger cette situation.
À la suite de cette décision, les instances
gouvernementales ont emboîté le pas en reconnaissant et
définissant la discrimination à l'embauche:
"L'analyse des systèmes de gestion des ressources
humaines nous démontre qu'ils avantagent presque toujours
les hommes au détriment des femmes, d'où l'expression
discrimination systémique. Ces systèmes de gestion
comportent des politiques et des pratiques discriminatoires face
à l'embauche, à la formation, au perfectionnement et
à l'intégration dans l'organisation. Cette
discrimination est bien souvent invisible, indirecte et non
intentionnelle de la part des responsables des ressources
humaines."
À la suite de ce jugement de la Cour suprême du
Canada, le gouvernement du Québec a favorisé des
programmes volontaires d'accès à l'égalité.
Des mesures législatives ont été adoptées
pour reconnaître l'égalité des femmes, notamment
sur le plan de l'équité en matière d'emploi. Les
institutions politiques ont développé des programmes
d'accès à l'égalité; il y a eu des
percées féminines dans les secteurs publics et
parapublics, notamment chez les cols bleus.
En cette même année 1986, la
Rive-Sud applaudissait la naissance du Projet local d'aide à
la création d'emploi (P.L.A.C.E. Rive-Sud inc.), une
corporation créée à Longueuil dans le but
spécifique de contrer la pauvreté des femmes par le
biais du travail non traditionnel. Le comité d'implantation,
composé d'intervenantes du milieu, se dotait d'un outil de
changement social qui leur permettrait d'intervenir directement
sur l'accès au travail non traditionnel pour des femmes
fortement défavorisées sur le plan de
l'emploi.
Dès 1984, ces visionnaires avaient imaginé une
corporation féministe qui offrirait des programmes de
formation, des stages en entreprise, des techniques de recherche
d'emploi et un mécanisme de suivi. Elles se sont
préoccupées des grandes questions féministes de
l'heure en matière d'emploi non traditionnel. Pour ce faire,
elles ont d'abord mis sur pied un premier projet, un groupe de
services, qui offrirait des programmes d'exploration,
d'orientation et d'intégration en emploi dans les
métiers non traditionnels et qui s’appellerait Options
non traditionnelles (O.N.T.).
Les activités d'O.N.T. ont rapidement démontré
les limites des services de formation et identifié le
soutien et le support aux participantes comme un facteur
important de réussite dans cette démarche vers la
formation, l'accès à l'emploi, l'intégration et le
maintien dans des secteurs non traditionnels. C'est pourquoi deux
ans plus tard, O.N.T. favorisait la création d'un
regroupement de travailleuses non traditionnelles comme
deuxième projet. Ce groupe de pression et de défense de
droits offrait précisément entraide, support et
référence tout en jumelant sensibilisation et promotion
à ces mandats prioritaires. On nomma ce projet Femmes
regroupées en options non traditionnelles (F.R.O.N.T.) et
imagina que les deux projets travailleraient en tandem pour faire
avancer la cause du travail non traditionnel en
Montérégie.
Le coup d'envoi de ce nouveau projet pris la forme d'un brunch
auquel ont été conviées, par le biais de
publicités dans les journaux, toutes les travailleuses de la
région qui exerçaient un emploi non traditionnel.
À une époque où elles jouissaient de si peu de
visibilité qu'on les croyait très peu nombreuses, 100
femmes se présentèrent au rendez-vous! 100 femmes
ravies de se rencontrer pour partager leur réalité
commune et convaincues de l'importance d'agir. Certaines de ces
femmes sont membres actives de F.R.O.N.T. à ce jour.
Il faut se souvenir qu'à la fin des années 80, le
travail non traditionnel n'avait pas encore l'essor qu'il
prendrait au cours de la prochaine décennie. Les initiatives
à vocation non traditionnelle étaient peu nombreuses et
n'existaient que dans trois villes de la province; Montréal
(Action travail des femmes et Travail non traditionnel),
Québec (Centre Étape), Baie Comeau (Centre
Émersion et L'Impact).
L'intervention non traditionnelle était à
l'état embryonnaire; tout était à inventer et
F.R.O.N.T. a rapidement identifié l'importance de miser sur
l'apport des travailleuses elles-mêmes pour définir son
rôle, ses interventions, ses champs d'action.
Ainsi la création de F.R.O.N.T., tout en regroupant
à priori les travailleuses issues des programmes d'O.N.T., a
permis le dépistage de travailleuses issues d'autres milieux
et présentant d'autres réalités. Ce
«membership » élargi permettait à une grande
variété de travailleuses en emplois non traditionnels
de se connaître, d'échanger et de se joindre aux
intervenantes pour apprivoiser la problématique du
non-traditionnel et se donner les moyens d'agir directement sur
leur destinée professionnelle et sociale.
Les travailleuses ont répondu à l'appel avec
enthousiasme et détermination: elles se sont initiées
au fonctionnement de conseils d'administration et ont
commencé, d'abord timidement, à investir la vie
syndicale, à mettre sur pied des comités de condition
féminine au sein de leur entreprise, à se manifester
dans les médias à titre de modèles, de personnes
ressources et d'interlocutrices incontournables. Elles ont appris
à animer des ateliers dans les écoles, les colloques,
les salons professionnels; elles se sont donné les moyens
pour être partie prenante de l'amélioration des
conditions socio-économiques des femmes et
particulièrement des travailleuses en emplois non
traditionnels.
Elles se sont investies dans leur organisme, y ont milité
et ont participé à des activités qu'elles avaient
contribué à imaginer et à organiser. Elles se sont
implantées dans tous les milieux et leurs actions ont
taillé une place d'honneur au non-traditionnel. Ces actions
qui émanaient de la Rive-Sud ont par la suite rayonné
à travers la province. Année après année,
depuis 1990, les activités de F.R.O.N.T. ont fait valoir le
travail des femmes et ont su rendre les luttes locales à
l'échelle provinciale.
Chefs de file sur la Rive-Sud, O.N.T. et F.R.O.N.T. ont
contribué à rassembler celles qui ont inspiré,
encouragé, collaboré, alimenté, diffusé.
D'une volonté de voir les femmes développer leur
autonomie financière, elles ont peu à peu
contribué à l'émergence de ressources qui ont
ouvert la porte aux femmes de la Rive-Sud à des emplois de
qualité et qui ont favorisé leur intégration et
leur maintien.
En 1992, F.R.O.N.T. prenait l'initiative
de convoquer les organismes les plus impliqués au
Québec dans le champ du non-traditionnel dans le but de
dépasser les limites de l'action solitaire. La réunion
des groupes de femmes ayant l'expertise la plus
développée en matière de travail non traditionnel
avait comme objectif de combler le vide quant aux mécanismes
de concertation qui permettraient aux femmes de mesurer l'impact
de leurs actions.
Lors de cette rencontre, elles ont jeté les bases d'une
coalition en dégageant des consensus par rapport au portrait
de la situation du non-traditionnel. Dans les Actes du colloque
québécois sur les femmes en emplois non traditionnels
de mars 1992, on retrouve les constats suivants:
- Les organisations de femmes œuvrant dans le
non-traditionnel connaissaient peu et mal les différentes
missions et réalisations de chacune; de plus, il n'existait
aucun lieu formel pour rassembler les forces qui agissaient
isolément sur la problématique spécifique de
l'accès des femmes aux emplois non traditionnels.
- Tout comme les femmes elles-mêmes, les organisations
souffraient d'isolement et en subissaient les conséquences.
