Les centres de femmes : une alternative à l'isolement psycho-social des femmes

Décembre 1987

L'R des Centres de femmes du Québec 1222, rue St-Hubert Montréal (Québec) H2L 2Y7

Remerciements

Je désire remercier les membres du Conseil d'administration ainsi que Michelle Asselin, du Centre d'éducation et d'action des femmes de Montréal, Lyne Dessurault, du Centre des femmes de Verdun, Linda Tremblay, de la Marie Debout, Nancy Guberman, professeure en travail social à l'UQUAM et Nicole Caron de l'R des Centres de femmes pour leur précieux apport à la rédaction de ce document.

Françoise David

Table des matières

  • UN PEU D'HISTOIRE
  • LA CLIENTELE DES CENTRES DE FEMMES
  • L'ACTION DES CENTRES DE FEMMES
  • QUELS SONT LES RÉSULTATS DE CE TRAVAIL ?
  • LE MSSS EST-IL CONCERNÉ PAR NOTRE TRAVAIL?
  • La santé mentale
  • La violence faite aux femmes
  • Protection de la jeunesse
  • UNE POLITIQUE DE FINANCEMENT POUR LES CENTRES DE FEMMES
  • Reconnaissance de notre rôle MSSS, MEQ et Secrétariat d'État16
  • La part du MSSS : 50 000 dollars
  • CONCLUSION
  • SYNTHESE DE NOS DEMANDES
  • ANNEXE I1
  • ANNEXE II
  • ANNEXE III
  • ANNEXE IV
  • ANNEXE V
  • BIBLIOGRAPHIE

    LES CENTRES DE FEMMES UNE ALTERNATIVE À L'ISOLEMENT PSYCHO-SOCIAL DES FEMMES

    Il y a quatre-vingts (80) Centres de femmes ou Québec. On peut donc perler d'un véritable réseau. Pourtant, mis à part les milieux où elles sont implantées, ces ressources alternatives ne sont guère mentionnées dans les médias et dans les officines gouvernementales.

    Il y a une sorte de parenté entre les Centres et les femmes qui les fréquentent: les deux sont et se sentent quasi-Invisibles, oubliés bien souvent des documents officiels, des projets de politiques et des lieux de décision.

    Conformément à son mandat, l'R des Centres de femmes du Québec entreprend donc des discussions avec les Instances décisionnnelles pour obtenir enfin une véritable politique de financement des Centres de femmes. Sans remettre en cause l'action volontaire des centaines de femmes bénévoles qui font vivre les Centres depuis le début, nous croyons qu'il est légitime d'exiger de l'État un soutien financier qui assure aux Centres une base de fonctionnement stable et durable. Mais... ce n'est pas la première fois que nous écrivons cela.

     UN PEU D'HISTOIRE

    C'est à partir des années 80 que les Centres de femmes se sont multipliés dans la province. Nous l'avons dit souvent, mais 11 nous faut le répéter encore: la mise sur pied d'un si grand nombre de Centres en quelques années seulement n'est pas, ne peut pas être, un accident de parcours. Ce n'est pas l'État qui a créé ces organismes, ni des institutions en mal de racines dans la communauté. Ce sont les femmes elles-mêmes.

    Chaque Centre a son histoire. La plupart, cependant ont été mis sur pied par des femmes du milieu, soit bénévolement, soit à la faveur de programmes de création d'emplois. Pourquoi ces femmes ont-elles ainsi donné naissance à des Centres auxquels elles ont consacré tant de temps et d'énergie? Il ne fait aucun doute que les idées féministes y sont pour quelque chose. Ces idées ne sont plus l'apanage d'une minorité, comme au début des années 70, elles s'enracinent dans le quotidien. Les femmes commencent à rêver d'une autre vie où elles ne sont plus les servantes, où elles font des choix autonomes, où elles ont des droits.

    Il est important de comprendre le sens et la portée de la mise sur pied des Centres de femmes avant d'entreprendre des discussions sur leur financement. Certain-es, pour simplifier la prise de décision concernant le financement des Centres, aimeraient voir le Regroupement choisir les lieux d'Implantation des centres, définir et préciser jusqu'à l'excès les besoins des usagères et les terrains et modalités d'Intervention. À ce stade-ci, Indiquons simplement que des organismes Issus du milieu, ayant comme objectifs de favoriser une recherche d'autonomie chez les femmes et de concourir au changement des mentalités n'ont pas à se faire imposer une réduction de leurs champs d'activités. L'esprit même d'un Centre de femmes, c'est son aptitude à se "coller" aux besoins exprimés "sur le terrain" par les principales concernées.

    Ceci étant dit, l'R des Centres de femmes a tout de même, entrepris depuis deux ans de clarifier la mission des Centres de femmes. Le document "Les Centres de femmes parlent argent - l'état de leur financement", publié en novembre 1986 est très explicite sur l'origine et la vocation des Centres ainsi que sur leurs problèmes de financement. Nous avons aussi participé à plusieurs commissions gouvernementales dans le but, entre autre de faire valoir les besoins des Centres de femmes (Commission Rochon, Commission Parizeau, Commission permanente du Secrétariat d'État, etc.) À chaque fois, nous avons rappelé les grandes lignes du cadre de référence qui est propre aux Centres: Les Centres de femmes sont:

    • Une alternative à l'isolement psycho-social des femmes.
    • Des lieux d'appartenance et de transition.
    • Un réseau d'entraide et d'action.
    • Des ressources locales polyvalentes, légères et accessibles.

    Ces caractéristiques trouvent leur prolongement dons des activités qui, bien que diversifiées, peuvent être regroupées en quatre grandes catégories: des services de soutien individuel et collectif, des activités éducatives , des actions collectives, de la recherche et de l'expérimentation. (1)

    L'ensemble des interventions reliées à ces catégories sont considérées par les Centres comme des outils de changement individuels et sociaux. Nous ne pouvons donc dissocier, par exemple, le support à  une femme en difficulté et des ateliers sur la violence, l'auto-défense ou la ménopause. La démarche de fond est la même:

    • Permettre   à    des    femmes isolées, souvent  démunies, d'entreprendre avec d'autres femmes, un processus d'autonomie sur divers plans: économique, affectif, social.
    • Annexe I: Les Centres de femmes parlent argent,p. 16 et 17.
    • Une politique de financement des Centres de femmes doit reconnaître la pertinence de ce cadre global de référence. Nous accueillons des femmes en tant que personnes dans leur totalité et notre Intervention est conséquente. Contrairement à d'autres groupes de femmes axés sur des problématiques spécifiques, nous sommes et voulons demeurer des "généralistes". Le Centre est un carrefour, un lieu de rassemblement, de réflexion féministe sur la vie des femmes ici et aujourd'hui, c'est ce qu'il doit demeurer.

      LA CLIENTELE DES CENTRES DE FEMMES

      La majorité des femmes qui fréquentent les Centres sont des travailleuses au foyer. Leurs revenus sont modestes, voire insuffisants. Beaucoup sont cheffes de familles monoparentales et parmi elles, nombreuses sont celles qui subsistent de l'aide sociale. Nous accueillons aussi des femmes de milieux plus aisés vivant des situations de rupture, de violence ou de solitude.

