Conception et rédaction: Ginette Busqué, Cécile
Coderre, Noëlle-Dominique Willems
Recherche: Diana Bronson, Susan De Rosa, Ginette Busqué,
Cécile Coderre, Noëlle-Dominique Willems
Concept graphique et infographie: Claudette Rodrigue
Correction d'épreuves: Claudine Vivier
Impression: Copie Express
Cet ouvrage a été produit grâce à la contribution
financière du programme Promotion de la femme du Secrétariat
d'État du Canada
ISBN 2-921006-00-6
Dépôt légal: Bibliothèque nationale du Québec
Premier trimestre 1988
Diffusion: Fédération des femmes du Québec, 1265
rue Berri, bureau 820, Montréal, QC, H2L 4X4 .
Remerciements
Nous tenons à remercier Michèle Galarneau pour sa contribution
à la dactylographie des textes ainsi qu'Hélène Viau et
Raymonde Beauchamp de la permanence de la F.F.Q. pour l'aide qu'elles
nous ont apportée chaque fois que nécessaire.
Merci aussi à ceux et celles qui partagent notre quotidien pour
leur appui constant à notre travail, et finalement, un merci particulier
à Monica Matte dont la persévérance dans la lutte contre
la pornographie n'a cessé de nous encourager à tenir bon de
notre côté.
Ginette Busqué, Cécile Coderre, Noëlle-Dominique
Willems
C'est depuis 1977 que la F.F.Q. se questionne sur l'impact de la consommation
de matériel pornographique. En 1979, la F.F.Q. posait son premier
geste concret et public de dénonciation de la pornographie. Les
membres, réunies en assemblée générale, appuyaient
alors massivement la proposition de madame Monica Matte de faire parvenir
au ministre québécois de la Justice une requête visant
à restreindre l'accès du matériel pornographique aux
mineur-e-s.
En 1980, toujours dans un but de protection des mineur-e-s, nous avons
fait circuler une pétition qui a recueilli l'appui de 325 000 personnes,
alors qu'en 1981 nous profitions de l'Année internationale de la
jeunesse pour tenir un colloque intitulé Volonté politique
et pornographie: protégeons au moins les mineurs.
Bien que soucieuse de limage des femmes dans les médias, la F.F.Q.
ne s'en prenait pas directement, à cette époque, aux fondements
mêmes de la pornographie. Notre souci à l'égard de l'éducation
des jeunes nous engageait cependant, petit à petit, dans une analyse
qui nous révélait à quel point la pornographie allait
à l'encontre de nos objectifs en matière d'égalité
des femmes.
Dans les années suivantes, nous avons surtout cherché à
diffuser auprès des instances gouvernementales et du public en
général notre perception sur la portée du message propagé
par la pornographie. Nous avons présenté des mémoires,
écrit des articles, critiqué des projets de loi et participé
à différents débats publics ainsi qu'a de nombreuses
émissions de radio et de télévision.
La F.F.Q. a toujours été profondément convaincue que
pour enrayer la prolifération du matériel pornographique,
nous devions, en même temps que nous réclamions des lois plus
efficaces, entreprendre un long processus de sensibilisation et d'éducation
en vue d'amener les profonds changements de mentalité nécessaires
à l'émergence d'un autre type de représentation des femmes
et de la sexualité. C'est dans cette perspective que nous offrons
aujourd'hui à ceux et celles que la problématique intéresse
un outil permettant à la fois de mieux comprendre ce qu'est la
pornographie et d'alimenter l'action en vue de la dénoncer.
Le travail de recherche, de conception et de rédaction de La
Pornographie décodée a représenté, pour
celles qui s'y sont engagées, une expérience remarquable.
À travers notre réflexion sur la pornographie, nous avons
réussi à greffer toutes nos préoccupations en matière
de condition féminine et cela s'est avéré très enrichissant.
Le travail d'équipe étant ce qu'il est, nous avons cent fois
remis notre ouvrage sur le métier, avec parfois quelques pincements
au cœur ou une pointe de découragement, mais la plupart du
temps avec confiance et sans rechigner. Les moments où nous avons
failli flancher ont été largement compensés par ceux
où, finalement, nous avons eu énormément de plaisir à
travailler ensemble.
Contenu
Les deux cahiers de fiches sur la pornographie poursuivent un triple
objectif d'information, d'analyse et d'ouverture sur l'action.
Ils sont avant tout une synthèse des travaux exécutés
par de nombreuses et nombreux chercheures et chercheurs au cours des
dernières années et comprennent neuf séries de fiches
au total.
Le premier cahier se veut en premier lieu une analyse de la pornographie
et une sensibilisation à ce phénomène. Il regroupe quatre
séries de fiches. La première est un essai de définition
et de contextualisation du phénomène pornographique. La seconde
veut montrer les caractéristiques de l'industrie de la pornographie.
La troisième tente de répondre à une question: la pornographie
est-elle nocive? Enfin, la quatrième fait état des lois régissant
la pornographie.
Le deuxième cahier comprend cinq séries de fiches. Les quatre
premières portent essentiellement sur les actions qui peuvent être
entreprises autant sur le plan juridique que politique sans oublier,
bien sûr, le champ de l'éducation et de la sensibilisation.
Enfin, la dernière, celle des ressources, comprend un résumé
des principaux livres et ouvrages sur la pornographie ainsi que des
films, vidéos et pièces de théâtre réalisés
comme outil de sensibilisation.
Clientèles visées
Connaissant déjà l'intérêt de plusieurs groupes
de femmes pour le dossier de la pornographie, il va sans dire que nous
avons constamment pensé à eux au cours de la conception et
de la rédaction de ces fiches. Ces groupes ayant déjà
réfléchi à la question et entrepris quelques actions,
certains éléments seront du déjà connu. Nous sommes
convaincues cependant que nos fiches permettront d'approfondir la réflexion
et mettront à jour les données de base du dossier.
Nous ne visons pas uniquement les groupes de femmes déjà
structurés. Nous voulons également offrir un outil à
celles et ceux qui voudraient se réunir pour s'attaquer à
la problématique de la pornographie ainsi qu'à toutes les
personnes qui veulent dispenser un enseignement ou animer des ateliers
ou des groupes de travail sur la question.
Les demandes de matériel qui nous sont régulièrement
adressées nous incitent à croire également que nos fiches
pourraient être extrêmement utiles à plusieurs étudiant-e-s
des niveaux collégial et universitaire. À la fin du secondaire,
ce sont surtout les professeur-e-s qui pourraient utiliser certaines
fiches pour orienter des discussions avec les élèves.
Mode d'utilisation
Chaque fiche contient l'information de base relative à la matière
traitée et peut être utilisée dans un ordre qui correspond
en premier lieu aux besoins de l'utilisatrice-teur.
La matière traitée dans une fiche ayant cependant presque
toujours un lien avec le contenu d'autres fiches, nous faisons
mention chaque fois qu'utile ou nécessaire de l'information
complémentaire. Nous indiquons le renvoi à effectuer
par la consigne: consultez aussi telle ou telle fiche. En vue
de faciliter l'utilisation des fiches aux personnes qui ne sont
pas déjà familières avec ce dossier, nous conseillons
de prendre connaissance de l'ensemble des contenus. La consultation
de chacune des fiches en sera par la suite beaucoup plus rapide et aisée.
Chaque cahier contient la table des matières de l'ensemble des
fiches.
Définir la pornographie, c'est probablement la tâche la plus
complexe à laquelle nous ayons à faire face quand nous nous
attaquons à ce dossier.
La difficulté ne réside pas dans l'incapacité de reconnaître
ce qui est pornographique: elle résulte plutôt de la quasi
impossibilité d'isoler une définition unique.
La pornographie n'est pas seulement un certain type de représentation
des femmes, c'est aussi un phénomène social. C'est pourquoi
il est à peu près impossible qu'une seule et même définition
puisse contenir à la fois les éléments qui permettent
de la reconnaître à la pièce et ceux qui
la situent dans ses fondements socio-culturels.
À supposer que nous réussissions à concilier cette double
perspective, il est fort probable que la définition qui en résulterait
ne serait pas applicable dans le cadre d'un code criminel. Une définition
à caractère juridique, et pénal de surcroît, doit
offrir un cadre très précis de référence alors qu'une
définition à caractère sociologique peut être beaucoup
plus large. Un autre ordre de problèmes vient également s'ajouter
à la complexité de définir la pornographie: c'est la
confusion qui provient de l'emploi indifférencié des mots
obscénité, érotisme, pornographie.
Dans cette fiche, nous ne vous proposerons pas une définition
passe-partout; nous visons plutôt à démasquer l'idéologie
véhiculée par la pornographie. Notre démarche consistera
à préciser en quoi la pornographique se distingue de l'érotisme
et de l'obscénité. Cela nous amènera évidemment
à décrire comment la pornographie dépeint les femmes
et à la caractériser comme outil de discrimination.
Nous nous interrogeons enfin sur les raisons qui font que la pornographie
est aujourd'hui une véritable industrie en la rattachant au système
social et culturel qui a permis qu'elle se développe ainsi.
C'est probablement uniquement parce qu'ils ont tous trois une connotation
sexuelle que les mots obscénité, érotisme, pornographie
ont été si souvent utilisés indifféremment. Qu'il
suffise simplement de rappeler que le législateur fédéral
définit l'obscénité et non la pornographie • et
que les marchands de matériel pornographique préfèrent
qualifier celui-ci d'érotique. Il faut également ajouter que
les définitions rapportées dans les dictionnaires entretiennent
trop souvent cette confusion. Pour nous, cependant, des distinctions
s'imposent car nous voulons identifier avec précision les raisons
qui fondent notre opposition à un certain type de représentation
des femmes et non pas à tout type de représentation
de la sexualité.
L'article 159(8) du Code criminel se lit comme suit:
Aux fins de la présente loi, est réputée obscène
toute publication dont une caractéristique dominante
est l'exploitation indue des choses sexuelles, ou de choses
sexuelles et de l'un quelconque ou plusieurs des sujets
suivants, à savoir: le crime, l'horreur, la cruauté et
la violence. (1953-54, c. 51, art. 150; 1959, c. 41, art. 11.)
Le mot obscène vient du mot latin obscenus qui signifie
de mauvais augure. Évidemment, il n'y a rien de choquant
jusque là à ce que ce mot soit confondu avec le mot pornographie.
Mais l'analogie ne peut aller plus loin. Le mot obscénité
a, en fait, été employé dans un contexte où les
représentations d'ordre sexuel étaient considérées,
d'abord et avant tout, comme indécentes et immorales. En somme,
il caractérise un malaise vis-à-vis la sexualité et ne
fait aucune distinction entre l'expression sexuelle et l'exploitation
sexuelle. Comme cette nuance nous apparaît fondamentale, et que
c'est le mépris et la haine des femmes exprimés dans la pornographie
qui, selon nous, sont immoraux, nous croyons donc que dans le
contexte de la lutte contre la pornographie, le mot obscénité
n'a pas sa place.
Il y a quelques décennies, le législateur canadien a fait
appel à ces valeurs d'ordre moral en choisissant de définir
dans le Code criminel l'obscénité plutôt que la pornographie.
Les recommandations de la Fédération des femmes du Québec
préconisent l'abandon du mot obscénité et nous constatons
maintenant avec plaisir que c'est la direction que prend le législateur
fédéral.
Quant au mot érotisme, c'est un autre ordre d'idées
qui nous conduit à le rejeter comme synonyme du mot pornographie.
Il prend sa source dans le mot Eros, nom du dieu grec de l'amour.
Selon Anne-Marie Dardigna, l'érotique du XVIe siècle
concernait les choses de l'amour et plus spécifiquement l'amour
physique. Au XVIIIe siècle, un glissement de sens rapproche
l'adjectif d'une réalité toute autre: le libertinage; il est
alors associé à la déconsidération morale. Au XIXe
siècle, le Larousse le définit comme ungoût
marqué, excessif, pathologique pour les choses sexuelles; il
n'y a alors plus beaucoup de liens avec la définition première
du mot qui qualifiait les choses de l'amour.1 Aujourd'hui
encore, le Petit Robert propose une définition de l'érotisme
qui réfère au caractère pathologique de la sexualité.
Ces définitions ne permettent pas de reconnaître en quoi l'érotisme
se distingue de la pornographie; au contraire, elles auraient plutôt
tendance à montrer en quoi il s'y apparente.
Il n'en demeure pas moins, toutefois, que c'est parce que l'érotisme
réfère dans son sens premier à l'amour sexuel, sans jugement
moral à l'égard de l'expression de la sexualité, qu'il
a été à nouveau utilisé dans le mouvement féministe
pour identifier un concept positif. C'est ainsi que l'érotisme
désigne l'expression de la sexualité qui met en cause
les individus dans leur totalité, une sexualité
qui n'évacue pas les sentiments et dans laquelle la liberté
et l'intégrité sont respectées.
Dans L'Envers de la nuit, la féministe américaine
Gloria Steinem propose la définition suivante de l'érotisme:
Une forme d'expression sexuelle mutuellement satisfaisante
entre les individu-e-s qui ont suffisamment de pouvoir pour être
là de leur plein gré. Ces images peuvent ou non éveiller
un souvenir sensoriel chez la personne qui les regarde ou être
assez créatrices pour donner à l'inconnu l'apparence du réel
mais elles n'exigent pas que nous nous identifions à un conquérant
ou une victime.2
Contrairement à la pornographie, l'érotisme n'est le porte-parole
d'aucun modèle établi: il prend place dans l'homosexualité
comme dans l'hétérosexualité. Il est la célébration
d'une grande variété de goûts, de désirs et de souvenirs.
L'érotisme (...) présente une sexualité imaginative
et une fête charnelle entre partenaires égaux3
Le mot pornographie vient des mots grecs porné et graphes
signifiant respectivement prostituées ou femmes captives et écrits.
La pornographie serait donc un discours sur la prostitution. Le sens
auquel l'étymologie nous réfère constitue déjà
un premier jalon dans l'analyse de la pornographie, même si l'analogie
avec la prostitution ne saute pas nécessairement aux yeux.
Malgré le fait que la pornographie ne semble pas se concentrer
davantage sur la représentation des prostituées que sur celle
des autres femmes, il n'en demeure pas moins que la pornographie et
la prostitution constituent deux composantes majeures de l'exploitation
sexuelle des femmes, deux formes de commercialisation de leurs corps.
Dans la prostitution, il y a commercialisation directe
du corps lui-même, alors que dans la pornographie c'est la
représentation du corps qu'on échange contre de l'argent.
De plus, dans l'une comme dans l'autre, ce commerce a pour but de procurer
un plaisir sexuel au consommateur. Le fait d'acheter ces plaisirs sexuels
donne du pouvoir, celui de s'approprier le corps des femmes.
Si on pousse plus loin l'analogie, on s'apercevra également que
c'est le même système social qui est à la base de la
prostitution et de la pornographie, et que ce sont les mêmes conditions
culturelles et économiques qui leur ont permis de voir le
jour et de proliférer. Mais avant d'aborder les fondements de la
pornographie, il nous semble utile de nous arrêter brièvement
aux types de représentations des femmes qui la caractérisent
et au message qu'elle véhicule. Cela nous permettra d'approfondir
pourquoi ce n'est pas sur la représentation d'activités sexuelles
ou la nudité que se fonde notre opposition à la pornographie
mais sur le fait que celle-ci sert de prétexte pour exprimer des
attitudes de mépris à l'égard de toutes les femmes.
Dans la pornographie, les postures que l'on fait habituellement
prendre aux femmes sont celles de la vulnérabilité
et de la disponibilité sexuelle: bouche ouverte,
jambes écartées, regards faussement lascifs. Pour mettre l'accent
sur les organes génitaux, très souvent le corps n'est pas
représenté au complet, il est morcelé, i.e. réduit
à un corps sans tête et sans jambes (sauf les cuisses bien
entendu) ou encore il est attifé de tout l'attirail fétichiste:
bas de nylon et jarretelles, gadgets de cuir, bottes ou souliers à
talons exagérément hauts et effilés, vêtements savamment
déchirés.
Bien que l'on puisse trouver dans la pornographie à peu près
tous les types physiques de femmes, c'est celui du corps ferme, à
la poitrine généreuse et aux fesses galbées qui est le
plus fréquemment présenté. Les caractéristiques
sexuelles y sont souvent exagérées, augmentant ainsi l'écart
entre ce prétendu modèle idéal de la femme et la majorité
des femmes.4 Même si la pornographie privilégie
un type physique de femme, elle n'hésite pas à tracer
le portrait social de toutes les femmes, à représenter plusieurs
catégories de femmes. La pornographie se complait aussi à
caricaturer leur sexualité et renvoie une image très déformée
de leur désir sexuel. Elles y sont, entre autres, dépeintes
comme sexuellement insatiables et soumises à tous les fantasmes
de leurs partenaires sexuels.
Professionnelles, étudiantes, sportives, travailleuses au foyer,
religieuses, tous les métiers sont tour à tour ridiculisés.
Les femmes sont rabaissées dans leurs capacités intellectuelles
et leurs choix de vie ne sont que des prétextes pour les chosifier.
Le message sous-jacent est sans ambiguïté et il nous transmet
durement l'idée que pour les pornocrates, les femmes ne sont finalement
que des objets sexuels. Les textes accompagnant les images ainsi
que les autres récits soutiennent et amplifient ce message.
Cette façon de présenter les femmes comme des objets sexuels
prépare le terrain à la mise en marché d'une pornographie
plus ouvertement anti-femmes. Après avoir suscité et entretenu
une forme déguisée de mépris à l'endroit des femmes
en les réduisant à des objets de convoitise sexuelle, appelée
soft cote, les producteurs de pornographie n'ont pas eu
de difficulté à introduire ouvertement des éléments
de violence physique, ce qu'on appelle le hard core. Pour Edward
Donnerstein, un des spécialistes des effets de la pornographie,
ce type de pornographie a été introduit dans le but
de toujours donner plus de sensations aux consommateurs.
L'association de la violence physique explicite et de la sexualité
est de plus en plus fréquente et constitue certainement l'élément
le plus pernicieux de la pornographie dans les années quatre-vingt.
Il n'est pas rare de voir des femmes bâillonnées, ligotées,
attachées et mutilées ou de lire des histoires, de voir des
scènes où le viol est présenté comme l'acte sexuel
le plus excitant et le plus satisfaisant tant pour le violeur
que pour la violée. L'introduction de la violence physique
s'est faite en outre dans les revues à grande diffusion par le
biais de caricatures qui se veulent humoristiques. C'est ainsi
que des viols collectifs, par exemple Blanche Neige violée par
les sept nains, des abus sexuels d'enfants par le Père Noël
(par exemple dans les numéros du temps des fêtes) sont monnaie
courante. En procédant de cette façon, les pornocrates créent
une désensibilisation à l'égard de ces pratiques.
Alors que depuis plus de dix ans, les femmes combattent le viol, le
harcèlement sexuel, la violence conjugale, l'inceste et toutes
les formes de violence dont elles sont victimes, la pornographie renforce
les idées préconçues selon lesquelles les femmes sont
responsables de la violence qu'elles subissent parce qu'elles
l'ont provoquée. Le fait que cette violence soit la plupart du
temps simulée ne change rien au message. Nous disons la plupart
du temps, parce qu'il arrive que des films soient produits à partir
d'agressions réelles dans lesquelles des sévices corporels
réels sont infligés aux actrices. Ces films portent le qualificatif
de snuff. L'expression vient du nom d'un film produit il y a
quelques années, dont le titre était SNUFF et
qui a été présenté à New York, film dans lequel
on démembrait et on immolait réellement une actrice. Ce terme
snuff est utilisé, par extension, lorsque des sévices
réels sont infligés aux protagonistes d'un film.
Évaluons le contexte socioculturel qui a permis le développement
d'une image aussi négative et méprisante de la sexualité
féminine et des femmes en général. On ne peut pas croire
que la pornographie ait pu se développer du jour au lendemain,
ni qu'elle soit devenue l'industrie que nous connaissons sans qu'un
système donné ait favorisé son développement. Certes,
il a bien fallu que des moyens techniques soient à sa disposition,
telles l'impression en couleurs, la vidéo. Ces moyens techniques
auraient pu pourtant servir à créer d'autres représentations
sexuelles correspondant mieux à la réalité des femmes.
En fait, l'industrie pornographique n'a fait qu'imprimer, filmer,
diffuser ce qui existait déjà: une vision selon laquelle
les hommes consciemment ou non voient encore aujourd'hui les femmes
comme leur étant inégales socialement.
Certes les femmes sont devenues juridiquement les égales des hommes
mais malgré les changements législatifs des deux dernières
décennies, les hommes détiennent; encore le pouvoir économique
et politique. Par exemple, au Québec, les hommes gagnent encore
une fois et demie le salaire des femmes et le travail domestique reste
encore majoritairement pris en charge par les femmes. Au niveau
politique, nous avons dû attendre 1940 pour voter et aujourd'hui
encore, on ne trouve que peu de femmes à des postes de pouvoir.