Carences importantes au niveau des échanges d'expertise et
de la diffusion de l'information relative aux résultats
positifs et négatifs des actions entreprises par les
groupes.
- Cette absence de moyens au niveau d'une concertation
provinciale entravait les possibilités de pressions sociales
et politiques nécessaires à l'avancement de
l'égalité des chances.
- Les comités de condition féminine des syndicats
éprouvaient les mêmes difficultés tant au niveau
de la sensibilisation du milieu syndical que du suivi en terme de
support à accorder aux femmes dans les occupations non
traditionnelles.
- Les groupes de pressions et les groupes de services devaient
s'engager à unir leurs forces pour revendiquer des
ressources indispensables à leur fonctionnement et à
leur efficacité.
- Ne pouvant plus se permettre d'uniquement apprendre un
métier, les femmes se devaient de faire partie
intégrante de la vie politique et économique d'où
l'importance, voire l'urgence, de créer un réseau
provincial qui donne à la voix des travailleuses en emplois
non traditionnels le poids indispensable à des
négociations avec les gouvernements, les syndicats et les
employeurs.
- Pour les femmes occupant des emplois non traditionnels, il
fallait de façon prioritaire favoriser l'implantation de
ressources locales et régionales.
- Les travailleuses en emplois non traditionnels avaient un
besoin fondamental de se rejoindre, de se rencontrer,
d'échanger et de se créer un lieu d'appartenance qui
leur permettrait de se sentir épaulées et d'apprivoiser
la solidarité.
C'est ainsi que le regroupement québécois des femmes
en emplois non traditionnels devenait une réalité. Les
membres de cette nouvelle corporation furent unanimes à
vouloir adopter le nom de F.R.O.N.T. et c'est ainsi que le projet
de P.L.A.C.E. Rive-Sud inc. vint à être connu sous le
nom de F.R.O.N.T.-Montérégie pour différencier
l'organisme provincial du groupe local. Lors de l'assemblée
de fondation, F.R.O.N.T.-Montérégie fut mandaté
pour assumer la permanence du nouvel organisme et les
instigatrices sud-riveraines de ce réseau provincial se
voyaient confier la responsabilité de le développer et
de le consolider.
F.R.O.N.T. devenait ainsi la courroie de transmission de
l'information en matière de travail non traditionnel à
travers son réseau d'organismes. Aujourd'hui toutes les
régions du Québec comptent des interventions sur cette
problématique. Les femmes impliquées dans le
développement de services adaptés aux besoins des
femmes en matière de travail non traditionnel ont acquis une
expertise terrain et ont mis leur connaissance du marché de
l'emploi et leurs interventions politiques à contribution
pour faire en sorte qu'aujourd'hui la voix des travailleuses non
traditionnelles est entendue.
Malgré la conjoncture économique désastreuse,
les progrès sont réels. À partir des luttes
menées pour obtenir une législation pour des programmes
d'accès à l'égalité, des programmes de
formation, des groupes d'entraide et de pression ont
été créés. Des campagnes de sensibilisation
ont été organisées, des programmes d'accès
à l'égalité ont été élaborés,
des chercheures universitaires et des ergonomistes ont
imaginé des solutions quant à l'équipement et
à l'adaptation des postes de travail, des modèles de
travailleuses non traditionnelles ont commencé à
émerger à l'école, au travail, dans les
métiers, dans les techniques, dans les professions et en
politique.
Les femmes de la Montérégie auront joué un
rôle de premier plan dans cet essor du non-traditionnel
à l'échelle de la province; elles n'ont pas
inventé le non-traditionnel mais elles lui ont permis
d'acquérir ses lettres de noblesse et d'être pris au
sérieux comme un choix de carrière "légitime".
Elles ont grandement contribué à positionner le
non-traditionnel comme une piste de solution propice à
offrir des meilleures conditions de vie à des femmes qui ont
des intérêts jugés "masculins", qui ont des
responsabilités de pourvoyeures, qui ont envie de plus de
sécurité d'emploi, de plus de défi, de meilleurs
salaires. Leur travail ne peut être étranger à
l'intérêt manifesté par la majorité des
ministères, des commissions scolaires et des médias
pour l'accès des femmes aux emplois non traditionnels, aux
carrières technologiques, aux travaux scientifiques et
manuels.
La popularité du non-traditionnel ne s'est pas
démentie au cours des années et la présence des
femmes dans la plupart des secteurs d'emplois est maintenant un
phénomène social généralement accepté.
Accepté mais assez inusité pour que les médias
fassent encore grand état de la réussite des
femmes.
Les médias écrits tels Châtelaine, la
Gazette des femmes, l'Intermécanique, Le Garagiste et
les journaux tels La Presse, Le Journal de Montréal, The
Gazette ont consacré plusieurs reportages de fond sur le
phénomène des travailleuses dans les métiers. La
Rive-Sud s'est souvent retrouvée au cœur de ces
réussites.
Citons à titre d'exemple, la première clinique
automobile mettant en vedette 8 mécaniciennes, tenue en juin
1995 à Place Longueuil; l'ouverture du premier garage
de femmes La clé de contact par deux
mécaniciennes sud-riveraines; la création du Groupe
Mondel de Boucherville, une entreprise de femmes
spécialisées dans la construction domiciliaire; la
création de Madame rénove une entreprise
longueuilloise vouée à la construction et à la
rénovation; la mise sur pied d'Appareillement
vôtre, une entreprise féminine de réparation
d'appareils électro-ménagers; l'implantation de
l'Académie de l'entrepreneurship, dont la
propriétaire est une femme, dispense des formations de
pointe préliminaires à se lancer en affaires; ou encore
l’acquisition de Labblaws par la fille du
propriétaire, compagnie de Ste-Julie qui fabrique des
emballages stériles.
Le dynamisme des femmes de la Montérégie et
particulièrement de celles de la Rive-Sud a contribué
à l'avancement de la cause des femmes en emplois non
traditionnels: l'impact de leur travail a eu des
répercussions tangibles et les représentantes
politiques de la région ont appuyé les initiatives
locales en matière de non-traditionnel. La politique du
gouvernement du Québec en matière de condition
féminine rendue publique en mai 1997 vient confirmer la
vigilance des représentantes et leur engagement à agir
contre les inégalités sociales, économiques et
politiques touchant les femmes, à faire reconnaître
leur contribution à la société
québécoise et à faire en sorte qu'elles prennent
place comme partenaires égales dans le développement
des régions.
La visibilité accrue des femmes qui
exercent des métiers non traditionnels transforme le paysage
social à un point tel qu'il peut laisser croire que tout est
acquis, qu'il n'y a plus de revendications légitimes, que
les luttes sont choses du passé, que les femmes ont
accès à tous les emplois, que les employeurs sont
ouverts à l'embauche des femmes.
Pourtant elles sont toujours absentes de la majorité des
secteurs d'emplois non traditionnels: on dira qu'elles n'aiment
pas le travail manuel; qu'elles veulent préserver leur
féminité; qu'elles n'y seraient pas à leur place;
qu'elles n'ont pas l'esprit mécanique, technique,
scientifique; qu'elles ne sont pas assez fortes et que,
finalement, la minorité de celles qui s'y intéressent
n'ont qu'à y aller... Une nouvelle forme de discrimination
se dessine à l'horizon pour justifier l'abolition de
services s'adressant spécifiquement aux femmes et des
mesures de redressement des inégalités des sexes. On
ira jusqu'à dire que les femmes raflent les nouveaux emplois
et qu'en bout de ligne elles ne sont pas plus mal prises que les
hommes.
