GUIDE POUR FACILITER LE
PASSAGE DES VICTIMES
D'AGRESSION À CARACTÈRE
SEXUEL À LA COUR
OCTOBRE 1996
Rédaction Isabelle Fontaine
Collaboration Catherine Bérard
Coordination Diane Lemieux
Claudette Vandal
Ce document a été
réalisé grâce à la contribution
du Programme de soutien aux organismes
communautaires
du ministère de la Justice du
Québec.
Le contenu n'engage que l'organisme.
Dépôt légal, 4e trimestre
1996 Dépôt légal,
4e trimestre 1996
Bibliothèque Nationale du Québec
Bibliothèque Nationale du Canada
ISBN: 2-9803350-6-1
Merci infiniment à tous ceux et celles qui ont
participé à
l'élaboration de ce document. Un merci spécial aux
participantes et participants des groupes-témoins qui
nous
ont consacré du temps et qui nous ont fait part de leur
expérience. Cette générosité est inestimable
pour la
qualité d'un guide comme celui-ci.
TABLE DES MATIÈRES
Malgré les nombreux progrès enregistrés au
cours des dernières années, il n'en
demeure pas moins qu'il reste encore des défis importants
à relever pour les femmes
agressées sexuellement avant de prétendre au libre
accès à la justice. Plusieurs femmes
ayant choisi de dénoncer une agression à caractère
sexuel par le biais du système
judiciaire ont souvent trouvé leur expérience
extrêmement difficile. Elles se sentent
jugées, bafouées, seules, etc. Elles ne se sentent pas
intégrées au processus qui vise
à sanctionner un geste commis contre elle. Il s'agit d'un
des motifs qui explique
pourquoi peu de femmes choisissent de dénoncer leur
agresseur. Les obstacles
envisagés font en sorte qu'elles préfèrent ne pas
déposer de plainte.
Dans le cadre du défunt «Programme de soutien
financier à des projets d'organismes
communautaires» du ministère de la Justice
québécois, le Regroupement québécois
des CALACS (centres d'aide et de lutte contre les agressions
à caractère sexuel) a
choisi d'élaborer un guide ayant pour objet de faciliter le
passage des victimes
d'agression à caractère sexuel à la cour. Ce guide
s'adresse aux femmes agressées
sexuellement, aux différents intervenants et intervenantes
oeuvrant auprès des victimes
d'actes criminels mais aussi aux substituts du Procureur
général, principal intervenant
avec lequel la femme interagit tout au long du processus
judiciaire.
Nous voulions, bien sûr, que ce guide ait des
retombées pratiques. Nous avons donc
sollicité la collaboration des intervenantes des CALACS, de
femmes agressées
sexuellement et de procureurs. Ainsi, trois groupes-témoin
de femmes ont été
formés; soit un à Sherbrooke, un à Montréal
et un autre à Québec. En tout, une
quinzaine de femmes ont participé. Un groupe-témoin de
procureurs de différents
districts judiciaires a également été
consulté.
Le guide vise une meilleure compréhension du
problème des agressions à caractère
sexuel, une meilleure connaissance des attitudes et des gestes
pouvant être facilitant
pour la femme, une lecture différente des enjeux sur des
questions tel le huis clos.
Nous voulions connaître les besoins de chacun, leur
perception des problèmes et des
solutions, leurs limites, etc.
Il est possible de dire: mission accomplie. Le premier
chapitre présente la
problématique des agressions à caractère sexuel.
Le second concerne la décision de
dénoncer, on y retrouve donc les facteurs liés à
la décision, des données concernant
les plaintes, etc. Les autres chapitres se succèdent au
rythme du système judiciaire,
de l'accusation en passant par l'enquête préliminaire
et le procès jusqu'à la
détermination de la peine et le suivi de la sentence. La
section sur le procès, plus
consistante, se divise en trois sections: les aspects techniques,
les aspects relationnels
et les aspects liés à la preuve.
Finalement, chaque chapitre a le même modèle. Ainsi,
chacun d'entre eux débute
par une présentation factuelle de l'étape judiciaire.
Cette section présente des
définitions, des données statistiques, etc. Elle se
rapporte aussi aux besoins et aux
contraintes que vivent chacun. Enfin, on retrouve une section
Trucs et conseils, qui
s'adresse directement aux victimes et aux procureurs et qui
contient des conseils
pratiques et réalistes. Ceux-ci sont issus de ce dont nous
ont fait part les femmes et
les procureurs que nous avons rencontrés et cherchent à
rejoindre les réalités de
chacun.
Dans le texte, les expressions femmes, victimes, plaignantes
désignent toutes les
femmes agressées sexuellement. Nous avons également
pris la liberté de faire
référence aux substituts du Procureur général
par le terme plus simple de procureurs.
Enfin, nous souhaitons que ce document facilite à la fois
le passage des femmes à la
cour et à la fois le travail des procureurs. Ces derniers
verront leur travail facilité
notamment par des relations plus aisées avec la plaignante.
De plus, chaque femme
individuellement en bénéficiera et l'on peut penser
qu'à long terme, elles dénonceront
davantage les crimes de nature sexuelle et que les perceptions
négatives qu'elles
entretiennent face au système judiciaire s'estomperont. En
bout de ligne, l'intérêt de
la justice sera mieux servi.
Bonne lecture!
Les articles 271, 272 et 273 du Code criminel présentent
les agressions sexuelles en
trois niveaux. Le premier niveau, l'agression sexuelle
simple, implique une
agression et une atteinte simultanée à la
sexualité de la victime provenant de
l'agression. Elle inclut un très grand nombre de gestes
allant des attouchements au
viol. L'agression sexuelle armée (deuxième
niveau) comporte pour sa part un
degré de violence plus élevé qui peut se traduire
par le port, l'utilisation ou la menace
d'utilisation d'une arme; la menace d'infliger des blessures
à une autre personne que
la plaignante; infliger des blessures corporelles; commettre
l'agression avec la
complicité d'une autre personne. Enfin, l'agression
sexuelle grave (troisième
niveau) implique des blessures, mutilations ou défiguration
de la plaignante ou encore
que sa vie ait été mise en danger.
L'inceste pour sa part est défini comme un rapport
sexuel entre personnes liées par
le sang. D'autres infractions sont prévues au Code criminel
en ce qui concerne les
infractions d'ordre sexuel commises envers les enfants, les
adolescentes et les
adolescents. En 1988, le législateur a apporté des
modifications aux infractions
concernant les enfants afin de mieux tenir compte de leur
réalité. Ainsi, les infractions
de contacts sexuels avec un enfant de moins de 14 ans
(article 151 C.cr.),
incitation à des contacts sexuels avec un enfant de moins
de 14 ans (article
152 C.cr.) et contacts sexuels ou incitation à des
contacts sexuels par des
personnes en situation d'autorité ou de confiance
(article 153 C.cr.) ont été
créées.
La définition de l'inceste au sens de la loi est
relativement restrictive. Trois conditions
doivent être réunies. Il doit y avoir eu un rapport
sexuel, c'est-à-dire une pénétration
même à un moindre degré. Ceci exclut les
pénétrations orale, anale ou avec un doigt
ou un objet. Il doit y avoir lien de sang; ceci inclut uniquement
père, mère, enfants,
grand-parents. Enfin, il doit y avoir connaissance de ce
lien.
Ainsi, dans le présent document, lorsque nous nous
référons aux survivantes d'inceste
nous faisons référence à une définition
sociale plus large. Celle-ci inclut aussi les
enfants abusés par leur beau-père ou leur oncle, ou
encore les victimes ayant subie la
sodomie ou des attouchements sexuels par un parent. Pour tenir
compte de cette
réalité, les chefs d'accusations dans les cas de
survivantes d'inceste doivent
fréquemment porter sur d'autres chefs que celui
d'inceste.
/ Trucs et conseils
Aux victimes
Familiarisez-vous avec la définition légale. Ce sera
celle à laquelle vous serez
confrontées tout au long du processus judiciaire. Ceci est
particulièrement
utile pour les survivantes d'inceste puisque souvent les
infractions, autres que
l'inceste qui elle demeure la même depuis 1893, ne sont plus
les mêmes
aujourd'hui qu'autrefois et que le système judiciaire
retient celles du moment
où le crime a été commis. Vous pouvez consulter
à cet égard deux documents
produits par le Regroupement québécois des CALACS
à savoir «L'évolution
de la loi relative aux agressions sexuelles» et
«Recours criminels dans les cas
d'abus sexuels dans l'enfance». Ces documents
vulgarisent très bien les
changements survenus et les principales règles de preuve en
jeu. Vous pouvez
aussi faire appel au procureur, à une intervenante d'un
CALACS ou tout autre
organisme venant en aide aux victimes pour comprendre comment
cela
s'applique à votre situation.
Aux procureurs
La problématique des agressions à caractère
sexuel ne se résume pas à
l'appellation légale. Pour en arriver à une meilleure
compréhension des
victimes d'agressions à caractère sexuel, il est
nécessaire de vous familiariser
avec une définition plus sociale du phénomène. En
effet, ce que vous voyez
dans le cadre de votre travail n'est qu'une petite portion de la
problématique
et pour en saisir toute l'ampleur, il faut vous ouvrir sur
l'ensemble du
phénomène. Les victimes d'agression à
caractère sexuel ont vécu une atteinte
à leur corps, leur âme, leur intégrité. Les
conséquences sont dramatiques.
Elles s'identifient donc davantage à la définition
sociale de la problématique.
Le Groupe de travail sur les agressions à caractère
sexuel a retenu, dans son
rapport, la définition suivante:
«Toute activité sexuelle forcée
c'est-à-dire où la
personne est intimidée, menacée
explicitement ou
implicitement. L'agression à caractère
sexuel inclut
donc le viol (et la tentative de viol); les
relations
sexuelles obtenues sous la menace verbale,
l'utilisation
de l'autorité, la pression sociale; et les
autres activités
sexuelles qui n'impliquent pas une
pénétration
(embrasser, caresser, etc.) obtenues sans le
consentement de la victime et par l'utilisation de
la
force physique, verbale ou psychologique[Bohmer,
s.d.;
Koss et al., 1988; Russell,
1984, dans L'agression
sexuelle; Stop, 1995].»
Les sections qui suivent vous éclaireront un peu sur cet
aspect en vous
apportant des chiffres et des faits qui décrivent l'ensemble
de la problématique.
Toutefois, l'ouvrage le plus complet à l'heure actuelle
à ce sujet demeure le
rapport du Groupe de travail sur les agressions à
caractère sexuel intitulé «Les
agressions sexuelles: Stop».
Bien que l'information précise ne soit pas disponible
dans le système actuel des
données, de nombreuses études démontrent que la
très grande majorité des agressions
sexuelles sont commises envers des femmes. Les jeunes sont
l'autre groupe le plus
touché par cette réalité. Selon Roberts [mars
1994], 84 % des victimes d'agressions
sexuelles déclarées à la police sont des femmes et
63 % des victimes ont moins de
18 ans au moment de l'agression.
Les jeunes femmes sont donc particulièrement
à risque, spécialement celles dans le
groupe d'âge des 15 à 24 ans [Tourigny et Lavergne,
1995]. Selon l'enquête sur
la violence faite aux femmes de Statistique Canada, le taux
d'incidence annuel est trois
fois plus grand que la moyenne nationale pour les femmes
âgées entre 18 et 24 ans.
Alors que les enfants ont plus de risque d'être victime
d'abus intrafamilial, les
adolescentes sont plus souvent victimes d'un agresseur connu
faisant partie de leur
réseau social. On estime qu'une adolescente sur six
aurait vécu un viol et que
50 % d'entre elles aurait vécu de la coercition sexuelle
[Tourigny et Lavergne,
1995],
/ Trucs et conseils
Aux procureurs
II ne faut pas vous méprendre entre la réalité
et ce portrait statistique. En
effet, ceci vous donne des indications, représente une
tendance. Toutefois, il
serait imprudent de vous faire une image des victimes à
partir de ces données.
En effet, la personne moyenne n'existe que dans les statistiques.
Vous pourriez vous attendre à certaines réactions provenant d'un
portrait-type alors que la
personne devant vous est, dans les faits, fort
différente.
De nombreuses études ont été menées pour
déterminer les taux d'incidence et de
prévalence des agressions à caractère sexuel. Les
résultats varient beaucoup d'une
étude à l'autre compte tenu, principalement, de
différences méthodologiques. L'une
des études les plus récentes et les plus rigoureuses
est celle menée par Statistique
Canada: L'Enquête sur la violence envers les femmes. Cette
étude rapporte que 3 %
des Québécoises ont été victimes d'une
agression sexuelle au cours des douze mois
précédant l'enquête. Ce taux, appliqué à
la population féminine du Québec d'alors,
nous apprend que 86 952 Québécoises de plus de 15
ans seraient victimes
d'agressions sexuelles à chaque année. Cette
enquête rapporte également que
34 % des femmes du Québec ont été victimes d'au
moins une agression sexuelle
depuis l'âge de 16 ans [L'agression sexuelle: Stop,
1995].
L'agression sexuelle est I'un des crimes le moins
rapporté à la police. En effet, les
différentes études estiment que les taux de
dénonciation varient entre 6 % et 38 %
au Canada. Ces enquêtes démontrent également que
le lien entre l'agresseur et la
victime est un facteur important pour expliquer le fait qu'une
victime dénonce ou
non. En effet, plus les liens entre la victime et l'agresseur
sont étroits, moins il y a de
chance que le crime soit rapporté à la police. Par
ailleurs, en comparant ces données
avec les voies de faits, on constate qu'il s'agit d'une
caractéristique spécifique aux
agressions sexuelles [Tourigny et Lavergne, 1995].