Sur le plan sexuel, les femmes sont toujours victimes de plusieurs formes
d'abus. Entre la violence quotidienne, comme le harcèlement
sexuel et les mutilations sexuelles, il existe un grand nombre d'actes
coercitifs, depuis la violence conjugale en passant par l'inceste, le
viol la prostitution. Enfin, il n'est pas assuré que nous
puissions contrôler notre fécondité et déjà
la reproduction est surmédicalisée; qu'on pense aux bébés-éprouvette.
La pornographie fait partie d'un système qui reproduit
la domination économique, politique et sexuelle des femmes au profit
des hommes.
Toutes ces institutions patriarcales et ces actes de violence n'auraient
pu se perpétuer sans qu'une socialisation sexiste imprime
ces valeurs dans les comportements des femmes et des hommes. Notre société
a appris aux femmes qu'il y avait certains vêtements à ne
pas porter, certaines attitudes à ne pas adopter, certains lieux
à ne pas fréquenter à certaines heures. Ces multiples
restrictions sont si fortement intégrées dans la mentalité
que même le système judiciaire excuse certains gestes
violents que les femmes subissent sous prétextes qu'elles l'ont
cherché. Cette façon de penser fait que les agresseurs ont
été dégagés de leur responsabilité criminelle.
Les hommes s'imaginent une sexualité féminine qui devrait
être celle de la femme universelle et s'octroient le pouvoir
de la contrôler.
Dès l'enfance, nous apprenons que les filles et les garçons
sont différents. La compétition, l'ambition, l'agressivité,
l'indépendance sont valorisées chez les garçons alors
que les filles apprennent à être à l'écoute des
autres, tendres, douces, patientes. Ces apprentissages différenciés
selon les sexes ne sont pas basés sur des qualités naturelles.
Nous y sommes conditionnées, à la maison, à l'école,
par les mass-media. Nous avons tellement intégré ces valeurs
et attitudes qu'il nous semble naturel et normal que les femmes soient
passives et les hommes actifs.
La pornographie exploite ces stéréotypes, en particulier
celui de la passivité des femmes. Elle devient un véhicule
privilégié pour le sexisme dans notre société et,
en même temps, une forme d'oppression spécifique des femmes.
La pornographie a pu devenir une industrie florissante grâce à
notre économie capitaliste. Dans notre société de consommation,
tout est achetable y compris la stimulation sexuelle. Le corps féminin
est utilisé pour vendre des autos, des cosmétiques, des boissons,
de la nourriture et c'est ce même corps qui est vendu dans la pornographie.
Ne dit-on pas que l'argent n'a pas d'odeur?
Dans les années soixante, il était de bon ton de considérer
révolutionnaires des revues comme Playboy parce qu'elles
n'associaient plus la nudité au péché, parce qu'elles
osaient tout montrer... Les tabous tombaient les uns après les
autres mais ce n'était que le début d'une autre mystification.
Cette nouvelle ouverture dans l'expression de la sexualité a rapidement
été récupérée par les pornocrates comme devant
être axée vers la jouissance de l'homme, les représentations
du corps des femmes ne servant plus dès lors que d'outil pour atteindre
ce but. La pornographie faisait ainsi totalement abstraction des besoins
et désirs des femmes, ravalant celles-ci au rang d'objets de consommation
sexuelle.
Ainsi, nous ne pouvons pas voir la pornographie comme une libération
mais plutôt comme un des instruments qui servent à maintenir
les femmes dans un état de soumission et qui constitue un
frein à leur droit de contrôler leurs propres corps et de
définir elles-mêmes leur sexualité.
La pornographie nous apparaît donc comme une industrie qui, à
travers la chosification du corps des femmes, l'érotisation de
la violence et la commercialisation de la sexualité, constitue
un agent de promotion des droits des femmes. 5
Cette définition rassemble en quelque sorte l'ensemble des éléments
qui nous permettent d'identifier ce que la pornographie représente
dans notre société.
- DARDIGNA, ANNE-MARIE. Les châteaux d'Eros ou les infortunes
du sexe des femmes, Paris, Maspéro, p.56.
- STEINEM, GLORIA. «Érotisme et pornographie: une différence
claire et nette », in LAURA LEDERER, éd., L'Envers de
la nuit, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 1983,
pp. 37-38.
- CARRIER, MICHELINE. La Danse macabre, Sillery, Apostrophes,
1984, p.8.
- Notons au passage que lorsque des hommes sont représentés
dans la pornographie, leurs caractéristiques sont elles aussi
souvent amplifiées. Par le biais d'extenseurs de pénis et
de crèmes ou pilules permettant des érections prolongées,
le matériel pornographique propose un modèle mâle exceptionnel
autant au plan physique qu'au plan de la capacité sexuelle.
- BUSQUE, GINETTE. Dans divers exposés pour la RRQ.
Le dictionnaire Larousse donne du mot industrie la définition
suivante: l'art d'extraire, de produire et de
travailler des matières premières pour les façonner et
leur donner une utilisation pratique. Lorsque l'on considère
le phénomène de la pornographie, son étendue, l'argent
généré, on se rend compte qu'on se trouve en face d'une
véritable industrie et d'un commerce au sens propre de ces termes.
Dans le cas présent, la matière première est
presque toujours le corps des femmes et plus particulièrement
leurs organes génitaux. À part Play girl et Forum, la plupart
des photographies de ces revues représentent des femmes
seules.1 Après avoir analysé le contenu
des textes et des images de revues populaires pour adultes publiées
en juin 1983, le Comité Badgley a conclu que la plupart des images
représentaient des femmes totalement ou partiellement dévêtues,
dans des positions exposant leurs organes génitaux.2
L'utilisation pratique, c'est la commercialisation de ce type de
représentations qui vise la stimulation sexuelle des consommateurs,
à peu près uniquement des hommes, cette fois-ci.3
En effet, le Comité Badgley a été informé par
des distributeurs sérieux de périodiques que le public
qui achète de la pornographie était presque exclusivement
masculin.3
La pornographie empruntant, pour s'exprimer, la voie de l'ensemble
des médias, le gouvernement canadien ne la traite pas comme
une industrie autonome. Les statistiques sur les différents produits
à caractère pornographique sont intégrées
aux statistiques des diverses industries concernées:
films, revues, vidéo, spectacles, etc. Les données fournies
sont parcellaires et n'ont pas été mises à jour depuis
la parution en 1984 du rapport de la Commission Badgley sur les
infractions sexuelles à l'égard des mineurs. Il est donc,
de ce fait, difficile de fournir des données précises. Malgré
cela, nous possédons suffisamment d'informations pour
donner une idée assez concrète de l'ampleur de l'industrie
de la pornographie.
La croissance de l'industrie de la pornographie ne s'est pas effectuée
de façon linéaire. Même si en 1895 l'invention de la
photographie en couleurs naturelles a permis la commercialisation
de cartes postales dites érotiques, il faut attendre le début
des années 50 et l'arrivée de Playboy sur le marché
pour qu'on assiste à un changement déterminant en matière
de représentation des femmes dans un contexte sexuel.
Après la deuxième guerre mondiale deux phénomènes
majeurs et concurrents se font jour. Ces deux phénomènes influenceront
fortement le contenu et le message diffusés dans le matériel
à caractère sexuel de l'époque.
Le premier est marqué par la propagande intensive qui vise
à persuader les travailleuses de la période de
guerre de réintégrer le foyer pour laisser leurs emplois aux
soldats récemment revenus du front. On assiste alors à une
valorisation de la femme au foyer et de ses capacités d'éducatrice
et à une dévalorisation parallèle du travail rémunéré
à l'extérieur du foyer. Évidemment le rôle de pourvoyeur
est entièrement dévolu aux hommes. La passivité
est présentée comme une qualité intrinsèquement
féminine, alors qu'à l'opposé l'homme est décrit
et perçu comme étant intrinsèquement actif. Ces
caractéristiques seront, tel que mentionné précédemment,
largement exploitées dans le matériel à caractère
sexuel.
Le deuxième phénomène est caractérisé
par le fait que la sexualité devient sujet d'étude.
Le rapport Kinsey est publié en 1948 et l'étude de Masters
et Johnson en 1955. Les résultats de ces recherches ont pour
effet de lever certains interdits en matière de sexualité
et d'exposer la mécanique de l'activité
sexuelle. En s'appuyant sur ces résultats, des revues comme Playboy
et Gallery légitiment le fait que la sexualité constitue
l'intérêt premier de leur contenu.
Pour concurrencer Esquire qui avait publié jusque là
des dessins de femmes à moitié vêtues, Hugh Hefner, fondateur
de l'empire Playboy, va. choisir cette période pour commercialiser
l'image de la femme objet de divertissement sexuel. Il
publie alors une première photo de femme nue, et non la moindre,
celle de Marilyn Monroe qui avait posé pour un calendrier quelque
temps auparavant. On s'arrache le magazine, c'est le début d'un
genre nouveau dans les revues pour hommes.
Bien que l'arrivée de Playboy, en 1953, ait marqué
de façon significative le type de représentation des
femmes offert dans les revues à caractère sexuel, il
n'en faut pas moins attendre quelques années pour qu'on observe
une véritable prolifération de l'industrie de la pornographie
tant par le volume mis en marché que par la diversification des
produits. Le développement de la technologie multiplie les voies
d'expression.
C'est entre 1965 et ces dernières années que l'industrie
de la pornographie a connu une croissance presque phénoménale.
En 1965, on dénombrait une trentaine de revues pornographiques
4, alors qu'en 1980, cinq cent quarante (540) titres figurent
sur les listes pour l'ensemble du Canada5. Ce
chiffre tiré du rapport Badgley représente le chiffre minimal
disponible.5 Cette prolifération des titres entraîne
une augmentation de 326% des ventes de revues, alors que la population
canadienne augmentait pour sa part de 22.4%. ?
Quant à la quantité d'argent mis en circulation par ce marché,
c'est encore le rapport Badgley qui est le plus éloquent à
ce sujet: La valeur commerciale de 12 grands titres seulement
dépassait 41 millions de dollars en 1980. Si la vente de tous
les autres titres sur le marché égale seulement ou dépasse
légèrement celle des 12 publications en question -
supposition plausible - la valeur au détail des
revues pornographiques représenterait probablement un revenu
brut d'au moins 100 millions de dollars par an.8
Les habitudes de consommation de revues pornographiques varient
d'une province à l'autre, l'Alberta venant en tête de liste
pour les ventes par habitant alors que c'est à Terre-Neuve qu'on
constate la plus faible consommation.
Le tableau 1, produit d'après les chiffres de l'Office de la
vérification de la diffusion, couvre toutes les provinces,
ainsi que le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest.9
Une étude dont il est fait état dans le rapport Fraser a
fait ressortir que le sud-ouest de la Colombie-Britannique est une région
où il y a une production pornographique importante et où
l'on peut trouver le matériel le plus extrême.10
Ventes provinciales par habitant de revues pour adultes vérifiées
par l'A.B.C.: 1966, 1973 et 1980
Les revues, bien qu'occupant une place importante dans l'industrie
de la pornographie, ne constituent, d'une certaine manière,
que la partie la plus visible et la plus facilement accessible du matériel
pornographique. Le chiffre de vente de 100 millions de dollars
dont nous parlions précédemment ne tient pas compte,
en fait, de la vente de livres de poche, films, bandes magnétoscopiques
pornographiques, «accessoires sexuels» et des billets d'entrée
aux projections de films dans le circuit commercial n
II faudrait ajouter aussi tout ce qui pourrait être qualifié
d'industrie connexe, c'est-à-dire les bars de danseuses nues et
les boutiques qui se spécialisent dans la panoplie d'objets
et de lingeries proposée par les représentations pornographiques.
Le contenu des saisies de marchandises sexuellement explicites
effectuées entre 1979 et 1981 par la Gendarmerie Royale du Canada
et les Douanes (tableau 2)
Tableau 2________________________________________
Contenu des saisies de marchandises sexuellement explicites: 1979-1981
nous donne un indice non complet, mais quand même suffisamment
indicatif, de la diversité de produits et de l'ampleur de l'industrie
pornographique. 12
L'envahissement du marché par la vidéo à la fin des
années 70 porte, semble-t-il, un coup considérable aux
cinémas spécialisés dans la projection de films pornographiques.
Aux États-Unis, la vente de cassettes vidéo pornographiques
représente 20% de toutes les ventes de cassettes vidéo.
La location de cassettes pornographiques s'est chiffrée,
pour sa part, en 1984, à 54 millions d'unités à partir
de 14 000 points de location répartis à travers tous les états.13
Alors que pour l'ensemble de l'industrie de la pornographie aux États-Unis,
on parle de profits nets annuels se chiffrant dans les milliards de
dollars, c'est autour de 500 millions que les profits se situent pour
l'ensemble du Canada.14 Quant aux chiffres spécifiques
au marché québécois, c'est encore à l'étude
effectuée en 1982 par François Berger, pour le compte du quotidien
La Presse, qu'il faut se reporter. Les principales données
sont les suivantes:
- Clubs de nuit: 63 millions
- Films: 22 "
- Cinémas: 12
- Vidéos: 10 "
- Magazines: 15
- Sexshops: 6
- Autres : 1
On ne peut parler de la pornographie en tant qu'industrie sans
mentionner les milliers de travailleuses qui y sont recrutées.
Ces travailleuses sont souvent jugées responsables du fait
qu'on produise de la pornographie dans notre société. Si elles
n'acceptaient pas de faire ce métier, croit-on, il n'y aurait
plus de pornographie. Cette opinion ne tient pas compte, d'une
part, des difficultés qu'éprouvent une grande quantité
de femmes à se trouver de l'emploi, ni d'autre part, de la culture
patriarcale qui encourage les femmes à se servir
de leur corps pour s'attirer l'approbation des mâles
et les récompense d'être de beaux objets sexuels.15
Il ressort clairement du texte de Laura Lederer dans L'Envers
de la nuit • que les femmes qui s'engagent comme modèles
pour des productions pornographiques sont pauvres ou désespérées
ou les deux à la fois. Elles proviennent de toutes
les classes sociales et sont souvent des adolescentes en fugue
qui n'ont pas d'autres moyens pour survivre.16 De plus, si
elles entrent librement clans le métier, il n'est pas si évident
qu'elles y restent de leur plein gré.
Pour les quelques vedettes qui font fortune, il y a toute la masse
des autres qui travaillent de façon irrégulière et laissent
une grande partie de leurs revenus à l'agence qui les emploie.
C'est aussi un métier où l'on est vite trop vieille et qui
dans l'ensemble n'offre donc pas de bonnes conditions de travail. Ce
témoignage parle par lui-même: II m'est arrivé de
me présenter sur le plateau et d'être obligée
d'en repartir tant les conditions étaient mauvaises.
J'ai perdu deux emplois pour avoir refusé de porter des
costumes encroûtés de sperme et de sécrétions
vaginales. Les femmes qui travaillent pour l'industrie de la
porno ont toujours des vaginites à trichomonas ou quelque autre
infection due aux conditions de travail, qui varient de mauvaises à
carrément intolérables. Il y a eu, à un moment donné,
des épidémies d'hépatite et de mononucléose
dans le milieu. Toute maladie contagieuse se répandait très
rapidement.17 À cela s'ajoutent de multiples
témoignages de mauvais traitements suffisamment éloquents
pour convaincre que le métier de modèle dans l'industrie de
la pornographie n'a rien pour faire rêver.
Comme on peut le constater, il n'est pas indifférent de parler
chiffres quand on cherche à comprendre ce que la pornographie
représente dans notre société. Les chiffres révèlent
l'ampleur, ampleur qui témoigne à son tour, de l'acceptation
de l'exploitation sexuelle dans notre société. Rien ne laissant
croire que cette industrie est en perte de vitesse, ce n'est pas
demain qu'on pourra voir la pornographie comme un phénomène
marginal, sans importance.
- Infractions sexuelles à l'égard des enfants, Rapport
du Comité sur les infractions sexuelles à l'égard des
enfants et des plus jeunes. Rapport Badgley - 1984 — Vol. 2
page 1321.
- La pornographie et la prostitution au Canada. Rapport du
Comité spécial d'étude de la pornographie et de la
prostitution. Rapport Fraser - 1985 - Vol. 1 page 101.
- Infractions sexuelles à l'égard des enfants - Vol.
2, page 1367.
- BADGLEY, volume 2, p. 1351
- BADGLEY, volume 2, p. 1355
- BADGLEY, volume 2, p. 1355
- BADGLEY, volume 2, p. 1375
- BADGLEY, volume 2, p. 1376
- BADGLEY, volume 2, p. 1359
- BADGLEY, volume 1, p. 102
- BADGLEY, volume 2, p. 1376
- BADGLEY, volume 2, p. 1277
- Newsweek: «The War Against Pornography», article
18/3/85 pp. 58-67
- CARRIER, MICHELINE. La pornographie, base idéologique de
l'oppression des femmes. Apostrophe 1983 - p. 30
- LEDERER, LAURA. D'hier à aujourd'hui, dans L'Envers de la
nuit. Éditions du Remue-ménage, page 59.
- LEDERER, LAURA. «D'hier à aujourd'hui», dans L'Envers
de la nuit. Éditions du Remue-ménage, page 61.
- LEDERER, LAURA. «D'hier à aujourd'hui», dans L'Envers
de la nuit. Éditions du Remue-ménage, page 69.
Soutenir que nous sommes influencé-e-s par les images qui circulent
dans la société relève du sens commun; c'est d'ailleurs
sur cette évidence que repose toute l'industrie de la publicité.
Si nous n'étions pas vulnérables aux messages véhiculés
par les images, les entreprises et les gouvernements ne dépenseraient
sûrement pas des milliards de dollars en publicité pour nous
inciter à consommer leurs produits ou pour nous convaincre du bien-fondé
de leurs points de vue.
Analyser la manière dont nous sommes affecté-e-s par la diffusion
des images pornographiques est cependant une question complexe et, pour
y répondre, nous devons tenir compte de plusieurs facteurs.
Ceux qui s'opposent à un contrôle de la pornographie exigent,
la démonstration d'un lien direct entre la violence présentée
dans le matériel pornographique et l'incidence d'actes sexuels
violents. Quant à nous, il ne s'agit pas d'établir ce lien
direct entre le fait de commettre un acte de violence sexuelle donné
et la consommation de matériel pornographique, car les causes de
cette violence sont nombreuses. Même si la pornographie n'est qu'un
facteur parmi tant d'autres, il n'en demeure pas moins important car
c'est surtout à travers la pornographie qu'est véhiculée
l'idéologie selon laquelle les femmes jouissent de la violence
qu'elles subissent.
Ce serait d'ailleurs minimiser les effets de la pornographie que de
les mesurer uniquement en termes d'agression sexuelle tel le viol, et
de ne pas se pencher sur les autres formes de violence comme le harcèlement
sexuel et les comportements sexistes. La pornographie peut avoir aussi
des effets moins directs et moins immédiats qui n'en sont pas moins
réels. Il faut tenir compte d'un ensemble de facteurs comme le
type de pornographie, le contexte dans lequel elle est consommée,
la personnalité du consommateur et ainsi de suite.
Le Comité spécial d'étude sur la pornographie et la
prostitution (Comité Fraser) estime, par exemple, que l'on
manque de données sur le rapport présumé entre l'augmentation
de la pornographie et celle des crimes sexuels. Toutefois, si
le Comité Fraser croit que les recherches sur les effets de la
pornographie ne sont pas concluantes, il endosse la déclaration
du Comité de la justice et des affaires juridiques a l'effet
que la pornographie exploite des femmes parce qu'elles y sont présentées
comme des victimes passives qui tirent une jouissance infinie
de la douleur, de la soumission à des actes de violence,
à l'humiliation et à la dégradation.1
Le comité Fraser conclut que la pornographie a des conséquences
néfastes sur les valeurs fondamentales de la société
canadienne, conséquences qu'il juge assez graves pour justifier
un accès plus restreint au matériel pornographique.
Cette fiche propose un aperçu des recherches sur les effets de
la consommation de matériel pornographique. Nous avons choisi
de vous présenter les recherches selon un ordre chronologique pour
bien montrer les progrès qui ont été réalisés
par rapport à cette réalité difficile à cerner.
Nous avons privilégié les recherches les plus marquantes
des vingt dernières années. Nous avons mentionné pour
chacune des recherches les méthodes utilisées, les résultats
obtenus et les critiques utiles.
Les premières études consacrées aux effets de la pornographie
ont été commandées par la Commission présidentielle
sur l'obscénité et la pornographie aux États-Unis à
la fin des années soixante. Cette commission a conclu en 1970 que
la pornographie n'exerçait aucune influence nocive sur les adultes
ou les adolescent-e-s. Les recherches, pour la commission américaine,
ont également permis d'observer que la pornographie agissait
comme stimulant sexuel: les hommes se sont révélés beaucoup
plus excités sexuellement que les femmes par le matériel présenté.
Les réticences des femmes ont été interprétées
comme dénotant des inhibitions sociales et culturelles. Forts de
ces deux conclusions, des spécialistes de la sexualité ont
même suggéré l'utilisation de matériel sexuellement
explicite en thérapie sexuelle.
Les recherches de cette époque qui ont prétendu à la
non-nocivité de la pornographie ont été sérieusement
mises en doute par la suite. Plusieurs lacunes ont été mises
en évidence entre autres:
- La commission a négligé d'examiner l'influence de la pornographie
violente moins répandue à l'époque mais existante quand
même.