Il nous apparaît évident que le non-traditionnel
s'est taillé une place, de peine et de misère, à
titre de voie de solution à la pauvreté des femmes.
F.R.O.N.T. ne peut qu'applaudir l'inclusion de l'accès au
non-traditionnel dans les priorités régionales en
Montérégie. Mais comment ces victoires se
concrétisent-elles au delà du discours dans un contexte
de chômage élevé et d'une reprise économique
très lente? Au delà des résistances qui demeurent
très fortes et des changements de mentalité qui ne se
réalisent qu'à long terme, comment la situation du
non-traditionnel évolue-t-elle?
Force nous est de constater que malgré l'ensemble des
efforts fournis, le travail et particulièrement le salaire
ont encore un sexe. Les emplois traditionnellement occupés
par des femmes ne sont toujours pas reconnus à leur juste
valeur et sont plus précaires et moins bien payés.
Pourtant les étudiantes persistent à se cantonner dans
ces secteurs d'études qui y mènent. Le non-traditionnel
conserve son statut de phénomène rare et celles qui
optent pour ce choix ont énormément de difficulté
à se trouver un premier emploi.
L'ensemble des interventions auront quand même donné
des résultats: dorénavant, on peut voir des chauffeures
d'autobus, des électrotechniciennes ou des menuisières,
mais le danger de prétendre que tout est acquis est
réel. Si on fait tant état de la présence des
travailleuses dans les médias par exemple, c'est justement
parce qu'elles sont encore trop peu nombreuses dans l'ensemble
des métiers non traditionnels et qu'elles constituent
nettement des exceptions qui surprennent.
On a fait état, sur la Rive-Sud, de
la percée des femmes sur le marché du travail où
les analyses d'institutions telles la SQDM proclament "les femmes
grandes gagnantes au chapitre des gains d'emplois." Il est incontestable que
les nouveaux emplois créés ont profité en bonne
partie aux femmes. Mais rappelons que ces nouveaux emplois ont
été créés principalement dans le secteur des
services, là où historiquement elles ont toujours
été majoritaires . "En effet, alors que la
Montérégie connaissait une progression de plus de
73 000 emplois dans le tertiaire (secteur des services) entre
1987 et 1996, le secondaire perdait plus de 2 000 emplois." Une grande partie de
ces nouveaux emplois sont caractérisés par du travail
sur appel, à temps partiel, à la pige, à domicile,
non syndiqués, moins bien payés et moins qualifiés
(de plus en plus de femmes cumulent de 2 à 3 emplois
partiels et travaillent 7 jours par semaine pour des salaires
sous le seuil de la pauvreté). En 1996, le temps partiel
constituait 18% de tous les emplois en Montérégie et
72% des personnes travaillant à temps partiel sont des
femmes. 27% des
femmes travaillent à temps partiel contre 10% chez les
hommes et 58% des femmes travaillent à temps plein contre
77% des hommes.
Qu'ont-t-elles gagné sur la Rive-Sud? Des emplois, oui.
Elles sont plus nombreuses à travailler mais dans des
conditions peu avantageuses.
Pas étonnant que le taux de chômage des femmes soit
plus bas, mais à quel prix? Sans s'étendre sur la
question, il faut se rappeler que le taux de chômage est
basé sur la population active ce qui exclut nombre de femmes
qui, pour différentes raisons, ne sont plus
comptabilisées comme chercheures d'emploi. De plus, le
secteur des services contribue à maintenir des salaires
discriminatoires qui font que pour chaque dollar payé à
une travailleuse de la Montérégie, un travailleur sera
payé 1,73$.
Dans la sous-région Rive-Sud, les
femmes sont tout aussi absentes dans les métiers que dans
l'administration municipale. Les MRC Lajemmerais, Roussillon et
Champlain comptent 24 municipalités que F.R.O.N.T. a
contactées dans le cadre d'un sondage effectué au cours
du mois de mars 1997 pour identifier le nombre de femmes dans les
catégories d'emplois suivants: le personnel cadre, les
policiers et les cols bleus. Les services des ressources humaines
de 14 municipalités sur 24 disaient offrir des postes
permanents dans ces catégories.
Les femmes sont sous-représentées dans l'ensemble
des secteurs non traditionnels des municipalités rejointes
particulièrement chez les cols bleus et la police. Les
femmes, plus nombreuses au niveau du personnel cadre, ont
principalement des postes de cadres intermédiaires. Elles
sont minoritaires dans les postes de direction.
Le préjugé concernant la faiblesse physique chez les
femmes persiste toujours: les femmes ne seraient pas assez fortes
pour effectuer le travail de col bleu dans certaines
municipalités. L’une d’entre elle a même
affirmé ne pas engager de femmes pour cette raison.
Une importante municipalité de la Rive-Sud, Longueuil, a
refusé de répondre à nos questions parce que les
informations demandées exigeaient trop de temps et seraient
trop longues à comptabiliser.
D'ailleurs aucune des municipalités des MRC Lajemmerais,
Roussillon et Champlain n'a pris l'initiative de mettre sur pied
des programmes d'équité en emploi favorisant l'embauche
de femmes dans ces secteurs.
Le tableau 1 illustre les résultats de notre sondage.
Tableau1
Représentation des femmes dans 3 secteurs non
traditionnels d'emplois permanents chez les municipalités
des MRC Champlain, Lajemmerais et Roussillon, à savoir:
personnel cadre, police et col bleu.
MRC Champlain
|
Personnel cadre
|
Police
|
Col bleu
|
Municipalités :
|
F/H
|
%
|
F/H
|
%
|
F/H
|
%
|
Brossard
Lemoyne
Longueuil
Greenfield Park
St-Hubert
St-Lambert
|
15/66
0/5
n/d
6/22
15/50
3/14
|
22,7%
0 %
27,2 %
30 %
21,4 %
|
11/83
assuré par
n/d
2/24
8/101
4/34
|
13,2 %
St-Hubert
8,3 %
7,9 %
11,7 %
|
1/43
0/5
n/d
0/22
2/108
3/53
|
2,3 %
0 %
0 %
1,8 %
5,6 %
|
MRC Lajemmerais
|
Personnel cadre
|
Police
|
Col bleu
|
Municipalités :
|
F/H
|
%
|
F/H
|
%
|
F/H
|
%
|
Boucherville
Ste-Julie
Varennes
Verchères
|
9/35
5/13
7/17
2/5
|
25,7 %
38,4 %
41 %
40 %
|
5/45
5/32
3/13
assuré par
|
11,1 %
15,6 %
23 %
la SQ
|
5/63
1/30
0/17
0/4
|
7,9 %
3,3 %
0 %
0 %
|
MRC Rousillon
|
Personnel cadre
|
Police
|
Col bleu
|
Municipalités :
|
F/H
|
%
|
F/H
|
%
|
F/H
|
%
|
Candiac
Delson
La Prairies
St-Constant
|
4/14
2/6
4/24
7/25
|
28,5 %
33,3 %
16,6 %
28 %
|
1/13
assuré par
1/21
1/24
|
7,6 %
St-Constant
4,7 %
4,1 %
|
2/24
1/9
0/20
0/11
|
8,3 %
11,1 %
0 %
0 %
|
Total
|
79/296
|
26,6 %
|
41/390
|
10,5 %
|
15/409
|
3,6 %
|
Source: Sondage réalisé par F.R.O.N.T. auprès
des municipalités en mars 1997.
