Table des matières

Introduction

Le document que vous consultez témoigne d'une recherche-action entreprise à l'automne 1999 au Carrefour d'éducation populaire de Pointe Saint-Charles. Pionnier en alphabétisation populaire et membre fondateur du Regroupement des groupes populaires en alphabétisation, le Carrefour se caractérise par son engagement et son action conscientisante. La réflexion, la recherche et l'écriture font depuis toujours partie de ses pratiques, et c'est dans la lignée de cette longue tradition que s'inscrit la présente recherche.

Comme partout ailleurs, l'arrivée des nouvelles technologies a beaucoup bousculé les pratiques des animateurs du Carrefour, et ces derniers se sont longuement questionnés avant de se lancer dans la grande aventure. En alphabétisation, nous voulions rendre ces outils accessibles à une population déjà trop marginalisée, mais il fallait trouver le chemin pour le faire. La présente recherche devait nous indiquer comment rendre les logiciels éducatifs accessibles à des adultes inscrits dans une démarche d'alphabétisation populaire.

L'intérêt principal de cette recherche-action vient du fait qu'elle a été menée conjointement avec des adultes en démarche d'alphabétisation. Vous pourrez, grâce à ce document, les voir à l'œuvre et les entendre. Ils nous ont à maintes reprises étonnées, et les résultats de la recherche dépassent largement le cadre des nouvelles technologies.

Le présent document est divisé en trois chapitres. Le chapitre 1 expose le contexte général dans lequel la recherche a eu lieu. On vous présente le Carrefour, ses origines et sa mission. On y parle du développement des nouvelles technologies en termes de questionnements et d'interventions.

Le chapitre 2 présente l'origine de la recherche. Quel a été l'impact des précédents projets, quelles étaient les premières intuitions, les hypothèses de départ. Pourquoi les logiciels éducatifs, quels étaient nos objectifs et à quelles questions nous voulions répondre.

Le chapitre 3, intitulé Une recherche, deux expérimentations, décrit de façon détaillée le déroulement de la recherche. Cette section couvre d'abord les aspects communs à l'ensemble du projet, soit le type de recherche et sa contribution, en plus de faire un rappel de l'objectif général et des objectifs spécifiques. Ce chapitre se scinde ensuite en deux grandes sections intitulées L'an 1 et L'an 2, où sont présentés de façon distincte et consécutive la méthodologie, les résultats obtenus et l'analyse de ces derniers, et ce, pour chacune des deux expérimentations.

La conclusion résume l'ensemble du projet, fait une synthèse des résultats des deux expérimentations et traite des recommandations de l'équipe de recherche du Carrefour.

1. Le contexte

Dans ce chapitre, nous vous présenterons le Carrefour d'éducation populaire de Pointe Saint-Charles. Nous vous parlerons de ses origines, de son développement, de ses activités et de son approche conscientisante. Nous insisterons plus particulièrement sur les moments qui ont marqué l'implantation de l'informatique au Carrefour en général et au secteur alphabétisation en particulier. Nous vous ferons part des principales questions soulevées par ces changements et enfin, nous expliquerons comment et pourquoi nous nous sommes engagés dans la voie de la recherche.

1.1 Présentation du Carrefour

À la fin des années soixante, le Québec voit apparaître de grands mouvements sociaux. La réflexion est le bien de tous, l'action naît dans la rue, les rêves et la réalité se confondent. On façonne l'avenir en bâtissant sur des idées! Les mots changement, réflexion, solidarité, justice, engagement sont sur toutes les lèvres.

Dans les milieux populaires, l'exacerbation des contradictions sociales fait jaillir des revendications dans le domaine du logement, des loisirs, du revenu, du travail, de la santé et surtout de l'éducation.

À Pointe Saint-Charles, un des plus vieux quartiers ouvriers du pays, les adultes inscrits aux cours de français donnés par la Commission scolaire des écoles catholiques de Montréal apprennent à lire dans les mêmes livres que leurs enfants, à l'école de leurs enfants, et sont traités «en enfants». Ils décident de se regrouper pour réfléchir aux besoins des gens du quartier en matière d'éducation.

Bien vite émerge l'idée de fonder un centre où les individus se sentiraient chez eux et seraient considérés comme des adultes, où ils auraient leur mot à dire sur les ateliers, le personnel à engager et les modes de fonctionnement. Un lieu de rencontre pour la population et d'ouverture au monde. Un lieu pour apprendre, réfléchir et agir.

Quelque 30 ans plus tard, le Carrefour est toujours un lieu d'apprentissages divers, d'information et de rassemblement où les adultes du quartier peuvent entreprendre une démarche d'éducation populaire en s'inscrivant à l'un ou l'autre des ateliers offerts.

Les activités du Carrefour sont regroupées par secteurs: artisanat, alphabétisation, interculturel, informatique et action participative. Plus de 150 adultes s'y inscrivent chaque année. Des groupes de 8 à 12 personnes se réunissent chaque semaine pendant au moins trois heures pour participer à des activités diverses. Les ateliers, tous gratuits, comportent un volet apprentissage et un volet discussion, réflexion et prise en charge. La conscientisation passe par les pauses-discussion, qu'on appelle les animations sociales, et qui ont lieu au cours des ateliers; on y discute d'un thème, d'un sujet d'actualité ou d'un événement important qui touche la vie sociale, politique, culturelle. Le matériel pédagogique et la formule de l'atelier peuvent aussi être pensés en fonction de ces thèmes. Les participants et participantes prennent la parole, expriment leur point de vue et prennent activement part à la définition de l'orientation et du contenu des ateliers. Tous les participants sont aussi invités et encouragés à contribuer au développement de leur centre et de leur communauté en assistant aux assemblées générales, en siégeant au conseil d'administration ou en s'intégrant à l'un des différents comités. Tous, sans exception, ont la chance d'exprimer leurs idées et de participer aux prises de décision.

Le Carrefour se définit également par son engagement dans les différentes luttes sociales et par sa participation au sein des regroupements engagés dans le développement de l'éducation et de l'alphabétisation populaire.

1.2 Les moments marquants de l'implantation de l'informatique

En 1989, au moment où nous avons introduit les premiers ordinateurs au Carrefour, personne ne pouvait prévoir l'ampleur des changements que provoquerait l'arrivée de ces nouveaux outils. Chez nous, l'introduction des nouvelles technologies s'est d'ailleurs faite de façon progressive. Au départ, l'ordinateur ne devait être qu'un outil de travail pour les intervenantes. Nous étions à cette époque fortement encouragés à faire un premier pas vers les nouvelles technologies, et l'approche préconisée par des organismes comme la Puce communautaire, qui consistait à démystifier et à rendre ces nouveaux outils accessibles, nous a permis de faire le saut.

En alphabétisation

C'est en alphabétisation que les premiers ordinateurs ont été mis à la disposition des participants. L'intérêt pour les nouvelles technologies s'est d'abord manifesté à partir de besoins bien précis comme l'utilisation du guichet automatique. Ensuite, grâce à un don de la commission scolaire, nous avons pu introduire l'ordinateur parmi nos outils pédagogiques en offrant des ateliers d'alphabétisation assistée par ordinateur. Nous voulions suivre la route ouverte par d'autres groupes populaires et faire de l'ordinateur un outil pédagogique auprès des personnes analphabètes. En effet, dès 1989, le groupe d'alphabétisation populaire Lettres en main, en collaboration avec le Centre québécois de recherche sur les applications pédagogiques de l'ordinateur, publiait un document intitulé Touche et retouche. Le lancement de ce guide par l'alphabétisation populaire marquait le succès de deux entreprises téméraires, soit l'utilisation de l'ordinateur par un groupe de personnes faiblement alphabétisées et l'élaboration d'une approche pédagogique originale et concluante. L'initiative de Lettres en main semblait peu réaliste, voire utopique, et pourtant elle a marqué un tournant important dans le cheminement pédagogique des groupes populaires.

Depuis 1995, tous les ateliers d'alphabétisation du Carrefour comprennent un volet d'apprentissage technique d'utilisation de l'ordinateur (traitement de texte) lié à l'apprentissage notionnel du français et du calcul. Nous animons aussi des ateliers d'initiation à l'ordinateur pour les personnes faiblement alphabétisées, où celles-ci ont la possibilité de se familiariser avec cet outil et d'explorer davantage les différents logiciels.

Au Carrefour

L'enthousiasme marqué des participants ainsi que leur intérêt soutenu et croissant pour l'informatique ont ouvert un nouveau champ d'activité et de recherche, qui aujourd'hui occupe une place prépondérante au Carrefour. Or la route a été, il va sans dire, ponctuée de débats passionnés et de réflexions sur la pertinence de nos interventions en regard de notre mission, sur les grands enjeux de l'informatique pour les populations marginalisées et sur le sens de la conscientisation dans un tel contexte. Nous étions partagés entre la peur et la passion

En 1999, l'équipe du Carrefour a entrepris, en étroite collaboration avec Communautique, une démarche de réflexion collective sur les enjeux économiques et sociaux de l'utilisation des nouvelles technologies, sur l'apport de celles-ci et leurs pièges ainsi que sur les peurs et les engouements qu'elles suscitent. Nous nous questionnions sur la place que de tels outils devraient prendre dans une communauté comme la nôtre où des problèmes comme la violence, la faim et l'analphabétisme demeuraient encore, malheureusement, au centre des préoccupations d'une trop grande partie de la population. Nous voulions vérifier la pertinence de nos choix sur le plan tant social, économique, politique que pédagogique.

Nous souhaitions que la population que nous rejoignions profite pleinement des ressources que nous lui offrions et que les gains qu'elle ferait servent, pratiquement, à augmenter sa chance d'améliorer ses conditions de vie et favorisent l'accès à des champs sociaux qui lui étaient injustement inaccessibles.

Nous sommes finalement arrivés à la conclusion que l'accès aux nouvelles technologies de l'information et de la communication était devenu un incontournable pour la population que nous rejoignions, si nous voulions réduire l'écart entre les classes sociales et poursuivre notre lutte à l'exclusion. En effet, nous croyons que l'accès limité au monde de l'informatique et par conséquent à la société informatisée devient un obstacle supplémentaire et majeur au plein exercice de la citoyenneté. Les personnes faiblement alphabétisées et peu scolarisées sont encore une fois marginalisées et exclues.

À la suite de cette réflexion, le Carrefour s'est doté d'un laboratoire informatique où la population pouvait s'inscrire à différents ateliers. Il est aussi devenu un point d'accès Internet pour la communauté de Pointe Saint-Charles. L'approche du Centre en informatique repose maintenant sur la volonté collective de développer et sur le travail d'équipe fondé sur les compétences et les intérêts de chaque personne.

1.3 Des ateliers d'alphabétisation assistée par ordinateur

Dans le contexte des ateliers d'alphabétisation, l'ordinateur est un outil au service de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, et son utilisation se résume au traitement de texte. Si les participants désirent pousser plus loin leur exploration, ils s'inscrivent alors aux ateliers d'informatique. Les plus aventureux ont aussi la possibilité de venir s'exercer pendant les ateliers libres ou encore d'apprendre à naviguer sur Internet.

L'implantation des nouvelles technologies en tant qu'outils pédagogiques en alphabétisation s'est d'abord faite lentement et de façon intuitive. Les formatrices ont vite compris les enjeux sociaux liés au développement rapide des nouvelles technologies, tant pour elles que pour les participants. Elles devaient cependant s'adapter aux nouveaux contextes, se former et élaborer une analyse critique de la situation tout en tentant de démystifier ces outils auprès des personnes analphabètes et de les introduire dans leurs pratiques. Transmettre en même temps qu'on apprend, sans nécessairement maîtriser les outils ou les connaissances, est une situation peu commune pour des formatrices et, il faut bien l'admettre, peu confortable. Enseigner dans l'incertitude et le doute occasionne facilement des dérapages, sans parler des difficultés techniques nombreuses et souvent insolubles. Cette situation aurait facilement pu décourager même les plus tenaces et les plus convaincues. Nous avons d'ailleurs douté, perdu patience et parfois même abandonné le temps de reprendre notre souffle.

Nous nous sommes beaucoup questionnées. Valait-il la peine de tant investir dans l'aspect technique? Étions-nous prêtes à consacrer tant de temps à l'organisation des ateliers au détriment peut-être de la recherche pédagogique? Le jeu en valait-il vraiment la chandelle? Il fallait continuer à se former, devenir plus à l'aise et plus polyvalentes dans nos pratiques. Quel serait l'impact sur nos pratiques à plus long terme? Irions-nous jusqu'à repenser notre approche et nos interventions? D'autre part, ces outils allaient-ils créer des obstacles supplémentaires pour nos participants? Quelle pourrait être leur influence sur leur motivation? Seraient-ils une source de peur ou de curiosité? La situation d'apprentissage allait-elle, en partie, nous échapper?

Malgré tout, portées par les irréductibles, inspirées par les expériences tentées ailleurs, soutenues par l'intérêt marqué de nos participants et grâce aux ressources communautaires qui se sont peu à peu développées, nous avons réussi à comprendre nos nouvelles pratiques et à mettre en place les éléments indispensables à la poursuite de nos activités et de nos projets. Nous avons souvent fonctionné par essais et erreurs! Nous nous sommes documentées, informées. Nous revenions sans cesse à nos interventions. Nous avons appris à questionner et à évaluer nos nouvelles pratiques. Peu à peu, nous avons appris à faire de l'ordre et à discerner les différents aspects de la situation. Au Carrefour, certains sont devenus plus compétents techniquement, d'autres ont poursuivi les expérimentations avec les participants, et enfin, certaines se sont lancées dans la recherche pédagogique.

1.4 L'alphabétisation et le monde de la recherche

Dans la foulée de son intérêt pour l'informatique et fidèle à sa tradition, le secteur de l'alphabétisation a amorcé en 1997 une recherche qui a abouti à la publication d'un répertoire de logiciels éducatifs rendant compte de la pertinence de leur utilisation en alphabétisation, intitulé L'ABC des logiciels1. Les formatrices ont d'ailleurs organisé, à l'occasion du lancement de ce répertoire, un café électronique auquel elles ont convié les organismes du milieu, les participants et la population de Pointe Saint-Charles. Chacun a pu découvrir et explorer les logiciels mis à sa disposition. Les apprenants étaient enthousiastes. L'informatique semblait constituer une porte d'entrée à privilégier pour le recrutement. Bref, L'ABC des logiciels donnait un élan au développement Le projet s'est d'ailleurs poursuivi et on a produit le deuxième tome de L'ABC des logiciels2.

Voilà comment l'enthousiasme des participants en alphabétisation, les besoins exprimés par la population de Pointe Saint-Charles, la fascination et la passion de certains membres de l'équipe du Carrefour ont provoqué la réflexion et donné le coup d'envoi à l'implantation des nouvelles technologies. C'est dans ce contexte que s'inscrit la recherche que nous avons réalisée et qui vous sera présentée dans les prochains chapitres.

2. L'origine de la recherche

Ce deuxième chapitre vise à situer de façon plus explicite l'origine de la recherche que nous avons menée et à exposer son déroulement jusqu'à la première expérimentation. Nous vous ferons part des questions soulevées lors de l'exploration des logiciels ainsi que de nos intuitions et de nos hypothèses. Enfin, nous présenterons le projet de recherche tel qu'il a été formulé au départ en détaillant les questions auxquelles nous voulions répondre et les objectifs que nous voulions atteindre.

2.1 Les questions que soulève l'exploration des logiciels

L'idée de la recherche actuelle a germé et pris forme au cours de l'élaboration du deuxième tome de L'ABC des logiciels. L'objectif de ce dernier consistait à sélectionner, parmi quelques centaines de logiciels, ceux qui étaient potentiellement utilisables en alphabétisation populaire. Les formatrices ont découvert de nombreux logiciels fort intéressants et ont cerné des pistes d'exploitation possibles dans le cadre de leurs activités. Elles y voyaient une façon de renouveler leur pratique. Malgré l'enthousiasme que provoquait la possibilité de travailler avec les logiciels, les formatrices prévoyaient que les participants pourraient rencontrer des obstacles liés à la fois à leur niveau d'alphabétisme et à la façon dont certains logiciels étaient conçus.

Au fur et à mesure que la recherche avançait, les questions devenaient de plus en plus précises et intéressantes. Nous nous demandions, entre autres, comment nous arriverions à travailler collectivement en favorisant l'échange et la solidarité avec un outil qui au départ favorise une approche individuelle, comment nous pourrions poursuivre la démarche de conscientisation et maintenir la formule d'animation sociale. Nous réalisions de façon concrète comment ces nouveaux outils pourraient bouleverser non seulement nos pratiques, mais plus profondément modifier nos interventions en alphabétisation populaire.

Outre le fait que les logiciels sont coûteux et que leur utilisation nécessite un équipement dispendieux, nous rencontrions aussi des obstacles importants sur le plan pédagogique. En grande partie conçus pour les jeunes, les logiciels avaient une facture qui nous paraissait infantilisante. De plus, comme ils étaient souvent élaborés en fonction d'un programme scolaire progressif, les exercices étaient présentés de façon peu compatible avec une approche d'alphabétisation populaire. Un même logiciel était rarement utilisable de façon intégrale du début jusqu'à la fin. Si nous voulions profiter pleinement des avantages que ces outils présentaient sur le plan des apprentissages, il allait falloir faire preuve d'inventivité et créer un contexte pédagogique favorable à l'autonomie.

L'utilisation de nouveaux outils d'apprentissage obligerait les formatrices à prendre le temps de se pencher sur leurs pratiques, de les questionner et de préciser leurs choix. De plus, ouvrir le chemin en termes de pratiques nécessite un investissement de temps pour la préparation et l'évaluation des ateliers ainsi que pour la création de matériel. Ces réalités étaient parfois décourageantes.

Au fil de ces questions, nous réalisions que peu à peu, nous déplacions notre regard de la pertinence du contenu des logiciels vers l'utilisation de ces derniers par des participants en alphabétisation populaire, et que nos questions demeureraient sans réponses tant et aussi longtemps que nous ne pourrions pas observer les participants à l'œuvre. Nous avions besoin de mieux connaître la situation du point de vue des participants avant d'entreprendre une démarche en atelier.

2.2 Hypothèses et intuitions

Actives en alphabétisation et plus spécifiquement en formation depuis plusieurs années, les formatrices du Carrefour ont eu maintes fois l'occasion d'observer les participants en situation d'apprentissage. Elles savent pertinemment que les personnes inscrites en alphabétisation éprouvent de sérieuses difficultés, mais que leur détermination conjuguée à des outils pédagogiques signifiants et adaptés viennent souvent à bout de leurs «blocages».

Si on veut faire de l'alphabétisation et bien le faire, il faut d'abord y croire et ensuite oser. C'est ce que nous avons voulu faire en décidant de travailler avec les logiciels éducatifs. Comme nous l'avons déjà mentionné, les participants nous avaient déjà donné toutes les raisons du monde de nous lancer dans l'aventure. Nous sommes donc parties ensemble de l'idée que si nous arrivions à cerner les principales difficultés rencontrées dans l'utilisation des logiciels, nous pourrions trouver le chemin qui nous permettrait de les contourner. Nous pensions également que des scénarios pédagogiques originaux et adaptés à une approche d'alphabétisation populaire rendraient les logiciels accessibles aux participants du Carrefour. Nous voulions vérifier la valeur éducative et l'intérêt de tels ateliers sur le plan pédagogique. Étions-nous en mesure de fournir les balises nécessaires à l'élaboration d'un programme d'utilisation des logiciels en alphabétisation populaire? Une approche relative aux stratégies d'apprentissage serait-elle pertinente et utile dans un tel contexte?

2.3 Le projet tel que formulé au départ

C'est donc à partir de notre connaissance du terrain et des questions qui ont surgi de nos pratiques que l'idée de faire cette recherche s'est imposée. Le projet tel qu'il avait été formulé au départ visait l'expérimentation de logiciels éducatifs dans le cadre d'ateliers d'alphabétisation populaire. Plus spécifiquement, nous comptions offrir aux participants la possibilité d'explorer des logiciels et de se prononcer sur leur contenu. Nous voulions, à ce stade, déterminer quels étaient les obstacles rencontrés par ces derniers au cours de l'utilisation de ces outils et mettre sur pied des ateliers d'appoint qui permettraient de niveler ces difficultés.

Dans un deuxième temps, nous voulions mesurer l'efficacité de nos interventions et proposer un programme d'utilisation adapté à nos participants et axé sur une approche collective. La deuxième année de ce projet viserait essentiellement à expérimenter et à évaluer ce programme ainsi qu'à en diffuser les résultats à l'échelle nationale.

L'objet de recherche était ainsi formulé:
Explorer avec les participants des logiciels éducatifs afin de déceler les principaux obstacles rencontrés et de concevoir des scénarios pédagogiques adaptés et, dans un deuxième temps, élaborer une démarche favorisant l'utilisation de ces logiciels en alphabétisation populaire.

Les objectifs se lisaient comme suit:

  • Rendre les logiciels éducatifs accessibles aux adultes analphabètes;
  • Faire valider une partie de la recherche L'ABC des logiciels par les participants;
  • Permettre aux adultes d'explorer les logiciels et d'en évaluer les dimensions pédagogiques;
  • Déceler les principales barrières culturelles, pédagogiques et psychologiques à l'utilisation des logiciels par des adultes faiblement alphabétisés;
  • Franchir ces barrières en mettant sur pied des scénarios d'intervention à contenu spécifique et adapté et en utilisant du matériel conçu à cet effet;
  • Mettre à profit l'approche éducative API (actualisation du potentiel intellectuel) en permettant aux participants de reconnaître les stratégies d'apprentissage utilisées au cours de leurs expériences antérieures et de les transférer à cette nouvelle situation;
  • Élaborer différents scénarios d'apprentissage;
  • Élaborer une approche collective d'utilisation des logiciels éducatifs;
  • Apprendre aux participants à consigner leurs observations dans un journal de bord et à écrire des articles pour fins de publication dans les médias mis à leur disposition.