- Elle a supprimé des données qui suggéraient un lien
entre la pornographie et la violence.
- La Commission n'a fait aucune distinction entre la pornographie
et l'érotisme: elle a utilisé l'expression matériel
sexuellement explicite, expression ambiguë qui recouvre tout
autant la dégradation et la violence que l'érotisme.2
- La majeure partie du matériel utilisé mettait en scène
des sentiments amoureux exprimés par les partenaires dans un
scénario où les scènes sexuelles n'avaient pas une
place prédominante. Nous sommes loin des scénarios
présentés dans la pornographie où les scènes autres
que sexuelles ne sont que des intermèdes.
5. Les chercheurs ont choisi comme modèle théorique
celui de la catharsis comme cadre pour leurs recherches. Si ce modèle
avait été autre, les résultats auraient été
bien différents. Il y a deux écoles de pensée pour l'étude
des comportements humains s'appuyant sur des philosophies différentes.
Ces écoles de pensée utilisent deux modèles théoriques:
le modèle de la catharsis et le modèle de l'imitation.
Ce modèle prend pour acquis l'existence dans la nature humaine
de forces asociales qui cherchent à s'exprimer de différentes
façons. Selon cette théorie, l'agressivité est une composante
inhérente de la sexualité masculine; la consommation
de pornographie fournirait donc une soupape de sécurité
qui permettrait aux hommes de libérer cette agressivité.
Ce modèle a été critiqué à maintes reprises,
et plus les recherches progressent, moins il trouve d'assises scientifiques.
Celui-ci se fonde sur l'apprentissage des rôles sexuels
et non sur la présence d'une agressivité sexuelle naturelle
chez l'homme. En ce qui a trait à la représentation
de la violence, ce modèle démontre que lorsque l'agresseur
est puni pour la violence qu'il exerce, les spectateurs ont moins tendance
à l'imiter. Par contre, lorsque l'agresseur est valorisé (ce
qui est le cas dans la plupart des productions pornographiques),
les spectateurs sont plus susceptibles de l'imiter ou d'adopter eux-mêmes
des attitudes qui cautionnent la violence.
Ce modèle théorique a été utilisé par la Commission
présidentielle américaine sur les crimes et la prévention
de la violence qui a siégé en 1969. Cette commission a conclu
que la violence dans les médias pouvait provoquer des comportements
violents chez les individu-e-s, conclusion contraire à celle à
laquelle était arrivée la Commission sur l'obscénité
et la pornographie. La contradiction apparente entre les conclusions
des deux commissions citées ci-dessus s'explique donc en grande
partie par le choix du modèle théorique.
Il est donc clair que les conclusions de la commission américaine
ne doivent plus être considérées comme des références
fiables du fait des nombreuses lacunes et partis-pris des recherches
sur lesquelles elles se fondent.
C'est le modèle de l'imitation qui est privilégié dans
de nombreuses recherches depuis une quinzaine d'années. Les chercheurs
qui ont critiqué les conclusions de la commission américaine
sur l'obscénité et la pornographie ont donné naissance
au début des années soixante-dix à un champ d'études
en psychologie sociale: l'examen du lien présumé entre l'agressivité
et la pornographie. Les recherches qui ont été réalisées
dans ce cadre étaient généralement effectuées selon
la méthodologie des recherches en laboratoire.
La recherche en laboratoire est une des méthodes qui permet de
connaître les mécanismes psychologiques de l'être humain.
Les recherches en laboratoire conçues pour évaluer les réactions
des consommateurs face à la pornographie utilisent les techniques
suivantes :
- on recrute de jeunes étudiant-e-s d'université comme sujets
d'expérience;
- les sujets sont divisés en deux ou trois groupes, selon le
type de matériel qui leur sera présenté, i.e. du plus
au moins violent, du plus au moins sexuellement explicite;
- on expose les sujets à des stimuli sexuels (photos, films,
récits) pendant de courtes périodes, plusieurs jours de
suite ou plusieurs fois dans une même journée;
- on mesure immédiatement après la présentation du
matériel le niveau d'agressivité des sujets:
- soit à l'aide d'un questionnaire;
- soit en mesurant l'intensité des chocs électriques qu'ils
ou elles croient administrer à une personne-cible;
5. certaines expériences ont ajouté une étape: on vérifie
si les effets du stimulus sont différents lorsque les sujets sont
déjà dans un état de colère, par exemple lorsque
la personne-cible les a préalablement provoqués verbalement.
Les recherches ayant utilisé ces techniques ont été
nombreuses. Nous avons choisi de vous présenter les résultats
des expériences les plus significatives.
En 1971, le chercheur Dolf Zillman a démontré que l'intensité
des chocs électriques administrés était différente
selon que l'on avait vu un film violent (match de boxe), un film explicitement
sexuel ou un film neutre (un documentaire sur les voyages de Marco Polo).
Les sujets qui administrèrent les chocs de la plus haute intensité
furent ceux qui avaient vu le film sexuel, laissant loin derrière
eux ceux qui avaient visionné le film violent. De plus, ceux qui
avaient été agressés verbalement, avant le visionnement
du film à caractère sexuel, présentaient les comportements
les plus agressifs. D'autres études réalisées avec des
objectifs semblables ont eu des résultats différents, voire
opposés.3
En 1975, intrigués par ces résultats divergents, les chercheurs
Edward Donnerstein et Neil Malamuth, considérés actuellement
comme des spécialistes dans ce domaine, ont voulu intégrer
une autre dimension: celle du type de matériel sexuel présenté.
Trois catégories de matériel ont été utilisées:
Typel: La tendresse entre les partenaires est l'élément
essentiel.
Type II: Suite d'activités sexuelles sans expression
de sentiments entre les partenaires.
Type III: L'agression sexuelle est le thème principal
par exemple: viol, ligotage ou encore contraintes pour adopter certaines
positions sexuelles.
Donnerstein et Malamuth ont démontré que:
les sujets exposés au matériel sexuel du type
I
- étaient distraits, voire détournés de leur colère
même s'ils avaient été préalablement agressés
verbalement;
- lorsque la provocation suivait l'exposition au matériel, plus
le sujet avait été excité sexuellement, plus il était
devenu agressif;
Le matériel sexuel de type I avait donc comme
effet principal d'exacerber les sentiments, dans ce cas-ci, l'agressivité;
le matériel de type II développait de toute
évidence des sentiments d'agressivité et ce,
que la mise en colère précède ou suive l'exposition
au matériel. Ainsi ces chercheurs remettaient en cause fondamentalement
l'idée que la pornographie soit une soupape de sécurité;
le matériel de type III est quant à lui
celui qui favorise le plus l'expression et l'augmentation
de l'agressivité.
Durant toute cette décennie, on a aussi montré, fait essentiel,
que quel que soit le type de matériel utilisé, le niveau d'agressivité
des sujets était différent si leur cible était un homme
ou une femme : en effet, les sujets masculins donnèrent des chocs
d'une plus grande intensité lorsque leur cible était une femme.
Le chercheur Edward Donnerstein a tenté d'expliquer ce résultat.
Il croit que parce que le matériel pornographique représente
les femmes dans des rôles de soumission et de victime, il
semblerait que les sujets masculins de l'expérience associent
les femmes à des victimes potentielles. Ils confondraient
ainsi la femme cible et une victime potentielle. Comme le matériel
sexuellement explicite a comme principal effet d'augmenter les sentiments
d'agressivité, les hommes sujets dans l'expérience donnèrent
donc des chocs d'une plus grande intensité aux femmes cibles.
Suite à ces conclusions, les chercheurs ont émis l'hypothèse
que si les résultats de leurs recherches en laboratoire étaient
transposés dans la société, la pornographie,
puisqu'elle représente des scènes de violence sexuelle, pourrait
amener des individus consommateurs à commettre des actes asociaux
comme des agressions sexuelles.
Les recherches des années quatre-vingt marquent un point tournant
dans la mesure où les chercheurs commencent à s'intéresser
spécifiquement à la violence faite aux femmes. Ces recherches
se fondent sur les hypothèses féministes et certaines
d'entre elles s'inspirent directement de l'ouvrage de Susan Brownmiller
sur le viol •. Ainsi, E. Donnerstein et L. Berkowitz se préoccupent
des réactions de la victime dans les films pornographiques parce
que ce sont souvent ces réactions qui justifient et rendent le
viol légitime. En effet, dans la plupart des films pornographiques
présentant une scène de viol, la victime commence par se débattre,
puis elle ressent tout à coup une sensation incontrôlable,
un plaisir d'une intensité extrême et inattendue. Les réactions
de la victime entraîneraient donc les sujets masculins à associer
souffrance et plaisir.
Dans la première partie de cette expérience, Donnerstein
et Berkowtiz veulent mesurer les effets de la présentation de deux
scénarios.
Scénario 1 : une scène de viol dans laquelle la victime
atteint ultimement l'orgasme.
Scénario 2: une même scène où la souffrance
de la victime est manifeste du début à la fin.
Les chercheurs feront visionner les deux différents scénarios
à deux groupes de sujets qui seront préalablement mis en colère,
chaque groupe ne visionnant qu'un seul de ces scénarios.
Les résultats indiquèrent:
• que les sujets mis en colère donnèrent les chocs
de la plus haute intensité, i.e. exprimèrent le plus d'agressivité
lorsque la victime avait ressenti un orgasme.
Ceci signifierait que le recours au viol comme moyen de faire jouir
une femme n'est pas condamné par les sujets, puisqu'il
fait augmenter l'excitation générale de ceux-ci en exacerbant
leur agressivité.
• cependant, des chocs électriques presque aussi intenses
furent administrés par les sujets ayant visionné la scène
de viol dans laquelle la victime souffre continuellement.
Pour expliquer ce résultat, Donnerstein et Berkowitz
émirent l'hypothèse qu'un individu en colère
veut faire souffrir et qu'il convertit les signes de souffrance
émis par la victime en stimulus d'agression.
Quand le sujet est prédisposé à l'agressivité,
les indices de douleur feront augmenter cette prédisposition.
Les auteurs veulent vérifier cette dernière proposition dans
la seconde partie de l'expérience. Dans cette seconde partie
de l'expérience, les deux mêmes scènes de viol sont présentées
à quatre groupes:
- deux groupes de sujets mis en colère et visionnant chacun un
des deux scénarios ;
- deux groupes non provoqués, visionnant aussi chacun un des
deux scénarios.
Les résultats indiquèrent que:
- chez les sujets préalablement mis en colère, les réactions
furent très agressives peu importe la scène visionnée;
- chez les sujets non provoqués, l'agressivité était
manifeste lorsque la victime jouissait durant le viol;
- elle chutait de façon marquée si la victime souffrait
pendant le viol.
Les auteurs concluent que, selon eux, ces données démontrent
que le matériel pornographique est dangereux pour plusieurs raisons:
- parce que la violence explicite y est de plus en plus présente,
- parce que dépeindre une femme qui jouit pendant qu'elle se
fait violer (comme c'est souvent le cas dans la production pornographique)
revient à justifier la violence employée,
- parce qu'exploiter le thème de la souffrance d'une femme victime
de violence sexuelle afin d'exciter sexuellement les individus
peut stimuler l'agressivité des hommes qui ont de faibles inhibitions
envers l'agression contre les femmes,
- parce qu'ils sont convaincus que l'addition de la violence explicite
peut faire augmenter la violence d'un individu.4
Alors qu'auparavant on croyait qu'il était nécessaire de
mettre les sujets dans un état de colère pour que leur agressivité
s'exprime, on s'est rendu compte, dans bon nombre de cas, qu'il suffisait
de les mettre en présence de femmes, toutes des victimes
potentielles.
Dans le cadre d'une autre expérience, on présente aux
sujets (hommes et femmes) deux versions d'un récit sado-masochiste
tiré du magazine Penthouse.
- Dans la version de type l dite érotique,
les passages violents ont été éliminés.
- Dans la version de type 2 qualifiée de violente,
la victime éprouve une jouissance sexuelle alors qu'elle est
violée.
Les résultats de cette recherche démontrent des réactions
bien différentes chez les étudiants et les étudiantes.
Ainsi la version violente du récit
• rend moins vive le degré de souffrance réel de
la victime et provoque une plus grande excitation sexuelle chez les
sujets masculins.
Les sujets femmes, par contre,
- s'identifient davantage à la victime. Elles ne croient pas
qu'elle ait ressenti du plaisir pendant le viol, et
- elles ne minimisent pas le degré de responsabilité du
violeur.
De plus, il semblerait que les sujets hommes croient à certains
mythes sur le viol. En effet:
- 25% des sujets croient que certaines femmes ressentiraient du plaisir
à prendre la place de la victime.
- Alors que les femmes sujets affirment que, quant à elles, elles
ne ressentiraient aucun plaisir, sous aucune condition, à être
à la place de la victime.
- Une autre série de données indique que 51% des sujets
masculins violeraient, s'ils étaient sûrs de ne pas être
découverts.5
Selon les auteurs, ces résultats pourraient soutenir l'idée
que le viol est le prolongement d'attitudes normales dans la
société. Ils rejoindraient aussi la proposition de Susan Brownmiller,
l'auteure d'un essai sur le viol, selon laquelle certaines formes de
pornographie créent une image essentiellement masochiste des femmes
et que la consommation de pornographie altère les réactions
des consommateurs. Cependant les auteurs font une mise en garde: ce
n'est pas parce qu'on ne rejette pas l'idée de violer un jour qu'on
va réellement passer à l'acte. Ces données peuvent quand
même être un indicateur d'une tendance qui, combinée
avec d'autres facteurs, pourrait conduire au viol. De plus, ils soulignent
que l'idée qu'on pourrait un jour violer une femme est en relation
avec le fait de croire que les hommes sont enclins au viol, que
c'est un comportement normal et que les femmes éprouvent
du plaisir à être attaquées sexuellement, message répété
voire martelé dans la pornographie.
La pornographie renforce donc les mythes entourant le viol, comme par
exemple quand une femme dit non, cela signifie oui; les femmes
violées l'ont mérité, elles l'ont cherché; les hommes
ont besoin de violer; les femmes jouissent lors d'un viol, etc. En présentant
les femmes comme des êtres masochistes, la pornographie contribue
à normaliser le viol et d'autres formes de violence sexuelle.
Enfin, mentionnons les conclusions de l'étude réalisée
par Seymour Feshbach and Neil Malamuth démontrant qu'une seule
exposition à de la pornographie violente peut influencer
de façon significative les réactions érotiques face à
la représentation du viol.6
Ces recherches sont importantes car elles démontrent effectivement
que la pornographie violente encourage les attitudes de tolérance
envers la violence faite aux femmes. Certaines critiques s'imposent
néanmoins quant aux problèmes éthiques soulevés
par la méthodologie de ces recherches.
Les problèmes éthiques sont reliés au fait qu'on ne
mesure pas les répercussions de ces expériences sur
la vie privée des sujets qui y participent. Ces étudiantes
et étudiants sujets sont sans recours face aux traumatismes
qu'elles-ils peuvent subir. Depuis 15 ans, on a examiné abondamment
l'influence du matériel pornographique sur les comportements agressifs,
mais ce n'est que depuis peu qu'on applique des procédés de
déconditionnement afin que les comportements suscités
en laboratoire ne soient pas aussi reproduits à l'extérieur.
La recherche de la chercheuse Carol Krafka est exemplaire à ce
titre. En plus de n'avoir sélectionné que des femmes comme
sujets d'expérience afin d'avoir des données sur l'impact
de la pornographie auprès des femmes (domaine jusqu'ici peu exploré),
elle a mis une emphase unique sur le déconditionnement des sujets.
Les rapports de recherche font aussi montre d'une froideur objective
que les femmes tolèrent difficilement face à un sujet comme
le viol. Comme le souligne Diana Russel dans une critique pertinente
de ces recherches, demander à une étudiante si elle aimerait
être à la place de la victime dans un récit de
viol équivaut à demander à un Noir s'il désire
secrètement être battu par les Blancs! Dans ce genre d'études,
le contexte social et le contenu politique de la violence faite aux
femmes ont été trop longtemps évacués au profit
d'une pseudo-objectivité scientifique.
Malgré l'évolution de la recherche par le biais de l'intégration
des préoccupations féministes au début des années
quatre-vingt, il convient de rappeler que ce sont les hommes qui contrôlent
la science dans notre société par le biais des subventions
de recherches. Ils ont ainsi privilégié l'approche
quantitative en laboratoire au détriment de l'approche visant à
comprendre la pornographie à partir de l'expérience des femmes
ou encore à partir de sujets ayant commis des agressions sexuelles,
pour tenter d'actualiser les recherches en laboratoire. Ce sont ces
nouveaux champs de recherches que les femmes ont le plus souvent investis.
Parmi les recherches faites hors laboratoire et ayant comme principal
objectif de tenter d'identifier le lien entre les actes de violence
sexuelle commis et la pornographie dans la société en général,
nous en mentionnerons cinq dont deux sont québécoises et sont
le fruit d'une collaboration entre des chercheuses et des groupes de
femmes impliquées quotidiennement dans la lutte contre la violence
faite aux femmes.
La chercheuse Gladys Shultz a visité quelques prisons américaines
et a interrogé des délinquants sexuels sur la pornographie
et le rôle qu'elle aurait joué comme déclencheur d'un
acte criminel. La moitié des hommes interrogés lui ont avoué
que la pornographie avait joué un rôle très précis
dans leurs crimes, soit en les excitant, soit en leur montrant quoi
faire ou les deux.8
Micheline Carrier rapporte une expérience californienne menée
auprès de sept groupes d'hommes, incluant des violeurs. Elle relève
que 57% de ces derniers ont pratiqué sur leurs victimes les actes
vus au préalable dans des films ; 77 % de ceux qui avaient molesté
des garçonnets et 87% de ceux qui s'en étaient pris à
des fillettes avaient tenté de mettre en pratique l'enseignement
des films pornographiques.9
Plus près de nous, à Cowansville, un groupe de femmes, la
collective Par et Pour Elle, a entrepris en 1985 une étude auprès
de trois groupes d'hommes dont deux groupes étaient formés
de détenus dans un pénitencier. Un de ces deux groupes était
constitué de détenus reconnus coupables d'une agression physique
ou sexuelle envers une femme. Leurs conclusions ne diffèrent pas
de celles déjà connues. Il semble bien qu'il existe un lien
entre la consommation de pornographie et le fait de commettre des actes
violents, sexuels ou non, contre les femmes. Ainsi le groupe de détenus
coupables d'agression sexuelle ou physique envers une femme était
le groupe qui consommait le plus de matériel pornographique, avant
l'incarcération. De plus, les hommes qui ont manifesté le
plus de violence vis-à-vis leur conjointe étaient le plus
souvent des consommateurs de pornographie. 10
Un autre thème de recherche développé par les chercheuses
porte sur l'étude des effets de la pornographie sur l'image que
les femmes ont d'elles-mêmes.
En effet, l'idéologie qui sous-tend la pornographie joue un rôle
important dans le maintien de certaines attitudes chez les
femmes même si généralement elles ne consomment pas ce
type de matériel. La pornographie impose des stéréotypes
quant à l'apparence physique et à la performance
sexuelle qui génèrent des sentiments d'infériorité
et qui empêchent les femmes d'avoir confiance en elles. Ainsi,
Judith Bat-Ada, étudiant l'intériorisation par les femmes
de l'image corporelle pornographique, constate que les mensurations
de leurs propres corps, fournies spontanément par les femmes,
font état de 3 à 5 cm de moins pour le tour de taille et de
3 à 5 cm de plus pour leur poitrine. Qui plus est, au cours de
cette étude, les femmes avaient tendance à rentrer le
ventre et à gonfler la poitrine afin de se conformer le plus possible
aux fameuses mensurations idéalisées par Playboy (36"-24"-34"
ou 96 - 55 - 90 cm). La pornographie affecte donc aussi l'image
que les femmes ont de leur corps:
...nous dissimulons la réalité de notre physique
et ce que nous sommes réellement et nous mentons beaucoup pour
être à la hauteur d'une illusion. En d'autres termes, nous
nous détestons énormément.11
La pornographie n'affecte pas seulement l'image que les femmes ont
de leur corps; elle les atteint aussi par les comportements qu'elle
peut susciter chez les consommateurs comme l'ont démontré
l'étude de Diana Russel et celle du Regroupement provincial
des maisons d'hébergement et de transition pour les femmes victimes
de violence.
6.3.1 Une enquête à San Francisco en 1978
Une chercheuse de San Francisco a interrogé, en 1978, 933 femmes
pour connaître leurs réactions et leur vécu au sujet
de la pornographie. Les femmes interrogées constituaient
un échantillon représentatif des habitantes adultes
de San Francisco. On leur demandait si elles avaient déjà
été mal a l'aise parce que des hommes (un conjoint,
compagnon ou amant) ayant consommé un quelconque matériel
pornographique, avaient essayé de les amener à
faire ce qu'ils avaient vu. Diana Russel cherchait à savoir si
les femmes pouvaient identifier dans leur vie quotidienne en quoi la
pornographie était à l'origine d'une forme quelconque de coercition
sexuelle:
- 10% des femmes interrogées ont pu clairement repérer la
pornographie comme la source d'une agression qu'elles avaient
subie de la part d'un proche. Il est fort probable qu'un
des nombreux éléments de la pornographie soit venu renforcer
et légitimer ces actes dans l'esprit des agresseurs.
