ACTES  DU  COLLOQUE

c'est la multiplication des efforts des femmes
c'est le courage au féminin
10 X 10 = MILLE
10 ateliers pour MILLE changements.
10 non-trads vues valent MILLE discussions
10 ans d'intervention pour accéder à MILLE emplois.
10 petits changements créent MILLE grands bouleversements.
10 modèles multiplient par MILLE les rêves et espoirs des jeunes lilies.
10X10 = MILLE parce que notre désir de changement est exponentiel,

FEMMES  REGROUPÉES  EN  OPTIONS  NON  TRADITIONNELLES




Colloque tenu à Montréal en septembre 1998

Publié par Femmes regroupées en options non traditionnelles

RÉDACTION:
Colette Doudrias
Claire Cousineau
Hélène de Montigny
Linda Lavoie

SOUTIEN TECHNIQUE:
France Drapeau

MISE EN PAGE:
Usa Vinebaum

IMPRESSION:
Imprimerie Fine-Art

Nous tenons à remercier de tout coeur toutes les secrétaires d'ateliers sans lesquelles II rédaction de ce document aurait été impossible.

1997

DÉPÔT LÉGAL

Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISBN  2-9803180-4-3

TABLE DES MATIÈRES



La réalisation de ce document a été possible grâce à la collabora- tion des ministères de l'Emploi, de l'Éducation et du Travail du Gouvernement du Québec, de la SQDM de Montréal et de la Montérégie ainsi que de Condition féminine Canada.

FEMMES REGROUPÉES EN OPTIONS NON TRADITIONNELLES

81, rue St-Jean, Longueuil (Québec) J4H 2W8
Téléphone : (514) 670-7866 •
Télécopieur : (514) 646-9060



Un des objectifs visés par ce colloque était de recueillir le plus de données possibles sur les conditions d'études, de travail et d'embauché des femmes en emplois non traditionnels ainsi que les obstacles qu'elles ont à franchir tout au long de leur démarche professionnelle. C'est ce bagage d'informations qui nous permettra d'améliorer nos plans et d'articuler nos revendications pour mieux desservir celles qui suivront et celles qui s'y maintiennent.

Mais le but premier de ce colloque était de tenir un grand rassemblement de femmes en emplois non traditionnels et de créer des moments privilégiés qui permettent aux travailleuses de se rejoindre et de se connaître. Une forme de retrouvailles qui fassent du bien et qui encouragent à poursuivre! Tisser des liens, bâtir un réseau de complicité, se sentir partie prenante d'une réalité. Apprendre et partager nos expériences.


Y AS-TU PENSÉ?

C'est dans le cadre de ce colloque que nous avons procédé au lancement d'une campagne de sensibilisation et de promotion des métiers non traditionnels auprès des jeunes filles de toutes les écoles secondaires du Québec. Cette campagne, intitulée "Femmes de métier! y as-tu pensé?", permettra cette diffusion massive de six affiches représentant des femmes dans l'exercice de leur métier.

Claire Cousineau, responsable des communications et du développement à F.R.O.N.T., présentait les démarches entreprises par l'organisme pour la réalisation de ce projet. Nous reproduisons l'essentiel de son discours:

LES IMAGES VALENT MILLE MOTS!

par Claire Cousineau, Chargée de projet, F.R.O.N.T.

"C'est avec beaucoup d'émotions que nous procédons à l'ouverture du colloque F.R.O.N.T. version'96. L'objectif principal que nous nous sommes fixées dès les premières rencontres du comité organisateur du colloque était de faire de ce colloque un lieu où les femmes exerçant un métier puissent se rencontrer, se parler, échanger. Nous souhaitions qu'elles soient nombreuses à prendre la parole. Je suis heureuse de vous annoncer que près de 150 personnes se sont inscrites au colloque et que plus des trois-quarts d'entre elles sont des travailleuses non traditionnelles.

Nous avons choisi ce moment privilégié pour enfin dévoiler l'une des grandes réalisations de F.R.O.N.T. Une série d'affiches représentant des femmes dans l'exercice de leurs métiers. Ces affiches s'adressent aux jeunes filles des écoles secondaires et visent à encourager ces dernières à diversifier leurs choix de carrière.

Ce projet est la résultante d'une tournée québécoise effectuée par F.R.O.N.T. en avril '95, qui visait à prendre con- naissance des réalisations des divers organismes de femmes du Québec se préoccupant des métiers non tradi- tionnels. L'une des conclusions de cette recherche nous permettait d'affirmer qu'un des principaux facteurs d'influence permettant aux femmes et aux jeunes filles d'accéder aux métiers non traditionnels était sans con-

"Je suis heureuse de vous annoncer que près de 150 personnes se sont inscrites au colloque et que plus des trois-quarts d'entre elles sont des travailleuses non traditionnelles."




"La question des
modèles est cruciale:
elles procurent aux filles
le sentiment et la
certitude qu'elles
peuvent, elles aussi,
oser sortir des sentiers
battus."

teste la présence de modèles dans leur milieu. Ainsi, puisque les images valent mille mots, nous avons entrepris une démarche financière visant la production d'une série de six affiches reproduites en 20 copies à l'intention de chacun des organismes membres de F.R.O.N.T.

Divers critères ont guidé l'équipe de production quant aux choix des modèles sélectionnées en fonction des métiers qu'elles occupent; nous voulions illustrer des travailleuses dont les métiers:

• exigent divers niveaux de scolarité allant de la formation secondaire, (Diplôme d'études professionnelles, DEP) au diplôme d'études collégiales (DEC);

• s'exercent autant à l'intérieur qu'à l'extérieur;

• relèvent de l'entreprise privée, du travail autonome et des services publics;

• soient le reflet des diversités régionales, c'est-à-dire que ces métiers soient exercés partout au Québec; • interpellent les jeunes filles, les fassent rêver et combattent le préjugé à l'effet que les choix non traditionnels signifient la perte de la féminité.

Notre recherche fut fort agréable, la sélection des femmes choisies plus difficile que prévu puisque nous avons rencontré des femmes tout aussi intéressantes les unes que les autres. Une chose frappait chez chacune d'entre elles: leur sourire, leur visage illuminé lorsqu'elles parlent de leur métier. Si bien que le thème aurait pu être "J'aime ma job"! Merci Karine, merci Lucie, merci Nancy, merci Monique, merci Isabelle, merci Linda.

C'est donc alimentée des rencontres avec ces femmes que l'équipe de production a pu réaliser ce projet. Une équipe à l'écoute et qui a su partager notre volonté d'agir: merci Marie, merci Yves, merci Caroline, merci Gaston.

Les résultats obtenus ont suscité tellement d'intérêt et d'enthousiasme que nous nous somme trouvées à déplorer que ces affiches ne soient la propriété que de nos groupes-membres et que leur reproduction se limite à 20 copies. Nous avons donc entrepris de trouver des partenaires et de les convaincre de participer à leur dif- fusion dans l'ensemble des écoles secondaires du Québec. Il nous fallait 10 000 copies de chacune des affiches. C'est donc dire qu'il nous fallait beaucoup de sous et des ententes avec le ministère de l'Éducation ... chose faite! Merci à l'Aluminerie Lauralco, merci à Gaz Métropolitain, merci à la Commission de construction du Québec et merci au ministère de l'Éducation, merci Anne.

Femmes de métier, y as-tu pensé?"

Suivait une allocution d'Anne Thibault, représentante du ministère de l'Éducation, qui a été responsable de la diffusion des affiches dans toutes les écoles secondaires de la province.

POUR LA DIVERSIFICATION DES CHOIX: DES MODÈLES NON TRADITIONNELS, S.V.P.!

par Anne Thibault

Agente de recherche, Coordination à la condition féminine,

Ministère de l'Éducation du Québec

"Au nom de la Coordination à la condition féminine du ministère de l'Éducation, je remercie F.R.O.N.T de nous avoir invitées à ce lancement et surtout de nous avoir associées à sa démarche concernant la valorisation des métiers non traditionnels. Grâce à cette collaboration, les écoles secondaires du Québec et les centres d'éduca- tion des adultes recevront des affiches proposant aux filles de nouveaux modèles de carrière au féminin.

La question des modèles est cruciale: elles procurent aux filles le sentiment et la certitude qu'elles peuvent, elles aussi, oser sortir des sentiers battus. Les filles et les femmes doivent être invitées à choisir des professions et des métiers qui les mèneront vers des emplois épanouissants et rentables.

Une autre question importante est celle du soutien aux élèves en processus d'orientation. Parents, éducateurs et pairs peuvent aider et soutenir une fille qui souhaite faire un choix différent de formation.

Il est important que les filles diversifient leurs choix professionnels et élargissent leurs champs d'intérêts: leur intégration au marché du travail, dans de bonnes conditions, en dépend car les emplois d'avenir sont souvent dans certains secteurs de la formation professionnelle et technique où l'effectif féminin est sous-représenté.


Le travail non traditionnel est l'une des façons d'atteindre une meilleure autonomie économique mais plusieurs obstacles persistent encore, obligeant les jeunes filles et les femmes à une très grande détermination dans leur cheminement. Ces obstacles sont de toute nature et se retrouvent dans tous les milieux: à la maison, à l'école ou en emploi. C'est pourquoi cette question préoccupante doit être largement discutée et travaillée en partenariat avec les intervenants socio-économiques.

La diversification des choix scolaires et professionnels des jeunes filles est l'un des principaux enjeux du plan d'action du ministère de l'Éducation en matière de condition féminine. En collaboration avec son comité Destination avenir au féminin, la Coordination à la condition féminine s'emploie actuellement à soutenir des démarches et à consolider différentes actions.

Elle développe également de nouveaux projets comme le concours Chapeau les filles! Grâce aux contributions financières de diverses entreprises, ce concours encourage et soutient les jeunes filles et les femmes de la for- mation professionnelle et technique non traditionnelle. Chapeau les filles! est également une activité qui rayonne sur les élèves de l'enseignement régulier des écoles secondaires parce qu'au moment défaire des choix scolaires, elles pensent à d'autres métiers, d'autres occupations possibles, même pour elles!

Avec les regroupements de femmes, les entreprises et, bien sûr, les commissions scolaires et les écoles, la Coordination à la condition féminine du ministère de l'Éducation travaille pour faire en sorte que l'intégration des filles, dans les milieux de formation et ceux du travail non traditionnels, se fasse dans les meilleures conditions.

Espérons que ces affiches apporteront, à l'heure des choix, dés éléments de réflexion différents aux élèves des écoles secondaires. Peut-être se diront-elles: Femmes de métier... pourquoi pas moi?"

"Peut-être se diront- elles: Femmes de métier... pourquoi pas moi?"




"Lorsqu'on considère les
luttes qui ont été menées
et le chemin parcouru,
vous avez tout à fait
raison de dire que
10 fois 10 font mille."

Tout au long du colloque, Nicole Lacelle, consultante et féministe aguerrie, s'acquittera merveilleusement bien de ses tâches d'animatrice, dirigera les activités, sera gardienne du temps et fera preuve d'un esprit de synthèse fort aidant. Elle nous entretient brièvement, juste assez longtemps pour nous inspirer, en nous parlant de pionnières et d'héroïnes. Elle décrit les pionnières comme étant celles qui montent l'échelle et les héroïnes celles qui, non seulement montent l'échelle mais rendues au sommet, la tiennent pour celles qui suivent.

Elle laisse la parole à Léa Cousineau, sous-ministre au Secrétariat à la condition féminine, qui acceptait notre invitation pour donner le coup d'envoi à 10 X 10 = MILLE. Elle-même dans une occupation non traditionnelle en politique, on la connaît pour avoir défendu le droit des femmes à exercer des métiers de leur choix. Voici son discours:

LES TRAVAILLEUSES NON TRADITIONNELLES (T.N.T.) "DE LA DYNAMITE! DES DÉFRICHEUSES!"

par Léa Cousineau

Sous-ministre au Secrétariat à la condition féminine

Gouvernement du Québec

"Je tiens d'abord à remercier F.R.O.N.T. pour son invitation à ce colloque. En prenant des notes pour cette allo- cution, j'ai écrit les trois premières lettres de travailleuses non traditionnelles pour découvrir que cela faisait T.N.T., de la dynamite quoi. J'ai tout de suite pensé aux défricheuses, dont le potentiel explosif crée des brèches dans les chasses gardées masculines.

Au cours de ces quelques minutes, je tracerai à partir de: mon expérience personnelle, particulièrement celle en politique, un bref portrait des obstacles rencontrés en tant que femme travaillant dans un métier non tradition- nel, puis je traiterai des solutions à mettre en place pour faire front à ces obstacles.

Lorsqu'on considère les luttes qui ont été menées et le chemin parcouru, vous avez tout à fait raison de dire que

10   fois 10 font mille. En matière de condition de vie des femmes, les progrès réalisés ont souvent été le résultat d'actions menées avec énergie et courage par des pionnières, des défricheuses. Pensons seulement aux grands combats qu'ont livrés les suffragettes pour obtenir le droit de vote. Au Québec, ce n'est qu'en 1940 que ce droit est accordé aux femmes.

Cela explique en partie le fait que l'on peut considérer, encore maintenant, la profession de «politicienne» comme une option non traditionnelle puisque dans le jargon technique, on considère une profession comme non traditionnelle lorsque la main-d'oeuvre féminine représente moins du tiers de la main-d'oeuvre totale.

C'est pourquoi, peu importe le palier politique, les femmes qu'on y retrouve occupent, comme vous, des postes non traditionnels. Ainsi, lors des dernières élections provinciales, les femmes ne représentent que 18% des députés élus. Au sein du conseil des ministres, on retrouve 5 femmes sur 22, soit une proportion de 23%.

Au niveau municipal, les femmes représentent seulement 9% des maires et 20 % des conseillers municipaux. ]e me permets toutefois d'ouvrir une parenthèse, car il s'agit d'une première dans l'histoire du Québec. Au sein de la fonction publique, plus du tiers des sous-ministres, c'est-à-dire 8 sur 23, sont des femmes; en début d'année, seulement deux femmes étaient sous-ministres.

11  est vrai que ces statistiques sont de beaucoup supérieures à celles que l'on retrouve dans vos professions.  À titre d'exemple, on sait que la main-d'oeuvre féminine ne représente que 0,2 % des détenteurs de certificats de compétence relatifs aux différents métiers de l'industrie de la construction. La plus forte proportion de femmes concerne les métiers de soudeur, soit 1,2% et de peintre, tout juste 1 %.

Mais au-delà de cet aspect plutôt technique, un parallèle est facile à établir entre les métiers non traditionnels que vous pratiquez comme plombières, mécaniciennes, éclairagistes, pompières et les femmes en politique. Mon expérience dans ce domaine, j'ai été la première femme à occuper le poste de présidente du comité exécutif du


Conseil de ville de la ville de Montréal, de même qu'en 1975, la première présidente d'un parti politique, en l'oc- currence le RCM, m'a certainement fait vivre des situations assez semblables à celles que vous vivez comme tra- vailleuses non traditionnelles.

LES OBSTACLES

Un premier constat qui ressort est la nécessité pour les femmes d'asseoir leur crédibilité et de démontrer leur compétence. Cela fait en sorte que plus souvent qu'autrement, à formation et aptitudes égales, elles doivent met- tre les bouchées doubles afin de faire leurs preuves. Au sein de leurs pairs, les filles, certains vont même jusqu'à dire les «p'tites filles», doivent passer le test. Le choix d'une profession non traditionnelle oblige trop souvent les femmes à devoir d'abord abattre le mur de préjugés, et ce, tant en milieu de travail qu'auprès de la famille et des proches.

Il faut beaucoup de temps, d'énergie, et même de confrontations, avant que les femmes soient reconnues comme faisant partie du groupe de pairs. Nos milieux de travail sont souvent imprégnés d'une culture sexiste qui donne naissance à une kyrielle de pratiques discriminatoires. Mais rassurez-vous, plus le nombre de femmes augmente, plus ces comportements tendent à diminuer. Les gains faits par les pionnières profitent à celles qui les suivent.

La discrimination à l'embauche peut se manifester sous différentes formes. Elle peut provenir de pratiques formelles, comme des exigences physiques, de scolarité ou d'expériences supérieures au niveau requis pour effectuer efficacement un travail, ou bien de règles informelles telles que l'utilisation des mêmes sources de recrutement alors qu'on y trouve peu de candidatures féminines, et finalement de valeurs, d'attitudes et des men- talités, qui s'expriment par l'application parfois involontaire d'un double standard au moment de l'évaluation de candidatures, selon qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme. Dans les faits, on aura tendance à laisser la chance au coureur quand il s'agit d'un homme; d'une femme, on surveillera chaque pas pour voir si elle sait courir!

Dans les professions «d'hommes», les attentes envers les femmes sont fréquemment exorbitantes: la perfection, rien de moins. La moindre hésitation, la moindre erreur, la moindre saute d'humeur sont immédiatement dénon- cées. Beaucoup de femmes franchissent ce mur de préjugés en jouant la carte de l'humour. Bien qu'elle ne peut solutionner tous les problèmes, particulièrement celui du harcèlement sexuel, elle permet bien souvent de remet- tre les pendules à l'heure et de prendre la place qui nous revient.

Un autre obstacle à affronter est l'isolement causé par la situation de minoritaire généralement vécue par les femmes occupant des métiers non traditionnels. Il faut bien sûr dépasser cette crainte d'être seule dans un groupe d'hommes pour réussir à franchir les interdits et ainsi accéder à ces professions. C'est pourquoi chacune d'entre vous êtes des défricheuses, des aventurières qui sont sorties des sentiers battus. MAIS À QUEL PRIX, j'en con- viens! D'une façon ou d'une autre, je suis sûre que la plupart d'entre vous avez vécu de telles situations d'in- tolérance, de rejet, d'isolement ou d'exigences démesurées.