Voici maintenant comment nous avons tenté d'atteindre ces objectifs.

3. Une recherche, deux expérimentations

Ce troisième chapitre, qui représente le cœur du rapport, porte sur la réalisation de notre recherche qui s'est, rappelons-le, déroulée sur deux ans. Pour en faciliter la lecture, nous avons choisi de vous présenter d'abord un tronc commun aux deux expérimentations, où nous présentons l'équipe de recherche, donnons un bref aperçu de ce que nous avons réalisé et précisons le type de recherche effectuée ainsi que sa contribution. Ensuite, le chapitre se scinde en deux grandes sections exposant de façon plus détaillée la méthodologie de chacune des deux expérimentations. Nous y abordons le déroulement des ces expérimentations, les résultats obtenus et l'analyse de ceux-ci. Voici d'abord les éléments compris dans le tronc commun.

L'équipe de recherche

Dès l'automne 1999, après avoir obtenu une réponse positive de la part du bureau des technologies d'apprentissage concernant sa demande de subvention, le Carrefour procédait à une ouverture de poste afin d'engager deux agentes de recherche qui travailleraient à temps plein au projet. Nous avions besoin de deux personnes capables de mener la recherche, mais nous tenions à ce qu'elles puissent le faire dans un contexte d'éducation populaire et qu'elles soient sensibles aux réalités personnelles et sociales des personnes qui fréquentent notre centre. Outre ces deux postes, la responsable du secteur alphabétisation devait servir de personne-ressource en pédagogie et coordonner le projet. Voilà donc en quoi consistait l'équipe de recherche pour la première année du projet. Nous avons, en cours de route, fait appel de façon très ponctuelle à une ressource en actualisation du potentiel intellectuel (API). Enfin, vers la mi-mars, l'équipe a eu recours à une ressource qualifiée en méthodologie et suivi de la recherche, ce qui a permis de recentrer et d'encadrer la démarche jusqu'à la fin du projet.

Le projet tel qu'il s'est déroulé

Au cours de la première année, nos objectifs étaient les suivants:
Déterminer la nature des principales barrières culturelles, pédagogiques et psychologiques liées à l'utilisation des logiciels éducatifs par des adultes faiblement alphabétisés, pour ensuite élaborer des scénarios pédagogiques d'utilisation des logiciels qui tiennent compte de ces difficultés ou qui tendent à les niveler.

Dans le cadre de cette expérimentation, nous observions les participants individuellement pendant qu'ils travaillaient librement avec plusieurs logiciels.

Au cours de la deuxième année, nos objectifs étaient les suivants:
Élaborer et expérimenter, dans le cadre d'une approche d'alphabétisation populaire (collective), des scénarios d'apprentissage permettant de niveler les difficultés rencontrées préalablement par les participants.

Pendant cette expérimentation, nous observions le groupe en démarche d'apprentissage, notamment lors de l'utilisation d'un logiciel en particulier, dans le but de proposer une démarche d'utilisation des logiciels dans un contexte d'alphabétisation populaire. Dans ce contexte, les scénarios font partie des conditions de réussite ou incluent une partie de celles-ci. On passe ainsi de l'individu au groupe.

Nous voulions dans un premier temps nous assurer que chaque personne avait à sa disposition les ressources nécessaires pour utiliser adéquatement les logiciels éducatifs. Nous comptions ensuite créer et expérimenter avec elles une démarche compatible avec les grands principes qui sous-tendent l'alphabétisation populaire que nous pratiquons au Carrefour, soit la conscientisation, l'approche collective, le mode participatif, l'entraide et la coopération, l'usage d'une pédagogie ouverte, la place des participants au cœur des décisions et enfin le rôle de la formatrice.

Nous avions donc une recherche qui visait un objectif général, soit de rendre les logiciels éducatifs accessibles aux adultes en démarche d'alphabétisation. Cette recherche devait s'actualiser dans le cadre de deux expérimentations ayant des objectifs particuliers servant l'objectif général. Les expérimentations ont duré respectivement 15 et 12 semaines et se sont déroulées sur deux années consécutives. Nous avons pu ainsi procéder à une évaluation de la première expérimentation, produire un bilan et mettre en place les éléments indispensables à la réalisation de la deuxième expérimentation. Comme pour la première, nous en avons fait l'évaluation avec les participants et produit un bilan La dernière phase de notre projet a consisté à placer côte à côte les deux étapes dans un seul rapport de recherche.

Le type de recherche

Pour répondre adéquatement aux questions que nous nous posions, il était indispensable que nous puissions observer les participants à l'œuvre, et c'est pourquoi nous avons choisi de faire une recherche appliquée de type recherche-action.

La recherche-action représente la rencontre de deux mondes: la théorie et la pratique. Elle se fait dans l'action et dans le respect des conditions d'action de l'organisme, par le travail conjugué des praticiens et de personnes spécialisées en recherche. Ce type de recherche découle du besoin de lier le travail théorique à la pratique, la réflexion à l'action. Ainsi l'organisme est amené à améliorer ses pratiques en produisant de nouvelles connaissances alors que le chercheur ou la chercheuse approfondit ses connaissances du terrain. C'est un échange réciproque et équitable des savoirs. La recherche-action:

  • permet de lier la pratique à la théorie, de transformer des pratiques spontanées en pratiques réfléchies;
  • est en général menée par une équipe composée de praticiens et de praticiennes ainsi que d'une ou de plusieurs personnes spécialisées en recherche;
  • comporte, pour les personnes participant à la recherche, une dimension de formation aux savoirs de la pratique et de la recherche.3

Pertinence et contribution de la recherche

Au cours de la recherche, nous voulions vivre une expérience terrain et comprendre une nouvelle réalité à l'œuvre avec les participants dans le cadre des ateliers. Notre visée n'était pas de concevoir un modèle standard et exportable. Les données recueillies témoignent, en fait, de ce que nous avons réalisé avec un groupe particulier, dans un espace et un temps donnés. Elles fournissent de l'information précieuse sur les réactions des participants dans une nouvelle situation d'apprentissage et sur leur façon de travailler avec les logiciels éducatifs. Nous avons eu l'occasion de les observer à l'œuvre, sans avoir à animer l'atelier, et de dégager de nos notes et de leurs commentaires des éléments qui auront un impact sur l'ensemble de nos pratiques. Nous leur avons donné la parole et nous avons écouté.

Ce que nous dégageons des données recueillies correspond donc aux expérimentations qui ont eu lieu dans un contexte particulier, celui du Carrefour. Toutefois, nous pensons que les résultats présentés ici pourront vous être utiles. Vous y trouverez des éléments susceptibles de vous inciter à questionner vos pratiques et, qui sait, à expérimenter de nouveaux outils d'apprentissage. Peut être viendront-ils confirmer certaines de vos intuitions. Peut-être pourrez-vous faire des recoupements avec votre propre expérience. C'est, du moins, ce que nous souhaitons.

Au stade de la production de notre rapport final, faire de la recherche nous apparaît presque «naturel», mais quel chemin avons-nous parcouru! En effet, l'intérêt que nous portions au développement de l'alphabétisation et la passion de certaines formatrices pour l'informatique nous ont entraînées dans une aventure fabuleuse, une longue exploration ponctuée de découvertes. Nous passions de l'enchantement au désespoir, du découragement à l'euphorie. Heureusement, nos participants n'ont jamais cessé d'y croire et de nous guider.

3.1 L'an 1

Cette première grande section présente l'expérimentation réalisée au cours de la première année de recherche. Nous exposerons donc la méthodologie, nous décrirons le déroulement de l'expérimentation puis nous présenterons les résultats obtenus et l'analyse que nous en avons faite.

3.1.1 Méthodologie

Le processus de formation à la recherche

L'équipe de recherche se rencontrait au moins une fois par semaine pendant environ trois heures. Nous nous sommes d'abord approprié le projet tel qu'il était formulé dans la demande de subvention. Nous avons discuté de notre compréhension de l'étude, revu les objectifs et l'objet de recherche et nous sommes entendues sur la signification des termes utilisés, sans toutefois en reformuler le contenu. Nous avons mis nos connaissances et nos ressources en commun, nommé nos besoins en matière de formation et nous sommes réparti le travail. Nous avons entrepris une formation en actualisation du potentiel intellectuel (API) pour le volet stratégies d'apprentissage et effectué une recherche documentaire sommaire dans le but de savoir si d'autres recherches avaient été entreprises dans le même sens que la nôtre. Nous n'avons cependant pas réalisé une vaste recherche documentaire, car nous avons vite constaté qu'il y avait peu de littérature sur ce sujet. De plus, comme notre recherche était essentiellement centrée sur la collecte de données terrain dans un contexte bien précis, celui de l'alphabétisation populaire, nous nous sentions prêtes à entreprendre cette première étape de l'aventure.

Comme le temps pressait, nous nous sommes rapidement engagées dans l'action en mettant quelque peu en veilleuse l'aspect plus formel de la recherche. Le côté pratique, qui touchait l'expérimentation avec les participants, nous préoccupait plus que le côté méthodologique ou recherche documentaire. Il nous semblait alors plus logique de nous engager d'abord dans la réalisation du projet et d'y ajouter plus tard l'aspect plus formel. Inutile de préciser qu'au moment où nous avons communiqué avec une consultante en méthodologie de la recherche, nous avions épuisé nos ressources et déjà emprunté plusieurs détours. Heureusement, grâce à notre expérience terrain, à notre connaissance fine des participants et du milieu de l'alphabétisation, à la valeur de nos intuitions et à l'énergie que nous avions investie au départ dans notre projet, nous n'avions commis aucune erreur irréparable. Mais comme nous l'avons déjà mentionné, nous avions fait de nombreux détours, escamoté des étapes et emprunté des chemins beaucoup trop longs. Par conséquent, lorsque nous avons commencé à travailler avec la consultante, nous avons dû mettre les bouchées doubles, nous former à la recherche tout en poursuivant notre projet. Les rencontres de l'équipe ont permis aux agentes de recherche et aux formatrices en alphabétisation de se former et de partager leurs intuitions, leurs observations ainsi que leurs questionnements. Certes, nous avons acquis des connaissances nouvelles et expérimenté de façon plus adéquate nos outils de travail, mais nous avons surtout travaillé nos attitudes et nos comportements afin de quitter nos moules de formatrices et de nous laisser glisser dans la peau de chercheuses. En se détachant de nos préconceptions, nous devenions plus curieuses et plus attentives. La distance favorisait l'ouverture. Nous cessions de vouloir démontrer, nous osions questionner, nous acceptions d'être étonnées, voire déstabilisées. Nous quittions le terrain de la formation pour nous laisser guider dans le monde de la recherche.

L'échantillonnage

Le projet de recherche a d'abord été présenté dans tous les ateliers d'alphabétisation. La présentation a été soigneusement préparée par l'équipe de recherche. Nous voulions que les participants comprennent bien la nature du projet en évitant qu'ils se sentent intimidés. En effet, pour des personnes analphabètes, participer activement à un projet de recherche peut paraître irréaliste. Comme elles ont souvent tendance à sous-estimer la valeur de leur contribution à ce genre de projet, elles auraient pu refuser de collaborer par peur de ne pas être à la hauteur ou encore d'être incapables d'exécuter les tâches demandées. En effet, nos participants choisissent souvent de se retirer plutôt que de se placer en situation d'échec, réaction bien légitime et surtout fort efficace quand on pense à toutes les situations humiliantes qu'ils ont à vivre régulièrement! Nous avons donc pris soin de rendre la présentation attrayante et accessible. Nous avons fait en sorte que les apprenants rencontrent les agentes de recherche avant de leur expliquer le projet. Pour présenter les logiciels, nous avons utilisé un projecteur électronique. Les participants ont tout de suite été captivés et extrêmement intéressés à en savoir plus. Ils ont aussi eu la possibilité d'explorer à leur tour quelques logiciels éducatifs. L'activité tendait à mettre à profit les capacités des participants et leur permettait de comprendre concrètement, par la voie de l'expérience, la nature des tâches qu'ils auraient à réaliser au cours de la recherche.

L'activité a généré beaucoup d'enthousiasme et 11 participants, représentant les trois niveaux d'alphabétisation, soit débutant, intermédiaire et avancé, se sont volontairement inscrits à la recherche.

Le choix des cédéroms

Le choix des logiciels qui devaient être utilisés par les participants au cours de l'expérimentation s'est fait à partir du document L'ABC des logiciels. Ainsi, c'est guidée par l'auteure du répertoire que l'équipe a pu explorer les diverses possibilités offertes par les logiciels et faire des choix judicieux répondant aux besoins de la recherche. Nous avons sélectionné des logiciels qui, de prime abord, possédaient un potentiel d'utilisation en alphabétisation populaire. Plus éloignés de l'approche scolaire traditionnelle, ils misent davantage sur l'apprentissage par la découverte et abordent des thèmes plus susceptibles de rejoindre les adultes. Enfin, ces logiciels répondent en grande partie aux principes de base suivants:

  • l'apprentissage est facilité lorsque les mots et les contextes choisis sont liés à une réalité émotive et sociale connue;
  • l'apprentissage est beaucoup plus stimulant lorsqu'il permet d'acquérir la maîtrise des
  • notions utiles et applicables dans la vie de tous les jours;
  • le cheminement des apprenants a autant de valeur que l'apprentissage notionnel;
  • la démarche doit respecter le rythme d'apprentissage.4

Nous avons couvert les domaines suivants: français, mathématiques, géographie, et enfin nous n'avons pu résister à l'encyclopédie de la nature.

Nous avons donc travaillé avec les logiciels suivants:

  • Les bases du français
  • Juste pour lire
  • Kid Works, «R» Alpha (alphabet)
  • Orthographe plus
  • 20 sur 20 orthographe
  • Sacs à mots, Atout Clic CE2
  • Voyage interactif au pays des maths
  • Math Monde, Mathématique
  • Mon premier atlas
  • Encyclopédie de la nature

Ces logiciels avaient d'ores et déjà obtenu une bonne cote dans L'ABC des logiciels. Ils sont attrayants tant du point de vue de leur facture que de la présentation de leur contenu, qui se veut simple, ludique et facilement accessible (manipulation et lisibilité). Certains logiciels peuvent même être exploités dans plus d'un niveau, ce qui représente un avantage financier non négligeable.

Toutefois, certains des logiciels retenus présentaient parfois un ou plusieurs irritants: animations ou voix enfantines, textes trop longs ou difficiles à lire, notions jusque-là jamais abordées en atelier, manipulations nombreuses ou complexes.

Les outils de collecte de données

C'est principalement à partir de l'expérience terrain de l'équipe de recherche ainsi que de sa connaissance des apprenants et de leurs difficultés qu'ont été élaborés les outils de collecte de données. Le choix des cédéroms a donné le ton à leur création. Nous avons choisi de créer trois outils de collecte de données, soit un prétest, une grille d'observation et un journal de bord, dans le but d'obtenir un éclairage différent ainsi que des résultats plus justes et plus complets. L'ensemble de ces outils a été conçu et validé avant le début de l'expérimentation.

Le prétest

Le prétest, premier outil de collecte de données, constituait une première lecture, un point de départ. Il nous renseignait sur la situation socio-économique des participants. Il comprenait des données précieuses sur leur attitude face à l'inconnu, sur leurs acquis en lecture, en écriture et en calcul ainsi que sur leur maîtrise de l'environnement informatique. Le prétest se divisait en deux parties distinctes La première consistait en une série de questions ayant pour objectif de tracer un portrait assez détaillé des participants et de leurs connaissances générales, de connaître leur intérêt pour le projet et de savoir ce qu'ils pensaient de l'informatique (apprentissage assisté par ordinateur). La seconde partie comprenait des exercices pratiques de lecture, d'écriture et de calcul ainsi que des exercices de manipulation à l'ordinateur (cliquer, double-cliquer, glisser, etc.).

Nous y avons inclus des questions qui avaient pour but de vérifier certaines de nos intuitions, particulièrement en ce qui a trait à la peur et à l'ouverture, et d'évaluer le niveau de difficulté que pourraient présenter au départ certains logiciels II nous apparaissait essentiel de situer les connaissances des apprenants en géographie, car nous avions décidé de travailler avec un atlas interactif dans le cadre de l'expérimentation. Nous les avons questionnés sur leurs perceptions et leurs a priori concernant les nouvelles technologies de l'information et des communications. Nous avons également cherché à obtenir de l'information sur la perception que les participants avaient d'eux-mêmes en apprentissage. Nous les avons aussi questionnés sur leurs activités, leur intérêt pour le projet et leur disponibilité, car nous voulions nous assurer qu'ils comprenaient bien l'importance de leur engagement. Ce prétest s'est fait individuellement, et chaque rencontre durait entre une et deux heures.

La grille d'observation

La grille d'observation permettait de consigner l'information relative aux obstacles rencontrés par les participants lors de l'expérimentation. Cette information était divisée en cinq thèmes: le comportement du participant face à la tâche, le domaine cognitif, l'habileté à utiliser le logiciel, les besoins en termes d'aide et les obstacles rencontrés. Pour chaque thème, nous avons déterminé des critères observables. Par exemple, pour le thème du comportement du participant face à la tâche, nous avons appuyé nos observations sur des critères comme l'intérêt démontré, la concentration et les réactions face à l'échec. C'est à partir de notre expérience terrain et de notre connaissance des logiciels sélectionnés pour l'expérimentation que nous avons dressé la liste des critères observables qui figurent dans la grille. Plusieurs de ces critères nous avaient d'ailleurs guidés dans l'évaluation des cédéroms lors de la réalisation de L'ABC des logiciels.

Avant de débuter, nous avons déterminé quatre types d'obstacles auxquels nous croyions que les apprenants étaient susceptibles de faire face, soit ceux d'ordre pédagogique, psychologique, culturel et technique. Voici ce que chaque obstacle mentionné représentait pour nous, autrement dit la définition que nous en donnions.

Les obstacles d'ordre pédagogique comprennent les difficultés liées à la maîtrise ou à la connaissance du code écrit, aux notions abordées ou à la structure du contenu (progression des exercices qui facilite ou non l'acquisition de savoirs).

Les obstacles d'ordre psychologique font référence aux difficultés personnelles des individus. On parle ici d'attitudes ou de comportements face aux difficultés ou encore face à l'inconnu, c'est-à-dire de la peur ou de l'anxiété pouvant provoquer des résistances.

Les obstacles d'ordre culturel englobent les difficultés engendrées par un écart entre la réalité quotidienne de l'apprenant et le message socio-culturel ou idéologique véhiculé par le logiciel.

Les obstacles d'ordre technique font référence aux difficultés liées à tout ce qui touche l'environnement informatique, la complexité de la navigation, la présentation de la page-écran, la lisibilité des caractères ou des images.

C'est à partir de ces catégories que nous avons défini ce qu'il serait souhaitable d'observer lorsque les participants travailleraient, et ce, dans le but d'obtenir un maximum d'information sur la récurrence et le degré de difficulté que présentent lesdits obstacles.

Le journal de bord

Aux grilles d'observation s'est ajoutée la tenue d'un journal de bord conçu de façon à consigner l'information recueillie auprès des participants sur leurs dispositions avant, pendant et après chacune des séances d'expérimentation. Il comprenait 12 questions relatives au déroulement de l'activité et au contenu du logiciel visant à nous éclairer sur les facteurs qui pourraient influer sur les apprentissages ou sur la motivation des participants. Toute l'information portant sur les impressions, les perceptions, les suggestions, les émotions ou les sentiments étaient jugée recevable et pertinente. Cette information devait aussi permettre à l'agente de recherche de valider la pertinence de ses observations et de mieux les comprendre.

Les commentaires des participants devaient également nous permettre de préciser nos choix en matière de logiciel et nous donner des pistes pour la conception d'une approche d'utilisation des logiciels en alphabétisation populaire. Nous avions également envisagé de procéder à un post-test en fin de parcours, mais finalement aucun outil n'a été élaboré.

Le processus de collecte des données

Comme nous l'avons mentionné précédemment, la première étape de la collecte de données, soit la passation des prétests, a eu lieu après la présentation de la recherche aux groupes concernés et avant le début de l'expérimentation. Nous étions très curieuses. Parce que nous avions envie de connaître les réactions des participants face à cette nouvelle expérience et que nous craignions d'omettre d'aller chercher de l'information utile, ou pire, nécessaire au bon déroulement du processus de recherche, nous avons eu de la difficulté à cerner les thèmes que nous voulions couvrir et à choisir nos questions. L'objectif, la raison d'être du prétest n'était pas toujours clair. Qu'avions-nous besoin de savoir exactement avant de démarrer les séances d'utilisation? Au début, nous avons souvent perdu de vue notre objet de recherche. Nous avons malgré tout fait des choix judicieux, puisqu'au moment de l'évaluation de la première année de recherche, nous avons constaté que cette étape indispensable nous avait permis de récolter de l'information sur les participants qui nous a aidées à mieux comprendre leurs réactions pendant l'expérimentation.

Le prétest a aussi servi de moment privilégié entre l'agente de recherche et chacun des participants. Conçu sous forme de rencontre individuelle, sans limite de temps, il permettait aux participants et à l'agente de recherche de faire connaissance et d'échanger des propos sur le déroulement du projet et le rôle de chacun, d'éclaircir certains questionnements et d'établir un climat de confiance. À la fin de la rencontre, comme ils connaissaient mieux le projet, les participants étaient certainement en mesure de comprendre la nature et les implications de leur engagement. Il va sans dire que nous voulions qu'ils soient assidus et que, dans la mesure du possible, ils participent à l'ensemble de l'expérimentation.