      Les femmes que nous recevons sont âgées majoritairement de 35 à 50 ans. Elles ont des enfants dont elles ont la responsabilité quasi-exclusive. Bien sûr, les Centres accueillent aussi d'autres femmes plus jeunes ou plus âgées, puisqu'ils sont ouverts à  toutes, sans distinction d'âge, de race, de classe ou de culture.

      La clientèle régulière des Centres fait donc très souvent partie de la génération charnière, qui a remis en question les rôles féminins traditionnels, surtout au sein de la famille, mais n'a pas été outillée pour assumer pleinement de nouveaux choix. Il faut admettre que depuis 15 ou 20 ans, les changements ont été brutaux, pour les femmes et pas nécessairement planifiés. Entreprendre une démarche personnelle d'autonomie, de conquête de son espace, individuel et social, c'est une chose. C'en est une autre que d'être contrainte subitement à l'Indépendance, suite au départ d'un mari ou suite à  l'expérience traumatisante de la violence ou de l'agression sexuelle.

      Les femmes de 35 - 50 ans sont profondément troublées, désemparées devant l'effondrement des certitudes de leur jeunesse et devant la responsabilité qu'elles ont maintenant de repenser toute leur vie et celle de leurs enfants. De plus, elles se sentent très seules devant ces difficultés. Depuis nombre d'années, elles n'ont eu que leur propre famille, comme milieu social et que leur maison comme milieu de vie. Les acquis des luttes des femmes ne sont pas encore leurs acquis, souvent à cause des conditions sociales et matérielles dans lesquelles elles vivent.

      Beaucoup de femmes n'ont pas d'amies (encore moins d'amis), pas de réseau, pas de loisirs en-dehors de la famille. C'est dans un isolement inimaginable en 1987 mais pourtant réel, qu'elles vivent. Pas de travail, pas d'argent, tout concourt à faire d'elles des Individues insécures, dévalorisées, déprimées.

      On comprendra alors qu'une grande partie de ces femmes recourent à des moyens divers pour tenter de diminuer leur anxiété ou, pour se confier et être aidées. Parmi ces moyens l'utilisation d'alcool et de tranquillisants revient souvent. Les nombreuses visites chez le médecin révèlent des malaises du coeur et de l'esprit beaucoup plus que des problèmes physiques. Les femmes recherchent aussi l'aide des psychologues ou des travailleurs sociaux. Des intervenantes dans les Centres nous disent que plusieurs femmes viennent au Centre après un ou plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, suite à  des dépressions.

      En somme, c'est un portrait peu rose de la réalité féminine qui nous est révélé dans les Centres de femmes. Mais, après tout, ce portrait corrobore parfaitement toutes les données révélées parles enquêtes les plus récentes, par exemple: la féminisation de la pauvreté, l'ampleur des responsabilités des femmes par rapport aux enfants, le haut taux d'hospitalisation et de traitement des femmes pour dépressions, la proportion effarante de femmes violentées et / ou agressées sexuellement, etc.(1)

      Si les problèmes majeurs des femmes sont aujourd'hui connus et répertoriés, les institutions agissant souvent, elles, comme si les femmes, en tant que personnes globales, étaient invisibles. Il faut avoir un problème empêchant à  peu près tout fonctionnement normal et social pour que l'on reconnaisse le caractère urgent d'une intervention. Même à cela, il s'écoule souvent beaucoup de temps entre la révélation d'un problème et le soutien aux organismes (presque toujours communautaires) qui s'en préoccupent.

      1. Annexe II : Quelques statistiques sur la situation des femmes québécoises

      Le malheur, pour ainsi dire, de nos usagères - enfin, de la plupart d'entre elles - c'est de ne pas être complètement dysfonctionnelles, pas encore... C'est seule, entre les quatre murs de sa maison qu'une femme broie des idées noires, consomme trop d'alcool ou de médicaments, subit la violence verbale ou physique d'un conjoint, se laisse déborder par des enfants exigeants... C'est quasi-invisible et souvent, ça ne laisse pas de traces. Sauf au coeur d'elle-même.

      L'ACTION DES CENTRES DE FEMMES

      Nos quatre-vingts (80) Centres rejoignent entre 150 000 et 200 000 femmes par année. (1) Les femmes ne s'adressent pas toutes au Centre en verbalisant les difficultés que nous venons de décrire. Nombreuses sont celles qui téléphonent, en quête d'informations diverses. Les femmes qui se présentent à l'accueil expriment souvent le désir de rencontrer d'autres femmes, d'échanger, d'acquérir de nouvelles connaissances. Par contre, il arrive aussi qu'une femme demande du support en rapport avec un problème précis. Dans ce cas, le Centre lui offre plusieurs possibilités: une aide individuelle, la référence à  un autre organisme, la participation aux activités du Centre, etc.

      L'intervention individuelle pratiquée dans les Centres est différente de celle des CSS ou des CLSC. Il n'y a pas ou peu d'entrevues planifiées. On n'ouvre pas de dossier. Cela ne veut pas dire qu'au Centre une femme n'est pas écoutée. Au travers des ateliers, des café-rencontres, des activités collectives, des discussions informelles ou des actions menées par le Centre dans le milieu, les femmes parlent de leurs problèmes, se donnent du support, cherchent ensemble des solutions.

      • Annexe III: Statistiques de fréquentation dans quelques Centres de femmes

       L'orientation de l'intervention dons un Centre de femmes, c'est de privilégier une approche féministe. Il s'agit de permettre aux femmes de se réapproprier l'ensemble des choix qui dirigent leur vie, que cela concerne leur santé, leur bien-être, leur autonomie financière, leurs relations sociales, leur maternité, etc. Nous partons du principe que toute femme, même si elle vit des difficultés Importantes, porte en elle des germes d'espoir et de changements. Et ce germe peut grandir si l'individue trouve le soutien qui lui permet d'avancer.

      Le Centre se rend responsable de donner cet appui. Les femmes qui frappent à nos portes ne se verront pas ballottées d'un endroit à  l'autre, comme c'est souvent le cas dans le réseau Institutionnel. Si nous les référons à une ressource plus spécialisée, nous nous assurons qu'elles reçoivent effectivement de l'aide et nous demeurons, pour elle, un pôle de référence dans leur milieu.

      Un aspect de notre orientation attire beaucoup de femmes dans les Centres, c'est la globalité de notre analyse et, de notre Intervention. Pour nous, une femme ne se caractérise pas principalement par une maladie ou un problème social. Lorsqu'elle se présente au Centre, on ne lui demande pas de quel symptôme elle souffre, elle n'est pas étiquetée. On s'occupe d'elle, comme personne. On ne lui dit pas "tu es malade", on chemine avec elle vers une autonomie retrouvée.

      Certaines femmes ont besoin d'une aide axée sur des problèmes spécifiques et plusieurs groupes de femmes ou organismes gouvernementaux répondent à ce besoin, à  juste titre. Mais il existe d'innombrables femmes, celles dont nous parlons depuis le début de ce texte, qui vivent un malaise généralisé se traduisant par une perte d'estime d'elles-mêmes, un énorme manque de confiance en elles et un immense sentiment d'isolement.