«les victimes agressées par une connaissance
semblent
plus susceptibles de chercher de l'aide auprès de
leur
réseau social qu'auprès des professionnels des
services
sociaux, des milieux communautaires et de la justice
pénale.» [Tourigny et Lavergne, 1995]
Parmi les femmes rencontrées au sein des
groupes-témoin, la motivation principale de
dénoncer était d'empêcher la récidive. Dans
les cas d'inceste, l'abuseur menaçait
souvent la deuxième génération. Pour d'autres
femmes, il s'agissait de se libérer d'un
poids qu'elles portaient depuis plusieurs années. Enfin,
certaines se sont vues prises
par les circonstances et elles n'ont pas eu nécessairement
l'occasion de faire un choix
réfléchi. C'est le cas, par exemple, d'une femme dont
un témoin de l'agression a
prévenu la police qui est arrivé sur les lieux ou
encore d'une jeune dont une amie à
signaler l'agression à la Direction de la protection de la
jeunesse.
Par ailleurs, les raisons qui empêchent de le faire sont
aussi nombreuses. Les enquêtes
effectuées à ce sujet font état de cinq raisons
principales que les femmes évoquent pour justifier le fait qu'elles n'aient pas dénoncé
l'agression. Elles mentionnent le fait
que c'est une question personnelle, que c'était sans
importance, que la police ne
pouvait rien faire, qu'elles avaient des appréhensions face
à la justice pénale et qu'elles
craignaient des représailles de la part de l'agresseur
[Tourigny et Lavergne, 1995].
La perception de l'agression, notamment quant à sa
gravité, semble donc influencer
le choix des victimes tout comme leur manque de confiance dans le
système judiciaire
ainsi que la peur de l'agresseur.
Les sentiments suscités par l'agression telles la peur,
la honte, la culpabilité peuvent
aussi influencer le choix des victimes. La réaction de
l'entourage compte aussi parmi
les facteurs déterminants quant au choix de dénoncer
une agression sexuelle. La
perception des démarches à entreprendre fait partie du
pour ou du contre à
dénoncer. Pour leur part, les changements législatifs
et les programmes de prévention
contribuent à faire augmenter le taux de dénonciation.
Enfin, certaines clientèles
telles les femmes handicapées, autochtones, marginales,
etc., se retrouvent souvent
dans des situations encore plus difficiles. Elles sont plus
vulnérables et n'ont pas
toujours les ressources pour entreprendre des démarches.
/ Trucs et conseils
Aux victimes
II est important de vous entourer, de ne pas rester seule. Il
s'agit d'une
décision difficile à prendre qui aura plusieurs
conséquences sur votre vie et ce,
que vous choisissiez de dénoncer ou non. Les deux
comportent des
avantages et des inconvénients. Les nombreuses
difficultés envisagées, crainte
de représailles de l'agresseur, peu de confiance dans le
système judiciaire,
longueur des procédures, et autres, dissuadent plusieurs
femmes de dénoncer.
Par ailleurs, plusieurs ressentent le besoin de dénoncer
publiquement, faire en
sorte que justice soit rendue, etc. La décision de s'engager
dans le processus
comporte donc des difficultés mais aussi des avantages dont
le soulagement et
la satisfaction d'avoir agi. Par ailleurs, la décision de ne
pas s'engager permet
d'éviter de témoigner, d'être humiliée, etc.,
mais peut aussi être frustrante à
certains égards puisque l'agresseur continue à vivre
comme si de rien n'était.
Toutefois,. le système judiciaire n'est pas la seule
alternative et si vous ne vous
sentez pas capable de l'affronter, discutez-en avec une
intervenante des
CALACS (centres d'aide et de lutte contre les agressions à
caractère sexuel)
ou à tout autre ressource qui peut vous venir en aide.
Néanmoins, il est
nécessaire que vous pesiez le pour et le contre. Un document
peut vous être
particulièrement utile pour vous aider à prendre votre
décision, il s'agit de
«Agressions sexuelles, femmes et justice: guide de
l'usagère» produit par le
CALCACS de Sherbrooke.
Aux procureurs
«Ce qui m'a poussé à dénoncer c'est
que je sentais beaucoup
de danger pour ma nièce qui avait beaucoup de
symptômes,
je voulais la protéger. Je n'ai pas
dénoncer avant parce que
je ne crois pas au système judiciaire. Un
aspect important
était ma sécurité: quand y va sortir de là,
qu'est-ce qui va
m'arriver à moi? En plus, j'avais pas le goût de
commencer à
raconter mon histoire à tout le monde.» N.
Prenez conscience qu'il ne s'agit pas d'une décision
facile. Le recours au
système de justice n'est pas du tout évident pour un
grand nombre de victimes.
Choisir de dénoncer une agression est une démarche
très exigeante qui
demande énormément de courage. Par ailleurs, celles qui
dénoncent
l'agression dont elles ont été victimes ne choisiront
pas toutes d'emprunter la
voie des démarches judiciaires. La victime qui se
présente devant vous mérite
donc toute votre considération. Enfin, souvenez-vous
qu'une victime bien
soutenue et bien informée fera une meilleure témoin. Il
est important qu'elle
reçoive ce soutien dès que possible, n'hésitez
donc pas à la référer aux
ressources appropriées.
Les agressions sexuelles sont plus souvent
traitées comme non fondées
comparativement à d'autres crimes violents. Ainsi, l'on
constate un écart important
si l'on compare avec le crime de voie de faits, crime
équivalent aux agressions
sexuelles qui est aussi composé de trois niveaux. En effet,
le pourcentage moyen des
plaintes jugées non-fondées au chapitre des agressions
sexuelles simples entre 1983
et 1992 est de 15 % alors qu'il est de 7 % pour les voies de
faits de même niveau.
Il est de 10% et 14 % pour les agressions sexuelles graves et
armées respectivement,
alors que pour les voies de faits de mêmes niveaux, il se
situe à 4% et 3 %. [Roberts,
octobre 1994]
L'écart entre ces deux crimes est révélateur.
Le taux de plaintes non fondées dans le
cas d'agressions sexuelles est signifïcativement plus
élevé. Ceci est en grande partie
attribuable aux préjugés qui persistent envers les
agressions sexuelles, les femmes et la
sexualité des femmes.
Par ailleurs, le classement des plaintes est aussi
significatif. Encore une fois, la
comparaison avec les voies de faits est éloquente. En effet,
94 % des plaintes
d'agressions sexuelles sont classées de niveau 1
comparativement à seulement 79 %
pour les voies de fait de même niveau.
«Vraisemblablement, la tendance ne représente
pas
simplement une augmentation plus marquée
des
rapports au premier niveau de gravité, mais est
probablement reliée davantage à une modification
des
pratiques policières. Les policiers sont peut-être
plus
disposés à classer les rapports au premier niveau
de
gravité. Par conséquent, certaines affaires qui en
1983,
auraient été classées aux niveaux II et
III, le sont
maintenant au niveau /.»
[Roberts, octobre 1994].
De plus, l'expérience du système judiciaire
étant souvent difficile pour les femmes
agressées sexuellement, il est primordial que la
décision de dénoncer à la police soit
éclairée. Cette décision va avoir d'importantes
répercussions sur leur vie. Il est donc
essentiel pour elles de prendre le temps de s'informer sur les
démarches à
entreprendre.
«Je me suis fait dire : «fais-le, si tu le
fais pas pour toi
fais-le pour ne pas qu'ils le fassent à
d'autres filles»,
mais pourquoi faut-il qu'il y en ai une qui
paye,
pourquoi faut-il que ce soit moi, pourquoi?»
C.
Cette étape est également le moment pour la femme de
réviser ses attentes et vérifier
si elles concordent avec ce que notre système de justice est
en mesure de lui offrir.
«Si une personne s'attend à avoir la justice
avec un
grand J, elle se trompe. La justice criminelle n'est pas
là pour rendre justice. Le système est
conçu pour
éviter à tout prix qu'un innocent soit
reconnu
coupable.» Un procureur
Une fois que la victime a choisi de dénoncer l'agression
sexuelle qu'elle a subi, elle
doit déposer une plainte à la police. Elle fera
alors une déposition qui contiendra
les informations sur l'agression sexuelle dont elle a
été victime. Suite au dépôt de la
plainte, les enquêteurs doivent juger si elle est
fondée.
S'ils estiment cette dernière fondée, les policiers
doivent comparaître à la cour afin de
dénoncer officiellement le ou les actes criminels commis par
un ou des individus. Pour
ce faire, ils doivent recevoir l'autorisation d'un procureur.
Dans la plupart des districts
judiciaires, les procureurs procèdent à une entrevue
préalable à l'autorisation de
déposer des actes d'accusations. Cette entrevue est
automatique lorsque les victimes
sont des enfants, des adolescentes ou des survivantes d'inceste.
Cette entrevue sert
principalement les intérêts des procureurs puisqu'elle
leur permet d'évaluer la fiabilité
de la preuve au dossier, la crédibilité de la victime,
la possibilité de condamnation, etc.
Afin de démystifier le système judiciaire et d'avoir
des attentes réalistes, les victimes
ont besoin de recevoir des informations sur les démarches
à entreprendre. La
personne la mieux située est le procureur puisqu'il sera sa
référence à travers le
processus judiciaire. Les accompagnatrices des CALACS par
exemple, dans un tel
contexte, peuvent être très utiles puisqu'elles peuvent
donner une bonne part des
informations à la victime et prendre charge de la dimension
affective.
«Je réalise que c'est difficile pour les gens
qui rentrent
dans le système judiciaire, tout est lourd ,
il faut
donner l'heure juste.» Un
procureur
«II arrive très souvent que l'on rencontre les
victimes
par l'entremise des accompagnatrices qui nous
appellent en nous disant qu'elles ont une victime
très
inquiète et elle voudrait avoir des
éclaircissements.»
Un procureur
Une fois la plainte déposée, deux éléments
sont souvent cause de déception pour les
femmes. D'abord, il arrive parfois que les victimes
constatent un écart entre la
manière dont la plainte a été classée et
ce qu'elle a vécu. De plus, bien qu'en principe
ça ne devrait pas avoir lieu, des femmes rapportent des cas
où des enquêteurs leur ont
donné de faux espoirs ou de fausses informations.
«Les enquêteurs étaient super fins mais
m'ont donné
des illusions tout le long. Ils me disaient
constamment
que j'avais des grosses chances et après le
verdict [non
coupable], ils m'ont dit: ah! c'est à ça
qu'on
s'attendait. C'est quoi leur
problème!» G.
«Ils [les enquêteurs] m'avaient dit qu'ils
allaient me
trouver une femme procureure, c'était
même pas vrai!»
A.
/ Trucs et conseils
Aux victimes
II est primordial qu'à cette étape vous alliez
chercher toutes les informations
nécessaires à une décision éclairée.
Ceci peut notamment se faire par le biais
de l'entrevue préalable à l'autorisation de
déposer des actes d'accusations.
N'hésitez pas à rencontrer un procureur avant de porter
plainte si vous n'êtes
pas certaine de vouloir le faire. Ce dernier pourra vous informer
sur la teneur
des informations ainsi que le niveau de détails que vous
devrez inclure dans une
éventuelle déclaration policière.
Lors de cette entrevue, il est absolument crucial que vous
mettiez toutes vos
cartes sur table avec le procureur. Ce dernier doit effectivement
savoir toute
la vérité sur votre histoire. Souvent, par manque de
confiance dans le système
ou en vertu des préjugés encore véhiculés par
la société, les victimes évitent de
parler de certaines choses ou éliminent volontairement
certains détails pourtant utiles à la cause. Il est essentiel de dire les choses
telles qu'elles ont été puisque
toute la preuve recueillie par la Couronne se retrouve
inévitablement dans les
mains de l'accusé. Effectivement, il existe une règle
de la communication de
la preuve qui oblige le procureur à transmettre à
l'accusé l'ensemble des
éléments de la preuve contenu au dossier.
«On peut perdre des causes pour un détail
oublié. Des
types se retrouvent en liberté parce qu'une
fille n'a pas
eu confiance qu'on la croirait.» Un
procureur
II est essentiel, surtout pour les survivantes d'inceste, que
vous preniez le temps
de bien vous remémorer le crime, les circonstances, la
violence, etc. Vous
devez arriver à cette entrevue en ayant en tête un
récit qui soit le plus clair,
ordonné, cohérent et précis possible.
Aux procureurs
Habituellement, les victimes apprécient
énormément ces rencontres avant leur
prise de décision. Cela les aide à prendre la meilleure
décision les concernant.
Vous êtes probablement la personne la mieux placée pour
démystifier le
système judiciaire et vous serez sûrement la principale
référence de la victime
au cours du processus. N'hésitez pas à vous munir de
toutes les ressources
nécessaires. À cet effet, les accompagnatrices des
CALACS, par exemple,
peuvent vous être très utiles puisqu'elles peuvent
donner une bonne part des
informations à la victime tout en tenant compte de la
dimension affective. La
présence d'une accompagnatrice est souvent
bénéfique et vaut la peine d'être
tentée. Certains procureurs mettent eux-mêmes les
victimes en contact avec
un centre d'aide et son réseau d'accompagnatrices afin de
voir leur tâche
facilitée.
C'est donc lorsqu'ils choisissent de porter une ou des
accusations contre un individu
que les substituts du Procureur général entrent
vraiment en jeu. La statistique qui
traduit ce choix est le taux d'inculpation. Roberts [octobre
1994] a constaté que ce
dernier s'élève avec le niveau de gravité de
l'agression sexuelle. Ainsi, au
Canada, le taux d'inculpation pour les agressions sexuelles
simples (niveau I) est de
49 %. Pour les agressions sexuelles de niveau II, il est de 57 %
et il est de 64 %
pour le troisième niveau. La comparaison avec les voies de
fait nous apprend que les
agressions sexuelles et les voies de fait de niveau I sont
traitées sur le même pied.