Un premier aspect qui, je pense, nous rapproche, est le manque de modèle féminin. Ces modèles sont nécessaires pour démontrer que c'est possible et que cela n'est pas seulement l'apanage de femmes exceptionnelles. J'irais même jusqu'à dire que ça ne doit pas être réservé seulement aux femmes qui ont du «front». Car dans les faits, il est tout à fait justifié que les femmes occupent le métier qu'elles ont choisi.

LES SOLUTIONS

C'est par l'entreprise de modèles féminins plus nombreux et plus variés, rejoignant ainsi beaucoup plus de femmes et particulièrement les plus jeunes, que l'on pourra faire en sorte que le principal gage de maintien en emploi des travailleuses non traditionnelles ne réside plus dans leur capacité à vaincre PERSONNELLEMENT, une à une, chacune des résistances. En faisant la promotion et la diffusion d'expériences féminines réussies, on peut faire d'une pierre deux coups: informer plus largement les femmes, et plus particulièrement les jeunes, sur les choix de carrières non traditionnelles en plus d'abolir une partie des résistances qui s'y opposent.

On parle souvent d'une masse critique, c'est-à-dire un nombre suffisant de femmes qui pourront, en raison de leur poids relatif, changer la culture des professions masculines par tradition. L'entrée des femmes dans les secteurs réservés aux hommes n'a pas été assez massive pour entraîner des modifications substantielles. Trop souvent, les femmes ont dû se plier aux modèles d'organisation masculins, beaucoup plus que ceux-ci ne se sont adaptés à elles. Il faut faire en sorte que la force du nombre finisse par jouer en notre faveur.

"Il faut donc éliminer les barrières qui limitent l'accès, le maintien et la progression des femmes dans certains emplois."



"J'aimerais trouver les
meilleurs mots pour
vous dire à quel point la
solidarité fait la
différence."

Cela ne signifie pas pour autant que toutes les femmes doivent se diriger vers des métiers non traditionnels ou qu'on doive les inciter à le faire. Il s'agit de faire en sorte que celles qui ont un intérêt et des aptitudes pour de telles professions puissent les choisir librement. Il faut donc éliminer les barrières qui limitent l'accès, le main- tien et la progression des femmes dans certains emplois.

Il est parfaitement légitime par ailleurs que d'autres femmes aspirent plutôt à des professions qui sont reconnues comme traditionnellement féminines. Je ne voudrais surtout pas rendre hommage aux travailleuses non tradi- tionnelles au détriment de celles qui exercent des professions typiquement féminines. Ces femmes ont droit à la reconnaissance de la juste valeur de leur travail et c'est pourquoi je soutiens avec énergie le projet de loi sur l'équité salariale.

Pour augmenter l'égalité entre les femmes et les hommes dans les métiers non traditionnels, il ne suffit pas simplement d'éliminer les pratiques discriminatoires; il faut surtout poser des actions incitatives, des actions de soutien et des actions pour favoriser la progression des femmes. Une participation pleine et entière des femmes au marché du travail vise à leur assurer non seulement l'accès aux emplois mais aussi le maintien et la progres- sion en emploi.

L'expérience a démontré au fil des années qu'il faut plus que des mesures régulatrices du marché du travail mais également des mesures qui façonnent différemment ce marché pour permettre aux femmes de demeurer et de progresser dans des métiers non traditionnels. Ainsi, il ne suffit pas seulement d'assurer les femmes d'une for- mation qualifiante, bien que cet aspect demeure toujours primordial dans le contexte économique actuel. Il faut aussi mettre en place différentes mesures pour éliminer les pratiques discriminatoires d'embauché. De même, des mesures de soutien doivent être implantées pour permettre aux femmes de conserver leur emploi. Il faut mettre en place des mécanismes d'ajustement axés sur la mixité des équipes de travail. À titre d'exemple, il peut s'agir d'offrir des séances d'information pour sensibiliser tout le personnel ou d'aménager adéquatement les équipements et les postes de travail.

Mais l'une des grandes solutions réside précisément .dans la capacité d'associations comme la vôtre de briser l'isolement, de développer des solidarités et d'échanger sur les moyens les plus appropriés de faire face aux dif- ficultés que vous rencontrez. Ensemble, il vous sera plus facile de trouver des solutions aux différents problèmes.

En outre, la campagne de sensibilisation et de promotion auprès des jeunes filles de toutes les écoles secondaires du Québec que vous lanciez hier en collaboration avec le ministère de l'Éducation ne pourra qu'avoir des effets multiplicateurs. Elle permettra de rompre le blocage des filles qui pensent, trop souvent à tort, que ces métiers- là, ça n'est pas pour elles.

Sans contredit, F.R.O.N.T. doit poursuivre son action et augmenter son réseautage. La vitalité des femmes dans la société n'est pas le fruit du hasard: elle est en grande partie le résultat du mouvement de mobilisation des femmes qui s'inscrit maintenant dans les rapports de force qui en façonnent l'évolution, tant sur le plan de la cul- ture que de l'économie."

Suivait le mot de bienvenue de Linda Boisclair.  Nous reproduisons ici son discours:

"LA SOLIDARITÉ FAIT LA DIFFÉRENCE"

par Linda Boisclair

présidente de F.R.O.N.T. et technicienne de service à la clientèle chez Gaz Métropolitain

"La première chose que j'ai le goût de vous dire c'est que c'est beau de NOUS voir toutes ici. Vous êtes venues nous voir de toutes les régions du Québec, même des Iles-de-la-Madeleine. Votre participation a dépassé nos espoirs. L'organisme F.R.O.N.T. est heureux de vous accueillir à son 3e colloque.

Notre premier but avec le colloque, vous avez fait en sorte qu'il devienne réalité: c'est un grand rassemblement de non-trads qu'on voyait lorsqu'on a commencé à en parler il y a plus d'un an. Créer des occasions de bâtir nos réseaux, de briser notre sentiment d'isolement parce qu'on n'est pas encore nombreuses sur le chantier ou dans l'atelier. Merci d'être là.

Moi, ça me ramène quatre ans en arrière, au dernier colloque, à l'époque où j'ai fait la connaissance de F.R.O.N.T. et des merveilleuses femmes qui y mettent une énergie incroyable. Je commençais dans le non-trad. Je ne savais pas exactement à quoi m'attendre, je savais bien qu'il y aurait des obstacles mais j'ignorais lesquels. Je m'aven- turais vers l'inconnu comme nous toutes. Avec le recul, je ne sais pas ce que j'aurais fait s'il n'y avait pas eu, quelque part, la solidarité. J'aimerais trouver les meilleurs mots pour vous dire à quel point la solidarité fait la différence. Je l'ai réalisé parce que j'ai vu la solidarité à l'oeuvre, ces dernières années.

Je vais prendre une petite minute pour vous raconter ce qui s'est passé chez Gaz Métropolitain, parmi les non- trads. Ça fait environ 11 ans que la première technicienne de service a été embauchée chez Gaz Métro. Quand je suis entrée dans la compagnie en 1992, nous étions six, éparpillées chacune de son côté. On était toujours con- tentes de se croiser, mais sans plus. On avait des problèmes avec nos vêtements de travail, on subissait toutes les mêmes situations, vous savez de quoi je parle. Là, on a commencé à se rencontrer pour des soupers,à tous les deux-trois mois, pour jaser, pour se connaître un peu plus. Les travailleuses non-trads d'autres départements se sont jointes à nous. Ces soupers-là ont permis la création de liens suffisamment forts entre nous pour que nos luttes individuelles deviennent des luttes collectives. On parle maintenant d'un Comité de condition féminine, du jamais vu chez Gaz Métro, côté non-trad. S'il n'y avait pas eu ces soupers-là, rien n'aurait été possible, j'en suis sûre. À certains moments, je dis aux filles:

-Là, on est en train d'écrire une page d'histoire, rien de moins. On change tranquillement ce qu'il y a de plus dif- ficile à changer: des mentalités. C'est gros ça. C'est énorme. Les gens qui pensent que les révolutions tranquilles c'est fini ... n'ont pas raison.

Et F.R.O.N.T. est là pour en faire foi. Et tout le travail de F.R.O.N.T. passe par cette même solidarité qui fait en sorte que les espoirs individuels sont supportés et qu'un réseau d'échange prenne forme. Tout est là. C'est drôle, on fait tout ce travail-là pour qu'un jour un organisme comme le nôtre ne soit plus nécessaire. (Qu'est-ce qu'on va faire après?...On fera des partys!)

Depuis une quinzaine d'années, le non-trad se parle de plus en plus. Il y a juste 20 ans, c'était impensable de nous voir là où nous sommes maintenant. IL N'Y A PLUS DE RETOUR EN ARRIÈRE POSSIBLE. Parce que, même avec les pépins que nous rencontrons, de plus en plus de femmes et de jeunes filles veulent avoir le choix de leur métier ou de leur profession et sont conscientes de plus eh plus qu'un vaste choix s'offre à elles avec l'ouverture aux domaines non traditionnels. On en voit de plus en plus et elles aiment leur travail. Elles veulent «faire la job» et être heureuses à la faire. C'est un point commun qui nous anime et qui me frappe à chaque fois que je ren- contre des travailleuses non-trads. Elles aiment ce qu'elles font.

Dans nos livres de mathématiques, 10x10 non-trads vues valent mille discussions. Le fait d'en entendre parler incitera plus de femmes à oser.

10 modèles multiplient par 1 000 les rêves d'accéder à des emplois non-trads. 10x10= 1 000 parce que l'impact de nos actions a un effet boule de neige. 10x10= 1 000 parce que notre désir de changement est exponentiel.

Nos mathématiques ne sont pas très traditionnelles, mais elles sont exactes, sinon rien n'aurait jamais changé. Et dans 20 ans d'ici?

Pour l'instant, le non-trad soulève bien des questions et nous sommes ici, en fin de semaine, pour trouver des éléments qui guideront nos interventions. Là où on sent qu'il y a des embûches, on doit pallier par des actions. C'est sur ces pistes-là que le colloque doit nous mener, grâce à votre participation. Il n'y a aucun sujet tabou, les discussions en ateliers et en plénière se veulent ouvertes: racontez-nous vos bons coups comme vos frustrations, partagez vos idées. F.R.O.N.T. a, et a toujours eu, comme préoccupation première les soucis des travailleuses non-trads. Ces soucis peuvent se transformer en dossier, en réflexion, en débat, en plan d'action, ça dépend. Nos actions passées ont clairement démontré que F.R.O.N.T. est maintenant perçu comme LA ressource dans les dossiers non-trads. Notre expertise est reconnue. Les effets sont réels, palpables. L'assemblée générale de cet après-midi vous présentera le rapport d'activités de l'année que nous venons de passer.

Aujourd'hui, en 1996, QU'EST-CE QU'ON FAIT MAINTENANT? La plénière de dimanche nous permettra de faire le point là-dessus, à la lumière des propos recueillis dans les ateliers.

Les fruits de ce colloque orienteront les interventions de F.R.O.N.T. et, j'en suis convaincue, seront le déclencheur de plusieurs actions chez les femmes qui portent le non-trad, qui le vivent, qui veulent que les mots non traditionnels ne soient plus pertinents un jour. Nous avons plein d'alliés qui travaillent avec nous, des gars qui sont bien heureux de nous avoir à leurs côtés. Par contre, il y a des moments où on se sent très isolées. Mais, même seules parmi les autres, sur nos chantiers, on sait qu'on a des «sisters» qui vivent la même chose.

Je vous souhaite un merveilleux colloque. Merci."

Le coup d'envoi du colloque est donné!  Place aux ateliers!

"C'est drôle, on fait tout ce travail-là pour qu'un jour un organisme comme le nôtre ne soit plus nécessaire."




Après ces brefs discours, les participantes au colloque se sont dirigées vers les ateliers de leurs choix. Nous vous présentons Ici un résumé du contenu des 13 sujets différents qui ont été abordés durant les deux jours du colloque.

HARCELEMENT SEXUEL

OU QUAND LE SENS DE L'HUMOUR N'EST PLUS CAPABLE D'EN PRENDRE
Animatrices:

Linda Smith et Katia Noiseux Groupe d'aide et d'information sur le harcèlement sexuel au travail de la province de Québec Inc.

Cet atelier, tout en offrant les bases théoriques essentielles à la compréhension du harcèlement sexuel tel qu'il est considéré par la Loi, a permis un échange entre les participantes quant à leurs expériences vécues en milieu de travail.



On invoque également
des stratégies
alternatives telles que
de placer bien en vue
sur tous les bureaux,
des cartes définissant le
harcèlement sexuel.

Le nombre important d'inscriptions à cet atelier nous démontre l'ampleur du problème tel que vécu par les travailleuses non traditionnelles. Même si ce problème n'est pas exclusif aux non-trads, l'isolement des travailleuses et leur petit nombre augmente la difficulté de résolution.

On constate que la peur de perdre son emploi donne beaucoup de pouvoir aux harceleurs, particulièrement quand ils détiennent un poste de direction. Cette même peur amène parfois les travailleuses à endurer des com- portements répréhensibles dans l'espoir de ne pas renforcer le préjugé voulant qu'une femme dans l'entreprise n'a pas sa place.

A partir de témoignages, les participantes ont exploré différentes pistes de solutions. De cette mise en commun d'idées ressortent diverses stratégies pour faire cesser le harcèlement et remettre à sa place le ou les harceleurs. Parmi les principaux points énumérés, il appert qu'un refus verbal clair et immédiat est une stratégie gagnante. De plus, le fait de s'ouvrir à d'autres et de se trouver des alliées est aussi gage de succès.

On invoque également des stratégies alternatives telles que de placer bien en vue, sur tous les bureaux, des cartes définissant le harcèlement sexuel. Dans le cas de chuchotements, on peut répéter tout haut ce que le harceleur vient de nous dire et ce, devant tout le monde. Une autre tactique consiste à demander à une collègue de venir nous rejoindre dès que le harceleur se pointe. Dans tous les cas, il est conseillé de tenir un journal détaillé des événements; ce dernier sera indispensable quand il s'agira de porter plainte ou d'exercer un recours légal.

Cependant, on déplore la lenteur des procédures lorsqu'une plainte est déposée à la Commission des droits de la personne, soit environ deux ans pour l'étape enquête, et deux autres années pour l'étape tribunal. Il est sug- géré à toute personne ayant subi du harcèlement sexuel d'avoir recours à des organismes pouvant leur venir en aide le plus rapidement possible; ce processus permet, dans plusieurs cas, d'éviter la cour.



NUL NE PEUT EXERCER DE DISCRIMINATION DANS L'EMBAUCHE...

(ART. 16 CHARTE DE DROITS ET LIBERTES) ...ET POURTANT!
Animatrice:
Ginette Bernier
Action Travail des Femmes

Dans cet atelier, la législation en matière de discrimination est étudiée à partir de causes qui ont été entendues à la Commission des droits de la personne: ces exemples permettent de faire la distinction entre la discrimination Individuelle parfois ouvertement exprimée (ex.: refus d'embaucher des femmes) et la discrimination systémique parfois plus subtile mais tout aussi discriminatoire (ex.: surévaluation des exigences d'embauché ou imposition de conditions de travail non adaptables pour les femmes).


Les participantes ont appris à monter un dossier recevable à la Commission des droits de la personne (éléments de preuve, procédures, etc..) et à évaluer les conséquences d'une telle démarche. Beaucoup de critiques ont été émises à l'endroit de la Commission des droits de la personne quant à la lenteur et la lourdeur des procédures et quant au rôle accordé à l'enquêteur-médiateur qui, parfois, se substitue au tribunal.

Malgré ces critiques, l'atelier prônait l'importance de la Commission et la nécessité de porter plainte afin d'ou- vrir les portes à celles qui viendront. Il faut rester optimiste, les choses changent lentement mais sûrement. Malgré que la ou les plaignantes ne soient pas toujours celles qui bénéficient d'une telle démarche, ces démarches ont été garantes de la transformation du marché de l'emploi durant les 20 dernières années et le seront pour les années à venir. En ce sens, plusieurs causes défendues et soutenues par Action Travail des Femmes se sont soldées par la mise sur pied de programmes d'accès à l'égalité ou par la révision des procédures d'embauché.

Les participantes ont pu explorer ensemble d'autres pistes de solution pour combattre la discrimination, par- ticulièrement lorsqu'elle se manifeste en cours d'emploi. Une participante nous a relaté son expérience en milieu de travail pour souligner l'importance du travail à long terme afin dé faire changer les mentalités. C'est d'ailleurs pourquoi elle prônait la création de comités de condition féminine en milieu de travail et réaffirmait son soutien aux organismes ayant pour objectif la sensibilisation et la promotion du droit des femmes à exercer un travail de leur choix.

Qu'il s'agisse de démarche individuelle, de lutte juridique, de lutte politique, tout doit être mis en oeuvre pour donner un caractère collectif à chacune de ces batailles, particulièrement en cette période de crise du marché de l'emploi où tous nos gains sont remis en cause.

Plusieurs travailleuses ont manifesté leurs insatisfactions quant à l'application des programmes d'accès à l'égalité,  au manque de rigueur face aux obligations contractuelles et à l'absence de mesures de contrôle réelles. Mais toutes s'entendaient pour revendiquer l'existence de mesures législatives imposant des modifications au marché de l'emploi afin d'enrayer toute forme de discrimination.

Il faut rester optimiste, les choses changent lentement mais sûrement.


LE TRAVAIL WON TRADITIONNEL: CHOIX DE CÉLIBATAIRE?

LE NON-TRAD: PHENOMENE SOCIAL? CHOIX INDIVIDUEL? ERREUR DE LA NATURE?
Animatrices:
Lucie Cousineau, Directrice adjointe pédagogique Lilianne Goulet, Consultante

Qu'en est-Il de la maternité quand on fait un choix d'emploi non-trad? Comment concilier travail et famille: des choix parfois difficiles à faire, quelles actions pouvons-nous poser pour faire avancer les choses? Doit-on agir comme un gars pour être acceptée de ses collègues de travail? Comment affirmer son Identité propre et gérer la dualité non-trad? Telles étaient les questions- thèmes abordées lors des discussions.



