QUAND LA PAUVRETE A UN GENRE

Commentaires sur les règles de fixation des pensions alimentaires pour enfants proposées par le Comité fédéral/provincial/territorial sur le droit de la famille présentes par la FÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS DE FAMILLES MONOPARENTALES DU QUÉBEC et la FÉDÉRATION DES FEMMES DU QUÉBEC

préparés par Diane Matte

DÉCEMBRE 1992

TABLE DES MATIERES

NOTE

Dans ce texte, nous employons le terme "allocation de soutienà l'enfant" plutôt que "pension alimentaire pour enfant". Nous voulons ainsi distinguer le montant accordé pour les enfants du montant accordé pour les ex-conjointes. Trop de fausses conceptions circulent voulant que la pension alimentaire sert, en fait, aux femmes et non aux enfants alors que la réalité est toute autre. Selon notre expérience, les débiteurs seraient plus enclin à respecter les ordonnances de paiement si on utilisait ce terme. Le terme "pension alimentaire " semble avoir un sens péjoratif les débiteurs.   Cela vient possiblement du fait que le terme "pension alimentaire" recouvre en fait trois situations soit, un montant pour 1es enfants, un montant pour l'ex-conjointe ou un montant pour les deux.

La Fédération des associations de familles monoparentales du Québec

La Fédération des associations de familles monoparentales du Québec a vu le jour en 1974 suite à un colloque sur la monoparentalité organisé par l'Association des femmes cheffes de familles de l'Estrie. Ces familles ayant à faire face à de nombreux problèmes d'ordre économique, psychologique, juridique et social, elles ont senti le besoin de se solidariser et de devenir des agents de changement social .

La Fédération et ses associations affiliés travaillent à l'amélioration des conditions socio-économiques des familles monoparentales majoritairement composées de femmes. Ces associations sont regroupées en région et rejoignent plus de 20,000 personnes à travers le Québec. Ensemble, la Fédération et ses associations luttent pour des réformes touchant les familles monoparentales. La Fédération offre des services de formation et d'information à ses membres. Elle présente également des mémoires, participe à des fronts communs, développe des dossiers et produit des recherches en accord avec ses buts.

La Fédération des femmes du Québec

La Fédération des femmes du Québec fut fondée en 1966 pour doter les femmes et les groupes de femmes d'une force de frappe pour effectuer les changements indispensables à l'obtention d'une pleine égalité dans la société. Depuis sa fondation, la Fédération a privilégié l'éducation et l'action politique comme moyens d'action. Dans une perspective féministe, elle travaille à l'accès des femmes à l'égalité sociale, politique, économique, juridique, familiale et culturelle.

La Fédération est composé de près d'une centaine d'associations membres et de quatre conseils régionaux dans lesquels sont regroupées les membres individuelles. Au fil des années, la Fédération des femmes du Québec est intervenue dans des dossiers tels, l'éducation, la santé, la pornographie, le droit au travail, la sécurité financière et l'accès au pouvoir politique.

Introduction

La Fédération des associations de familles monoparentales du Québec et la Fédération des femmes du Québec travaillent à l'amélioration des conditions socio-économiques des femmes et des familles monoparentales. Au coeur de nos préoccupations, se situe l'appauvrissement croissant des femmes et, particulièrement, des femmes cheffes de familles monoparentales et dé leurs enfants.

Selon les données du recensement de 1991, il y a au Québec 268 880 familles monoparentales, soit 28% de l'ensemble des_ familles. Ces

familles, très majoritairement dirigées par des femmes, vivent très souvent sous le seuil de pauvreté. Ce modèle de famille augmentant à un rythme plus grand que les familles biparentales, l'inaction des gouvernements est intolérable

Au-delà des conditions économiques défavorables qui prévalent pour une grande partie de la population, nous croyons qu'une des premières causes de la pauvreté des familles monoparentales est le manque de responsabilité des pères.

L'établissement de règles de fixation des allocations de soutien à l'enfant constitue un premier pas pour lutter contre l'appauvrissement des familles monoparentales. Des écarts inacceptables existent entre les diverses ordonnances rendues par les tribunaux et cela, même dans des situations similaires. Des règles plus uniformes rendraient mieux justice aux femmes et aux enfants suite à l'éclatement du couple en enlevant le caractère arbitraire des ordonnances.

Des règles plus uniformes inciteraient aussi plus de femmes à demander ce à quoi elles etleurs enfants ont droit suite à un divorce ou une séparation, c'est-à-dire, un soutien financier des pères. Il existe présentement trop de situations où les femmes ne demandent pas de soutien, soit, parce qu'elles ne croient pas pouvoir faire reconnaître leurs droits par les tribunaux ou encore parce qu'elles ont été menacées ou ont peur de l'être.