Toutefois, pour les crimes de niveau II et III, les taux
d'inculpation des agressions
sexuelles sont inférieurs.
À travers les différentes statistiques sur le
cheminement judiciaire des plaintes
d'agressions sexuelles, il est possible de constater un
phénomène d'attrition. L'attrition
réfère au pourcentage d'infractions signalées pour
lesquelles il n'y a pas d'accusation.
Les données disponibles ne permettent que l'évaluation
de l'attrition jusqu'au moment
de l'inculpation, l'idéal serait bien entendu de pouvoir en
faire l'analyse jusqu'à la
détermination de la peine. Des 39 829 rapports
déposés à la police en 1992,
seulement 43 % ( 17 046 cas) de l'échantillon de
départ a été retenu en bout
de ligne. Plus de la moitié des cas ont donc
été supprimés, soit 57 %. En
comparant aux autres crimes violents, on observe que les taux
d'attrition pour les
infractions d'agression sexuelle sont parmi les plus
élevés [Roberts, octobre 1994].
Par conséquent, les substituts du Procureur
général ne traitent qu'une infime partie des
cas d'agressions sexuelles. Toutefois, pour les victimes des
crimes pour lesquels ils
auront à prendre une action, leur rôle est
essentiel.
Cette étape est le moment où l'accusé
enregistre son plaidoyer et où il est décidé
s'il
sera remis en liberté ou détenu. Généralement
la présence de la plaignante n'est pas
formellement requise. Par ailleurs, le manque de ressources et
les difficultés dans la
transmission des décisions de la cour aux autorités
compétentes causent parfois des
inconvénients aux plaignantes tout comme aux procureurs. En
effet, il arrive que les
conditions de remise en liberté imposées ne soient pas
respectées.
Les femmes que nous avons rencontrées ont exprimé le
regret face au manque de suivi
et d'information concernant cette étape. Par exemple,
certaines croyaient que la
détention était automatique. Ou encore, certaines
auraient préféré être présentes
mais n'ont pas été informées à temps.
«Je ne savais pas qu'il était en liberté,
on ne m'avait pas
prévenue, ça m'a fait tout drôle
quand je l'ai vu dans
le corridor, y'arrêtait pas de me regarder, ce n'était
pas
le fun.» S.
Les conditions restreignant la liberté sont souvent
rassurantes pour les femmes. Le fait
de savoir que l'on se préoccupe de leur sécurité
leur fait le plus grand bien. Par
contre, lorsque l'accusé est remis en liberté, les
femmes sont souvent effrayées et
craignent des représailles de sa part.
«Sachant que mon agresseur était en
liberté, je me
sentais abandonnée, en danger, je ne voulais
plus sortir,
j'étais aux aguets, peureuse.»
L
«Je me sentais en prison. Lui est en liberté
mais toi tu
as peur, c'est comme si tu es en prison.»
A.
/ Trucs et conseils
Aux victimes
Si vous désirez participer aux étapes du processus
où votre présence
n'est pas requise, discutez-en avec votre procureur. Il peut
vous
encourager à le faire tout comme il peut vous le
déconseiller. Dans ce
dernier cas, il vous présentera ses arguments et ceci vous
permettra de
prendre une décision éclairée.
Pour faire toutes les requêtes appropriées en ce qui
concerne les
demandes de remise en liberté, le procureur doit être
au courant des
dangers que représente l'accusé pour vous et pour la
société. À ce
niveau, votre collaboration lui est précieuse. Par ailleurs,
la décision ne
relève pas de lui mais du juge. La seule action qu'il peut
poser à cet
égard est donc d'en faire la demande.
N'hésitez pas à informer l'enquêteur de vos
craintes face à l'accusé. Il est
souvent la meilleure personne pour transmettre cette information
au
procureur. Pour la victime, l'enquêteur joue également
un rôle important
en matière d'information. Il est l'un de ceux qui peut vous
renseigner sur
le moment de l'arrestation, la date de la comparution, le statut
de
l'accusé et les conditions de remise en liberté. À
ce niveau, l'enquêteur
en sait souvent davantage que le procureur. Enfin, notez le
numéro de
la cause, ceci facilitera les demandes d'informations sur le
développement
du procès.
Aux procureurs
L'information que vous pouvez transmettre aux victimes
concernant le
déroulement de cette étape peut contribuer à les
rassurer. La plupart des
femmes que nous avons rencontrées avaient l'impression que
leur
procureur avait fait le maximum pour assurer leur
sécurité. Dans la
mesure où. on les tient informées et où elles
savent qu'elles peuvent
choisir d'assister à cette étape, les plaignantes sont
davantage satisfaites.
Il est important de prévoir les mesures à prendre par
la plaignante lorsque
les conditions de remise en liberté ne sont pas
respectées par l'accusé.
Ces deux étapes se ressemblent beaucoup. L'enquête
préliminaire sert à vérifier si la
preuve est suffisante pour tenir un procès. Si le juge
estime qu'il y a assez de preuves,
il fixe une date pour le procès. Par contre, s'il juge qu'il
y a insuffisance de preuve, il
libère l'accusé. Il ne s'agit pas d'un acquittement
puisque si d'autres preuves sont
amenées au dossier, le processus pourra reprendra.
L'enquête préliminaire et le procès sont
habituellement des étapes déterminantes sur la
perception qu'ont les femmes de leur expérience et du
système judiciaire. En effet, ces
étapes sont celles qui requièrent le plus leur
participation et se sont celles susceptibles
de leur faire vivre le plus de frustrations
(contre-interrogatoire, manque de disponibilité
du procureur, refus du juge d'accorder un huis clos, etc.). Nous
allons aborder dans
cette section trois aspects distincts qui comportent à la
fois des enjeux pour la plaignante
et pour le procureur. Il s'agit des aspects techniques,
relationnels ainsi que les éléments
qui sont liés à la preuve.
Les palais de justice sont souvent perçus comme
austères, formels et peu accueillants.
Lorsqu'on y entre pour la première fois, on ne s'y sent pas
nécessairement à l'aise. De
plus, il est parfois difficile de s'y retrouver. On craint de se
perdre dans ce labyrinthe
de corridors et d'escaliers!
Au premier abord, on serait porté à croire que l'on
ne peut pas agir sur cette aspect qui
relève plutôt de l'administration. Or, le fait d'avoir
démystifié un lieu peut changer
la manière de le concevoir du tout au tout.
«Quand tu connais un lieu, tu te
sens beaucoup plus à
l'aise, c'est utile de voir avant le palais de
justice.» M.
En outre, il est déplorable que l'accès à
des salles de témoins aménagées de
façon
convenable ne soit toujours pas généralisé. Les
femmes déplorent le fait que les
quelques salles disponibles soient souvent mobilisées par
les accusés et leurs avocats. La
perception qu'ont les procureurs du palais de justice est
évidemment différente de celle
des victimes puisqu'il s'agit de leur lieu de travail. Mais
généralement, ils appuient les
plaintes des victimes concernant l'aménagement des lieux.
Avoir des salles de témoins
accessibles pour les plaignantes faciliterait leur travail. Ils
n'auraient plus à chercher un
lieu adéquat où faire patienter la plaignante afin de
lui éviter de se retrouver face à face
avec l'accusé.
«J'ai eu accès à une salle des
témoins mais il s'agissait
d'un cubicule vitré sans rideaux, moi qui ne
voulait pas
voir mon père... Il n'avait qu'à se
promener dans le
corridor et je le voyais. Si j'allais à la toilette, je
devais
passer devant. Moi, juste de voir la menace dans le
regard de mon père était terrible, c'était les
mêmes yeux
que quand j'étais enfant, la même menace à me
faire
rentrer en dessous du plancher.» N.
/ Trucs et conseils
Aux victimes
II est évident que l'accès à une salle des
témoins est l'idéal. Si toutefois, elles
sont toutes occupées ou inexistantes, demandez à votre
procureur s'il peut vous
proposer une alternative. Ainsi, il pourrait vous proposer, par
exemple, la salle
d'attente du bureau des procureurs. Parlez-lui de l'effet que
cela vous fait de
rencontrer votre agresseur et demandez-lui par exemple, de faire
écran lorsque vous circulez en sa compagnie. Il ne peut pas faire plus car
il n'est pas
responsable de l'aménagement du palais de justice, mais ces
petits gestes
diminueront déjà l'intimidation que l'accusé peut
exercer sur vous.
Aux procureurs
Les plaignantes perçoivent souvent le palais de justice
comme un endroit froid,
protocolaire, peu accueillant, écrasant, stressant,
impressionnant, etc. Le fait de
visiter les lieux au préalable permet de diminuer
substantiellement la tension. En
bout de ligne, la femme est plus calme et un peu plus encline
à se trouver dans
ce lieu.
De plus, la vue de l'agresseur a un impact important sur
l'état émotif de la
victime. Par de petits gestes, vous arriverez facilement à
diminuer le stress et la
peur que vit la plaignante. Il vous suffit, par exemple, de vous
servir de votre
corps comme écran entre la victime et l'accusé lorsque
vous l'accompagnez ou
encore, lorsque c'est possible, de l'accompagner à la salle
de bain pour lui éviter
de se retrouver face à face avec celui-ci. Ce rôle peut
également être rempli par
une accompagnatrice ou encore par le policier-enquêteur. Ils
ont l'expérience
et ne se laisseront pas intimider aussi facilement qu'une parente
ou une amie.
La négociation de plaidoyer ou «plea
bargaining» est une pratique courante. Contre
un plaidoyer de culpabilité de la part de l'accusé, la
poursuite acceptera de demander
une peine moins sévère, de retirer un ou des chefs
d'accusations ou encore d'accuser
l'individu d'une infraction moins grave. Par exemple, si
l'agresseur était accusé
d'agression sexuelle armée pour laquelle la poursuite
demanderait une peine de 3 ans, il pourrait, en échange d'un verdict de culpabilité,
n'être accusé que d'une agression
sexuelle simple et sentence au même 3 ans.
Cette pratique comporte certainement l'avantage de mettre
fin rapidement au
processus judiciaire. Elle est une source d'épargne
importante en terme de temps et
d'argent. De plus, il s'agit d'une manière plus facile de
régler un dossier surtout si le
procureur considère la preuve comme étant faible. Aux
yeux des procureurs, il s'agit
généralement d'un compromis fort intéressant qui
de surcroît évitera à la victime de
témoigner et de voir sa version mise en doute au moment du
contre-interrogatoire.
Toutefois, il ne faudrait pas prendre pour acquis qu'elle
convient à toutes les
situations.
/ Trucs et conseils
Aux victimes
Si le procureur vous demande votre avis sur une
éventuelle négociation de
plaidoyer, vous pouvez tenter de peser le pour et le contre d'une
telle
négociation et distinguer ce qui vous semblerait acceptable
de ce qui ne le serait
pas. Le procureur pourra ainsi savoir ce que vous êtes
prête à accepter et pourra
davantage tenter de respecter votre choix. Par contre, vous devez
savoir que la
décision relève de lui seul.
En effet, votre choix personnel ne va pas toujours dans
l'intérêt de la justice.
Le procureur est là pour juger de la solidité de la
preuve. Il connaît bien le
niveau nécessaire de preuve pour en arriver à un
verdict de culpabilité. Il est
davantage en mesure que vous d'évaluer si la
négociation de plaidoyer sert la
cause. Il peut donc choisir de passer outre votre désir.
«Chez nous la victime est au courant de tout ce qui
se
passe, elle va être informée mais pas
nécessairement en
accord.» Un procureur
Aux procureurs
D'abord, les femmes désirent être informées de
ce processus et souhaitent y
prendre part. En effet, ce qui semble être un bon
«deal» pour le procureur ne
l'est pas nécessairement pour la femme. Elle peut se sentir
lésée dans ce
processus. Elle peut être déçue de le voir purger
une peine plus légère; elle
aurait préféré aller jusqu'au bout dans l'espoir
d'une sentence plus élevée. Par
ailleurs, certaines femmes comptent sur leur témoignage pour
se libérer. L'idée
de témoigner a pesé dans la balance au moment de
choisir de porter plainte.
Elles ont choisi de dénoncer. Elles trouvent donc très
frustrant qu'on minimise
ainsi l'affaire. Une femme nous a fait part de sa grande
frustration d'avoir vu
disparaître le chef d'accusation de sodomie alors que pour
elle, c'était sans
doute le plus grave.
En effet, la négociation de plaidoyer peut être
aussi frustrante que
soulageante. Les femmes peuvent ressentir une grande satisfaction
à l'idée que
l'agresseur plaide coupable tout comme elles peuvent être en
colère de le
savoir coupable et de le voir s'en tirer à bon compte. Il
est donc essentiel de
ne pas présumer de ce qui est le mieux pour la victime. Elle
seule peut le dire.
Prenez le temps d'en discuter avec la plaignante, vous
trouverez sans doute un
compromis satisfaisant pour vous, pour la victime, du point de
vue de la
preuve comme du point de vue de l'intérêt de la
justice.
Ces deux procédures doivent faire l'objet d'une
demande spéciale auprès du juge.
Le huis clos (exclusion du public) peut être obtenu dans
le cas où le juge est d'avis
qu'il est dans l'intérêt de la moralité publique,
du maintien de l'ordre ou de la bonne
administration de la justice d'exclure le public de la salle
d'audience. L'ordonnance
de non-publication vise quant à elle à interdire la
publication ou la diffusion de
l'identité de la plaignante ou de renseignements permettant
de la découvrir [Hudon
et al., 1994b].
Il faut se rappeler que la décision d'accorder un huis
clos ou une ordonnance de non-
publication est laissée à la discrétion du juge.
Leur mise en application peut donc
varier selon les régions. Toutefois, il est possible
d'affirmer qu'en général le huis clos
est rarement accordé dans les cas impliquant des victimes
adultes alors que
l'ordonnance de non-publication est pratiquement toujours
accordée.