Pendant l'expérimentation, nous avons modifié notre façon de consigner les observations. En effet, la grille d'observation telle qu'elle avait été conçue à l'origine était très peu fonctionnelle. Il y avait trop de papiers à manipuler, c'était encombrant. Face à cette situation, l'agente de recherche a préféré tenir un journal d'observation et, par la suite, transférer ces observations dans les grilles conçues à cette fin. Elle a également noté les observations significatives qui ne pouvaient être contenues dans les grilles. Cette façon de faire a d'ailleurs laissé plus de place à la découverte de faits nouveaux. En effet, comme elle était moins centrée sur les données à inscrire dans la grille, l'agente de recherche était plus ouverte et attentive à ce qui avait lieu au moment de l'expérimentation.

Quant au journal de bord, nous pensions au départ qu'il pourrait être tenu par chacun des participants. Or, après en avoir discuté avec eux lors des prétests, nous avons tenu compte de leur recommandation: l'information serait fournie verbalement et consignée au fur et à mesure par les agentes de recherche

Pour ce qui est du post-test prévu au début de la recherche, nous avons révisé notre stratégie et opté pour la formule d'une rencontre de groupe, qui pourrait d'ailleurs être beaucoup plus agréable et stimulante pour l'ensemble des participants. En effet, les participants aiment travailler en groupe et le manifestent souvent. Nous pourrions ainsi souligner la fin de l'expérimentation en donnant à tous l'occasion de se rencontrer, d'échanger leurs impressions et de faire le bilan de leur expérience. Nous pourrions aussi recueillir des recommandations pour les suites à donner au projet, plus précisément pour la deuxième année.

Nous avons planifié le déroulement de la rencontre et élaboré un schéma d'entrevue semi-dirigée. Au cours de la rencontre, nous avons posé des questions ouvertes, mais assez précises. Nous voulions savoir si les participants avaient aimé leur expérience, ce qu'ils avaient trouvé difficile, ce qu'ils avaient appris et ce que leur participation à la recherche avait modifié dans leur vie. Dans un deuxième temps, nous avons recueilli leurs recommandations concernant l'expérimentation en groupe. La rencontre a duré près de trois heures et a été enregistrée. En terminant l'année par une mise en commun de l'expérience des participants, nous donnions le ton pour l'avenir. Nous avons clôturé l'activité, et par le fait même l'expérimentation, par un buffet où les gens ont pu partager dans un cadre plus décontracté.

Afin de s'assurer que toutes et tous avaient bel et bien eu l'occasion de s'exprimer librement, nous avons jugé bon d'ajouter une rencontre individuelle et de clore ainsi le processus d'évaluation de la première expérimentation. Nous voulions également obtenir plus de précisions sur les conditions socio-économiques de notre échantillon. Il nous apparaissait aussi essentiel de rencontrer deux participants qui avaient abandonné la recherche en cours de route, pour en savoir plus sur les motifs de leur abandon.

L'analyse des données

Puisque notre recherche s'inscrivait dans l'univers de la recherche qualitative, nous avons, au moment de l'analyse des données, mis l'accent sur le contenu de l'information recueillie en nous attardant aux thèmes émergeant, à leur récurrence, à leur particularité et à leur sens en regard de ce que nous cherchions à comprendre Voyons maintenant comment nous avons procédé pour réaliser cette analyse à partir de chacun des outils de recherche.

Le prétest

Nous avons, en premier lieu, consigné toute l'information recueillie sous forme de tableaux en la regroupant par questions relatives à chaque thème présent dans le questionnaire du prétest. Nous avons bâti un système de classification pour faire ressortir l'émergence des données, déterminé des mots clés pour les thèmes signifiants comme le sentiment de réussite ou la peur de l'échec, fait le lien avec ces données et la connaissance que les formatrices avaient des participants et consigné les témoignages, les perceptions et les attitudes des personnes interrogées.

Grilles et notes d'observation

Les observations faites lors de l'expérimentation ont été consignées dans des grilles d'observation ou notées après chaque rencontre.

Nous avons déterminé quels étaient les éléments liés aux obstacles et aux réussites, puis regroupé les éléments relatifs aux obstacles en trois sous-ensembles, soit l'environnement informatique, le niveau personnel, les connaissances ou les habiletés, et les facteurs de réussite en quatre sous-ensembles, soit l'intérêt, la motivation, les apprentissages et les stratégies utilisées.

Le journal de bord

La première lecture de l'information contenue dans le journal de bord nous a amenées à ne retenir que certaines questions, notamment celles concernant ce que les participants avaient aimé ou non, les difficultés rencontrées, leurs besoins et leurs commentaires sur le contenu des logiciels. Nous avons classé l'information par logiciel et par niveau d'apprentissage. Nous avons ensuite fait une lecture transversale de l'information, c'est-à-dire que nous avons lu les réponses données par tous les individus à chacune des questions plutôt que de lire toutes les réponses de chaque individu. Nous avons ainsi obtenu un portrait thématique plutôt que personnalisé.

La rencontre de groupe

Comme nous l'avons déjà mentionné, nous avons enregistré la rencontre et pris des notes au cours des échanges de propos. Nous avons écouté les cassettes, relu les notes et regroupé l'information selon les thèmes abordés au cours de la rencontre.

Nous avons divisé les commentaires sur les apprentissages en trois catégories: l'environnement informatique, les connaissances et le contenu notionnel, l'expérience personnelle. Nous avons retenu les suggestions des participants et déterminé quelles étaient les idées principales.

La rencontre individuelle

Nous avons enregistré chaque rencontre, puis écouté toutes les cassettes et noté le contenu de chacune des réponses.

Nous avons retenu l'information concernant la motivation des participants à prendre part à la recherche, ce qu'ils ont apprécié, ce qu'ils n'ont pas aimé, les apprentissages, les découvertes. Nous avons aussi conservé les données relatives aux abandons.

3.1.2 Présentation des résultats

Dans cette partie, nous vous présentons le portrait des expérimentateurs, le déroulement de l'expérimentation, les résultats de l'analyse et le point de vue des participants.

Le portrait des expérimentateurs

Le groupe d'expérimentateurs était composé de 11 participants volontaires, six hommes et cinq femmes, tous inscrits aux ateliers d'alphabétisation du Carrefour et représentant les trois niveaux d'apprentissage, soit débutant, intermédiaire et avancé. Ils avaient entre vingt-trois et soixante-neuf ans. Parmi eux, huit suivaient les ateliers le jour et les autres venaient le soir; quatre étaient dans le groupe débutant, quatre dans le groupe intermédiaire et trois dans le groupe avancé. Cinq personnes avaient des difficultés majeures en lecture et en écriture, trois lisaient un peu plus facilement mais éprouvaient quand même des difficultés importantes en écriture, deux lisaient bien mais pas couramment et avaient des difficultés importantes en écriture, et enfin une seule personne lisait couramment et écrivait bien. Si on résume, sur 11 participants, dix avaient des problèmes en lecture; certains décodaient peu, d'autres décodaient mieux mais lentement et avaient parfois des problèmes à comprendre ce qu'ils lisaient, une seule personne lisait couramment, certains écrivaient des lettres ou des mots simples, d'autres écrivaient au son, d'autres avaient des problèmes d'orthographe importants

Les participants inscrits au Carrefour ont déjà fait l'expérience de la gestion participative. Ils sont souvent interpellés, ils ont l'habitude d'émettre leur opinion, de définir et de prendre leur place dans le groupe; ils se prononcent tant sur les sujets d'actualité que sur les contenus de formation. En plus de participer à leurs ateliers d'alphabétisation, huit d'entre eux étaient membres de comités: conseil d'administration, comité rencontre, chorale. Nous avons aussi noté qu'ils étaient très présents lors des événements spéciaux: soirée Solidarité, 8 mars, soirée Reconnaissance. Tous fréquentaient le Carrefour depuis plus d'un an, ils étaient actifs, ils aimaient prendre des responsabilités et travailler en groupe.

Tous vivaient dans un milieu défavorisé. La majorité vivait de l'aide sociale, deux personnes seulement avaient un travail à l'extérieur. Trois femmes avaient des enfants.

Tous avaient eu l'occasion à un moment ou à un autre d'exécuter des manipulations à l'ordinateur. Ceux qui l'utilisaient en atelier connaissaient le traitement de texte, mais aucun n'avait suivi de cours d'initiation. Certains avaient eu l'occasion d'explorer sommairement des logiciels éducatifs lors du Café électronique ou au moment où nous avions présenté la recherche en atelier. Lors du prétest, nous avons constaté que de façon générale, ils étaient capables d'identifier le clavier, l'écran, la souris et l'imprimante; deux participants maîtrisaient bien le vocabulaire et ont réussi l'ensemble des activités proposées. La majorité était capable d'allumer l'ordinateur et l'écran et de déplacer le curseur sur un point précis. Tous pouvaient écrire leur nom à l'ordinateur. La moitié du groupe a été capable d'ouvrir et de lancer un cédérom.

Le déroulement de la première expérimentation

Au nombre de deux ou trois, les participants travaillaient individuellement ou en petits groupes, chacun ayant à sa disposition un ordinateur et des logiciels préalablement choisis5. L'expérimentation a duré 15 semaines, et chaque rencontre durait environ trois heures. Chaque semaine, les participants venaient explorer un logiciel éducatif, dans un contexte totalement libre. En réduisant ses interventions au minimum, l'agente de recherche pouvait de son côté les observer attentivement. La consigne était qu'elle ne devait intervenir que dans le but d'éviter que les participants se retrouvent soit dans des situations sans issue, soit dans des situations d'échec. Elle ne devait intervenir que pour proposer des solutions permettant aux utilisateurs de poursuivre leur tâche. Les participants se sont d'abord familiarisés avec la situation. Ils réalisaient les exercices et les manœuvres de leur choix, et l'agente de recherche les accompagnait dans leur découverte. Ils ont exploré et se sont maintes fois perdus et retrouvés. Nous nous sommes peu à peu retirées pour laisser la situation se déployer. Nous avons voulu créer un espace permettant aux expérimentateurs de manifester librement et spontanément leurs réactions face à cette nouvelle situation d'apprentissage.

La durée de l'exploration d'un logiciel pouvait varier selon le niveau d'apprentissage des participants, leur rythme, leur intérêt pour le contenu ou pour la présentation. Ainsi, certaines personnes ont exploré plus de logiciels que d'autres. Cette liberté d'action et de choix nous a d'ailleurs permis de faire certains constats sur lesquels nous reviendrons au chapitre sur la présentation des résultats.

À la suite de la formation que nous avons reçue en actualisation du potentiel intellectuel (API), la consultante est venue observer les participants en expérimentation pour nous aider à nommer avec plus de précision les stratégies qu'ils utilisaient. Nous avons pu déceler quelques stratégies qui gagneraient à être employées plus fréquemment lorsqu'on travaille avec des logiciels. Par contre, il faut souligner que ce que nous avons fait en actualisation du potentiel intellectuel dans le cadre de la première expérimentation de la recherche est relativement minime.

Les résultats

Dans cette partie, nous présenterons les résultats obtenus en mettant l'accent sur l'intérêt et la motivation des participants, sur les comportements positifs observés, sur les apprentissages réalisés et enfin sur les difficultés rencontrées. Puis nous vous ferons part du point de vue des participants sur cette première expérimentation et de l'évaluation qu'ils en font.

L'intérêt et la motivation au cours de la recherche

Notons au départ que les moyens que nous avons utilisés pour rejoindre les participants et leur présenter la recherche ont été déterminants sur le plan de la motivation. Nous savions que si les apprenants se sentaient dépassés ou peu interpellés par le projet, ils seraient peu motivés à y participer.

Les participants désiraient avant tout avoir l'occasion de vivre une expérience nouvelle, de se retrouver en situation d'apprentissage, de travailler en groupe et de partager leur expérience. L'intérêt pour le contenu du logiciel était tel qu'à chaque période de travail, nous avons dû insister pour qu'ils consentent à prendre un temps de repos. Leur assiduité au cours de l'expérimentation témoignait également de leur motivation.

Nos observations sur les comportements positifs des participants face à la tâche

Le plaisir lié à la découverte
L'émerveillement face à la nouveauté, l'effet stimulant des logiciels, la curiosité suscitée par l'expérimentation, le goût de voir ce que réserve une animation, la surprise que procure la réalisation d'un exercice, voilà autant d'éléments considérés comme une grande source de plaisir par tous les participants.

L'ouverture au monde et à la nouveauté
Nous avons également constaté chez l'ensemble des participants une grande ouverture face au monde et à la nouveauté. Ils sont curieux, ils ont le goût d'apprendre, d'en savoir plus, d'aller plus loin. Manifeste dès le début, lors des prétests, cette ouverture s'est maintenue durant toute 1' expérimentation.

La persévérance
Certains apprenants ont découvert, à leur grand étonnement, qu'ils sont beaucoup plus persévérants lorsqu'ils travaillent à l'ordinateur qu'en atelier régulier. Ils sont absorbés. Ils se concentrent plus facilement et plus longtemps et montrent plus de détermination que lorsqu'ils exécutent les exercices habituels. Ils disent persister davantage, ne pas abandonner tant et aussi longtemps qu'ils n'ont pas terminé ce qu'ils ont à faire en utilisant tous les moyens possibles. Nous avons d'ailleurs pu le constater lorsqu'ils ont expérimenté un logiciel en mathématique. Comme ils font peu de mathématiques en atelier, leurs connaissances n'étaient pas très fraîches. Or, nous avons constaté qu'ils ne comptent ni le nombre de fois qu'ils doivent recommencer, ni les efforts qu'ils ont à fournir. Parce qu'ils persévèrent et s'acharnent à vouloir réussir, ils manifestent plus d'autonomie. Nous remarquons qu'ils ont aussi tendance à utiliser plus spontanément et plus souvent les outils de référence comme le dictionnaire, le globe terrestre, la calculatrice. Travailler avec des logiciels provoque des effets stimulants plus difficiles à susciter en atelier régulier.

L'estime de soi
L'expérimentation a permis à la majorité des participants de prendre conscience de leurs habiletés et de leurs forces. Ils sont, par conséquent, plus confiants. Ils l'ont exprimé à maintes reprises au cours de l'expérimentation et dans leurs ateliers d'alphabétisation. Ils ont parlé de fierté et ont dit être fiers de travailler à l'ordinateur et de réussir. Cette hausse de leur estime d'eux-mêmes s'est aussi manifestée très clairement dans leur rapport avec les autres, comme nous le mentionnons dans la partie portant sur le thème de la coopération.

La coopération
Les participants ont le goût de partager leurs nouveaux savoirs et d'aider les autres. Déjà actifs dans différents groupes d'éducation populaire, ils aiment discuter, échanger des propos et s'entraider Le désir de partager leurs connaissances est apparu dès le début comme une forte motivation à participer à la recherche. Pendant l'expérimentation, lors des rencontres en petits groupes, ils profitaient de la pause pour partager leurs trucs et leurs découvertes. Lors de la rencontre bilan, certains se sont même portés volontaires pour assister la formatrice pendant la deuxième expérimentation.

Nos observations sur les apprentissages liés à l'environnement informatique

La connaissance des composantes et de leur fonction
L'expérimentation a permis aux participants de connaître les composantes d'un ordinateur et leur fonction. Nous avons d'ailleurs pu observer une nette amélioration à ce chapitre au cours de l'expérimentation.

L'emploi de la bonne terminologie
Nous pouvons faire exactement le même constat pour ce qui est de la terminologie. Nous étions d'ailleurs particulièrement rigoureuses sur ce plan, car nous savions que si nous voulions que les participants puissent progresser dans leurs apprentissages en informatique, ils devaient se familiariser avec les conventions et utiliser un vocabulaire adéquat. Or on sait que l'emploi du terme exact plutôt que d'un terme plus signifiant pour eux ne fait généralement pas partie de leurs habitudes. Mais la possibilité de progresser et d'échanger leurs connaissances est devenue pour eux une motivation suffisante pour utiliser les termes propres au milieu informatique.

L'aisance dans les manipulations de base
Les participants se sentent maintenant beaucoup plus à l'aise dans les diverses manipulations qu'exige l'utilisation de l'ordinateur et des logiciels éducatifs. Ils ont appris et compris les fonctions et sont maintenant capables de les appliquer. Quelques-uns peuvent même guider les autres. Une participante du groupe de niveau débutant nous a dit avoir pu montrer à sa jeune enfant à utiliser la souris.

Le plaisir lié à la facture du logiciel
Les participants apprécient la richesse, la convivialité du contenu et la facture des logiciels. La beauté, la clarté des images et la grosseur des caractères captent leur intérêt, stimulent leur sens de l'observation et facilitent l'apprentissage. Ils sont captivés au point d'oublier la pause. Ils qualifient les logiciels de passionnants, captivants et intrigants.

Le plaisir lié à la liberté que procurent les logiciels
Les participants aiment la souplesse liée à l'expérimentation. Avec les logiciels, ils ont la liberté de choisir le type d'exercices qu'ils désirent faire et ils peuvent en faire autant qu'ils veulent. Ils sont les seuls maîtres à bord.

L'intérêt pour l'ordinateur
Les participants considèrent l'ordinateur comme un outil polyvalent qu'ils doivent connaître. Un participant a même souligné que depuis qu'il utilise l'ordinateur, il se sent moins illettré. Même si la majorité y voit une source de plaisir, certains trouvent que c'est un appareil sophistiqué qui change trop vite ou que c'est un appareil intrigant qui leur fait craindre de perdre le travail accompli. Mais tous sont unanimes, c'est un outil utile pour apprendre. Il favorise l'apprentissage de la lecture et de l'écriture et permet de faire de multiples exercices. Les participants peuvent recommencer à maintes reprises, le travail final est plus attrayant et satisfaisant que le travail à la main et, de plus, on peut le modifier aisément.

Nos observations sur les difficultés rencontrées

Fait marquant, les apprenants soulignent le peu de difficultés rencontrées. Ils disent avoir aimé leur expérience avec les logiciels. Ils passent facilement par-dessus les obstacles parce que la satisfaction qu'ils éprouvent et les bénéfices qu'ils tirent de l'expérimentation dépassent largement les difficultés.

Le décodage des textes et des menus
Les participants disent que leurs problèmes sont en grande partie liés à leurs carences en lecture. Ils ont de la difficulté à lire les textes qui apparaissent à l'écran, et quand ces derniers sont lus par un narrateur, le débit est très rapide. Les participants ont donc parfois des difficultés à se familiariser avec la procédure et la marche à suivre, ce qui limite l'utilisation du logiciel. Par conséquent, ils sont plus craintifs.

La méconnaissance de l'ordinateur et des procédures à suivre
Les participants font ensuite état des conséquences de leur manque de connaissances en ce qui a trait au fonctionnement de l'ordinateur. Il faut un certain temps pour saisir la marche à suivre, la procédure. Il faut acquérir un sens de l'ordre et de la méthode. Tant et aussi longtemps qu'ils n'ont pas acquis d'aisance dans la manipulation, ils se sentent limités dans leur capacité d'exploration et ont peur de commettre une maladresse. Certains deviennent anxieux face à l'inconnu, d'autres ont peur d'être jugés ou n'osent pas s'aventurer de peur de briser l'ordinateur. Ce sentiment s'estompe cependant avec la pratique

Les difficultés d'ordre technique
Plusieurs participants ont rencontré des bogues: tout s'est alors arrêté et il leur a fallu tout recommencer. De plus, il leur était parfois impossible de retrouver leur exercice après la pause. Tous les ordinateurs ne possèdent pas le même clavier, et les boutons d'allumage ne sont pas toujours placés au même endroit. Certains logiciels font référence à la touche «retour», d'autres à «enter».

Le contenu et la facture du logiciel
Certains participants se disent agacés par les dessins et les voix enfantines qu'on trouve dans certains logiciels. Ils disent apprécier les logiciels qui sont signifiants pour eux en tant qu'adultes. En outre, certains mots de vocabulaire sont inconnus des participants, puisque plusieurs logiciels sont fabriqués en France et en Belgique, et certaines images sont très peu significatives; par exemple, un temple Maya a été confondu avec un chemin de fer

L'attitude face aux difficultés
Face à ces difficultés, certains participants cessent complètement d'explorer et attendent. Certains choisissent systématiquement de s'attaquer à des exercices plus difficiles, alors qu'ils pourraient faire des exercices plus faciles adaptés à leur niveau d'alphabétisation. Si la personne se connaît mal et qu'elle le fait sans trop réfléchir, il est possible qu'elle rectifie le tir lorsqu'elle constate que les exercices proposés sont trop difficiles, sans nécessairement vivre cet ajustement comme un échec. Si elle choisit un exercice difficile parce qu'elle y voit un défi, l'impact peut être positif. Par contre, si le participant choisit un exercice difficile parce qu'il évalue mal ses chances de réussite, il se place presque automatiquement en position d'échec. Évaluer de façon juste et réaliste les difficultés que comportent les exercices demande des connaissances assez précises, à la fois sur la nature de la tâche et sur sa propre capacité à la réussir.

Le point de vue des participants

L'intérêt pour l'ordinateur
Tous les participants qui ont pris part à l'expérimentation avaient déjà eu l'occasion d'utiliser un ordinateur, au Carrefour et ailleurs. Ils le considéraient comme un outil qu'on peut utiliser de plusieurs façons et qu'il est nécessaire de connaître. Un participant nous a même dit que cette connaissance lui permettait de se sentir moins illettré Même si certains ont mentionné que c'est un appareil sophistiqué dont la technologie change souvent et ont avoué avoir peur de perdre le travail effectué, tous les participants s'entendaient pour dire qu'il s'agit d'un outil utile pour apprendre. Ils lui trouvaient plusieurs avantages: il favorise l'apprentissage de la lecture et de récriture, il permet de faire plus d'exercices, il facilite l'apprentissage, car les participants ont plus de facilité à s'en servir que de chercher dans un livre; de plus, il leur permet d'effacer et de recommencer facilement quand ils font une erreur.