La solidarité féminine est
souvent perçue par les
gars comme une
menace.

Cet atelier se voulait un lieu d'échange, alimenté des conclusions d'une recherche présentée à l'Université du Québec et intitulée: "Les aspirations professionnelles et familiales des étudiantes en techniques d'entretien d'aéronefs". Lucie Cousineau, auteure de cette recherche, a voulu confronter la vision des jeunes filles aux études dans le secteur de l'aéronautique avec celle des femmes en emploi. Malgré l'écart qui existe entre les aspirations des étudiantes et la réalité vécue au travail, les travailleuses non traditionnelles se sont aisément retrouvées dans les citations énoncées.

D'entrée de jeu, nous avons abordé les avantages d'être femme dans une occupation non traditionnelle. Toutes les travailleuses présentes à l'atelier se reconnaissent dès qualités typiquement féminines. La minutie, le perfec- tionnisme, la patience, la propreté et l'approche plus globale des femmes dans le processus de résolution de problèmes font d'elles des travailleuses généralement estimées dans l'entreprise. Dans certains milieux de travail, les employés notent que l'atmosphère de travail a subi une transformation importante devenant plus humaine suite à l'embauche de femmes. Par contre, 6n note le danger du double vocabulaire; on parlera donc différem- ment des qualités des deux genres; Ies femmes seront perfectionnistes, les hommes consciencieux. Si le travail bien fait est le lot des hommes, les femmes, quant à elles, seront dites minutieuses et ainsi de suite.

Le danger réside aussi dans le fait que la langue sera utilisée de façon à desservir les femmes: elles ne se recon- naissent pas dans  l'énoncé des qualités requises dans l'affichage des postes alors que, dans les faits, elles ont toutes les qualifications et les qualités nécessaires pour l'emploi.

La discussion s'est poursuivie en regardant les désavantages d'être une femme dans les métiers non tradition- nels. Toutes s'accordent pour dire qu'elles doivent continuellement faire leurs preuves; même après plusieurs années d'expérience, la reconnaissance n'est pas acquise. Elles ont à démontrer leur force physique et n'ont pas droit à l'erreur. Pour ainsi dire, elles se sentent continuellement sous surveillance. Quand une femme est en colère, on dira qu'elle exagère, qu'elle est trop émotive, qu'elle n'a pas de sang-froid. S'il s'agit d'un homme, un comportement identique fera preuve de leadership et démontrera la gravité de la situation.

Un des sujets qui suscite beaucoup d'intérêt est la conciliation des responsabilités familiales et professionnelles: c'est difficile. Le partage des rôles et des tâches n'étant pas toujours équitable au sein de la famille, les femmes doivent encore assumer la majorité des tâches liées au foyer. Les pressions sociales et la culpabilité pèsent lour- dement sur les épaules de nombreuses femmes qu'on tente parfois de ramener «à l'ordre». Les gars se préoccu- pent peu des horaires de travail et de leur impact sur la vie familiale, ça semble être le lot des femmes. Par con- tre, les femmes admettent qu'elles ont de la difficulté à lâcher prise en ce qui concerne l'éducation des enfants.

La solidarité féminine demeure un sujet fort controversé. Aussi primordiale qu'elle puisse être, elle demeure dif- ficile à développer, surtout lorsque les femmes sont fortement minoritaires. La solidarité féminine est souvent


perçue par les gars comme une menace; ils auront tendance à manifester une attitude plus hostile envers les filles lorsqu'ils la perçoivent. Conscientes de cet état de fait, les filles ont peur de perdre leurs acquis, de mettre en péril leurs minces percées dans cet univers masculin. C'est une question de survie, disent-elles! Cependant, lorsqu'elles entrent en contact avec d'autres travailleuses et peuvent échanger, elles s'aperçoivent qu'elles ont beaucoup à gagner et que la force du nombre joue en leur faveur.

En conclusion, les femmes dans les métiers non traditionnels ont confiance en elles et sont à l'aise dans leur métier. Elles se sentent parfois seules et isolées, mais jamais anormales et illégitimes de vouloir exercer le métier de leur choix. Les préjugés sont réels, mais l'ouverture d'esprit et la franchise le sont aussi. Les mentalités peuvent changer et c'est en multipliant 10 X 10 les efforts que ces «phénomènes» ne seront plus perçues comme des erreurs de la nature, mais bien comme des travailleuses ordinaires. ,

INITIATION A LA VIE SYNDICALE

ET COMITÉ DE CONDITION FÉMININE
Animatrices:
Manon Perron, Militante à la CSN
Sylvie Rouillard, Présidente de son syndicat et représentante CSD
Franclne Legendre, Conseillère syndicale à la FTQ (Teamsters)

L'objectif de cet atelier était de démystifier la vie syndicale et de familiariser les participantes aux objets des comités de condition féminine. Nous avons donc demandé à des représentantes de diverses centrales syndicales de venir nous entretenir de leur travail.


Manon Perron, militante à la CSN, donne un aperçu de la dynamique syndicale en place au Québec et expose les bases essentielles à la compréhension du fonctionnement démocratique soient: l'assemblée générale, les procé- dures d'assemblée, la convention collective, le rôle des délégués, les griefs, les statuts et règlements, etc. Suivait une période de questions qui a démontré la pertinence d'un tel exercice. Beaucoup de commentaires soulignaient le fait que les femmes étaient minoritaires et qu'il était difficile de faire entendre les revendications qui ne s'adressent qu'à elles. Les centrales syndicales, conscientes d'un tel problème, devraient éduquer les exécutifs des syndicats locaux et faire valoir l'importance d'une consultation spécifique quant aux revendications des femmes.

Sylvie Rouillard de la CSD, assembleuse dans une fabrique de meubles et présidente de son syndicat (malgré qu'elle soit la seule femme dans une entreprise comptant 100 employés), explique comment son implication syn- dicale fut garante du respect qu'elle a acquis dans l'entreprise où elle travaille. D'abord membre active de divers comités, elle gagne le support de ses collègues, se rend indispensable, défend les intérêts des uns et des autres. Convaincue de la convergence des intérêts des deux groupes d'amélioration d'un poste de travail sert à toutes les personnes travaillant dans l'entreprise), elle ne déviera jamais de son objectif de départ: faire en sorte que les revendications des femmes deviennent les revendications du groupe.

Francine Legendre, conseillère syndicale à la FTQ.et responsable du comité de condition féminine des Teamsters, partage l'expérience de ces dernières depuis la mise sur pied du comité. Compte tenu des difficultés pour les femmes de faire entendre leur voix à l'intérieur des syndicats, la formation de comités parallèles a semblé une solution pour elles. Question de créer un lieu d'écoute et d'information pour contrer l'isolement dont elles sont trop souvent victimes. Cependant, on rappelle l'importance d'intégrer ces comités à la structure syndicale afin de pouvoir faire entendre leurs revendications. Elle en profite pour souligner le peu de participation des femmes à la vie syndicale. Certaines participantes attribuent ce phénomène aux responsabilités familiales, à l'isolement et au manque d'information. La vie syndicale ne fait pas partie de la culture féminine et, de surcroît, n'est pas adaptée à la réalité des nouvelles familles où les deux conjoints travaillent. Là comme ailleurs, il y a des trans- formations à faire. Il faut changer les mentalités mais aussi transformer les structures (horaires de travail, lour- deur des responsabilités, qualité du langage, etc...)

Il faut changer les mentalités mais aussi transformer les structures


PLOMBIER? PLOMBIERE? PLOMBERINE?

CHAUFFEURE? CHAUFFEUSE? CHAUFFERETTE?
Animatrices:
Linda Bolsclalr, Présidente de F.R.O.N.T. et technicienne de service à la clientèle
Jacqueline Lamothe, Linguiste

II est reconnu que les changements de mentalité passent par le langage et que, d'autre part, les transformations du langage influencent l'évolution de la pensée. Les travailleuses non trads en savent quelque chose: lorsqu'enfin elles se reconnaissent dans le langage de l'entreprise, elles passent de l'exception à la règle.

Faut-il féminiser les termes en milieu de travail? Les règles actuelles de la langue française répondent-elles au besoin? Quelles sont les règles que nous devrions adopter?

Le sujet passionne et se transforme régulièrement en débat chaud au sein de F.R.O.N.T., où les opinions ne con- vergent pas toujours sur cette question; cet atelier a donc suscité beaucoup d'intérêt.

Si, pour beaucoup de femmes, la féminisation des termes semble être le pas essentiel à franchir pour une recon- naissance de l'existence, pour d'autres, la chose n'est pas si simple puisque certains termes ont déjà un autre sens au féminin: soudeuse, médecine, distributrice... ;

II n'est pas toujours possible de féminiser un titre; le mot peut sonner ridicule ou avoir une connotation négative, être dévalorisant, faire perdre un peu son sens au métier. Ça nous chatouille l'oreille! Par contre, il est très ques- tionnant d'avoir à qualifier son sexe dans le contexte de sa profession: femme médecin, femme juge, femme pompier!

Lorsqu'on entend parler de directeur, de mécanicien ou de technicien, on pense rarement à une femme. Pas éton- nant que les jeunes filles ne se sentent pas interpellées par ces choix de carrière. Le langage ne reflète pas cette nouvelle réalité mais se doit de le faire. A nous de l'imposer; c'est par l'usage ( pour ne pas dire à l'usure) que nous y parviendrons. Il nous faut donc être créatives dans le respect de certaines règles établies, mais aussi rejeter les règles qui nous semblent désuètes.

Jacqueline Lamothe animait ce débat qui la passionne et, par le biais d'exercices, fait un survol de quelques règles de grammaire  et de moyens simples et efficaces pour faciliter la féminisation des textes.

C'est à la lumière de ces débats et de ces enseignements que F.R.O.N.T. a développé un énoncé de principe définissant des règles qui permettront aux femmes de se sentir à l'aise dans l'utilisation des termes. Puisque la féminisation des termes est un mode de pensée avant d'être un mode d'écriture, nous devons aspirer à penser dans les deux genres.

Nous profitons de cette publication pour vous présenter l'énoncé de principe élaboré par Linda Boisclair, présidente de F.R.O.N.T. Cette position officielle fera l'objet de débat cette année et sera proposée à la prochaine assemblée générale.
Lorsqu'on entend parler
de directeur, de
mécanicien ou de
technicien, on pense
rarement à une femme.


FEMINISATION DES TITRES ET DESEXISATIOIU DU DISCOURS

PROJET D'ÉNONCÉ DE PRINCIPE

CONSTATS

De plus en plus de femmes ont accès à des professions et à des métiers jusque-là réservés aux hommes. Reflet d'une société en constante évolution, cet état de fait tend à se manifester dans la langue. Les femmes qui ont fait ces choix non traditionnels veulent aussi une dénomination appropriée. Ce désir fort légitime s'exprime par la féminisation des titres et la désexisation du discours parlé et écrit.

La langue est un véhicule de la discrimination sexiste. La langue française reflète une vision patriarcale du monde et occulte le féminin. En occultant le féminin, on occulte les femmes. Ce qui n'est pas nommé n'existe pas.

La féminisation et la désexisation du langage ne posent pas un problème grammatical. Le problème en est un de pouvoir: la même lutte de pouvoir entre les hommes et les femmes que l'on retrouve dans les débats sur l'équité, sur la pornographie et qui se reflète dans les actes de violence et de contrôle sur la vie des femmes; C'est une autre de ses manifestations. Les réactions émotives que suscite; la féminisation trahissent une insécurité à l'égard de la place des femmes, dans la langue comme dans la société.

La transformation du langage par une action volontariste constitue un élément de changement des rapports sociaux.

ÉNONCÉ DE PRINCIPE

Notre perception de l'univers est tributaire du pouvoir symbolique du langage.

La langue reflète les valeurs d'une société: il est un miroir culturel.

Le langage influence l'évolution des mentalités: il peut entretenir des stéréotypes ou contribuer à les éliminer.

La langue n'étant pas ce qu'elle devrait être, nous croyons essentiel de porter sur elle une action volontariste.

La langue doit donner aux femmes la place qui lui revient. Elle doit évoluer avec notre société et rendre compte de l'avancement de la situation des femmes. Elle doit rendre les femmes visibles là où elles sont présentes, même - et surtout! - dans les sphères non traditionnelles, puisque nous voulons voir leur nombre augmenter: les nom- mer habitera l'esprit à les voir comme étant à leur place.

Nous désirons déroger aux règles établies, infléchir l'usage linguistique. Les dictionnaires, règles de grammaire, académies et offices de la langue doivent s'adapter à l'usage et non le contraire.

CHAMPS D'ACTION ET RÈGLES GENERALES

Comme organisme, F.R.O.N.T. désire mettre en pratique la féminisation des titres et la désexisation du discours dans chacune de ses communications écrites (lettres, communiqués, le journal F.R.O.N.T., etc.) et dans les représentations publiques, dans la mesure du possible (un entretien oral ne pouvant se réviser...), surtout dans la dénomination des titres.

La transformation du langage par une action volontariste constitue un élément de changement des rapports sociaux.


La féminisation et la désexisation consistent donc à:

•  trouver un féminin pour chaque nom d'agent existant seulement au masculin et à utiliser des termes féminins chaque fois qu'on veut désigner une ou des femmes;

•  faire coexister le masculin et le féminin des noms d'agents dans tout discours, oral ou écrit, lorsqu'on parle de personnes des deux sexes. Il serait parfaitement inconsistant de confier au féminin de désigner les femmes, mais de confier au masculin celui de désigner les femmes et les hommes, faisant ainsi retomber les femmes dans l'invisibilité; 1

•  chaque fois que le sens et la clarté le permettent, utiliser des tournures de phrases qui font référence à la fois aux femmes et aux hommes en dehors du recours aux doublets;

•  se servir des guides existants pour la rédaction de textes non sexistes. Deux guides très utiles, qui sont disponibles aux Publications du Québec:

•  Pour un genre à part entière. Guide pour la rédaction de textes non sexistes. Les publications du Québec, Québec, 1988, 36 pages.

  Au féminin. Guide de féminisation des titres de fonction et des textes. Publications de la direction des services linguistiques de l'Office de la langue française, Québec, 1991, 34 pages.

Une grammaire essentielle, qui est disponible aux Éditions du remue-ménage.

Pour une grammaire non sexiste. Réflexions sur la désexisation de la langue française et proposition de pistes inédites. Les Éditions du Remue-Ménage, Québec, 1996, 106 pages.

Pour nous, la première qualité à cultiver est l'ouverture d'esprit qui favorisera l'évolution de la langue. L'important est que toutes et tous se sentent concernés par le discours.



Pour nous, la première
qualité a cultiver est
l'ouverture d'esprit qui
favorisera révolution de
la langue.

1 Extrait du texte "Un fragment du féminisme québécois des années 80: la féminisation linguistique" par Jacqueline Lamothe et Céline Labrosse dans Recherches féministes, vol. 5 no 1, 1992: 143-151.

Autre source:

"Inflexions" par Linda Boisclair dans le journal F.R.O.N.T., vol. 1 no 3, mars 1995: 10.


LA RECHERCHE D'EMPLOI:

PREMIÈRE ÉTAPE À FRANCHIR
Animatrices:
Ginette Alarle, Agente de développement. Options non traditionnelles
Suzanne Cloutler, Directrice, Formatlon'elle
Anne-Marie Mallet, Agente de développement, Formatlon'elle

La recherche d'un premier emploi semble être l'une des principales difficultés rencontrées par tés travailleuses non trads. En plus de fournir les techniques de base à la recherche d'emploi, cet atelier explorait une approche particulière face aux employeurs qui n'ont jamais embauché de femmes.

Cet atelier se voulait un atelier d'exercices pratiques. On y a donc exploré les différents types d'entreprises exis- tantes et pris connaissance des qualités valorisées dans chacune d'elles. Rédaction d'une lettre de présentation et entrevues simulées étaient donc au programme; la spécificité non traditionnelle fait en sorte que ces exercices tiennent toujours compte des préjugés sexistes trop souvent véhiculés tout au long du processus d'embauché.

LES MEDIAS:

AGENT DE CHANGEMENT?
Animateur: Claude Champagne, Centre St- Pierre


De plus en plus de femmes exerçant un métier non traditionnel sont sollicitées pour faire des entrevues. Puisque le Journalisme actuel est plus Intéressé par les Individus que par les organismes, comment faire en sorte que ces prestations servent nos intérêts?

Cet atelier a offert aux femmes des techniques d'entrevue leur permettant d'avoir un certain contrôle sur les con- tenus des communications qu'elles acceptent de faire et mettre en valeur l'intérêt collectif et l'avancement du non-traditionnel comme tel.

Un survol de la situation dans les médias de masse illustrait bien l'importance, pour les organismes communau- taires, de se doter de plans de communication. Une analyse tant soit peu objective démontre la difficulté des organismes communautaires à percer dans les médias. L'atelier visait donc à démystifier les médias en donnant un aperçu de leur mode de fonctionnement qui permette de bien comprendre les paramètre dans lesquels ils

évoluent.

Les groupes de femmes doivent développer des stratégies de communication en cadrant bien l'intervention médiatique. Pour y arriver, il est essentiel de bien identifier les objectifs visés afin d'être en mesure de cibler les modes de communication qui y correspondent. Il ne faut jamais perdre de vue que l'objectif premier est de ré- pondre à ses besoins de communication et non au sensationnalisme recherché par les médias.

Il faut aussi être consciente que la communication est essentielle mais qu'elle ne se restreint pas seulement aux médias de masse. Les assemblées d'informations, les macarons, les dépliants, les articles dans la presse écrite, le bouche à oreille sont aussi des types de communication très importants.