Nous sommes d'avis, cependant, que ces règles de fixation doivent

être accompaqnées d'autres mesures pour être réellement efficaces : une campagne de sensibilisation du public; une formation pour les juges et les avocat-e-s sur les réalités des familles

monoparentales;  un service  de perception automatique des

allocations de soutien à l'enfant et pensions alimentaires pour les ex-conjointes; l'indexation d'office de ces montants selon le coût de la vie, l'âge des enfants ou le changement de revenu; des modifications au système fiscal; un service d'accompagnement pour les femmes qui entreprennent des procédures de divorce ou de séparation; et la médiation globale obligatoire. Cette dernière mesure ne s'applique pas aux situations où 1 'ex-conjoint est violent.

A l'instar d'autres groupes, nous réclamons ces mesures depuis fort longtemps. Combattre l'appauvrissement des femmes et des enfants demande une volonté politique. Il est plus que temps d'y voir car au-delà des statistiques, ce sont des femmes et des enfants qui vivent la pauvreté au quotidien.

QUAND LA PAUVRETÉ A UN GENRE

En 1986, environ 60% des personnes vivant sous le seuil de la pauvreté au Canada étaient des femmes.

Entre 1971 et 1986 le nombre de femmes vivant dans des conditions de pauvreté a augmenté de 110% contre 24% pour les hommes1

85% des familles monoparentales sont dirigées par des femmes et 61% de ces familles ont un revenu faible²

94% des familles monoparentales bénéficiaires de la sécurité du revenu au Québec sont dirigées par des femmes³

Incidence de pauvreté pour les mères seules ayant des enfants de moins de 18 ans selon la classe d'âge de la mère4:

moins de 25 ans  - 94,8%

25-34 ans       - 68,2%

35-44 ans       - 42,1%

45-54 ans       - 42,4%

total           - 57,9%

Selon une étude américaine datant de 1985, les hommes bénéficient d'une augmentation moyenne de 42% dans leur niveau de vie suite à un divorce ou une séparation tandis que les femmes et leurs enfants souffrent d'une diminution équivalente de 73%s.

La monoparentalité est une cause de pauvreté pour les femmes et, par conséquent, pour les enfants qui vivent avec elles.Les femmes cheffes de familles monoparentales sont doublement désavantagées lorsqu'on parle d'égalité économique. Pour plusieurs, il n'y a aucun espoir de sortir de la pauvreté. Tout comme la pauvreté des femmes, la pauvreté des familles monoparentales est intimement liée au sexisme. Tout effort sérieux pour mettre un terme à cette pauvreté doit viser à mettre un terme aux attitudes discriminatoires envers les femmes.

L'allocation de soutien à l'enfant: une responsabilité

Le bien-être des enfants est une responsabilité des deux parents. Suite à l'éclatement du couple, cette responsabilité demeure. Plusieurs pères, cependant, réussissent à esquiver cette responsabilité. Seulement 40% s'acquitteraient de leurs obligations alimentaires, 60% n'ont pas été sollicités ou refusent de la payer en tout ou en partie.

Par leur inaction,  les gouvernements se rendent complices de cette situation. Comment interpréter autrement l'absence de service de perception automatique des allocations de soutien à l'enfant et des pensions alimentaires pour ex-conjointes dans plusieurs provinces? Il est du devoir de ces gouvernements d'envoyer un message clair aux pères. L'allocation de soutien à l'enfant est une responsabilité et nul ne peut y déroger. Dans les situations où les pères sont dans l'incapacité de payer ou introuvables, l'état doit suppléer. Le programme de pension alimentaire anticipé, comme il existe en Suède, est un modèle à étudier attentivement.

...et un droit à reconnaître

Les raisons invoquées par les  mères pour ne pas demander

d'allocation de soutien à l'enfant sont: le désir d'autonomie, le désir d'une rupture définitive et la conviction qu'elles ont peu de chance d'obtenir quoi que ce soit.

Autonomie ne devrait pas rimer avec pauvreté. C'est pourtant là le lot de plusieurs femmes qui ont renoncé à une allocation de soutien à l'enfant suite à l'éclatement du couple. Trop de mères semblent croire que demander une telle allocation équivaut à démontrer leur incapacité de s'occuper de leur enfant. Les mères, comme le public en général d'ailleurs, doivent reconnaître qu'il ne revient pas uniquement aux femmes de s'occuper des enfants. Il s'agit d'une responsabilité commune. L'allocation de soutien à l'enfant n'enlève aucunement la capacité des femmes d'être autonomes.