La division sexuelle du travail se
répercute au niveau des structures décisionnelles
régionales. Les femmes sont sous-représentées dans
les instances locales et régionales de la
Montérégie si bien qu'elles atteignent un taux de
représentativité en deçà des moyennes
québécoises. De toute évidence, un important
travail reste à faire à ce niveau. Il ne faudrait
toutefois pas minimiser la somme importante de travail
réalisée par les groupes de femmes régionaux, par
le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au
travail (CIAFT), par l'Association féminine
d'éducation et d'action sociale (AFÉAS) et par la
Fédération des femmes du Québec (FFQ).
Leurs initiatives, étalées sur les 15 dernières
années, ne peuvent être étrangères à
l'augmentation du taux de féminité dans la
représentation régionale et à la politisation des
montérégiennes.
D'ailleurs, malgré les chiffres décevant dans
l'ensemble, on constate une représentation féminine
importante au conseil exécutif de la Société
montérégienne de développement (SMD); est-ce la
présence d'un tel nombre de femmes qui a fait en sorte que
la SMD se dote d'une politique d'équité et tente de la
faire respecter par tous les promoteurs subventionnés par
elle?. Nous croyons qu'il y a effectivement une corrélation
entre une plus grande participation des femmes et l'implantation
de mesures favorisant les femmes. La présence accrue des
femmes dans les instances décisionnelles et politiques nous
permet de croire que plus il y aura de femmes en politique mieux
les femmes seront servies ...
Le tableau 2 permet de situer le taux de féminité
montérégien dans un contexte global et de mieux saisir
la portée des efforts déployés pour politiser les
femmes, encourager leur implication politique, voire appuyer les
mesures spéciales qui préconisent une
représentation politique paritaire.
Tableau 2
Représentation des femmes dans les instances locales
et régionales de la Montérégie
Instances
|
Nombre
|
% Montérégie
|
% Québec
|
Palier municipal
|
19/216
240/1350
|
8,8 %
17,8 %
|
9,1 %
20,1 %
|
Conseil régional de développement
|
14/92
4/15
|
15,2 %
26,7 %
|
18,0 %
18,2 %
|
Société québécoise de
développement
de la main-d’œuvre
|
5/17
|
29,4 %
|
36,9 %
|
Régies régionales de la santé et des
services sociaux
|
6/22
|
27,3 %
|
33,5 %
|
Commissions scolaires
|
11/23
150/343
|
47,8 %
43,7 %
|
38,7 %
46,4 %
|
Fonction publique
(ministères et organismes
gouvernementaux)
- haute direction
- cadres supérieurs
|
0/1
5/61
|
0 %
8,2 %
|
15,5 %
15,0 %
|
Source: SECRÉTARIAT À LA CONDITION FÉMININE DU
QUÉBEC, La place des femmes dans le développement
des régions, 5e orientation, Québec,
1997.
Notre enquête auprès des
étudiantes et des travailleuses a démontré que la
majorité d'entre elles ont éprouvé des
difficultés d'intégration aux différentes
formations. Les manifestions de discrimination n'étant pas
toujours flagrantes ou n'étant pas toujours partagé par
tous les compagnons de classe, elles n'en colorent pas moins le
quotidien des étudiantes. Non seulement on leur fera souvent
sentir qu'elles ne sont pas à leur place mais on exigera
d'elles un excellent dossier scolaire et on s'attendra à ce
qu'elles soient combatives, psychologues, diplomates,
féminines, conciliantes et doté d'un grand sens de
l'humour. Elles ont d'ailleurs avantage à être belles
...
Les étudiantes hésitent cependant à parler de
cette discrimination à l'intérieur même des
structures parce qu'elles considèrent que les
difficultés qu'elles ont à affronter sont
inhérentes à leur choix. Elles seront d'ailleurs
souvent confrontées à des responsables peu ou pas
outillés pour intervenir et leur assurer des conditions pour
étudier en toute sérénité au même titre
que leurs collègues masculins. Le besoin d'instruments
d'intervention tant pour les professeurs que pour les
administrateurs est criant. L'expertise en non-traditionnel doit
être mise à contribution non seulement pour augmenter
le nombre de participantes à ces formations mais aussi pour
préparer le milieu scolaire à les recevoir.
Bien sûr, si elles étaient plus nombreuses, la force
du nombre jouerait en leur faveur et leur donnerait droit à
un traitement équivalent à celui de leurs
collègues masculins. Nous en sommes convaincues. Cependant
plusieurs intervenants scolaires affirment candidement qu'il n'y
a pas de problème, il n'y a qu'un manque d'intérêt
de la part des filles. De toute évidence, l'intervention en
non-traditionnel est essentielle. Si des mesures ne sont pas
mises en place de façon à les inciter, à les
supporter et à les soutenir, il est certain que le statu quo
prévaudra et que les étudiantes de l'an 2 050 seront
encore des pionnières.
Pourtant les formations non traditionnelles garantissent
généralement des emplois plus prometteurs et les filles
s'en privent. Le système scolaire est démuni quand il
s'agit d'intéresser les étudiantes aux secteurs
d'avenir; certains éducateurs n'y croient pas du tout et
tous les formateurs ne sont pas nécessairement convaincus
qu'il faille intervenir. Faute d'une volonté des
décideurs scolaires à repenser fondamentalement
l'approche, faute d'outils pédagogiques qui restent encore
à inventer, faute de ressources financières et faute de
professeures qui sont des exemples d'expériences
réussies, les jeunes filles continueront à limiter
leurs choix professionnels et à se refuser l'accès
à une foule de formations intéressantes.
Le tableau 3 illustre l'urgence d'agir dans les commissions
scolaires de la Rive-Sud. On peut y observer qu'en 5 ans, à
part le dessin de bâtiment et le montage de structures en
aérospatiale, les inscriptions féminines dans les
secteurs non traditionnels d'études n'ont pas connu
d'augmentation significative pour 11 formations sur 13 dans les
formations professionnelles au secondaire.
De plus, certaines commissions scolaires impliquées dans
les Olympiades de la formation professionnelle ont refusé
d'enclencher des actions visant les filles sous prétexte
qu'il existait déjà des concours à leur intention
(Chapeau les filles!) et que ce serait injuste pour les
garçons!
Tableau 3
Population jeune et adulte, ventilée par sexe,
inscrite à temps plein et à temps partiel dans
les
commissions scolaires de la Rive-Sud offrant la formation
professionnelle: C.S. Jacques-Cartier,
du Goéland et Châteauguay. Années 1990-91
et 1995-96.