- Dans certains cas, c'est le matériel pornographique
qui a donné l'idée de certains actes.12
Ainsi, cette femme parlant de son conjoint relate une expérience
répandue chez les femmes interviewées:
II allait voir des films porno, puis rentrait à la maison
en disant: j'ai vu ça dans un film, on va l'essayer. Je me sentais
vraiment exploitée, comme si on me mettait dans un moule.13
Une autre femme déclare qu'elle avait l'impression d'être
utilisée comme un objet; plusieurs constatent que les hommes
leur ont demandé de se plier à des pratiques sexuelles
violentes.14
Le pourcentage réel de femmes victimes de la consommation de pornographie
est probablement plus élevé. Dans l'étude de Diana Russel,
le 10% de victimes n'inclut que les cas où les femmes étaient
conscientes ou savaient que leur partenaire s'était inspiré
de matériel pornographique.
6.3.2 Une enquête québécoise en 1986
L'étude la plus récente sur le sujet a été réalisée
par le Regroupement provincial des maisons d'hébergement
et de transition pour femmes victimes de violence; 38 des 44 maisons
membres du Regroupement ont participé à cette étude permettant
ainsi de recruter des répondantes pour l'ensemble des régions
du Québec; 264 questionnaires ont été retenus pour
l'analyse et de ce nombre, 99 avaient été remplis par
des résidentes de ces maisons, les autres par des ex-résidentes
choisies au hasard. Le questionnaire, en plus de rassembler des données
socio-démographiques comme l'âge, le nombre d'enfants, inclut
des données rarement comprises dans une étude sur la violence
sexuelle telles que l'état de santé de la répondante,
ses opinions sur la sexualité, ses antécédents familiaux
face à la violence ainsi que ceux de son conjoint, le contexte
d'apprentissage de la sexualité ainsi que son vécu sexuel,
la fréquence de consommation de matériel pornographique
et le rapport entre cette consommation et la coercition sexuelle. Une
attention particulière a été portée aux réactions
exprimées par les femmes suite à leur participation à
l'enquête de même qu'un service de garde a été proposé
à celles qui le désiraient.
Cette enquête a révélé que la consommation
de matériel à contenu pornographique s'avère fort répandue
chez les conjoints de l'ensemble des répondantes (63,7%). Il ressort
aussi que 83% des répondantes ont été maltraitées
sexuellement par leur conjoint et que 60,5% des hommes qui maltraitent
sexuellement leur conjointe pensent ou alimentent
leurs fantasmes sexuels d'images ou de pratiques véhiculées
parla pornographie. 15
Enfin, en moyenne, trois hommes sur quatre qui ont recours
à la violence sexuelle consomment fréquemment de la
pornographie.
Ces études démontrent concrètement, à partir
du vécu des femmes, que la pornographie a des effets réels
sur les attitudes et les comportements des consommateurs, effets qui
vont se répercuter éventuellement sur les femmes qu'ils côtoient.
De manière plus intéressante encore, ces études mettent
en relief que bon nombre de femmes sont capables d'identifier la source
de ces attitudes et de ces actes de violence.
Les recherches concernant l'impact de la pornographie démontrent
sa nocivité. Le matériel pornographique n'a pas que des effets
sur les consommateurs en augmentant leur agressivité. Il fait agir
cette agressivité sur les conjointes ou les femmes plus généralement.
Certes, la pornographie ne peut être considérée
comme la seule responsable des actes décrits car elle fait partie
d'une politique sexiste et patriarcale plus globale. Elle ne peut
être responsable de toutes les violences mais elle permet d'entretenir
le climat de tolérance générale face à la violence
faite aux femmes.
D'autres recherches seront nécessaires pour démontrer
encore la complexité des réactions psychologiques suscitées
par la pornographie, bien sûr auprès des consommateurs
mais aussi auprès des victimes. Il sera aussi essentiel de poursuivre
les pistes qu'ont commencé à explorer les groupes de femmes
qui travaillent auprès des femmes de tous âges battues, violées
et victimes d'inceste.
1. Comité spécial d'étude sur la pornographie
et la prostitution.
Ottawa, 1985, tome 2, pp. 110-111.
- CARRIER, MICHELINE. La Danse macabre. Apostrophes, Sillery,
1984, p. 34.
- CODERRE, CÉCILE ET RICHARD POULIN. La Violence pornographique.
Hull, Asticou, 1986, p. 98.
- CODERRE, CÉCILE ET RICHARD POULIN. La Violence pornographique,
Hull, Asticou, 1986, p. 101.
- RUSSELL, DIANA. «La pornographie et la violence: les recherches
récentes», in Laura Lederer, éd., L'Envers de la
nuit, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 1983,
p. 254.
- RUSSELL, DIANA. «La pornographie et la violence: les recherches
récentes», in Laura Lederer, éd., L'Envers de la
nuit, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 1983,
p. 262.
- KRAFKA, CAROL. Texte miméo.
- JONES, ANN. «Une certaine connaissance des choses», in
Laura Lederer, éd., L'Envers de la nuit, Montréal,
Éditions du Remue- Ménage, 1983, p.202.
- CARRIER, MICHELINE. La Danse macabre, Apostrophes, Sillery,
1984, p. 28.
- COLLECTIVE PAR ET POUR ELLE. Pornographie, Cowansville,
1986, pp. 126-127.
- JUDITH BAT-ADA. «Playboy ne joue pas! » in Laura Lederer,
éd., L'Envers de la nuit, Montréal, Éditions
du Remue-Ménage, Montréal, 1983, p. 141.
- RUSSELL, DIANA, «La pornographie et la violence: les recherches
récentes», in Laura Lederer, éd., L'Envers de la
nuit, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 1983,
p. 260.
- RUSSELL, Ibid., p. 257.
- RUSSELL, Ibid., p. 266.
- REGROUPEMENT PROVINCIAL DES MAISONS D'HÉBERGEMENT ET DE TRANSITION
POUR FEMMES VICTIMES DE VIOLENCE. La sexualité blessée.
Étude sur la violence sexuelle en milieu conjugal,
Montréal, 1987, p. 74.
Dans cette fiche, nous ferons un bref exposé des lois auxquelles
il est possible de recourir pour s'attaquer à certains aspects
de la pornographie. Dans la première partie, nous concentrerons
notre attention sur l'analyse de l'article 159.8 du Code criminel
canadien, article dont l'analyse demeurera pertinente même
après l'adoption d'une nouvelle loi sur la pornographie. Il est
en effet toujours utile d'avoir une perspective globale sur le développement
du droit dans un domaine comme celui-ci. Nous résumerons ensuite
le nouveau projet de loi sur la pornographie déposé au printemps
87 par le ministre fédéral de la Justice. Enfin, nous aborderons
les autres recours susceptibles d'être utilisés
pour s'attaquer à la pornographie sur le plan juridique.
Un document abordant la question en matière de pornographie a été
produit par le Conseil du statut de la femme sous le titre Pornographie:
passons à l'action. Nous le recommandons à ceux et
celles qui veulent fouiller davantage la question.
Le principal recours en matière de pornographie L'article
159(8) du Code criminel (C.cr) canadien: rôle et
éléments constitutifs
Rôle
L'intérêt premier de cet article réside dans le fait
que c'est celui dans lequel le législateur fédéral définit
l'obscénité. Le mot pornographie
n'est pas utilisé dans la définition du Code criminel ; le
législateur lui a préféré le mot obscénité.
C'est donc ce dernier mot que nous devons utiliser dans le cadre de
l'étude de l'article 159(8) C.cr., même si en fait nous visons
un autre concept.
Cette définition de l'obscénité joue un rôle clé
dans le contrôle de la pornographie parce que c'est celle sur laquelle
les poursuites intentées en vue d'obtenir des sanctions pénales
ont été fondées jusqu'à maintenant.
En effet, l'obscénité fait partie des matières qui,
par leur essence même, se rattachent au domaine criminel.
Or, c'est le gouvernement fédéral qui a juridiction
exclusive sur ces matières, ce qui a pour effet, entre autres,
d'empêcher les gouvernements provinciaux (par ailleurs responsables
de l'application du Code criminel), d'adopter des lois pénales
sur la pornographie et d'élaborer leur propre définition de
celle-ci.
Ceci démontre jusqu'à quel point il est essentiel que la
définition du Code criminel soit aussi claire et précise que
possible.
Éléments constitutifs
L'article 159(8) du Code criminel se lit comme suit: Aux
fins de la présente loi, est réputée obscène toute
publication dont une caractéristique dominante est
l'exploitation indue des choses sexuelles, ou de choses sexuelles
et de l'un quelconque ou plusieurs des sujets suivants,
savoir: le crime, l'horreur, la cruauté et la violence.
Les éléments qui doivent être prouvés pour qu'une
publication soit jugée obscène sont donc:
- l'exploitation indue des choses sexuelles ou des choses sexuelles
et du crime, de l'horreur, de la cruauté ou de la violence;
- le fait que cette exploitation indue soit une caractéristique
dominante de l’œuvre.
Remarquons au préalable que l'article 159(8) C.cr. ne vise explicitement
que les publications. Cela n'a cependant pas eu pour effet d'en limiter
l'application aux seuls imprimés. Mais toutes les personnes intéressées
aux amendements à apporter à l'article 159(8) C.cr.
préconisent quand même une formulation incluant tous les médias.
C'est à l'idéologie qui se dégage de l'article 159(8)
C.cr. que nous devons nous arrêter en premier lieu car c'est sur
ce plan que se situent les enjeux les plus importants.
Dans la première partie de cet article, c'est-à-dire dans
celle qui réfère à l'exploitation indue des choses
sexuelles, nous pouvons constater à quel point le législateur
a adopté une perspective moraliste à l'égard de la pornographie.
Cette perspective, qui se traduit au niveau du langage, risque fort
d'être retrouvée au niveau des concepts mêmes. Il est
assez évident que dans cette loi, les choses sexuelles sont
perçues, de par leur nature même, comme étant synonymes
de mal, de répugnant. De là, évidemment,
découle la nécessité de ne pas en permettre la représentation
au-delà de certaines limites. Le législateur s'attaque en
fait à l'immoralité sexuelle; le titre de la section du Code
criminel qui contient l'article 159(8), Infractions tendant à
corrompre les mœurs, est assez éloquent.
Courants jurisprudentiels
La majorité des jugements rendus jusqu'à maintenant se sont
conformés a la philosophie moraliste de l'article 159(8)
et, en mettant l'accent sur la dépravation et l'immoralité,
ont en général maintenu le débat à un niveau où
la discrimination dont les femmes sont victimes dans la pornographie
n'a pas été mise en lumière ni dénoncée. Cependant,
un certain nombre de décisions récentes J
tendent heureusement à établir un courant jurisprudentiel
beaucoup plus sensible au message anti-femmes diffusé par la pornographie.
Quant à nous, nous ne nous opposons pas à la représentation
des choses sexuelles; nous croyons que celle-ci ne devient répréhensible
que si les choses sexuelles sont associées à la violence,
à la dégradation ou à l'infériorisation des sujets
en cause.
L'exploitation indue
Dans la preuve qui doit être faite de l'exploitation indue des
choses sexuelles, ce n'est pas dans l'interprétation de ce qui
est considéré comme choses sexuelles que les difficultés
surgissent, mais plutôt dans l'interprétation
de ce qui est indu.
L'angle des normes sociales
La notion même de ce qui est indu présuppose un jugement
de valeur, donc une appréciation forcément subjective
des faits. C'est un terme qui en soi ne fait pas appel à un cadre
précis de référence. Pour se situer dans une perspective
aussi objective que possible, les tribunaux ont donc dû développer
des critères qui ne font pas appel à la seule appréciation
des juges. Ils se réfèrent, entre autres, à ce qu'il
est convenu d'appeler les normes sociales, desquelles ils
exigent qu'elles soient représentatives de l'opinion de l'ensemble
des Canadiens et Canadiennes.2 II faut en arriver
à quelque chose qui se rapproche de la moyenne générale
des opinions et des sentiments de la société, disait le
juge Friedman de la Cour d'appel du Manitoba.3
Sous une apparence d'objectivité, cette recherche des normes sociales
de tolérance demeure donc hautement subjective. L'addition
d'opinions individuelles peut permettre de rendre une décision
démocratique mais elle n'offre pas, de ce seul fait, une garantie
d'objectivité. La juge Wilson a très bien compris la fragilité
de ce procédé lorsqu'elle affirme:
.. la norme sociale elle-même comporte nécessairement
un élément de subjectivité puisqu'il s'agit d'objectiver
les points de vue subjectifs de toute la société sur la question
de savoir quel degré d'exploitation des choses sexuelles est acceptable.4
Une société sexiste a toujours du mal à reconnaître
les manifestations de discrimination sexuelle qu'elle engendre et on
ne peut s'attendre à ce qu'elle condamne ce qu'elle ne reconnaît
même pas.
L'angle de la nocivité
Heureusement, le caractère indu d'une oeuvre ne se prouve pas
uniquement par les normes sociales de tolérance. D'autres avenues
s'offrent au juge; c'est du moins l'espoir que fait naître l'opinion
exprimée par le Juge en chef de la Cour suprême dans le jugement
précité:
Même si parfois il y a coïncidence entre
ce qui n'est pas toléré et ce qui est nocif pour
la société, il n'y a pas nécessairement
de lien entre ces deux concepts. Ainsi, la définition du
mot indu doit viser également les publications
nocives pour les membres de la société et, par
conséquent, pour l'ensemble de la société.
Les publications qui ont trait aux choses sexuelles et qui
représentent des personnes d'une manière dégradante,
comme faisant l'objet de violence, de cruauté
ou d'autres formes de traitement déshumanisant, peuvent
être indues au sens du par. 159(8). 5
Il est permis d'espérer que le développement d'une telle
perspective donnera plus de crédibilité à
la présentation en preuve devant les tribunaux des études
qui concluent à la nocivité du matériel pornographique.
On ne se demande pas ce que les Canadiens pensent chaque fois qu'un
meurtre est commis, ainsi devrait-il en être de toute la pornographie
qui propose comme divertissement sexuel la violence et la dégradation.
La caractéristique dominante
Une fois la preuve constituée quant au caractère indu de
l'exploitation sexuelle dans une publication, il faut ensuite prouver
que cette exploitation indue constitue une caractéristique
dominante de l’œuvre. Bien que cette partie de la
preuve ne soit pas dépourvue d'intérêt, elle ne présente
pas un ordre de difficultés dont nous devons largement débattre.
Qu'il suffise de dire que les tribunaux évaluent l'ensemble d'une
oeuvre pour déterminer si l'exploitation sexuelle en constitue
une caractéristique dominante, mais que lorsqu'il s'agit
de revues, il est possible, selon la Cour d'appel de l'Ontario, de faire
ce test sur une partie seulement de la revue, c'est-à-dire sur
des extraits.
Malgré le développement récent de perspectives moins
moralistes et davantage axées sur les véritables enjeux
de la pornographie, les critiques relatives à l'imprécision
du sens et de la portée des termes utilisés dans l'article
159(8) restent à propos. Tant que la substance de l'article 159(8)
du Code criminel ne sera pas profondément modifiée,
cet article risque d'être interprété comme signifiant
que la représentation des choses sexuelles associées à
la violence est permise en autant que les Canadiens ne s'y objectent
pas.
Connaissant la tolérance de notre société vis-à-vis
la violence faite aux femmes, on peut entretenir la certitude que l'article
159(8) demeurera, tant qu'il ne sera pas abrogé ou amendé,
un faible outil de contrôle.
Introduction
Le dépôt de deux projets de loi sur la pornographie en moins
de deux ans a soulevé et continue à soulever énormément
de débats. Le premier projet (G. 114) est mort au feuilleton et
le second (C-54) n'a pas encore, en février 88, franchi l'étape
de la deuxième lecture.
Nous ne connaissons pas le sort réservé à ce projet
de loi, mais il nous apparaît nécessaire de le commenter brièvement.
Le contenu du projet de loi C-54
Laissant de côté le terme obscénité,
le législateur propose une définition de la pornographie qui
inclut tout matériel visuel qui représente:
- une conduite sexuelle décrite ci-dessous et mettant en cause
des enfants ou les organes sexuels d'un enfant, dans un contexte sexuel;
- des blessures ou des lésions réelles infligées à
une personne dans un contexte sexuel (films de meurtres sexuels et
représentations analogues);
- conduite sexuelle violente (viol, douleurs physiques, ...);
- actes dégradants dans un contexte sexuel (personnes traitées
comme des animaux ou attachées, scènes de miction ou de
défécation sur une autre personne ...);
- bestialité, inceste ou nécrophilie;
- masturbation, éjaculation ou relations sexuelles vaginales,
anales ou orales.
Le projet de loi propose également une définition de
document érotique à des fins de contrôle de l'étalage
et d'accès aux mineur-e-s. Cette définition vise essentiellement
la représentation, dans un contexte sexuel, des organes sexuels
humains, des seins de la femme ou de la région anale de l'homme
ou de la femme.
Commentaires
Le point le plus litigieux du projet de loi C-54 est l'alinéa
VI de la définition de la pornographie. On imagine mal comment
la représentation d'activités qui n'ont en elles-mêmes
rien de répréhensible peut devenir criminelle. La Fédération
des femmes du Québec n'a jamais pris position contre
la représentation d'activités sexuelles explicites. Nous avons
cependant déploré le fait que dans les revues et les vidéos
à caractère pornographique, les activités
et relations sexuelles soient présentées de façon mécanique,
répétitive, comme un jeu d'organes sexuels qui ne met
pas en cause les sentiments et les émotions des individu-e-s
impliqué-e-s. Nous avons également déploré le fait
que des milliers de jeunes fassent leur éducation sexuelle à
travers ce matériel qui répond peut-être à certaines
pulsions sexuelles mais reste totalement étranger à
leurs besoins de tendresse, de rapprochement et de respect.
Les arguments des détracteurs du projet de loi reposent presque
uniquement sur la liberté d'expression. Certains, par principe,
sont contre toute atteinte à la liberté d'expression.
D'autres, tout en étant plus pondérés, refusent toutefois
que l'expression de la sexualité puisse, pour sa part, être
en quoi que ce soit limitée. D'autres encore, croient que la liberté
d'expression bien que fondamentale, s'arrête là où
elle nuit à l'exercice d'autres droits fondamentaux, et la
sexualité n'échappe pas à ce principe.
Les personnes qui demandent des contrôles sur le matériel
pornographique sont aussi des personnes soucieuses du respect
de la liberté d'expression. Les préjugés, les stéréotypes
et les faussetés que l'industrie de la pornographie
véhicule à propos des femmes leur apparaissent cependant
comme une atteinte aux droits de celles-ci, susceptible de nuire à
la réalisation de leurs objectifs d'égalité. Un
exemple: la pornographie véhicule l'idée que les femmes
jouissent de la violence qu'on leur inflige, ce qui risque d'avoir pour
effet que le droit à l'intégrité physique des femmes
soit menacé dans la vraie vie. C'est ce que le législateur
a explicitement reconnu d'ailleurs car l'article 4 du projet de
loi vient amender le tarif des douanes de sorte que ce qui est pornographique
au sens de la loi constitue de la propagande haineuse au sens des dispositions
du Code criminel qui traitent de cette question.
Dans le feu du débat sur le projet de loi C-54, il ne faudrait
pas perdre de vue que le législateur s'attaque à
la violence, à la dégradation et à l'exploitation
sexuelle des mineur-e-s. Les failles de la définition de l'érotisme
et l'alinéa VI de la définition de la pornographie ne
devraient pas entraîner le retrait de tout le projet de loi. Après
tant d'années de travail et de luttes pour faire amender les dispositions
du Code criminel relatives à la. pornographie, ce serait
faire fausse route. Nous croyons que le projet de loi C-54 peut être
amendé de façon satisfaisante.
Introduction
Dans notre première série de fiches sur les lois fédérales
visant le contrôle de la pornographie, nous avons vu que ce sont
les articles du Code criminel relatifs à l'obscénité
qui fondent, en premier lieu, les poursuites judiciaires
qui portent sur du matériel pornographique. En effet, en dehors
du chapitre qui traite des infractions tendant à corrompre les
mœurs, le Code criminel n'offre pas quantité de moyens
de contrôle à l'égard de la pornographie. Le code
ne s'attaque, en principe, qu'à des actes ou comportements qui
atteignent un niveau de désapprobation sociale suffisant pour être
qualifiés de criminels. Il va sans dire que tout ce qui est nocif
ou répréhensible n'y est pas d'emblée objet de contrôle.
Ainsi l'élimination de ce que nous appelons le sexisme ordinaire
ne se fera jamais par le biais du Code criminel. Il n'en demeure pas
moins, toutefois, que le contrôle sur la prolifération du
matériel pornographique pourrait s'appuyer sur certains autres
articles du Code criminel, ainsi que sur d'autres lois fédérales.