«Je n'ai plus de vie privée dans ma ville,
tout le monde
connaît mes petites histoires. Quand je
rencontre
quelqu'un maintenant, dans ma tête je me
demande
s'il sait que c'est moi et s'il est en train de me juger,
j'ai tout le temps peur.» C.
Avoir sa vie privée étalée au grand jour ne
plaît généralement à personne, encore
moins lorsqu'il s'agit de détails à caractère
sexuel. Une femme victime d'inceste que
nous avons rencontrée, nous faisait part des
difficultés vécues lors de son témoignage,
difficultés d'autant plus grandes compte tenu qu'elle
racontait son histoire pour la
première fois. Toutefois, ce n'est pas la seule raison pour
laquelle on préfère
demander ou ne pas demander un huis clos. En effet, certaines
femmes souhaitent
que le procès reste public, elles veulent que tous sachent
ce qu'elles ont vécu et elles
veulent que l'agresseur soit condamné publiquement. Il
arrive également que dans
certaines situations, des femmes doivent choisir entre un huis
clos et la présence de
leurs parents, amie-s ou accompagnatrices qui leur apportent du
support. II faut donc
choisir entre le moindre des deux maux.
Il existe quand même certaines alternatives qui
permettent de retirer les avantages
d'un huis clos sans pour autant avoir a en subir tous les
inconvénients. D'une part,
certains juges acceptent d'accorder le huis clos seulement pour
le témoignage de la
victime. Ainsi, la qualité du témoignage est meilleure
et la difficulté de voir sa vie
privée étalée publiquement est réduite. Par
ailleurs, il est aussi possible, selon les
disponibilités, de faire en sorte que l'audition de la cause
soit placée en fin de journée.
Il y a alors généralement moins de curieux dans la
salle. Moyennant quelques efforts,
il est donc possible de trouver des compromis heureux dans les
limites mêmes du
système.
/ Trucs et conseils
Aux victimes
Pour les procureurs, la décision de faire la demande d'un
huis clos ou d'une
ordonnance de non-publication est d'abord limitée par ce que
le droit prévoit.
De plus, sa décision peut être influencée par la
connaissance qu'il a du juge
devant qui il doit plaider. Il peut savoir par exemple, qu'un tel
juge est
défavorable au huis clos et qu'en faire la demande
l'irriterait. Par ailleurs,
certains procureurs prennent pour acquis que vous
préférez nécessairement
avoir une audience la moins publique possible. D'autres croient
profondément
que la justice doit être publique et que vos
intérêts sont desservis par ces
mesures d'exception. Les avis sont partagés.
Prenez donc au préalable la décision pour vous. Si
on vous donnait le choix,
qu'est-ce que vous préféreriez? Vous serez ainsi en
mesure d'argumenter votre
choix avec le procureur. Rappelez-vous que le huis clos est
rarement accordé
et que le procureur peut avoir des raisons stratégiques de
le demander ou de
ne pas le demander. En effet, le procureur peut juger dans
certains cas que la
crédibilité de la cause peut être entachée
s'il y a une demande de huis clos.
Enfin, si vous en faites la demande auprès du procureur
assigné à votre dossier,
il se pourrait que vous vous butiez à une réponse du
genre: «ce n'est pas la
peine d'en demander puisque ce juge n'en accorde jamais».
Comme il est
mentionné plus haut, il s'agit d'une décision
discrétionnaire du juge. Lorsque
que vous souhaitez un huis clos, précisez également au
procureur si vous désirez
aussi la présence d'une accompagnatrice. Ceci devra faire
partie de la
demande auprès du juge.
Aux procureurs
Ne prenez pas pour acquis que la plaignante préfère
un huis clos et une
ordonnance de non-publication. Elle peut avoir autant de raisons
d'en vouloir
que de ne pas en vouloir. Une femme nous a rapporté que son
procureur a
obtenu un huis clos en pensant lui faciliter la tâche alors
que pour elle,
l'élément essentiel de sa démarche à la cour
était la dénonciation publique.
«Je commence par lui demander ce qu'elle veut
avant
de lui dire mes préférences.» Un
procureur
II est donc préférable de toujours vérifier
auprès de la plaignante ce qu'elle
préfère. Bien sûr, son choix ne sera pas toujours
le vôtre ou ne sera pas
toujours réaliste. Vous êtes le mieux placé pour
le lui expliquer. Vous
connaissez bien la cour et ses juges, vous êtes donc
davantage en mesure de
savoir ce qui passera, ce qui ne passera pas ou encore ce qui
passera mieux...
Expliquez ce qui motive votre décision ou encore le contexte
qui rend inutile
ou nuisible à la cause une demande de huis clos ou
d'ordonnance de non-
publication.
Certaines mesures permettent à la plaignante de
témoigner en dehors de la salle
d'audience, à l'aide du télé-témoignage,
derrière un écran ou un paravent l'empêchant
ainsi de voir l'accusé. Cependant, certaines conditions
restreignent leur utilisation.
La plaignante doit avoir moins de 18 ans ou avoir de la
difficulté à faire son
témoignage en raison d'une déficience. Le juge doit
aussi penser que cette mesure est
nécessaire à l'obtention d'un récit complet et
franc [Hudon et al., 1994a].
Ces mesures, particulièrement le
télé-témoignage, sont encore peu explorées
mais
selon les dires des procureurs rencontrés, elles peuvent
être très utiles pour les cas
particuliers. Les palais de justice qui ne disposent pas des
moyens techniques pour le
faire peuvent en faire la demande auprès des Services
judiciaires pour la région de
Montréal et pour le reste de la province
auprès du Chef de l'enregistrement audio
et de l'électronique, Direction générale
des services juridiques1.
Ces pratiques demeurent très restreintes pour le moment,
mais pour que cela change
il faut continuer à en explorer les possibilités.
Ainsi, certains juges, à la demande du
procureur, vont faire en sorte que l'accusé soit assis
derrière la victime de façon à ce
qu'elle ne puisse pas le voir. II s'agit d'une mesure
alternative, particulièrement pour
les adultes, qui n'entrave pas l'aspect public et qui facilite
grandement le témoignage.
1 Vous pouvez les rejoindre, respectivement, au
(514) 393-2300 et au (418) 644-1171.
/ Trucs et conseils
Aux victimes
Ces mesures sont encore peu accessibles. II vaut donc mieux ne
pas trop y
compter. Par contre, n'hésitez pas à en faire la
demande. Plus les femmes
feront part de ce besoin à la cour, plus celle-ci a des
chances de s'y adapter.
Aux procureurs
II est souvent très difficile pour les victimes d'avoir
à témoigner, à raconter les
agressions dont elles ont été victimes et d'avoir un
contact visuel avec l'accusé.
Certaines survivantes d'inceste nous ont fait part de la
détresse qu'elles ont
ressentie quand elles ont retrouvé en cour le même
regard pesant et contrôlant
qu'exerçait sur elle leur père lorsqu'elles
étaient petites. Même si elles ne le
regardent pas directement, elles sentent le regard de
l'agresseur. Elles sont
souvent intimidées et blessées par ce regard. Leur peur
est légitime. Alors,
n'hésitez pas à innover. Ces mesures sont
bénéfiques pour la bonne marche
de la justice puisqu'elles permettent d'obtenir un meilleur
témoignage.
II est normal que le processus judiciaire s'échelonne sur
quelques mois. On parle ici
davantage de délais occasionnés par une foule de
raisons aussi variées les unes que les
autres (maladie, procédures, disponibilité, etc.) qui
prolongent substantiellement
l'expérience judiciaire.
Mais pour les femmes, peu importe le temps que prendra le
déroulement d'une cause,
ce sera probablement toujours trop long. En effet, passer
quelques ou plusieurs mois
à ressasser l'agression, à devoir la raconter plusieurs
fois, à être confrontée à
l'agresseur et à être dans l'attente peut être
extrêmement long et stressant. De plus,
les délais occasionnent souvent des déplacements
inutiles et Conséquemment des pertes
de journées de travail. Cet inconvénient, si
coûteux au plan personnel et
professionnel, justifie minimalement des explications.
S Trucs et conseils
Aux victimes
Les délais font partie des aspects sur lesquels vous
n'avez aucun contrôle.
Toutefois, vous avez le droit d'être informée de ce qui
les provoque et autant
que possible à l'avance. Si c'est important pour vous,
demandez expressément
au procureur chargé de votre dossier de vous tenir
informée. Notez les dates
importantes à votre agenda, afin d'effectuer un meilleur
suivi.
Aux procureurs
Considérant les enjeux pour les plaignantes, celles-ci
apprécieront certainement
d'être prévenues à l'avance dans la mesure du
possible ou à tout le moins de
savoir ce qui cause les délais. Il est particulièrement
important de tenir la
plaignante au courant lorsqu'une étape du processus est
retardée. Elle peut
angoisser du fait de ne pas recevoir de nouvelles alors que
l'étape est
simplement reportée.
Le procureur est le principal intervenant avec qui la
femme entre en contact dans
le processus dans lequel elle s'est engagée. Il s'agit
souvent pour elle de sa personne
contact, de sa ressource, de sa personne de confiance, de son
avocat (!).
Perceptions biaisées et attentes démesurées ne
font pas exception. La femme victime
d'agression sexuelle a du mal à comprendre que
l'État poursuit l'agresseur. L'État
poursuit au nom de la société et non pas en son nom. Il
est tout aussi difficile
d'admettre qu'elle sera témoin principal plutôt que
victime.
Par contre, il arrive parfois que le système n'est tout
simplement pas à la hauteur. Les
attentes sont dans ces cas plus que raisonnables mais ne
reçoivent aucune
considération. C'est le cas par exemple, d'une femme dont le
procureur ne lui a
jamais parlé, ne l'a jamais rencontrée. Elle n'a eu
aucune information, aucune
préparation de sa part.
Par ailleurs, les connaissances sur le système judiciaire
sont généralement limitées.
C'est le cas également des grands principes qui sous-tendent
notre système de justice
pénale tels la présomption d'innocence et le
concept du «hors de tout doute
raisonnable».
Les agressions à caractère sexuel font partie des
crimes contre la personne. La victime
est bafouée dans son intimité et son
intégrité. Les conséquences sont énormes
et
difficiles. Ses besoins sont infiniment plus grands que la
victime d'un vol de bicyclette.
Elle est très affectée émotivement et le passage
à la cour est pour elle très difficile.
Elle devra notamment étaler sa vie privée, sa
crédibilité sera mise en doute, elle se
sentira jugée, etc.
«Je ne m'attendais pas à trouver
une thérapeute, un
avocat, c'est un avocat, je me serais quand
même
attendue à trouver un peu de chaleur et de
compréhension.» N.
Pour les victimes, il est important de créer un lien de
confiance avec le procureur
chargé de leur dossier. Elles souhaitent retrouver davantage
qu'une relation d'affaire.
Elles s'attendent notamment à trouver de la
compréhension. Elles s'attendent à être
traitées avec chaleur. De plus, elles souhaitent un minimum
de disponibilité et de
confidentialité.
«Tu parles avec les enquêteurs ou tu es dans
le bureau
des procureurs et tu entends plein de noms de victimes
et des bouts de leur histoire, j'ai su toutes les
histoires
qui se passaient dans ma ville. Là maintenant quand il
rencontre une nouvelle victime c'est peut-être
mon
histoire qu'il raconte, ça rend super
inconfortable.» C.
«Qu'est-ce qui allait se passer ce n'est pas le
procureur
qui me l'a dit mais les journaux, c'est vrai des
fois je
lisais le journal et apprenais des choses. Le
journal
avait les informations avant moi, c'est pas
drôle.» C.
Les procureurs n'arrivent pas toujours à combler les
besoins de support et
d'information ressentis par les victimes. Plusieurs facteurs font
en sorte que leur
travail ne s'effectue pas dans des conditions optimales. Ceci
fait en sorte que la
satisfaction exprimée par les plaignantes est très
variable.
«Ma procureurs dépassait mes attentes, elle
prévenait
mes besoins et me rassurait avant, c'était
très aidant.»
M.
«J'aurais aimé minimalement rencontrer mon
procureur.» S.
D'abord, il faut savoir que les dossiers d'agression à
caractère sexuel constituent une
tâche plus lourde. Ce sont des dossiers plus
exigeants au niveau professionnel
comme au niveau personnel. Il y a donc d'une part, un manque de
temps et, d'autre
part, un manque de ressourcement.
«Ce qui rend notre travail difficile, c'est le
manque de
temps. Souvent, j'essaie de penser de prendre
des
rendez-vous quelques semaines avant. Mais c'est
difficile, souvent tu es retenu en cour et tu
arrives dans
ton bureau les bras chargés de dossiers et les
gens
t'attendent depuis une heure et tu dois te plonger
dans
leur dossier. C'est la réalité et il faut
vivre avec...» Un
procureur
Malheureusement, le système judiciaire à l'heure
actuelle n'est pas en mesure de
diminuer le «case load» des procureurs ayant plusieurs
dossiers d'agressions sexuelles.
Résultat: les procureurs manquent de temps, ne sont pas
satisfaits et la surcharge de
travail et la difficulté des dossiers mènent rapidement
à l'épuisement. Le contexte fait
en sorte qu'il est très difficile pour eux d'apporter aux
victimes d'agressions sexuelles
l'attention particulière que leur dossier requiert. II n'est
pas facile d'entendre des
histoires d'horreurs ou de constater son impuissance devant une
insuffisance de
preuve. On oublie parfois que ceci est exigeant au plan
émotionnel et qu'il est
souhaitable d'avoir des lieux d'échanges et de ressourcement
face à ces situations
difficiles. Or, le milieu juridique prête très peu
à cela au détriment de ceux travaillant
dans des dossiers particuliers telles les agressions
sexuelles.