Secteurs d’études
|
C.S. Jacques-Cartier
|
C.S. du Goéland
|
C.S. de Châteauguay
|
|
90-91
|
95-96
|
90-91
|
95-96
|
90-91
|
95-96
|
|
F/H
|
Taux
de fé-
minité
%
|
F/H
|
Taux
de fé-
minité
%
|
F/H
|
Taux
de fé-
minité
%
|
F/H
|
Taux
de fé-
minité
%
|
F/H
|
Taux
de fé-
minité
%
|
F/H
|
Taux
de fé-
minité
%
|
Électricité de
construction
|
2/61
|
3,2 %
|
2/168
|
1,1 %
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Électromécanique
|
1/35
|
2,8 %
|
11/204
|
5,3 %
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Réparation appareils
domestique
|
1/22
|
4,5 %
|
3/117
|
2,5 %
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Dessin de bâtiment
|
15/42
|
35,7%
|
44/146
|
30,1%
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Charpenterie-
menuiserie
|
1/31
|
3,2 %
|
3/113
|
2,6 %
|
|
|
|
|
1/25
|
4 %
|
1/22
|
4,5 %
|
Réfrigération
|
0/25
|
0 %
|
2/165
|
1,2 %
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Mécanique auto
|
2/27
|
7,4 %
|
4/111
|
3,6 %
|
0/44
|
0 %
|
2/60
|
3,3 %
|
1/25
|
4 %
|
|
|
Techniques
d’usinage
|
2/50
|
4 %
|
9/114
|
7,8 %
|
8/72
|
11,1 %
|
0/29
|
0 %
|
|
|
|
|
Montage de structures
en aérospatiale
|
0/30
|
0 %
|
10/95
|
10,5 %
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Soudage général
|
1/32
|
3,1 %
|
6/182
|
3,2 %
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Serrurerie
|
|
|
|
|
0/31
|
0 %
|
0/35
|
0 %
|
|
|
|
|
Source: MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION DU QUÉBEC,
Direction des statistiques et des études quantitatives,
Inscriptions en formation professionnelle, 1990-1991,
1995-1996.
Il ne faudrait toutefois pas croire que toutes les
institutions scolaires ne se sentent aucunement interpellés
par l'absence des filles dans les formations à
caractère non traditionnel: des expériences, certaines
plus heureuses que d'autres, ont été tentées au
secondaire, au collégial et en formation
professionnelle.
À St-Hubert par exemple, l'École nationale
d'aérotechnique a développé des stratégies
afin d'augmenter la clientèle féminine en
aérotechnique et a mis en place des mesures
d'intégration à l'intention des étudiantes. Les
inscriptions dans les techniques d'aéronefs sont
passées de 2% à 10% en trois ans seulement. Cette
expérience démontre encore une fois que lorsque des
programmes sont mis de l'avant pour intéresser les femmes,
elles s'y présentent et s'y maintiennent.
Au niveau collégial par exemple, le CÉGEP Edouard
Montpetit offre depuis 1992 un programme intitulé Accès
aux carrières technologiques: ce programme qui existe à
ce jour a malheureusement énormément de difficulté
à combler ses 10 places.
Au secondaire, Initiation aux métiers non traditionnels
(IMNT) offert à la Commission scolaire Jacques Cartier
depuis 1992 a été aboli quelques trois ans plus tard
faute de participantes. Les ex-participantes de ce programme que
nous avons rencontrées déploraient le manque de suivi
et manifestaient beaucoup de frustration face au manque de
préparation à la réalité qu'elles
s'apprêtaient à affronter.
À la suite du jugement de la Cour Suprême de 1986,
Développement des ressources humaines Canada (DRHC qui
était à l'époque Emploi et Immigration Canada)
réservait l'année suivante 5 places exclusivement aux
femmes dans les formations non traditionnelles, principalement au
niveau des achats directs; toutefois dès 1989, ces
mêmes 5 places n'étaient plus exclusives aux femmes
mais bien à l'ensemble des minorités. Aujourd'hui ces
formations n'existent plus.
La Société québécoise de
développement de la main-d’œuvre (SQDM), suite
aux revendications de la marche des femmes Du pain et des
roses, adoptait une résolution à l'effet de
réserver aux femmes 5 places en formation professionnelle et
technique menant à des occupations non traditionnelles.
Encore en vigueur aujourd'hui.
Ces efforts louables en soi, ont donné peu de
résultats: l'abolition de ces programmes n'a donc pas
tardé. Mais il nous semble trop facile d'imputer le manque
de succès de ces programme au manque d'intérêt des
filles. Les groupes de services qui offrent des programmes
semblables ont quant à eux des taux de réussite qui
s'élèvent à plus de 70%. Nous croyons que
l'absence de mécanismes de suivi prévu par les
ressources institutionnelles est un facteur déterminant dans
cet état de fait. Les institutions n'ont pas
développé une culture d'encadrement et de suivi qui
donne aux participantes cet accompagnement essentiel dans les
moments particulièrement difficiles. Nous croyons qu'une
collaboration plus étroite avec les organismes experts en la
matière serait souhaitable.
On a vu comment les inscriptions féminines en
électromécanique et en dessin de bâtiment ont
augmenté d'une façon importante sur la Rive-Sud:
rappelons que ces femmes nouvellement inscrites à ces
formations, venaient de compléter un programme d'orientation
à O.N.T. L'influence d'O.N.T. au niveau des inscriptions
dans des secteurs d'études non traditionnels aura
contribué de 1989 à 1996 à ce que 132
participantes effectuent un retour aux études et que 70%
d'entre elles réussissent à obtenir leur diplôme
d'études professionnelles. Malgré ces résultats forts positifs, les
nouvelles consignes des bailleurs de fonds privilégient le
placement en entreprise plutôt que le retour aux études
et font en sorte que les organismes de services en
employabilité deviennent des entreprises de gestion de
cas.
Pourtant les programmes institutionnels n'atteignent pas de
tels résultats: ils accusent un taux d'abandon qui rejoint
plutôt le taux de réussite des formations offertes par
ces groupes communautaires. Nous croyons que la nature de
l'intervention communautaire et les mesures de soutien qu'ils
mettent en place pour épauler les femmes font la
différence. Cette approche tient compte du fait que ces
fonceuses sont souvent aux prises avec le rattrapage scolaire
après une absence de plusieurs années, avec la
pauvreté et la monoparentalité et ont un besoin de
mécanismes de support qui leur facilitent le maintien aux
études et leur permettent de s'accrocher à leur
objectif scolaire et de réussir.
Les données de la Rive-Sud, celles
de la Montérégie ainsi que celles du Québec
concordent en ce sens qu'au delà des légères
variations de pourcentages d'une commission scolaire à
l'autre, d'une municipalité à l'autre, d'un milieu de
travail à l'autre, l'absence des femmes et des jeunes filles
dans de nombreux secteurs d'études et d'emplois est notoire
à cause de conditionnements culturels fortement
enracinés dans la population. Les différentes instances
de la Montérégie accusent un retard important dans la
mise en œuvre d'actions concrètes pour arriver à
l'égalité entre les hommes et les femmes.
Des recherches ont été effectuées par des
groupes de femmes dans quatre régions du Québec
auprès d'employeurs de leur région respective sur la
problématique de la main-d’œuvre féminine
dans les postes de production.
Ces recherches convergent vers les mêmes conclusions,
à savoir:
- la grande majorité des emplois en pénurie ou
offrant de bonnes perspectives d'embauche se retrouvent dans des
occupations non traditionnelles pour les femmes;
- même si les employeurs interrogés se disent ouverts
à embaucher des femmes, il y a un net écart entre le
discours officiel et la réalité;
- les empêchements évoqués par les employeurs
pour expliquer la sous-représentation des femmes tient au
fait qu'ils craignent d'avoir à gérer les
réactions négatives des collègues de travail
;
- les employeurs surestiment la force physique nécessaire
pour exercer ces emplois puisque trois emplois sur quatre ne
requièrent qu'une capacité physique modérée;
la force physique est la qualité la plus valorisée
parmi les employés;
- certains employeurs craignent que l'embauche de femmes nuise
à la production.