Diverses raisons peuvent amener les femmes à vouloir une rupture définitive. La violence de leur ex-conjoint est sûrement une de ces raisons. Dans le système actuel, il est presque impossible pour les mères de demander une allocation de soutien à l'enfant dans cette situation sans s'exposer à des représailles. Ces mères choisissent donc, très souvent, de renoncer à tout soutien de la part des pères. Ce fait, en soi, milite en faveur de l'instauration d'un service de perception automatique.

Le milieu juridique doit aussi se questionner. Selon des données récentes du Ministère de la Justice fédéral (1990), seulement 68% des divorces mettant en cause des enfants ont abouti à des ordonnances d'allocation de soutien à l'enfant. Il n'est pas possible d'évaluer le nombre de fois où des mères ont été découragées par leurs avocats de demander une allocation; les fois où la garde des enfants a été négociée au prix de l'allocation de soutien; ou pour acheter la paix. Il est clair, cependant, que de telles situations existent.

Lorsque ce n'est pas à un refus d'ordonnance auquel les mères sont confrontées, c'est très souvent à des montants insuffisants. Dans une allocution récente devant le Barreau du Québec, la juge Claire L'Heureux-Dubé disait qu'elle avait pu constater que plusieurs avocat-e-s et juges ne se servaient pas des tables fiscales afin d'assurer un montant suffisant aux mères. A l'été 1992, une analyse des fichiers de données fiscales des familles, réalisée par Statistique Canada, a révélé qu'en moyenne le montant des allocations payées représentait 9% du revenu moyen des payeurs7.

Tant et aussi longtemps que l'allocation de soutien à l'enfant sera vue comme un privilège et non comme un droit, les familles monoparentales demeureront majoritairement sous le seuil de la pauvreté.

Pension alimentaire pour les ex-conjointes

Nous sommes d'avisque l'allocation de soutien à l'enfant et la

pension alimentaire pour les ex-conjointes doivent  faire l'objet

d'ordonnances séparées. Les pères se servent trop souvent du prétexte que la pension alimentaire sert, en fait, aux besoins des mères plutôt qu'aux besoins des enfants pour justifier l'arrêt de paiement. La réalité est bien différente.

Nous croyons aussi qu'il est nécessaire de développer des règles de fixation pour les pensions alimentaires.  L'éclatement du couple étant une cause d'appauvrissement des femmes, les tribunaux doivent disposer des outils nécessaires pour évaluer les besoins des ex- conjointes.

La juge Claire L'Heureux-Dubé suggérait, dans l'allocution précitée, que les tribunaux utilisent la règle de connaissance d'office pour mieux rendre justice aux femmes. Cette règle permet aux juges d'utiliser des données économiques et sociales générales pour les appliquer à des circonstances particulières. Cela remédierait possiblement aux effets néfastes que semblent avoir eu certains articles de la Loi sur le divorce de 1985.

Un des objectifs de la loi stipule que l'on doit "favoriser, dans la mesure du possible, l'indépendance économique de chacun d'eux (les époux) dans un délai raisonnable". La jurisprudence démontre que les juges ont interprété ce principe au pied de la lettre. Les juges ne tiennent pas suffisamment compte des conséquences réelles de l'éclatement du couple sur 1'employabilité des femmes et leur niveau de vie général.

Des décisions prises en commun, par exemple, le choix que la mère reste à la maison pour prendre soin des enfants, peuvent avoir des conséquences néfastes pour les femmes lors d'une séparation ou un divorce. L'ex-conjoint doit assumer sa part de responsabilité. Dans une étude des cas de jurisprudence sur le divorce réalisée en 1990, il ressort qu'il y a une augmentation du nombre d'ordonnances de pensions alimentaires pour une période limitée et du nombre de cas où aucune ordonnance n'a été accordée.

DES MESURES QUI S'IMPOSENT

II n'est pas suffisant,  pour nous, d'instaurer des règles de fixation des pensions alimentaires.  Nous voyons dans le système actuel beaucoup plus d'injustice que celles générées par le manque de règles. Elles  sont  tout aussï importantes sinon,  plus fondamentales.  Notre objectif est de  mettre un terme à l'appauvrissement des familles monoparentales et des femmes. Nous croyons" que nos gouvernements doivent poursuivre ce même objectif. Les mesures qui suivent sont à implanter et à financer de toutes urgences.