D'énormes efforts sont actuellement consentis afin de
construire un réseau permettant
aux procureurs traitant des dossiers d'agressions à
caractère sexuel d'échanger des
informations sur la jurisprudence, les nouvelles tendances, les
experts, etc. Le manque
de ressources rend cette tâche parfois difficile. Par
exemple, il n'est pas toujours
possible pour les procureurs de faire venir les experts
nécessaires pour appuyer leur
preuve, faute d'argent.
Les conditions de travail des procureurs ne sont donc pas
optimales. La lourdeur de
la tâche, le manque de temps, de partage et de ressources
font en sorte qu'il ne leur
est pas toujours possible d'offrir le maximum à la
plaignante.
/ Trucs et conseils
Aux victimes
Vous devez, de votre côté, faire la réflexion
nécessaire afin que vos attentes
concernant votre relation avec le procureur soient
réalistes. D'abord, rappelez-
vous qu'il n'est pas votre avocat. Il travaille pour l'État.
Demandez-lui de
vous expliquer les grands principes qui régissent notre
droit pénal. Demandez-
lui aussi quel est le rôle qu'il est prêt à jouer
auprès de vous. Gardez en tête
que souvent, pour des raisons en dehors de son contrôle, tel
une surcharge de
travail, il devra s'en tenir au strict minimum. Toutefois, le
minimum ne veut
pas dire rien du tout. Il est possible, en respectant les limites
que le système
impose, d'établir une relation de confiance. Par ailleurs,
vous n'avez pas le
choix du procureur qui est assigné à votre dossier, il
peut donc arriver que
vous ne vous entendiez tout simplement pas avec cette personne.
Tirez-en le
meilleur et sachez que c'est un professionnel dont le travail ne
sera pas entravé
par un conflit de personnalité. Encore une fois, essayez de
vous informer et de nommer vos besoins. Si vous n'obtenez pas de succès
auprès de votre
procureur, vous pouvez aller chercher du support à
l'extérieur auprès d'un
centre d'aide par exemple. En outre, si le travail du procureur
vous apparaît
nettement inacceptable, vous pouvez vous adresser par écrit
au procureur en
chef. Notez toutefois que ceci constitue une mesure
extrême.
Aux procureurs
La première étape auprès des victimes
d'agression à caractère sexuel est
d'établir un lien de confiance. Elle doit avoir la
conviction que vous allez tout
faire pour sa cause. Bien sûr, c'est une manière de
dire les choses puisque
vous n'êtes pas son avocat, elle n'est qu'un témoin. Il
est important que vous
lui donniez l'explication concernant votre rôle, le sien et
les grands principes.
Mais vous devez admettre que votre explication restera un peu
abstraite, qu'il
y a bien des chances que dans les faits la plaignante continue
à vous percevoir
comme son avocat, comme celui qui défend sa cause. Par
ailleurs, elle ne
connaît probablement pas les difficultés
rattachées à l'exercice de votre
profession, vous pouvez lui en faire part, elle ajustera ses
attentes en
conséquence. En ce qui vous concerne personnellement, ce
serait peut-être
une bonne idée de discuter avec des collègues d'une
manière de vous donner
du support mutuel autant sur le plan professionnel que
personnel.
Dans certains districts judiciaires, on retrouve des
équipes spécialisées de procureurs,
c'est-à-dire qu'un certain nombre d'entre eux sont
affectés uniquement ou
majoritairement à des dossiers d'agressions à
caractère sexuel ou de violence envers
les femmes et les enfants. Cette formule comprend évidemment
l'avantage inhérent
à toute spécialisation, c'est-à-dire une plus
grande expérience et une plus grande
connaissance. La poursuite verticale consiste à ce
qu'un même procureur ait un
dossier du début des procédures jusqu'à la fin. Il
arrive à l'occasion, que la quantité
de dossiers, les congés de maladie, l'horaire des juges,
etc., fassent en sorte que cette
formule ne soit pas possible.
En général, les victimes sont favorables à ces
deux pratiques. Le concept d'équipe
spécialisée inspire confiance. C'est un peu comme aller
voir un neurologue pour un
problème épineux plutôt que de consulter un
médecin généraliste. Toutefois, les
femmes qui n'ont pas eu un procureur spécialisé n'en
sont pas ressorties insatisfaites
pour autant. En ce qui concerne la poursuite verticale, la
majorité des femmes
s'entendent pour dire que c'est l'idéal.
«Même si je n'aimais pas particulièrement
mon
procureur, j'aimais en avoir seulement un parce
qu'à la
longue tu établies un lien un peu plus grand,
à la cour
ce sont tous des visages différents, c'est
réconfortant de
voir un visage connu, quelqu'un avec qui tu
établies un
lien de confiance.» N.
Par ailleurs, les victimes restent réalistes par rapport
à la poursuite verticale et
admettent que cela ne soit pas toujours possible. Même dans
les districts où la
poursuite verticale est pratique courante, il arrive qu'il y ait
un changement de
procureur. Bien que très populaire auprès des
plaignantes, la poursuite verticale pose
des exigences très grande quant à la disponibilité
des procureurs. En outre, cette
pratique n'exclut pas tout changement puisqu'il arrive que pour
des raisons de
maladies ou autres, un procureur doive se faire remplacer. Dans
ce cas, l'important
pour les femmes réside dans le fait d'être
prévenue qu'il y aura un changement.
«Je n'avais pas été prévenue que mon
procureur était
tombé malade et je suis arrivée en cour
le matin et il
n'était pas là, j'ai capoté, tout
s'écroulait C'était très
angoissant.» M.
Comme nous l'avons mentionné précédemment, les
dossiers d'agressions à caractère
sexuel sont parmi les plus exigeants. La possibilité
d'épuisement et de surmenage est
donc plus élevée .pour les procureurs
spécialisés dans ce genre de dossier. Si les
contraintes reliées à ce type de dossier -tel le fait
qu'il demande plus de temps, plus
de ressourcement- étaient palliées, les équipes
spécialisées constitueraient
probablement l'idéal.
/ Trucs et conseils
Aux victimes
Ces pratiques relèvent du fonctionnement de chaque
district judiciaire, vous
n'avez donc pas le choix. Le seul élément sur lequel
vous pouvez agir est le
changement de procureur. En effet, demandez dès le
début qu'on vous
prévienne d'avance pour chaque changement qui doit avoir
lieu. Essayez de
prendre un rendez-vous avec votre nouveau procureur avant la
procédure en
cour. Une rencontre à son bureau permettra plus facilement
d'établir un lien
de confiance que quelques minutes dans un corridor de palais de
justice.
Aux procureurs
Expliquez dès le départ à la plaignante quelle
est votre situation. Lorsqu'il n'y
a pas de poursuite verticale dans votre district, prenez quelques
minutes de plus
pour lui expliquer que ceci ne se fait pas au détriment de
son dossier. De plus, si possible, il serait gentil que vous la présentiez
vous-même au procureur qui
prendra la relève. La transition se fera plus
facilement.
«Ça a été bénéfique pour
moi de rencontrer mon
procureur, ça m'a rassuré de voir que
c'est du monde
quand même!» M.
La rencontre constitue une étape primordiale pour
les victimes. En effet, nous
avons mentionné déjà à plusieurs reprises le
besoin d'information et de support dont
elles ont besoin. Or, c'est à travers le contact personnel
avec le procureur que cela
s'effectue. Malheureusement, les contraintes que vivent les
procureurs font en sorte
que cette étape est souvent escamotée ou
négligée. Souvent, les rencontres
préalables se limitent à quelques minutes
dans le corridor au palais de justice. Nous
l'avons dit plus tôt, les cas d'agressions à
caractère sexuel exige plus de temps à ce
chapitre. Néanmoins, la rencontre entre le procureur et la
plaignante est essentielle
pour les deux. En effet, la rencontre sert d'abord
à établir un lien, à faire
connaissance, mais elle est très utile pour partager les
informations et faciliter le
témoignage.
L'autre aspect important est le suivi assuré par
le procureur concernant le dossier.
Ce suivi peut s'effectuer par téléphone ou en personne.
L'essentiel est que
l'information concernant l'évolution du dossier soit
transmise à la plaignante.
«J'avais beaucoup d'attentes face à la
rencontre avec la
procureure. Je pensais que j'aurais des
informations.
En fait, ce qui est arrivé, c'est elle qui a
pris des
informations dont elle avait besoin pour son
dossier
mais ne m'a rien donné. Il aurait fallu que ce
soit
moitié-moitié.» N.
Nous l'avons dit précédemment la victime d'agression
à caractère sexuel trouve en
général très difficile son passage à la cour.
La relation qu'elle a avec le procureur joue
pour beaucoup dans son appréciation. Si elle a été
bien informée et bien préparée,
particulièrement au contre-interrogatoire, l'expérience
est habituellement plus positive.
Elle s'attend en premier lieu à ne pas être jugée
par le procureur et elle veut être
crue. Elle a besoin d'en connaître un peu plus sur celui ou
celle en charge de son
dossier. Elle a besoin de savoir que le procureur fera le maximum
pour ce dossier.
Mais elle désire également ne pas se sentir comme un
dossier, comme un numéro...
«C'était important pour moi de suivre toutes
les
procédures, ça me demandait du
«guts» mais ça m'en
donnait aussi, ça permettait de reprendre du
pouvoir
un peu. Ils peuvent tout faire sans toi, il ne faut
pas
que ce soit juste un dossier, je voulais qu'il voit
qu'il y
a du monde derrière tout ça. Mon
procureur avait de
la misère à comprendre pourquoi je voulais être
là.»
M.
Par ailleurs, les craintes quant au témoignage et au
contre-interrogatoire sont
nombreuses. La plaignante craint ces moments parce qu'elle fait
face à l'inconnu.
Elle n'a aucune idée du déroulement ou des questions
qui lui seront posées. Elle a
peur d'avoir des pertes de mémoire, peur de se faire juger,
peur de se parjurer suite
au harcèlement de l'avocat de la défense. Elle a besoin
d'être préparée à ce qu'elle
va vivre. Elle a besoin d'être informée sur la
manière d'agir, la manière de s'exprimer,
comment répondre aux questions, que faire lorsqu'elle ne
comprend pas la question.
Elle craint d'être jugée si elle éclate en sanglot
ou si elle exprime sa colère, etc.
De plus, le suivi de la cause est très important pour la
victime. Ainsi, elle souhaite
que le procureur l'appelle pour lui dire où en sont les
procédures. Elle veut être
informée des délais par exemple. Elle veut recevoir du
feedback sur son témoignage
ou sur le contre-interrogatoire.
La rencontre et le suivi sont tout aussi essentiels pour le
procureur. La préparation
des témoins est considérée par le Barreau du
Québec comme un aspect primordial.
Des notions concernant cet aspect sont d'ailleurs enseignées
au Barreau [Barreau du
Québec, 1994]. Les procureurs savent qu'il serait très
utile pour leur travail de
rencontrer la plaignante. Ceci leur permet principalement de
préparer adéquatement
la plaignante en tant que témoin principal.
«Ma priorité quand je rencontre une victime
est de
mettre carte sur table, je ne leur fais pas de
promesse,
je leur dit que ça va être dur, que ce
n'est pas facile.
Quand il y a du positif, je leur dit aussi, profites-en
aujourd'hui tu es la seule sur le rôle, etc.
Il faut
donner l'heure juste.» Un
procureur
/ Trucs et conseils
Aux victimes
Si vous désirez rencontrer le procureur, vous devez en
faire la demande. Ne
vous étonnez pas si le procureur a du retard ou s'il doit
vous consacrer moins
de temps que prévu. Il n'a parfois pas le contrôle de
son agenda, il peut être
retenu à la cour par exemple. Préparez vos questions
d'avance afin de
maximiser votre temps avec lui. Essayez d'identifier vos
principales craintes
afin d'en discuter avec le procureur et, si possible, trouver des
solutions. Par
exemple, si vous craignez de rencontrer l'accusé dans les
corridors et qu'il n'y
a pas de salles pour les témoins, il pourra peut-être
trouver une alternative.
Si vous désirez que le procureur vous informe à chaque
étape du procès, vous
devez le lui préciser. Attendez-vous à ce que ce suivi
s'effectue par téléphone,
c'est un moyen plus simple et plus rapide. Écrivez dans
votre agenda les dates
concernant le procès et si vous n'avez pas de nouvelles
à ces moments, appelez
vous-même le procureur. Si toutefois le suivi
téléphonique ne convenait pas
à vos besoins, demandez un rendez-vous au procureur. Ne
craignez pas de
demander des précisions ou des explications
supplémentaires si nécessaire, c'est
le rôle du procureur de vous informer et de vous
préparer à votre témoignage.
Par ailleurs, il ne faut pas vous étonner si dans la
préparation du témoignage,
le procureur aborde des questions telles votre langage ou votre
tenue
vestimentaire à la cour. En effet, il s'agit d'un milieu
très conservateur et le
décorum à la cour est plutôt formel. Par
conséquence, il peut, par exemple,
vous suggérez une tenue vestimentaire plus sobre.
Enfin, lorsqu'arrivera le moment de témoigner, vous
devrez vous identifiez à
la cour c'est-à-dire donner votre nom et votre adresse. Si
vous le désirez, vous
pouvez demander la permission au juge de le faire par écrit
plutôt qu'à voix
haute. De plus, durant votre témoignage, n'hésitez pas
à demander une pause
ou encore à demander la reformulation d'une question.
Aux procureurs
D'abord, la rencontre vous permet de vous assurer que la
plaignante a les
connaissances nécessaires sur le système judiciaire.
Elle donne également
l'occasion de l'informer sur la manière de se comporter et
de parler, par
exemple: éviter les expressions vagues telles «il me
semble que...», regarder le
juge lorsqu'elle parle, etc. C'est le moment de parler avec elle
de son
témoignage, de revoir les faits et, si nécessaire, de
relire les versions antérieures
de son témoignage, etc.