Cet atelier fut très apprécié puisqu'il a permis d'apprivoiser certains principes des communications et de voir leur application à travers des exercices concrets.

Les groupes de femmes doivent développer des stratégies de communication en cadrant bien l'intervention médiatique.


L'ENTREPRENEURSHIP;

UNE AFFAIRE POUR MOI?
Animatrices:
Lison Chèvrefils, Consultante financière
Nathalie Tremblay, Stagiaire en notariat
Pierrette Simard, Psychologue
Lise Phillips, Débosseleuse

Beaucoup de femmes, à défaut de se trouver un emploi, rêvent de démarrer une petite entreprise. Est-ce réaliste? Cet atelier visait à la fois à vaincre les peurs créées par une mystification de l'entrepreneurship et à convaincre de la nécessité de faire un choix éclairé. Les participantes ont pris connaissance des ressources existantes pour leur venir en aide et obtenu les outils de base leur permettant de faire une première analyse de leur situation.

Les animatrices ayant des formations diversifiées (psychologue, notaire et conseillère financière) ont permis aux participantes de faire le bilan des questions essentielles à se poser avant de prendre la décision de partir en affaire.

Des exercices et des méthodes de réflexion ont guidé les participantes vers une meilleure connaissance d'elles- mêmes et leur ont fourni ce qu'il faut pour faire leur bilan personnel.

La conception d'un plan d'affaire, le processus analytique de prise de décision, les diverses ressources existantes sont autant de questions qui ont été abordées lors de cet rencontre.

IE UNE CHIENNE DANS UN JEU DE QUILLES
OU COMME UNE POISSONNE DANS L'EAU!



Les travailleuses non
trads sont mal
préparées à intégrer le
milieu de travail qui, lui
aussi, est mal préparé
a les recevoir.


Animatrices:
Colette Boudrias, Chargée de projet, F.R.O.N.T. Edith Godbout, Consultante

Vous avez été la première à intégrer un milieu de travail exclusivement composé d'hommes: vous auriez tant aimé qu'il y ait ...77? Comment soutenir celles qui viendront? que faut-ll mettre en place pour faciliter l'Intégration? Cet atelier explorait des solutions.

Comment les femmes vivent-elles leur intégration dans un milieu de travail non traditionnel: est-ce comme une poissonne dans l'eau ou comme une chienne dans un jeu de quilles?

Les échanges ont permis d'identifier les acquis et les difficultés des femmes en emploi non trad et d'identifier des solutions gagnantes en matière d'intégration.

Une fois de plus, les femmes non trads participantes à cet atelier démontraient un besoin énorme de partager leur vécu.Tout comme l'ensemble des participantes au colloque, celles qui n'ont pas la chance de faire partie d'un regroupement souffrent d'un grave problème d'isolement. L'occasion leur étant rarement fournie de parler de leur réalité quotidienne, elles s'expriment avec joie, enthousiasme, nous dirions avec appétit. Il était flagrant de voir, tout au long du colloque, comment les femmes profitaient de toutes les occasions formelles et informelles pour se parler des "vraies affaires", pour vider leur sac, pour laisser déborder le trop plein si souvent refoulé.

Principales situations vécues:

L'isolement semble être le sort de la plupart des femmes présentes à l'atelier. De surcroît, les travailleuses non trads sont mal préparées à intégrer le milieu de travail qui, lui aussi, est mal préparé à les recevoir.

Les relations parfois difficiles avec les confrères de travail et les supérieurs ainsi que la réactions des autres femmes à l'intérieur de l'entreprise renforcent les difficultés d'intégration et ce, même quand ces travailleuses ont suivi les formations requises et font preuve de compétences qui vont au delà des critères d'embauché. Ces dif- ficultés seraient surmontables si un travail de sensibilisation préalable était fait.

L'entreprise et le syndicat sont peu au courant de la réalité des travailleuse non trads et sont dépassés lorqu'ils ont à régler des cas de harcèlement qu'il soit psychologique ou sexuel. Les syndicats se préoccupent peu des revendications des femmes, telles l'aménagement des postes de travail, l'obtention de vêtements de travail adéquats, l'identification de lieux qui leur soient spécifiques, etc...

Dans certains milieux de travail, les résistances sont fortes, les travailleurs se sentent menacés, ont peur de per- dre leurs jobs, craignent que leur emploi soit dévalorisé par l'arrivée des femmes et vont jusqu'à proférer des menaces à l'endroit de ces travailleuses.

Les institutions scolaires qui offrent de la formation professionnelle dans des secteurs non traditionnels sont également sujettes aux mêmes préjugés et difficultés.

En plus de rencontrer des embûches dans l'entreprise, la travailleuse non trad doit souvent faire face au manque d'appui de son entourage immédiat.

Moyens d'action:

L'importance d'avoir des lieux pour s'exprimer, pour être écoutée et pouvoir échanger est souvent réitérée. F.R.O.N.T. est valorisé par les participantes en ce que l'organisrne permet l'expression de leurs sentiments et de leurs opinions et se fait leur porte-parole en choisissant ses orientations et ses pistes d'actions en fonction des besoins qu'elles expriment. De plus, ces travailleuses prisent les lieux où recevoir de l'information et du support.

Ce support est jugé essentiel: elles en rêvent de la part de personnes ressources dans les entreprises, dans les écoles et dans les syndicats. Elles disent aussi que les cartes de compétence contribuent à se faire respecter et améliorent les conditions de travail.

En définitive, les non-trads sont mi-poissonnes dans l'eau et mi-chiennes dans un jeu de quilles. Dans leur vie professionnelle, elles ont à naviguer à travers une foule de petites et de grandes difficultés d'intégration. Malgré qu'on leur mette souvent des bâtons dans les roues, elles doivent performer envers et contre tout. Les participantes confirment que tant et aussi longtemps que les femmes n'ont pas atteint 33% de la main-d'oeuvre (c'est-à-dire une représentativité décente) dans une catégorie d'emploi, la présence des travailleuses reste précaire.

Par ailleurs, les participantes ont aussi redit le plaisir d'exercer l'emploi qu'elles ont choisi et de bénéficier de con- ditions salariales avantageuses. Elles identifient aussi la satisfaction de réussir à s'intégrer et le sentiment de con- tribuer à la reconnaissance du droit des femmes d'occuper l'emploi de leur choix.

PRESCRIPTION


POUR UNE BONNE FORME PHYSIQUE ET MENTALE
Animatrice:
Lucie Charbonneau
Professeure en travail corporel

Exercices et entraînement qui vont au-delà de la force physique pour déboucher sur un mieux-être profession- nel et personnel. Nous avons traité de santé, de sécurité, de mise en forme, de gestion du stress et de relaxation. Les participantes de cet atelier ont pu également demander des conseils pour des problèmes spécifiques reliés à leur travail.

On y a également abordé des points tels que:

•  l'aménagement des postes de travail;

•  le changement des habitudes dans son quotidien pour réduire les tensions avec exemples et trucs à l'appui;

• la différence entre les différentes thérapies dans notre système de santé (chiropratique, ostéopathie, acupunc- ture, masso-thérapie), et à quoi chacune correspond;

•  les médicaments tels les anti-inflammatoires, la cortisone, etc.

En définitive, les non-trads sont mi-poissonnes dans l'eau et mi-chiennes dans un jeu de quilles.



QUE T'AIMES?
Animatrice:
Diane Guay
Conseillère en orientation, Options Non Traditionnelles

Les groupes de femmes à spécificité non traditionnelle sont appelés à Intervenir auprès des Jeunes filles dans les Institutions scolaires pour les aider à mieux connaître les métiers et les occupations de la formation professionnelle et technique dans les secteurs non traditionnels.



"Ose jeter un coup d'oeil
sur les différentes
possibilités de formation
non traditionnelle, tu
pourrais faire de belles
découvertes!"

F.R.O.N.T., en collaboration avec ONT, a conçu et réalisé des outils de sensibilisation qui visent la diversification des choix scolaires et professionnels des jeunes filles et des femmes.

Certaines approches ainsi que des outils et des ateliers d'expérimentation ont été présentés.

  • Témoignage
  • Questionnaires: Quiz que t'aimes?

Trouve ta track!

3.  Ateliers de manipulations

4..Outils en folie

5. Bande Dessinée

1.      Témoignage

Idéalement, on choisira de présenter une travailleuse non traditionnelle à qui les étudiantes ou les participantes peuvent s'identifier. Dans la mesure du possible, elle apportera avec elle outils, vêtements, photos, etc. et pour- ra, en cours de témoignage, revêtir ses vêtements de travail afin que les participantes puissent voir à la fois la femme et la travailleuse non traditionnelle.

2.       Questionnaires

Quiz que t'aimes?: ce quiz de 17 questions a été conçu pour être rempli individuellement afin de permettre aux participantes de faire une brève évaluation de leur profil non traditionnel. "Ose jeter un coup d'oeil sur les dif- férentes possibilités de formation non traditionnelle, tu pourrais faire de belles découvertes!"

Trouve ta track!: Celui-ci vise à faire le point sur les conditions de vie des femmes, à donner des informations sur différents métiers, à présenter les personnalités connues, etc.

3.      Ateliers de manipulations

Ces ateliers se veulent des outils d'exploration qui visent à susciter la curiosité et à faciliter une meilleure con- naissance de ses intérêts et habiletés. Ils servent aussi à sensibiliser les participantes au fait que les aptitudes se développent; un potentiel de départ donnera souvent le goût et le coup d'envoi mais la manipulation, entre autres, peut rendre de plus en plus habile. Le message est simple: le potentiel comme l'habileté se découvrent et se développent.

Cet atelier a été conçu à partir du BGTA (Batterie Générale de Tests d'Aptitudes) et vise à dépister et mesurer les aptitudes suivantes: l'apprentissage en général, la verbalisation, la compréhension numérique, la perception spa- tiale, la perception des formes et de l'écriture, la coordination visuomotrice, la dextérité manuelle et la com- préhension mécanique.


Un exercice ludique qui correspond à chacune de ces aptitudes est disposé sur chacune des tables et accom- pagné d'une liste de métiers où cette aptitude est fortement sollicitée. Les participantes sont invitées à se diriger de façon spontanée vers le jeu de leur choix. Elles auront dix minutes pour s'exercer et après chaque expéri- mentation, il y aura une pause discussion. Les filles sont fortement encouragées à essayer chacun des jeux.

4.       Outils en folle

II est important que les outils sélectionnés soient des outils qui sortent de l'ordinaire: ainsi on ne retrouvera ni marteau, ni tournevis, ni pinces dans cette boîte à outils. Puisqu'il s'agit de faire appel à la créativité, au sens pratique, au sens d'observation et de référence, les outils doivent être de ceux qui surprennent les novices! Selon le nombre de participantes, ce jeu peut être joué individuellement ou en équipes de trois ou quatre personnes. Chaque personne ou chaque équipe reçoit un outil mystère et doit essayer de deviner son utilisation, son nom et son coût... si elle n'arrive pas à élucider l'énigme, l'adversaire aura droit de réplique. Uri jeu très rigolo qui démontre plus souvent qu'autrement à quel point les filles "aussi" ont un sens pratique et mécanique...

Lorsque l'outil a été identifié, l'animatrice donnera des informations supplérnentaires associées à cet outil: le métier dans lequel il est utilisé, la formation nécessaire pour l'exercice de ce métier, etc.

5.       Bande Dessinée

Cette bande dessinée intitulée: Henriette, Lyne et les autres, a été conçue par l'équipe des femmes du programme d'équité en emploi à Hydro-Québec. Différents thèmes propres aux réalités d'intégration dans des milieux non traditionnels y sont abordés; on y voit les difficultés que peuvent rencontrer les travailleuses et les solutions pos- sibles. Cette b.d. est un excellent outil d'animation. |

Ce type d'intervention, de sensibilisation se fait dans toutes les régions du Québecet sont le fruit d'initiatives de groupes de femmes préoccupés par le non-trad. Ces interventions dans les écoles sont essentielles pour aug- menter la présence des femmes dans les occupations non traditionnelles puisqu'il est démontré que le contact avec des modèles "vivantes" est l'un des facteurs déterminants dans le choix de carrière des étudiantes.

Ces interventions dans les écoles sont essentielles pour augmenter la présence des femmes dans les occupations non traditionnelles



Audacieuses, fonceuses, déterminées, elles ont débarré et ouvert des

portes d'accès. Accès a la liberté de choisir et

de réaliser leurs rêves.

Qui fait quoi?

"La salle est "hot". Elles ont discuté toute la journée de problématiques, de

solutions, de leur réalité, de leurs rêves...

Dans une ambiance qui commence à être euphorique, II y a 15 tables de 10

femmes, elles mangent, on les entend rire, elles ont envie de s'amuser.

Dans leur quotidien, elles sont 33% et moins dans leur domaine respectif. Ce

soir, elles sont 100% du 33% et moins.

Petite bombe d'énergie.

I9H30. Six femmes anonymes se préparent. Elles s'assoient face à la salle. Le jeu "qui fait quoi?" va commencer. Chauffeure d'autobus, arbitre de soccer, mineure, pilote d'accélération, mécanicienne de chantier et préposée aux cuves en aluminerie sont pionnières..dans leur domaine. Les 15 tables de femmes se consultent, posent des ques- tions. On essaie de trouver, de démasquer les pionnières.

Le jeu duré environ 1 heure. L'habit ne fait pas la nonne. Confondues dans leur allure, dans leur métier, certaines furent démasquées; pour les autres, on n'aurait pas deviné ... À la fin de l'activité, les yeux de toutes les femmes brillaient dans la salle, nos six pionnières étaient debout, fières d'être là.

Ce qui est fascinant dans toute cette histoire, c'est l'âge qu'ont nos pionnières. On ne les retrouve pas encore dans les livres d'histoire et elles ne sont pas inscrites gravées sur les monuments, mais elles sont là, devant nos yeux. Elles ont entre 30 et 60 ans. Elles sont un "phénomène nouveau" dans notre histoire contemporaine. Audacieuses, fonceuses, déterminées, elles ont débarré et ouvert des portes d'accès. Accès à la liberté de choisir et de réaliser leurs rêves, au-delà des conventions, des modèles, des stéréotypes.

Chaque non-trad est un fil qui reconstruit le tissu de la vie. Plus elles sont nombreuses, plus elles avancent. Des rencontres, comme celle du 28 septembre, encouragent et fortifient le développement du réseau, de l'entraide. C'est la force du nombre qui nous amène à continuer.

Merci à nos pionnières et à toutes celles qui tracent l'histoire."

Mélanie Desmarais-Senécal Animatrice de la soirée



Dimanche fut un moment d'une grande Importance pour les membres de F.R.O.N.T., puisque le ministre du Travail venait présenter en primeur le programme d'accès à l'égalité développé par la Commission de la construction du Québec (CCQ). Ce programme, visant à favoriser l'accès, le maintien et l'augmentation des femmes dans l'Industrie de la construction, fut présenté par monsieur Matthias Rioux; cette présentation était suivie des discours de monsieur André Ménard, président directeur général de la CCQ et de madame Isabelle Dugré vice-présidente de F.R.O.N.T. et membre du comité de travail qui avait pour mandat l'élaboration du programme.


Discours de M. Matthias Rioux Ministre du Travail Gouvernement du Québec

"Madame la présidente du comité d'étude, monsieur le président de la CCQ, mesdames, messieurs,

C'est avec beaucoup de plaisir que je me retrouve parmi vous aujourd'hui pour saluer le contenu d'un rapport qui va changer au cours des prochaines années l'image de toute une industrie, celle de la construction. En somme, il s'agit d'un virement pour les femmes.

Comment pourrait-on ne pas souligner de façon particulière un événement tel que celui-ci, avec les personnes les plus concernées et préoccupées par le sujet? Pour qui l'accès d'autres femmes dans ce secteur est non seule- ment souhaitable mais aussi souhaité? Quel meilleur forum que celui-ci pouvait servir de tribune pour rendre publiques les mesures qui visent notamment à intégrer pour les années 2 000, 2 000 femmes dans l'industrie de la construction!

Si je vois aujourd'hui devant moi des femmes déterminées dans les secteurs d'activités qu'elles ont choisis, des femmes qui, malgré les difficultés rencontrées, n'ont pas hésité à intégrer des secteurs particulièrement difficiles d'accès pour elles, je ne peux que constater que leur détermination aura permis de sensibiliser la société québécoise à leur réalité et de faire en sorte que les aptitudes et perceptions changent positivement pour elles.

L'intégration des femmes dans toutes les sphères du marché du travail passe par leur participation, à part entière, dans tous les secteurs d'activités au Québec. C'est ce que le gouvernement préconise depuis son arrivée au

pouvoir.

Mais un tel discours ne vaut rien si les gestes appropriés ne sont pas posés. Nous avons joint le geste à la parole et demandé à une industrie aussi importante que celle de la construction, une industrie au profil plus que mas- culin, de faire preuve d'ouverture et de favoriser l'accès des femmes.

"L'intégration des femmes dans toutes les sphères du marche du travail passe par leur participation, a part entière, dans tous les secteurs d'activités au Québec."



"Le comité propose sept
mesures pour inciter un
plus grand nombre de
femmes a s'inscrire aux
cours offerts dans le
reseau scolaire dans
l'un ou l'autre des
métiers de l'industrie de
la construction."

En effet, en février 1995, nous adoptions un projet de loi prévoyant une disposition spécifique en ce sens que la Commission de la construction du Québec devait élaborer des mesures visant l'accès, le maintien et l'augmenta- tion du nombre des femmes sur le marché du travail dans l'industrie de la construction. En un an, le défi a été relevé et, comme gouvernement, nous sommes heureux de constater le travail qui a été fait. L'industrie de la cons- truction vient de faire un pas en avant en vue de faciliter l'intégration d'un plus grand nombre de femmes. Comment pourrait-on ne pas se réjouir de cela? Comment pourrait-on ne pas, aujourd'hui avec vous, en partager le contenu, et qui se veut une porte pour vos consoeurs qui désirent ou désireront intégrer cette industrie?