L'intérêt pour le contenu des logiciels éducatifs
Les participants nous ont exprimé leur intérêt pour les logiciels en nous parlant de la richesse du contenu, de la beauté et de la clarté des images, de leur plaisir à voir des animaux utilisés pour l'animation et à faire des découvertes, de leur capacité d'émerveillement, de la possibilité de visiter des pays et par conséquent de voyager par la pensée et de faire de la recherche, de la convivialité du contenu, qu'ils ont trouvé passionnant, captivant et intrigant car il «pique la curiosité juste à le regarder». L'intérêt pour le contenu du logiciel a été tel qu'à chaque période d'expérimentation, nous avons dû insister auprès des participants pour qu'ils prennent un temps de pause, indispensable quand on utilise un ordinateur.

L'intérêt pour les possibilités qu'offre le contenu sur le plan de l'apprentissage
Les participants considèrent que le contenu des logiciels leur donne le goût de se surpasser, qu'il les oblige à observer attentivement, à aller chercher dans leur mémoire certaines notions oubliées, qu'il leur permet de se débrouiller seuls, d'accroître leur confiance en eux et d'apprendre en ayant du plaisir. En outre, il procure de la souplesse sur le plan de l'apprentissage car il offre, entre autres, la possibilité de choisir ce qu'on veut faire et de se reprendre quand on fait une erreur en plus d'offrir le choix entre lire du texte et se faire lire du texte.

Les apprentissages réalisés en informatique
Les participants nous ont dit qu'en expérimentant avec les cédéroms, ils ont pu se familiariser avec l'ordinateur et réaliser des apprentissages. Sur le plan de la manipulation, certains ont appris à manier la souris en se déplaçant dans les cédéroms et en faisant glisser des morceaux de puzzle dans le cadre d'exercices.

Quelques participants nous ont dit avoir appris à ouvrir et à fermer l'ordinateur et être maintenant capables d'insérer un logiciel dans le lecteur. Un participant, qui possède un ordinateur, nous a dit avoir appris à ne pas pousser sur le lecteur de cédéroms. En général, les participants constatent qu'ils sont plus à l'aise avec le clavier, et quelques-uns disent avoir appris à se déplacer dans le cédérom et à chercher de l'information. Concernant le vocabulaire informatique, plusieurs participants ont mentionné s'être familiarisés avec les termes liés à l'informatique comme le clavier, la souris, les logiciels, le curseur qui se change en flèche dans les cédéroms. Un participant a parlé du sablier, «qui t'indique de prendre ton temps». (Paul)

On sait que les personnes analphabètes hésitent à utiliser du vocabulaire nouveau parce qu'elles ont peur de ne pas choisir le bon terme ou encore de mal le prononcer. Or l'apprentissage de l'informatique demande d'acquérir et d'utiliser plusieurs mots nouveaux. Nous avons remarqué que les participants ont souvent fait cet apprentissage avec plaisir et fierté. Ainsi, un participant du groupe de niveau débutant qui, avant l'expérimentation, avait fait très peu d'informatique, s'est écrié en voyant le concierge du Carrefour entrer dans le local avec des boîtes contenant des claviers: «Il arrive avec des claviers.» (Louis)

L'acquisition de connaissances générales
En ce qui a trait aux apprentissages réalisés en français, les participants nous ont dit avoir appris à mieux lire et à mieux écrire, car certains exercices demandaient d'écrire des mots ou des phrases, alors que d'autres leur permettaient de se familiariser avec de nouvelles notions comme le pluriel des mots. Une participante ajoute: «C'est un bon moyen pour quelqu'un qui commence à apprendre.» (Luce)

Avec le logiciel de géographie, quelques participants nous ont dit avoir appris à faire de la recherche, car ils ont dû chercher des mots, des animaux et des pays. De plus, cet exercice leur a permis de se familiariser avec le contenu et de chercher en se déplaçant dans le logiciel. D'autres participants ont affirmé avoir acquis des notions de géographie et avoir pu se servir du globe terrestre et de la carte du monde pour la première fois.

Au moyen des logiciels de mathématiques, certains participants ont dit avoir appris à bâtir la façade d'une maison, sans prendre de mesures, en se servant plutôt de leur capacité d'estimation. D'autres en ont appris sur les mesures et sur les figures géométriques. Certains ont dû trouver des équivalences en pesant différents objets dans un exercice. Quelques participants nous ont dit avoir acquis quelques notions d'aérospatiale et d'autres avoir appris à faire des additions. À ce sujet, une participante nous a affirmé: «J'ai eu de la misère à faire des additions, mais je pourrais les refaire, si je recommençais une deuxième fois avec le même logiciel.» (Louise)

Un participant a constaté qu'en se servant d'un logiciel, il avait pu apprendre les chiffres. Une participante du groupe de niveau débutant nous a dit avoir fait des apprentissages et en être très contente, car elle se sent dorénavant mieux en mesure de préparer sa fille pour aller à l'école plus tard: «Ma fille, elle commence à lire et en maths, elle commence à compter.» (Diane)

Les occasions de transfert des acquis
Les apprentissages réalisés avec les cédéroms ont permis à des participants de transmettre leurs connaissances. Une participante du groupe de niveau débutant, qui possède un ordinateur, nous a dit avoir pu montrer à sa jeune enfant à utiliser la souris. Une participante du groupe avancé nous a affirmé avoir appris beaucoup sur l'ordinateur et avoir pu transférer ses apprentissages au traitement de texte qu'elle utilise dans l'atelier d'alphabétisation. Tous sont très fiers.

La persévérance
La majorité des participants ont persévéré dans tout ce qu'ils ont entrepris. Ils nous avaient dit, en début d'expérimentation, que face à un échec ou à une difficulté, ils persévéraient dans la plupart des cas et prenaient tous les moyens possibles pour réussir. Durant l'expérimentation, nous avons pu le constater: les personnes de notre groupe ne lâchent pas facilement devant une difficulté; elles recommencent, peu importe le nombre de fois et les efforts demandés, jusqu'à ce qu'elles réussissent. En plus d'aller chercher de l'aide au besoin et de s'informer auprès d'un autre participant, elles utilisent les outils disponibles: dictionnaire, globe terrestre, calculatrice. Elles ne baissent pas les bras devant les embûches.

Nous avons pu constater la détermination et la persévérance des participants, en particulier lorsqu'ils ont expérimenté un logiciel de mathématiques. Comme ils font très peu de mathématiques, leurs notions n'étaient pas nécessairement très fraîches. Or, malgré les embûches rencontrées, le vocabulaire ou les notions inconnues, la difficulté des problèmes en regard des connaissances de base, les participants ont persévéré et tenu à faire tous les exercices. Ils ont fait preuve d'une attitude très ouverte face à l'apprentissage et à la découverte. Ils ne se limitaient pas, étaient conscients de ne pas tout connaître, mais avaient la volonté d'apprendre. Lors de la rencontre de groupe, les participants ont reconnu leur persévérance et nous ont dit en être agréablement surpris.

La volonté et la fierté de réussir
Une participante du groupe de niveau intermédiaire nous a dit avoir trouvé certains exercices un peu difficiles en français et en mathématiques, mais qu'elle avait réussi à passer au travers et qu'elle en était fière. Elle nous a parlé de sa méthode: elle lisait le texte trois fois de suite pour réussir à «embarquer dans le programme». Elle conclut: «Ça allait vite, après...» (Luce)

Une deuxième participante nous a dit que les différents exercices l'avaient obligée à aller chercher dans sa mémoire des notions qu'elle avait oubliées et à faire des efforts, mais qu'elle voulait trouver les réponses et réussir: «Il faut que tu fonces, car on (le logiciel) ne te donne pas toutes les réponses et là où il y a des choix de réponses, il faut que tu te forces encore...» (Louise) Cette attitude l'a amenée à se surpasser et elle en est très fière.

Certains logiciels ont des indicateurs de réussite, qui peuvent prendre plusieurs formes: l'utilisateur reçoit un encouragement venant du logiciel, un repère visuel; par exemple, dans un logiciel, une étoile apparaît quand la série d'exercices est terminée, ou sinon l'utilisateur reçoit un "cadeau" ou une «récompense». Dans d'autres logiciels, l'utilisateur accumule des points quand il réussit un exercice et en perd s'il ne donne pas la bonne réponse, la perte de points étant toujours inférieure au gain possible. En général, les participants ont apprécié ces indicateurs de réussite; ils les ont consultés régulièrement, ajoutant leurs commentaires sur leur performance du moment: «Ça l'air que je suis bon en symétrie car je fais ça vite et j'ai une étoile.» (Robert) Un autre participant nous a dit, en riant, avoir été un peu agacé quand le logiciel lui indiquait qu'il s'était trompé: «Elle est pas tannée de me dire que je fais des erreurs, je le sais que je fais des erreurs.» (Louis)

Les difficultés rencontrées

Un peu de panique
Certains participants, lorsqu'ils utilisent la «souris» les premières fois, paniquent un peu, se trompent de bouton, ont de la difficulté à effectuer quelques manipulations. Il y a aussi un peu de panique les premières fois qu'un utilisateur se sert d'un ordinateur et qu'il est seul devant l'appareil lorsqu'un problème se présente. Ces comportements ne sont cependant pas liés à l'utilisation des cédéroms, mais plutôt à l'utilisation d'un ordinateur.

Les peurs face au contenu des logiciels
En début d'expérimentation, un participant du groupe de niveau intermédiaire a avoué avoir un peu peur de commencer à travailler le français sur cédérom, car il avait beaucoup de difficultés dans cette matière.

Une participante du groupe avancé a eu la même réaction, mais cette fois devant un cédérom de mathématiques, affirmant qu'elle n'était «pas bonne» dans cette matière. Elle a particulièrement paniqué en apprenant qu'un exercice portait sur «les mesures», car cette notion l'insécurisait beaucoup.

Après une courte exploration, un participant a constaté qu'un cédérom de mathématiques (Math Monde) demandait plusieurs connaissances de base avec lesquelles il n'était pas suffisamment à l'aise: texte à lire, utilisation de la calculatrice, déductions. Même s'il était clairement indiqué dans le logiciel qu'il était impossible de perdre des points en cas d'erreur, ce que le participant a semblé apprécier, il ne voulait pas échouer et a été suffisamment à l'aise pour demander de changer de logiciel.

Des réactions trop rapides
Une participante nous a dit avoir constaté qu'en utilisant les logiciels, elle était moins patiente que d'habitude avec d'autres types d'exercices. Nous avons aussi constaté beaucoup d'impulsivité chez cette participante lors de l'expérimentation. Par contre, lors de la rencontre de groupe, certains nous ont dit qu'ils se conditionnaient mentalement à ne pas paniquer, à rester calmes, à ne pas s'énerver.

Le contenu des logiciels
Une participante est d'avis que le style et les personnages étaient enfantins et que les marques de renforcement employées dans ce logiciel pouvaient ennuyer, en particulier quand l'utilisateur était déjà familiarisé avec la notion. Elle a donc trouvé ces éléments agaçants. Elle l'a mentionné pendant et après l'expérimentation. Par contre, d'autres n'y ont vu aucun problème et trouvaient cela plutôt agréable. Un participant a même ajouté: «Ça vient chercher l'enfant en moi.» (Paul)

La lecture
La lecture nécessaire à l'utilisation des logiciels présente souvent un problème. Pour les faibles lecteurs, elle limite l'utilisation du logiciel et pour ceux qui lisent lentement, le débit est trop rapide. Ils sont alors insatisfaits de ne pas pouvoir suivre adéquatement et prennent conscience de leurs limites. Plusieurs n'apprécient pas beaucoup d'avoir à lire du texte, préférant plutôt les phrases simples et courtes Un participant a comparé la lecture exigée au début des logiciels à des sous-titres à la télévision, difficiles pour des lecteurs débutants: «Ça a passé comme une balle... comme tu ne retiens que les derniers mots, t'as pas «catché» l'affaire...» (Paul)

L'entraide et le partage des connaissances
Au début, lors des premières rencontres, les participants se téléphonaient pour se rappeler l'horaire des rencontres, et quand un participant accusait du retard, son «partenaire» lui téléphonait pour s'assurer qu'il ne manquerait pas son rendez-vous.

Spontanément, la plupart des participants se proposent pour aider, mais les avis sont partagés concernant la forme d'aide à promouvoir. Quelques participants pensent qu'en atelier, le travail en équipe de deux personnes pourrait être un mode de fonctionnement à envisager. Une participante s'est dite prête à assister le formateur ou la formatrice et à aider directement les autres participants, ce qui a suscité des réactions dans l'assemblée; certains se sont dits prêts à aider spontanément, au besoin, mais que ce n'était pas à eux de donner de la formation: «C'est au prof à montrer comment ouvrir et fermer et manipuler, pendant le premier cours. L'entraide se fait pendant l'exercice.» (Robert)

Un autre participant ne se sent pas prêt à aider maintenant; peut-être le sera-t-il après une autre année d'expérience.

En utilisant les logiciels éducatifs, les participants ont aussi été amenés à faire de nombreuses découvertes sur eux-mêmes: ils se sont trouvés particulièrement persévérants, habiles et capables de montrer à d'autres, de s'émerveiller, de se débrouiller seuls et d'avoir confiance en eux. Ils ont pu acquérir l'estime d'eux-mêmes en faisant preuve d'assiduité et de persévérance et en réussissant ce qu'ils avaient entrepris.

Le sentiment de fierté est aussi très présent; les participants nous ont dit être très fiers de leur performance et avoir le sentiment d'avoir accompli quelque chose d'important pour eux.

3.1.3 Discussion sur les résultats recueillis

D'entrée de jeu, nous constatons que le contenu et la facture «infantilisants» de certains logiciels peuvent constituer un obstacle pour certains participants. Cependant, au cours de la recherche, nous remarquons que l'engouement semble vite faire oublier cet aspect plus rébarbatif. Nous tenons cependant à souligner que les participants du groupe avancé, essentiellement constitué de travailleurs et de travailleuses, ont répondu plus froidement au projet; ils ont mentionné que leur manque d'intérêt était en partie attribuable à cet aspect des logiciels. Il leur est plus difficile de composer avec cette situation et ils semblent aussi plus prompts à y réagir. En alphabétisation populaire, nous avons toujours tenu à ce que le matériel soit non seulement adapté aux adultes, mais signifiant pour eux, et à ce qu'il fasse le moins possible référence au vécu scolaire. Toutefois, nous considérons que dans le cas des logiciels, nous devons composer avec cette situation tant qu'on aura pas conçu de logiciels spécifiquement pour les adultes. Nous suggérons d'aborder cette question avec les participants et de ne pas rejeter d'emblée l'idée de les utiliser. Peut-être trouverons-nous ensemble une façon de faire valoir les besoins des adultes dans ce champ d'activité.

Dès le début de la recherche, nous avions choisi de ne pas mesurer les acquisitions notionnelles faites au cours de l'expérimentation. En effet, tant que ni nous, ni les participants ne savions comment tirer profit de ce nouvel outil, nous pensions que les résultats sur le plan de l'acquisition de nouvelles notions ne pourraient pas être concluants. Par contre, maintenant que nous avons vu les participants à l'œuvre, nous savons que cet outil favorise l'émergence de facteurs indissociables à la situation d'apprentissage et nous pouvons dire que dans certaines conditions, les logiciels éducatifs suscitent de nouveaux apprentissages ou de nouvelles façons d'acquérir des connaissances. Les participants ont d'ailleurs souligné l'importance de multiplier les occasions de lire, d'acquérir du vocabulaire et d'apprendre des notions de géographie ou d'histoire. Nous avons aussi noté que les participants à la recherche avaient tendance à transférer leurs apprentissages à leur atelier d'alphabétisation et que la fierté qu'ils tiraient de leurs nouveaux acquis pouvait stimuler leur progression.

Les participants ont souligné la souplesse de l'expérimentation et ont grandement apprécié la liberté qu'elle leur offrait. Ils aiment avoir la possibilité de choisir eux-mêmes les exercices qu'ils vont réaliser et ont moins peur de se tromper puisqu'ils sont seuls face à l'ordinateur. Ils sont actifs et étonnamment autonomes. Ils aiment se mesurer à eux-mêmes et demandent peu d'aide. Ils apprécient le fait que l'ordinateur ne pose pas de jugement sur leur façon de procéder. Ils aiment pouvoir forger leurs propres hypothèses sur le pourquoi de leurs erreurs et de leurs réussites. Le fonctionnement par essais et erreurs semble les rapprocher de leur propre façon d'apprendre et les inciter à en prendre note et à en parler. Toutefois, le fonctionnement par tâtonnement ne donne pas toujours les résultats escomptés. En effet, si les participants obtiennent des résultats, ils ne maîtrisent pas toujours le processus qui leur a permis de les obtenir et, par conséquent, peuvent difficilement transférer leurs habiletés à d'autres situations d'apprentissage. La deuxième année de notre recherche nous permettra d'ailleurs de mettre en place des façons d'éclairer et de guider leurs explorations. Nous espérons rentabiliser ce fonctionnement sur le plan de l'apprentissage.

Nous avons aussi constaté que certains participants ont tendance à adopter deux réactions opposées face aux difficultés: ils sont soit passifs, soit extrêmement impulsifs. Nous pensons que cette situation est due en partie au fait qu'ils ne connaissent pas leurs ressources. Des interventions dans le sens de l'utilisation des stratégies pourraient être d'une grande utilité.

Le travail à l'ordinateur rend les participants plus actifs dans le processus d'apprentissage. Cette façon d'apprendre leur convient bien, car elle correspond à la façon dont ils ont souvent acquis leurs savoirs et leurs compétences dans la vie. En effet, ils ont presque toujours appris «sur le tas». Certains ont mentionné avoir appris à bâtir la façade d'une maison sans prendre de mesures, simplement en se servant de leur capacité d'estimation.

La nouveauté des outils et du contexte les incite à s'observer et à se questionner, ce qui constitue une occasion privilégiée de se pencher sur des stratégies d'apprentissage comme l'observation, la comparaison, l'anticipation et la capacité à faire des liens. Les participants acquièrent le réflexe d'aller chercher dans leur mémoire certaines notions oubliées. Certains disent apprendre mieux avec un support visuel. Ils prennent davantage conscience de leur façon de faire, ils passent en revue les étapes qu'ils ont empruntées pour arriver à un résultat.

Le travail à l'ordinateur pousse les participants à réaliser un travail de recherche, de réflexion et d'analyse dont l'ampleur les découragerait dans le cadre d'un atelier régulier. Ils ont tendance à chercher l'information dont ils ont besoin puisqu'ils ne peuvent la demander. Comme il est normal et inhérent à la situation, le tâtonnement n'est pas perçu comme un signe d'incompétence. De plus, le produit est souvent plus attrayant que la version crayon papier.

Dans un contexte idéal, c'est-à-dire une exploration individuelle avec soutien (bien que très limité), l'utilisation des logiciels éducatifs semble extrêmement bénéfique sur le plan de l'apprentissage. Cet outil suscite des sentiments positifs, permet l'émergence d'éléments difficiles à saisir, à nommer, qui nous échappent si on tente de trop s'en approcher, mais qui sont toutefois essentiels à une saine situation d'apprentissage. Qu'est-ce qui favorise l'apprentissage? Quel serait, par exemple, le rôle du sentiment d'apprendre? Est-ce que c'est parce qu'on a le sentiment d'apprendre qu'on apprend mieux ou plus?

L'apprentissage est un phénomène complexe, à l'intérieur duquel interviennent différents facteurs d'ordre cognitif, affectif, psychologique et social. La perception que l'on a de sa propre façon d'apprendre, la connaissance de ses stratégies, les souvenirs et les sentiments liés aux premiers apprentissages sont tout aussi déterminants dans la façon d'apprendre ou de ne pas apprendre que les facteurs cognitifs ou strictement pédagogiques. Tenter de comprendre ou de mesurer l'acquisition de connaissances ou encore l'efficacité d'un outil pédagogique sans tenir compte de ces facteurs serait sûrement une erreur, et c'est pourquoi nous parlerons d'un terrain favorable à l'apprentissage. C'est ainsi que les participants nous ont amenées, par leurs attitudes, leurs découvertes et leurs commentaires à nous éloigner des obstacles pour nous tourner vers ce terrain en déterminant quels sont les facteurs favorables à l'apprentissage.

Ce qui saute aux yeux, c'est l'intérêt manifeste des participants pour l'informatique et particulièrement pour les outils à caractère très ludique. On sait que les difficultés de lecture et d'écriture créent chez les participants des sentiments déficitaires qui font obstacle à l'apprentissage. Le fait de ne pas maîtriser des habiletés si largement répandues dans notre société entretient chez eux le sentiment d'être incapables de franchir les limites de leur marginalité. Or, on le sait, ces limites sont bien plus souvent imposées par le regard des autres et par nos propres perceptions limitatives que par notre réel potentiel. Le fait que les participants accèdent au monde informatique en même temps ou presque que la plupart des citoyens semble créer chez eux un sentiment de confiance et de fierté générateur d'une attitude qui influence largement cette situation.

De plus, nous avons constaté que l'aisance face à cet outil semble favoriser un rapprochement parent-enfant dans le cadre du cheminement scolaire. En effet, les parents se sentent plus compétents, et certains ont souligné qu'ils prenaient plaisir à montrer à leurs enfants ce qu'ils avaient appris. Tous les participants qui ont des enfants considèrent que la connaissance pratique de l'ordinateur est un atout supplémentaire dans leur relation avec leur enfant. Les autres participants disent se sentir forts de leur expérience et très fiers de la partager avec leur entourage. Ils n'est d'ailleurs pas rare que ces participants donnent des conseils au personnel du Carrefour.