«Ma procureure s'attendait à ce que
durant mon
témoignage je sois calme et triste mais je
n'avais pas le droit d'être en colère ou impatiente. Il faut
que tu es
l'air d'une victime mais ils te prennent comme
témoin...» N.
«Je me suis faite engueulée parce que j'ai
parlé de mes
tentatives de suicide en cour, ils m'ont dit d'en
dire le
moins possible mais de rien dire ça te fait violence,
c'était le même dit rien que quand j'étais petite,
c'était
une autre agression, la loi du silence.»
N.
Il faut également penser à lui expliquer quelques
règles de la Cour et les règles
d'interrogatoire. Par exemple, il peut être fort utile
d'expliquer à la plaignante
quand et pourquoi vous émettrez des objections. Certaines
femmes dont la
vision du système judiciaire correspond à celle des
films américains peuvent
croire à l'incompétence du procureur si celui-ci ne
soulève jamais d'objections.
Pour calmer les craintes de la plaignante concernant
l'accusé, vous pouvez lui
rappeler qu'elle n'a pas à donner son adresse à voix
haute. Prévenez-la
d'avance de la règle de l'exclusion pour qu'elle sache
qu'elle devra attendre à
l'extérieur de la salle d'audience. En ce qui concerne le
contre-interrogatoire,
il serait très apprécié de la plaignante que vous
la préveniez du genre de
questions que l'avocat de la défense peut poser et quels
sont les trucs qu'il peut
employer pour la déstabiliser. Le choc en sera moins grand.
Aussi, il est
recommandé que vous portiez attention à votre langage,
le jargon juridique
peut en perdre plus d'un, essayez de vulgariser le plus
possible.
II est certes difficile de concilier le peu de temps dont vous
disposez avec une
préparation parfaite d'un témoin. Il est toutefois
important pour la plaignante
d'avoir avec vous au moins une rencontre à votre bureau. Si
vous ne pouvez
pas en faire davantage, expliquez-le lui. Mais surtout
rappelez-vous que vous
pouvez accomplir énormément avec de petits gestes
réconfortants comme lui
offrir un mouchoir ou un verre d'eau durant son
témoignage, comme être
attentif au fait qu'elle ne se retrouve pas face à face avec
l'accusé. De simples
gestes attentionnés peuvent accomplir énormément
puisqu'ils apporteront du
réconfort à la plaignante. Celle-ci sera mieux
disposée à témoigner, elle vous
fera davantage confiance, etc.
L'accompagnement des victimes d'agression à
caractère sexuel à la cour est offert par
certains organismes qui viennent en aide aux victimes, comme les
CALACS (centres
d'aide et de lutte contre les agressions à caractère
sexuel) et les CAVAC (centres
d'aide aux victimes d'actes criminels). Ces organismes aident
les victimes à se
préparer à la cour. Ils leur donnent
l'information nécessaire sur le système
judiciaire et leur apportent le support émotionnel
dont elles ont besoin. Le fait
d'être accompagnée peut être très aidant pour
la victime. Elle a quelqu'un à ses côtés
qui peut lui apporter du support et des informations sur le
déroulement du processus,
et ce, en tout temps. De plus, l'accompagnatrice peut lui
faciliter certaines choses par
exemple en se posant en écran physique entre elle et
l'accusé pour éviter que ce
dernier ne l'intimide ou encore en la tenant informée de ce
qui se passe. Elle peut
donc pallier, en grande partie, au peu de temps que le procureur
peut consacrer à la
victime.
«Je n'aurais pas tout fait ça si je n'avais
pas été
accompagnée d'une intervenante.»
M.
Bref, l'accompagnement dans les différentes étapes
du processus, allant de la
rencontre avec le procureur jusqu'au procès, est fort utile
pour les victimes comme
pour les procureurs. Il faut préciser que le fait qu'une
victime ait reçue de l'information par l'entremise d'un organisme ne la dispense
pas de la rencontre avec
le procureur.
«Lorsque je reçois la victime, la
première chose qui me
vient à la tête est: est-ce que cette
personne sait qu'on
est dans un système où il faut prouver
hors de tout
doute raisonnable, que c'est nous qui avons le
fardeau
de la preuve, que le juge ne connaît rien de
son histoire
et qu'elle devra la raconter en détails. C'est
à ce
niveau là que les accompagnatrices sont
très utiles
puisque souvent les victimes arrivent
déjà toutes
préparées, elles savent tout
ça.» Un procureur
Ainsi, si la victime a déjà les connaissances de
base sur le système judiciaire, le
procureur peut se concentrer sur les aspects juridiques de la
préparation du témoin.
Les attentes de la victime accompagnée par une intervenante
sont généralement plus
réalistes. De plus, les dossiers d'agressions à
caractère sexuel étant souvent plus
exigeants sur le plan émotif, l'expérience de
l'accompagnatrice peut être bénéfique.
Il existe d'autres types de ressources pouvant renseigner les
victimes. C'est le cas du
programme Infovac mis sur pied par le Ministère de la
justice et destiné à informer
les victimes d'actes criminels impliquées dans le
système judiciaire. Ainsi, lorsque des
accusations sont officiellement portées contre l'agresseur,
la victime reçoit une lettre en
faisant état. Cette dernière est accompagnée de
deux brochures dont l'une vise à les
informer des tenants et aboutissants du processus judiciaire et
l'autre à faire connaître
aux victimes leurs droits, leurs recours et les ressources à
leur disposition. Une
«déclaration de la victime» est également
jointe à l'envoi. Cette dernière est conçue
pour que la victime puisse faire état des séquelles que
lui a laissé l'agression. Il n'est pas
obligatoire de remplir cette déclaration, mais cela peut
toutefois s'avérer très profitable
pour les victimes. De plus, si elles sont assignées à
témoigner à la cour, une brochure
évoquant leur rôle en cour criminelle accompagnera
l'assignation.
Finalement, une dernière lettre est envoyée suite au
prononcé du jugement. Celle-ci
fait part des conclusions retenues par la juge et du verdict
qu'il a rendu. Cette lettre
est accompagnée d'une brochure relative aux sentences et
à leur suivi. II est bien
évident que ces brochures ne peuvent remplacer
l'intervention du procureur et les
contacts qu'il est possible d'entretenir avec lui, mais, à
tout le moins, elles reflètent
bien le système de justice criminelle canadien et sont une
source importante
d'informations.
/ Trucs et conseils
Aux victimes
Vous pouvez choisir d'être accompagnée d'une
intervenante, d'une amie ou
d'une parente. Plusieurs personnes à la fois peuvent vous
accompagner.
Sachez seulement que l'intervenante est sans doute la mieux
placée pour vous
donner des informations sur le système judiciaire. Elle est
celle qui peut vous
rassurer lorsque quelque chose d'inconnu se déroule. Ce ne
sont pas tous les
procureurs qui acceptent la présence d'une accompagnatrice.
Informez-vous
auprès de celle-ci, elle connaît généralement
bien les habitudes des procureurs
de votre région. Toutefois, on ne peut pas vous refuser que
quelqu'un vous
accompagne sauf en cas de huis clos. En effet, lorsqu'il y a un
huis clos, le
juge peut exiger que celui-ci soit complet et que
l'accompagnatrice attende à
l'extérieur. Vous pouvez en tenir compte dans votre
décision concernant le
huis clos (voir section 4.1.3 concernant cet aspect). Ce
problème se pose
particulièrement dans le cas des adolescentes. En effet,
celles-ci ont droit au
huis clos mais doivent parfois y renoncer pour
bénéficier de la présence de leur
mère, par exemple.
Aux procureurs
La présence d'une accompagnatrice peut faciliter votre
travail. En effet, celle-
ci peut assumer l'aspect émotif, celui qui contribue le plus
à alourdir votre
dossier et qui ne fait pas partie de votre tâche. Certains
procureurs réfèrent
les plaignantes dans les centres d'aide afin que celles-ci
puissent trouver le
support émotif dont elles ont besoin et qu'ils ne peuvent
pas leur donner eux-
mêmes. D'ailleurs, les plaignantes apprécient
énormément qu'on les réfère car
elles ne connaissent pas toujours les ressources disponibles et
en ont
grandement besoin. Il serait sans doute plus facile de
référer les plaignantes ou
d'accepter la présence d'une accompagnatrice si vous
connaissez ces
organismes. Si vous le jugez nécessaire, essayez de prendre
contact avec eux
ou faite leur connaître votre ouverture.
Dans le passé, la femme victime d'une agression à
caractère sexuel était aussi souvent
victime de préjugés grossiers quant à son
consentement, sa manière de s'habiller,
etc. Souvent, on jugeait qu'elle avait couru après son
propre malheur. Aujourd'hui
les préjugés se sont transformés, ils sont
beaucoup plus nuancés mais toujours présents.
La société dicte un certain nombre de règles que
la femme ne doit pas transgresser.
Si elle ne respecte pas ces normes, on remet en question la
valeur de son
consentement. Heureusement, le législateur fait
désormais appel à la prudence et
nous rappelle que l'on ne doit pas déduire du consentement
[Hudon et al., septembre
1994a]. Il est évident que les procureurs, en tant que
membres de la société,
peuvent eux aussi véhiculer certains préjugés
à l'égard des agressions à caractère sexuel. Les procureurs examinent leurs dossiers avec ce qu'ils
sont et ce qu'ils
pensent. Ils doivent tenter de rester objectifs mais il est
parfois difficile de ne pas
franchir la zone qui les sépare des préjugés.
Toutefois, le travail des procureurs les
confronte à cette réalité et les met en contact
avec des groupes venant en aide aux
victimes. On est donc en mesure de s'attendre à ce qu'ils
soient généralement mieux
informés.
Les victimes ont besoin de se sentir crues et non jugées
par le procureur. Elles se
sentent très seules dans ce processus et ont besoin de
pouvoir compter sur lui. Il est
très décourageant pour une victime de devoir justifier
les circonstances entourant son
agression, de devoir démontrer au procureur qu'elle est
victime d'un acte criminel
et qu'elle ne l'a pas provoqué.
/ Trucs et conseils
Aux victimes
Si vous êtes victimes de préjugés de la part du
procureur, vous devrez prendre
le temps de lui expliquer ce qu'il en est vraiment. Vous vous
retrouvez en
quelque sorte avec la responsabilité d'expliquer ce qui vous
est arrivé et de le
vivre. Toutefois, vous aidez sans doute les prochaines victimes
qui se
retrouveront devant des procureurs ayant une meilleure
compréhension de la
problématique. Vous pouvez faire appel à un centre
d'aide afin qu'il vous
supporte dans cette démarche.
Par le passé, les victimes se faisaient questionner sur
leur comportement sexuel
antérieur. Aujourd'hui, vous n'avez plus à craindre que
la défense présente une
preuve liée à votre comportement sexuel. Effectivement,
des changements législatifs ont été apportés au Code
criminel de façon à contrôler
l'admissibilité
de cette dernière. À cet égard, très peu de
requêtes sont faites puisque la
présentation de cette preuve s'avère rarement
pertinente. En ce qui a trait à vos
dossiers personnels tels que vos notes, journaux intimes,
agendas, lettres, etc,
sachez que la défense pourra en prendre connaissance, en
vertu de la
communication de la preuve, si la Couronne les inclut à son
dossier. Il est donc
important de ne pas remettre à la police ou à la
Couronne les documents que
vous ne voudriez pas que l'accusé consulte.
Il est également utile que vous sachiez que lorsque
l'avocat de l'accusé vous
téléphone ou désire vous rencontrer, vous
n'êtes jamais tenues de répondre à ses
questions ou d'accéder à ses demandes.
Aux procureurs
Une meilleure compréhension de la problématique des
agressions à caractère
sexuel éliminera peu à peu les préjugés
à l'égard des victimes. Il est donc
nécessaire que vous vous informiez et que vous restiez en
contact avec les
organismes travaillant auprès des victimes. Si vous
détectez des préjugés chez
vos collègues, prenez le temps d'en discuter avec eux. Ceci
fera une grande
différence pour les plaignantes qui se sentiront mieux
accueillies dans le système
judiciaire.
Les conséquences reliées à une agression à
caractère sexuel peuvent être d'ordre
physique et/ou psychologique. En cour, il est
généralement facile, voire souhaitable,
de présenter en preuve les conséquences
physiques qui sont visibles et facilement
vérifiables. Pourtant, les conséquences
psychologiques sont nombreuses et souvent
beaucoup plus douloureuses mais aussi plus souvent absentes des
procès.
«Moi, j'ai fait beaucoup, beaucoup de tentatives
de
suicide parce que c'était
intolérable ce que mon père
m'a fait vivre de bébé à l'âge
de 16 ans, ce qui
ressortait c'est que j'avais un équilibre
psychologique
instable. C'est sûr que quand tu vis ça
tu as un
équilibre psychologique instable. Ils m'ont
fait passer
pour folle!!» N.
Par conséquent, il faut tenir compte que les femmes qui
entreprennent des démarches
judiciaires vivent des conséquences psychologiques suite
à l'agression. Ces
conséquences, elles les vivent ou les ont vécu avec
beaucoup d'intensité. Ce sont
pour elles, en quelque sorte, une démonstration de
l'agression dont elles ont été
victimes. Elles veulent que la cour sache ce qu'elles ont
vécu ou ce qu'elles vivent.
«Je sais que vous voulez juste savoir les fois
où c'est
arriver mais moi je veux vous dire toutes les fois
où j'ai
eu peur que ça arrive. J'avais peur, je ne dormais pas,
j'étais incapable de fonctionner...»
N.