Ce manque de confiance envers les capacités physiques et
la capacité d'intégration des travailleuses pourraient
être à l'origine de comportements discriminatoires dont
font état plusieurs témoignages de femmes:
élimination des candidates provenant de l'extérieur;
tests de sélection ou questions d'entrevue qui
diffèrent selon le sexe des candidatures; critères de
probation plus sévères pour les femmes; etc.
Le tableau 4 illustre l'absence des femmes dans les secteurs
non traditionnels en Montérégie comme ailleurs au
Québec.
Tableau 4
Taux de féminité selon les groupes professionnels
en Montérégie et au Québec
Groupes professionnels
|
MRC
Champlain
|
MRC
Lajemmerais
|
MRC
Rousillon
|
Région
Montérégie
|
Ensemble du
Québec
|
Directeurs, gérants et
administrateurs
|
37,2 %
|
31,1 %
|
35,7 %
|
34,6 %
|
36,6 %
|
Travailleurs en science,
génie et maths
|
21,3 %
|
19,2 %
|
18,2 %
|
21,3 %
|
22,1 %
|
Travailleurs en services
sociaux
|
61,9 %
|
61,6 %
|
57,6 %
|
61,5 %
|
58,7 %
|
Enseignants
|
62,9 %
|
66,3 %
|
67,7 %
|
64,4 %
|
61,6 %
|
Médecine et santé
|
78,6 %
|
79,5 %
|
82,3 %
|
79,9 %
|
75,9 %
|
Employés de bureau
|
76,6 %
|
81,7 %
|
78,8 %
|
79,8 %
|
77,7 %
|
Travailleurs dans les services
|
46,8 %
|
54,8 %
|
52,3 %
|
53,1 %
|
52,4 %
|
Agriculteurs, horticulteurs
et éleveurs
|
11,7 %
|
18,8 %
|
22,4 %
|
25,6 %
|
23,5 %
|
Travailleurs industries de
transformation
|
23,3 %
|
18,3 %
|
23,6 %
|
24,6 %
|
21,6 %
|
Usineurs
|
3,9 %
|
4,4 %
|
3,0 %
|
5,1 %
|
4,5 %
|
Travailleurs du bâtiment
|
3,2 %
|
2,8 %
|
2,6 %
|
2,9 %
|
2,4 %
|
Personnel d’exploitation
des transports
|
5,9 %
|
5,9 %
|
7,7 %
|
6,4 %
|
5,6 %
|
Travailleurs spécialisés en
fabrication, montage et
réparation de produits
|
24,6 %
|
21,8 %
|
18,9 %
|
25,6 %
|
29,2 %
|
Manutentionnaires
|
31,4 %
|
20,7 %
|
25,8 %
|
27 %
|
23 %
|
Ouvriers qualifiés et
conducteurs de machines
|
24,8 %
|
21,3 %
|
20,9 %
|
24,2 %
|
22,9 %
|
Source : Pour la Montérégie et le Québec :
CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME, Portrait
socio-économique
des femmes du Québec et de ses
régions, Québec, 1997.
Pour les MRC : STATISTIQUE CANADA, Population active
expérimentée par région administrative
et MRC, Montréal, 1991.
En Montérégie, la main-d’œuvre
féminine est concentrée dans un nombre limité de
professions c'est-à-dire dans 4 groupes professionnels sur
15. Trois emplois sur quatre sont occupés par des femmes
chez les employées de bureau, dans le domaine de la
santé, chez les enseignantes et les travailleuses sociales.
Plus de 80% des femmes actives sur le marché du travail s'y
retrouvent. La main-d’œuvre masculine, quant à
elle, est répartie dans un nombre plus grand de groupes
professionnels, les professions des hommes étant plus
diversifiées que celles des femmes. Malgré la
percée de femmes dans des secteurs dont elles ont
traditionnellement été exclues, la grande majorité
d'entre elles sont toujours cantonnées dans un nombre
limité de professions.
En cours de recherche, nous avons contacté 400
entreprises de la Rive-Sud pour qu'elles distribuent notre avis
de recherche à leurs travailleuses à l'interne de sorte
que nous puissions les répertorier dans les différents
secteurs d'emploi. La Chambre de commerce de la Rive-Sud a
également publié notre avis de recherche dans son
bulletin Affaires à suivre qui rejoint les gens
d'affaires de la Rive-Sud. Toujours dans l'espoir de rejoindre
les travailleuses elles-mêmes, un autre avis a été
adressé aux syndicats de la région ainsi qu'à tous
les journaux locaux (Le Courrier du Sud, L'Éclair de
Brossard, Le Soleil de Châteauguay, La Seigneurerie de
Boucherville, L'Information régionale de Châteauguay,
Le Reflet de Delson, Les Deux Rives de Sorel, Longueuil Extra, Le
Journal de St-Bruno).
Les réponses des entreprises ont été minimes,
faute d'intérêt et de temps. Les grandes entreprises
fortement subventionnées comme Pratt et Whitney par exemple
ont refusé de divulguer les résultats de leur
programmes d'équité en emploi quant à l'embauche
de femmes dans des secteurs non traditionnels sous prétexte
que ces données sont confidentielles.
Le manque de collaboration des employeurs à cette
recherche, tout comme leur faible participation au Sommet
régional de janvier 1997 où les grands enjeux de la
régionalisation se dessinaient, sont significatives du peu
d'empressement de la part des entreprises à agir contre les
inégalités et à s'impliquer pour la progression de
l'égalité entre les hommes et les femmes dans leurs
entreprises. Les grandes luttes féministes de l'heure en
matière d'équité salariale et d'accès à
l'égalité, dérangent et inquiètent.
Dans ce contexte, nous avons décidé de nous en
remettre aux travailleuses elles-mêmes et à leurs
récits de vie pour dresser le portrait de la situation du
non-traditionnel dans les milieux de travail: nous avons
formé un groupe-témoin avec les travailleuses qui nous
ont contactées suite à la parution de l'avis de
recherche dans les journaux locaux. Nous avons également
utilisé les données statistiques sur la présence
des femmes dans les secteurs non traditionnels de la Rive-Sud et
de la Montérégie, les résultats de 10 ans de
placement d'O.N.T. ainsi que le témoignage des travailleuses
membres de F.R.O.N.T.
Peu de travailleuses se sont placées dans la grande
entreprise. En effet, les données d'O.N.T. nous permettent
de constater que 70% de leurs participantes actuellement en
emploi ont été embauchées par la petite entreprise
de la Montérégie contre 30% qui se sont retrouvées
dans la grande entreprise; il est à noter que de ces 30% de
travailleuses, seulement 40% sont en emploi en
Montérégie.
La grande entreprise, quoiqu'elle fut la première à
embaucher des femmes par le biais des programmes d'accès
à l'égalité (PAE), maintient un taux de
féminité très faible. Les percées de la fin
des années 80, que ce soit à Hydro-Québec ou
à Pratt et Whitney, se sont manifesté par une
augmentation de l'embauche féminine qui a été
malheureusement de courte durée: dès le début des
années 90, l'embauche des femmes stagnait et accusait
même un recul dans le contexte de mises à pied que ces
entreprises ont connues. Il faut se rappeler que ce sont les
dernières embauchées qui sont toujours les
premières mises à pied. Le manque de volonté
réelle des entreprises d'inclure les femmes en permanence se
traduit trop souvent par une utilisation exhaustive des
subventions gouvernementales qui profitent à l'employeur et
n'offrent aux femmes que du travail de courte durée. Fin de
projet, fin de contrat. Désolé, embauche permanente
impossible. Place au projet suivant... Rappelons que des 15
électromécaniciennes diplômées d'une
formation offerte en 93 par ONT, conjointement avec
Hydro-Québec et DRHC, seules 2 d'entre elles se sont
placées.