Lorsqu'il est question d'apprentissage, le plaisir est une donnée qui est revenue régulièrement durant toute l'expérimentation. Or on sait que le plaisir est à la fois l'indicateur d'une saine situation d'apprentissage et l'un des moteurs les plus efficaces dans l'intégration et le transfert de nouveaux acquis. L'ouverture au monde offre un terrain d'intervention pédagogique idéal. La fascination, l'émerveillement et la curiosité stimulent le goût d'apprendre et la persévérance. Le sentiment d'avoir réussi après avoir fourni un effort soutenu et d'avoir appris quelque chose génère l'envie de partager et d'aider les autres.

3.1.4 Quelques constats pour l'équipe

Au terme de cette première année d'expérimentation se profilent déjà à l'horizon un certain nombre de constats. Ils permettront à l'équipe de poursuivre la recherche et d'entreprendre une deuxième expérimentation qui invitera les participants à passer de l'individuel au collectif.

Le choix du logiciel

Nous constatons dans le groupe une pluralité des goûts et des styles d'apprentissage. Bien qu'ils aient tous apprécié le logiciel Mon premier atlas, certains l'ont aimé plus que d'autres. Le contenu, les exercices et la facture du logiciel peuvent plaire à certains et déplaire à d'autres. Tout dépend de leurs objectifs et de leurs propres critères d'évaluation. En effet, ce qui semble enfantin pour l'un ne l'est pas nécessairement pour l'autre, la grosseur du caractère peut être adéquate pour l'un et pas pour l'autre, les renforcements sonores ou la musique en stimulent certains et en agressent d'autres.

Somme toute, notre connaissance des participants et du contenu des logiciels peut favoriser des rencontres heureuses. Lors de la rencontre de groupe, dans les suggestions sur les suites à donner à l'expérimentation en ateliers, l'entraide, très présente, est apparue spontanément dans toutes les interventions: utiliser un même logiciel et travailler en équipe. Ainsi, les participants, riches de leur expérience avec le logiciel, pourraient aider ceux et celles qui en sont à leurs débuts.

Des activités liées au travail sur le logiciel

Afin de pouvoir tirer un meilleur profit de leur expérience, les participants aimeraient disposer de moyens leur permettant de se préparer à la lecture et à l'écriture prévue dans le logiciel qui sera utilisé et travailler plus souvent à l'ordinateur, en particulier avec les cédéroms; ils aimeraient aussi pouvoir se préparer, en atelier, préalablement à l'utilisation du logiciel.

On suggère d'évaluer les connaissances tant techniques que pédagogiques de chaque personne avant de travailler avec un logiciel, ce qui permettrait de proposer des activités directement liées aux connaissances à acquérir. En général, les participants ne lisent pas la consigne avant de faire un exercice et, lorsqu'ils le font, ils disent éprouver quand même des difficultés à trouver leur chemin. Par conséquent, ils préféreraient que l'animatrice explique de vive voix le déroulement prévu. Ils nous demandent de tenir compte des faibles lecteurs et de trouver des moyens de rendre les textes plus accessibles. Ils nous suggèrent d'enregistrer sur cassettes les textes contenus dans les logiciels et de fournir le texte écrit aux participants.

Ils proposent également de fonctionner par étapes: trouver des défis pour chacun des niveaux, proposer une formation structurée afin que chacun fasse la même chose, préparer les activités en atelier avec une feuille et un crayon, s'exercer à l'ordinateur, exploiter à fond le contenu du logiciel.

Assurément un nouvel outil d'apprentissage

Les impressions des expérimentateurs sur les cédéroms portent surtout sur l'apprentissage et l'apport de ce nouvel outil en la matière. Les difficultés et les peurs énumérées sont liées au manque de connaissances de l'outil de la part des participants. Nous le constatons, nous sommes en présence de personnes qui veulent travailler, qui veulent apprendre et qui voient dans les cédéroms un moyen d'atteindre leurs objectifs d'apprentissage.

3.2 L'an 2

Cette seconde grande section sera consacrée à l'ensemble des étapes comprises dans la deuxième expérimentation réalisée dans le cadre de la présente recherche. Dans la première partie, intitulée De l'an 1 à l'an 2, nous présenterons les clarifications qui se sont opérées au cours de l'an 1 et qui ont permis de préciser l'orientation et le déroulement de la deuxième année de recherche. Nous exposerons ensuite de façon détaillée ce que signifie pour nous l'alphabétisation populaire. Puis, nous aborderons la méthodologie, nous décrirons le déroulement de l'expérimentation et nous présenterons les résultats obtenus ainsi que l'analyse qui en a été faite.

3.2.1 De l'an 1 à l'an 2

Comme nous l'avons déjà expliqué, notre projet se déroulait sur deux ans, et chaque année de recherche comportait une expérimentation. L'élaboration de chacune d'elles étant planifiée en fonction d'un objectif spécifique, elles comportaient de nombreuses différences. Nous passions de l'individu au groupe, de participants volontaires à un groupe ciblé, de logiciels éducatifs variés à un seul, d'une navigation libre à une navigation plus structurée comportant des scénarios d'apprentissage et la mise en commun des expériences.

Un changement de cap

Comme vous avez pu le constater à la lecture de la première partie de notre rapport, une recherche-action est un processus en constante évolution. Il va sans dire que lorsque nous avons amorcé la deuxième année de notre projet, nous étions très loin du moment où nous avions, pour la première fois, formulé nos hypothèses et objectifs. En effet, au départ, nous avions prévu observer nos participants travailler individuellement et librement avec plusieurs logiciels afin de déterminer quelles étaient les barrières culturelles, pédagogiques et psychologiques liées à l'utilisation des logiciels éducatifs par des adultes faiblement alphabétisés. Cette étape devait nous mener à élaborer et à expérimenter, dans le cadre d'une approche d'alphabétisation populaire, des ateliers à contenu spécifique et adapté, en utilisant du matériel conçu à cet effet dans le but de franchir les barrières préalablement déterminées.

Or, comme nous l'avons déjà mentionné, nous avons relevé au cours de la première expérimentation des moments clés qui ont influencé et modifié les orientations de la deuxième partie du projet. Le fait que les participants nous aient amenées, par leurs attitudes, leurs découvertes et leurs commentaires à nous éloigner des obstacles pour nous tourner vers un nouveau terrain en faisant ressortir les facteurs favorables à l'apprentissage modifiait nécessairement l'objectif de recherche de la deuxième expérimentation. Les obstacles, bien que réels, perdaient de leur importance pour laisser la place aux facteurs de réussite. De l'idée de concevoir des scénarios d'apprentissage permettant de «niveler les difficultés», nous sommes passées à l'idée de mettre en place les conditions favorables à l'apprentissage.

L'objectif de départ de la deuxième expérimentation de la recherche est devenu le suivant:
Élaborer des scénarios d'apprentissage favorisant l'utilisation de logiciels éducatifs en alphabétisation populaire et les expérimenter avec des participants.

Malgré ce changement de cap, les questions qui se posaient au début de la recherche demeuraient toujours pertinentes

Ainsi, nous voulions savoir si des scénarios pédagogiques originaux et adaptés à une approche d'alphabétisation populaire rendraient les logiciels accessibles aux participants du Carrefour. Nous voulions vérifier la valeur éducative et l'intérêt, sur le plan pédagogique, d'ateliers conçus dans ce but. Étions-nous en mesure de fournir les balises nécessaires à l'élaboration d'un programme d'utilisation des logiciels en alphabétisation populaire? Une approche relative aux stratégies d'apprentissage serait-elle pertinente et utile dans un tel contexte?

Quatre pôles

Ce changement de cap et la reformulation de notre objectif nous ont amenées à décrire comme suit la dynamique que nous observerions au cours de la deuxième expérimentation. Le schéma comportait quatre pôles en interaction de façon réflexive et circulaire.

[Voir l'image pleine grandeur] Le schéma comportait quatre pôles en interaction de façon réflexive et circulaire: scénarios, alphabétisation populaire; outil; groupe.

Ces quatre pôles devaient interagir sans arrêt, et une attention particulière serait portée aux deux pôles supérieurs, soit scénarios et alphabétisation populaire. Comment favoriser l'alphabétisation populaire en travaillant avec un outil informatique qui incite souvent au travail individuel plutôt que collectif? Nous ne voulions pas non plus que le logiciel soit le moteur pédagogique, mais plutôt qu'il soit au service du groupe, de la formatrice et de l'alphabétisation populaire. De là toute l'importance des scénarios, car c'est au moyen de ces derniers que nous arriverions peut-être à concilier l'outil d'apprentissage et notre pratique d'alphabétisation populaire. Pendant toute la recherche, nous devions donc être attentives à cette interaction, créer un contexte pour que non seulement elle ne s'interrompe pas mais qu'elle puisse se développer en cours d'expérimentation.

L'alphabétisation populaire

L'alphabétisation populaire étant un des pôles centraux de notre objectif, nous avons senti dès le départ le besoin de nous pencher sur son sens et sa signification. Nous voulions discuter des mots qui la définissent et nous entendre sur une compréhension commune. Comme nous allions travailler des scénarios ayant, en autres, pour fonction de l'incarner dans nos pratiques, nous voulions vérifier ce que voulait dire, pour nous, chacune de ses caractéristiques en regard de ces pratiques.

Née de l'éducation populaire, l'alphabétisation populaire existe au Québec depuis plus de trente ans.

L'alphabétisation populaire est une approche polyvalente en éducation populaire autonome dont la spécificité se retrouve à travers sa dimension pédagogique, sa dimension politique et son implication sociale (...) favorise la maîtrise des outils essentiels que sont la lecture, l'écriture et le calcul et vise le développement des connaissances générales: fonctionnelles, politiques, sociales et personnelles. Elle fait de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture un outil d'expression sociale, de prise de parole, de pouvoir sur son milieu et son environnement, un moyen de développer la confiance en soi et une appropriation du langage écrit.6

En ce sens, l'alphabétisation est vue comme un outil de changement social plutôt qu'une démarche linéaire au cours de laquelle l'adulte apprend à lire et à écrire. Mais cela ne veut pas dire que l'apprentissage de la lecture et de l'écriture soit relégué au second rang. Cela signifie donner à la lecture et à l'écriture le sens personnel, social et politique de ces deux habiletés, donner à l'apprentissage un sens large, y associer la réflexion critique, la prise de parole et l'engagement dans son milieu. C'est dans cette optique que les groupes populaires ont choisi, voilà déjà plus de trente ans, de travailler à élaborer la vision conscientisante de l'alphabétisation. Dès le début, l'alphabétisation populaire au Québec s'est fortement inspirée de l'approche alphabétisation-conscientisante proposée par Paolo Freire7. Même si elle s'en est éloignée, elle reste toutefois toujours fidèle à ses grands principes et à ses objectifs. Une approche conscientisante vise à rendre l'individu plus conscient de sa réalité par l'analyse, la réflexion et la prise en charge. En alphabétisation populaire, la conscientisation se fait collectivement et inclut l'échange et le partage des idées.

L'alphabétisation est perçue comme un outil de changement social et de prise en charge. Le but est donc d'outiller les adultes en partageant avec eux le savoir académique et en apprenant ensemble l'exercice du pouvoir collectif. Par l'alphabétisation, on vise une prise de conscience de plus en plus profonde pour favoriser l'émergence de nouvelles valeurs et des changements sociaux. Cette approche est incontestablement axée sur le groupe et le phénomène de l'analphabétisme est perçu comme une inégalité sociale qui a les mêmes racines que la pauvreté.8

Il va sans dire que l'approche conscientisante peut se concrétiser de diverses façons: matériel adapté, atelier thématique, animation sociale, mobilisation, gestion participative, exercice de la démocratie. Généralement les groupes s'adaptent aux besoins des participants, à leurs réalités et aux ressources disponibles.

Pour la personne inscrite aux ateliers, l'alphabétisation populaire est un processus de changement auquel elle participe activement. Elle sera invitée à identifier ses besoins, à exprimer ses idées, à les confronter, à réfléchir sur les événements politiques et sociaux, à prendre part aux décisions, et à exercer du pouvoir. Elle pourra, si elle le désire, s'impliquer au sein du groupe et de sa communauté. Ses apprentissages, multiples et d'ordres divers, se feront dans les ateliers et dans les lieux où elle aura choisi de s'impliquer. À travers son expérience vers une plus grande autonomie, elle sera appelée à vivre de multiples transformations qui auront parfois des répercussions importantes dans le déroulement de sa vie. D'un point de vue pédagogique, elle sera au cœur de ses apprentissages, guidée par la formatrice. C'est à l'intérieur d'elle-même et au sein du groupe qu'elle trouvera les ressources pour franchir les étapes et parcourir sa route.

Nous croyons que les groupes populaires d'alphabétisation, de par leur spécificité, tiennent mieux compte des besoins et attentes des personnes analphabètes et y apportent des réponses qui se veulent plus adaptées.9

L'alphabétisation populaire se caractérise, entre autres, par la diversité de ses pratiques et la spécificité de sa pédagogie. Mais alors, comment s'articule-t-elle dans nos pratiques? Pour être en mesure d'observer les interactions entre les quatre pôles précédemment mentionnés, nous devions partir du concept large et abstrait que nous venons de décrire et en extraire les dimensions concrètes et observables.

Voici ce que nous avons retenu:

  • Une approche collective
  • Une participation active de tous les acteurs
  • Le respect du rythme de chacun
  • L'entraide et la coopération
  • Une pédagogie ouverte
  • Une place importante des participants dans les prises de décision
  • Un rôle différent du formateur

La conscientisation se situe au cœur de l'alphabétisation populaire et des pratiques du Carrefour; pourtant, elle n'apparaît pas nommément dans les dimensions que nous avons retenues, et ce, pour deux raisons principales. Au Carrefour, la conscientisation passe par des pratiques qui sont communes à l'ensemble des secteurs du groupe, que ce soit sur le plan de la mobilisation ou de la réflexion. Par exemple, chaque semaine, nous choisissons un thème que les animateurs travaillent d'abord individuellement ou collectivement dans le but d'animer des groupes de discussion au moment des ateliers, pendant la pause. Le matériel utilisé en alphabétisation est parfois lié au thème, parfois non, mais il doit toujours être signifiant pour les adultes et conçu de façon à éviter de les ramener à leur passé scolaire. Deuxièmement, nous voulions traiter la conscientisation comme une vision qui traverse, imprègne et donne un sens à chacune des caractéristiques retenues.

Voici maintenant brièvement comment, pour les fins de notre projet, nous avons défini chacune des dimensions retenues.

Une approche collective

L'individu s'intègre à une démarche de groupe, ce qui lui permet d'acquérir un sentiment d'appartenance; il ne se sent plus seul, il est partie prenante d'un groupe qui a les mêmes objectifs que lui. La mise en commun et le soutien caractérisent les relations à l'intérieur du groupe. On crée ainsi un espace où les participants peuvent mettre leurs idées en commun et joindre leurs forces. Chaque personne pourra mettre ses connaissances et ses habiletés au service du groupe. Tous profiteront des expériences et des questionnements des autres. La mise en valeur de la contribution de chaque personne augmentera ainsi la confiance en soi et le sentiment de compétence. Le groupe agira sur l'individu, et celui-ci agira sur le groupe.

Une participation active

Participer à sa démarche d'apprentissage, c'est devenir l'acteur central et non pas simplement le spectateur immobile d'activités pédagogiques. C'est se servir de ses connaissances et les partager avec les autres. C'est être à l'écoute de ses besoins et pouvoir les exprimer en toute liberté. C'est aussi apprendre à exprimer ses idées, à écouter, à prendre la parole et à discuter. C'est pouvoir émettre une opinion contraire et savoir qu'elle sera reçue.

Le respect du rythme de chacun

Chaque groupe, quel que soit le niveau d'alphabétisation, est hétérogène dans sa composition. Chaque individu qui compose ce groupe doit se sentir respecté dans son rythme d'apprentissage. Ce constat, qui a l'air évident, n'est pas aussi simple à appliquer, car il présuppose que le formateur accepte que le participant soit où il est et non pas où il voudrait qu'il soit. «Le rythme du travail à effectuer, des activités à «produire», est modifié en fonction des personnes participantes afin qu'elles puissent être partie prenante de la démarche.»10

L'entraide et la coopération

Fortement favorisées en alphabétisation populaire, ces deux valeurs sont l'antithèse de la compétition et de l'individualisme. L'atelier ne doit pas être un lieu où l'on garde pour soi ses acquis, mais un lieu où on les partage. Un lecteur plus habile pourra aider un lecteur moins habile, et les deux seront à l'aise dans ce processus. Beaucoup d'activités en équipe sont réalisées en alphabétisation populaire, ce qui démontre qu'on apprend autant, sinon plus, en coopérant.

Une pédagogie ouverte

Qu'est-ce à dire? C'est une pédagogie qui ne s'encombre pas des tendances. C'est une pédagogie qui demande autant d'ouverture de la part de la formatrice que de la part du participant. C'est une pédagogie qui interroge le processus de pensée. Cette façon de procéder habitue le participant à s'interroger sur sa façon d'apprendre et sa façon de comprendre. C'est une pédagogie qui demande beaucoup d'investissement de la part du participant. «On évaluera la réussite d'une activité tout autant, sinon plus, par la prise en charge et l'implication des participants que par le résultat final. La démarche devient alors tout aussi importante que la fin.»11 C'est une pédagogie qui mise sur la créativité et sur la découverte dans les apprentissages. C'est une pédagogie qui s'interroge à chaque pas et qui oblige la formatrice à être attentive aux atmosphères du groupe.

Une place importante des participants dans les prises de décisions

Dans les ateliers, le participant est fréquemment convié à s'exprimer sur le déroulement des activités pédagogiques. Une activité peut être enlevée, ajoutée ou modifiée, selon les réactions des participants. Elle peut aussi ouvrir des avenues autres de celles que la formatrice avait prévues. En alphabétisation populaire, on appelle ces avenues imprévues des «moments clés». L'écoute de la formatrice aux besoins exprimés par le groupe favorise de tels moments. «Il n'existe pas de moule «pédagogie populaire», parce que cette pédagogie se développe en fonction des besoins identifiés par les individus (...) et des besoins collectifs exprimés en atelier (...)»12

Un rôle différent du formateur

Comme l'alphabétisation populaire repose sur le principe de la collaboration, le rapport formatrice-participant en est changé; les deux sont responsables, à part égale, du processus de formation. Le rôle de la formatrice est d'animer, de guider, de soutenir et de motiver le participant dans sa démarche d'alphabétisation; il n'est plus la personne qui détient seule le pouvoir et le savoir.

Une pédagogie populaire implique également pour nous de briser le rapport de pouvoir traditionnel maître/élève. Nous tentons plutôt d'établir un rapport égalitaire et une relation de confiance entre adultes responsables.13

L'alphabétisation populaire, c'est une façon de penser et d'agir différemment, une vision et des pratiques différentes.

3.2.2 Méthodologie

Dans cette section, nous vous présenterons l'ensemble des éléments qui constituent la méthodologie de la deuxième expérimentation. Il sera question du processus de formation à la recherche, des raisons qui ont motivé le choix du groupe, des principales caractéristiques de ce groupe et du choix du logiciel. Nous décrirons aussi les outils de collecte de données et le processus d'analyse de ces dernières.

Le processus de formation à la recherche

Au début de la deuxième année, l'équipe de recherche était toujours composée de deux agentes de recherche issues du milieu de l'alphabétisation populaire, de la consultante en méthodologie et suivi de la recherche et de la coordonnatrice.

C'est en équipe, lors d'ateliers de travail, de formation et de discussion que s'est amorcée la réalisation de cette deuxième étape de la recherche. Les agentes de recherche et la consultante responsable de l'encadrement se sont réunies une dizaine de fois, de novembre 2000 à mai 2001. Ces rencontres ont servi principalement à reformuler et à préciser notre objet de recherche, à déterminer les tâches liées à l'expérimentation, à fixer un échéancier, à élaborer les outils de collecte de données, à organiser le processus de collecte des données, à faire le plan d'analyse des données et à planifier la rédaction du rapport de recherche.

Chacune des agentes de recherche assumait un rôle et des fonctions différents. L'une d'elles agissait comme animatrice, alors que l'autre concevait les outils de collecte de données et le matériel utilisé en atelier, observait le groupe et recueillait les données.

L'animatrice devait s'approprier du matériel didactique. Elle faisait tous les exercices, surtout ceux tirés du logiciel, pour s'assurer de bien les posséder avant d'avoir à les expliquer aux participants et à animer l'atelier. L'agente de recherche devait proposer une démarche d'utilisation du logiciel adaptée à l'alphabétisation populaire, trouver avec l'animatrice le thème de chacun des scénarios, créer le matériel didactique nécessaire, concevoir les outils de collecte de données et assister à toutes les expérimentations pour les observer et en décrire le déroulement. Elles se rencontraient plusieurs fois par semaine, avant et après chaque atelier, pour s'assurer du bon déroulement des choses, échanger des points de vue ou discuter de tout ce qui touchait les expérimentations, soit la préparation des scénarios et du matériel didactique, les outils de collecte de données, le groupe de participants, le logiciel, l'alphabétisation populaire, l'horaire, les modifications, les ajustements, les doutes et les questions soulevées.

Le choix du groupe

En alphabétisation populaire, les groupes sont divisés en trois niveaux: débutant, intermédiaire et fonctionnel. Ce sont les habiletés en lecture et en écriture, le rythme d'apprentissage et les besoins exprimés qui déterminent le niveau qui sera le plus approprié pour l'adulte qui s'inscrit dans une démarche d'alphabétisation.