      Les intervenantes des Centres connaissent bien ces problèmes dont elles ne sont pas exemptes, elles-mêmes. En effet, quelle femme peut affirmer être à l'abri, une vie durant, de la violence, du doute, des ruptures, etc. Leur expérience de vie, associée à une formation académique et / ou pratique, leurs années de travail avec et auprès des femmes garantissent la qualité de leurs interventions. On les dit "non-professionnelles" au sens peut-être corporatiste du terme, pourtant les infirmières et travailleuses sociales "professionnelles" des CSS et des CLSC, de même que des médecins leur réfèrent beaucoup de femmes. Au fond, si l'on nous permet de comparer notre situation à  celle des médecins, l'on pourrait dire que nous sommes les médecins généralistes alors que les spécialistes se retrouvent dans d'autres ressources communautaires ou institutionnelles.

      Notre expertise, c'est l'intervention féministe. Dé-culpabilisation des femmes, réponse à  des besoins diversifiés, prise en charge de l'usagère par elle-même, socialisation avec les pairs, analyse des conditions économiques et sociales qui discriminent les femmes, recherche de solutions collectives, implication dans la communauté, rapports égalitaires entre intervenantes et usagères, voilé comment nous travaillons. Les femmes se rendent enfin compte qu'elles n'ont plus à  se sentir anormales et marginalisées parce qu'elles ont des problèmes. Elles réagissent "normalement" dans une société qui, elle, fonctionne souvent de façon inéquitable et discriminatoire.

      QUELS SONT LES RÉSULTATS DE CE TRAVAIL ?

      Les témoignages que nous joignons à ce texte (1) expriment éloquemment l'attachement des femmes à  leur Centre. En quelques mois, pour plusieurs, en quelques années, pour d'autres, des femmes passent d'une situation de dépendance et de dépression à une vie transformée. Elles sont capables d'identifier et d'exprimer leurs besoins et de les faire respecter. Un bon nombre entreprend un retour aux études et / ou au travail. Elles ont maintenant des amies et un milieu d'appartenance: le Centre de femmes. Après un an ou deux, au Centre, les usagères s'impliquent plus directement dans l'organisation des activités. Certaines choisissent plutôt de participer à des comités d'écoles, de faire un pas vers la vie politique ou, tout simplement, d'effectuer des tâches bénévoles dans un organisme du milieu.

      Bien sûr, ce ne sont pas toutes les usagères qui agissent ainsi. Mais celles qui n'ont pas d'Implication sociale ont tout de même changé de façon importante leur façon de vivre. Elles sont désormais des personnes capables de prendre leur vie en main.

      1. Voir annexe IV: Témoignages d'usagères.

       LE MSSS EST-IL CONCERNÉ PAR NOTRE TRAVAIL?

      Nous croyons que oui, et à  plus d'un titre. De façon générale, c'est ce ministère qui a le mandat de voir au bien-être physique et mental de la population. C'est une mission gigantesque qui nécessite la mise en place d'énormes ressources matérielles et humaines. Le MSSS Intervient, en principe, à  partir de la prévention et du dépistage des problèmes sanitaires et sociaux, jusqu'à la résolution des difficultés  plus graves.

      Dans les faits, cependant, les restrictions budgétaires des dernières années ont amené le MSSS à resserrer ses priorités et à  privilégier une approche curative face à des problèmes particulièrement criants. C'est une façon de procéder qui est compréhensible, à  court terme. Mais elle a ses limites. Elle freine l'accessibilité aux services sociaux chez des individu-e-s qui en auraient éminemment besoin. De plus, comme société, nous devons être prêts à Investir dans la prévention des problèmes sanitaires et sociaux si nous voulons briser le cercle de la dépendance aux médicaments, aux professionnels et aux institutions.

      Venant de là, nous pensons que les Centres de femmes représentent un lieu privilégié où les femmes comptent les unes sur les autres pour se prendre en mains plutôt que sur des "béquilles", que ces béquilles s'appellent: tranquillisants, alcool, travailleuse sociale ou psychiatre.

      Comment d'un strict point de vue financier, le MSSS pourrait-il ne pas trouver cette approche intéressante? Sans parler des résultats sur le plan humain et du droit des femmes à  disposer de leur vie.

      De façon plus spécifique, nous aimerions souligner l'implication des Centres de femmes en rapport avec trois problématiques qui préoccupent le ministère: la santé mentale, la violence faite aux femmes, la protection de la jeunesse.

      1, Annexe V. Les Centres de femmes parlent argent,p. 27

      La santé mentale

      Dans le projet de politique de santé mentale pour le Québec déposé récemment parle Comité Harnois, l'existence de problèmes particuliers aux femmes est reconnu. À la page 160 du document, on remarque que " la fréquence des dépressions est plus élevée lorsque les personnes ne travaillent pas à l'extérieur de leur lieu de résidence...que ce sont les femmes qui en souffrent plus que les hommes et que les personnes séparées ou veuves de même que celles qui ont un niveau d'instruction peu élevé, ce qui correspond en général à un faible niveau socio-économique, y sont plus vulnérables."

      On reconnaît là plusieurs caractéristiques des usagères des Centres de femmes. Par ailleurs, le Comité constate à  la page 129 que "les femmes consultent le médecin, généraliste ou spécialiste, trois fois plus souvent que les hommes pour des problèmes d'ordre psychique. Elles reçoivent deux fois plus de traitements médicaux psychiatriques, elles ont une consommation de médicaments nettement plus élevée et les problèmes d'ordre psychique sont une cause d'invalidité plus importante chez elles,"

      Par la suite, le rapport recommande que le Comité de la Santé mentale du Québec travaille avec le Conseil du statut de la femme " à  l'examen des formes et modalités d'Intervention les plus adaptées à la condition des femmes" (page 130). Puisque le rapport mentionne aussi les multiples initiatives des groupes de femmes dans ce domaine, nous osons croire que si une démarche "officielle" d'étude s'enclenche, nous y serons associées.

      Nous l'avons démontré dans les pages qui précèdent, nos Centres accueillent de nombreuses femmes aux prises avec un "mal-être" profond qui en fait souvent des bénéficiaires des services de santé et des services sociaux dispensés par l'État. La démarche que nous leur proposons est moins coûteuse, financièrement, pour l'État et la société et elle rapporte beaucoup. En effet, comment une société ne profiterait-elle pas de la contribution économique et humaine de tous les Individus qui la composent, femmes ou hommes? Encore faut-il favoriser chez toutes et tous l'apprentissage, de l'autonomie, de la capacité de choisir et d'agir. C'est ce que nous faisons.