Je lève d'ailleurs mon chapeau à tous ces hommes et à toutes ces femmes qui ont investi temps et énergie dans un projet pour lequel plusieurs barrières semblaient se dresser. Ils ont fait la preuve qu'il était possible de trancher dans du neuf en quittant les sentiers battus.

Quelles sont maintenant les conclusions de leur travail?

Tout d'abord, les membres du comité sur l'accès des femmes ont fait certains constats sur la situation des femmes dans l'industrie de la construction et émis des recommandations qui doivent être réalisées au départ, pour assurer la réussite des mesures subséquentes et permettre l'atteinte des objectifs visés.

En effet, le comité a indiqué dans son rapport que les obstacles à l'intégration des femmes dans l'industrie de la construction n'étaient pas nécessairement reliés aux réglementations en vigueur et que, même en modifiant les règles d'accès actuelles pour faciliter l'obtention d'un certificat de compétence par les femmes désireuses d'ac- céder à cette industrie, ceci n'aurait que peu d'effet si, au départ, aucune intervention n'était effectuée dans le réseau scolaire ou sur le marché de l'emploi pour augmenter le nombre de candidates formées dans un métier. On ne comptait en effet que 106 femmes admises aux études dans les métiers de la construction pour l'année scolaire 1994-1995. C'est peu pour une industrie aussi vaste que celle-là!

La voie d'accès à l'industrie de la construction étant obligatoirement la formation professionnelle dans l'un ou l'autre des métiers de la construction, il est bien certain que si nous ne réussissons pas à inciter un plus grand nombre de femmes à s!inscrire dans nos écoles de métiers, il sera difficile d'en intégrer davantage sur nos chantiers de construction. En ce sens, un travail important est à faire par le ministère de l'Éducation et les com- missions scolaires pour favoriser les inscriptions de la gente féminine. Je sais ma collègue et ministre de l'Édu- cation très sensible aux moyens visant à faciliter l'intégration d'un plus grand nombre de femmes au marché du travail.

LES MESURES PROPOSÉES

Voyons maintenant les mesures proposées par le comité d'accès des femmes à l'industrie de la construction. Conséquemment au constat évoqué plus tôt, le comité propose sept mesures pour inciter un plus grand nombre de femmes à s'inscrire aux cours offerts dans le réseau scolaire dans l'un ou l'autre des métiers de l'industrie de la construction.

1.        Créér des outils quivisent à développer un intérêt pour l'industrie de la construction.

Ces outils serviront aux professionnels de l'orientation scolaire, aux enseignants et responsables des programmes d'études, aux femmes en quête d'information et aux jeunes filles et leurs parents, de même qu'à faire la promo- tion des métiers et occupations de la construction auprès des femmes et filles et les renseigneront sur les possi- bilités d'emploi qu'offre cette industrie.

Ces outils devraient miser sur l'identification de modèles féminins oeuvrant dans l'industrie et le développement d'une image d'une industrie ouverte aux femmes. On en convient aisément, c'est toute une mentalité à changer.

2.        travailler de concert avec les organismes gouvernementaux, communautaires et les groupes de femmes au développement de mesures incitatives pour les tenues désirant Intégrer l'industrie de la construction.

Le partenariat avec le milieu étant, dans bien des cas, la clé de la réussite, les organismes qui oeuvrent auprès des femmes auraient avantage à mieux connaître cette industrie. Cela leur permettrait de se définir une stratégie et des programmes efficaces de soutien aux femmes désireuses d'exercer un métier ou une occupation dans l'in- dustrie de la construction.


3.         Développer un programme d'exploration technique des métiers et occupations de l'Industrie de la construction.

Cela se traduirait par la mise sur pied d'un programme optionnel développé spécifiquement pour les étudiants et étudiantes de niveau primaire. Tandis qu'un deuxième programme obligatoire pourrait être créé pour les jeunes inscrits au niveau du secondaire I et II.

4.         Développer un cours qui devra être suivi dès la première session (suite à l'Inscription au programme d'études du métier) et qui porterait sur les réalités du métier, soit les exigences du métier, les réalités d'un chantier de construction, les relations profes- sionnelles entre hommes et femmes sur les chantiers, les attitudes à développer, etc.

Pour permettre de démystifier cette industrie auprès des clientèles visées, les jeunes femmes, quoi de mieux qu'un cours spécifiquement dédié à cela! Un programme ouvrant vers l'industrie, faisant connaître les conditions de travail qui se rattachent au métier choisi, le milieu dans lequel l'élève évoluera et ce, afin que le choix de pour- suivre cette formation soit fait de façon éclairée.

5.         Organiser des visites de chantiers pour les étudlant(e)s de premier niveau secondaire afin de leur faire connaître et apprécier l'industrie de la construction.

Voir de visu le milieu de travail dans lequel on est appelé à évoluer quotidiennement. C'est une idée que plusieurs secteurs devraient mettre en application.

6.         Développer une stratégie de communication et de promotion des femmes dans les métiers et les occupations.

•  profiter de toutes les tribunes pour contrer les préjugés dés employeurs et travailleurs,

• mettre en évidence des modèles de femmes de métiers,

• relever et publier des témoignages d'employeurs qui recrutent des femmes de métier.

On propose ici la mise en place d'un plan de communication s'adressant autant aux acteurs de l'industrie qu'au grand public, il sera possible à moyen et long termes de modifier les perceptions et  les préjugés face aux femmes exerçant un métier ou une occupation dans l'industrie.

Et la dernière recommandation de ce volet:

7.         Réserver prioritairement cinq places aux femmes lors de l'inscription aux programmes d'études relatifs a l'Industrie de la construction.


Cette recommandation est conséquente aux cinq premières mais à elle seule, elle n'aurait pas l'impact escomp- té sur l'inscription des filles aux dits programmes d'études. Si en moyenne, un minimum de deux femmes termi- nent et réussissent ces programmes, le nombre de candidates formées aux techniques et réalités des chantiers devrait augmenter sensiblement au fil des ans.

Par contre, cette obligation faite aux commissions scolaires ne devrait pas, et j'insiste, avoir pour effet de com- promettre la diffusion de la formation si le nombre de cinq femmes n'est pas atteint.

Le deuxième volet de mesures proposées vise spécifiquement l'accès à l'industrie de la construction. Si on veut augmenter le nombre de femmes dans ce secteur d'activité, il faut que ces dernières, après leur formation pro- fessionnelle, puissent avoir accès à un emploi dans cette industrie. De plus, jusqu'à ce que leur nombre ait aug- menté sensiblement, il faudra prévoir des mesures particulières pour faciliter la délivrance d'un certificat de com- pétence. Il faut faire en sorte de faciliter les contacts entre les employeurs et les femmes désireuses d'oeuvrer dans l'industrie. Je ne doute pas d'ailleurs qu'il y en ait ou qui aspirent à exercer un métier dans cette industrie on ne peut plus mâle.

8.         Rendre disponibles des listes d'entreprises désireuses d'embaucher de la main-d'oeuvre féminine. Ces listes pourraient être obtenues auprès des associations patronales et à la CCQ.

Avec la collaboration des associations patronales et de la CCQ, il s'agit de développer un réseau d'échange visant à mettre en contact les femmes et les employeurs désirant les embaucher. La coordination serait confiée à la Commission de la construction du Québec.

9.         Lors de la référence de la main-d'oeuvre aux employeurs, effectuée par la CCQ, prioriser la référence des femmes disponibles dans le métier ou l'occupation visé.

Une modification pourrait être apportée à la réglementation actuelle afin de favoriser la référence de la main- d'oeuvre féminine aux employeurs par la CCQ. Il s'agirait dès lors de référer systématiquement les femmes disponibles dans les métiers ou occupations pour lesquels les employeurs placeraient une demande de référence de main-d'oeuvre.

"le deuxième volet de mesures proposées vise spécifiquement l'accès a l'industrie de la construction."


10.         Modifications de la réglementation actuelle afin de permettre la délivrance d'un certificat de compétence aux femmes sur con- firmation d'emploi d'un employeur enregistré à la CCQ.

Il s'agit de retirer, pour les femmes diplômées, l'obligation de présenter une garantie d'emploi minimale de 150 heures sur trois mois pour se voir délivrer un certificat de compétence-apprenti.

Cette porte d'accès à l'industrie ne pourrait être utilisée que lors de l'accès initial à l'industrie. Suite à la confir- mation d'un employeur d'embaucher la candidate, ce dernier n'aurait qu'à communiquer avec la CCQ qui délivre- rait alors un certificat à la diplômée sans que l'employeur ait à lui garantir un minimun d'heures de travail.

De plus, ce certificat devrait être valide pour deux ans. Ce dernier ne pourrait être renouvelé que si la détentrice a effectué un minimun de 150 heures durant la période de validité de son certificat.

Si faciliter l'intégration des femmes dans l'industrie est maintenant important, il l'est tout autant de prendre les mesures nécessaires pour qu'elles y restent. C'est ce qui constitue le troisième volet des mesures proposées.

11.         Concevoir un code d'éthique sur les relations homme-femme sur les chantiers de construction qui serait remis à chaque travailleur et travailleuse lors de son embauche.

Ce code d'éthique, à être approuvé par le Conseil d'administration de la CCQ, a pour but de faire réaliser à tous les travailleurs et travailleuses, dès le début de l'emploi, que certains comportements ne sont pas tolérés dans cette industrie (harcèlement sexuel, manquements à la sécurité, etc.).

Suivant le «pacte social», ce document pourrait faire mention des risques qu'il encourt de ne pas le respecter tant pour l'employeur et ses représentants que pour le travailleur et la travailleuse ou leurs représentants syndicaux.

12.         Développer un concept de mentorat (ou parrainage) permettant aux femmes d'être guidées:

• dans la recherche d'emploi, •  pour passer d'une entreprise à l'autre, •  pour résoudre des difficultés relationnelles sur les chantiers, •  pour développer des comportements sécuritaires et avec moins de risques pour la santé.

13.         Stimuler la création de réseaux de support aux femmes de l'industrie de la construction

•  femme-entrepreneure •  femme-travailleuse •  combinaison des deux groupes

Ces recommandations ont pour but d'augmenter la solidarité et favoriser les échanges entre les femmes qui oeu- vrent dans l'industrie ce qui devrait accroître leur sentiment d'appartenance, encouragera leur maintien dans l'in- dustrie et permettra la résolution de problèmes.

Les notions de permanence et de sécurité d'emploi étant à toutes fins utiles inexistantes dans l'industrie de la construction, le fait de se regrouper pourrait certes favoriser leur maintien dans l'industrie.

14.         Modifier la réglementation actuelle afin de diminuer le nombre d'heures de travail exigé pour le renouvellement des certificats de compétence détenus par des femmes.

Puisque les individus qualifiés peuvent actuellement obtenir la délivrance, sur demande, d'une compétence-com- pagnon, et que les diplômés de métier peuvent obtenir un nouveau certificat à titre d'apprenti sur présentation d'une garantie d'emploi, il n'y aurait probablement que les femmes détentrices d'un certificat de compétence- occupation qui serait visées par cette recommandation.

Finalement, des mesures spécifiques sont prévues pour faciliter l'accès, non pas à l'industrie, mais à l'emploi directement.



"Finalement, des
mesures spécifiques
sont prévues pour
faciliter l'accès, non pas
a l'industrie, mais a
l'emploi directement."

15. Pour les entreprises de dix salariés et plus, établir une obligation visant l'embauche de femmes. La modalité pour y arriver pourrait être définie quatre ans après l'approbation du plan de redressement si les résultats concernant l'augmentation du nombre de femmes sont jugés insuffisants.

On comprendra que cette mesure serait mise en application si les mesures incitatives ne donnaient pas les résul- tats escomptés... Cette mesure s'adresserait seulement aux moyennes et grandes entreprises et ne devra pas avoir pour effet d'exclure la compétence des critères d'embauché des entreprises visées.


Pour supporter de telles mesures d'une part visant l'accès et le maintien à l'emploi, il est aussi essentiel d'influencer les perceptions et préjugés à l'égard des femmes qui font le choix d'adopter l'industrie de la cons- truction pour leur carrière, d'où les trois dernières recommandations du comité.

16.       Concevoir des programmes ou des cours de formation afin de sensibiliser les partenaires de cette Industrie à la présence des femmes sur les chantiers de construction.

Des programmes aidant à développer des liens professionnels entre les hommes et les femmes sur les chantiers et pouvant éliminer, à leur base, les appréhensions de chacun. C'est plein de bon sens!

17.       Développer des outils de sélection pour les entreprises (basés sur la recherche de la compétence) administrés par ou impli- quant la participation des femmes au processus de sélection.

Puisque l'industrie est gérée à tous ses niveaux par un personnel à prédominance masculine, il est raisonnable de croire que les femmes en recherche d'emploi se retrouvent, pour cette raison, souvent discriminées. Il s'agit donc, dès la sélection du personnel, de rétablir un équilibre entre les candidats des deux sexes en tenant compte des particularités des postulantes dans le processus de sélection.

18.       Concevoir une politique globale pour s'assurer que les textes légaux, réglementaires et officiels soient, à l'avenir, désexuallsés.

Si le discours et les textes produits par la Commission de la construction du Québec reflètent l'ouverture que souhaite le comité de travail sur l'accès des femmes, il est sensé de croire que ce ne sera pas sans effet sur les mentalités.

Le programme élaboré par le comité sur l'accès des femmes à l'industrie de la construction est un plan d'action détaillé qui m'apparaît tout à fait réaliste par une série de mesures qui seront mises en place au cours des prochaines années. Mais bien entendu, beaucoup est à faire pour assurer que ce plari se concrétise selon l'échéancier proposé.

Pourrait-on le qualifier d'ambitieux? On pourrait peut-être le penser mais j'ai confiance aux gens de l'industrie de la construction qui l'ont eux-mêmes proposé et qui met en évidence la volonté des partenaires de l'industrie de la construction d'inciter un plus grand nombre de femmes à y accéder.

Il est bien entendu que le gouvernement du Québec suivra le développement de telles actions de même que les résultats obtenus à chacune des étapes. Nous nous y engageons formellement.

La Commission de la construction du Québec, avec les partenaires et gens du milieu qui y sont représentés, a un défi pour les prochaines années. Un défi faisant en sorte que l'industrie passe de belles théories à la réalité et ce, pour le bénéfice d'un plus grand nombre de femmes!

Je vous remercie!"

Discours de M. André Ménard Président directeur général Commission de la construction du Québec

"Merci M. Le Ministre, Mesdames, Messieurs, Bonjour,

Avant de commencer, je voudrais remercier F.R.O.N.T. d'avoir initié la rencontre de ce matin, Construcfront, en vue de permettre aux femmes intéressées par ce projet de prendre connaissance des mesures proposées pour favoriser leur accès et leur maintien dans l'industrie de la construction.

Hier, je rencontrais des entrepreneurs dans le cadre du congrès annuel de l'Association de la construction du Québec qui regroupe plusieurs milliers d'entrepreneurs dans les principaux secteurs d'activité de l'industrie de la construction: l'industriel, le commercial et l'institutionnel. Le thème de leur congrès cette année est: La construction en mutation ... les défis.

Je vous étonnerais peut-être en vous disant qu'en pensant à ce thème, le premier projet de mutation qui m'est venu à l'esprit était le programme d'accès des femmes dont nous parlons ce matin. Ce programme, dont M. Rioux vient de faire état, illustre non seulement que l'industrie de la construction est en changement, mais aussi que c'est un nouveau défi qu'elle se donne et qu'elle tient à relever.

"Il est aussi essentiel d'influencer les perceptions et préjuges à l'égard des femmes qui font le choix d'adopter l'industrie de la construction pour leur carrière."



"Un programme comme
celui-là ne peut que vous
confirmer combien les
gens de la construction
sont des personnes qui,
lorsqu'elles s'impliquent,
prennent les moyens
pour en arriver à un
résultat concret."

L'événement de ce matin est tout à fait à l'image d'une industrie en mutation. L'image même d'une industrie prête à des défis comme celui-là. En se donnant les moyens de favoriser l'accès et le maintien des femmes dans l'in- dustrie de la construction, les milieux patronaux et syndicaux font preuve que l'industrie, bien qu'elle l'ait tou- jours fait, est prête aujourd'hui plus que jamais à les accueillir et à les soutenir. Un grand pas vient d'être réalisé.

Je ne vous cacherai pas que c'est un sujet qui me tient à coeur et auquel je crois beaucoup, j'éprouve aussi une certaine fierté en voyant le travail qui a été réalisé. Un programme comme celui-là ne peut que vous confirmer combien les gens de la construction sont des personnes qui, lorsqu'elles s'impliquent, prennent les moyens pour en arriver à un résultat concret. C'est peut-être que construire quelque chose de nouveau pour eux n'a pas de secret. C'est leur métier, leur gagne-pain.

Alors, comment pourrais-je ne pas me sentir fier de ce qui a été fait par les gens de l'industrie de la construc- tion, avec la collaboration de représentantes et de représentants de groupes de femmes, de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse et de la Commission de la construction du Québec. Comment ne pas éprouver une certaine fierté à l'idée qu'en six mois, des mesures concrètes sont proposées et acceptées dans le milieu afin d'être mises en place au cours des prochaines années?