Au tout début de la recherche, nous avions prévu d'expérimenter les scénarios avec les participants des trois groupes. C'est à la fin de l'an 1 que l'équipe de recherche a décidé que seul le groupe intermédiaire participerait à la deuxième expérimentation. Compte tenu du temps et des ressources limités, il apparaissait important de concentrer toute notre énergie sur un seul groupe.

Nous avons privilégié le groupe de niveau intermédiaire pour plusieurs raisons:

  • Quatre participants de ce groupe avaient collaboré à la première expérimentation et manifesté beaucoup d'enthousiasme. À plusieurs reprises, ils ont dit vouloir collaborer à la suite du projet.
  • Dès septembre, le groupe était composé de neuf personnes. Ce nombre semblait intéressant, assez représentatif du nombre de participants dans les ateliers et suffisant pour éviter d'avoir à intégrer de nouvelles personnes en cours d'expérimentation.
  • Dans ce groupe, deux personnes seulement étaient nouvelles, les autres se connaissaient depuis quelques années; leur sentiment d'appartenance au Carrefour comme au groupe était d'ailleurs très élevé.
  • Les participants de ce groupe aimaient travailler en équipe, s'entraidaient souvent et participaient activement. Or, ce sont là deux des caractéristiques de l'alphabétisation populaire que nous voulions observer au cours de l'expérimentation.

Nous pensions également que si les résultats de l'expérimentation s'avéraient concluants, nous pourrions plus facilement adapter les scénarios pédagogiques aux autres niveaux que si nous avions choisi un groupe en début ou en fin de démarche d'alphabétisation.

Le profil du groupe

Qu'est-ce que le niveau intermédiaire? C'est le niveau qui rassemble le plus de différences dans les acquis de chacun des participants. On y retrouve de faibles et d'habiles lecteurs qui, pour diverses raisons, ne peuvent être intégrés au niveau qui leur conviendrait. Un participant de niveau intermédiaire en lecture sait décoder des mots; la lecture se complexifie et la compréhension s'affine. C'est aussi le niveau où on découvre l'écriture et toutes ses applications possibles.

La formatrice peut donc diversifier les apprentissages, ce qui lui permet de capter l'attention des participants de façon soutenue, de stimuler leur participation et d'éveiller leur curiosité. Les échanges et les discussions sont fortement favorisés et enrichissent la démarche d'alphabétisation. À ce niveau, les activités ludiques ont aussi leur place et sont bien reçues par les participants.

En septembre 2001, soit au début de la deuxième expérimentation, le groupe intermédiaire du Carrefour était composé de neuf personnes: huit femmes et un homme. Quelques semaines plus tard, au moment de l'expérimentation, une participante s'est désistée, portant le nombre de participants à huit. Le groupe est par la suite demeuré le même jusqu'à la fin. Durant les 12 semaines d'expérimentation, il n'y a eu ni abandon, ni nouvelle inscription. Des huit personnes du groupe, trois avaient collaboré à la première expérimentation et savaient utiliser l'ordinateur, les deux nouvelles participantes avaient suivi une courte formation en début d'année et les autres avaient pu se familiariser un peu avec l'appareil dans leurs ateliers d'alphabétisation. L'âge des participants de ce groupe variait entre 25 et 55 ans.

Le choix du logiciel

Mon premier atlas super génial Nathan a été le logiciel choisi pour réaliser cette deuxième expérimentation.

Il a été l'un des plus appréciés des participants et des formatrices qui ont collaboré à la première expérimentation. C'est un atlas animé qui «initie les apprenants à la géographie de la Terre et de ses différents pays. Il renseigne sur les régions du monde, les océans, les pays et leurs capitales, la faune, la flore et les habitants.»14 Soulignons que dans L'ABC des logiciels 2, un répertoire pour mieux s'y retrouver!, ce logiciel reçoit la note de 92% comme évaluation globale.

Le répertoire mentionne les forces suivantes: une aide vocale disponible en tout temps, une animation magnifique et amusante, un contenu riche, original, attrayant et pertinent, de belles cartes géographiques. Quant aux limites, le répertoire n'en mentionne qu'une seule - le fait que le logiciel s'adresse à des enfants-, mais il nous recommande de dépasser nos premières impressions.

Ajoutons que ce logiciel favorise l'ouverture sur le monde et qu'il permet aux participants d'apprendre à lire et à écrire et d'augmenter leurs connaissances générales. En explorant divers pays, ils découvrent de nouvelles cultures. Ce logiciel se prête bien à l'utilisation d'une démarche conscientisante et à l'élaboration de thèmes comme la Marche des femmes en l'an 2000, la mondialisation ou le racisme. De plus, pour les participants, il est beaucoup plus concret qu'un globe terrestre

Pour l'animatrice, ce logiciel se prête à de multiples transformations lui permettant de créer les exercices qu'elle désire; elle peut copier des images et du texte, changer le texte du logiciel, effacer des images. Elle peut élaborer le matériel pédagogique qu'elle considère le plus approprié compte tenu du niveau d'alphabétisation du groupe

Facile d'accès, ce logiciel se manipule aisément après quelques tentatives; il n'exige aucune performance de la part de l'utilisateur et ne lui donne pas de note de passage comme les exerciseurs ou les tutoriels.

Les outils de collecte de données

Afin de recueillir un maximum d'information pertinente, nous avons choisi, dans un premier temps, d'utiliser des grilles d'observation ainsi que le journal de bord des participants et de procéder à des entrevues de groupe. Voyons rapidement la description de chacun de ces outils.

Les grilles d'observation

En prenant comme modèle les grilles d'observation utilisées la première année, nous avons conçu quatre nouvelles grilles relatives à l'approche populaire du scénario, au comportement des participants, à leur habileté à utiliser le logiciel et au contenu notionnel du scénario. Chaque volet comportait plusieurs critères observables.

Le journal de bord des participants

Le journal de bord comportait quatre courtes questions et trois choix de réponses chiffrées. Les questions étaient lues par l'animatrice et les participants entouraient leurs réponses (voir annexe 2). Le journal devait permettre aux participants de prendre un temps de réflexion et de faire un retour personnel sur l'atelier.

L'entrevue de groupe

Sous forme d'entrevue semi-dirigée, elle comportait quatre questions ouvertes:

  1. Qu'avez-vous le plus aimé?
  2. Qu'avez-vous le moins aimé?
  3. Comment avez-vous trouvé le déroulement de l'activité? Trop rapide? Trop lent? Y avait-il trop d'éléments? Pas assez d'éléments?
  4. Voyez-vous des changements à apporter?

Le processus de collecte de données

À cette étape de la recherche, nous voulions aller chercher de l'information sur les scénarios d'apprentissage, l'approche utilisée, le logiciel et le groupe de participants. Toutefois, certains outils n'ayant pas répondu adéquatement à nos attentes ont dû être rapidement mis de côté au profit de nouveaux outils.

Les grilles d'observation

La grille qui touchait au contenu notionnel du scénario a été rapidement mise de côté parce qu'elle contenait des éléments qui n'étaient pas pertinents en regard de notre objet de recherche ou que nous n'étions pas en mesure d'observer ou d'évaluer au cours de l'expérimentation, comme par exemple l'amélioration du niveau de lecture et d'écriture.

Les autres grilles d'observation ont été utilisées lors de la première semaine d'expérimentation. Nous les avons vite trouvées trop restrictives et quantitatives pour le type de recherche qualitative que nous voulions faire. Elles ont aussi été retirées.

Le journal de bord des participants

Dès la deuxième semaine, le journal de bord des participants a également été mis de côté parce que nous avons constaté que tous prenaient facilement la parole. De plus, cet outil manquait de précision: si un participant cochait le chiffre 2, c'est-à-dire plus ou moins, ça ne nous donnait pas d'information sur le motif de son choix de réponse.

Très vite, nous nous sommes donc retrouvées avec des outils qui convenaient peu à ce que nous voulions. De plus, nous risquions de démotiver le groupe à force de noyer les participants sous de multiples formes d'évaluation. Il valait peut-être mieux avoir des outils de collecte moins nombreux mais plus efficaces.

Que voulions-nous vraiment savoir, et quels outils conviendraient le mieux au type de recherche que nous faisions? Il nous a donc fallu, avec l'aide de la consultante en recherche, nous pencher sur la question, retourner à notre objectif de départ et créer de nouveaux outils. Nous avons aussi parlé, dans cette rencontre, de l'importance du journal de bord de la formatrice, où celle-ci noterait ses commentaires et ses impressions à la suite de chaque atelier. Nous avons décidé de ne conserver qu'un seul outil parmi ceux que nous avions déjà élaborés: l'entrevue de groupe À l'entrevue, nous avons ajouté la prise de notes d'observation et le journal de bord de la formatrice.

Les notes d'observation

Dès le premier scénario, cette prise de notes est devenue l'outil principal de collecte de données. C'est un peu le récit de chaque atelier. L'agente de recherche devait toujours avoir en tête l'objectif de départ et le schéma illustrant les quatre pôles qui s'y rattachaient. Elle devait observer et décrire tout ce qui relevait de l'alphabétisation populaire, les scénarios, le groupe et le logiciel. Les interactions entre les différents pôles constituaient l'essentiel de ses observations. Elle devait décrire chaque atelier tel qu'il s'était déroulé. Le défi consistait à demeurer le plus fidèle possible à la réalité et à la décrire sans interpréter les gestes, les paroles ou les situations, ni chercher à prouver ou à analyser. La transcription des observations était faite dès le lendemain de chaque atelier pour ne pas oublier ou modifier les faits en laissant trop de temps s'écouler. Lorsque l'agente de recherche avait des questions, des commentaires ou des pistes de réflexion, elle les indiquait dans ses notes en changeant de caractère de police pour qu'ils ne soient pas confondus avec les données recueillies. Les observations de même que les questions soulevées, les commentaires et les pistes de réflexion ont servi à nous réajuster au cours de l'expérimentation.

Le journal de bord de l'animatrice

Il contient les impressions, le senti, les doutes et les questions de la formatrice durant l'expérimentation. La tenue de ce journal ne s'est pas faite de façon aussi systématique que prévu. L'animatrice l'a commencé à la fin du premier scénario en faisant des constats sur les trois premières semaines d'expérimentation et, par la suite, elle a acquis le réflexe d'être plus assidue et de rédiger le journal après chaque atelier.

L'évaluation bilan de chaque scénario par les participants

Cet outil n'était pas prévu au départ; nous l'avons conçu dans le but d'aller chercher des données supplémentaires propres à chaque scénario, afin de pouvoir évaluer la démarche de façon plus précise et de nous guider dans l'élaboration du scénario suivant. Le questionnaire comportait quatre sections couvrant l'outil, l'animation, la dynamique du groupe et le scénario

Au moment de l'évaluation du premier scénario, les participants avaient été avertis à l'avance que la séance serait plus longue que les précédentes et comporterait plusieurs questions. Au bilan du scénario sur les animaux, nous avons changé notre façon de procéder: nous n'avons donné aucune consigne aux participants et nous les avons laissés libres de favoriser un élément ou un autre.

Nous avons constaté qu'à ce stade de la recherche, cette façon de procéder était tout aussi efficace et nous permettait d'aller chercher autant d'information. Cette méthode avait toutefois l'avantage d'être plus créative en laissant plus de place à la spontanéité.

L'évaluation finale de l'expérimentation

Elle portait sur l'ensemble de l'expérimentation et comportait quatre volets: 1) l'expérimentation, 2) les scénarios, 3) les participants en tant que collaborateurs, 4) les recommandations (voir annexe 3). L'évaluation a duré le temps d'un atelier et a eu lieu la semaine suivant la fin de l'expérimentation Sept participants étaient présents et, parmi eux, deux ont dû quitter l'atelier durant l'évaluation. Un rendez-vous ultérieur a été pris avec eux et avec la participante absente.

Nous avons insisté pour que chaque participant réponde à toutes les questions, car cette rencontre constituait un moment privilégié pour discuter avec eux de cette expérience unique et pour connaître leurs impressions, commentaires et suggestions. Nous leur avons même proposé de les rencontrer individuellement s'ils le désiraient.

L'entrevue avec l'animatrice

C'est à la fin de l'expérimentation que nous avons décidé de faire une entrevue avec l'animatrice, puisque nous considérions que son journal de bord mettait davantage l'accent sur les participants que sur son rôle, et qu'au début de l'expérimentation, il n'avait pas toujours été tenu de façon assidue.

L'entrevue a été effectuée la semaine suivant la fin de l'expérimentation. D'un commun accord, nous avons décidé que la consultante en recherche mènerait l'entrevue. L'objectif général était de recueillir les propos de l'animatrice relativement à l'expérimentation, et les objectifs spécifiques de faire le point avec elle, de situer les aspects positifs et les difficultés rencontrées en cours d'expérimentation et d'approfondir quelques thèmes en fin de parcours.

Les points suivants ont été traités:

  1. Le démarrage et l'état d'esprit
  2. La réalisation de l'expérimentation
  3. Les défis posés par l'expérimentation
  4. Les questions qui subsistent pour la formatrice à la fin de la recherche

Cette entrevue a été enregistrée et son contenu a été transcrit tel quel.

L'analyse des données

Pour faciliter le traitement des données recueillies au moyen de nos outils de collecte, soit:

  • les observations en cours d'expérimentation;
  • les évaluations des participants, celles faites après les ateliers, celles effectuées en bilan des scénarios et celles de l'ensemble de la recherche;
  • le journal de bord de la formatrice et son entrevue.

nous les avons, dans un premier temps, compilées selon cinq catégories:

  • La participation;
  • L'entraide;
  • La prise de décision;
  • Le rythme;
  • La pédagogie.

Après une première lecture, nous avons décidé de faire une compilation à part de toutes les données qui se rapportaient à l'outil, c'est-à-dire à l'ordinateur et au logiciel Mon premier atlas, pour pouvoir mieux les traiter. Nous considérions que si ces données demeuraient dans la compilation des cinq catégories, elles seraient plus difficiles à analyser.

Par la suite, une seconde lecture nous a amenées à regrouper le rythme avec la pédagogie et la prise de décision avec la participation, car nous trouvions que tout ce qui se rapportait au rythme était partie intégrante de la pédagogie et que la prise de décision était un élément important de la participation.

Nous nous sommes donc retrouvées avec les quatre rubriques suivantes:

  • La participation;
  • L'entraide;
  • La pédagogie;
  • L'outil.

Pour faciliter le traitement des données, chaque catégorie avait des sous-thèmes où étaient regroupées les données qui s'y rapportaient, ce qui permettait d'avoir un portrait plus clair de l'ensemble, tout en nous aidant à ne pas nous égarer dans toute cette masse d'information recueillie au cours des 12 semaines d'expérimentation.

3.2.3 Le déroulement de la deuxième expérimentation

Dans la section qui suit, nous vous décrirons le contexte dans lequel s'est déroulée l'expérimentation en ce qui a trait à l'environnement matériel. Nous expliquerons ce qu'on entend par «scénario pédagogique» et nous vous présenterons chacun de ces scénarios tels qu'ils se sont déroulés.

L'environnement matériel

Parce que le Carrefour a décidé que l'accès aux nouvelles technologies devenait incontournable pour la population de Pointe Saint-Charles, il va de soi qu'il se soit doté d'un appareillage informatique adéquat, facilitant l'intégration des nouvelles technologies.

La salle d'ordinateurs est adjacente aux deux locaux où se déroulent les activités d'alphabétisation; ainsi, les participants et les formatrices y ont facilement accès. Nous considérons que cette situation a facilité le déroulement de l'expérimentation. En effet, nous pouvions passer d'un local à l'autre sans que cela n'influe sur la bonne marche du scénario.

Les caractéristiques de l'appareillage

Onze ordinateurs étaient mis à la disposition du groupe. Il s'agissait de PC 486 ou Pentium, tous munis d'une paire d'écouteurs. Il y avait deux imprimantes pour les 11 ordinateurs, et un rétroprojecteur était relié à l'ordinateur de la formatrice, placé de façon à ce que tout le monde puisse bien voir.

Les ordinateurs étaient disposés sur cinq rangées, deux tables par rangée, deux ordinateurs par table, autour d'une travée centrale dans une salle de 450 pieds carrés. Cette disposition offrait suffisamment d'espace entre les rangées pour que les gens puissent circuler. Des stores installés aux fenêtres pour empêcher le soleil d'atteindre les écrans permettaient d'obtenir un éclairage adéquat.

Les scénarios

Qu'entendons-nous par scénario d'apprentissage? C'est une capsule à l'intérieur d'un certain contexte d'apprentissage, le contexte étant ici l'utilisation d'un logiciel éducatif. C'est une intervention pédagogique liée à l'utilisation d'un logiciel, aux notions abordées et à la nature de la tâche à accomplir. Les scénarios pédagogiques tels que nous l'entendons sont conçus pour être utilisés en atelier régulier ou à l'ordinateur, individuellement ou en groupe avec l'animatrice, avec ou sans ordinateur. Ils ont pour fonction de présenter le contenu d'un logiciel, d'aider les participants dans leur exploration, de préciser certaines consignes, d'enseigner les habiletés liées à la tâche, de fournir les explications nécessaires pour comprendre ou approfondir les notions abordées avec le logiciel ou d'exécuter des exercices ou simplement de permettre la mise en commun de l'expérience de chaque personne. Ils sont conçus en fonction des besoins particuliers des participants. Par exemple, un logiciel comme Le Petit prince peut être utilisé par les trois groupes d'alphabétisation, mais certainement pas de la même façon. On fera des choix de contenu différents, la présentation du matériel ne sera pas la même et les exercices proposés le seront en fonction des besoins d'apprentissage des différents groupes. Les scénarios permettront ainsi une utilisation adéquate et, souhaitons-le, optimale du matériel.

La première expérimentation avait permis d'établir, avec des participants de différents niveaux d'alphabétisation, que certains logiciels éducatifs avaient des contenus intéressants pouvant favoriser des apprentissages positifs et diversifiés.

Rappelons que l'objectif de cette deuxième expérimentation était d'élaborer des scénarios d'apprentissage favorisant l'utilisation de logiciels éducatifs en alphabétisation populaire et de les expérimenter avec des participants. De cet objectif, l'enjeu principal était de faire interagir les quatre pôles suivants: les scénarios, l'alphabétisation populaire, le groupe et l'outil, en insistant toutefois sur les interactions entre les scénarios et l'alphabétisation populaire.

Nous disposions d'une banque de scénarios élaborés à la fin de la première année. Chaque scénario avait un thème, et chaque thème comportait une liste d'activités et d'exercices pédagogiques (voir annexe 4).

Avant de commencer les expérimentations, les deux agentes de recherche étaient fortement animées par l'attrait de la nouveauté. Tout était possible parce que rien, à notre connaissance, n'avait été fait dans ce sens. Nous n'avions aucun exemple, aucun modèle. Le défi était grand et stimulant, mais tout aussi effrayant.

Bien que certaines personnes ayant fait partie du premier groupe nous aient manifesté le désir de participer à la deuxième expérimentation, tous les membres du groupe n'avaient pas choisi de le faire. Cette situation nous faisait craindre certaines réactions. La prise de décision des individus sur leur apprentissage étant l'une des principales caractéristiques de notre approche, nous avions de la difficulté à composer avec cette situation.

Saurions-nous dépasser le piège ordinateur-utilisateur et son rapport un à un? Pourrions-nous répondre aux questions de tous les participants concernant l'ordinateur et le logiciel? Pourrions-nous tirer du logiciel les meilleures applications pédagogiques? Arriverions-nous à conserver une approche pédagogique alternative, à stimuler l'aspect participatif et à respecter le rythme de chaque participant?

Le logiciel Mon premier atlas offrant la possibilité d'élaborer plusieurs scénarios d'apprentissage, il était difficile de choisir ceux qui pouvaient le mieux répondre aux particularités de l'alphabétisation populaire.

Il nous fallait faire en sorte que les apprentissages par ordinateur ne prennent pas toute la place, mais qu'ils soient ce qu'ils devaient être pour nous: un complément de plus en pédagogie et non pas un remplacement à nos pratiques pédagogiques. Nous voulions que le logiciel soit un enrichissement aux apprentissages des participants.

Nous savions que l'expérimentation durerait plus ou moins 12 semaines, qu'il nous fallait compter une semaine d'initiation au logiciel et que nous voulions expérimenter de deux à cinq scénarios. Comme nous désirions laisser de la place pour les imprévus, nous ne voulions pas fixer une période de temps précise à consacrer à chacun des scénarios.

Avant de commencer l'expérimentation, l'agente de recherche a analysé le logiciel d'un bout à l'autre pour en connaître toutes les possibilités, afin de pouvoir l'exploiter au maximum Bien connaître l'outil était le préalable nécessaire pour bâtir des scénarios et créer les exercices qui y seraient rattachés.

L'expérimentation

Comme il y avait deux ateliers par semaine et que la salle d'ordinateurs n'était libre que le mercredi, nous avons décidé que l'atelier régulier du lundi servirait à préparer ou à réaliser collectivement les activités qui se feraient à l'ordinateur le mercredi. Cette façon de procéder avait fait l'objet d'une recommandation des participants à la fin de la première année de recherche.

Sur 12 semaines, nous avons réalisé une initiation au logiciel et expérimenté trois scénarios. Les tableaux (voir annexe 5) des activités de chacun des scénarios ont été créés à la toute fin de l'expérimentation. Nous vous présentons maintenant le déroulement de l'atelier d'initiation au logiciel et les trois scénarios réalisés: «Les points cardinaux», «Les animaux du monde», «Je voyage et j'écris».

L'approche «Initiation au logiciel»

Avant
L'agente de recherche a élaboré des activités d'initiation au logiciel et les a présentées à l'animatrice, ensemble, elles ont travaillé sur l'ordre d'apparition de ces activités, puis l'animatrice les a essayées à l'ordinateur pour mieux se les approprier et être en mesure de faire l'animation. Comme c'était la première fois qu'elle utilisait le rétroprojecteur en salle d'ordinateurs, elle devait aussi s'assurer d'être à l'aise avec cet outil.