Campagne de sensibilisation publique

Une campagne de sensibilisation portant sur la responsabilité des pères envers leurs enfants doit être lancée le plus rapidement possible. Le droit des enfants de recevoir un soutien financier adéquat de leurs parents doit devenir une obligation sociale dont on ne peut se départir, sauf exception. La norme actuelle remet cette responsabilité presque entièrement aux femmes. Cela est intolérable.

Trop peu de gens connaissent la réalité des femmes cheffes de familles monoparentales. On connaît plus souvent les préjugés véhiculés sur ces familles : plus haut taux de délinquance, plus grand nombre d'enfants problèmes, plus haut taux de suicide, etc. On oublie que ce sont plutôt les conditions socio-économiques qui peuvent amener ces difficultés et non la monoparentalité.

Formation des juges et des avocat-e-s

Les juges ainsi que les avocat-e-s doivent suivre une formation portant sur les réalités économiques et sociales des familles monoparentales et des femmes. La règle deconnaissance d'office dont parle la juge Claire L'Heureux-Dubé doit s'appliquer dans les causes pour divorce ou séparation. Mais au-delà de cette règle, les intervenant-e-s du milieu juridique doivent être confronté-e-s à leurs préjugés.

Le système fiscal

La déduction_totale de l'allocation de soutien à l'enfant du revenu des pères non-gardiens est un traitement de faveur. Dire qu'il s'agit là d'un moyen d'inciter ces pères à respecter leur paiement, c'est les reconnaître irresponsables. Cette pratique doit cesser. Les parents des familles biparentales ne peuvent déduire de leur revenu brut les dépenses occasionnées par l'éducation de leurs enfants. Même s'il existe des crédits d'impôts pour enfants, ces parents ne bénéficient pas des mêmes privilèges.

L'obligation pour les mères bénéficiaires d'intégrer ce montant à leur revenu est d'autant plus aberrante. Cela pénalise les mères qui doivent produire un rapport d'impôts puisqu'elles paient ainsi un montant plus élevé d'impôts pour des allocations qui ne sont déjà pas suffisantes dans la plupart des cas. En bout de ligne, ce sont les enfants qui perdent. Il s'agit là d'un bel exemple de discrimination systémique envers les femmes.

Perception automatique et indexation d'office

Le non—paiement de l'allocation de soutien à l'enfant ou de la pension alimentaire pour les ex-conjointes ne devraient pas être l'unique préoccupation des mères. Les mères et les enfants ne sont pas les seules à en assumer les conséquences. Les gouvernements qui refusent d'instaurer un système de perception automatique, les assument également sous diverses formes. Que l'on songe,entre autres, à la surreprésentation des familles monoparentales bénéficiaires de la sécurité du revenu, sans compter les coûts sociaux liés à la pauvreté.

L'indexation automatique des allocations de soutien à l'enfant et des pensions alimentaires pour les ex-conjointes (en fonction de l'âge de l'enfant, du coût de la vie ou de la modification des revenus) tombe également sous le sens. Les mères ne devraient pas avoir à assumer émotivement et financièrement le respect des ordonnances. Si l'on reconnaît que le paiement de ces montants est une responsabilité des pères, leur respect doit être une responsabi1ité co1lective.

Cette responsabilité collective doit aller jusqu'à soutenir financièrement les mères et les enfants qui ne peuvent bénéficier d'une allocation.

Accompagnement des femmes

Lors d'une séparation ou d'un divorce, les femmes sont habituellement perturbées. Elles vivent diverses émotions qui peuvent les amener à prendre des décisions hâtives. Décisions qu'elles regretteront ou qui les obligera, dans le système actuel, à retourner devant un juge pour les modifier. Les avocat-e-s ont le devoir de bien les informer sur les conséquences de leurs décisions à court, moyen et long terme, on doit leur rappeler. Si les femmes en bénéficiaient, elles aborderaient les procédures avec un tout autre esprit et réussiraient sûrement à aller chercher des ordonnances plus satisfaisantes.

Des services d'accompagnement de ce genre sont offerts par certains

groupes de femmes mais il y en a trop peu. Des fonds

supplémentaires pour mettre plus de services sur pied sont nécessaires. Ce type de service devrait être accessible à toutes les femmes.

La médiation obligatoire

La médiation globale obligatoire dans le cadre d'un divorce ou d'une séparation éviterait des coûts inutiles pour les femmes. Dans le système actuel, les femmes assument souvent une plus grande part des coûts juridiques.  De plus, la présence d'une personne "neutre", i.e. qui n'est pas au service de l'une ou l'autre des parties assurerait une plus grande équité.