Les conséquences sont très rarement utilisées
comme élément de preuve puisqu'elles
n'amènent pas un lien certain. Par exemple, il est
difficile de démontrer que
l'anxiété que vit la victime est directement liée
au fait qu'elle a subi une agression
sexuelle. Il n'existe malheureusement que très peu
d'études scientifiques qui font état
des conséquences psychologiques des agressions à
caractère sexuel. Il n'y a donc à
peu près pas de moyen pour le procureur de présenter
les conséquences dans sa
preuve.
Les recherches à cet égard sont encore trop peu
nombreuses. Cependant, elles nous
apprennent notamment que l'agression sexuelle provoque des
troubles de l'intimité,
des problèmes de santé mentale. L'anxiété,
l'hostilité et les comportements auto-
destructeurs font souvent partie de la vie d'une victime
d'agression sexuelle [Firsten,
1991]. De plus, les victimes d'agression sexuelle sont huit fois
plus susceptibles de
faire des tentatives de suicide et cinq fois plus susceptibles de
faire une dépression
nerveuse [Gordon et Riger, 1992].
Par conséquent, il est nécessaire de rester à
l'affût puisque ce domaine intéresse de
nombreux chercheurs et l'on peut croire que dans un avenir
rapproché, beaucoup de
phénomènes vécus par les victimes d'agression
à caractère sexuel auront une
explication scientifique et pourront être
présentés en cour.
L'expertise est de plus en plus sollicitée par les
tribunaux. En effet, les causes se sont
complexifiées et la venue d'experts est fort utile pour
venir appuyer ou détruire un
élément de preuve. Les experts dans les causes
d'agressions sexuelles sont donc
nombreux. Malheureusement, il ne s'exerce à peu près
aucun contrôle sur la
qualité des expertises produites. En fait, c'est la cour
qui doit juger de celles-ci
mais elle ne dispose pas, la plupart du temps, des outils pour le
faire. Effectivement,
il est difficile pour la cour de juger de la valeur d'un expert
et de ces affirmations
scientifiques puisque cela dépasse les connaissances de la
cour. Il se présente donc des
situations malheureuses où, par exemple, un expert qui n'est
plus reconnu dans une
région, témoignera dans un autre district
judiciaire.
Le manque d'informations et de connaissances des procureurs
constitue également un
problème important. En effet, la plupart des procureurs
n'ont pas la formation
nécessaire pour juger de la valeur d'une expertise et donc
pour contre-interroger
l'expert de la défense. Aux dires des procureurs, il existe
un besoin important de
constituer un réseau d'échanges entre eux à ce
sujet.
Comme il y a beaucoup d'experts dans les causes d'agressions
sexuelles (surtout de la
part de la défense) les procureurs se trouvent
fréquemment confrontés au problème
de l'expertise. Certains nous ont fait part de la difficulté
de trouver de la contre-
expertise. De plus, dans les cas d'agressions sexuelles, il est
très rare que la cour
accepte une expertise autre que celle des médecins et des
psychologues, ce qui limite
l'éventail des démonstrations possibles. Le manque de
ressources est aussi en cause,
car il faut les payer ces experts!
Enfin, la question de l'expertise est assez désarmante
pour les femmes. Celles-ci se
sentent souvent sans recours devant un expert qui l'évalue,
la juge et parfois s'avance
sur la probabilité qu'il y ait eu ou non agression. Elle
sait qu'on donnera beaucoup
de crédibilité à un expert. Or parfois, celui-ci
ne l'a même pas rencontrée pour
l'évaluer et porte un jugement dit «scientifique»
sur ce qu'elle a vécu. Cette situation
crée un grand sentiment d'impuissance chez les
victimes.
/ Trucs et conseils
Aux procureurs
La question de l'expertise est préoccupante.
N'hésitez pas à participer à des
colloques sur cette question. Essayez de vous bâtir un
réseau d'échanges entre collègues de différents districts judiciaires. Le
seul moyen de faire face à
l'expertise est de vous appuyer sur l'expérience des uns et
des autres.
Les survivantes d'inceste constitue près de 60 % de la
clientèle des CALACS
[Les agressions sexuelles, ça suffit!, 1993]. Les demandes
de leur part se sont
multipliées dans le réseau de la santé et des
services sociaux mais aussi dans le
système judiciaire. Plusieurs survivantes d'inceste
choisissent de dénoncer leur
agression des années plus tard. Ceci complique le processus
judiciaire. En
effet, il faut alors tenir compte au niveau juridique des
changements législatifs,
puisque la poursuite se fera sur les chefs d'accusation du moment
où a eu lieu
l'agression (pour en savoir plus à ce sujet consulter le
document «Recours
criminels dans les cas d'abus sexuels dans l'enfance» du
Regroupement
québécois des CALACS). De plus, l'enquête est
souvent plus difficile, des
témoins sont décédés, des preuves ont
été détruites, etc...
Pour les procureurs, les causes des survivantes d'inceste
ressemblent souvent
au procès d'une vie; il est alors difficile de faire la part
des choses. De plus,
ce sont souvent des causes plus complexes puisque la preuve est
différente et
qu'ils doivent se référer à des accusations et des
règles de droit du passé. Ce
sont des dossiers souvent plus difficiles sur le plan émotif
puisque l'on parle
d'agressions s'échelonnant sur plusieurs années et qui
impliquent souvent
plusieurs membres de la famille. Du point de vue des victimes,
dénoncer après
tant d'années s'avère également un choix
difficile.
«J'ai dénoncé parce que je sentais
beaucoup de danger
pour ma nièce qui avait beaucoup de
symptômes, je
l'ai surtout fait pour la protéger.»
N.
Plusieurs des femmes que nous avons rencontrées ont
mentionné qu'elles ont
choisi de dénoncer l'agresseur parce qu'il menaçait la
deuxième génération.
Elles ont dénoncé davantage pour protéger cette
génération, pour qu'il cesse
de faire du mal plutôt que pour elle-même.
Souvent, elles craignent de ne pas se rappeler de tous les
détails. En effet, la
cour s'attarde aux faits et est donc pointilleuse sur les dates,
les âges, les gestes,
etc. Il est parfois difficile de se rappeler avec exactitude ce
genre de détails.
Elles se souviennent des gestes mais pas nécessairement du
nombre de fois où
l'agresseur les a posés. Il y a également la crainte
d'être jugée. Dans les cas
des survivantes d'inceste, plusieurs se questionnent sur le fait
qu'elles n'aient
pas parlé avant, pourquoi elles acceptaient des cadeaux,
etc.
«Ma procureure m'a demandé pourquoi je n'ai
pas dit
non à mon père. La première fois que
j'ai essayé de lui
dire non, il a failli me tuer. Une fille apprend
vite, tu
sais que tu te sauves la vie.» N.
Par ailleurs, de nombreuses études démontrent des
conséquences importantes
pour les survivantes d'inceste telles une plus grande
dépendance à l'alcool et
aux drogues [Pauzé et Mercier, 1994]. Selon une étude
torontoise, parmi les
femmes hospitalisées en psychiatrie, on retrouve deux fois
plus de victimes
d'inceste que dans la population en général [Firsten,
1991]. En outre,
plusieurs aspects sont encore peu étudiés comme
l'acuité sensorielle, le
syndrome post-traumatique, tout ce qui concerne l'oubli, en tout
ou en partie,
de l'expérience. Comme le font remarquer Pauzé et
Mercier [1994], certaines victimes d'inceste présenteront des
symptômes qu'une fois rendues
à l'âge adulte. Ces phénomènes méconnus
sont souvent source de préjugés à
l'égard des survivantes d'inceste. Lors de nos rencontres,
une femme
rapportait qu'à la cour, on ne l'a pas cru lorsqu'elle a
rapporté entendre les
tintements du verre d'alcool de son père contre le
sous-verre, à l'autre bout
de la maison. Pourtant, elle avait développé une
acuité sensorielle puisque ces
tintements signifiaient pour elle une agression imminente de la
part de son
père. Il est donc nécessaire de garder un esprit
ouvert face à ces
phénomènes méconnus et de rester attentif aux
recherches qui pourraient nous
en apprendre davantage.
/ Trucs et conseils
Aux victimes
Du point de vue légal, les causes d'inceste
représente un défi. Il est difficile de
porter un regard d'aujourd'hui sur le passé. Vous serez
confrontées
régulièrement avec cette réalité. Il faudra
vous armer de patience puisqu'il y
a fort à parier que vous devrez prendre le temps d'expliquer
au procureur
certains événements ou gestes qui a ses yeux demeurent
incompréhensibles.
Enfin, souvenez-vous que la tâche du procureur est loin
d'être simple puisqu'il
doit composer avec des dispositions et des infractions
passées et sans doute
avec une preuve altérée.
Aux procureurs
Les cas de survivantes d'inceste décidant de porter
plainte sont de plus en plus
fréquents, il est donc nécessaire de s'y préparer.
II est essentiel de vous rappeler que la femme qui décide de porter plainte des
années plus tard pour
des gestes commis durant l'enfance entreprend un processus
personnel
important. En effet, elle décide de rompre le silence dans
lequel elle vit depuis
des années. Il est primordial que vous fassiez un effort
spécial et soutenu dans
l'acquisition de connaissance sur la problématique de
l'inceste. Restez à l'affût
de la recherche scientifique mais surtout restez ouvert à ce
que la femme vous
exprime. -Certains phénomènes peuvent vous
paraître inhabituels, mais
pourtant, ils font partie de son expérience et méritent
un effort de
compréhension de votre part. Enfin, souvenez-vous toujours
que la femme
devant vous était une enfant au moment où l'abus sexuel
a eu lieu. Cette
enfant n'avait pas les mêmes possibilités et ressources
qu'une adulte.
Les adolescentes sont sans doute les victimes qui demandent le
plus d'attention
de la part des procureurs. D'une part, elles ont davantage de
besoins et
d'autre part, les procureurs les identifient comme la
catégorie qui ment le plus.
En général, on leur attribue un problème de
crédibilité, de fabulation. En
effet, certains pensent que les adolescentes inventent
l'agression sexuelle
comme excuse pour un retard ou par vengeance.
«Moi, une fille qui me dirait qu'elle a tout
inventé, je la
considérerais comme une surfemme, je ne peux
pas
concevoir faire un affaire de même, qu'elle
passe à
travers ça puis en plus qu'elle se mette dans
marde de
même pour le fun.»
C.
En fait, les adolescentes constituent un groupe à risque
d'être victime d'une
agression sexuelle important. La majorité des agresseurs des
adolescentes font
partie de leur réseau social [Tourigny et Lavergne, 1995].
De plus, on estime qu'une adolescente sur six aurait vécu un viol et que 50
% d'entre elles
auraient subi de la coercition sexuelle [Les agressions
sexuelles: Stop, 1995].
La situation est préoccupante.
Les adolescentes choisissant de passer par le système
judiciaire ont besoin
particulièrement d'information afin de démystifier
l'image acquise dans les films
américains.
«l'avais besoin de beaucoup d'explications.»
L
Elles se sentent davantage insécures face au système
judiciaire et ont besoin de
bien cerner ce qui va leur arriver. Elles ont besoin, encore plus
que les femmes
adultes, d'établir un lien de confiance avec le procureur.
Elles ont besoin de
se sentir crues, surtout parce qu'elles sont davantage sensibles
à se faire juger
et aux répercussions dans leur milieu. Par ailleurs, il est
moins facile pour elles
de prendre leur place vis-à-vis l'autorité. Il faut
donc être attentif à leurs
besoins puisqu'elles ne prendront pas leur place aisément.
De plus, leur
langage est différent, souvent hésitant ou cru, lorsque
vient le temps de
nommer des choses au niveau sexuel. Elles ont, par
conséquent, un plus grand
besoin de préparation pour le témoignage. Mais surtout,
elles ont besoin de
plus d'attention et de compréhension de la part du
procureur.
Les procureurs sont généralement prudents avec les
dossiers d'adolescentes car
leur expérience leur a appris que ce sont elles qui mentent
le plus. Ils doivent
donc faire preuve de vigilance et s'assurer de la
véracité des faits rapportés par
l'adolescente. Ils savent qu'ils feront face à un
problème de crédibilité en
cour. De plus, les adolescentes s'ouvrent plus difficilement, ils
doivent donc donner un effort supplémentaire pour qu'elle donne une
version complète des
faits.
«C'était des gars [les policiers]
je ne sais pas pourquoi
je leur aurais fait confiance. J'ai pas tout
raconté au
début, ma dénonciation a commencé
par 2 pages, en
fin de compte ça c'est ramassé à 40
pages. La
procureur de la Couronne m'a apprivoisée,
c'est à elle
que je parlais.» L.
/ Trucs et conseils
Aux adolescentes
Malgré le fait que la situation semble
particulièrement difficile pour les
adolescentes dans le système judiciaire, il ne faut pas
lâcher. Partir un pas en
arrière ne veut pas dire qu'on ne peut pas atteindre le fil
d'arrivée. Par contre,
connaissant les difficultés possibles, if est essentiel
d'être accompagnée par
quelqu'un en qui vous avez confiance. Il ne faut pas vous
décourager, avec le
support adéquat, vous pouvez passer au travers.
Aux procureurs
Le fait qu'une adolescente se retrouve devant vous est
très révélateur. Cela lui
a sans doute demandé beaucoup de courage. Il y a fort à
parier que plusieurs
adultes significatifs l'ont laissé tomber et ne l'ont pas
crue. Elle compte sur
vous. Vous jouez un rôle capital dans la manière
qu'elle établira ses relations
de confiance et ses rapports à l'autorité à
l'avenir.