C'est ce que nous aborderons dans les fiches suivantes.
L'analyse de la pornographie nous conduit immanquablement à
constater que son fondement idéologique en est un
de haine et de mépris des femmes. Ce message très
puissant, et amplifié proportionnellement à la quantité
de matériel qui entre dans le commerce et à la quantité
de personnes qui le consomment, peut, sans hésitation, être
qualifié de propagande. Pouvoir s'attaquer à la pornographie
par ce biais permettrait de s'en prendre à ses fondements
mêmes.
Ces éléments ont donc amené plusieurs groupes de femmes
à réclamer que l'article 281.1(4) du Code criminel soit amendé
pour ajouter le sexe aux groupes protégés par l'article
281.2(1) et (2), lequel se lit comme suit:
281.2(1) Quiconque, parla communication de déclarations
en un endroit public, incite à la haine contre
un groupe identifiable, lorsqu'une telle incitation est susceptible
d'entraîner une violation de la paix, est coupable
- d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement de
deux ans; ou
- d'une infraction punissable sur déclaration sommaire
de culpabilité.
(2) Quiconque, par la communication de déclarations
autrement que dans une conversation privée, fomente
volontairement la haine contre un groupe identifiable est coupable
- d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement de
deux ans; ou
- d'une infraction punissable sur déclaration sommaire
de culpabilité.
Notons également que plusieurs réclament la suppression
du mot volontairement dans l'article précité.
Certains croient que l'élargissement de l'expression groupe
identifiable pour inclure le sexe ne produirait pas de résultats
tangibles. Les personnes qui y sont favorables croient pour leur
part que même si l'article n'était que peu utilisé, il
aurait une valeur éducative que nous ne saurions sous-estimer.
Le comité Fraser et les récents projets de loi sur la pornographie
ont reconnu le bien-fondé de cette dernière position puisqu'ils
proposent des amendements à l'article 281 C.cr. qui vont dans le
sens des principales revendications.
Cet article traite des représentations, divertissements
ou spectacles immoraux, indécents ou obscènes, offerts dans
un théâtre. Il permet de s'en prendre aux personnes responsables
de la présentation de telles représentations ainsi qu'à
celles qui participent à titre d'exécutant-e-s.
Alors que la Loi sur les douanes contient les pouvoirs conférés
à la Direction des douanes, le Tarif des douanes comprend, entre
autres, la liste des marchandises dont l'entrée est interdite au
Canada. Jusqu'à l'hiver 85, le matériel pornographique était
contrôlé au titre des marchandises ayant un caractère
immoral ou indécent. Depuis l'adoption par le gouvernement fédéral
de la loi C-38, la définition de l'obscénité du
Code criminel s'étend au Tarif des douanes. Le principe est en
soi excellent, mais souvenons-nous que le Code criminel lui-même
contient de graves lacunes. Les résultats au niveau des douanes
ne seront positifs qu'en autant que le Code criminel proposera
une définition adéquate de la pornographie.
La Fédération des femmes du Québec a recommandé
non seulement une amélioration du contenu législatif
mais également une meilleure formation pour les agents de douanes
affectés à l'examen des marchandises. Elle a de plus réclamé
l'élimination de la période de 60 jours d'essai accordée
aux films commerciaux avant qu'on en retire les scènes pornographiques,
cette période donnant amplement le temps de reproduire la version
originale.
Un autre problème vient du fait qu'il n'y a pas de mécanismes,
présentement, qui permettent d'uniformiser le travail des agents
de douane. Ainsi le numéro d'octobre 86 de la revue Playboy
a été interdit dans plusieurs provinces canadiennes
mais pas au Québec, entre autres, ni en Colombie- Britannique.
À l'automne 84, il a fallu faire appel au ministre responsable
des douanes pour que l'entrée au Canada du numéro de décembre
de la revue Penthouse soit interdite.
Évidemment, quand le ministre intervient, sa décision s'applique
partout au Canada; mais il s'agit là d'une intervention peu courante.
Comme la loi en cause est une loi fédérale, il y aurait intérêt
à ce qu'elle soit appliquée avec plus d'uniformité à
travers le pays.
La télévision et la radio ne sont pas à l'abri de l'invasion
de la pornographie. Il suffit de se rappeler la programmation
proposée par la chaîne de télévision payante First
Choice/Premier Choix et qui a fait l'objet de tant de protestations
à travers tout le Canada, au début des années 80. Qu'on
songe aussi au sexisme dans la publicité et dans bon nombre d'émissions
et nous comprendrons que malgré certaines améliorations,
il existe encore un terrain propice à la prolifération d'une
image négative des femmes. Un glissement progressif vers la pornographie
serait donc relativement facile.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications
canadiennes - CRTC
Le CRTC est un organisme dont le rôle est de première importance
à l'égard du contrôle du sexisme et de la pornographie
dans les médias électroniques.
À première vue, ce rôle peut paraître restreint
surtout si on s'attarde au fait que le CRTC n'a pas le pouvoir d'exiger
d'examiner les émissions avant leur diffusion. Il ne
faut pas en déduire pour autant que le CRTC est impuissant à
l'égard des contenus. Qu'il suffise de se rappeler que le CRTC
est responsable de l'octroi, du renouvellement et de la suspension des
permis de diffusion, qu'il peut subordonner l'octroi de ceux-ci
à des conditions diverses et exiger des radio-diffuseurs
qu'ils se dotent de leur propre réglementation. Il peut même
prévoir des sanctions en vertu du Code criminel ou de la Loi sur
la radiodiffusion.
La Loi sur la radiodiffusion
Cette loi contient la politique de radiodiffusion pour le Canada. L'article
3, alinéa C, est d'un intérêt particulier pour
ce dossier. Il énonce la responsabilité des entreprises de
diffusion vis-à-vis les émissions qu'elles diffusent, en parallèle
avec le droit à la liberté d'expression et le droit de capter
les émissions.
En novembre 83, lors de la présentation d'un mémoire
aux audiences du Sous-Comité sur les émissions à tendances
sexuelles abusives du Comité permanent des communications et de
la culture, la Fédération des femmes du Québec
a recommandé que l'article soit reformulé de façon à
faire prévaloir la responsabilité des diffuseurs. Elle a réclamé
d'ajouter à l'article 3, alinéa C, une disposition interdisant
la diffusion de commentaires abusifs ou d'images abusives
quant à la race, la religion, la croyance ou le sexe. La FFQ
appuyait en cela la démarche amorcée par madame Lynn McDonald,
membre du Parlement, et proposée par le projet de loi C-675
en mars 83.
En octobre 84, les règlements de la radiodiffusion (MA et MF),
de la télédiffusion et de la télévision payante
ont été amendés pour interdire la diffusion de propos
et d'images offensants pour un motif fondé sur la race, la religion,
le sexe, l'âge ou la déficience mentale ou physique.
C'est dans le projet de loi C-20 que l'approche la plus intéressante
a l'égard de la représentation des femmes avait été
développée. On y proposait d'ajouter à l'article
3, alinéa C, un paragraphe stipulant que la programmation
devrait respecter et promouvoir l'égalité et la
dignité de toute personne, groupe ou catégorie de personnes,
sans égard à la race ...au sexe. Le projet de loi
C-20 est cependant mort au feuilleton, et c'est à regret que nous
constatons que le rapport du Groupe de travail sur la politique
de la radiodiffusion n'endosse pas ce principe de la promotion de l'égalité
(Rapport Sauvageau-Caplan). Selon le Groupe de travail, ce principe
serait trop contraignant pour les radiodiffuseurs et il lui préfère
un concept qui vise à refléter équitablement les
groupes en présence. L'Institut canadien d'éducation des adultes
(ICEA) a suivi de près toute la démarche de ce dossier et
déplore avec la FFQ la position développée dans le rapport
du Groupe de travail.
Face à l'ensemble des problèmes soulevés par le contrôle
de la pornographie et aux revendications de plus en plus nombreuses
des groupes de pression, le gouvernement fédéral a formé,
en 1983, un Comité spécial d'étude sur la pornographie
et la prostitution, mieux connu sous le nom de Comité Fraser.
Lors des audiences publiques tenues à travers le Canada en 1984,
les féministes ont été nombreuses à soumettre
des mémoires réclamant l'adoption d'une définition
de la pornographie qui tienne compte de l'essence même de
ce phénomène, c'est-à-dire du fait que la pornographie
est un des plus amples systèmes d'exploitation et de discrimination
des femmes. Les femmes ont réclamé que le respect de leurs
droits fondamentaux à l'intégrité physique, à la
sécurité et à la vie soient enfin jugés plus importants
que le respect de la liberté de produire et de consommer du matériel
pornographique.
C'est dans cette perspective féministe que la FFQ a soumis
un mémoire dans lequel elle réclamait une loi complète
sur la pornographie ou, à défaut d'une telle loi, des
amendements substantiels au Code criminel. Nous demandions une
définition qui s'attaquerait clairement et directement à
la violence sexuelle et à la dégradation.
Malheureusement, le rapport Fraser n'a répondu que partiellement
à nos attentes. La perspective féministe développée
par les groupes de femmes trouve sa place dans la partie descriptive
du rapport mais n'inspire que partiellement les recommandations.
Le rapport a l'avantage de s'en prendre sans équivoque à la
pornographie dont la production a impliqué l'imposition de sévices
aux participant-e-s et à la pornographie à caractère
violent et avilissant. Mais il y a encore confusion entre pornographie
et représentation d'activités sexuelles;
de plus, la violence exercée envers une personne adulte (il s'agit
presque toujours de femmes), fût-elle réelle, manifeste et
grave, est sanctionnée moins sévèrement que l'exploitation
sexuelle des mineur-e-s) alors qu'elle nous apparaît tout aussi
répréhensible.
Bien que non directement reliée au contrôle de la pornographie,
la Loi sur les permis d'alcool est quand même d'une certaine utilité
pour ceux et celles qui veulent s'opposer à l'octroi de permis
de spectacles à caractère pornographique. Ces dernières
années, quelques groupes de femmes ont réussi à faire
assortir l'octroi de permis de spectacles d'un engagement à
ne pas présenter de spectacles à caractère pornographique
alléguant que ceux-ci seraient, dans leurs municipalités,
contraires à l'intérêt et à la tranquillité
publics.
Dans l'ouvrage du Conseil du statut de la femme (CSF) intitulé
Pornographie: passons à l'action, différents facteurs
susceptibles d'être invoqués pour prouver que l'octroi d'un
permis serait contraire à l'intérêt public et nuisible
à la tranquillité sont énumérés : taux de criminalité,
milieu violent, proximité d'écoles, etc.6.
La suspension, la révocation ou le non-renouvellement d'un permis
peuvent également être réclamés pour les mêmes
motifs.
Cependant, un jugement de la Cour supérieure du Québec 7
est venu, au printemps dernier, semer le doute sur la validité
des restrictions aux permis de spectacles, lorsque ces restrictions
portent sur les spectacles de danseurs-euses nu-e-s. Le jugement affirme
que la simple nudité à l'occasion d'un spectacle
n'étant pas prohibée par le Code criminel, il n'appartient
pas à la Régie de l'interdire. Laissons la parole au juge
Paul Corriveau:
Prétextant s'appuyer sur les notions d'intérêt
et de tranquillité publics, la Régie veut, en fait,
faire respecter certains principes de moralité publique,
(p. 1369) Et encore: Il faut donc conclure que la simple nudité
à l'occasion d'un spectacle n'est pas prohibée
au sens des articles pertinents du Code criminel. Si le
législateur fédéral, qui détient l'autorité
absolue de légiférer sur cette question de mœurs,
n'interdit pas catégoriquement un spectacle
où apparaissent des danseurs ou danseuses nus, la législature
provinciale ne peut se donner l'autorité de le faire et,
à plus forte raison, en l'espèce, la Régie
des alcools qui ne peut évidemment s'arroger plus de pouvoirs
ou de compétences qu 'en a la législature provinciale
elle-même... La Régie a donc considérablement
outrepassé sa compétence lorsqu'elle s'est permis
d'exiger la production d'un engagement à ce qu'il n 'y ait
pas de spectacle de danseuses nues avant d'émettre l'autorisation
de spectacles, (p. 1373)
Le juge a aussi accueilli l'argument basé sur la liberté
d'expression, allégué par les Entreprises Claude et Hughes
Marquis.
Toutefois, un autre jugement, plus récent encore, et provenant
du plus haut tribunal au Canada 8, vient donner une autre
couleur au dossier et nous permet de croire que le jugement de la Cour
supérieure du Québec ne fera pas jurisprudence. Ce jugement
de la Cour suprême déclare valide la loi du Nouveau-Brunswick
qui impose des restrictions aux permis de danseurs-euses nu-e-s
dans les bars. La Cour a indiqué que les spectacles offerts dans
les clubs sont un instrument de marketing et qu'à ce titre,
la réglementation de ce genre de spectacles relève des
droits civils et de propriété et, par conséquent, est
de juridiction provinciale.
Sans entrer dans les détails des points de droit soulevés
dans ce jugement, voici deux extraits qui répondent à nos
préoccupations:
En appliquant ces principes aux circonstances de l'espèce,
je conclus que la législature du Nouveau-Brunswick avait
compétence pour adopter la loi provinciale autorisant
la condition de licence attaquée. La Loi en cause, je le
répète, se rapporte à première vue à
la propriété et aux droits civils dans la province
et à des matières d'une nature purement locale.
Le législateur ne cherche qu'à réglementer les
formes de divertissement dont les propriétaires d'établissements
titulaires d'une licence peuvent se servir comme instruments
de commercialisation pour augmenter les ventes d'alcool Malgré
qu'il y ait un certain chevauchement de la condition de licence
interdisant les spectacles de nudité et de différentes dispositions
du Code, il n'y a pas de conflit direct. Il est tout à fait possible
de se conformer aux deux lois provinciale et fédérale.
(p. 65)
Les conditions dont la licence est assortie en l'espèce
ne constituent qu'une partie d'un régime global de
réglementation de la vente de boissons alcooliques au Nouveau-Brunswick.
Il n'y a aucun empiétement déguisé sur un chef
de compétence fédérale. (p. 66).
Voilà deux interprétations fort différentes de
causes en apparence semblables, l'une s'appuyant sur la moralité
publique, l'autre sur les techniques de mise en marché.
Si la loi du Québec ne diffère pas sur le fond de celle du
Nouveau-Brunswick, cela signifie que nous pouvons prendre appui sur
le jugement de la Cour suprême. Il faut comparer les deux lois
et agir en conséquence.
C 'est lors de la commission parlementaire sur le projet de loi
109 que furent remis en cause les critères et le processus
de classement des films au Québec. La tenue des audiences
publiques de cette commission, à l'hiver 83, a suscité un
débat vigoureux sur la pornographie.
Un front commun, appuyé par une centaine d'organismes représentant
près de 600 000 personnes, a proposé des recommandations
visant, entre autres, la démocratisation du fonctionnement de la
Régie du cinéma. Malgré cette offensive, le législateur
a ignoré la quasi totalité de ces recommandations. Il a cependant
proposé et adopté un critère selon lequel les films qui
encouragent ou soutiennent la violence sexuelle doivent être rejetés,
ce qui rencontre partiellement nos objectifs.
À l'hiver 85, le règlement rendant la catégorie 14 ans
et + purement indicative a également été adopté.
Les enfants de moins de 14 ans ont donc désormais accès aux
films 14 ans et +. Ce règlement vise, paraît-il, à responsabiliser
les parents à l'égard des films qui conviennent à leurs
enfants. Mais, même en prenant pour hypothèse que les parents
sont prêts à assumer une telle responsabilité,
où se procureront-ils l'information nécessaire à
une décision éclairée? À ce propos, la Régie
du cinéma n'a pas encore mis en place les mécanismes nécessaires
et nous devons insister pour qu'elle le fasse le plus rapidement
possible. Voilà un champ d'action intéressant.
En décembre 87, le projet de loi 59 est venu modifier la Loi sur
le cinéma et la Loi de la Société de développement
des industries de la culture et des communications. Dans son allocution
à l'Assemblée nationale le 16 décembre dernier,
Madame Lise Bacon, ministre des Affaires culturelles, admettait que
: La prolifération de la location des vidéocassettes a
engendré une situation qui préoccupe de plus en plus les différentes
couches de la population. Les regroupements de femmes ont
manifesté leurs inquiétudes et ont demandé un contrôle
de l'exploitation du matériel vidéo. 9
Le gouvernement n'a pas opté pour le classement du matériel
vidéo destiné à la consommation privée. La solution
qu'il a retenue consiste en la création d'un permis de commerce
au détail qui permettra d'encadrer les activités
de ce secteur. 10
Les conditions d'obtention d'un permis et d'exploitation des activités
seront déterminées par règlement.
Dans le but d'assurer un meilleur encadrement du classement des films,
l'Institut québécois du cinéma pourrait être
mandaté à former des comités afin de tenir des
audiences publiques sur le classement des films. 11
Ce ne serait donc plus la Régie du cinéma qui serait responsable
de ces audiences, ce qu'on ne peut accueillir qu'avec contentement puisque,
comme l'affirme la ministre elle-même: La Régie du
cinéma ... est actuellement, en quelque sorte, juge et partie
de ses propres activités. 12 Ce qui est
intéressant dans la nouvelle mesure, c'est qu'il est prévu
que les comités formés par l'Institut du cinéma seront
composés de représentants des milieux intéressés
par la matière choisie 13 et que la composition
sera soumise à l'approbation du ministre qui s'assure
de son caractère représentatif.14
Ces amendements marquent certes un pas dans la bonne direction. Ils
ne créent pas de modifications à l'égard du classement
lui-même mais ils permettraient au moins un certain con trôle
sur le commerce de la vidéo, ce qui est infiniment souhaitable.
Les règlements municipaux
Au Québec, le Code municipal (art. 403 A) et la Loi des cités
et villes (art. 416) confèrent aux municipalités le pouvoir
d'adopter des règlements sur l'étalage et l'affichage
du matériel dit érotique et ce, dans un but
de protection de la jeunesse. La Charte de la Ville de Montréal
contient également une disposition à cet effet. La formulation
de ces articles est, par la référence à l'érotisme
plutôt qu'à la pornographie, le résultat direct
et justifié de la crainte du législateur provincial d'empiéter
sur la juridiction exclusive du fédéral en matière
de pornographie.
Au printemps 85, les entreprises de distribution Benjamin News ont
d'ailleurs intenté des poursuites contre la ville de Châteauguay
et le gouvernement du Québec dans le but de faire déclarer
inconstitutionnels les règlements de Châteauguay sur l'étalage
du matériel dit érotique. Le tribunal n'a cependant
pas reconnu à Benjamin News un intérêt juridique suffisant
pour poursuivre et le requérant a abandonné la poursuite à
l'automne 86, sans qu'il n'y ait eu, par conséquent, de jugement
sur le fond.
Il faut souligner que pour plusieurs d'entre nous, l'intervention au
niveau municipal présente un intérêt certain. Mais il
faut garder à l'esprit que les règlements municipaux, bien
qu'ils rendent la pornographie moins visible, n'ont pas pour objet de
l'éliminer. Les actions à ce niveau sont donc complémentaires
à d'autres types d'interventions.
Il est évident qu'une clarification des pouvoirs des provinces
et des municipalités s'impose. Le fédéral doit viser
un tel objectif.
La Charte canadienne
Jusqu'à maintenant, la Charte canadienne des droits et libertés,
adoptée en 1982, a été utilisée comme fondement
des attaques aux lois visant le contrôle de la pornographie.
C'est ainsi qu'on a tenté, devant les tribunaux, de faire valoir
que l'article 159(8) du Code criminel, constituait une atteinte déraisonnable
à la liberté d'expression et devait, de ce fait, être
déclaré inconstitutionnel. 13
La constitutionnalité de l'article 159(8) du Code criminel a été
confirmée dans la majorité de ces causes. Il y a été
affirmé qu'au Canada, l'article 159(8) est une règle de droit
considérée comme une limite raisonnable à la liberté
d'expression, et justifiée dans une société libre et
démocratique. Dans le jugement de R.V. Red Hot Video 14,
il est ressorti clairement que la protection accordée par la Charte
canadienne à la liberté d'expression n'est pas illimitée;
elle est contrebalancée par le droit des femmes à l'égalité
inscrit dans la Charte.
La constitutionnalité de l'article du Tarif des douanes auparavant
utilisé pour interdire l'entrée au Canada de marchandises
pornographiques (obscènes) a également été
attaquée, comme nous en faisons mention dans la partie de cette
fiche qui traite du Tarif des douanes. Cet article a été jugé
inconstitutionnel parce que trop vague et imprécis et par le fait
même non raisonnablement limitatif à l'égard de la liberté
d'expression.
La Charte canadienne des droits et libertés n'a cependant pas
encore été utilisée, à notre connaissance, pour
prouver que le matériel pornographique va à l'encontre des
droits des femmes: droit à l'égalité, droit à l'intégrité,
droit à la sécurité, etc. Évidemment, le fait que
la pornographie fasse l'objet de contrôles par le biais du
Code criminel, constitue une reconnaissance implicite de ces droits.