      Un dernier mot sur la problématique de la santé mentale. La vague récente de désinstitutionnalisation a amené dans quelques-uns de nos Centres, des femmes aux prises avec des problèmes importants. C'est particulièrement évident dans les Centres situés à  proximité des hôpitaux psychiatriques. Nos Centres tentent tant bien que mal de répondre aux besoins de cette clientèle particulière. Cela ne se réalise pas sans peine. Nous avons peu de ressources humaines et matérielles et nous ne recevons aucun support technique et professionnel des Institutions qui nous réfèrent leurs ex­patientes. Il est parfois possible d'Intégrer ces femmes dans nos activités régulières, pour d'autres, c'est impossible.

      Nous ne voulons ni fermer nos portes à  ces femmes en difficulté, ni être la solution commode pour des institutions qui visent la réintégration sociale d'individu-e-s très démuni-e-s. Les Centres concernés doivent être consultés par ceux qui leur réfèrent des femmes et ils doivent recevoir un soutien particulier, sous diverses formes.

      La violence faite aux femmes

      En 1985, le MSSS publiait sa politique d'aide aux femmes violentées, signifiant ainsi toute l'Importance qu'il accordait à  ce dossier. Récemment, le réseau des Malsons d'hébergement pour femmes victimes de violence se voyait attribuer des ressources financières accrues. Même si ces ressources sont jugées encore insuffisantes par les principales concernées, à juste titre, il semble clair que le Gouvernement du Québec reconnaît désormais sa responsabilité dans la recherche de solutions pour enrayer ce fléau social.

      Ce qui n'est pas reconnu, cependant, c'est le rôle des Centres de femmes en rapport avec la violence conjugale. La politique d'aide du Ministère parle d'activités préventives mises sur pied par des Centres de jour et le récent plan triennal de la ministre à la Condition féminine mentionne les Centres de femmes aussi, à l'Intérieur des ressources pour femmes victimes de violence. Cependant, aucune action gouvernementale n'est prévue pour soutenir ce volet de nos activités.

      Soyons claires: nous n’avons pas et nous ne désirons pas avoir le leadership de l'action auprès des femmes violentées. Depuis plus de dix ans, le réseau des Maisons d'hébergement s'acharne à faire connaître cette réalité. Il a développé une réflexion Importante et des ressources Irremplaçables.

       Il faut reconnaître cependant que ni les Maisons d'hébergement ni les institutions telles les CLSC ou les CSS ne peuvent suffire à l'immense tâche d'aider les 300 000 femmes violentées du Québec. Un autre fait s'ajoute à ce premier constat: beaucoup de femmes (certainement trop) hésitent longuement avant d'envisager un départ de la maison et de couper les liens qui en font les victimes de leur conjoint. Elles hésitent même  révéler la situation d'agression. Elles la vivent dans la honte et le silence.

      C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre le rôle du Centre de femmes. À travers les conversations informelles, les activités éducatives ou les entrevues individuelles, les femmes finissent par parler de la violence qu'elles subissent. Celle-ci n'est pas toujours physique, mais on sait que le terrorisme verbal et le harcèlement psychologique sont souvent le prélude à une situation où les coups se mettent à pleuvoir. Le Centre aide les femmes à  prendre conscience de ce danger Elles reçoivent alors le support des autres femmes et des intervenantes. Comme pour tout autre problème, le Centre offre aux usagères concernées différentes possibilités de solutions: la référence à une Maison d'hébergement vient d'abord mais si les femmes se refusent pour l'instant à quitter le foyer conjugal, elles trouvent au Centre une aide et un soutien constant dans la démarche de remise en question qu'elles entreprennent.

      Nous recevons aussi des femmes qui se sont installées dans un appartement après un séjour en Maison d'hébergement. Ces femmes se sentent souvent bien seules dans un nouveau milieu et le Centre leur permet de s'intégrer à la communauté.

      Enfin, plusieurs Centres organisent des cours d'auto-défense, des café-rencontre sur la violence et des activités de sensibilisation du milieu, (0 en collaboration avec des maisons d'hébergement, principalement, mais aussi avec certaines professionnelles des CSS et des CLSC. En tout, soixante-quinze pour cent (75%) de nos Centres sont impliqués dans cette problématique et y consacrent, en moyenne vint-cinq pour cent (25%} de leur temps. Ce n'est pas négligeable!

      Nous croyons, en conséquence, que le MSSS doit reconnaître une place aux Centres de femmes au niveau de la prévention, du dépistage, et du support aux femmes violentées.

      1. Par exemple, production d'un dépliant sur la violence, rencontrée avec des policiers, recherche sur le lien pornographie-violence, etc.

      Protection de la jeunesse

      Qu'est-ce qu'un Centre de femmes a à  voir avec cette problématique? Beaucoup! Nous voulons ici nous attarder surtout à la situation des enfants négligés. On dit qu'il y en a 16,000 au Québec. Ils grossissent les listes d'attente des CSG sans qu'on puisse mettre fin à  ce phénomène. Par qui sont-Ils négligés ces enfants? Par leur mère, bien sûr! Le père, lui, n'est même plus là ou c'est tout comme.

      Or qui sont ces mères? toutes les études sur la question et toutes les Intervenantes qui agissent sur le terrain disent la même chose: les mères dites "négligentes" sont des femmes seules, pauvres, démunies effectivement et socialement.(1) Elles assument une lourde responsabilité, celle de soigner et d'éduquer des enfants dans une société exigeante à cet égard et bourrée de contradictions sur le plan des valeurs.

      1. Demers, Dominique. Les enfants battus, in Actualité, octobre 87, p.70- 80.

      Les enfants ont le droit d'être aimés et soutenus dans le long processus qui fera d'eux et d'elles des êtres autonomes. Leurs mères aussi ont ce droit. Le Centre de femmes est ce lieu où une femme peut enfin se sentir valorisée, aimée, aidée.  Au Centre, on lui fait voir qu'elle a du pouvoir sur sa vie, limité peut-être, mais présent.

      Cet espoir d'améliorer ses conditions de vie ne peut qu'amener des transformations importantes dans la relation d'une mère avec ses enfants. On ne donne pas ce qu'on n'a pas. Quand une femme se sent isolée, blessée, impuissante, non-aimée, elle ne peut Inspirer à  son enfant des sentiments de confiance, de sérénité, le goût d'entreprendre et de partager.

      Des travailleuses sociales ont compris comment un Centre de femmes pouvait être bénéfique à  une mère en difficulté et elles nous réfèrent régulièrement des femmes. Plusieurs Centres ont d'ailleurs mis sur pied des halte-garderies pour permettre une plus grande participation des mères aux activités.

      Nous souhaitons que le ministère nous reconnaisse un rôle de prévention et de support auprès des femmes qualifiées de "mères négligentes".

      UNE POLITIQUE DE FINANCEMENT POUR LES CENTRES DE FEMMES

      Reconnaissance de notre rôle

      Nous demandons ou ministère de la Santé et des Services Sociaux de soutenir l'intervention sociale et communautaire des Centres de femmes en rapport principalement avec les problématiques suivantes:

      • la santé mentale
      • la violence conjugale
      • la protection de la jeunesse

      Nous lui demandons de reconnaître le rôle indispensable des Centres dans le soutien qu'ils apportent aux très nombreuses femmes québécoises en démarche d'autonomie économique, affective, intellectuelle et sociale. Ce processus lent et souvent pénible s'impose dans une société en mutation où les femmes veulent désormais occuper la place qu'il leur revient.