D'abord, prenez davantage de temps avec elle pour bien lui
expliquer ce
qu'impliqué le processus judiciaire. Expliquez-lui certaines
particularités qui
risquent de la toucher comme le fait de ne pas pouvoir être
accompagnée lors
d'un huis clos. Il est préférable d'entretenir un suivi
plus serré qu'avec une
adulte car il est peu probable que, même si elle en ressent
le besoin, elle
prenne la peine de vous appeler pour avoir davantage de
renseignements. La
préparation du témoignage et du contre-interrogatoire
est essentielle, pour elle
comme pour le dossier. En effet, sa tenue ou son langage pourrait
être
inappropriés pour la cour.
Enfin, si vous ne pouvez pas poursuivre les procédures,
faute de preuves mais
que vous croyez sa version, assurez-vous qu'elle le sait et
qu'elle distingue bien
les deux.
Le verdict est la décision du juge concernant la
culpabilité ou l'innocence de l'accusé.
Il peut être prononcé soit immédiatement
après le procès, soit à une date
ultérieure
fixée par le juge. Dans notre système judiciaire, l'un
des principes de base est que
l'accusé doit être prouvé coupable hors de tout
doute raisonnable. Le fait qu'il
soit acquitté ne veut pas dire nécessairement que le
juge croit que la version de la
victime est fausse.
Dans l'éventualité où l'accusé est reconnu
coupable ou qu'il plaide coupable, le juge
doit déterminer la sentence. Dans sa décision, il doit
prendre plusieurs critères en
considération notamment la gravité du crime, les
circonstances atténuantes, par
exemple, sa participation à une thérapie et les
circonstances aggravantes comme le
risque de récidive. Le juge peut ordonner une amende;
l'absolution
conditionnelle, c'est-à-dire qu'en échange
du respect de certaines conditions,
l'accusé est libéré sans casier judiciaire; une
ordonnance de probation, il purge alors
sa peine en société avec des conditions; le sursis
de sentence qui consiste en une
ordonnance de probation, qui lorsque rompue, peut mener à
une autre peine; ou
finalement l'emprisonnement selon les peines prévues
par la loi.
L'Enquête sur la détermination de la peine,
menée par le Centre canadien de la
statistique juridique, apporte des données récentes sur
ces types de sentences. Alors
que pour l'ensemble des infractions étudiées, un taux
de 29% d'incarcération était
observé, on constate que les agressions sexuelles font
partie des sept infractions pour
lesquelles ce taux était d'au moins 80 %.
L'incarcération dans les dossiers
d'agressions sexuelles est très souvent accompagnée
d'une période de probation. Les
autres types de sanctions sont moins souvent imposés. Parmi
les cas recensés
d'agressions sexuelles simples, 20 % ont eu droit à un
sursis de sentence. La médiane
des sentences, c'est-à-dire le point où la
répartition des sentences se divise en deux, est de 6 mois pour l'agression sexuelle simple, de 2
ans pour l'agression sexuelle
armée et de S ans pour l'agression sexuelle grave. On
constate un écart important
entre les peines imposées et les peines maximales
prévues par le Code criminel, mais
ceci n'est pas exclusif aux agressions sexuelles [Turner,
1993].
Il est possible que la plaignante soit appelée à
témoigner dans une audience de
détermination de la peine (représentations
sur sentence). On lui demandera alors
de faire part des conséquences physiques et psychologiques
de l'agression dans le
cadre cette audience. Il est aussi possible pour la plaignante
d'écrire au juge à ce
sujet, par le biais de la déclaration de la victime,
référez-vous à la section sur le
programme Infovac.
Le verdict et la sentence peuvent provoquer une palette
d'émotions très variées chez
les femmes. En effet, les victimes peuvent ressentir du
soulagement, de la joie, de la
colère, de la révolte, de l'injustice, etc. Ces
émotions sont légitimes et dépendent
énormément de ce que les femmes attendent dès le
départ du système judiciaire.
«Il n'avait pas besoin de faire de la prison tant
qu'il
avouait, au moins je n'aurais pas passé pour
folle.» L
«Je suis satisfaite parce que je me suis
forcée à
décrocher de la sentence, même si on lui
avait donné
dix ans, ça ne m'aurait pas redonner ce qu'il
m'a
enlevé. J'ai le sentiment que justice a
été rendue
parce que j'ai témoigné et j'ai senti que
quelque chose
a passé entre moi et le juge. Le fait de
m'être battue,
que je me sois forcée à prendre ma place
dans le
processus judiciaire m'a redonné du pouvoir.»
M.
«J'ai demandé à témoigner pour que
le juge voit des
victimes, qu'il sente ce qui se passe, la plupart
du
temps, ils jugent sur des choses écrites, ils
ne peuvent
pas sentir ce qu'on vit à partir de papiers
écrits par
d'autres. Je voulais lui dire ce que je vivais, pas
pour
chialer contre l'agresseur mais vraiment
lui raconter
qu'est-ce que je ressentais.» M.
/ Trucs et conseils
Aux victimes
Ne croyez pas que les procureurs sont insensibles au
résultat du procès.
Toutefois, ils ne sont pas impliqués au niveau personnel
mais au niveau
professionnel. C'est donc la conviction d'avoir fait le maximum
qui les rendra
satisfaits. Ils ont aussi moins de chance d'être surpris du
type de sentence
imposé puisqu'ils connaissent bien le système
judiciaire.
Essayez de bien comprendre pourquoi vous avez entrepris les
démarches
judiciaires. Vous aviez sans doute plusieurs motivations qui ont
justifié votre
décision de déposer une plainte, il peut s'agir de
votre désir de dénoncer
publiquement l'agresseur, de le voir en prison, de le voir
admettre sa
culpabilité, etc. Certaines d'entre elles sont comblées
même si la sentence ou
le verdict rendu ne vous satisfait pas pleinement. Le fait que
l'accusé soit
reconnu non coupable ne veut pas dire que le juge ne vous croit
pas, mais
plutôt qu'il subsiste un doute dans son esprit concernant un
ou des éléments
de la preuve présentée.
Par ailleurs, rappelez-vous que vous avez la possibilité
de témoigner ou d'écrire
au juge à l'occasion de l'audience de détermination de
la peine. Le contact
avec le juge vous apportera peut-être le sentiment que vous
n'étiez pas un
numéro ou une cause mais bien une personne victime d'un acte
criminel.
Aux procureurs
II est important que vous soyez réaliste lorsque vous
donnez à la plaignante
votre appréciation des chances de gagner ou de perdre
puisqu'elle croira sans
doute beaucoup à votre diagnostic. Il serait indiqué de
lui faire part des
données sur les sentences et des différents types de
sentence pour lui éviter
d'être surprise et fort probablement déçue si
l'accusé n'a pas de peine
d'emprisonnement. Le fait de savoir que ceci ne s'applique pas
uniquement
aux agressions à caractère sexuel peut aussi être
aidant. Enfin, les femmes
apprécient l'opportunité de s'exprimer sur les
conséquences qu'elles vivent et
qui ont contribué au fait qu'elles ont choisi de
dénoncer. Elles ne savent pas
toujours qu'elles peuvent témoigner, faites-en leur
part.
Lorsqu'un accusé est condamné à passer un
certain temps derrière les barreaux, il lui
sera éventuellement possible d'avoir droit à une
libération conditionnelle. Cette
mesure permet à l'accusé de purger le reste de sa
sentence en société. Elle a pour but
de réintégrer l'individu dans la société
à l'aide de mécanismes de surveillance et de
contrôle. L'information concernant ces futures mises en
liberté ne relèvent pas des
procureurs, mais plutôt des Commissions de
libérations conditionnelles. Celles-ci
accordent de telles libérations en évaluant le risque
que peut représenter le
contrevenant pour la société. Pour ce faire, elles
appuient leur décision sur plusieurs
informations provenant des rapports psychologiques et
psychiatriques, de la police, de
la cour, de la victime, des démarches concrètes de
l'accusé en vue d'actualiser sa
réinsertion sociale, des problèmes sociaux vécus
par l'accusé (alcool, drogues,
violence, etc.), du comportement de ce dernier en détention,
etc.
Il existe deux commissions accordant ce type de
libérations. L'une d'elle, la
Commission québécoise des libérations
conditionnelles a le pouvoir de rendre
des décisions concernant la liberté sous surveillance
des contrevenants purgeant leur
peine dans les établissements provinciaux, c'est-à-dire
ceux dont la sentence est
inférieure à deux ans moins un jour. Pour sa
part, la Commission nationale des
libérations conditionnelles a la
responsabilité des détenus purgeant des peines de
deux ans et plus dans des établissements
fédéraux.
Il est à noter que les libérations conditionnelles,
sous quelque forme que ce soit, ne
sont jamais accordées automatiquement. C'est un
privilège accordé à certains détenus
qui rencontrent des critères très précis. Tout
détenu jouissant d'une mise en liberté
sous conditions peut être réincarcéré s'il ne
se conforme pas aux conditions imposées
par la commission.
/ Trucs et conseils
Aux victimes
II est inutile de contacter le procureur ayant pris en mains
votre dossier afin de
lui demander des informations sur la mise en liberté de
I'accusé. Ils ne sont
pas au courant des mesures de libération. Adressez-vous
plutôt directement
à la Commission québécoise des libérations
conditionnelles ou à la Commission
nationale des libérations conditionnelles selon la sentence
imposée à l'accusé.
Elles sauront vous communiquer les diverses dates
d'admissibilité aux différents
types de libérations ainsi que la teneur des décisions
rendues. Moyennant une
demande écrite auprès des commissions, vous pourrez
obtenir une copie de
la décision relative à la mise en liberté sous
conditions. Au niveau de la
Commission nationale, vous pourrez demander d'être
présente à l'audience de
mise en liberté et les victimes qui le désirent peuvent
être entendues par celle-
ci.
Aux procureurs
Compte tenu de la sentence imposée par le juge à
l'accusé, n'hésitez pas, à la
fin des procédures, à référer la victime
auprès de la commission appropriée.
Rappelez-lui qu'il n'est pas de votre rôle de la tenir
informée du suivi de
sentence. Expliquez-lui brièvement que votre mandat est
désormais terminé
relativement à ce dossier.
«Ça m'a démolie, ça fait trop mal,
tu te fais tellement
rabaissée, tu passes pour la menteuse, la
folle, à force
de te faire rabaisser, tu viens quasiment à
les croire.»
C.
«Ça vaut la peine de le faire parce que
après tu es
libérée, tu es bien, tu t'enlèves la
culpabilité. Mais
heureusement, je suis allée aux renseignements
mais ce
n'est pas la chance de tout le monde.»
J.
«Je me suis sentie niée.» L
«J'encourage les femmes à dénoncer,
à témoigner. Ça
m'a fait du bien. J'ai eu affaire avec des gens humains,
je me considère chanceuse. Mais si c'était à
refaire, je
m'impliquerais plus.» M.
«Je ne voulais pas porter plainte, je ne voulais
pas que
le monde le sache, je ne voulais pas être
jugée.» C.
«Je me dis que pour que le système change, il
faudrait
que toutes les filles qui se font agresser,
téléphone à la
police et leur raconte ce qui s'est passé mais
ne porte
pas plainte. Ils seraient obligés de faire
quelque
chose.» C.
Le faible taux de dénonciation en fait foi, la grande
majorité des femmes ne dénoncent
pas les agressions à caractère sexuel dont elles sont
victimes. Sans la présence de
préjugés à l'égard de cette
problématique dans notre société et avec une plus
grande
confiance dans le système judiciaire, ce taux grimperait
sans doute de façon
significative. Ce guide apporte des réponses à ces deux
préoccupations. Il vise une
meilleure compréhension des agressions à caractère
sexuel et un passage à la cour plus
facile.
Le système judiciaire présente de nombreux obstacles
pour les femmes agressées
sexuellement. Toutefois, lorsque l'on s'y attarde, très peu
de ces obstacles et ces
difficultés sont insurmontables. Même s'ils ne sont pas
les seuls responsables, il n'en
demeure pas moins que les agissements des procureurs
conditionnent bien souvent
l'évaluation que les victimes font du système
judiciaire. Les gestes qu'ils posent ont
un impact important sur le plan émotif et humain de la
victime.
C'est grâce à l'expérience des femmes et des
procureurs qu'il a été possible
d'identifier les actions réalistes et réalisables
devant mener à une expérience judiciaire
plus positive. Ce guide propose avant tout des gestes simples
à poser à la fois par les
victimes et par les procureurs. Ces acteurs ont un rôle
central dans la manière dont
se déroulera l'expérience d'une victime d'agression
à caractère sexuel dans le système
judiciaire.
L'information, la préparation et la compréhension
demeure sans doute les mots clés
d'une meilleure expérience. Il est primordial que les femmes
qui choisissent de
dénoncer leur agression sexuelle à travers le
système judiciaire ciblent mieux leurs
attentes. Il est tout aussi essentiel qu'elles acquiert une
meilleure connaissance du rôle
des procureurs et du système. En se sentant mieux
accueillies dans le système, les
victimes deviennent de meilleures alliées pour les
procureurs. En effet, le travail du
procureur se trouve grandement facilité lorsqu'il fait face
à une victime qui comprend
le système, lui fait confiance et se sent prête à
témoigner. Les victimes d'agression
sexuelle comme les procureurs peuvent bénéficier d'une
collaboration plus étroite.
Ce guide doit servir de pont entre les victimes d'agression
sexuelle et les procureurs.
Il doit également être l'occasion de réaliser les
possibilités d'entraide. Mieux se
connaître et collaborer permettront en bout de ligne de
rendre plus positive
l'expérience des femmes à travers le système
judiciaire et de rendre plus facile la tâche
des procureurs.
Il nous apparaît évident que les victimes et les
procureurs ont un objectif commun.
Ils recherchent une plus grande Justice. Or, en mettant en
application les simples
trucs et conseils contenus dans ce guide, peut-être en
arriveront-ils à obtenir des
échanges plus fructueux et à voir ainsi plus de femmes
dénoncer les agressions
sexuelles dont elles sont victimes.
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