Permettez-moi à ce moment-ci de vous présenter les ingrédients de ce programme. La démarche que les mem- bres du comité ont retenue pour en venir à ces conclusions était sérieuse: diagnostic sur la situation des femmes, objectifs pour en augmenter le nombre, plan de redressement. Rien n'a été laissé au hasard. Ils se sont bien entendu conformés à certaines règles, telles que celles prévues à l'élaboration d'un programme d'accès à l'éga- lité et ils se sont assurés que l'application de ce programme ne crée pas de discrimination à rebours.

Qui sont ceux et celles qui ont siégé à ce comité? Créé au mois de septembre 1995 par le conseil d'administra- tion de la Commission de la construction du Québec, ce comité était composé des membres du Comité sur la for- mation professionnelle dans l'industrie de la construction, soit des représentants issus de l'ensemble des six associations patronales et quatre associations syndicales, de deux membres de groupes de femmes dont l'une issue du milieu de la construction et qui sont ici avec nous aujourd'hui, Isabelle Dugré et Claire Cousineau, d'une représentante de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse et de deux représentantes de la Commission de la construction du Québec.

Ce rapport était déposé au conseil d'administration en mai 1996 et accepté par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse le 2 août dernier.

Quelle a été maintenant leur démarche pour en venir aux mesures que vous connaissez? Tout d'abord, le diag- nostic. Que nous indique-t-il?

•  II n'y a pas de femmes dans l'industrie de la construction ou si peu. En fait, entre 1988 et 1995, on compte un peu plus de 200 femmes actives environ par année, comparativement à 100 000 hommes, soit seulement 0,2% de la main-d'oeuvre. Si je reculais dans les années 1970, sans trop de risque, je vous dirais que vos deux mains suffisent à les compter.

•  Lorsqu'elles travaillent, elles travaillent peu. Elles font en moyenne la moitié des heures que font leurs collègues masculins: de 300 à 500 heures par année en moyenne comparativement de 700 à 1 000.

•  Pour les apprenties féminines, la moyenne d'âge est plus élevée que celle des hommes 36 ans comparative- ment à 31. Accèdent-elles plus tard à l'industrie ou prennent-elles plus de temps à compléter leur apprentis- sage? Les deux options sont plausibles.

•  Rester dans l'industrie semble difficile. Le tiers des femmes qui ont intégré l'industrie entre 1988 et 1994 n'étaient plus actives l'année suivante, les deux tiers après quatre ans. Chez les hommes, le taux d'abandon après la première année est le même mais moins élevé par la suite.

Donc, les femmes abandonnent plus que les hommes, laissant ainsi croire que le marché de l'emploi dans l'in- dustrie de la construction n'est pas simple.

Le nombre de femmes devant constituer la relève ne s'avère pas plus prometteur si des actions énergiques ne sont pas réalisées. Comme M. Rioux en faisait mention un peu plus tôt, 106 femmes étaient inscrites dans le réseau scolaire professionnel dans les métiers de la construction en 1994-1995. A ce rythme-là et avec le taux d'abandon actuel, non seulement nous n'atteindrons pas nos objectifs, mais une régression est à craindre.

Donc, il faut agir! Toutefois, d'autres facteurs, plus qualitatifs, ont aussi une incidence sans doute plus insidieuse sur l'entrée et le maintien des femmes dans l'industrie de la construction.


On pense alors à des facteurs d'ordre affectif, culturel et professionnel que nourrissent les milieux familial, sco- laire et professionnel. Prenons quelques instants et posons-nous certaines questions à ce sujet.

Est-ce que dans nos milieux respectifs, nous informons nos filles qu'un emploi dans un métier de la construction est possible? Suggérons-nous à nos amis et collègues qui refont des choix de carrière qu'un métier dans la cons- truction est une avenue potentielle? Dans nos écoles, offre-t-on les métiers de la construction comme un choix accessible aux filles? Dans nos familles, valorise-t-on la femme qui choisit d'exercer un métier où elle évoluera dans un monde d'hommes? Si elle fait ce choix, l'encourage-t-on à poursuivre lorsqu'elle vit des difficultés dans ce milieu?

Bien entendu, il est vrai que l'industrie de la construction appartient à ceux qui ont des muscles, qui n'ont pas peur de la saleté ni du danger. Et on sait bien que les femmes sont moins musclées, craignent la saleté et le dan- ger. N'est-ce pas l'image que l'on se fait de l'industrie de la construction? N'est-ce pas l'image que l'on nous présente des femmes? Je crois que toutes deux sont des images surfaites et dépassées. Changeons les percep- tions. Changeons le discours même s'il faudra y mettre du temps.

Oui, la faible représentation des femmes dans l'industrie de la construction s'explique par le fait que:

•  de nombreux préjugés sont véhiculés face à celles qui veulent intégrer un métier non traditionnel et plus spécifiquement dans l'industrie de la construction;

•  les jeunes filles ne se voient pas conseillées dans les commissions scolaires de la possibilité de faire un tel choix de carrière;

•  l'industrie de la construction est perçue comme un monde rude, un monde d'hommes; • les employeurs sont réticents à les embaucher et les syndicats hésitent à les référer;

• les femmes qui accèdent à l'industrie de la construction doivent conjuguer avec des attitudes discriminatoires et des préjugés de la part de leurs collègues masculins et de leurs employeurs:

Ce faisant, y a-t-il un espoir?

Oui. Une étude réalisée et présentée dans le rapport du comité indique que les femmes qui ont exercé un métier dans l'industrie de la construction présentent que très rarement leur expérience de façon négative. Règle générale, elles se déclarent satisfaites des rapports avec leurs collègues de travail. Elles disent cependant qu'il leur faut un bon sens de l'humour pour y travailler et faire face aux plaisanteries parfois particulières de leurs collègues mas- culins.

Malgré les difficultés qui se présenteront à l'intégration des femmes dans l'industrie de la construction, c'est un plus à bien des égards. En effet, comme tout autre milieu de travail non traditionnel, l'entrée de plus en plus importante de femmes dans l'industrie de la construction fera en sorte de créer une dichotomie, d'introduire des oppositions et de construire la différence.

Solliciter la différence et le respect de cette différence exigera que la nouvelle génération de finissants en forma- tion professionnelle soit sensibilisée au fait que la femme a sa place dans l'industrie de la construction. Il nous faudra également sensibiliser les travailleuses et les travailleurs actuels(les). Des changements de perceptions et d'attitudes sont des actions nécessaires aujourd'hui pour obtenir des résultats qui se feront sentir demain.

Que souhaite-t-on réaliser vraiment?

Bien qu'il peut paraître ambitieux comme projet, nous voudrions qu'il y ait 2 000 femmes dans l'industrie de la construction au début des années 2 000, soit 2% de la main-d'oeuvre. Deux mille femmes qui auraient intégré et maintenu leur appartenance à l'industrie de la construction.

Deux pour cent? C'est peu direz-vous? C'est une augmentation de 900% du nombre de femmes actuellement aptes à occuper un emploi dans cette industrie. Comment entend-on réaliser cet objectif?

Pour y arriver, le comité a défini des objectifs spécifiques se réalisant en trois phases distinctes.

Première phase:

• Des mesures visant à constituer un bassin de femmes formées pour l'industrie de la construction.

•  L'accès à l'industrie étant la formation professionnelle, il faut augmenter l'intérêt des femmes à s'inscrire dans nos écoles et augmenter le nombre de femmes formées dans les métiers et occupations.

• Deux ans sont prévus pour réaliser les mesures proposées et permettre au ministère de l'Éducation d'apporter les modifications nécessaires à ces pratiques d'orientation et à ses politiques d'inscriptions.

"Le nombre de femmes devant constituer la relevé ne s'avère pas plus prometteur si des actions énergiques ne sont pas réalisées."


Deuxième phase:

• Parallèlement à la première phase, mise en place de mesures préférentielles pour augmenter le nombre de femmes dans l'industrie de la construction. On pense ici aux modifications réglementaires. L'échéance pour cette phase et la mise en application par la Commission de la construction du Québec des nouvelles mesures réglementaires en vue de faciliter l'intégration des femmes et multiplier les occasions d'emploi: mai 1997.

Troisième et dernière phase:

• Des mesures d'accès à l'emploi. Si après quatre ans, soit en l'an 2 000, les mesures préférentielles ne suffisent pas, des mesures plus sévères pourraient s'avérer nécessaires.

Est-ce que ce programme est une pierre tout simplement jetée à l'eau dont on ne verra pas les effets?

Non. C'est au Comité sur la formation professionnelle dans l'industrie de la construction où l'ensemble des associations syndicales et patronales sont représentées que revient la responsabilité de suivre la mise en oeuvre du programme. Il pourra ainsi mesurer les résultats atteints et réajuster le tir afin d'atteindre l'objectif fixé.

En conclusion, je souhaite vivement que tous nos partenaires se rallieront à ce projet afin que je puisse vous dire que l'industrie a répondu au défi qui lui a été lancé. Je souhaite également voir le jour où les femmes auront la possibilité de pleinement décider de se former et d'intégrer l'industrie de la construction pour y gagner leur vie et à y exercer le métier ou l'occupation qu'elles auront choisi. Ce n'est pas un adieu mais tout au plus un au revoir!

Je vous remercie."



"C'est avec beaucoup
d'enthousiasme et de
satisfaction que nous
recevons ce programme
d'accès a l'égalité pour
les femmes."

CONSTRUCFRONT

Discours d'Isabelle Dugré

Tuyauteure dans l'industrie de la construction et vice-présidente de F.R.O.N.T.

"C'est avec beaucoup d'enthousiasme et de satisfaction que nous recevons ce programme d'accès à l'égalité pour les femmes dans l'industrie de la construction, un programme longtemps rêvé, espéré. Je me souviens qu'au début, lorsque nous parlions d'avoir, un jour, des mesures qui favoriseraient l'accès et l'intégration des femmes dans la construction, nous y croyions plus ou rnoins. Les relations plus ou moins heureuses, plus ou moins faciles, que nous vivions avec nos collègues de travail ne donnaient pas tellement d'espoir de percer, d'être enten- dues de leurs dirigeants, de nos dirigeants.  C'était, pour nous, toute une forteresse à franchir. C'est donc armées de patience et aussi pleines de ténacité que nous faisions notre entrée officielle dans le monde de la construc- tion.

Depuis longtemps déjà, nous entendions les plaintes et espoirs des travailleuses de l'industrie. À la fin d'août 92, nous apprenions par là bande que tous les intervenants de l'industrie se réuniraient en octobre pour le «Sommet de l'industrie dé la construction». Nous devions profiter de l'occasion pour nous faire entendre. Après quelques représentations, nous y étions invitées. Pour la première fois, les gens de l'industrie entendaient, apprenaient ce que vivent les femmes sur les chantiers et en recherche d'emploi. Les dirigeants des associations patronales et les syndicats, tous se sont alors entendus pour dire que les choses devaient changer. Comment? ...on verra, disaient-ils.

À F.R.O.N.T., nous ne lâchions pas: des téléphones, des rencontres, bref, nous les suivions pour s'assurer qu'ils ne nous oublient pas. Puis, à l'hiver 95, par l'insertion de nos demandes faites au «Sommet de l'industrie de la construction», la ministre Louise Harel reconnaissait dans la loi 46 la nécessité et l'urgence d'apporter des changements significatifs pour favoriser l'accès et le maintien des femmes dans l'industrie.

En septembre 95, le conseil d'administration de la CCQ créait un comité chargé de lui proposer un programme d'accès à l'égalité pour les femmes. F.R.O.N.T. est invité comme représentant des groupes de femmes et j'y représentais l'ensemble des travailleuses. Les résultats de l'enquête menée par la CCQ auprès des ex-travailleuses de la construction ont corroboré les commentaires, plaintes et souhaits que nous recevions à F.R.O.N.T. Les journées de travail qui ont suivi cette enquête furent très fructueuses. Le programme est là, il existe, il sera dif- fusé, nous nous chargerons de le faire connaître.

Oui, ce programme est nécessaire. Nous sommes aussi très heureuses de le présenter, de l'offrir à l'ensemble des femmes salariées de la construction et à toutes celles qui désirent y travailler. Une industrie que nous trouvons parfois difficile à vivre mais que nous ne voulons pas quitter: nous aimons par-dessus tout le métier que nous exerçons. Nous souhaitons, par surcroît, pouvoir l'exercer sans souci, sans méfiance, sans crainte.


Nous attendons maintenant les résultats de l'application de ce programme. Soyez toutefois assurées, consoeurs, que nous n'attendrons pas les mains dans les poches; ce programme sera une réussite, si et seulement si, un suivi rigoureux en est fait. A nous toutes d'être vigilantes.

Nous nous attendons à ce que les représentants syndicaux et les patrons qui ont tous participé à la réalisation de ce programme, agissent, informent et influencent leurs membres.

Nous avons besoin de la collaboration du ministère de l'Éducation pour l'application des mesures visant à aug- menter l'intérêt des femmes et des jeunes filles à l'industrie: plus nombreuses serons-nous, moins de mesures aurons-nous besoin.

Les femmes, les travailleuses d'expérience seront sollicitées pour guider les nouvelles venues. La solidarité entre les travailleuses sera un atout important pour la réussite des objectifs visés par le programme.

Souhaitons que dans dix ans, ce programme aura été utile, efficace et bien fait. Je nous souhaite donc, à toutes et à tous, un bon travail.

Merci"

Pour faire suite à la présentation du programme d'accès à l'égalité, nous avons tenu un atelier co-animé par ChantalDubeau, directrice du service de formation professionnelle à laCCQ, et Isabelle Dugré, afin de recueillir les commentaires des participantes quant au contenu de ce programme. Aussi nous avons profité de ce moment pour que les travailleuse de la construction nous fassent part de leurs expériences sur les chantiers.


Cette rencontre, par moment très émouvante, a permis de mettre en lumière les sentiments contradictoires qui animent le débat entourant l'arrivée d'un tel programme: tout en se réjouissant de la volonté grandissante de la CCQ à faire changer les mentalités, les travailleuses ont manifesté des craintes quant aux réactions de leurs col- lègues de travail à l'annonce de ce programme.

Les travailleuses veulent certes des changements qui leur permettraient d'accéder plus facilement aux chantiers, mais certaines d'entre elles doutent que des mesures préférentielles soient la première solution à envisager; d'autres croient que les mesures proposées ne vont pas assez loin et soutiennent qu'une obligation pour les employeurs à embaucher des femmes devrait être imposée. Ce qu'elles souhaitent surtout, c'est d'être reconnues pour les compétence qu'elles ont, ce qui est loin d'être acquis. Il faut combattre les préjugés, dénoncer les atti- tudes sexistes sur les chantiers et mettre fin aux pratiques discriminatoires lors de la référence de main- d'oeuvre.

Ces mesures interpellent tant les dirigeants d'entreprises que les dirigeants syndicaux particulièrement en ce qui a trait à la référence de la main-d'oeuvre. L'un des problèmes, quant à elles, réside dans les pratiques non régle- mentées, difficilement contrôlables. Ces pratiques discriminatoires envers les femmes le sont aussi envers les hommes ne faisant pas partie de la "gang", leur dénonciation et leur abolition éventuelle serviraient donc les intérêts de toutes et de tous.

La référence de la main-d'oeuvre par le syndicat en place demeure un sujet "chaud". Une travailleuse présente lors de l'atelier a rappelé que depuis l'obtention de ses cartes de compétence il y a cinq ans, son syndicat ne l'a référée qu'une seule fois. Le syndicat prétend que la pénurie d'emploi est la seule raison motivant cet état de fait. Pourtant nombreux sont ses collègues qui travaillent... curieusement toujours les mêmes! Cette travailleuse doute que le programme tel qu'il est présenté actuellement puisse intervenir dans ce genre de situation; les mesures de contrôle sont à peu prêt inexistantes et la preuve d'une telle discrimination est difficile à faire.

Malgré les craintes exprimées, les travailleuses ont tenu à réaffirmer leur joie: elles s'entendent pour dire que le programme d'accès est un outil qui permettra de prendre la parole et d'être entendues. Il permettra de bâtir des alliances, de consolider les forces et de faire la démonstration des avantages de l'arrivée des femmes dans l'in- dustrie de la construction. Les bâtisseuses se sont fait des alliés sur les chantiers mais aussi chez les consom- mateurs qui, de plus en plus, reconnaissent la minutie des femmes, leur sens de l'esthétisme, leur sens pratique, toutes des qualités reconnues essentielles dans la construction domiciliaire.

"Les femmes, les travailleuses d'expérience seront sollicitées pour guider les nouvelles venues."




"La solidarité et les
réseaux comme F.R.O.N.T
leur sont d'un grand
secours. C'est un
acquis indéniable et
inébranlable."

Bilan du non-trad au Québec et analyse de la situation en terme de perspectives d'avenir. Où en est-on et qu'est-ce qu'on fait? Tout au long du colloque, nous avons Incité les participantes à s'inscrire à l'atelier Y a-t-il de l'avenir dans le non-trad? dans le but de recueillir les propos du plus grand nombre de travailleuses non traditionnelles afin de dégager des pistes d'actions et d'orienter nos interventions futures en fonction de la réalité des travailleuses. Linda Boisclair nous présentait le résumé des ateliers en nous exposant en parallèle, les acquis et les luttes à mener.

L'amour du métier et la fierté de le pratiquer demeure sans conteste un des points les plus positifs. Malgré les difficultés rencontrées lors de leur intégration telles les tests d'initiation, la nécessité continuelle de faire ses preuves, les remarques désobligeantes, etc... et ce, particulièrement lorsqu'elles sont les premières, les tra- vailleuses affirment que leur expérience leur donnent espoir dans l'avenir. Comme elles le disent si bien, "on ne lâchera pas".

La solidarité et les réseaux comme F.R.O.N.T. leur sont d'un grand secours. C'est un acquis indéniable et inébran- lable. Par contre, le sentiment d'isolement et de solitude perdure.