Les recherches démontrent que l'implantation de ce type de médiation donnent des résultats positifs. Les pères sont plus responsables, les montants accordés sont plus généreux et les paiements plus réguliers.

La médiation obligatoire ne devrait cependant jamais s'appliquer dans les situations où il y a violence de la part de l'ex-conjoint.

REGLES DE FIXATION ET MODELES ÉCONOMIQUES

Des données inappropriées

D'emblée nous devons dire qu'aucune des méthodes de fixation des allocations de soutien à l'enfant ne nous satisfait. Nous sommes plutôt choquées de voir combien certaines méthodes de calcul, donnent des montants d'allocation ridicules. Qui assumera le manque à gagner? Qui devra restreindre l'ensemble des dépenses de la famille et dire non aux demandes des enfants?

Mous sommes d'accord avec le principe énoncé dans le premier rapport. Les règles doivent produire des montants équitables et suffisants pour les enfants. Pour établir ce qu'est "un montant suffisant", il nous semble essentiel de se baser sur la réalité des familles monoparentales et non celle des familles biparentales.

Mous déplorons le choix qu'a fait le comité, dans un souci d'épargne, de ne pas procéder à une évaluation des besoins de base des enfants. Les modèles économiques utilisés, comme les règles de calculs et les données, viennent fausser outrageusement les résultats des calculs.

Est-il valable de se baser sur les dépenses engagées pour les enfants selon le revenu des parents? Cette dernière méthode n'amène qu'un nivellement par le bas. Les parents qui ont un revenu annuel de 20,000$ et qui dépensent 401$ par année pour leur enfant, comme l'indique le tableau de la page 2.1 du rapport, ne répondent sûrement pas aux besoins de base de cet enfant, ni aux leurs d'ailleurs. Ils ont besoin du soutien de l'État. Le résultat sera le même pour une mère seule qui gagne 20,000$ si on lui accorde une allocation de soutien à l'enfant de 400$ par année.

Nous croyons qu'il est nécessaire de procéder à la recherche et l'élaboration d'autres règles. Avant que toute nouvelle règle ne devienne force de loi, il serait essentiel de procéder à un examen plus approfondi des conséquences de son application. Un moyen plus pertinent de faire cet examen serait à partir de plusieurs situations réelles.

L'amélioration des conditions économiques

Pour nous,  les règles de fixation d'allocation de soutien à 1'enfant doivent viser l'amélioration des conditions économiques des familles monoparentales et, par le fait même, des enfants de ces familles.  11 doit y avoir prédominance des besoins minimum des enfants dans ces règles.

Il faut tenir compte des situations de garde conjointe ou partagée mais à partir d'un certain seuil seulement et après avoir procédé à l'étude de l'effet de cette mesure sur les besoins minimum des enfants.

L'indemnisation des mères pour leur contribution non financière est aussi très importante. Il est estimé que les parents gardiens assument en général 66% des besoins de leurs enfants, indépendamment de l'allocation de soutien à l'enfant.

Quant aux situations familiales multiples, il nous est difficile de ne pas l'aborder avec cynisme. Comment choisir quels enfants devraient avoir priorité? Cela ne devrait pas constituer un choix. Une réponse plus appropriée est peut-être une campagne qui dirait que de "semer à tout vent" c'est bon pour les dictionnaires! De manière plus sérieuse, il nous apparaît évident que les enfants ne devraient pas être pénalisés par le choix de leurs parents. Nous favorisons un traitement égal des enfants et le soutien de l'État si les parents ne peuvent subvenir à leurs besoins minimum.

En conclusion

Deux principes guident nos commentaires, la responsabilité des pères vis-à-vis leurs enfants et la responsabilité collective que représente le bien-être des enfants. C'est sous cet angle que devraient être élaborées toutes modifications au système actuel.

Les travaux du Comité fédéral/provincial/territorial sur le droit de la famille apportent une réponse partielle aux besoins des familles monoparentales. La réalité de ces familles commande une réflexion plus approfondie et des actions plus larges.

La pauvreté des familles monoparentales et des femmes doit être au coeur des préoccupations de nos gouvernements et faire l'objet d'actions immédiates. Il y a beaucoup d'impatience et de colère chez les femmes et les groupes de femmes qui sont confrontées quotidiennement avec les divers effets de cette pauvreté.