      Nous demandons que l'ensemble de nos modes d'intervention soient considérés dans leur globalité, puisqu'ils s'adressent à des personnes prises comme un tout. Les modes d'intervention suivants sont privilégiés:

      • Des services de soutien individuel et collectif (accueil, écoute, référence, accompagnement, suivi)
      • Des activités éducatives
      • Des actions collectives
      • La recherche et l'expérimentation

      MSSS, MEQ et Secrétariat d'État

      Le MSSS n'est pas notre seul bailleur de fonds. Le MEQ, par le biais de la DGEA, soutient partiellement les activités éducatives mises sur pied par les Centres et le Secrétariat d'État subventionne l'action collective. Le MSSS n'a donc pas à  assumer la totalité des coûts d'opération d'un Centre de femmes même, si à notre avis, il doit augmenter substantiellement son aide.

      Dans le document "Les Centres de femmes parlent argent" (p.35), nous réclamions la mise en place d'un comité de concertation MSSS - MEQ - S.É -afin de coordonner les efforts pour la consolidation des Centres de femmes . Cette demande est plus que jamais d'actualité et nous souhaitons non seulement que ce comité voit le jour mais que l'R des Centres de femmes y soit étroitement associé.

      La part du MSSS : 50 000 dollars

      Le budget minimum d'un Centre de femmes se chiffre à  70 000 dollars, tel qu'expliqué en page 35 du document "Les Centres de femmes parlent argent. Ce budget comprend les items suivants:

      • Frais d'opération: 10000$
      • Frais de soutien: 5 000$
      • Frais d'activités: 5 000$
      • Salaires: 50 000$

      Ceci constitue une base minimale pour assurer un fonctionnement décent et stable à  chacun des Centres de femmes. Par ailleurs, nous pensons que tous les Centres, quel que soit l'endroit où ils sont implantés ont besoin d'au moins deux intervenantes.

      • En région éloignée, le Centre de femmes est très souvent la seule ressource pour femmes en difficultés, à des kilomètres à  la ronde. Le Centre dessert alors non seulement les femmes de sa localité mais aussi celles des localités environnantes. Les intervenantes sont isolées et ont besoin de se donner un appui mutuel.
      • En régions urbaines, la densité de la population est très grande et justifie un minimum de deux travailleuses par Centre pour organiser les activités et recevoir les Centres.

      En plus des subventions gouvernementales, les Centres recueillent de l'argent au sein de la communauté, demandent une contribution modeste aux usagères ( inscriptions aux activités, cartes de membres), utilisent certains programmes d'emplois, sans compter les nombreuses heures bénévoles données par les usagères et les travailleuses, etc... Les Centres explorent aussi des possibilités de soutien matériel et technique de la part des institutions et des municipalités.

      Nous demandons au MSSS de fournir environ les deux-tiers du montant global de 70 000$, c'est à  dire 50 000 dollars. Nous croyons qu'il s'agit lé d'une part équitable du budget de 70 000 dollars étant donné les responsabilités importantes des Centres en matière de santé et de services sociaux.

      Nous demandons qu'un montant de 25 000 dollars soit accordé aux Centres dès leur ouverture. En effet, aussitôt qu'un Centre est Incorporé (ou en vole de l'être), qu'il a trouvé un local et qu'il a un plan de travail, il doit pouvoir compter sur une permanence stable et efficace. Il faut constituer un réseau de bénévoles, l'encadrer, développer les activités, etc.  Par la suite, les Centres disposeront de deux permanentes, ce qui leur permettra d'organiser efficacement l'ensemble des services, de répondre aux demandes grandissantes du milieu, de mettre des projets sur pied et de développer d'avantage leur expertise.

      Nous demandons aussi que les subventions du MSSS soient versées pour trois ans à  partir de la deuxième année d'opération.

      CONCLUSION

      Si la reconnaissance du travail accompli par les Centres de femmes n'est pas qu'un mot, elle doit absolument, et dès maintenant, se traduire par un soutien financier adéquat de la part du gouvernement du Québec.

      Les Centres de femmes ne sont pas des salons de thé pour femmes désoeuvrées. Ce sont des lieux chaleureux et dynamiques où beaucoup de femmes retrouvent une raison de vivre, de croire en elles-mêmes et d'espérer. Ces Centres ont le droit de demander qu'on leur permette de travailler dans une relative sécurité et ce qu'ils demandent est bien peu, comparé aux ressources dont dispose le réseau public des Services Sociaux et de Santé.

      Nous espérons trouver auprès du Ministère de la Santé et des Services Sociaux et de la Ministre, Madame Thérèse Lavoie-Roux, une oreille attentive à  nos besoins et la compréhension que nous estimons mériter.

      SYNTHESE DE NOS DEMANDES

      1. Que le Ministère de la Santé et des Services sociaux soutienne l'intervention sociale et communautaire des Centres de femmes, en rapport principalement avec les problématiques suivantes:
        • La santé mentale
        • La violence conjugale
        • La protection de la Jeunesse
        1. Que nos modes d'intervention soient considérés dans leur globalité puisqu'ils s'adressent à des personnes prises comme un tout. Les modes d'intervention suivants son privilégiés:
        • Services de soutien Individuel et collectif
        • Activités éducatives
        • Actions collectives
        • Recherche et expérimentation
        1. Que le MSSS prenne l'initiative de mettre sur pied un comité de concertation avec le Ministère de l'Éducation (Québec) et le Secrétariat d'État (Ottawa) afin de coordonner les efforts pour la consolidation des Centres de femmes. Que l'R des Centres de femmes du Québec soit étroitement associé à cette démarche.
        2. Que le MSSS contribue au financement de chaque Centre de femmes du Québec pour un montant minimum de 50 000 dollars annuellement.
        3. Que dès la première année d'ouverture, le MSSS accorde 25 000 dollars au Centre.
        4. Qu'à partir de la deuxième année le Centre reçoive 50 000 dollars par année et ce, pour trois années consécutives après quoi le Centre aura à produire une nouvelle demande de subvention pour trois ans.
        5. Que le MSSS augmente l'enveloppe destinée au Regroupement, lui permettant ainsi de mieux remplir son rôle de support et de formation auprès des Centres.

        ANNEXE I

         La participation des femmes aux activités des Centres, à titre de participante, de bénévole ou de membre du conseil d'administration constitue en elle-même un moyen de s'exercer à l'auto­nomie et l'affirmation de soi et de combattre la dépendance et la victimisation. Rien de mieux que de mettre la main à la pâte pour apprendre et du même coup, constater ses possibilités, jusque là insoupçonnées.

        Une ressource locale polyvalente, légère et accessible

        L'évolution des besoins des femmes de même que la spécificité des besoins locaux justi­fient le caractère polyvalent des Centres. Parce qu'ils sont collés aux femmes du milieu, les Cen­tres, et les femmes qui y travaillent, peuvent offrir les services et les activités qui répondent aux véritables besoins. Ils sont des antennes locales.