Le salaire demeure un sujet non négligé et non-négligeable; il est décent et égal à celui des hommes et représente une forme de reconnaissance, de valorisation. Malheureusement, l'emploi, quand il s'agit d'une femme, demeure difficile à décrocher, souvent précaire, représentant moins d'heures de travail, moins susceptible de permettre l'accumulation d'ancienneté et l'obtention des cartes de compétence. De plus, les exigences sont plus élevées envers les femmes; il arrive même qu'on leur demande plus d'expérience qu'à un homme.

Plusieurs d'entre elles se disent plutôt satisfaites de leurs conditions pendant leurs études; les difficultés surgis- sent lorsque l'étudiante recherche un endroit pour effectuer un stage.

La crise de l'emploi ainsi que la situation économique actuelle créent, dans certains secteurs, une compétition très dure. Par contre, les travailleuses pour qui le non-trad est un choix de réorientation de carrière, (ce qui est le cas de plusieurs d'entre elles) se disent conscientes qu'elles ont ajouté des cordes à leurs arcs. Elles sont fières de leurs acquis antérieurs et s'appuieront sur eux pour se donner confiance en position de compétition. Toutes sont très conscientes que la difficulté de se trouver un emploi actuellement n'est pas un problème vécu unique- ment par les non-trads.


Le désir de persévérer est souvent exprimé de concert avec des commentaires qui démontrent que l'espoir que nous véhiculons correspond à des constats qui nous renforcent. Voici quelques exemples:

• II est possible d'avoir des alliés parmi nos confrères;

• L'expérience nous démontre que nous pouvons compter sur un nombre grandissant de femmes qui détiennent des postes de pouvoir;

• La volonté toujours croissante de faire avancer les choses dans son milieu de travail et l'implication dans la vie syndicale sont des facteurs qui favoriseront l'arrivée de futures travailleuses;

• La force du nombre permettra de grandes percées;

• Dans la vie quotidienne, de plus en plus de femmes occupent des postes traditionnellement réservés aux hommes. Les modèles existent.

Mais attention ! si on les remarque tant ces modèles ... c'est qu'il n'y en a pas encore beaucoup. Il ne faudrait pas croire que tout est réglé comme certains le prétendent pour mieux freiner nos efforts.

Il nous reste encore beaucoup de luttes à mener:

• Le harcèlement sexuel existe dans les emplois non trads comme ailleurs (le nombre d'inscriptions à ces ate- liers en fait foi), il prend différentes formes mais l'une des plus fréquentes est certes l'affichage pornographique systématique. Des lois existent en cette matière et nous devons oser en exiger l'application.

• Des travailleuses racontent comment certains confrères conservateurs s'adonnent à des formes de harcèle- ment moral qui incluent des gestes de sabotage conçus spécifiquement pour discréditer la travailleuse aux yeux de l'employeur ou la décourager afin qu'elle quitte son emploi. Il nous faut responsabiliser les employeurs, les syndicats, les confrères alliés face à la résistance du milieu et au harcèlement moral.

• La revalorisation des choix de formation professionnelle chez les jeunes filles s'impose; cependant, les jeunes filles doivent être en mesure de faire des choix éclairés.

•  Les programmes d'accès à l'égalité (PAE) sont loin de faire l'unanimité; fortement critiqués, ils sont à étudier, à transformer, mais à conserver. En matière de PAE, les travailleuses et leurs organismes doivent être vigi- lantes et veiller à leur application; il importe aussi de faire connaître leur existence, leurs modalités et les entreprises qui s'en sont dotées.

• Les obstacles à l'intégration sont nombreux. Ils seront souvent presque anodins mais le cumul de plusieurs petites choses font qu'on ne se sent pas bienvenues: pas de toilette pour les femmes, pas d'uniformes adéquats, des affiches pornos en quantité, etc. Néanmoins avec un peu de bonne volonté, ces obstacles ne sont pas insurmontables et ne requièrent souvent que des interventions simples, prévisibles et économiques d'argument des coûts élevés de l'adaptation est servi à toutes les sauces...)

• La reconnaissance de la maternité est loin d'être acquise; les femmes entre 20 et 30 ans sont particulièrement visées par cette situation déplorable.

MESURES À PRIORISER


En matière d'éducation

• II est essentiel de faire connaître les métiers non traditionnels aux jeunes filles, de sensibiliser les intervenants scolaires non seulement en matière de métiers non traditionnels, mais également de leur faire prendre con- science du fait que leurs jeunes étudiantes sont les femmes de demain qui devront assurer leur sécurité finan- cière et parfois celle de leurs enfants toute leur vie. Le travail rémunéré des femmes n'est plus un revenu d'ap- point ou une occupation temporaire en attendant le prince charmant!

• II faut permettre aux jeunes filles d'entreprendre des démarches d'orientation sérieuses; celles qui s'offrent à elles actuellement semblent nettement déficientes ou pour le moins désuètes.

• 11 est d'importance capitale de continuer la réflexion, de faire les analyses, d'encourager les débats qui sont porteurs d'idées nouvelles. Permettre la polémique sur la formation mixte ou non mixte, mesurer l'impact de l'apprentissage des métiers face au taux de persévérance lors de la formation, etc.

• II faut multiplier les outils de promotion des métiers non traditionnels mais surtout utiliser tous les moyens existants tels: les ateliers de sensibilisation, les témoignages, les affiches, les documents d'information, la tenue d'olympiades de la formation professionnelle, les débats sur la place publique, les pressions politiques,

etc....

Néanmoins avec un peu de bonne volonté, ces obstacles ne sont pas insurmontables.



"Le vrai problème, c'est
ce qui ressort des
ateliers, donc vous le
savez très bien, le vrai
problème c'est un
manque de volonté réelle
d'intégrer les femmes."

Auprès du patronat

•  Il importe de continuer à développer des outils pour sensibiliser les employeurs aux avantages d'intégrer des femmes dans les équipes de travail (ex.: témoignages d'employeurs, articles dans les revues d'associations professionnelles, échanges avec les chambres de commerce, liens avec les associations manufacturières, etc.).

• Il faut faire la promotion des guides élaborés par les organismes afin de faciliter l'intégration des femmes dans les milieux de travail masculins.

• Il faut être très vigilantes envers les mesures régressives qui sont imposées dans le vent de coupures qui sévit actuellement et ce, particulièrement dans les grandes entreprises qui s'y adonnent allègrement sous prétexte que la situation économique les rend nécessaires.

• Il faut faire circuler largement l'information relative aux programmes d'accès à l'égalité existants ainsi que les listes d'entreprises désireuses d'embaucher des femmes ou qui ont des femmes à leur emploi. Ces données sont susceptibles d'aider les chômeuses dans leur recherche d'emploi.

• Il est essentiel que des mécanismes de contrôle plus musclés soient mis en place pour inciter les entreprises soumises à l'obligation contractuelle à respecter leurs engagements. Beaucoup de critiques sont portées à l'é- gard de la Commission des droits de la personne en ce sens.

Solidarité

I1 nous faut développer des réseaux de solidarité dans nos lieux de travail respectifs et prévoir l'arrivée de futures travailleuses. Beaucoup de travailleuses ont rappelé comment F.R.O.N.T. leur a permis de persévérer dans des moment difficiles et surtout de trouver le support nécessaire pour explorer diverses pistes de solutions qui, mal- gré leur simplicité, apparaissent tellement complexes en période de découragement.

Pour faire suite à cet exposé, nous avons demandé à Marie-Thérèse Chicha de réagir aux propos tenus lors des ateliers et de nous faire part des résultats de ses recherches.

LES TRAVAILLEUSES DANS LES MÉTIERS NON TRADITIONNELS

Marie Thérèse Chicha

Professeure et chercheure

École de relations Industrielles, Université de Montréal

"Hier, j'étais à l'atelier: "Y a-t-il de l'avenir dans le non traditionnel" et j'étais impressionnée en entendant telle participante dire qu'elle était électrornécanicienne, l'autre cantonnière, électricienne, opératrice de lift, etc.

En y repensant hier soir et ce matin en préparant cette conférence, j'ai réalisé que moi aussi j'avais des préjugés. Cela fait trois-quatre ans que j'effectue des recherches sur les travailleuses dans les métiers non traditionnels, et près de dix ans que je travaille sur des questions d'égalité des femmes au travail; et voilà que, quand je me retrou- vais devàrit un si grand nombre de ces travailleuses qui font des métiers dont parfois je ne connaissais même pas l'existence, mes préjugés revenaient. Au fond de moi (dans mon inconscient le plus enfoui!) je me disais "c'est pas possible que des femmes fassent des métiers aussi durs, qui demandent tellement d'aptitudes techniques, de la force physique, et qu'en même temps elles se ressemblent!" Donc moi aussi avant de voir la travailleuse, je voyais la femme. Et je pense que c'est là le problème principal que les travailleuses non traditionnelles rencon- trent, c'est que le fait qu'elles soient femmes capte l'attention en premier, et qu'elles soient des personnes compétentes est perçu après et parfois ne l'est pas du tout.

Or, si l'on regarde les programmes d'accès à l'égalité, les mesures prises pour accélérer l'égalité, on se rend compte qu'elles sont axées sur les compétences, comme si c'était le seul et unique problème. En fait, c'est un faux problème parce qu'en général les statistiques montrent qu'il y a beaucoup plus de femmes compétentes que d'emplois qui leur sont offerts dans leur domaine non traditionnel.

Le vrai problème, c'est ce qui ressort des ateliers, donc vous le savez très bien, le vrai problème c'est un manque de volonté réelle d'intégrer les femmes tant au niveau des entreprises qu'au niveau du gouvernement. Les PAE existent depuis 11 ans déjà et ils ont eu des effets positifs limités. Par contre, ils ont eu un effet négatif important, c'est de faire croire à la population, à tort, que l'on a beaucoup fait pour l'égalité des femmes. C'est pourquoi des personnes mal informées pensent alors que c'est assez et que maintenant il faut passer à d'autres problèmes.


Ce que je vais faire dans les quelques minutes dont je dispose, c'est de tracer un portrait de la situation des femmes en milieu non traditionnel. Ce portrait est basé sur les recherches que j'ai faites sur le terrain ainsi que sur une revue des études faites par d'autres chercheurs. Ce qui peut vous intéresser, c'est de savoir que ce que vous vivez en milieu de travail n'est pas seulement partagé par la majorité des travailleuses que vous avez ren- contrées ici, mais que c'est exactement la même chose ailleurs au Québec et que c'est la même chose dans d'autres pays: en France, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne, etc. Quel que soit le lieu où elles se trouvent, les travailleuses non traditionnelles vivent les mêmes expériences que vous. Ce que l'on peut tirer comme leçon, c'est que si c'est un problème collectif, les solutions individuelles, les stratégies individuelles ne peuvent en venir à bout car les forces en jeu sont inégales. Il faut des solutions collectives. Mais je reviendrai sur ce point à la fin.

D'abord, ce qui ressort de toutes les études, c'est que les travailleuses non traditionnelles sont des personnes très déterminées, très motivées par leur métier, qui le font pas parce qu'elles n'avaient aucun autre choix, mais qui le font parce qu'elles aiment ce type de travail et qu'elles sont prêtes à relever le défi. Ce qui ressort aussi c'est que les femmes sont capables de le faire et qu'elles sont compétentes. Là où le bât blesse, c'est dans le milieu où elles vont travailler, un milieu qui leur présente d'autres défis que des défis techniques, qui leur présente des défis d'or- dre psychologiques très importants.

Commençons par le commencement lorsqu'elles passent l'entrevue de sélection: ce que l'on constate, c'est que dès le début l'employeur prend pour acquis que c'est la travailleuse qui devra s'adapter aux hommes, à ses col- lègues et non le contraire; par conséquent dans l'entrevue de sélection, il y a beaucoup de mises en situation où l'on demande à la candidate ce qu'elle ferait devant telle ou telle réaction négative de ses collègues masculins; on veut voir si elle est capable de passer au travers, si elle est assez motivée. À première vue, cela semble nor- mal de faire une telle sélection et de mettre la candidate devant une réalité qu'elle ne devine peut-être pas. Cependant, il faut se demander quel est le message que l'employeur envoie en agissant ainsi: le message c'est que c'est à toi, en tant que travailleuse, de t'adapter si tu veux avoir le poste. Donc dès le départ, le fardeau de l'adaptation est mis sur les épaules des femmes. Quand aux candidats masculins, on ne leur dit pas qu'ils doivent traiter correctement les femmes, on ne leur fait pas de mises en situation.

Quand on passe à la phase de l'accueil, quand la travailleuse arrive à son poste de travail pour la première fois, ce que l'on constate c'est que la planification de l'intégration ne figure pas à l'ordre du jour. Les entreprises qui ont un PAE considèrent que c'est un mal inévitable, elles ne voient pas la mixité comme un atout pour l'entre- prise. L'engagement de la haute direction, quand il y en a, semble s'arrêter au recrutement d'une ou de quelques femmes. Dès que l'on en a un petit nombre, elles jouent le rôle de symbole pour démontrer que l'entreprise a fait ses devoirs en matière d'intégration des travailleuses.

Un indice matériel de ce manque de planification et d'adaptation: pas d'équipements à leur pointure; pas d'ins- tallations adaptées: vestiaire, toilettes; une grande résistance à le faire. Ici aussi, les femmes doivent faire avec ce qu'on leur offre, elles doivent s'adapter.

Un indice psychologique: ni les superviseurs, ni les travailleurs n'ont été préparés à avoir une collègue avec eux, n'ont été sensibilisés à la situation, n'ont reçu une formation même minimale à ce sujet. Cela se traduit par des réactions négatives: allant du scepticisme à l'hostilité; d'où isolement des femmes, exclusion; on les ridiculise si elles demandent des informations ou une aide; par conséquent, elles essaient de se débrouiller toutes seules, elles s'adaptent.

À l'occasion, on sabote leur travail, certains vont refuser de faire un quart de travail avec une femme; lorsqu'une femme fait une erreur, elle est amplifiée. En fait, lorsqu'un homme fait une erreur, ce n'est qu'une erreur; lorsqu'une femme fait une erreur, c'est signe de son incompétence. Alors les femmes sont obligées de mettre les bouchées doubles pour prouver qu'elles sont compétentes.

Et puis il y a une constante: le harcèlement sexuel a des degrés divers il faut le dire. D'où la réaction des femmes qui est de surveiller de près leur façon de se vêtir, de marcher, de sourire; certaines vont prévenir les nouvelles recrues d'éviter toute conduite pouvant être ambigüe ou paraître libertine. Donc, elles s'adaptent aux hommes. Si elles se plaignent, on constate, dans la plupart des cas, que:

  • ou bien très peu est fait pour corriger la situation;
  • ou bien on transfère la travailleuse ailleurs plutôt que de transférer ou de pénaliser ceux qui font du harcèle- ment. Ici aussi, le fardeau de l'adaptation est mis sur le dos des femmes.

"C'est la même chose dans d'autres pays: Quel que soit le lieu où elles se trouvent, les tra- vailleuses non tradition- nelles vivent les mêmes expériences que vous."



"Tout ça revient à une
même finalité: souligner
que les femmes ne font
pas la même chose que
les hommes, souligner et
maintenir la différence,
protéger l'image que les
hommes ont de
leur métier."

Parlons maintenant d'un préjugé important celui qui est associé à la maternité. Les études statistiques montrent qu'aujourd'hui, les femmes s'absentent moins souvent pour des raisons de maternité et que, lorsqu'elles le font, c'est de moins en moins longtemps. Or dans les milieux de travail, ce n'est pas du tout perçu ainsi, que ce soit dans le traditionnel ou le non-traditionnel. Dans un grand nombre d'entreprises, les obligations familiales sont encore perçues comme un moindre attachement au travail. On constate que, même si les femmes prennent toutes les dispositions nécessaires pour continuer à travailler au même rythme après la naissance d'un enfant, c'est-à- dire s'adaptent aux exigences du milieu de travail, elles sont néanmoins considérées par leurs collègues comme étant devenues moins intéressées par leur emploi.

Si on regarde maintenant les tâches dévolues aux travailleuses, l'image qui se dégage est mixte. Le plus souvent, on constate que les femmes vont être exclues des tâches les plus qualifiées, des tâches de responsabilité qui leur permettraient plus tard d'être promues, d'avoir de l'avancement ou simplement de mettre à profit toutes leurs compétences. Certains collègues ou superviseurs surprotègent les femmes ou ne leur donnent pas des tâches intéressantes sous prétexte que cela prendrait trop de temps; d'autres leur donnent à faire les tâches les plus désagréables que les hommes ne veulent pas faire. Parfois, certaines sont assignées à des tâches beaucoup plus difficiles que celles que l'on donne habituellement aux débutants; d'autres à des tâches pour lesquelles elles n'ont pas encore les compétences, ce qui les amène à faire des erreurs et donc à confronter l'idée que les femmes ne sont pas faites pour ce métier, ou à ajouter un point noir à leur dossier.

Tout ça revient à une même finalité: souligner que les femmes ne font pas la même chose que les hommes, souligner et maintenir la différence, protéger l'image que les hommes ont de leur métier. Et les recherches mon- trent que ceci est d'autant plus fort que le métier non traditionnel est prestigieux, est associé au risque, à un grand effort physique. Les hommes craignent que si les femmes entrent dans leur bastion, ce prestige ne disparaisse et ... le salaire élevé qui vient avec.

Ici aussi les femmes ont un certain pouvoir mais il est limité. Elles peuvent demander qu'on leur donne à faire les mêmes tâches que leurs collègues, souligner la différence entre ce qu'on leur donne à faire et ce que l'on donne aux homrnes.  Maïs sous peine de paraître revendicatrices, malcommodes, etc., elles doivent assez vite se taire et s'adapter.