SOURCES

1 - Gunderson, M., Muszynski L. et Keck, J.,  Women and Labour

Market Poverty (Conseil consultatif canadien sur le statut de la femme, Ottawa, 1990, page 7)

2 - Statistics Canada, Household Surveys Division, Income

Distributions by Size in Canada, (Ministère de l'Industrie, de la Science et de la Technologie, Ottawa, 1991, p. 24)

3 - Deniger, M.-A., Le B.S.: mythes et préjugés, guide de

conscientisation, Conseil canadien de développement social et F'ront commun des personnes assistées sociales, Montréal, 1992

4 - Enquête1 sur les finances des consommateurs, Statistique Canada, 1988

5 - Weitzman, J.G., The Divorce Révolution:  The Unexpected Social

and Economic Consequences for Women and Children in America, New York: The Free Press, 1985

6 - Renaud M. et al.  Les solutions qu'apportent les Québécois à

leurs problèmes sociaux et sanitaires, Les publications du Québec, 1987

7 - Galarneau, Diane, Les pensions alimentaires, paru dans L'emploi

et le revenu en perspective, Statistique Canada, Été 1992

2S DE LA FÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS DES FAMILLES MONOPARENTALES DU QUÉBEC EN MATIÈRE DE FISCALITÉ

Pensions alimentaires pour enfants

  • Règles de fixation des pensions alimentaires pour enfants qui tiennent compte du coût réel d'un enfant ainsi que de la capacité de payer et du niveau de vie des deux parents.
  • Perception automatique des pensions alimentaires: dès qu'il y a déclaration officielle de séparation,  le  gouvernement se chargera de  percevoir une pension  minimum,  avec prélèvement sur le salaire du parent qui n'a pas la garde des enfants.  Lorsque le tribunal aura statué sur le montant, le gouvernement se chargera également de la perception sans que la créancière (ou créancier) soit obligée d'entreprendre des démarches.
  • Garantie par le gouvernement d'une pension minimum sous forme de versement anticipé comme il se fait dans plusieurs pays européens.
  • Révision de la structure de la sécurité du revenu de façon à assurer que les enfants dont le parent est prestataire de ce programme bénéficie réellement de la pension alimentaire payée par l'autre parent.     Une réduction  à un taux de 42%, comme c'est le cas maintenant pour le programme APPORT, est une solution possible.

Programme APPORT

5. Que les personnes admissibles puissent réclamer les montants dûs au moment de remplir le rapport d'impôt même si elles n'ont pas été inscrites pendant l'année précédente. Ce programme est extrême complexe et les personnes dont le montant et la source des revenus fluctuent pendant l'année ont souvent de difficultés à savoir si elles sont admissibles. De plus, la nécessité de faire une démarche spéciale pour ce programme s'ajoute souvent à une série d'autres démarches complexes alors que toutes les informations nécessaires (ou presque) pour déterminer l'admissibilité et le montant payable se retrouvent déjà sur la formule d'impôt.

SOUTIEN PUBLIC AUX FAMILLES AVEC ENFANTS ET POLITIQUE A L'ÉGARD DES PENSIONS ALIMENTAIRES

Commentaires de Ruth Rose

Cette proposition se base sur les hypothèses suivantes:

i)     Chaque adulte serait traité comme un individu pour fins d'impôt.   A l'extrême, on

ne reconnaîtrait aucune possibilité de transfert de crédits, d'exemptions ou d'autres avantages d'un conjoint à l'autre. (A ce que je sache, le système suédois va aussi loin). Dans un modèle plus proche de celui qu'on a actuellement, on permettrait le transfert de certains avantages entre conjoints (faut-il être légalement mariés pour en bénéficier?) et on continuerait d'accorder une exemption-crédit de personne mariée. Dans un système très généreux, on convertirait les crédits d'impôts non-remboursables actuels pour le contribuable et la personne mariée en crédits remboursables pour chaque adulte. Le conjoint ou la conjointe au foyer profiterait directement de l'avantage fiscal accordé à son nom.

ii )  Chaque parent aurait l'obligation de contribuer au minimum une certaine somme à l'entretien de ses enfants.

  • Montant: de l'ordre de 2 350$ par année en $ de 1990, pour donner 4 700$ par enfant soit le coût moyen au seuil de pauvreté pour les 2ième, 3ième et 4ième personnes au sein d'une famille (base de 1986).
  • Ce montant serait garanti par l'État en fonction du revenu des parents:

  • dans le cas des couples (légalement mariés ou en union de fait où les deux sont les parents de l'enfant) on tiendrait compte des revenus combinés des deux parents.
  • dans les cas où les deux parents n'habitent pas avec l'enfant (garde partagée ou accordée à un seul des parents), on tiendrait compte du revenu de chaque parent séparément.