Lors de nos deux rencontres de préparation, nous avons discuté de la meilleure façon de travailler pour les participants. Les deux nouvelles participantes du groupe avaient eu une courte formation portant sur l'ordinateur et ses périphériques, et tous les autres avaient déjà fait un peu d'informatique.

Serait-ce suffisant pour qu'ils se sentent à l'aise de naviguer dans un logiciel que seuls connaissaient les trois participants qui avaient collaboré la première fois?

Cette question nous préoccupait, et afin de pallier cet inconvénient, nous avons décidé de laisser aux participants le choix de travailler ou non en tandem en salle d'ordinateurs.

Pour introduire le logiciel au groupe, l'animatrice a demandé aux trois participants de l'an 1 de l'aider dans sa présentation. Ils s'étaient déjà proposés, et nous savions qu'ils étaient les mieux placés pour le faire.

Pendant
Deux ateliers d'initiation ont eu lieu:

  • Le premier, en atelier régulier, présentait le logiciel.
  • Le second, en salle d'ordinateurs, comportait des exercices pratiques à exécuter à l'intérieur du logiciel.

Au moment de la première séance, l'animatrice a fait une courte présentation du projet de recherche dans son ensemble. Lorsqu'elle a expliqué le logiciel, les trois participants qui le connaissaient l'ont appuyée par de nombreux commentaires. Ce qu'ils ont dit du logiciel et des découvertes qu'ils avaient faites a suscité de nombreuses questions et piqué la curiosité des autres membres du groupe; ceux-ci avaient hâte de découvrir Mon premier atlas.

Ils ont aussi parlé de leurs craintes, notamment de leur manque d'habileté à manipuler la souris et le clavier et du peu de connaissances qu'ils avaient de l'ordinateur. Plusieurs participants ont émis le souhait de ne pas travailler seuls et d'être jumelés à ceux qui connaissaient le logiciel. L'animatrice leur a dit que c'était à eux de choisir. Après discussion, il est ressorti que deux participantes préféraient travailler seules et que les six autres désiraient former des duos. Ils avaient jusqu'au mercredi suivant pour changer d'avis.

Quelques participants ont dit se sentir plus à l'aise d'avoir le choix et moins anxieux depuis le témoignage de ceux qui avaient travaillé avec le logiciel; bien que toujours présentes, leurs craintes s'atténuaient.

L'animatrice a remis un cartable à chaque participant, et l'atelier s'est terminé par une activité liée aux exercices qu'ils auraient à réaliser le mercredi suivant. Les participants ont alors pu voir à quoi ressemble une vraie demande de passeport et remplir la partie sur l'identification.

L'atelier du mercredi a été exclusivement consacré à un premier contact avec le logiciel. Avant l'arrivée des participants, les huit ordinateurs avaient déjà été ouverts et le logiciel placé à l'endroit de l'activité, et le rétroprojecteur était prêt à être utilisé. Nous avons fait ce choix parce que nous jugions qu'autrement, il y aurait eu trop de manipulations avant d'arriver au menu souhaité. De plus, l'objectif n'était pas tant d'ouvrir un ordinateur ou de démarrer un logiciel que d'apprendre à travailler à l'intérieur du logiciel avec le plus d'aisance possible, en concentrant ses énergies sur les activités. Pour tous les autres scénarios de la recherche, nous avons procédé de la même façon.

Dans cet atelier, le rétroprojecteur a servi d'outil d'initiation au logiciel. L'animatrice projetait une fonction précise et montrait comment manipuler la souris pour donner accès à cette fonction; le rétroprojecteur a été le modèle visuel pour tous les exercices de familiarisation. L'animatrice complétait par des explications orales, puis les participants reprenaient les exercices de manipulation et s'exerçaient. Toutes les fonctions du logiciel ont ainsi été vues, et les participants ont terminé en remplissant le passeport du logiciel.

À cet atelier, chaque participant a reçu une feuille où tous les périphériques d'un ordinateur étaient photographiés et clairement identifiés, pour qu'ils puissent graduellement s'approprier le vocabulaire informatique.

Après
Nous avons pu constater, lors de cette première semaine d'expérimentation, tout l'attrait qu'exerçait le logiciel. Les cinq participants qui ne le connaissaient pas du tout ont poussé des exclamations ravies quand ils ont vu à l'écran la carte du monde en couleurs. Tous nous ont dit avoir hâte d'aller plus loin.

Nous avons aussi constaté que la disposition des ordinateurs facilitait le travail. Le fait qu'il y ait deux ordinateurs par table permettait de travailler seul ou à deux. Même si le participant décidait de travailler seul, il pouvait échanger des commentaires avec son voisin de table.

L'utilisation du rétroprojecteur a grandement aidé à la compréhension des fonctions du logiciel. Grâce à lui, la formatrice n'avait pas à se déplacer constamment d'une table à l'autre pour montrer ou expliquer.

Le premier scénario: Les points cardinaux 15

Avant
Le choix de ce scénario nous a posé un certain nombre de défis et a soulevé bien des questions. Dans un premier temps, l'animatrice et l'agente de recherche ont discuté des scénarios compris dans la banque16 en tenant compte du groupe choisi, de l'intérêt que les scénarios pourraient susciter et des difficultés que certains présenteraient à un groupe de niveau intermédiaire.

Puis l'agente de recherche a présenté l'idée d'un premier scénario, tiré de la banque, et d'un canevas dont elle a discuté avec l'animatrice. Le scénario et les exercices ont été modifiés en fonction du groupe et du type d'animation. Nous avons choisi le thème des points cardinaux pour les raisons suivantes:

  • Mon premier atlas étant un logiciel de géographie, la connaissance des points cardinaux devenait presque incontournable pour mieux naviguer à l'intérieur de celui-ci et s'orienter sur la carte du monde.
  • Pour les participants, les points cardinaux faisaient référence à leur quartier et à leur ville, donc à ce qui était près d'eux et avait du sens pour eux.

Au cours de ce scénario, nous partions du plus grand (le monde) pour aller vers le plus petit (le quartier). Nous pouvions élaborer plusieurs activités collectives qui rendraient la notion de points cardinaux plus concrète. L'animatrice a créé des activités pédagogiques de recherche à réaliser à l'intérieur du logiciel et en atelier régulier lors de la première semaine consacrée à ce scénario.

Nous avons convenu que l'évaluation des participants, nos observations et nos remarques serviraient de guide pour la suite. Nous ne voulions pas nous sentir emprisonnées dans un scénario planifié, mais plutôt procéder au gré de ce que chaque semaine nous réserverait et nous apprendrait.

Le matériel pédagogique était conçu et réalisé au fur et à mesure. L'animatrice faisait au préalable les exercices tirés du logiciel pour les adapter ou bien les maîtriser afin d'être plus à l'aise pour les présenter au groupe et animer les ateliers

Pendant
Six ateliers ont eu lieu sur ce thème: trois réguliers et trois en salle d'ordinateurs.

La première semaine consacrée à ce scénario s'est très bien déroulée. Dès le lundi, les participants étaient tous captivés par le nouvel apprentissage des points cardinaux. Chacun a reçu la carte du monde du logiciel, et des exercices de familiarisation ont été réalisés en groupe. Deux activités non prévues dans la préparation de cet atelier ont été demandées par des participants: comment fonctionne une boussole et comment reconnaître à l'extérieur l'est, l'ouest, le nord et le sud.

En salle d'ordinateurs, les participants ont fait des exercices de repérage sur la carte du monde. Le rétroprojecteur a encore servi d'appui visuel. Un jeu de chasse au trésor, présenté à l'intérieur du logiciel, leur a permis de s'exercer au repérage des points cardinaux et à l'écriture de ceux-ci.

La semaine suivante s'est beaucoup moins bien déroulée. Nous avons fait plusieurs erreurs dans le travail de préparation, de création du matériel pédagogique et d'animation. En atelier régulier, il y a eu une surcharge d'activités. Une première activité concernant les différentes cartes géographiques, soit le monde, le Canada et le Québec, a suscité peu d'intérêt chez les participants. Parce que le logiciel est un atlas et que nous voulions qu'il soit utile aux participants, nous avions choisi de suivre le chemin tracé par le logiciel et d'aborder, en premier, les entités plus grandes comme les continents et ensuite les entités plus petites et plus familières aux participants comme leur ville et leur quartier. Nous sommes restées trop collées au logiciel, l'outil a pris le dessus sur la pédagogie, et nous nous sommes égarées. Dans une autre situation, nous aurions probablement fait l'inverse, soit partir du plus petit et du plus familier pour nous aventurer ensuite vers le moins connu.

L'autre partie de l'atelier comportait des exercices tirés de notre banque dont nous avions mal évalué la complexité. Ce sont les exercices de type «vrai ou faux» qui ont présenté le plus de difficultés. La plupart des participants étaient peu familiarisés avec ce type d'exercices, qui demande une stratégie autre que celle d'écrire une réponse ou de compléter une phrase. De plus, chaque exercice comportait trop de questions écrites pour des participants de niveau intermédiaire, ce qui les a découragés.

Comme ces exercices étaient tirés de la carte du monde du logiciel, nous avions prévu les corriger le mercredi avec le logiciel. Cependant, compte tenu des commentaires négatifs émis lors de l'évaluation du lundi, nous avons préféré laisser les participants naviguer à leur gré, librement, pour le seul plaisir de découvrir le logiciel, ce qui a redonné de l'entrain à tous.

Le lundi de la troisième semaine, nous avons fait des activités axées sur le quartier. Les participants ont travaillé avec une boussole, nous avons fait une activité extérieure de repérage sur la carte touristique du métro Charlevoix et situé les groupes populaires sur la carte du quartier.

En salle d'ordinateurs, nous avons corrigé en groupe les exercices de la carte du monde.

Après
De ce scénario, nous avons tiré des leçons utiles pour l'ensemble de l'expérimentation:

  • Varier les activités pour maintenir le maximum d'intérêt et de concentration chez les participants;
  • Créer des exercices courts, dans le logiciel comme en atelier, et bien expliquer les étapes;
  • Prendre le logiciel pour ce qu'il est: un outil, rien de plus, rien de moins;
  • Toujours garder à l'esprit ce qui est plus signifiant pour les participants.

De plus, la surcharge d'activités de la deuxième semaine du scénario a suscité chez nous un questionnement sur le temps consacré aux activités. Dans un atelier régulier, quand un exercice ne peut être réalisé faute de temps, il est tout simplement remis. Cette semaine-là, parce que les exercices du lundi préparaient ceux du mercredi, nous voulions les faire à tout prix.

La réflexion continue sur l'expérimentation effectuée lors des rencontres d'auto-formation, nos observations et l'évaluation faite par les participants nous ont permis de comprendre notre expérience, de puiser dans nos connaissances sur le plan pédagogique et d'ajuster notre tir. Comme les difficultés sont survenues dès le début de l'expérimentation, nous avons pu en tirer des enseignements profitables. C'est aussi à ce moment-là que nous avons constaté les contraintes liées à l'organisation physique des lieux:

  • L'espace entre les deux ordinateurs par table étant restreint, il était difficile pour les participants d'être à l'aise pour écrire les réponses de leurs exercices.
  • Il n'y avait pas de table où les participants pouvaient se réunir entre deux activités pour échanger des commentaires ou compléter certaines activités à l'ordinateur, ou encore pour terminer collectivement, avec la l'animatrice, certains exercices
  • Par contre, comme chaque participant disposait d'une paire d'écouteurs, les plus faibles lecteurs ont pu avoir accès à la narration, ce qui les a aidés dans leur lecture.

Le deuxième scénario: Les animaux du monde 17

Avant
Tout d'abord, rappelons que le choix des thèmes se faisait au moment de l'élaboration du scénario, ce qui nous permettait de tenir compte des leçons que nous avions tirées des scénarios précédents. C'est seulement vers la fin d'un scénario que se décidait le thème du suivant. Pour le deuxième scénario, nous voulions trouver un thème totalement différent et tirer profit de ce que nous avions appris. Nous savions qu'un autre scénario semblable aux points cardinaux démotiverait le groupe. Les raisons suivantes ont guidé notre choix:

  • Le thème des animaux du monde avait des chances de susciter l'intérêt de tous, et les écarts en lecture pourraient s'atténuer.
  • Ce type de scénario ferait appel à la curiosité, à la créativité et à l'originalité.
  • L'approche collective serait plus facile à installer et à maintenir.

Pendant
Sept ateliers ont eu lieu sur ce thème: quatre réguliers et trois en salle d'ordinateurs. Les participants devaient choisir un animal et faire une recherche sur celui-ci. Ils ont ainsi pu expérimenter en quoi consistait la conduite d'une recherche libre menant à une production et, au cours de ce parcours, faire des choix et explorer différents aspects relatifs à leur sujet de recherche. Le logiciel servait à amorcer la recherche, et des revues et des livres, empruntés à la bibliothèque, à compléter la démarche.

Une grande latitude était laissée aux participants, et nous avons constaté, dès le départ, que leur participation et leur concentration étaient plus grandes qu'au cours du scénario précédent. Tous prenaient leur projet à cœur. Ils fouillaient, lisaient, prenaient des notes, photocopiaient, dessinaient et rangeaient dans un dossier à leur nom tout ce qui pouvait servir pour la production finale.

Les seules balises que nous avions mises étaient d'ordre méthodologique et sont apparues après la deuxième semaine. Après avoir regardé ce que chaque participant avait amassé, la formatrice a suggéré de trouver des mots clés qui guideraient l'élaboration de la présentation. Le lieu, la nourriture, la couleur et la taille ont été retenus. Chaque participant a fait une présentation de son animal en décrivant les quatre éléments retenus. Le groupe a aussi décidé d'illustrer sur carton et d'exposer la production finale. Ils pourraient ainsi rapporter leur production chez eux à la fin de l'expérimentation.

Au cours de ce scénario, le logiciel est devenu un complément servant à enrichir la démarche d'apprentissage. Les exercices, tirés du logiciel, étaient plus simples tout en étant plus visuels. Par exemple, si le participant devait cliquer sur une icône, le nom de celle-ci ainsi qu'une illustration apparaissaient déjà sur la feuille, ce qui permettait aux faibles lecteurs d'être plus autonomes. En général, les exercices étaient plus courts, et la démarche était expliquée clairement, point par point. Chaque participant pouvait travailler à son rythme, mieux suivre les consignes. Résultat, les participants semblaient encouragés, plus à l'aise et plus satisfaits.

Malgré le caractère individuel de la recherche, l'animatrice a su, grâce à des interventions adéquates, créer des espaces collectifs et susciter des échanges de propos d'une rare intensité.

Après
Notre intuition de départ, selon laquelle le thème des animaux pouvait rejoindre tout le groupe, s'est confirmée au cours de ce scénario. De plus, nous observions encore une fois que lorsque nous faisons appel à la créativité des participants, ils font preuve de plus d'autonomie à l'intérieur de leur démarche d'apprentissage, ils apprennent et souvent découvrent des habiletés qu'ils ne croyaient pas avoir.

Le troisième scénario: Je voyage et j'écris 18

Avant
Comme ce troisième scénario serait le dernier, nous voulions maintenir l'intérêt des participants en trouvant un thème captivant. Les raisons de notre choix étaient les suivantes: Que les participants:

  • s'offrent un voyage imaginaire, en choisissant le pays de leur choix;
  • écrivent une carte postale en se mettant dans la peau du voyageur qui raconte ses visites et ses découvertes;
  • acquièrent des connaissances sur les continents, les océans et les pays, en voyageant virtuellement dans le logiciel;
  • se familiarisent avec les sujets d'actualité sur le plan mondial, dont ils entendent parler à la radio ou à la télévision.

Nous pensions aussi que, tout en favorisant l'acquisition de nouvelles connaissances, ce thème susciterait l'ouverture sur le monde et terminerait bien le cycle des scénarios. Il pourrait nous permettre de faire la synthèse de ce que nous avions appris au cours de l'expérimentation. Il n'était pas trop axé sur les connaissances, comme celui sur les points cardinaux, et il permettait une recherche et des échanges de points de vue, comme celui sur les animaux du monde. Presque l'idéal, quoi!

Pendant
Six ateliers ont eu lieu sur ce thème: trois réguliers et trois en salle d'ordinateurs. Nous constations que les participants avaient pris une sorte d'«air d'aller». Ils devenaient tous plus habiles avec le logiciel et terminaient les exercices plus rapidement. Ils se connaissaient mieux et étaient plus volubiles au moment des échanges.

Plusieurs activités collectives ont eu lieu. Chaque participant, après avoir navigué librement dans le logiciel et choisi le pays dans lequel il voulait voyager, a présenté aux autres les raisons de son choix. Une autre activité de groupe consistait à présenter un sujet d'actualité, à dire dans quel pays ou ville il se déroulait et à en raconter les détails.

Durant les semaines consacrées à ce scénario, trois surprises sont survenues: une participante nous a annoncé qu'elle envisageait d'acheter un ordinateur, trois participants sont parvenus seuls à fermer le logiciel, puis l'ordinateur (notons qu'ils n'avaient jamais eu l'occasion de le faire auparavant), et enfin l'activité d'écriture a donné le goût à une participante de recommencer à écrire à un ancien correspondant algérien.

Après
Ce dernier scénario a permis aux participants de s'approprier davantage le logiciel et tout ce qu'il offre de découvertes. Certains d'entre eux nous ont même fait mention de thèmes qu'il serait intéressant d'aborder dans la continuité du travail en atelier.

3.2.4 Présentation des résultats

Dans cette section, nous présenterons les résultats obtenus à partir des observations et des évaluations réalisées en cours d'expérimentation. Nous verrons d'abord si nous avons atteint notre objectif principal, soit de rendre les logiciels éducatifs accessibles aux adultes en démarche d'apprentissage dans un contexte d'alphabétisation populaire. Nous commenterons ensuite ces résultats.

Nous avons choisi de regrouper l'ensemble des résultats en trois sections: l'approche pédagogique, la pratique d'alphabétisation populaire et le point de vue de la formatrice. Dans la section sur l'approche pédagogique, nous traiterons de l'outil pédagogique, soit le logiciel éducatif, de la formule utilisée, soit l'alternance d'ateliers réguliers et d'ateliers avec ordinateur, de la place des scénarios, du rôle de la formatrice et du respect du rythme du groupe. Dans la section pratique d'alphabétisation populaire, nous aborderons la participation et l'entraide. Finalement, dans la troisième section, nous vous ferons part du point de vue de l'animatrice sur l'ensemble de l'expérimentation.

L'approche pédagogique

Le logiciel Mon premier atlas

Le logiciel est un outil qui, à certaines conditions, favorise l'autonomie, l'initiative et la liberté. Tous sont unanimes: le choix du logiciel est déterminant, et nous avons fait un bon choix. En effet, Mon premier atlas est très intéressant sur le plan visuel; les participants et l'animatrice disent qu'il est animé et coloré, qu'il favorise la créativité et l'ouverture au monde et qu'il est compatible avec une approche conscientisante. Dès le départ, il a suscité beaucoup d'intérêt, que l'on a d'ailleurs vu grandir au cours de l'expérimentation.

Ce n'est d'ailleurs pas le logiciel qui a posé le plus de problèmes durant l'expérimentation, mais l'ordinateur, notamment les périphériques. Nous entendons par périphérique le clavier et la souris. Lorsque nous travaillons avec un ordinateur, rien ne peut se faire sans la souris. C'est elle qui positionne, c'est elle qui va chercher ce que nous voulons, c'est elle qui ouvre les fonctions, bref, c'est elle qui mène le jeu.

Rappelons que cinq participants étaient plus ou moins familiarisés avec la manipulation du clavier et de la souris. Cette situation a eu une influence certaine sur la participation de deux d'entre eux pendant toute l'expérimentation. Lors des évaluations, ces personnes exprimaient d'ailleurs souvent leur difficulté à manipuler la souris. Deux personnes sur cinq ne sont pas arrivées à surmonter cet obstacle, les trois autres ont pu le faire graduellement. Voici ce qu'elles en disent: «Maintenant ce n'est plus la souris qui me dirige. Avant, j'étais toujours avec une peur de la souris.» (Micheline) «Les premiers temps, t'as assez peur de tenir la souris, mais à force de faire de l'ordi, tu te sens plus à l'aise.» (Louise)

La formule choisie

L'alternance entre les ateliers réguliers et les ateliers avec ordinateur s'est avérée très efficace en regard de l'objectif que nous avions fixé. En effet, elle permettait aux participants de connaître les tâches qu'ils auraient à accomplir au cours de leur exploration le mercredi suivant. Ils pouvaient ainsi se préparer au travail à accomplir. Cette situation avait le grand avantage de les outiller adéquatement, de les rendre plus sûrs d'eux-mêmes et d'augmenter ainsi leur chance de tirer le maximum de profit et de satisfaction de leur travail à l'ordinateur. Ils pouvaient poser des questions et s'exprimer sur le contenu et le déroulement des ateliers à l'ordinateur, ce qui avait le double avantage de leur permettre d'évacuer leurs peurs et d'informer l'animatrice sur leurs dispositions et leurs réactions face à la situation.

La création de scénarios pédagogiques à partir des besoins, des goûts et des intérêts des participants a grandement contribué à rendre notre approche plus souple et nous a permis de nous adapter en fonction des réactions, commentaires et suggestions des participants. Nous pouvions nous éloigner du logiciel, utiliser d'autres chemins que ceux tracés par ce dernier et travailler collectivement.

Le rôle de la formatrice

D'entrée de jeu, nous avons remarqué des attitudes variées chez l'animatrice. Les observations ont révélé qu'elle questionnait, sollicitait les individus ou le groupe, rassurait et stimulait, qu'elle s'adaptait aux demandes et aux imprévus, qu'elle était aidante et qu'elle respectait le rythme de chacun, ce qui suscitait des attitudes favorisant l'apprentissage.