Même chose pour les heures supplémentaires et c'est partout, dans tous les pays étudiés. On n'attribue pas sou- vent aux femmes des heures supplémentaires. Or celles-ci permettent d'accumuler de l'ancienneté et aussi, dans certains cas, de réaliser des tâches que l'on ne faitpas d'habitude, de devenir polyvalentes. Leur nom, comme par hasard, se retrouve toujours en bas de la liste du temps supplémentaire.

Le résultat de ces pratiques, de ces préjugés, de ces comportements, c'est d'abord un résultat objectif: les femmes n'ont pas les mêmes chances de promotion que les hommes. Ce handicap au niveau des promotions est accen- tué par le rôle des réseaux informels: les hommes vont davantage être tenus au courant des possibilités de pro- motion; on a même constaté que, dans certains cas, les supérieurs n'affichaient pas les postes disponibles et uti- lisaient le bouche à oreille pour éviter que des femmes posent leur candidature.

L'autre résultat c'est que l'on ne peut pas dire qu'il y a vraiment égalité. On ne peut pas encore parler d'égalité non seulement parce que le nombre est insuffisant mais surtout parce que les conditions de travail ne sont pas les mêmes, sont très inégales: non pas les conditions de travail au sens de la convention collective, mais les con- ditions psychologiques. À mon avis, le test ultime de l'égalité c'est le confort psychologique, qu'une femme se sente autant à l'aise dans son milieu de travail que son collègue. Or, ce que je lis et ce que j'entends me montre que c'est loin d'être le cas, les femmes qui sont dans les métiers non traditionnels vivent souvent un inconfort psy- chologique. Cet inconfort vient de ce que, comme je l'ai souligné, tout le poids de l'adaptation est pris par elles. Est-ce que cela ne vous rappelle pas quelque chose qui se passe dans la sphère familiale, on attend des femmes qu'elles adoucissent les tensions, acceptent les frustrations, etc. Finalement, c'est un peu le même rôle tradi- tionnel qu'on attribue aux femmes et qu'elles s'attribuent, peut-être par conditionnement social mais aussi parce qu'elles n'ont pas le choix.

Alors comment changer les choses?

Au niveau de l'entreprise: on a parlé de l'engagement de la hiérarchie et pas seulement pour le recrutement, il faut de la sensibilisation à tous les niveaux incluant les collègues. Mais là une question que je me pose: est-ce que la sensibilisation est suffisante? Il y a trois groupes, en gros: une minorité de collègues (parfois bien peu ou pas du tout) coopératifs et favorables, ensuite il y a une autre minorité, je pense, très hostile; enfin il y a ce que l'on peut appeler la majorité silencieuse qui, par son silence, sa crainte d'être rejetée, permet aux pratiques hostiles de se maintenir. La sensibilisation c'est pour la majorité silencieuse; mais pour cette minorité hostile, ce sont les pénalités ou toute autre mesure qui les oblige à changer leurs comportements qu'il faut. Je ne crois pas qu'ils soient ouverts à la sensibilisation. Pour eux, les femmes sont une menace qui peut faire perdre leur pou- voir.

Mais enfin je crois que les mesures on les connaît, ce qui manque c'est la volonté politique. Il faut que l'État inter- vienne de façon claire. Là où les PAE ont eu du succès, c'est aux États-Unis à l'époque où ils étaient obligatoires et qu'en même temps, il y avait une volonté politique de les appliquer. Le Québec a choisi principalement la voie volontaire c'est-à-dire, malheureusement, une voie beaucoup moins efficace.

En fait, il faut que le fardeau de l'adaptation en milieu de travail ne repose pas seulement sur les épaules des femmes mais aussi des employeurs et des travailleurs. Et ça, à mon avis, exige des stratégies multiples: sensibilisation mais aussi coercition. Il ne faut pas penser que les choses vont s'améliorer d'elles-mêmes. Les dernières statistiques montrent que la situation des femmes s'est détériorée: taux de participation et salaire ont décliné.

Je terminerai en faisant le lien avec un sujet dont on parle beaucoup: l'équité salariale. L'égalité dans le non tra- ditionnel et l'équité salariale, c'est le même combat mais dans des lieux différents. L'équité salariale, c'est recon- naître que dans le travail traditionnel, il y a des compétences que les femmes ont acquises qui sont oubliées et qui ne sont pas rémunérées à leur juste valeur. Pourquoi? Parce que l'on voit les femmes avant de voir les tra- vailleuses, avant de voir les compétences. Dans le non-traditionnel, comme je l'ai souligné, les collègues et les supérieurs, au lieu de se concentrer sur les compétences/voient avant tout des femmes travailleuses et non des travailleuses tout court. Donc, en équité salariale et en travail non traditionnel, c'est le même combat, c'est faire reconnaître que les femmes en milieu de travail c'est avant tout des compétences et des qualifications, de l'expérience, des efforts.

Je vous remercie de votre attention et je remercie FRONT de m'avoir permis de vous rencontrer."

"L'égalité dans le non traditionnel et l'équité salariale, c'est le même combat mais dans des lieux différents."


Après l'exposé de Marie-Thérèse Chlcha, les participantes sont invitées à

émettre leurs commentaires et réflexions quant à l'avenir du non trad.

Le texte qui suit présente un résumé les débats suscités par les présentations.



C'est un travail de
longue haleine mais pas
nécessairement un
travail solitaire: nous
pouvons compter sur
des alliés.

À PROPOS DE LEUR AGE:

Dès la première intervention, une travailleuse fait remarquer à l'assemblée que les participantes au colloque ont toutes au-dessus de 30 ans ... est-ce le fruit du hasard?

"Moi, quand j'étais jeune, on m'a proposé des réunions comme celle-ci et je disais non. Quelques années plus tard, je suis venue mais je ne l'ai pas dit à personne. Aujourd'hui je suis là et tout l'monde le sait! Plus jeune, j'avais peur et maintenant, bien, j'ai moins peur."

Tout au long du colloque, on a pu constater que pour beaucoup de travailleuses, le choix du non-traditionnel est le fruit d'une réorientation de carrière. Réorientation qui souvent est issue d'une réflexion sur l'injustice que vivent les femmes en milieu de travail: bas salaire, travail précaire, temps partiel imposé, etc. Une travailleuse raconte qu'elle était commis aux payes sur un chantier de construction et qu'à force de voir les salaires des gars, elle s'est dit: pourquoi pas moi! "Quand on part d'unsentiment d'injustice et d'une volonté de vaincre, notre per- sévérance et nôtre détermination sont renforcées. Tout ceci n'est pas nécessairement ressenti quand on a 18 ou 19 ans."

Être jeune dans un milieu hostile et difficile demande une certaine expérience, une solide confiance en soi. Il est préférable d'être consciente des obstacles qu'on aura à franchir dans des milieux composés exclusivement de gars.

À PROPOS DE LEUR SYNDICAT:

Le rôle des syndicats semblent préoccuper plusieurs travailleuses présentes à la rencontre. Une militante syndi- cale a fait remarquer qu'elle avait entendu peu de commentaires positifs, en ce qui a trait au rôle des syndicats. Elle précisait que les syndicats demeuraient, selon elle, des agents de changement social sur lesquels les tra- vailleuses doivent compter. Une travailleuse syndiquée a alors expliqué comment les difficultés rencontrées au moment de l'intégration en milieu de travail se reproduisent lors de l'intégration à la vie syndicale.

"Ce sont des milieux fermés d'hommes, souvent de la vieille garde, qui se sentent menacés par notre présence où nous ne sommes pas toujours très à l'aise; nos revendications ne sont pas les leurs et ne sont pas considérées comme telles. Un travail de sensibilisation des exécutifs syndicaux est à faire, certes; cependant, je comprends très bien qu'une travailleuse pour qui l'intégration en milieu de travail a été difficile ne se sente pas le courage de faire, en plus, l'éducation de ses collègues. Comme l'affirmait madame Chicha, c'est encore à la travailleuse de s'adapter et non l'inverse. Je crois que les syndicats doivent effectivement être porteurs des revendications des femmes, que nous devons les responsabiliser face à nos revendications, cependant ce n'est pas toujours le cas."

Une autre travailleuse a tenu à souligner son appréciation des efforts fournis par les militantes syndicales, elle faisait remarquer que ces dernières étaient, elles aussi, des pionnières dans ce milieu.

Pour terminer le débat, des exemples positifs de démarches d'intégration de certains groupes de travailleuses ont été exposés. On nous a rappelé que dans les syndicats comme dans la vie, il y a de l'éducation à faire. C'est un travail de longue haleine mais pas nécessairement un travail solitaire: nous pouvons compter sur des alliés. Changer les mentalités c'est une vocation. Et quand on dit vocation, on pense patience, courage, détermination. C'est le lot que nous avons choisi!


À PROPOS DE L'ÉQUITÉ:


Une intervention dénonçant le projet de loi sur l'équité salariale a soulevé un débat très animé. En effet, une par- ticipante qui a travaillé en tant qu'experte sur le comité de consultation préparatoire à l'élaboration du projet de loi 35, a affirmé qu'il serait préférable de ne pas avoir de loi, plutôt que d'avoir une loi pleine de trous qui per- met aux employeurs de se défiler. Cette même participante nous informe que l'adoption de la loi 35 sur l'équité salariale rend inopérant l'article 19 de la Charte des droits de la personne qui, selon elle, est un article sur lequel les femmes doivent s'appuyer pour faire respecter l'équité salariale.

Des participantes ont vite réagi en donnant des exemples d'inéquités pour bien illustrer l'urgence d'une loi. Le débat actuel entourant le projet de loi ne peut que faire prendre conscience à l'ensemble de la population de l'iné- galité que vivent les femmes en milieu de travail.

La loi sur l'équité salariale est comparée à la loi sur la santé et la sécurité au travail. On rappelle que cette loi, malgré de nombreuses failles, a contribué à faire avancer les choses, si ce n'est qu'en conscientisant la popula- tion.

Toutes s'entendent pour affirmer l'urgence d'agir sur la problématique de l'équité salariale laquelle, loin d'être en contradiction avec l'égalité en emploi, en est partie prenante. Le problème étant que le travail n'est pas évalué selon les compétences requises ni les exigence de l'emploi, mais en fonction du sexe de la personne qui le fait. Il faut abolir les ghettos d'emplois féminins et le "cheap labor" des femmes; la lutte pour le droit d'exercer le métier de son choix en est une de reconnaissance de compétences tout comme la lutte pour l'équité salariale.

À PROPOS DES PROGRAMMES D'ACCÈS À LÉGALITÉ

Une première question est posée par une travailleuse syndiquée: "Par quelle force, par quels moyens peut-on faire avancer les programmes d'accès à l'égalité (PAE)? et ce, compte tenu du constat que les PAE sont en recul à l'heure actuelle dans la majorité des entreprises sous prétexte qu'elles rationalisent leurs opérations et procè- dent à des mises à pied massives".

Une participante soulève la nécessité de continuer à exiger l'application des PAE pour favoriser l'embauche des femmes tant auprès des instances gouvernementales qu'auprès des entreprises. Les employeurs doivent se responsabiliser quant à la mise sur pied de mécanismes efficaces pour rejoindre les femmes, c'est-à-dire:

• faire connaître leurs perspectives d'embauché pour les années à venir dans les différents métiers;

• manifester leur intérêt à recevoir des candidatures féminines pour les métiers habituellement occupés par des hommes;

• établir des programmes de formation à l'intention de ces travailleuses.

Une responsable d'un programme d'accès à l'égalité nous informe que les mesures qui obligent les entreprises à fixer des pourcentages de disponibilité à l'égard des femmes deviennent rapidement caduques une fois le taux atteint (ce taux de 6% est établi par la Commission des droits de la personne). Or, dans plusieurs entreprises, on a donc continué à engager massivement des hommes sous prétexte que leur taux était atteint, en abandonnant leurs efforts pour rejoindre les femmes.

Ces manières de procéder sont toutes aussi discriminatoires les unes que les autres à l'endroit des femmes; nous devons nous mobiliser pour revendiquer des mécanismes de suivi de ces programmes puisque ces pourcentages constituent des minima et qu'il n'y a aucune interdiction d'aller au delà. Ce n'est certainement pas avec une présence féminine de 6% dans un milieu d'hommes que les choses vont changer.

On souligne également que la Commission des droits de la personne et les syndicats doivent s'impliquer et détecter ces pratiques discriminatoires.

Une autre intervenante propose que, dans les milieux de travail où il n'y a pas d'embauché, les entreprises met- tent sur pied des mécanismes pour qu'à l'interne, des travailleuses des secteurs de bureau par exemple, puissent accéder à des métiers non traditionnels. Ce qui implique des formations reliées au transfert des compétences et à la reconnaissance des acquis. Conséquemment, les travailleuses doivent faire valoir ces formations dans leurs milieux de travail.

En conclusion, on mentionne l'intervention d'Action Travail des Femmes qui, par des recours juridiques, a réus- si à faire cesser les pratiques discriminatoires dans les tests d'entrée au CN. Comme on peut le constater dix ans plus tard, il y a encore loin de la coupe aux lèvres en ce qui concerne l'égalité des chances en emploi. Plus nous serons nombreuses et regroupées face à la discrimination systémique dont nous faisons encore l'objet en milieu de travail, plus nous oserons briser le silence, plus nous serons en mesure d'établir un rapport de force néces- saire au changement des mentalités. Il y a encore du pain sur la planche!

On souligne également que la Commission des droits de la personne et les syndicats doivent s'impliquer et détecter ces pratiques discriminatoires.


CLOTURE

La plénlère fut un moment fort où les participantes ont exprimé leurs désirs de multiplier leurs efforts pour l'avancement des revendications des femmes. "Il y a certes des avancées réalisées depuis les dernières années en ce qui a trait au droit des femmes à accéder à des emplois de leur choix ; cependant, le discours semble devancer la réalité puisque les dernières statistiques nous Indiquent un net recul des femmes sur le marché de l'emploi: augmentation de l'écart entre le salaire des hommes et des femmes, augmentation de la précarité de l'emploi, diminution des budgets alloués aux mesures gouvernementales qui favorisent les femmes en matière d'emploi."



En mathématiques
non trads,
10X10=MILLE!

Le discours actuel voulant que le non-trad soit une chose acquise et reconnue parce qu'on voit des femmes dans tous les secteurs d'emploi nous nuit parfois. Les témoignages entendus tout au long de la fin de semaine nous décrivent une réalité quotidienne fort différente et trop souvent méconnue.

Marie-Thérèse Chicha, conférencière au colloque, nous confiait que lorsqu'elle a entrepris ses recherches sur le non-traditionnel, elle croyait, comme beaucoup d'autres, que le problème se situait au niveau de la formation, en ce que peu de femmes s'inscrivaient dans les secteurs non trads. "Le problème n'est pas au niveau de la for- mation, mais au niveau de l'intégration en milieu de travail où l'hostilité et la résistance sont des obstacles de taille. Si je peux faire un parallèle peut-être un peu hasardeux entre le non traditionnel et la violence faite aux femmes, je dirais que des mesures n'ont été mises en place que lorsque la situation a été exposée sur la place publique. Faudra-t-il de même faire connaître ce que les femmes vivent dans les milieux de travail majoritaire- ment masculins afin d'intervenir officiellement dans une situation inacceptable? Les travailleuses ont parfois de la difficulté à parler, parce qu'elles ont peur des réactions de leurs collègues. Pourtant, il faut que ça se sache si on veut des changements réels."

Une intervenante en milieu scolaire a confirmé qu'il restait beaucoup à faire dans les écoles pour diversifier le choix des jeunes filles. "C'est un problème qui interpelle beaucoup d'intervenantes et d'intervenants et je pense qu'un des obstacles sur lequel on n'a pas de prise dans les milieux de formation, c'est l'intégration en milieu de travail. Il ne faut pas se renvoyer la balle d'un milieu à l'autre, il faut travailler en collaboration et en continuité. C'est le défi: créer des lieux de concertation qui permettront de faire avancer les choses".

Il est apparu évident que le travail de promotion et de sensibilisation entrepris par F.R.O.N.T. dans le réseau sco- laire, par le biais de la diffusion d'affiches et la tenue d'ateliers d'informations sur les métiers non trads, doit se poursuivre et se systématiser. Manifestement, il nous faut développer un réseau de communication efficace qui permette à toutes les intervenantes intéressées par de telles démarches à avoir accès aux ressources disponibles.

On déplore le fait que F.R.O.N.T. est encore peu connu des travailleuses; on souhaite une collaboration plus étroite avec les syndicats, les milieux scolaires et les employeurs.

La présidente de F.R.O.N.T., Linda Boisclair, nous rappelle qu'il y a à peine cinq ans, nous en étions à la mise sur pied de l'organisme: "on partait de loin, c'est pas compliqué il n'y avait rien. Tranquillement ça s'en vient. Faut pas se décourager. Oui, les réseaux de communication sont en train de se bâtir partout au Québec. Des événe- ments comme le colloque nous donne un "boost" d'énergie pour continuer. Ce sont nos discussions d'aujour- d'hui qui vont orienter les stratégies de F.R.O.N.T.. Nos actions seront à la mesure de ce qui est dit aujourd'hui parce que ce sont les travailleuses qui vivent les problèmes sur le terrain et qui en imaginent les éléments de solu- tion à la lumière de leur réalité".

C'est dans cet esprit de continuité d'action et de pertinence du mandat que les membres de F.R.O.N.T. sont sol- licitées, consultées, interpellées régulièrement. Elles continueront à l'être tant et aussi longtemps qu'elles main- tiendront cette volonté d'intervenir directement sur leurs conditions de travail afin de se donner les moyens de s'épanouir dans l'emploi de leur choix.

La conclusion du colloque se fait dans la joie d'une mobilisation réussie au delà de nos espérances. Le prochain rendez-vous témoignera de cette belle solidarité qui nous a alimentées tout au long de cette fin de semaine et qui nous aura fait la preuve qu'en mathématiques non trads, 10 X 10 = MILLE!