La grande entreprise n'a pas connu l'augmentation de personnel
féminin qu'on était en droit de souhaiter. Les
travailleuses dans les entreprises voient le recul, et les
responsables de PAE disent que l'équité reste à
faire. Il nous apparaît essentiel d'entreprendre un travail
au niveau institutionnel qui fasse le bilan des programmes
implantés dès 1985 et qui, à la lumière des
constats qui en découleront, repense les PAE. Et repenser
les PAE implique minimalement une recherche de mécanismes
susceptibles d'en assurer l'efficacité et l'ajout de mesures
obligatoires d'intégration. Nous croyons néanmoins
qu'il faille se saisir de la réalité du milieu des
affaires afin de l'interpeller et d'identifier les pistes
d'actions à court et à moyen terme pour l'inciter
à développer sa responsabilité sociale.
Les syndicats devront eux aussi être interpellés.
Ils ont d'ailleurs démontré une volonté
réelle de collaboration et leurs représentantes sont
ouvertes à des efforts intersyndicaux qui augurent bien pour
l'avenir. Les comités de condition féminine des
différents syndicats sont des alliés certains et font
preuve d'une ouverture au changement, mais ses responsables
évoluent quand même dans des lieux qui reproduisent
sensiblement les mêmes réalités que les milieux de
travail.
Tous ces acteurs sociaux devront être mis à
contribution pour s’engager à remettre en question
certains droits acquis et à concevoir des mesures de
redressements face à une situation d’iniquité
envers les travailleuses.
Sur la Rive-Sud, il nous semble évident que nous ferions
fausse route en ne misant que sur la grande entreprise qui, somme
toute, a donné des résultats très décevants
tandis que la PME est depuis plusieurs années une source
importante de création d'emplois. Visiblement plus ouverte
à l'arrivée des femmes dans des emplois non
traditionnels, la PME a créé 3 300 emplois industriels
dans 71 entreprises de la Rive-Sud en 1996 et les 1 400 entreprises
manufacturières embauchent 50% de la main-d’œuvre
ce qui crée 90% de tous les nouveaux emplois. Son mode de
fonctionnement, son sens de l'innovation et surtout sa
flexibilité en font une alliée privilégiée de
la grande entreprise qui fait de plus en plus appel à elle
pour la production de biens et de services. La sous-traitance est
le pain quotidien de la PME. On assiste à une
réorganisation du travail qui laisse entrevoir une
augmentation constante d'emplois générés par cette
tendance.
Bien que les paramètres qui définissent la PME
soient très larges (toute entreprise ayant de 1 à 250
employés est incluse dans cette même catégorie),
il est important de souligner que 90,8% d'entre elles ont moins
de 20 salariés à leur service. Dans le seul secteur de la construction
par exemple, 83% des entreprises ont 5 employés ou moins et sont, pour la
plupart, des entreprises familiales. De plus, la petite
entreprise est largement majoritaire sur la Rive-Sud: elle
représente 86% des entreprises de la région; 26,9%
d'entre elles sont dites artisanales (1 à 4 employés)
et 60,4% sont des petites entreprises de 5 à 49
employés. La grande et la moyenne entreprise ne compte que
pour 14% de toutes les entreprises de la Rive-Sud!
La souplesse de ses structures d'embauche et la grande
capacité d'adaptation de la PME favorisent grandement
l'intégration des travailleuses non traditionnelles. Il nous
a semblé important de profiter de cette conjoncture. C'est
pourquoi nous avons misé sur la PME pour élaborer une
campagne de sensibilisation à son intention. En ciblant des
entreprises souvent à caractère familial où
l'organisation hiérarchique de la grande entreprise est
quasi absente, nous avons privilégié d'interpeller
davantage monsieur et madame tout le monde de façon à
susciter le débat et la réflexion indispensable à
des changements réels.
Nous espérons que cette campagne conçue pour la
Rive-Sud de Montréal trouvera subventionneurs et
commanditaires. Nous avons conçu cette campagne dans un
esprit de diffusion massive dans toutes les régions de la
province et nous chercherons à synchroniser la tenue de
cette campagne dans le plus grand nombre de régions
possibles.
Le synopsis du concept de cette campagne vous est
présenté dans le deuxième cahier de cette
recherche.
Quant à la grande victoire des montérégiennes
en matière d'emploi, les célébrations devront
attendre encore un peu. Si les femmes ont gagné du terrain
depuis les 10 dernières années en Montérégie,
il faut se rappeler que la ligne de départ était
nettement plus éloignée pour les femmes que pour les
hommes. Ce qu'elles ont acquis ne fait pas d'elles des gagnantes
mais les rapproche de l'équité. La tenue d'un nouveau
discours qui veut qu'elles se plaignent le ventre plein, engendre
une nouvelle forme de discrimination encore plus insidieuse et
plus pernicieuse. Nous en voyons déjà les
répercussions au niveau de l'abolition de programmes
spécifiques aux femmes en faveur de la mixité des
clientèles dans la grande majorité des services
d'employabilité offerts aux femmes. La lutte continue...
L‘élargissement des horizons professionnels des
jeunes filles et des femmes par l'accès au travail non
traditionnel s’avère déterminant pour
l'amélioration de leurs conditions économiques. Les
travailleuses qui exercent ces types d'emplois nous le disent et
le redisent. Elles se sont donné des conditions de vie
qu'elles n'osaient espérer. Et pourtant la majorité des
filles persistent à voir ces choix comme une solution
valable et légitime, mais "pour les autres". Ont-elles peur
de perdre leur féminité? de ne pas être à la
hauteur des exigences physiques? de ne pas être assez bonnes
pour réussir les examens? de déplaire à leurs
proches, d'être sales, d'être cataloguées tom
boy, d'éloigner les garçons, de n'y trouver aucun
intérêt? On dit que l'ignorance engendre la peur; dans
le dossier qui nous concerne ne serait-ce pas ce mélange de
conditionnement social, de manque d'information, de désarroi
face à l'inconnu qui tend à faire opter pour le statu
quo?
Quoi qu'il en soit, elles n'y croient pas. Faute de
modèles. Faute d'en voir, d'en connaître, d'en
côtoyer. Pourtant les travailleuses en emplois non
traditionnels expriment si souvent une volonté de travailler
à convaincre, à sensibiliser et à faire la
promotion de leur métier. Elles avaient d'ailleurs
identifié ce besoin d'intervention en milieu scolaire
dès les premières consultations en 1988. Les chiffres
nous parlent, le chemin à parcourir nous paraît
tracé: intervention dans les milieux scolaires, intervention
auprès des PME, travail avec les syndicats, priorisation
d'action dans des secteurs cibles.
Nous pensons que sur la Rive-Sud, les secteurs d'intervention
gagnants à prioriser concordent tout à fait avec
l'entente-cadre montérégienne: la recherche et le
développement en science et technologie; le bio-alimentaire;
l'automobile et le transport, ainsi que la construction. La
Montérégie dénombre déjà des femmes
d'affaires agricultrices, à la fine pointe des nouvelles
technologies agro-alimentaires, fort ouvertes à
l'arrivée de consœurs dans leur secteur: le régime
d'apprentissage est d'ailleurs particulièrement pertinent
pour ce secteur; l'École nationale de
l'aérotechnique a déjà préparé la
venue des filles; l'industrie de la construction s'est dotée
d'un programme d'accès à l'industrie pour les femmes.