        C'est l'accessibilité du Centre, sa souplesse et sa polyvalence qui ont permis à Madeleine de faire un cheminement échelonné sur plusieurs années et des apprentissages diversifiés, dans un milieu cohérent et global. On l'a accueilli avant tout comme une femme, non comme un «cas», une «patiente», une «bénéficiaire» ou une «cliente». On a justement empêché que Madeleine ne devienne un cas nécessitant l'intervention d'institutions et de traitements aussi lourds que coûteux.

        Le champ d'intervention des Centres de femmes est la condition féminine dans son ensem­ble qui prend une couleur locale dans chaque Centre. Jusqu'à maintenant, les Centres ont privi­légié le domaine de la santé globale et la prévention de la violence puisque les besoins y sont nombreux. La condition économique des femmes est aussi une des préoccupations majeures.

        Les Centres sont des ressources complémentaires aux autres ressources alternatives pour femmes qui s'occupent de problématiques ou de groupes spécifiques. Pour des problèmes de violence conjugale par exemple, les Centres vont référer les femmes aux maisons d'héberge­ment. Les Centres de femmes ne remplacent pas les autres ressources, leur rôle est différent.

        Du fait qu'ils forment un large réseau, ils sont souvent le seul pôle de référence des femmes dans certaines petites villes. Leur polyvalence n'est pas seulement une nécessité cependant, elle est surtout un choix. Dans dix ans, dans quinze ans, que seront les besoins des femmes? Bien d'autres choses encore, si on prend les quinze dernières années comme témoins du change­ment à venir. La polyvalence et la souplesse des Centres leur aura permis, s'ils ont les moyens financiers pour continuer leur action, de s'enraciner encore plus dans la communauté et de s'ajuster aux besoins de l'heure.

        CADRE DE RÉFÉRENCE

        Le Secrétariat d'État a répertorié plus de 65 activités différentes. Celles-ci s'organisent autour de trois principaux volets: les services, l'éducation et l'action qui sont des modes d'interven­tion, c'est-à-dire des façons d'intervenir dans les problématiques choisies, auxquels s'ajoutent la recherche et l'expérimentation.

        Modes d'intervention

        Les Centres privilégient les modes d'intervention suivants:

        1. Les SERVICES apportent un soutien individuel et collectif:

          • accueil et référence
          • écoute active
          • consultation individuelle
          • accompagnement dans les démarches (avocat, aide sociale, médecin)
          • suivi individuel (alcool, médicaments, menaces de violence)

           2.  Les ACTIVITÉS ÉDUCATIVES visent la sensibilisation et l'acquisition de connaissances propres à donner des outils de changement:

          • ateliers, cours, dossiers sur la condition féminine: pornographie, inceste, violence conjugale, harcèlement sexuel, santé mentale, condition économique
          • implication des femmes à la gestion collective du Centre, à l'accueil et au soutien

          3.   Les ACTIONS COLLECTIVES concernent les gestes posés collectivement pour sensibiliser et changer les mentalités et revendiquer les droits des femmes:

          • campagne contre la pornographie et l'obtention de règlements municipaux sur l'étalage des revues pornographiques
          • groupe d'action en santé mentale
          • sensibilisation large: interventions médias, 8 mars, publications, etc.
          • actions pour la mise en place des programmes d'accès à l'égalité, pour le maintien de l'indexation des allocations familiales, pour la création des maisons de naissance, etc.
          • création d'autres ressources alternatives

          4.   La RECHERCHE ET L'EXPÉRIMENTATION visent l'exploration de problématiques nouvelles ou de nouvelles approches:

          • recherches-action sur la santé, recherches sur la pornographie et! la violence conjugale, sur l'autonomie financière à l'intérieur du couple, jeu sur la famille moderne, etc.
          • nouveaux services et cours tels "Obsession de la minceur", "Les Chanceuses", etc.

          QUELQUES EXEMPLES DE COURS ET D'ATELIERS

          •  Odyssée-ménopause
          • Médicaments et alcool
          • Se reconnaître comme femmes
          • Obsession de la minceur
          • Les Chanceuses-Cheffes de familles monoparentales
          • Nouveau départ
          • Gestion du stress
          • Femme et économie
          • Mieux vivre dans son corps
          • Partage des tâches
          • Droit matrimonial et familial
          • Notre sexualité
          • Le marché du travail apprivoisé
          • Vivre sa solitude

          • Préparation psychologique à la retraite

          Le quotidien de la violence Femmes et lois Wendo — Auto-défense Mécanique automobile Droits de la famille Auto-santé

          Massage et gymnastique douce Ateliers d'écriture Les aînées — vieillissement Femmes et l'argent Relations mère-adolescente Pornographie Autonomie financière

           Approches privilégiées

          • l'entraide et le groupe
          • la dévictimisation
          • la prise en charge

          Modèle de développement

          Les Centres de femmes se sont développés en grand nombre guidés par le besoin de créer une ressource locale et accessible. Le modèle de développement tend vers la décentralisation régionale. Dans des grandes régions comme la Gaspésie et l'Abitibi, les Centres s'acheminent vers la création d'antennes dans les nombreux villages, éloignés les uns des autres. Le modèle de grand Centre régional serait tout à fait contraire à la dynamique actuelle. Les Centres de fem­mes ne veulent pas devenir de grosses boîtes et fuient l'institutionnalisation, la hiérarchie et la bureaucratie.

          ANNEXE II

          QUELQUES STATISTIQUES SUR LA SITUATION DES FEMMES QUÉBÉCOISES

          Le revenu moyen des Québécoises était de 11 758$ en 1985, celui des Québécois était de 21 139$.

          En 1985, 45,6% des femmes cheffes de famille gagnaient moins de 10 000$ par année

          En 1981, selon un sondage Gallup, 37% des femmes considéraient que leur mari participait régulièrement aux tâches ménagers.

          En 1985, au Québec, on estime à près de 300 000 femmes, le nombre de femmes de plus de quinze ans, victimes de violence conjugale.

          Chiffres tirés de:

          Gingras, Anne-Marie et Hélène Sarrazin. Portrait socio-économique des Québécoises et des Canadiennes, Fédération des femmes du Québec, mars 1987.

          Ministère des Affaires sociales.   Une politique d'aide aux femmes violentées, Québec, 2°trimestre 1985.

          ANNEXE III

          QUELQUES STATISTIQUES DE FRÉQUENTATION DES CENTRES DE FEMMES

          Les Centres de femmes n'ont pas encore mis au point un système uniformisé de statistiques. Toutefois, nous tenons à Introduire ici quelques éléments statistiques produits par des Centres de femmes représentatifs. Ces chiffres indiquent que les Centres de femmes rejoignent un grand nombre de femmes et donc répondent à des besoins réels.