La garantie opérerait comme un crédit d'impôt remboursable dont le montant varie en fonction inverse du revenu des parents. Par exemple, dès que le revenu d'un parent dépasse le seuil de pauvreté pour une personne seule (14 160$ en 1990 -base 1986) le parent serait tenu de contribuer 50% de son revenu excédentaire pour l'entretien de son enfant. Dans le cas d'une responsable de famille monoparentale avec un revenu de 18 160$, soit $4 000 de plus que le seuil, elle serait tenue de contribuer $2 000 (50% du $4 000) pour l'enfant et recevrait un crédit de 350$ du gouvernement pour la différence. Par ailleurs, le père aurait à contribuer également 2 350$. Ce montant serait prélevé par l'État sur son salaire et transmis automatiquement à la mère. Si son revenu est insuffisant, la différence serait également garantie par l'État. Actuellement, en Scandinavie, les gouvernements garantissent les paiements pour soutien d'enfant (avec un maximum) de cette façon; ils assurent également que le montant est versé régulièrement au parent qui a la garde de l'enfant.

Dans le cas d'une famille biparentale, le seuil de pauvreté en 1990 était de 19 193$ pour deux personnes. Alors, si leur revenu était inférieur à ce seuil, ils recevraient 4 700$ par enfant. Avec un revenu de 27 193$, par exemple, le montant dû serait diminué de 4 000$ soit 50% de la différence entre leur revenu et le seuil de pauvreté.

c)      Imposable entre les mains de l'enfant et déductibles (à un taux fixe) entre les mains des parents - droit de transfert de la déduction entre conjoints:   Pour fins d'impôt, chaque parent (quel que soit son statut marital ou les personnes avec lesquelles il ou elle habite) aurait le droit de déduire soit 2 350$, soit le montant réel qu'il contribue à l'enfant si celui-ci est inférieur à 2 350$.   La déduction serait transformée en crédit non-remboursable à un taux fixe (17% au fédéral et 20% au provincial actuellement) comme c'est le cas avec les autres exemptions personnelles. Si un des parents dans une famille biparentale n'a pas suffisamment de revenu pour profiter de cette déduction, il ou elle pourrait le transférer au conjoint.

Chaque enfant serait traité comme un individu pour fins d'impôt et aurait droit à une exemption personnelle comme un adulte. On lui attribuerait automatiquement 4 700$ de revenu chaque année.

d)      Le parent qui a la garde d'un enfant pourrait poursuivre l'autre parent pour un montant additionnel en fonction du revenu de celui-ci et des besoins de

l'enfant. La déductibilité pour fins d'impôt ferait partie de l'ordonnance de la cours. En d'autres mots, les juges seraient tenus de tenir compte de l'impact fiscal chez le débiteur et le créancier en fixant le montant. De plus, ces montants (au- delà du minimum légalement exigé) compteraient comme revenu du parent créancier dans le calcul de son obligation à l'égard de l'enfant, qui pourrait, par ailleurs, déduire le 2 350$ contribué à l'entretien de son enfant en conséquence.

Cette proposition vise plusieurs objectifs:

  • éliminer les différences de traitement fiscal à l'égard des enfants entre les couples en union de fait et ceux légalement mariés, ainsi qu'entre les familles encore ensemble et celles qui sont séparées;
  • hausser  le   soutien   aux  familles   avec  enfants  pour les   familles   biparentales   et monoparentales à revenu faible moyen;
  • assurer le paiement d'un soutien minimal de la part du parent qui n'a pas la garde de l'enfant avec une garantie de l'État quant à la régularité du paiement et de son montant minimum;
  • donner aux responsables de famille monoparentale un revenu sûr pour leurs enfants et ainsi faciliter leur situation si elles sont, par ailleurs, dépendantes de l'aide sociale. Ainsi, elles ne recevraient de l'aide sociale que le montant accordé pour une personne seule et si elles travaillent, ce n'est que ce montant qui disparaîtrait à un taux de 100%.     Donc, ce serait beaucoup plus  facile pour elles d'atteindre l'autonomie économique. Les 4 700$ (par enfant) plus les allocations familiales (voir plus loin) n'en seraient pas affectés.  Ce n'est que lorsque ses gains dépassent le seuil de 14 160$ que la garantie de l'État à l'égard des 2 350$ qu'elle est tenue de contribuer commencerait à disparaître à un taux de 50%.   Elle pourrait toujours compter sur les 2 350$ que le père est obligé de contribuer.