Pour le moment, la question spécifique des droits des femmes n'a
été débattue qu'une seule fois et, comme nous le verrons
à l'instant, la poursuite était fondée sur une
charte provinciale.
Bien que les chartes provinciales des droits et libertés aient
été adoptées et mises en vigueur depuis beaucoup plus
longtemps que la Charte canadienne, leur potentiel à l'égard
de la pornographie n'a guère été plus exploité
que celui de cette dernière. À notre connaissance, comme nous
le mentionnions précédemment, un seul jugement basé sur
une loi de cette nature a été rendu au Canada. Il s'agit d'un
jugement émanant d'un tribunal de la Saskatchewan et dans lequel
un journal étudiant est déclaré coupable d'avoir
enfreint la charte de cette province. Le journal en question, par son
caractère pornographique, constituait, selon le tribunal,
une discrimination à l'égard des femmes et enfreignait leur
droit de profiter également de l'éducation, de l'accès
au travail et de la sécurité de la personne.17
Le Rapport Fraser semble pour sa part souhaiter que les chartes provinciales
jouent un plus grand rôle. La recommandation 35 se lit comme suit:
Les commissions des droits de la personne devraient examiner
avec diligence la possibilité d'appliquer leurs lois
actuelles et leur jurisprudence en matière de pornographie, notamment
à l'exposition des citoyens à la pornographie sur les lieux
de travail, dans les magasins et dans les autres services publics.
Toutefois, nous ne recommandons pas, pour le moment, que l'on
ajoute aux codes des droits de la personne une nouvelle infraction distincte
concernant la pornographie.
Nous ne saurions trouver meilleure conclusion que cette réflexion
tirée du jugement précité de la Commission des droits
de la personne de la Saskatchewan: Tolérer la libre expression
d'un tel matériel ne répond à aucun intérêt
social (notre traduction). 18
- R.bc. Rankine et al. (1983), 9 c.c.c.(3d) 53 R.bc. Ramsingh
et al. (1984), 14 c.c.c.(3d) 230 R.bc. Wagner R.bc.
Red Hot Video (1985), 45 C.R. (3d) Towne Cinéma Théâtres
Ltd., Bc.R. (1985), 45 C.R. (3d) 1.
- Towne Cinéma Théâtres Ltd. c La Reine, Cour Suprême
du Canada- 1985.
- Dominion News & Gifts (19962) Ltd. v. The Queen, (1964)
R.C.S. 251 - rapporté dans la version française des motifs
de Towne Cinéma Théâtres Ltd. c La Reine R.C.S. 1985,
p. 16.
- Towne Cinéma c La Reine C.S.C. 1985 - version française
des motifs du juge Wilson, p. 3.
- Towne Cinéma - version française des motifs du
Juge en chef, pp. 13-14.
- CSF, Pornographie: passons à l'action, p. 33.
- Entreprises Claude et Hughes Marquis Inc. c. Régie des permis
d'alcool du Québec - Cour supérieure, Québec, 200-05-
000194-873, 1987-05-06.
- Rio Hôtel Limited (appelante) c. La Commission
des licences et permis d'alcool (Nouveau-Brunswick) et le procureur
général du Nouveau-Brunswick. Cour Suprême
du Canada. Juillet 1987.
- Madame Lise Bacon - Chambre - R 13291 - p. 1.
- Idem
- Idem-p.2
- Idem-p.2
- Loi sur le cinéma, article 36.1 - par. 2.
- Loi sur le cinéma - article 36.1 - par. 2.
- R.V. Wagner et R.V. Ramsingh et al. (1984), 14 c.c.c. 230.
- (1985)45C.R. (3d).
- Saskatchewan Human Rights Commission V. The Engineering
Student's Society, University of Saskatchewan et al, 7 mars
1984 (décision Red Eye).
- Canadian Human Rights Reporter -- Paragraphe 17724 du jugement,
Volume 5, Décision 360.
Au coeur même de la lutte contre la pornographie, les actions
de sensibilisation et d'éducation visent à faire comprendre
le rôle négatif que joue cette industrie dans notre
société. En fait, sans ce travail de base, les meilleures
lois risquent d'être mal interprétées et les actions
en justice sans grande répercussion.
Sensibiliser et éduquer, c'est à la fois simple et difficile
à entreprendre. Simple, facile, parce que les occasions
sont fréquentes d'exprimer pourquoi nous ne sommes pas d'accord
avec l'image des femmes projetée par la pornographie. Facile
aussi parce qu'une telle forme d'action peut assez souvent être
entreprise sans moyens techniques et financiers importants. Difficile
cependant, parce que les conversations, discussions
ou animations qui ont pour sujet principal la pornographie
sont parfois très éprouvantes. Il arrive fréquemment
que des gens sensibilisés à la situation des femmes dans la
société, se révèlent incapables de remettre en cause
leurs idées sur la pornographie. Ils continuent de la percevoir
comme une simple représentation de la nudité ou d'activités
sexuelles acceptées par l'ensemble de la population, ou encore
comme une manifestation dont la valeur artistique ou informative
doit être protégée par le droit fondamental à la
liberté d'expression. La solidité de nos arguments n'est pas
à tout coup garante de notre succès. Quand la mauvaise foi
s'en mêle, la tâche est, avouons-le, ardue. Nous n'apprécions
pas de passer pour prudes, d'être associées aux bien-pensants
(Moral Majority) ou perçues comme favorables à
la censure. Mais dans la mesure où nous nous sentons d'attaque,
allons-y et parlons-en.
L'ENTOURAGE IMMEDIAT Famille et ami-e-s
La sensibilisation des personnes avec lesquelles nous partageons notre
quotidien est utile à plus d'un titre. Il est évident, d'une
part, que les personnes ainsi rejointes auront leur propre rayonnement
et nous alimenteront à leur tour sur les réactions et
opinions auxquelles elles font face. D'autre part, cette sensibilisation
est à toute fin pratique indispensable pour se sentir appuyée
et plus à l'aise dans les autres types d'action contre la pornographie.
C'est parfois avec les proches que les échanges s'amorcent avec
le plus de difficultés. Il faut savoir profiter des occasions qui
se présentent et l'actualité en fournit de multiples.
Les résultats d'un sondage sur les habitudes de consommation
de matériel vidéo chez les jeunes, une émission de télévision
qui traite d'un sujet connexe, la présence de matériel pornographique
à la portée de tous chez le dépanneur, un film au cinéma
de quartier, une agression sexuelle rapportée dans les médias
sont en effet autant d'occasions de déclencher uneconversation
au cours de laquelle on pourra exprimer ses opinions sur la sexualité
et sur les relations hommes/femmes. Ces questions intéressent
particulièrement les adolescent-e-s et les jeunes adultes qui n'hésitent
pas en général à remettre en cause les idées reçues.
Les amener à avoir une attitude critique par rapport à
la pornographie ou du moins à se questionner sur les messages
qui en ressortent constitue un premier pas très important. Nous
avons avantage, face aux jeunes surtout, à faire ressortir que
selon l'analyse féministe, la représentation d'activités
sexuelles n'est pas en soi répréhensible et que même
l'expression d'une saine sexualité est favorisée.
Collègues de travail
On n'aime pas aborder avec nos collègues de travail des sujets
qui ne semblent pas les préoccuper. Mais, dans un premier temps,
on peut exprimer beaucoup de choses par nos attitudes mêmes, par
exemple en ne nous montrant pas de connivence avec ceux et celles qui
font des blagues sexistes. Sans se lancer directement dans le
dossier de la pornographie, on peut s'attaquer à des sujets
qui ont des liens avec celle-ci, comme les agressions et le harcèlement
sexuels. Il deviendra ainsi plus aisé de repérer des allié-e-s,
c'est-à-dire ceux et celles qui se rallieront plus facilement
à notre point de vue lors-qu on discutera ouvertement de pornographie.
Il n'y a pas de recette miracle, mais c'est comme ça que commence
la sensibilisation.
L'ENTOURAGE MOINS IMMÉDIAT MAIS QUI AFFECTE NOTRE
QUOTIDIEN OU CELUI DE NOS ENFANTS
Les propriétaires de dépanneurs
La sensibilisation auprès des marchands de quartier se complique
souvent du fait que la bonne foi de ces personnes s'affaiblit
proportionnellement aux rentrées d'argent entraînées
par le commerce de la pornographie. La désapprobation de
plusieurs clientes ou clients risque évidemment d'avoir de
l'effet et l'idée d'un éventuel boycott fait réfléchir.
Les marchands auront tendance à se défendre en affirmant
que la marchandise qu'ils vendent est légale; plusieurs le croient
d'ailleurs fermement même lorsque ce n'est pas le cas. Ils estiment
que les contrôles exercés aux douanes leur permettent
de ne pas se questionner sur la légalité de la marchandise
qu'ils offrent au public. D'une certaine manière, il devrait
d'ailleurs en être ainsi, mais les agents de douanes peuvent se
tromper. Mis à part le matériel illégal au sens
du Code criminel, il y a quantité de matériel qui peut être
considéré comme pornographique et qui ne devrait pas
être rendu aussi facile d'accès et disponible que le lait
et le pain. Un propriétaire de magasin d'alimentation, aussi soucieux
qu'il soit d'attirer la clientèle, manque totalement de jugement
lorsqu'il amène ses clientes et clients de tous âges à
consommer involontairement du matériel pornographique. C'est pourquoi
des règlements sur l'étalage s'avèrent nécessaires.
D'ailleurs, de nombreux groupes de femmes ont déjà fait des
pressions auprès de leur municipalité pour obtenir l'adoption
de tels règlements, et sont intervenus auprès des dépanneurs
pour les sensibiliser. À Châteauguay, à Matane et dans
bien d'autres villes, des actions très concrètes ont été
menées. Les commerçants doivent cependant en comprendre
le bien-fondé et y voir un geste de respect de la clientèle
plutôt que la volonté imposée d'une minorité.
Il n'y a pas que les dépanneurs ou les petits commerçants
auprès desquels des interventions sont nécessaires. Les grands
magasins comme Eaton ou Simpson, par exemple, créent parfois des
vitrines ou des publicités dont les caractéristiques sexistes
s'apparentent à la pornographie. Des appels et des lettres à
la direction de ces établissements peuvent entraîner les changements
souhaités. Des actions de ce genre ont été entreprises
par le Y des femmes, dont le comité contre la pornographie
est très actif au centre ville de Montréal.
Mentionnons que si l'action est collective, il vaut mieux écrire
plusieurs lettres qu'écrire une seule lettre signée par plusieurs
personnes. De plus, que l'on s'adresse aux gouvernements ou à des
établissements commerciaux, nos commentaires ont plus de
poids lorsqu'ils sont personnels. La même lettre reçue
en grande quantité finit par diminuer l'impact recherché
au lieu de l'amplifier.
Le milieu scolaire
La sensibilisation dans ce milieu est tout à fait essentielle
car elle rejoint ceux et celles qui, avec les parents, jouent un rôle
déterminant dans la formation et l'éducation des
jeunes. Les ensei-gnant-e-s, conscient-e-s du fait que la majorité
des adolescent-e-s reçoivent leur éducation sexuelle par le
biais du matériel pornographique, sont particulièrement
bien placé-e-s pour aborder le sujet en classe, susciter la discussion
et offrir les pistes de réflexion appropriées. Ils-elles peuvent
soutenir les revendications des parents pour des programmes
d'éducation sexuelle et appuyer leurs pressions auprès des
commerçants dont les établissements sont situés
à proximité des écoles. Les comités d'école
peuvent servir d'intermédiaires entre les groupes qui luttent contre
la pornographie et la direction de l'école. Pourquoi ne pas
s'y faire élire? Pour rejoindre plus directement les enseignant-
e-s, on peut offrir de leur présenter le dossier lors d'une journée
pédagogique et on peut solliciter l'appui des instances syndicales.
La Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ) a déjà
offert à ses membres des ateliers sur la pornographie. L'expérience
pourrait certainement être reprise pour rejoindre un plus grand
nombre de personnes.
L'action politique recouvre un éventail très large d'actions;
elle comprend le lobbying proprement dit, et aussi toute une
gamme d'interventions qui ont pour but de diffuser l'information,
d'attirer l'attention et de créer la concertation
nécessaires pour atteindre des objectifs de changements
politiques, législatifs ou administratifs.
Cependant, comme les domaines de l'éducation, de la sensibilisation
et des recours légaux (qui eux aussi peuvent servir des fins politiques)
sont spécifiquement discutés dans cette série de fiches,
nous nous limiterons ici à parler de pressions politiques directes
plutôt que d'action politique au sens large du terme.
Les pressions politiques sont nécessaires et même
indispensables quand on veut que les gouvernements s'engagent
véritablement à l'égard de situations que nous
dénonçons, particulièrement; lorsque le bien-fondé
de nos revendications, loin de sauter aux yeux de nos dirigeants, est
fortement contesté dans certains milieux. On peut ainsi viser
l'adoption de lois ou de règlements comme on peut aussi viser
l'élaboration et l'application de politiques, de directives et
de programmes susceptibles de compléter l'intervention législative.
Peu importe l'objectif poursuivi auprès du législateur, il
s'agit de convaincre, c'est-à-dire de rallier les député-e-s
et les ministres à notre cause. Il faut savoir vendre nos idées,
au moyen de présentations orales ou écrites plus ou
moins officielles selon les circonstances, ou au moyen des jeux
de coulisses auprès de ceux et celles qui ont de l'influence sur
les élu-e-s. Cela peut aussi se faire en provoquant un débat
sur la place publique tout en s'assurant que les médias n'escamoteront
pas notre point de vue ou ne le simplifieront pas à l'extrême.
Il est donc aussi utile d'avoir l'appui de certains journalistes que
l'appui de certains politiciens.
Quand on intervient dans un domaine qui n'apparaît pas avoir
soulevé l'intérêt du législateur (ex.: le classement
de la vidéo), il faudra dans un premier temps vérifier à
quel palier de gouvernement il faut s'adresser. Parallèlement,
il sera capital de monter un dossier aussi complet que possible
sur le sujet qui nous intéresse et démontrer que l'intervention
sollicitée répond à des intérêts collectifs.
Pour faire ressortir ces intérêts collectifs, il s'avérera
utile et habile de rechercher l'appui du plus grand nombre de personnes
ou de groupes possible.
Les interventions à caractère formel
Le travail de sensibilisation qu'on engage, par le biais de communications
informelles, auprès de député-e-s, de ministres et de
leur entourage politique, est souvent le point de départ
d'une action visant une intervention législative. C'est une étape
préalable dont l'importance est considérable.
Nous avons tout intérêt à outiller les élu-e-s pour
que leurs implications aient les répercussions que nous visons.
Tout en apprenant à mieux connaître nos porte-parole auprès
du gouvernement, nous nous faisons aussi mieux connaître.
La constitution et l'entretien de ce réseau sont extrêmement
utiles.
Il faut donc savoir repérer les personnes les plus susceptibles
de comprendre les enjeux du dossier qu'on leur présente et choisir
ceux et celles dont l'influence va être des plus déterminantes
au sein du gouvernement.
Les comités et commissions parlementaires
Le processus d'adoption des lois permet quelquefois des représentations
à caractère formel. Le gouvernement peut décider de consulter
la population sur une matière donnée; il est possible que
la consultation ait lieu avant même qu'un projet de loi ne soit
rédigé ou que des recommandations ne soient formulées,
auquel cas un document de travail sera généralement rendu
public au préalable et situera le cadre d'intervention.
La consultation peut également avoir lieu après le dépôt
d'un projet de loi dans le but de prendre connaissance du type
de réaction qu'il provoque. Dans ce cas, c'est le projet de loi
lui-même qui sera commenté ou critiqué.
La tenue d'une commission ou d'un comité parlementaire appelle
donc la présentation écrite d'un mémoire, complétée
généralement par une défense verbale du mémoire
en présence des personnes qui composent la commission
ou le comité. Avant de se présenter aux audiences, il est
prudent et utile de s'informer des personnes qui siégeront et d'essayer
de prévoir le type de questions qu'elles pourront nous adresser.
Il est également profitable de se faire une idée des
différences d'opinions qui seront exprimées en consultant
les listes de personnes ou groupes inscrits aux audiences et en sollicitant
leurs mémoires. Cela permet soit d'apporter des informations complémentaires,
soit de préparer l'argumentation en réponse à des opinions
opposées aux nôtres.
Une expérience à tenter
Parfois pénible, parfois encourageante, la comparution devant
une commission ou un comité parlementaire est presque toujours
une expérience enrichissante. Cependant, la crainte
que plusieurs ressentent face à ce type d'action est très
compréhensible. Plus la matière est complexe par
elle-même ou par la façon dont elle est traitée dans
le projet de loi, plus il apparaît difficile de la cerner
d'une manière non simpliste et de défendre publiquement notre
point de vue. Mais ces difficultés ne devraient pas faire perdre
de vue qu'il s'agit là d'occasions uniques de faire valoir nos
arguments. Quand les enjeux sont importants, le jeu en vaut
la chandelle. Par exemple, il était essentiel que les groupes
qui luttent contre la pornographie se présentent aux audiences
de la Commission parlementaire sur le projet de loi 109 (cinéma
et audio-visuel 1983) ainsi qu'aux audiences du CRTC, etc. Même
si l'on ne tient pas compte de toutes nos revendications, il sera
également fondamental que nous intervenions sur le projet
de loi fédéral visant à amender le Code criminel en matière
de pornographie.
Un mémoire n'a pas à être un texte volumineux,
il peut même n'avoir que quelques pages. L'important, c'est qu'il
traite clairement et précisément le coeur du sujet tant
par l'exposé des faits que par l'analyse et les recommandations
qui y sont soumises.
Quand il n'est vraiment pas possible de s'engager dans la rédaction
et la présentation d'un mémoire, on peut toujours appuyer
celui d'un groupe ou d'une personne qui partage nos opinions. Cette
solidarité est toujours bien accueillie. C'est une
autre façon d'être dans le coup.
Les groupes de travail et commissions d'étude
Soulignons que l'occasion de soumettre un mémoire ne se
présente pas qu'en commission ou en comité parlementaire.
Diverses commissions d'étude appellent la soumission de textes
de même nature et des présentations orales semblables à
celles qui sont faites en commissions parlementaires. Qu'on se
rappelle, entre autres, les audiences, en 1984, du Comité Fraser
sur la prostitution et la pornographie qui nous ont permis de diffuser
l'analyse féministe de la pornographie et de mettre en relief
l'idéologie devant fonder une future loi.
Les médias: un outil d'action politique
Lorsqu'on connaît le rôle important des médias
dans le façonnement des idées dans notre société,
il va sans dire que leur utilisation représente un outil
privilégié de sensibilisation de l'opinion publique et par
ricochet augmente les chances d'influencer le législateur.
L'expérience vécue par celles et ceux qui luttent contre
la pornographie dans leurs relations avec les médias a mis
en lumière la difficulté de faire passer l'essence même
de notre analyse. En effet, bien que le dossier ait été à
certaines périodes très présent dans la presse
écrite et les médias électroniques, la perspective féministe
n'a pas toujours été clairement dégagée. Au contraire,
elle a plus d'une fois été associée au mouvement
moraliste de droite.
Comme le dossier de la pornographie ne fait pas souvent la
nouvelle au sens où les médias l'entendent,
il est d'autant plus crucial de profiter des circonstances particulières
qui nous sont offertes (commissions parlementaires, projets de
loi, colloques, procès) et de cibler, ici aussi, nos allié-e-s.
Les appuis à rechercher
Dans toutes les actions auprès du législateur, rappelons
qu'il vaut mieux ne pas négliger les organismes susceptibles
d'intervenir dans le même sens que nous, comme les commissions
scolaires, le Conseil du statut de la femme, le Conseil consultatif
canadien sur la situation de la femme, les CLSC, le Comité de protection
de la jeunesse, etc. Il ne faut pas oublier non plus de s'adresser aux
partis d'opposition, lesquels, rappelons-nous, ont aussi leur vote au
Parlement ou à l'Assemblée nationale.
Conclusion
Nous ne saurions passer sous silence le fait que plusieurs s'interrogent
sur l'efficacité de notre action politique. Les résultats
étant parfois lents à se produire ou carrément
insatisfaisants, nous remettons souvent en question nos façons
de procéder. Nous constatons qu'il n'est pas facile d'avoir de
la visibilité et que sans elle, la portée de notre action
est grandement réduite. C'est pourquoi, tout en travaillant a développer
nos outils de pression, nous devons aussi avoir recours aux autres
moyens d'action.
Au moment de finaliser ces fiches, les articles du Code criminel relatifs
à la pornographie n'ont pas été amendés. C'est
pourquoi nous faisons référence aux articles en vigueur en
février 88, au risque, principalement, que tout ce qui se rapporte
à l'article 159 du Code criminel ait besoin d'être mis à
jour d'ici quelque temps.
Introduction
L'action à caractère judiciaire effraie, par son caractère
formel, la majorité d'entre nous. Mais dans ce domaine comme dans
celui de l'action politique et de la sensibilisation, il y a différents
paliers d'intervention: certains sont, c'est vrai, assez éloignés
du quotidien; d'autres, par contre, se rapprochent des démarches
qui nous sont plus familières.