D'actions concrètes aux vœux pieux, la porte
d'entrée est entrebâillée: à nous d'en
profiter.
On sait que d'ici 10 ans, le Canada accusera une pénurie
de 300 000 travailleurs spécialisés. En
Montérégie, il y a actuellement pénurie de
main-d’œuvre dans les secteurs de l'aéronautique,
des télécommunications, de l'instrumentation
électronique, de l'informatique, de la
micro-électronique, de l'industrie des services financiers,
des services de traitements post-hospitaliers, des services aux
entreprises, du bio-alimentaire, etc. On parle du dynamisme de la
Montérégie, aidons-le à se manifester par
l'innovation en matière de mesures concrètes.
En 1995, F.R.O.N.T. a participé au Sommet sur l'industrie
de la construction, au cours duquel était adoptée une
résolution qui se soldait deux ans plus tard par
l'élaboration d'une politique d'accès des femmes dans
l'industrie de la construction; objectif 2 000 femmes en l'an 2
006! F.R.O.N.T. a participé à un colloque
franco-québécois sur les femmes en emplois non
traditionnels qui a rapproché les travailleuses des
décideurs et ouvert des portes à de nouvelles pistes
d'action. F.R.O.N.T. siège sur le comité Destination
avenir au féminin du MEQ lequel a diffusé les affiches
de F.R.O.N.T dans toutes les écoles secondaires de la
province. Il n'y a aucun doute que l'organisme est au cœur
du changement en matière de non-traditionnel et nous croyons
que la justesse de ses actions est attribuable à
l'étroite collaboration de son membership.
Nous avons dressé une liste de recommandations qui nous
apparaissent prioritaires. Ce sont des actions qui, croyons-nous,
sont susceptibles de multiplier les inscriptions dans les
secteurs d'étude non traditionnelles, de contribuer aux
changements de mentalités que nous préconisons, de
faciliter l'embauche des femmes et de s'inscrire dans un
processus d'amélioration de leurs conditions de travail. Ces
recommandations vous sont présentées dans le
deuxième cahier de cette recherche.
Cette recherche a permis un retour sur 10 ans d'intervention
en non-traditionnel sur la Rive-Sud et une analyse de la
situation actuelle à la lumière des transformations qui
bouleversent les règles du marché du travail. Les
recommandations axées sur les besoins réels des femmes
en emplois non traditionnels sont le fruit de cette
réflexion et de cette analyse. Les non-trads sont des
agentes de changement social, fonceuses et frondeuses. À
nous, de la Rive-Sud, de les laisser nous inspirer, nous motiver,
nous alimenter.
Nous avons misé sur elles à toutes les étapes
du développement de F.R.O.N.T. et de ses démarches.
Nous persistons à croire que le dossier non traditionnel
doit continuer d'évoluer en concertation avec elles et que
leur participation est essentielle à toutes les étapes
de toutes les démarches. La formule gagnante ne saurait
exclure les travailleuses en emplois non traditionnels, parce que
sans elles l'action concertée n'a aucun sens.
coalition de groupes d'étude et de recherche
féministes universitaires, Filles et garçons
dans le système d'éducation: les nouveaux mythes et la
réalité, Université Laval, Université
Concordia, Université du Québec à Montréal,
Réseau québécois des chercheuses
féministes, Québec, 1995, 34 p.
comité de concertation des groupes de femmes de
québec sur le développement de la région de
québec, Rapport sommaire d'activités,
Développement des services aux entreprises, Programme
régional d'intégration des femmes aux secteurs non
traditionnels , Québec, 1996, 10 p.
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formation professionnelle et Direction de la
qualification professionnelle, Rapport du comité sur
l'accès des femmes dans l'industrie de la
construction, Montréal, 1996, 87 p.
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Vous en avez assez de lutter seules? Bien d'autres femmes aussi.
N'est-il pas temps de nous unir?, Ottawa, 1997, 147 p.
conseil régional de développement de l'île de
montréal et la société québécoise de
développement de la main-d’œuvre de
montréal, Avis régional sur le volet
montréalais de la politique active du marché du travail
à la ministre d'État de l'Emploi et de la
Solidarité Madame Louise Harel et au ministre
responsable du Développement des régions, Monsieur Guy
Chevrette, Montréal, 1996, 23 p.
conseil d'intervention pour l'accès des femmes au
travail, Le travail des Québécoises,
État de la situation à l'aube du deuxième
millénaire, Comité-aviseur- femmes en
matière de développement de la main-d’œuvre,
Montréal, 1997, 36 p.
conseil du statut de la femme, Portrait
socio-économique des femmes du Québec et de ses
régions, Recherche et rédaction: Chantal Martel et
Brigitte Poussart, Le Conseil, Québec, 1997, 178 p.
conseil du statut de la femme, Mémoire sur le document
de consultation intitulé Un parcours vers l'insertion, la
formation et l'emploi - La réforme de la sécurité
sur revenu, Recherche et rédaction: Francine
Lepage et Chantal Martel, Le Conseil, Québec, 1997,
57 p.
conseil du statut de la femme, Des choix pour l'avenir,
Recherche et rédaction: Lucie Desrochers, Le
Conseil, Québec, 1996, 32 p.
conseil du statut de la femme, Mise à jour de la place
des femmes en formation professionnelle dans l'ensemble de
l'éducation des adultes, Recherche et rédaction:
Lise Doyle, Le Conseil, Québec, 1995, 32 p.
conseil du statut de la femme, Portrait
socio-économique des femmes de la
Montérégie, Région 16, Recherche et
rédaction: Lise Doyle, Le Conseil, Québec, 1995, 86
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formation professionnelle dans l'ensemble de
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Notes pour la conférence d'ouverture prononcée par
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Actes du colloque 10 X 10 = mille,
Rédaction: Colette Boudrias, Claire Cousineau,
Hélène de Montigny, Longueuil, 1997, 38 p.
femmes regroupées en options non traditionnelles, Les
actes du colloque québécois sur les femmes en emplois
non traditionnels, Rédaction: Colette Boudrias, Claire
Cousineau, Hélène de Montigny, Longueuil, 1992, 25
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No 1, Mai-juin 1996.
le centre d'aiguillage estrie, le semo, le trait-d'union, la
société québécoise de
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maruani, Margaret, Mais qui a peur du travail des
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F/H
désigne le nombre de femmes sur l’ensemble des
travailleurs
Les autres
municipalités de la MRC ont un personnel réduit et
n’offrent pas d’embauche dans les catégories
d’emploi désignées.
Nombre de
femmes sur l’ensemble des membres.
Cette
commission scolaire n'offre pas les formations non
traditionnelles
OPTIONS NON
TRADITIONNELLES, Rapports d’activités
(1987-1996), Longueuil.
TABLE DE
CONCERTATION DES GROUPES DE FEMMES DE LA
MAURICIE-BOIS-FRANCS-DRUMMOND, Femmes et production
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TRAVAIL NON TRADITIONNEL LANAUDIÈRE & REGARD EN ELLE
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OPTIONS NON
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SOCIÉTÉ DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE LA
RIVE-SUD DE MONTRÉAL, Profil socio-économique de la
Rive-Sud de Montréal, Longueuil, p.185
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travail, Le marché du travail : une trilogie,
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