iii)       L'État pourrait également offrir des allocations familiales universelles comme soutien additionnel à toutes les familles avec enfants

  • Allocations universelles: principe d'équité horizontale - la société veut apporter un soutien à tous les enfants quel que soit le revenu de leurs parents.   Ainsi, on veut qu'un couple avec enfants ait un revenu disponible plus élevé qu'un couple sans enfants ayant le même revenu avant l'allocation.   Dans ce cas, les allocations s'ajouteraient au droit de déduire le 2 350$ par enfant et par parent.
  • Non-imposable: d'une part, on a déjà répondu à un souci d'équité verticale avec le garanti d'un montant minimum sous forme d'un crédit d'impôt remboursable pour les familles pauvres et à revenu modeste.   D'autre part, le système actuel crée toutes sortes d'anomalies selon que les parents sont légalement mariés ou non et  selon  la  façon  dont le  revenu  est réparti entre  les   deux  conjoints.   Le remboursement des allocations familiales fédérales pour les gens à revenu élevé devrait être aboli, d'autant plus  qu'il pénalise  les couples  à revenu  unique légalement mariés plus que les autres.
  • Montant:  Comme point de répère, prenons le montant fixé en 1974 ($20 par mois par enfant) indexé au coût de la vie, ce qui donnerait $59.92 par mois en 1990 ou $720 par année. L'année 1974 représente la dernière année d'une affirmation claire à l'égard d'une allocation universelle pour les enfants.   En 1990, l'allocation de base au Canada anglais était de $399 par année (ce qui représentait également l'allocation moyenne au Québec qui redistribue la masse dont il dispose vers les familles nombreuses et les enfants âgés de 12 à 17 ans).  Toutefois, les allocations fédérales perdent 3% de leur valeur chaque année à cause de la désindexation partielle introduite en 1986. L'allocation devrait être indexée minimalement au coût de la vie et, de préférence, au taux de croissance du PIB per capita.

    • Modulation en fonction de l'âge de l'enfant: Actuellement, le Québec et l'Alberta donnent davantage aux enfants plus âgés, présumément parce que les coûts inhérents sont plus élevés.   Le Québec (allocations provinciales et non pas fédérales) donne également davantage pour les enfants en bas de six ans mais cette problématique est liée plutôt à la problématique de la garde.
    • Modulation en fonction du nombre d'enfants dans la famille:   Seul le Québec redistribue l'argent vers des familles ayant trois enfants ou plus.   Deux arguments militent en faveur d'une telle pratique.   Premièrement, l'écart entre les ressources et les besoins risque d'accroître avec le nombre d'enfants.   Deuxièmement, plus il y a d'enfants dans la famille, plus il y a de chances que la mère n'exercent pas un emploi rémunéré et donc plus la famille a besoin d'un soutien de l'État.

    Par contre, la proposition concernant un minimum pour chaque enfant répond mieux au souci d'équité puisqu'il accorde l'argent en fonction de l'écart entre les besoins (nombre d'enfants) et les ressources. De plus, une politique qui favorise les familles nombreuses, comme la politique actuelle du Québec, risque d'encourager certaines femmes à rester au foyer plutôt que de s'établir solidement sur le marché du travail. Dans le cas d'une rupture du mariage - possibilité qu'il ne faut jamais écarter - ces femmes et leurs enfants sont extrêmement vulnérables à la pauvreté.

    Quelques exemples: (1990)

    Type de famille

    Revenu actuel

     

    Rev. avec proposition

       

    Monoparentale- 1 enfant < 6 ans à l'aide sociale

    Aide sociale           8 Alloc.+cr. féd. Alloc. Québec

    688$ 821$ 222$

    Aide sociale Alloc. fam. Sout.enf.gar.

    6384$ 720$ 4700$

     

    Total                   10

    330$

    Total

    11 804$

    Monoparentale - 1 enfant < 6 ans 1 âgé 6 à 12 ans aide sociale

    Aide sociale           9 Alloc.+cr.fed.           1 Alloc. Québec

    Total                   12

    972$ 767$ 339$

    033$

    Aide sociale Alloc. fam. Sout.enf.gar.

    Total

    6384$ 1 440$ 9 400$

    17 224$

    Idem - seuil de pauvreté pour 1 personne

    Rev. gagné           14 Alloc.4cr. fed.          1 Alloc. Québec

    160$ 767$ 339$

    Rev. gagné Alloc. fam. Sout. enf. gar.

    14 160$ 1 440$ 9400$

     

    Total                   16 Impôt fed. à payer

    266$

    Total Alloc. fam. non

    25 000$ -imposable