           Centre des femmes de Shawinigan

          • Appels:  1 950 femmes (relation d'aide, références, informations,etc.)
          • Visites: 900 femmes
          • Cafés-rencontres: 540 femmes
          • Programme pour femmes cheffes de familles: 25 femmes
          • Atelier sur la ménopause: 30 femmes

          Centre d'information et de référence du Lac Mègantlc

          -  1 116 femmes

          La Maison des femmes des Bois-Francs (Victoriaville)

          • Ateliers, rencontres de formation: 300 femmes
          • Appels: 2 500 femmes (relation d'aide, références, info., etc.)
          • Relation d'aide: 67 femmes
          • Soupes-midi: 12 femmes par semaine
          • Activités collectives: 350 femmes -Membres: 180 femmes

          Centre femmes d'aujourd'hui: (Québec)

          • Appels: 6 343 femmes (relation d'aide, références, Informations, etc.) -Visites: 1 831 femmes
          • Cafés-croissants: 500 femmes
          • Cafés-rencontres: 1 050 femmes
          • Groupes d'entraide: 35 femmes
          • Ateliers: 133 femmes
          • Principaux problèmes: dépression, violence, santé mentale.

           Centre des femmes du Plateau Mont-Royal (Montréal)

          0 Age de la clientèle: . 18-29 ans: 15% . 30-39 ans: 35% . 40-49 ans: 265% . 50 ans et plus: 24%

          0 La majorité des femmes qui fréquentent le Centre vivent seules: . 55 %: ne vivent pas avec d'autres adultes . 22%: sont cheffes de famille monoparentale

          0 La situation financière des femmes est précaire:

          . 37%: bénéficiaires de l'aide sociale

          . 10%: chômeuses

          . 42% salariées (bas revenu)

          .  5%: revenu du conjoint

          .  5%: rentières

          . 55% ont un revenu annuel inférieur à 10 000$

          . 80% ont un revenu annuel Inférieur à  20 000$

          0 Les principales raisons qui amènent les femmes au Centre: . Isolement, rupture conjugale, dépression, toxicomanie. Accessibilité: le Centre est près de chez elles et les coûts

          d'inscription sont minimes

          . Ambiance: elles aiment l'ambiance accueillante et chaleureuse . Etre entre femmes: elles aiment se retrouver et échanger entre femmes et créer des nouveaux liens

          0Statistiques téléphoniques

          . 4 000 appels par année (relation d'aide, références, info, etc.)

           

          -centre des femmes de verdun inc.

          STATISTIQUES DE FREQUENTATION 1986-1987

          ANNEXE   1

           

          ANNEXE 2

          RELEVE DES APPELS ET VISITES DE L'ACCUEIL 1985-86

           

          ANNEXE  3

           Statistiques tirées du manifeste De la reconnaissance: oui du financement aussi, publié par la Table de concertation des groupes de femmes de l'est du Québec, région 01

          ANNEXE 1

          PORTRAIT DE LA PRATIQUE DE L'ENSEMBLE DES CENTRES DE FEMMES DE LA REGION AU COURS D'UNE ANNEE

           

          Nous estimons à envi­ron 15,000 le nombre de femmes rejointes directement par le biais d'activités collectives.

           ANNEXE IV

          TEMOIGNAGES

          Vous trouverez ici quelques témoignages écrits par des femmes qui fréquentent actuellement les Centres de femmes. Nous avons dactylographié les textes manuscrits en ne corrigeant que les fautes d'orthographe et la ponctuation. Nous n'avons touché ni aux contenus, ni au choix des mots, ni à la structure grammaticale.

           Soupes-midis... Commentaires

          "S.M. " comme "santé mentale ", priorité de la Maison des femmes. C'est fini, du moins pour l'été... Les soupes du mercredi, c'est d'la santé mentale "alternative", alternative à l'isolement par l'échange qu'on y a vécu, par l'écoute et l'accueil qu'on y a reçus. C'est pas compliqué, sans cérémonie: à 4 à 12 ou 20, on se rassemblait autour d'une table et on découvrait nos ressemblances; on se rapprochait malgré nos différences d'âge, d'occupation et de préoccupations.

          Des soupes qui te sortent de la maison et de l'ordinaire pour venir faire un brin de causette et peut-être vivre ...des amitiés nouvelles...j'ai l'âme à la tendresse... "

          À bientôt!

           Montréal, Je 7 octobre 1987

          J'écris ces quelques mots pour vous parler de Info-femmes, qu'est-ce que ça m a apporté. Je trouve gué je me sens bien dans ma peau, mieux qu'un an auparavant et je suis capable de m'exprimer mieux. Je peux dire ce qui fait pas mon affaire au lieu de garder ça pour moi j'aime beaucoup aller à mes cours affirmation de soi.

          Quand j'ai commencé à aller à Info-femmes, j'étais après faire une dépression nerveuse et elles m'ont beaucoup aidée à m'en sortir. J'avais fait une hémorragie cérébrale et j'avais de la misère à accepter ça à .52 ans. Maintenant, j'accepte ma maladie et je m'encourage pour après. Je remercie celles qui m'ont fait connaître Info-femmes et j'espère que ça va continuer parce que j'ai toujours hâte d'y retourner Ça me fait du bien et je retrouve d'autres gens qui ont des problèmes eux aussi.

          Pauline Carrier

           Le 21 octobre 1987

          A qui de droit,

          Je suis une des nombreuses femmes faisant partie du Centre des femmes du Plateau Mont-Royal. Je spécifie (ou)je tiens à dire que cet endroit m'est vraiment d'une utilité certaine, pour ne pas dire "nécessaire "pour différents besoins, services et utilités et de même que ses activités gui ne sont pas sans répondre à des besoins majeurs.

          Étant donné que j'espère toujours retourner sur le marché du travail, via le retour aux études, démarches entreprises. Pendant le temps d'intermédiaire, je profite donc commeje le mentionnais plus haut, entre autres des activités présentes gui, je dois le dire, m'apportent cette aide morale tout en me renseignant de façon précise, ce qui est très important et mefait éviter, dans une certaine manière, l'isolement et de contempler mes quatre murs. Car, il va sans dire que le fait de n'être pas surle marché du travail amène l'isolement. Alors, pour combattre cela, je vais chercher à ce Centre les appuis et distractions nécessaires à ma survie morale. J'ajoute ici que sais pertinemment, très bien, que beaucoup d'autres femmes comme moi et de tous âges se réconfortent à l'idée que cette maison existe toujours dans le but d'aller chercher "l'outil" nécessaire.

          Si ce Centre n'existait pas, beaucoup trop de femmes, hélas!se retrouveraient bien démunies lorsqu'elles voudraient se "sortir " de leur isolement.

          Micheline Mailloui

          Centre des femmes du Plateau Mont-Royal

           Centre d'éducation et d'action des femmes de Montréal

          Montréal, décembre 87

          MA MA

          Ta vie est changée

          "Mama, qu'est-ce que tu fais? Mama c'est "platte",je veux de l'eau."

          "Pouf" Quand t'es une mère...voir la maison tranquille... ça n'arrive pas souvent. Le Centre des femmes m'aide à sortir un peu du foyer.

          C'est très important de prendre l'air. Ne vous trompez pas, je vous aime très gros, mes enfants. Mais, J'ai besoin de m'oxygéner de temps en temps.