Cette fiche ne se veut pas un manuel de procédures judiciaires.
Notre objectif est d'offrir une base d'information qui permette
d'identifier rapidement de quel niveau de juridiction une matière
relève, ainsi que les lois qui s'appliquent à la matière
en question et les lieux d'intervention.
Nous avons tenté d'inclure tout ce qui a trait à l'application
des lois et des règlements qui ont pour effet d'assurer, directement
ou indirectement, le contrôle du commerce de la pornographie. Ce
tableau s'inspire en partie d'un document de travail produit pour le
CSF (Conseil du statut de la femme) par Me Anne Potvin et Me Marc Rochette.1
Les films
Matière visée: les films destinés à être
présentés en public
Objet: le classement d'un film Niveau de juridiction:
provincial
Loi mise en cause: Loi sur le
cinéma et l'audio-visuel (loi 109)
Lieu d'intervention: Régie du cinéma Québec
Commentaires et informations
La Loi 109 n'accorde pas au public la possibilité de demander
la révision du classement d'un film. Cette possibilité n'est
accordée qu'aux personnes représentant l'industrie
du cinéma qui ont initialement soumis le film à la Régie
pour classement. Cependant, avec les amendements apportés
à la Loi 109 en décembre 87, la possibilité d'exprimer
notre point, de vue sur le classement s'améliorera quelque
peu •. L'action, dans cette matière, garde un caractère
politique.
Matière visée: les films
Objet: contenu pornographique (obscène)
Niveau de juridiction: fédéral
Loi mise en cause: Code criminel, articles 159, 160, 163
Tribunal concerné: cour de juridiction criminelle
Commentaires et informations
Tel que mentionné précédemment, la Régie
n'est pas, selon la loi actuellement en vigueur, habilitée
à réviser le classement d'un film. Elle n'est pas davantage
habilitée, cela va de soi, à rejeter un film déjà
classé et mis en circulation. Cependant, si la Régie
fait erreur en apposant une cote de classement à un film que vous
considérez obscène au sens du Code criminel, il est alors
possible de porter plainte pour que le cas soit jugé par
un tribunal. On porte plainte en déposant une dénonciation
auprès d'un juge de paix. Le Code criminel indique, à l'article
455, que quiconque croit, pour des motifs raisonnables
et probables, qu'une personne a commis un acte criminel (dans
le cas présent, il s'agirait de la présentation d'un film
pornographique) peut faire une dénonciation par écrit
et sous serment devant un juge de paix... Cependant, le plaignant (citoyen)
prive devra s'esquiver des que le procureur général ou l'un
de ses substituts interviendra. Il est donc possible que toutes
les procédures entamées sur la foi d'une dénonciation
déposée par un citoyen soient menées par un plaignant
privé jusqu'au procès. C'est à ce stade que survient
la procédure «d'acte d'accusation» et ce n'est que le
procureur général, ou l'un de ses substituts ou une personne
autorisée par écrit par le procureur général,
qui sera habilite à présenter ce dit acte. En pratique,
il est très rare que le procureur général donne
par écrit à un plaignant privé cette autorisation,
il agit lui-même.2 Si toutes ces procédures
vous apparaissent trop compliquées, communiquez tout
simplement avec le corps policier en autorité dans votre localité
et l'on vous indiquera, de façon très concrète,
comment procéder.
Il est aussi utile de savoir que l'article 165 du Code criminel
nous indique ce dont la personne qui a commis l'infraction qui nous
intéresse ici, est coupable: soit d'un acte criminel, soit d'une
infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité.
Ces infractions sont ce qu'il est convenu d'appeler dans le jargon
juridique des infractions mixtes. Essentiellement, cela veut dire que:
- Une personne accusée d'une infraction punissable
par voie de déclaration sommaire de culpabilité
comparaît devant un juge de la Cour provinciale et le
procès est instruit par «voie sommaire», c'est-à-dire
sans délai.
- - Un acte criminel est habituellement une infraction plus
grave et l'accusé peut ordinairement choisir d'être
jugé par un juge de la Cour provinciale, par un juge
de la Cour supérieure ou par un juge d'une Cour supérieure
et un jury,3
3 La vidéo
Matière visée: la vidéo
Objet: le classement
Niveau de juridiction: provincial
Loi mise en cause: Loi sur le
cinéma et l'audio-visuel (loi 109)
Lieu d'intervention: aucun pour le moment. Voir commentaires
Commentaires et informations
La Régie du cinéma classe le matériel vidéo pour
protéger l'industrie en empêchant le piratage des bandes
vidéo originales. Elle classe également les films enregistrés
sur bandes vidéo lorsqu'ils sont destinés à des
projections publiques. La Régie ne classe cependant
pas les films destinés à une consommation privée.
Les amendements à la Loi 109, adoptés en décembre 87,
assurent un meilleur contrôle de la vidéo par le biais
d'une réglementation visant les clubs vidéo et l'étalage
du matériel mais n'assurent pas le classement. Les démarches
demeurent donc politiques pour ceux et celles qui ne sont toujours
pas satisfait-e-s et doivent être dirigées vers le ministère
des Affaires culturelles.
Matière visée: la vidéo
Objet: contenu pornographique (obscène)
Niveau de juridiction: fédéral
Loi mise en cause: Code criminel, articles 159, 160, 163
Tribunal concerné: cour de juridiction criminelle
Commentaires et informations
Le contenu d'une cassette vidéo peut être attaqué en
portant plainte de la même manière que pour les films. Les
commentaires que nous avons faits pour ceux-ci s'appliquent donc ici
aussi.
La radio et la télévision
Matière visée: télévision
Objet: contenu pornographique (obscène)
Niveau de juridiction: fédéral
Loi mise en cause: Code criminel, articles 159, 160, 163
Tribunal concerné: cour de juridiction criminelle
Commentaires et informations
À notre connaissance, aucune cause relative à une émission
de télévision n'a été débattue devant les tribunaux.
Ce serait là une procédure plutôt exceptionnelle.
Il est plus simple de porter plainte auprès du CRTC pour manifester
sa désapprobation et tenter ainsi d'influencer le renouvellement
des permis. •
Matière visée: télévision, radio
Objet: contenu sexiste, discriminatoire
Niveau de juridiction: fédéral
Loi mise en cause: la loi du CRTC (Loi du Conseil de la radio
- télédiffusion canadienne)
Lieu d'intervention: le CRTC Commentaires et informations
Nous rappelons que le CRTC n'a pas de pouvoir au niveau de l'approbation
des émissions, mais qu'il peut suspendre ou refuser
Références bibliographiques
- Me MARC ROCHETTE ET Me ANNE POTVIN, dans Présentation
des lois fédérale et provinciale permettant une intervention
en matière de pornographie.
- Me MARC ROCHETTE ET Me ANNE POTVIN, dans document pré
cité. Annexe 6, p. 4.
- Tiré de Guide relatif à la réponse du gouvernement
fédéral aux rapports sur les infractions sexuelles à
l'égard des enfants et sur la pornographie et la prostitution
Gouvernement du Canada. Juin 86, p. 9.
Pour faciliter les échanges quand la pornographie devient le
sujet d'une conversation, il faut faire face aux arguments qui nous
sont le plus fréquemment servis. Voici donc quelques-uns de ces
arguments et les réponses qu'on peut leur apporter.
Acheteuses
Les femmes aussi achètent des revues pornographiques
et louent des vidéo cassettes pornographiques. Elles aiment ça.
Quatre-vingt-quinze pour cent (95%) des consommateurs de revues pornographiques
sont des hommes.
Même les revues qui étaient destinées aux femmes
ont surtout été achetées par des hommes. L'image de la
sexualité véhiculée par la pornographie n'est pas celles
que s'en font les femmes. Ce sont des hommes qui présentent à
des hommes leur perception de ce qu'est la femme.
Modèles
Si les femmes refusaient de servir de modèles, il
n'y aurait plus de pornographie.
D'une certaine manière c'est vrai. Mais la question qu'il faut
se poser, c'est: pourquoi les femmes acceptent-elles de faire ce métier?
Plusieurs ne choisissent pas librement d'en arriver là: mineures,
elles n'ont pas accès au marché du travail; majeures, elles
y ont accès théoriquement mais nous savons à quel point
les
choses ne sont pas si simples dans la pratique.
Nous n'ignorons pas que les danseuses nues se recrutent facilement
chez les adolescentes en fugue ou ayant besoin d'argent pour diverses
raisons. Il n'y a qu'un pas à franchir pour devenir modèle
de pornographie. On sait aussi que les films pornographiques sont
souvent faits sous la contrainte. Linda Lovelace, vedette du film
Deep Throat, a avoué avoir tourné certaines scènes
à la pointe du revolver. Avait-elle le choix? Quant à la prétendue
liberté des autres, elle n'est que le résultat
d'une scolarisation qui a appris aux femmes à se conformer
aux désirs des hommes et à accepter d'être des objets
de consommation sexuelle. On ne peut pas blâmer ces femmes
de ne pas avoir fait une réflexion dans ce sens et de continuer
à confondre libération sexuelle et exploitation sexuelle.
S'il y a de la pornographie, c'est surtout parce qu'il y a des
producteurs et des consommateurs.
Frustrées
Les femmes gui sont contre la pornographie sont des frustrées
qui n'aiment pas les hommes.
C'est parce qu'elles recherchent l'égalité dans l'expression
même de la sexualité que les femmes sont contre la pornographie.
Leur action ne tend pas à créer de l'animosité envers
les hommes; au contraire, elle vise à faire percevoir l'activité
sexuelle comme devant être source d'épanouissement,
non pas de contrainte. Ce n'est pas une question d'aimer ou de ne pas
aimer les hommes ; c'est une question d'égalité et d'équilibre
dans la sexualité.
Dépendantes économiquement
La pornographie ne devrait pas être prioritaire
dans les dossiers de condition féminine. Ce qui
est important, c'est l'autonomie économique des femmes.
Quand les femmes seront autonomes, il n'y
aura plus de pornographie. La véritable obscénité,
c'est la pauvreté des femmes.
Si obscène veut dire immoral, oui, c'est vrai que la pauvreté
collective et individuelle des femmes est grandement immorale.
Mais l'autonomie économique des femmes ne se réalisera pas
sans une volonté collective et sans une promotion bien orchestrée.
La pornographie, qui représente actuellement une immense industrie,
répète à tous, à coups de millions, que les
femmes sont des êtres inférieurs. On y ridiculise les femmes
dans leur démarche d'égalité. Toutes les femmes, autant
celles qui étudient que celles qui travaillent à l'extérieur
ou celles qui restent au foyer, y sont à tour de rôle dépeintes
comme étant d'abord et avant tout des objets de consommation
sexuelle. Nous voyons cette industrie comme un frein à l'autonomie
économique des femmes ; c'est pourquoi, tout en visant l'accès
des femmes au travail rémunéré et leur promotion sur
le marché du travail, nous luttons aussi contre la pornographie.
La pornographie, c'est comme un programme anti-accès à l'égalité.
Face à la pornographie dite douce
(ex. Playboy): Y a rien là - ce sont des photos
de femmes nues. C'est beau une femme nue.
Oui, c'est beau un corps de femme. Un corps d'homme aussi d'ailleurs.
Mais ces photos de femmes nues répétées a des millions
d'exemplaires ne font que perpétuer l'idée que le corps des
femmes n'est qu'objet de consommation sexuelle et qu'objet de
commerce. Ces revues ne visent pas à célébrer la beauté
du corps des femmes; elles ne sont qu'une autre manifestation d'appropriation
de ce corps, qu'une réduction des femmes à leur corps.
Pornographie et art
II y a des revues et des films pornographiques bien faits.
C'est de l'art.
Au-delà de la forme, il faut voir la nature du contenu. Il ne
faut surtout pas confondre valeur artistique et oeuvre
d'art. Une revue, un film, une affiche, peuvent avoir une valeur
artistique sans être des oeuvres d'art. Le propos de l'artiste,
témoin de la société, est certainement différent
de celui du pornographe qui ne vise que le divertissement sexuel. Ce
qui est à condamner, ce n'est pas le fait de représenter,
par exemple, la violence sexuelle, c'est plutôt le fait d'encourager
ou de soutenir explicitement ou implicitement cette violence.
Pornographie douce
Les revues comme Playboy, c'est bien moins pire
que les revues avec des enfants ou que les
revues avec des femmes attachées ou d'autres affaires
comme ça.
C'est vrai que le contenu des revues où la violence est manifeste
et où des mineur-e-s sont exploité-e-s, est indéniablement
répréhensible. Mais c'est une erreur de croire que la pornographie
douce est inoffensive. Dans la pornographie dite douce, le dommage
est peut-être moins apparent mais il est là quand même.
Les femmes y sont complètement dépersonnalisées
et décrites comme constamment avides de sexe, peu importe le partenaire.
Elles sont soumises et davantage esclaves des désirs des autres
que libérées sexuellement. Les revues de pornographie
dite douce introduisent d'ailleurs de plus en plus des images de violence
physique. En fait, il n'y a pas de pornographie douce.
Un besoin
Si la porno existe, c'est parce que ça répond
à un besoin.
S'il y a un besoin de montrer et de voir les femmes comme des êtres
inférieurs, est-ce qu'on doit encourager la satisfaction d'un tel
besoin? Dans une société qui se veut égalitaire, pourquoi
est-ce qu'on ne répondrait pas plutôt au besoin des femmes
(52% de la population) d'être traitées avec dignité,
d'être respectées? Présentement, les gens qui veulent
acheter du matériel érotique ne peuvent se procurer que de
la pornographie. Pourtant, c'est loin d'être pareil.
Un exutoire
Si la pornographie n'existait pas, il y aurait encore plus d'agressions
sexuelles: plusieurs hommes satisfont leurs désirs
sexuels et leurs impulsions violentes en consommant de la pornographie.
La pornographie nourrit d'abord et avant tout les fantasmes de la majorité
de ceux qui la consomment. Elle n'assouvit pas, elle attise.
La pornographie à caractère violent et avilissant propose
une image de la sexualité où la violence apparaît
normale et même désirée par les femmes. Elle incite
à croire que les femmes aiment être agressées sexuellement.
Comment peut-elle alors conduire à une diminution des agressions?
C'est le contraire qui est plus probable.
Juste des fantasmes
Oui, mais justement la pornographie n'est
pas un produit nocif. C'est juste des fantasmes.
Prétendre que la pornographie n'est que des fantasmes, c'est prétendre
qu'elle n'a pas de lien avec la réalité. On a déjà
cru d'ailleurs que la pornographie n'était pas nocive, n'avait
pas de liens avec la réalité. C'est la conclusion à laquelle
les premières études sont arrivées. Mais le matériel
étudié à la fin des années 60 est bien différent
de celui d'aujourd'hui. Les études des années 70 et 80 ont
montré une désensibilisation, chez les consommateurs de pornographie,
à l'égard de la violence faite aux femmes. Le fait de banaliser
le viol et de faire croire que les femmes aiment être violentées
est déjà en soi nocif. La violence faite aux femmes n'est
pas un fantasme.
Négation de la liberté d'expression
Quand on veut interdire la pornographie,
on nie le droit à la liberté d'expression.
La liberté d'expression n'est pas illimitée; elle s'arrête
là où son exercice menace l'exercice d'autres droits. Les
droits à la sécurité, à la vie, à l'intégrité,
à l'égalité sont aussi importants pour les femmes que
le droit à la liberté d'expression. La liberté d'exprimer
du mépris et de la haine est déjà limitée
quand ce sont des groupes religieux, raciaux ou ethniques qui sont visés.
Si on ne reconnaît pas les mêmes limites à l'égard
d'un sexe, c'est qu'on admet comme société que la discrimination
sexuelle est acceptable.
L'argument de la liberté d'expression ne sert souvent qu'à
masquer les véritables enjeux. Ce qui compte pour les pornographes,
c'est de pouvoir faire le commerce de leurs marchandises. S'ils
pouvaient les produire mais qu'il soit interdit de les vendre, ça
ne les intéresserait plus de les produire. C'est donc la
liberté de commerce qui est véritablement en jeu.
C'est ça, dès qu'il s'agit de commerce
ou de l'idée de faire de l'argent, tout le monde s'objecte.
Qu'est-ce qu'il y a de mal à vouloir faire de l'argent?
Ce n'est pas tellement le fait qu'il y ait de l'argent en cause qui
est important. C'est surtout le fait que si on accepte que ce sont d'abord
des enjeux commerciaux qui prédominent, on ne refusera pas de se
poser, à l'égard de la pornographie, les questions qu'on se
pose à l'égard des autres commerces. Le produit est-il
sans danger? S'il est nocif, il l'est pour qui? etc. etc. Alors on va
accepter de le contrôler comme on contrôle le commerce des
armes, des médicaments, des jouets, de l'alimentation, etc.
Tolérance et droit à l'information
Même si on n'aime pas la pornographie,
il faut la tolérer. Personne n'est obligé d'en
acheter. Ça regarde chacun-e. Un adulte qui
en veut a le droit d'en avoir. Il exerce son droit à l'information.
On pourrait tenir ce raisonnement-là, si la pornographie
était inoffensive. On vient de le voir, la pornographie est nocive.
Le droit à l'information se voit donc imposer les mêmes
limites que le droit à la liberté d'expression. Peut-on d'ailleurs
parler de droit à l'information quand on sait que le message
véhiculé est faux et répressif; le droit au mensonge
existe-t-il? Or la pornographie ment au sujet des femmes, au sujet de
la sexualité, au sujet des relations hommes/femmes.
La lutte contre la pornographie est exigeante à plus d'un égard.
Pour comprendre en profondeur ce phénomène et s'y attaquer,
il faut se donner un certain nombre d'outils. Nous vous proposons ici
les ressources écrites et audiovisuelles qui nous apparaissent
les plus pertinentes et accessibles.
Les livres recensés ici apportent tous des informations et des
analyses qui nous aident à étayer nos arguments sur des bases
solides. Il faut se rappeler que la pornographie s'appuie sur la force
de l'image et que la lutte contre celle-ci s'appuie sur la force des
mots.
Notre bibliographie témoigne aussi de la profondeur de la réflexion
suscitée par le questionnement féministe sur la pornographie
depuis 10 ans. Bien que non-exhaustive, elle classe dans les trois catégories
suivantes les livres que nous jugeons fondamentaux:
Livres essentiels: livres de base, accessibles et intéressants
que nous recommandons à toutes celles qui veulent s'informer. (2)
Sources secondaires: livres qui contiennent des renseignements
utiles et des analyses pertinentes pour celles qui veulent approfondir
davantage le sujet. (3)
Sources complémentaires: livres qui traitent de sujets
liés à la pornographie sans que celle-ci soit leur sujet principal:
ils servent donc à replacer ce phénomène dans un contexte
social plus général. (4)
Outre les livres et les publications, il existe de nombreux documents
audiovisuels qui constituent par ailleurs d'excellentes bases
de discussion. (5)
Certains de ces documents sont plus accessibles que d'autres et vous
devrez les choisir en fonction de vos objectifs, de vos moyens et du
public que vous voulez rejoindre. Nous vous recommandons par conséquent
de les visionner d'abord dans votre groupe avant d'organiser une présentation
publique. Les centres communautaires et les établissements scolaires
de votre quartier ou de votre localité peuvent souvent prêter
les locaux et l'équipement nécessaires pour organiser une
projection publique.
Nous vous rappelons que la plupart des documents mentionnés ici
contiennent des images pornographiques parfois très violentes.
Il est donc important de faire suivre la projection de ce matériel
d'une discussion soigneusement préparée pour éviter que
les femmes ne retournent chez elles avec une sensation d'isolement ou
un sentiment d'impuissance. Lorsque les projections s'adressent à
un public mixte d'hommes et de femmes, il est souhaitable d'organiser
des discussions séparément. Les femmes peuvent ainsi s'exprimer
avec plus de liberté et si elles désirent se joindre aux hommes
par la suite, elles seront de ce fait mieux préparées à
participer à une discussion mixte.
LEDERER, LAURA (éd.) L'Envers de la nuit: les femmes contre
la pornographie,
Montréal, Remue-ménage, 1983. Traduit de l'américain
Take Back the Night, New York, William Morrow and Go.,
1980.
Ce recueil de trente-cinq textes constitue sans doute l'ouvrage le
plus important sur la pornographie. La qualité des analyses ainsi
que la variété des thèmes abordés font de ce livre
un outil fondamental. Il comprend des données sur: » la différence
entre la pornographie et l'érotisme
- le vécu des femmes dans l'industrie de la pornographie
- les liens entre la pornographie et la violence faite aux femmes
- la loi américaine et la pornographie
- le racisme dans la pornographie
- les consommateurs de la pornographie
- la pornographie dans d'autres pays
• les stratégies de lutte contre la pornographie
Livre-choc qui saura provoquer la colère face à l'accumulation
de preuves incriminantes contre la pornographie. Il nous montre clairement
ce qu'est la propagande pornographique et il nous pousse à développer
les stratégies appropriées pour la combattre. Bien que publié
en 1980, ce livre est d'une actualité brûlante. Une excellente
bibliographie à lire absolument.
CARRIER, MICHELINE, La Pornographie: base idéologique de l'oppression
des femmes,
Québec, Apostrophes 1, 1983. La Danse macabre: violence et
pornographie,
Québec, Apostrophes 3, 1984.
(Disponibles aux Publications Apostrophes, 3414, rue Iberville, Suite
9, Montréal, H2K 3E2.)
Ces deux recueils sont parmi les meilleurs exemples de la recherche
féministe engagée produite au Québec. Recherche profondément
personnelle qui a pour fil conducteur le lien entre le vécu des
femmes et l'industrie de la pornographie. Dans La Danse macabre,
qui réunit des articles publiés en 1980 et des analyses plus
récentes, l'auteure nous fait explorer le monde des cabarets, des
bars et les revues pornographiques de la ville de Québec, nous
amenant ainsi à partager sa rage et sa douleur. Ce contact avec
la réalité lui fournit des arguments contre les défenseurs
de cette industrie (pornocrates, politiciens et journalistes). Sa thèse
est claire et son argumentation convaincante: Les hommes, collectivement,
haïssent les femmes et leurs institutions approuvent, normalisent
et alimentent cette haine (Carrier 1983: 55-56). Dans La Pornographie:
base idéologique de l'oppression des femmes, l'auteure nous
démontre comment la pornographie agit en tant que moyen de contrôle
social des femmes, les empêchant d'acquérir la confiance nécessaire
pour riposter. Elle se situe au cœur des débats actuels au
Québec et elle répond à une série de questions importantes
: quel rôle jouent les enfants dans la pornographie? Qui peut-on
taxer de moralistes : les féministes ou les pornocrates? Les danseurs
nus jouent-ils le même rôle social que les danseuses? Les
pouvoirs politiques et judiciaires ont-ils vraiment la volonté
de freiner le développement de l'industrie? L'auteure met également
en lumière les liens entre la pornographie et la publicité
sexiste, entre la pornographie et la dépendance économique
des femmes.
Deux recueils provocants et pertinents.
DWORKIN, ANDREA, Pornography: Men Possessing Women,
New York, Perigree, 1981.
Voilà une analyse rigoureuse et innovatrice du pouvoir des hommes
sur les femmes et de la forme particulière qu'il prend dans la
pornographie. Cette auteure militante féministe s'oppose énergiquement
au libéralisme qui défend la pornographie au nom de la liberté
d'expression et elle nie toute valeur littéraire aux œuvres
consacrées comme celle de Sade. Sa méthode consiste à
opposer le discours libertaire à celui de haine que véhicule
la pornographie réellement.
On termine la lecture de ce livre accablées par la force de ses
arguments, mais plus déterminées à combattre tout ce
qu'elle dénonce avec tant d'éloquence.
POULIN, RICHARD et CÉCILE
CODERRE,
La Violence pornographique ou
la virilité démasquée,
Hull, Asticou, 1986.
Ce livre est le fruit d'une recherche collective entreprise au cours
de l'année 1983 par un groupe d'étudiantes, de professeur-e-s
et de militant-e-s contre la pornographie à Hull et Gatineau. Le
rapport de recherche réalisé au cœur de l'été
ainsi que les travaux d'un séminaire en sociologie ont été
les bases de la réflexion de ce livre. Il tente d'analyser la double
origine de la pornographie à travers une analyse du patriarcat
et du capitalisme. Le livre comprend sept chapitres dont un consacré
à l'industrie de la pornographie enfantine. Cet ouvrage se veut
une synthèse des travaux déjà réalisés à
travers le prisme de la pornographie comme instrument d'appropriation
des femmes.
3. Les sources secondaires
DARDIGNA, ANNE-MARIE, Les Châteaux d'Eros,
Paris, Maspero, 1980.
Une étude fort intéressante du roman français dit érotique
qui inclut des auteurs tels Georges Bataille, René Klossowski et
Pauline Réage. L'auteure déconstruit les effets de mises
en scène où le désir des femmes n'est envisagé
qu'en miroir de désir masculin (p. 15). Elle démontre
comment la soumission des femmes et la violence exercée contre
elles sont inhérentes aux structures mêmes de ces romans qui
prétendent détenir la vérité sur la sexualité
féminine.
CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME, La Pornographie et l'érotisation
de la violence: questions entourant la revendication de mesures légales,
Gouvernement du Québec, novembre, 1981. (Disponible au 1255, carré
Phillips, Suite 708, Montréal, H3B 3G1 ou 8, rue Cook, 3e étage,
Bureau 300, Québec, G1R 5J7.)
Ce document de travail rédigé par Lise Dunnigan est une réflexion
sur la pornographie dite violente et les possibilités d'en interdire
la circulation au Québec. La première partie offre un résumé
critique des études sur les effets de la pornographie dite violente,
alors que la deuxième partie discute des possibilités d'interventions
légales et des limites de ces interventions. Celles qui veulent
s'engager dans la lutte contre la pornographie y trouveront plusieurs
renseignements utiles.
GRIFFIN, SUSAN, Pornography and Silence: Culture's Revenge
against Nature,
New York, Harper and Row, 1981.
Un regard critique sur la pornographie dans le contexte d'une culture
fondée sur la domination de la nature et la dénigration de
la connaissance du corps. Le langage à la fois poétique, théorique
et politique qu'emploie Griffin et son analyse de la pornographie -
particulièrement les parallèles qu'elle établit
avec l'idéologie fasciste -innovent et développent plus avant
la réflexion féministe. Un livre qui offre aussi de l'espoir:
l'espoir d'Eros, l'espoir que les femmes ne seront pas toujours divisées
entre la vision d'elles-mêmes qui leur est imposée par la
pornographie et ce qu'elles sont réellement. Fortement recommandé
pour celles qui lisent l'anglais.
HUSTON, NANCY, Mosaïque de la pornographie: Marie-Thérèse
et les autres, Paris Denoël/Gonthier, 1982.
Comme l'indique le titre, il s'agit bien d'une mosaïque,construite
autour d'une étude comparative des mémoires d'une prostituée
(que l'auteure qualifie d'amorale) et des livres pornographiques (qu'elle
qualifie d'immoraux). L'auteure s'inspirant de la théorie psychanalytique
voit dans la jalousie des hommes quant à la maternité une
des sources de la pornographie. Refusant les explications faciles d'un
phénomène complexe, l'auteure invite ses lectrices à
s'engager dans une réflexion personnelle. Un livre stimulant.
Les cahiers du socialisme, numéro spécial sur «La
violence faite aux femmes et aux enfants», numéro 16, 1984.
Ce numéro est presque entièrement consacré à
la pornographie. On y trouve des articles sur les liens entre la pornographie,
le patriarcat et le capitalisme, sur l'utilisation de la pornographie
par des sexologues, sur les stratégies de lutte contre la
pornographie dans le mouvement gai, sur la violence domestique
et l'inceste et, enfin, quelques réflexions nouvelles à propos
des motivations qui animent les consommateurs de la pornographie.
Les analyses ne sont pas toutes d'égale valeur mais la revue mérite
d'être lue dans son ensemble.
HANS, MARIE-FRANÇOISE ET GILLES LAPOUGE, Les Femmes, la pornographie,
l'érotisme,
Paris, Seuil, 1978.
Un recueil de témoignages et d'interviews auprès des femmes
(quelques-unes célèbres, la plupart inconnues), sur leurs
sentiments face à la pornographie et à l'érotisme. Malheureusement,
l'analyse des auteur-e-s tourne court. Il n'est qu'à voir comment
ils entretiennent la confusion entre les deux termes (pornographie et
érotisme), ce qui les prive de toute vision conséquente et
les amène a cautionner la pornographie dans certains cas. Heureusement,
quelques interventions, comme celles de Luce Irigaray et de Anne-Marie
Dardigna viennent court-circuiter la démarche des auteur-e-s et
éclaircir le débat.
BARRY, KATHLEEN, L'Esclavage sexuel de la femme,
Pans, Stock, 1982. Traduit de l'américain Female Sexual
Slavery, Englewood Cliffs, N.J., Prentice Hall, 1979.
Une recherche fouillée et courageuse de la réalité peu
connue de l'esclavage sexuel des femmes qui, selon l'auteure, est présent
dans toutes les situations où les femmes et les jeunes filles ne
peuvent changer leurs conditions d'existence dans l'immédiat, où,
quelle que soit l'origine de leur servitude, elles ne peuvent plus y
échapper, où elles sont soumises à des violences
sexuelles et exploitées. La pornographie est analysée comme
une forme de sadisme culturel et son rôle dans le maintien
des attitudes et comportements violents est clairement démontré.
De plus, on trouve des renseignements importants sur le vécu des
victimes de l'esclavage sexuel, sur la traite internationale des femmes
et sur la colonisation sexuelle du Tiers Monde, sur la collusion entre
le crime organisé, la police et les gens qui détiennent le
pouvoir ainsi que sur les luttes féministes contre cet esclavage
au XIXe siècle. Un livre très important pour comprendre l'étendue
de l'exploitation sexuelle des femmes.
RUSH, FLORENCE, Le Secret le mieux gardé, Paris, Denoël/Gonthier,
1983. Traduit de l'américain, The Best Kept
Secret, New York, McGraw Hill, 1980.
Ce livre est sans doute la meilleure source d'information et l'analyse
la plus rigoureuse des abus sexuels dont les enfants sont victimes.
Il retrace l'évolution des mœurs et des coutumes concernant
la sexualité infantile en remontant avant même le début
du christianisme. Statistiques et témoignages à l'appui, l'auteure
répond à ceux qui défendent la pédophilie et l'inceste
au nom de la libération sexuelle. Un livre qui encourage les femmes
à briser le silence qui entoure les abus qu'elles ont subis pendant
leur enfance.
BROWNMILLER, SUSAN, Le Viol, Montréal, Opuscule, 1980.
Traduit de l'américain, Against Our Will: Men,
Women and Rape, New York, Simon and Schuster, 1975.
Maintenant un des classiques de la littérature féministe,
ce livre constitue la première analyse d'envergure du viol; le
viol y est dénoncé en tant que crime politique. Par des témoignages,
par sa recherche historique et par sa critique du système judiciaire,
l'auteure démontre la fausseté des vieux mythes qui rendent
les femmes responsables de ce crime alors qu'elles en sont les victimes.
Elle dénonce la propagande pornographique et certaines revues féminines
pour leur rôle quant à la normalisation du viol.
BERGER, JOHN, Ways of Seeing,
London, BBC and Penguin Books, 1972.
Un livre écrit à partir d'une série d'émissions
de télévision produite en Angleterre qui comprend sept essais,
dont trois composés exclusivement d'images. L'auteur nous amène
à questionner notre façon de voir, et plus particulièrement
à comprendre le processus par lequel la publicité et l'art
transforment les femmes en objets. Bien que l'approche soit loin d'être
féministe, ce livre nous aide à replacer la pornographie contemporaine
dans un contexte historique.
COLLECTIF D'ÉCRITURE DU CENTRE.DES FEMMES DES
CANTONS en collaboration avec Henri Lamoureux OSER. Quand des femmes
passent à l'action.
1987
Le point de départ de la Collective a été une assemblée
publique d'information tenue sur le thème de la violence envers
les femmes. Cette collective mettra sur pied, en quelques années,
le Centre de femmes des Cantons, montera une pièce de théâtre
sur le harcèlement sexuel, s'engagera dans la lutte contre la pornographie.
Dans cette lutte, ses moyens seront nombreux: réponses à des
éditoriaux dans le journal régional, pressions auprès
de la municipalité, pétitions de plus de 2000 signatures.
Les objectifs du Comité de lutte anti-porno étaient triples
:
Réussir premièrement à faire adopter par la
ville de Cowansville un règlement municipal en vertu duquel
l'étalage des revues pornographiques serait réglementé;
deuxièmement, faire enlever une affiche, présentant une femme
nue. qui ornait la devanture d'un «bar topless» (...) juste
en face d'une école primaire; troisièmement, réaliser
un travail d'éducation populaire large sur la question de la pornographie
et de ses conséquences et amorcer une réflexion sur
les conséquences de la pornographie.
Certains compromis ont dû être faits mais somme toute, ce
fut, selon elles, une excellente école de confiance en soi, ainsi
que d'apprentissage de la solidarité. Elles ont aussi acquis une
légitimité comme groupe parce que la lutte qu'elles ont menée
contre la pornographie, elles l'ont menée avec la voix de la raison
et celle du cœur:
Nous avons persuadé les gens que la pornographie était
contraire à leur éthique personnelle et à ce qu'ils
désiraient comme éthique collective (...) Les gens
de notre milieu n'aiment pas se voir considérés
comme des impuissants ou des victimes consentantes (p.95).
En plus de leurs pressions politiques, elles ont mis sur pied un projet
de recherche-terrain. Ce rapport fut largement diffusé. Fortes
de leurs expériences, ces femmes ont investi le champ de l'économie.
Il faut mentionner que ce livre a été aussi une entreprise
d'écriture collective et il servira d'autofinancement pour le Centre.
C'est surtout pas de l'amour
Films ou vidéos
Durée: 68 minutes et 40 secondes
Public cible: général
Langues: anglais (Not a Love Story, version originale)
et français.
Réalisé par Bonnie Sherr Klein et produit par Dorothy Henaut
du Studio D de l'Office national du film (ONF), cet exposé accablant
sur l'industrie de la pornographie en Amérique du Nord constitue
probablement le meilleur outil de sensibilisation existant sur le sujet.
Il nous fait voir et entendre quelques femmes qui travaillent dans cette
industrie, des hommes qui tirent profit de cette production et des féministes
qui expliquent pourquoi elles s'y opposent. En dévoilant la haine
des femmes que véhicule la pornographie, ce film provoque une prise
de conscience et nous incite à agir pour contrer ce phénomène.
À voir absolument.
Vous pouvez commander gratuitement C'est surtout pas de l'amour
en contactant le bureau de l'ONF le plus proche de chez vous :
Chicoutimi: (418) 543-1711 Montréal: (514) 283-4823 Ottawa: ((513)
996-4259 Québec: (418) 648-3852 Rimouski: (418) 722-3086 Sherbrooke:
(819) 565-4931
Pornography: A Woman's Survey of the Issue
Vidéos 3/4" ou 1/2" VHS ou Beta
Durée: 3 vidéos d'environ une heure chacun
Public cible: élèves des écoles secondaires et
post-secondaires. Accessible à tout le monde. La deuxième
partie s'adresse surtout à un public féministe.
Langue: anglais seulement
Cette série de trois vidéos est tirée d'une conférence
sur la pornographie organisée à Kingston, Ontario, en février
1984. Chacune des trois parties traite d'un thème spécifique:
Première partie :
Cultural Lies/Women 's Lives:
élaboration d'une perspective
féministe sur la pornographie.
Deuxième partie:
Stratégies for Change: comment,
en tant que féministes, proposer
des alternatives à la culture
pornographique.
Troisième partie: Their Obscenity Is Not Our Pornography:
quels recours légaux alternatifs les féministes peuvent-elles
envisager? Entrevues avec des avocates canadiennes et avec Catharine
MacKinnon qui, avec Andréa Dworkin, est à l'origine d'un projet
de règlement très controversé contre la pornographie
soumis à la Ville de Minneapolis aux États-Unis dans le cadre
d'un règlement fondé sur les libertés civiles.
On peut louer ou acheter des copies de ces trois vidéos. Pour
plus d'informations, contacter:
Pornography Project Collective c/o Jennifer A. Stephen 25 Tyndall Avenue
Toronto, Ontario M6K 2E8
Tel: (416) 537-3888 3
Mini -vidéos tirés du Symposium on Media
Violence and Pornography,
Toronto, Février 1984
Vidéos 3/4" ou 1/2" Beta ou VHS
Durée: 4 vidéos de 12 à 30 minutes chacun
Public cible: général
Langue: anglais seulement
Cette série de quatre mini-vidéos fut produite lors du Colloque
international sur la violence dans les médias et sur la pornographie,
tenu à Toronto en 1984. Parmi les intervenant-e-s présent-e-s,
on trouve des féministes, des chercheur-e-s, des avocat-e-s et
des représentant-e-s des divers niveaux de gouvernements. Chaque
vidéo explore un thème précis:
Pornography and the Law:
12 minutes
Rock Videos: 30 minutes Télévision Violence:
12 minutes
Women and Pornography:
12 minutes
On peut en obtenir copie en défrayant les coûts d'envoi auprès
de la Coalition canadienne contre les divertissements à caractère
violent,
1 Duke Street, Suite 206 Hamilton, Ontario L8P 1W9
Tél: (416) 524-0508 4
Vidéo-fiction sur les représentations de la sexualité
Vidéos 3/4" et 1/2" VHS Durée: 30 minutes
Public cible: les femmes entre 16 et 20 ans
Langue: français
Sandra et Lucie. Deux jeunes femmes explorent leur sexualité et
découvrent parallèlement les différentes représentations
de la sexualité que leur propose la société. Chacune
à sa manière recherche l'épanouissement et le plaisir
mais elles auront toutes deux à surmonter plusieurs obstacles.
Location: 50$ par jour plus frais de transport.
Contacter le
Groupe Intervention-vidéo
718, rue Gilford Montréal, Québec H2J 1N6
Tel: (514) 524-3259
Hey You Woman!
Diaporama avec bande sonore synchronisée
Durée: 14 minutes
Public cible: les femmes et les hommes qui ne sont pas familiarisés
avec le sujet
Langue: français
Ce diaporama produit conjointement par le Comité de condition
féminine de Sherbrooke et le cégep de Sherbrooke cherche
à montrer les liens existant entre deux formes d'exploitation de
la sexualité et du corps des femmes: la pornographie et la publicité
sexiste. La bande sonore se compose de musiques et de chansons, incluant
Hey You Women! (du groupe Aut'Chose), Strip-Tease (de
Diane Dufresne) et Travesti (Nanette Workman).
Ce diaporama est distribué gratuitement par le Conseil du
statut de la femme
8, rue Cook
3e étage, Bureau 300
Québec, Québec GIR 5J7
On peut téléphoner sans frais de toutes les régions
du Québec en composant le 1-800- 463-2851
Pornography Is Propaganda
Diaporama Durée: 40 minutes Public cible: général
Langue: anglais seulement
Produit par Elena Medicoff, une féministe engagée dans la
lutte contre la pornographie à Montréal, ce document cherche
à montrer les similitudes entre la pornographie dure (hard-core)
et la pornographie dite douce (soft-core), ainsi que les liens entre
la pornographie et d'autres formes de propagande haineuse. On y aborde
également le caractère sexiste ou pornographique de certaines
caricatures et bandes dessinées.
Le coût de la location peut varier selon les moyens dont dispose
votre groupe. Pour plus d'informations, contacter
Elena Medicoff
1356 Hampton, app. 2
Montréal, Québec
Tél: (514) 484-9645
Violence et Pornographie
Diaporama Durée: 20 minutes
Public cible: la population en général, mais surtout
les groupes de femmes qui travaillent le dossier de la pornographie
Langue: français et anglais
Produit par le groupe Women Against Pornography de New York, ce diaporama
montre la violence et la déshumanisation des femmes promue par
la pornographie. Les images sont tirées de pochettes de disques,
de revues de mode féminine et de revues pornographiques. On devra
informer les spectatrices, avant le visionnement, du contenu très
violent de certaines images et il est essentiel d'organiser une discussion
après la projection. On peut utiliser ce diaporama comme complément
à Hey You Woman!. Disponible gratuitement auprès du
Conseil du statut de la femme.
Conseil du statut de la femme
8, rue Cook
3e étage, Bureau 300
Québec, Québec G1R 5J7
Ça crève les yeux, ça crève le cœur
Pièce de théâtre
Durée: version pour adultes:
Ihl5
version pour adolescent-e-s: 45
minutes
Public cible: selon la version Langue: français
Le Théâtre Parminou cherche à travers cette pièce
à nous faire découvrir les effets de la pornographie sur la
vie quotidienne: vie de couple, sexualité et violence faite aux
enfants. Le sujet est abordé par le biais du rire et les personnages
nous entraînent dans un tourbillon d'émotions où la tragédie
se mêle à la comédie.
Prix fixe (incluant transport et publicité): 1225$ pour une représentation
unique et 1050$ par représentation pour deux séances ou plus.
Pour plus d'informations, contacter
Le Théâtre Parminou
G.P. 158
Victoriaville, Québec G6P 6S8
Tel: (819) 758-0577
Mademoiselle Auto-Body
Pièce de théâtre Durée: Ih30
Public cible: la population adulte en général
Langue: français
Les Folles Alliées nous reviennent avec une comédie musicale
flash en chansons, danses et émotions avec, pour enrober
le tout, leur fameux humour. Cette création collective traite du
commerce du sexe à tous les niveaux ainsi que du harcèlement
sexuel. À noter qu'il n'y a pas de discussions prévues après
le spectacle.
Prix par représentation: 2200$
Pour plus d'informations, contacter les Folles Alliées
À Montréal: 4061, rue St-Denis Montréal, Québec
H2W 2M7
Tel: (514) 844-2928
À Québec: 526, rue St-Patrice Québec, Québec G1R
1Y8
Tel: (418) 524-0327