          Vous qui me lisez, vous ne pouvez pas entendre mon accent, mais je suis anglaise, et j'ai besoin de voir d'autres femmes, de tous les âges, de parler avec les plus vieilles pour leur sagesse, avec les plus jeunes pour que leur jeunesse me rappelle que je n'ai que 25 ans.

          Mon implication au journal m'a permis d'améliorer mon français, tellement que le monde de Montréal me comprend. Même ailleurs, je suis capable de me débrouiller: dans les magasins, les hôpitaux, au téléphone et même dans la famille de mon mari qui est français!!!

          Je commence à prendre en main ma vie et je cherche les moyens de me trouver car depuis quelques années je me suis perdue...

          Ça peut paraître égoïste, mais,paspourKylie, c'est la première fois de ma vie que je pense à moi et que je ne me sens pas coupable. Si je suis heureuse, mes enfants le seront aussi.

          À force d'écrire, de parler, d'être avec les Québécoises, mon français s'améliore et je prends déplus en plus confiance en moi. Et demain, je serai plus forte.

          kylie

           

          Linda Hundle. Travaux communautaires

           TEMOIGNAGE

          J'étais désespérée et un appel au Centre Avec des Elles m'a redonné espoir.  J'étais une femme violentée, je voulais mourir au lieu de révéler mes souffrances à mes amies.  J'ai téléphoné au Centre.  On m'a écouté, on ne m'a pas fait la morale.  On a attendu que je prenne moi-même la décision de partir, sans me bousculer, en respectant ma rationalisation.

          Après environ six mois, j'étais prête à partir. Sur mon appel, une animatrice du Centre est venue me chercher chez moi pour me conduire à une maison de transition.

          Le pas à franchir est tellement effrayant qu'il faut absolument du support pour franchir les étapes une à une.  Il faut avoir quelqu'un à qui se confier quand la souffrance est trop difficile à supporter.  Il faut discuter des décisions qu'on a à prendre quand on n'est plus sûr de son jugement et de sa valeur.

          Ça fait maintenant presque un an que j'ai pris la décision de ne plus me faire violenter physiquement et mora­lement.  J'ai beaucoup de batailles légales à livrer, je dois réapprendre à vivre seule, à me valoriser, à me traiter en douceur.  Ce sont mes amies du Centre qui m'aident à survivre et à revivre.

          Jeanne-Marie

           

           ANNEXE V

           desquels nous pouvons évaluer la rentabilité? Le Petit Robert nous donne une définition simple mais intéressante. Rentable: qui donne un bénéfice suffisant, des résultats et vaut la peine. Synony­mes: fructueux et payant. Nous parlons donc ici de rentabilité sociale des Centres de femmes, dont l'impact socio-économique est réel mais, malheureusement, encore sous-estimé ou peu visible.

          L'activité des Centres de femmes est rentable de plusieurs façons:

          • En intervenant sur la santé mentale et physique des femmes et en prévenant la violence, elle empêche que des problèmes sociaux s'accentuent et dégénèrent en "cas lourds" qui coû­ teraient beaucoup plus cher à la société, non seulement en argent mais en perte de qualité de vie. La progression des maladies mentales au Québec est un signe de cette dégradation des rapports sociaux dans une société d'abondance. Or, à peine 5% du budget consacré à la santé va aux activités de prévention.
          • Les Centres contribuent à améliorer la qualité de vie des femmes en favorisant des appren­ tissages multiples et intégrés dans un cadre humain et familier. On peut parler de prise en charge globale qui va de l'identification des causes d'un problème à la participation active des femmes pour trouver des solutions pour elles-mêmes, puis s'impliquer dans des actions collectives de changement. Il s'agit d'une approche globale ou holistique qui a le mérite de s'intéresser aux femmes pour ce qu'elles sont en entier et non en morceaux.
          • Les coûts d'opération d'un Centre de femmes — de $20,000 à $25,000 en moyenne — sont beaucoup moins élevés que ce qu'il en coûte dans les institutions. Parce qu'il est une res­ source souple et légère, le Centre de femmes peut faire beaucoup avec peu. Les coûts du séjour d'une femme en psychiatrie à l'hôpital Louis-Hippolyte Lafontaine était de $180 par jour en 1982, soit $32,850 par année.
          • Enfin, donnée non négligeable, les Centres de femmes sont créateurs d'emplois et de servi­ ces, ce qui a une incidence positive sur l'économie.

          Faut-il ajouter ici que l'objectif des Centres de femmes n'est toutefois pas d'être rentable. i La rentabilité des Centres est une conséquence de la poursuite d'un objectif: l'autonomie des (femmes, guidé par la recherche d'égalité et d'équité.

          Le nécessaire soutien gouvernemental

          Nous espérons avoir démontré qu'un soutien gouvernemental substantiel, à la mesure des besoins réels des Centres de femmes, est nécessaire et constitue un investissement rentable pour le mieux-être des femmes.

          Tout le monde sait bien que sans mise de fonds, il est difficile de faire fructifier ses affaires. Comment un Centre de femmes peut-il aller de l'avant, faire des prévisions budgétaires, investir dans la formation du personnel et des bénévoles, faire des plans triennaux, et même investir dans la recherche de financement sans savoir si dans six mois il aura l'argent nécessaire pour payer le loyer et embaucher des intervenantes? Bref sans argent, il est impossible de se développer, tout est toujours à recommencer ou presque.

          La recherche de financement absorbe actuellement le tiers du temps et en supposant que celle-ci est faite par les travailleuses rémunérées, elle absorbe le quart des revenus. Sur un bud­get total de $70,000 dont 70% soit $49,000 est consacré aux salaires — budget-type d'un Cen­tre, toutes subventions confondues — il en coûte donc $16,000, soit le tiers du temps salarié, pour générer $54,000. C'est donc 23% du budget qui passe à la recherche de fonds, ce qui n'est absolument pas rentable, ni du point de vue gestion financière, ni du point de vue gestion des ressources humaines.

          Il en coûterait moins cher pour les Centres d'embaucher des leveurs de fonds payés à 10% des sommes recueillies et de consacrer toutes les énergies au travail du Centre. Situation pure­ment fictive cependant, puisque, comme nous l'avons déjà démontré, il est tout à fait impossible de financer complètement les Centres de femmes par des fonds privés. S'il y avait des excep-

           BIBLIOGRAPHIE

          Comité de la politique de santé mentale. Pour un partenariat élargi, projet de politique de santé mentale pour le Québec, Québec, 3° trimestre 1987.

          Demers, Dominique. Les enfants battus, In Actualité, octobre 1987, p. 70 -80.

          Gingras, Anne-Marie et Hélène Sarrazin. Portrait socio-économique des Québécoises et des Canadiennes/Fédération des femmes du Québec, mars 1987.

          L'R des Centres de femmes du Québec, Les Centres de femmes parlent argent, l'état de leur financement, novembre 1986.

          Ministère des Affaires sociales. Une  politique d'aide  aux  femmes violentées, Québec, 2° trimestre 1985.

          Santé, Bien-être social Canada. Actes du colloque national sur les femmes et la toxicomanie, 1986.