Parce que nombre d'observations révèlent ces constantes, nous les avons regroupées sous trois thèmes: sa façon de questionner, sa capacité d'adaptation aux besoins et aux imprévus et son respect du rythme de chaque personne.

Questionner

L'animatrice questionnait souvent les participants, lors d'exercices faits en groupe ou lors de la correction, pour savoir comment ils étaient arrivés à leur réponse, pour connaître les indices dont ils s'étaient servis, pour s'assurer de leur compréhension ou pour prendre connaissance leurs observations.

Cette façon de procéder permettait aux participants de réfléchir sur les étapes qu'ils avaient franchies afin d'arriver à un résultat et les faisait participer activement à leur démarche d'apprentissage. Que la réponse soit bonne ou mauvaise, l'animatrice devait, avant tout, bien comprendre le chemin emprunté par le participant et en tenir compte.

C'est parce qu'elle questionnait ainsi que l'animatrice a pu, à l'occasion du scénario sur les points cardinaux, comprendre ce qui posait problème pour plusieurs participants dans les exercices de type «vrai ou faux». Deux participantes ont pu expliquer en quoi ce type d'exercice pouvait prêter à confusion.

S'adapter

Une approche pédagogique qui se veut large et ouverte demande de s'adapter sans cesse et d'être réceptive aux moments clés et aux imprévus. Les observations que nous avons faites démontrent que l'animatrice a manifesté une grande facilité d'adaptation et a su composer avec les imprévus. Très souvent, elle a su saisir les moments clés et modifier le déroulement de l'atelier. De plus, le fait de prendre en considération certaines demandes particulières a augmenté l'intérêt des participants et stimulé la dynamique du groupe.

S'adapter veut dire être capable de suivre un mouvement même s'il n'était pas prévu, de le saisir et de le laisser nous amener ailleurs. C'est d'ailleurs en grande partie l'attention que l'animatrice porte aux individus et au groupe qui le permet. On remarque que la capacité d'adaptation est un atout essentiel à la conduite d'une expérimentation.

Respecter le rythme de chaque participant

Pour les participants, il est souvent difficile, lors de l'évaluation, de parler de méthodes d'enseignement ou de points précis relevant de la pédagogie. Par contre, quand vient le temps d'exprimer comment ils se sont sentis, ils ont de la facilité à parler et, très souvent, trouvent les paroles justes.

Le nombre élevé de commentaires sur le respect du rythme démontre que, pour eux, c'est un des éléments les plus importants d'une bonne pédagogie. Peut-être est-ce parce que trop souvent, dans leur histoire scolaire, ils ont été laissés-pour-compte? D'ailleurs, dès le début de l'expérimentation, ils nous ont fait part de leur préoccupation à ce sujet en s'assurant fréquemment que tous pouvaient pleinement participer et que personne n'était exclu ou oublié. Nous remarquons aussi que les observations de l'agente de recherche concordent avec les commentaires des participants, à savoir que l'animatrice a su composer avec le rythme de chacun et qu'elle vérifiait régulièrement si tous suivaient le déroulement de l'atelier.

À plusieurs reprises, surtout en salle d'ordinateurs, l'animatrice a suggéré une méthode de travail permettant à chaque participant de se sentir à l'aise. Elle leur rappelait souvent l'importance de travailler à leur rythme, quitte à ne pas faire tous les exercices suggérés. Elle tenait compte des écarts, que ce soit sur le plan des connaissances, des habiletés ou du rythme, et veillait à ce que tous obtiennent des victoires. Dans son journal de bord, elle explique bien comment elle conçoit le respect des rythmes:

Je détermine au fur et à mesure ce que chacun va lire, selon sa capacité. Il est important que chacun participe, mais il faut éviter de les mettre inutilement en situation d'échec.

Notons aussi qu'à chaque évaluation, les participants mentionnaient que le rythme des ateliers était bon, c'est-à-dire ni trop rapide, ni trop lent. Ils ont même parlé d'un déroulement bien équilibré.

Le choix d'un logiciel suscitant la découverte, la créativité et l'ouverture au monde, une formule souple permettant de répondre aux besoins du groupe et des individus et favorisant le travail collectif, des scénarios variés conçus à partir des goûts et des intérêts des participants, le rôle actif et stimulant de l'animatrice et le respect de chaque personne sont autant d'éléments qui ont permis l'utilisation adéquate du logiciel Mon premier atlas dans le cadre de notre expérimentation.

Une pratique d'alphabétisation populaire

Voyons maintenant comment la cohabitation des éléments compris dans l'approche pédagogique ont permis d'établir une dynamique propre à l'alphabétisation populaire. Pour ce faire, nous examinerons les divers aspects de la participation et de l'entraide.

La participation

Comme nous l'avons vu précédemment, l'approche collective comprenant la participation de tous les acteurs est une des caractéristiques importantes d'une pratique d'alphabétisation populaire. Mais qu'est-ce que participer, et comment observe-t-on la participation d'un individu et des individus dans un groupe?

Être là, physiquement présent, ne veut pas nécessairement dire qu'on participe, et garder le silence ne veut pas non plus inévitablement dire qu'on ne participe pas. Au-delà de cette mise en garde, les données nous révèlent que la participation a été une dominante durant toute l'expérimentation, mais à des degrés différents selon le scénario.

Nous constatons de plus que la participation se manifeste de différentes façons: l'intérêt pour une activité, le degré de concentration au moment d'exécuter une tâche, l'attention portée, la participation active au groupe, les gestes et les paroles, la résistance à participer, le refus de participer et la prise de décision qui, croyons-nous, a aussi des incidences sur le degré de participation. Voyons maintenant plus en détail comment s'est manifestée chacune de ces dimensions.

L'intérêt
Dès l'initiation au logiciel, nous avons constaté que tous les participants manifestaient de l'intérêt pour l'expérimentation. Lors de l'évaluation de groupe qui a suivi les deux ateliers d'initiation à l'ordinateur, à la question «qu'avez-vous le moins aimé?», plusieurs nous ont dit avoir trouvé que l'atelier était trop court et qu'ils auraient aimé continuer. Les participants nous donnaient ainsi une preuve manifeste de leur intérêt. De plus, les observations montrent, par le nombre élevé des questions et des commentaires des participants, qu'ils étaient captivés et attendaient la suite avec impatience.

Par la suite, dans plusieurs observations et commentaires des participants recueillis lors du bilan d'un scénario, nous constatons de nouveau cet intérêt qui démontre bien leur participation. Écoutons les paroles de deux d'entre eux: «Ça passe un peu trop vite, on est embarqué dedans. J'aimerais ça trois fois/semaine.» (Luce) «Tout le monde est pris dans son affaire et à la fin on s'aperçoit que tout le monde a travaillé fort.» (George)

La concentration
La concentration est aussi une dimension de la participation et a l'avantage d'être facilement observable. Les données révèlent que c'est au moment du scénario «Les animaux du monde» que la concentration des participants a été la plus forte et la plus soutenue.

Dès le premier atelier de ce scénario, l'animatrice a montré une revue Vie sauvage en signalant qu'il y en avait environ quarante numéros et que les revues pourraient les aider à décider quel animal ils choisiraient. Immédiatement, tous les participants ont demandé à les consulter. Cette activité n'était pas prévue à ce moment du déroulement, mais vu cette démonstration d'intérêt manifeste, l'animatrice a décidé de donner aux participants la possibilité de regarder les revues et d'échanger des commentaires entre eux. Voici un événement qui témoigne de l'intérêt des participants.

Toujours lors de ce scénario, nous notons que l'animatrice a dû avertir les participants que l'atelier était terminé. Habituellement, c'est plutôt l'inverse qui se produit. Au cours du scénario «Je voyage et j'écris», il y a eu aussi un atelier où l'animatrice a dû demander aux gens de quitter les lieux.

Lors de l'évaluation finale de l'expérimentation, une participante nous a dit ceci: «C'est les pauses et les fins d'atelier que j'ai moins aimées parce que j'étais concentrée et que je devais débarquer de ce que je faisais.» (Luce)

Lors d'un des ateliers, l'animatrice et l'agente de recherche ont fait sensiblement le même commentaire:

«Les seuls bruits qu'on entend sont les ciseaux et le déplacement des feuilles.» (Tiré des observations de l'agente de recherche)

«Tous sont affairés, concentrés et paraissent intéressés. On entendrait une mouche voler. Les résultats sont surprenants. Cette recherche les rejoint.» (Tiré du journal de bord de l'animatrice)

La participation active
Nous faisons référence ici à des gestes posés ou à des paroles prononcées par les participants. Ces gestes ou ces paroles apportent un changement dans la dynamique du groupe Lorsque les trois participants qui avaient collaboré à la première expérimentation ont pris la parole et expliqué le logiciel au groupe, nous avons remarqué une hausse d'intérêt chez les participants qui ne connaissaient pas le logiciel et une baisse de leur anxiété face à la nouveauté.

Cette prise de parole de certains participants s'adressant à d'autres participants dénote également ce type de participation. De plus, cette forme de participation est toujours appréciée par la formatrice, car elle vient appuyer ou renforcer l'activité en cours.

Lors du bilan du scénario «Les animaux du monde», une participante a pris la parole pour suggérer à l'animatrice que chacun dise ce que représentait dans sa vie l'animal qu'il avait choisi. Cette même participante a commencé le tour de table comme suit: «Les oiseaux, c'est joli, c'est libre et ça se promène partout.» (Luce)

La prise de parole de cette participante a provoqué chez les autres participants une réflexion sur le pourquoi et les motifs de leur choix respectif et a favorisé au moment de l'évaluation un autre type d'échange.

La résistance
La résistance s'est manifestée de façon continue chez seulement deux participantes, et ce, particulièrement à l'occasion des ateliers en salle d'ordinateurs. Une fois ces participantes arrivées dans la salle, cette résistance diminuait quelquefois notablement, d'autres fois plus difficilement.

Elles mentionnaient souvent, lors des évaluations, leurs difficultés à manipuler la souris. On peut toutefois se demander si cette situation pouvait provoquer des résistances et influer sur leur participation.

Le refus de participer
La participation, c'est aussi le refus de participer. On remarque qu'à une seule occasion, deux personnes ont refusé de participer aux ateliers en réaction aux modifications dans l'aménagement de la salle, initiative qu'avaient prise l'animatrice et l'agente de recherche sans consulter le groupe.

La prise de décision
L'exemple cité précédemment soulève un point important concernant la participation, c'est-à-dire tout ce qui relève de la prise de décision. Qui prend les décisions? Est-on consulté au moment de décider, et qu'est-ce qui en découle?

Un autre exemple nous démontre l'inverse. Lors d'un atelier au cours du même scénario, le groupe s'était déplacé à l'extérieur pour quelques activités, et en rentrant, une participante a suggéré de finir l'atelier dans la salle communautaire plutôt que dans le local habituel. Tout le reste du groupe a renchéri et l'animatrice a accepté. Le reste de l'atelier a été à l'image de cette prise de décision collective. Tous sont unanimes: «Ça faisait changement.» (Monique) «On était plus rapprochés.» (Annie) «De faire l'activité dans un local qui permettait de travailler autour d'une même table a favorisé les échanges entre les participants.» (Tiré du journal de bord de la formatrice)

La demande qui est venue des participantes de finir l'atelier dans la salle communautaire a favorisé un rapprochement très différent de l'atelier où c'est nous qui avions placé les chaises en demi-lune. (Note tirée des observations de l'agente de recherche, atelier sur les points cardinaux)

Dans le même ordre d'idées, au moment de l'évaluation finale, nous avons questionné les participants sur ce point important. Rappelons qu'au départ, le groupe n'avait pas eu le choix de participer à l'expérimentation. Nous leur avons demandé: auriez-vous préféré qu'on vous laisse le choix de faire partie ou non de cette recherche?

Voici quelques-unes de leurs réponses: «On s'en foutait pas mal de ne pas avoir eu le choix parce qu'on a eu du fun pareil.» (George) «On a tous embarqué. On a aimé ça.» (Luce) «Je ne me suis pas sentie obligée.» (Micheline)

L'entraide

Les données révèlent que l'entraide s'est manifestée, d'une façon ou d'une autre, à tous les ateliers. En général, en alphabétisation populaire, les gens s'aident de façon spontanée. L'entraide n'est jamais forcée, elle va de soi. Lors de l'évaluation finale, un participant a bien résumé ce qu'il en pensait: «On échange et on s'entraide tout le temps. La recherche n'a rien changé.» (Robert)

Au cours de l'expérimentation, l'entraide s'est manifestée plus particulièrement de trois façons: l'aide apportée par des participants à d'autres participants, les encouragements et l'échange.

L'aide apportée par des participants à d'autres participants
C'est l'aide apportée par des participants à d'autres participants qui a été observée le plus fréquemment en cours d'expérimentation Que ce soit à l'occasion du travail en tandem, des tâches individuelles ou des activités en groupe ou à l'ordinateur, nous avons, à maintes reprises, observé cette tendance à aider les autres. Personne n'était laissé seul en difficulté, l'aide était presque immédiate. Quand un faible lecteur devait lire, un lecteur plus habile l'aidait. Quand un participant avait de la difficulté à l'ordinateur, bien souvent son voisin immédiat lui donnait un coup de main. Il est arrivé aussi que certains participants en aident d'autres à vérifier les réponses d'exercices faits à la maison; on allait même parfois jusqu'à fournir les réponses aux questions si la personne ne pouvait y arriver seule.

Enfin, nous avons constaté que tous les participants, sans exception, ont apporté de l'aide d'une façon ou d'une autre. Évidemment, chacun contribuait dans la mesure de ses connaissances et de ses habiletés, mais tous avaient la chance d'en profiter. On peut aider de multiples façons, et avoir l'occasion de le faire accroît inévitablement l'estime de soi et renforce le sentiment d'appartenance au groupe.

L'encouragement
L'encouragement des pairs se manifestait de diverses façons, mais surtout en paroles, en gestes simples qui stimulent, en petites attentions qui réconfortent. Inviter quelqu'un à s'asseoir près de soi peut être perçu comme un encouragement à participer ou à accomplir une tâche. L'encouragement est une marque de confiance qui a un effet direct sur l'image de soi. En effet, si quelqu'un nous encourage, c'est qu'il nous croit capable de réussir. Nous avons d'ailleurs noté que les deux participantes qui montraient le plus de résistances à travailler à l'ordinateur changeaient souvent leur attitude et acceptaient de participer plus rapidement à l'activité lorsqu'elles recevaient l'encouragement nécessaire.

L'échange
Le nombre et la qualité des échanges qui ont lieu entre les participants au cours d'un atelier peuvent aussi être interprétés comme un signe d'entraide. Bien souvent, lorsqu'il y a peu d'échanges, il y a peu d'entraide; on est là simplement, sans désir manifeste d'entrer en relation avec les autres.

Au cours de l'expérimentation, les échanges verbaux entre les participants ont été nombreux et prenaient les formes suivantes: commentaires sur les trouvailles faites dans le logiciel, échanges d'information sur les découvertes, partage avec le groupe de certaines connaissances. Tout était prétexte à échanger à deux, en petit groupe ou en grand groupe.

À l'évaluation finale, une participante nous a dit ceci: «On était libre de s'exprimer. Le monde échangeait.» (Mireille)

Bref, nous avons observé des manifestations simples et spontanées de participation et d'entraide. Si nous revenons aux caractéristiques que nous avons retenues au moment où nous nous sommes penchées sur notre compréhension de l'alphabétisation populaire, soit:

  • une approche collective,
  • une participation active de tous les acteurs,
  • le respect du rythme de chacun,
  • l'entraide et la coopération,
  • une pédagogie ouverte,
  • une place importante des participants dans les prises de décision,
  • un rôle différent du formateur,

nous constatons aisément que nous sommes en présence d'éléments nous permettant d'affirmer que nous pouvons, si nous nous assurons de bien fixer nos objectifs et de mettre en place les conditions nécessaires, surmonter les difficultés que pose l'utilisation des nouvelles technologies en alphabétisation populaire et renverser le mythe selon lequel l'utilisation des logiciels éducatifs favorise inévitablement un rapport individuel à l'apprentissage. L'approche choisie dans le cadre de notre expérimentation nous apprend que nous pouvons mettre l'outil d'apprentissage, aussi attrayant soit-il, au service de nos objectifs et de nos choix pédagogiques et philosophiques.

Le point de vue de l'animatrice

Lorsque nous avons exposé les résultats de la première expérimentation au point 3.1.2, nous avons mis l'accent sur le point de vue des participants et sur leur expérience. Dans cette deuxième expérimentation, nous avons choisi de donner la parole à l'animatrice. Nous avons résumé les propos qu'elle nous a livrés au cours de l'entrevue dont nous faisons mention au point 3.4.2. Les éléments marquants de cette entrevue sont regroupés sous cinq grands thèmes: les conditions de départ, le mode de travail, les participants, les situations plus problématiques et, pour terminer, les défis à relever.

Les conditions de départ

Dès le départ, notons que l'expérience de l'agente de recherche en alphabétisation populaire a beaucoup rassuré l'animatrice. Celle-ci a également mentionné l'intérêt qu'elle portait à cette deuxième expérimentation puisque, à la suite de l'an 1, il devenait possible de passer à une étape de travail collectif, plus structuré. Toutefois, les nombreuses inconnues inhérentes à toute expérimentation suscitaient certaines craintes, et l'animatrice se posait plusieurs questions.

Avait-elle les aptitudes nécessaires? Sa connaissance du logiciel était-elle suffisante pour bâtir les scénarios, les travailler avec les participants et répondre à leurs questions? Saurait-elle utiliser le rétroprojecteur de façon adéquate? Le fait d'être observée la préoccupait, et elle se demandait si cette situation particulière allait influencer ou modifier sa façon d'animer.

Elle se questionnait aussi sur le caractère hétérogène du groupe; comment faire cohabiter des novices à l'ordinateur avec des personnes plus expérimentées, des lecteurs débutants avec des lecteurs plus avancés et enfin des gens ayant un intérêt très marqué pour le travail proposé avec des gens moins enthousiastes.

Elle se questionnait aussi sur les réactions qu'auraient les trois participants qui avaient collaboré à la première expérimentation: comment prendraient-ils le fait que cette deuxième expérimentation soit plus structurée? Elle s'inquiétait également des réactions des autres. Quelle serait leur réaction face au fait d'avoir à participer sans avoir été préalablement consultés et, de surcroît, d'avoir à travailler à partir de thèmes imposés?

À propos des scénarios, nous remarquons que les questions que l'animatrice se posait ne touchaient pas tant l'élaboration de ces derniers que l'intérêt qu'ils devraient susciter et maintenir.

De façon générale, les craintes de l'animatrice et les questions qu'elle se posait au départ semblaient plus présentes que les aspects positifs. Bref, elle se souciait de tous les aspects qui pourraient causer problème durant l'expérimentation.

Le mode de travail

Au cours de l'entrevue, l'animatrice a relevé plusieurs facteurs qui facilitaient le travail. D'abord, le travail conjoint de réalisation des scénarios avec l'agente de recherche, ensuite la volonté de s'adapter continuellement, l'évaluation constante des participants, les discussions entre l'animatrice et l'agente de recherche après chaque atelier, l'ouverture à revoir et à améliorer la façon de procéder, l'alternance entre l'atelier régulier et celui en salle d'ordinateur et, enfin, la réutilisation et la mise à profit de ce que nous apprenions dans l'élaboration des scénarios suivants. L'animatrice considérait tous ces éléments comme des atouts dans le déroulement de l'expérimentation, et elle a mentionné à plusieurs reprises que l'important était de capter, de susciter et de soutenir l'intérêt des participants.

Elle est revenue souvent sur les différences et les ressemblances entre un atelier régulier et l'expérimentation. Selon elle, c'est principalement sur le plan des résistances au changement que se situent les ressemblances et sur le plan du temps consenti à la préparation et à l'évaluation des activités que se situent les différences. Ainsi, d'après elle, il n'y a pas de différence notable dès qu'on introduit quelque chose de nouveau. Il y aura toujours des participants qui auront des réactions de résistance et d'autres qui s'adapteront facilement au changement. Le fait de participer à une expérimentation n'a pas amplifié cet aspect face à la nouveauté et, à ce chapitre, tous les ateliers se ressemblent. La différence majeure se situe sur le plan du temps investi en cours d'expérimentation: le temps de réflexion avant, le temps de préparation et enfin le temps de réflexion après chaque atelier.

... on ne fait peut-être pas, on prend peut-être pas toujours le recul par rapport à ce qu'on a vécu pendant l'atelier puis dire bon qu'est-ce que je fais avec ça, puis comment je m'adapte pour la prochaine fois, ou qu'est-ce que je peux faire, alors c'est les principales différences que je vois là, entre l'expérimentation et un atelier régulier.

Le processus de recherche lui a permis de faire de nouveaux apprentissages et d'acquérir de nouvelles connaissances. Elle était aussi plus ouverte face à la nouveauté.

Les participants

En ce qui concerne les participants, l'animatrice a surtout parlé d'entraide et d'encouragement. Ceux qui connaissaient le logiciel aidaient et dépannaient ceux qui ne le connaissaient pas du tout, et les plus avancés en lecture aidaient les moins habiles.

Elle a de plus retenu comme point fort tout l'intérêt que les participants ont manifesté lors de leur travail de recherche dans le cadre du scénario «Les animaux du monde». Elle a aussi mentionné tout ce que cet intérêt soutenu avait suscité en matière de pistes d'élaboration de scénarios futurs et de suggestions concernant les suites à donner à la recherche. Pour tous les participants, c'était la première fois qu'ils arrivaient à créer et à présenter un projet après en avoir franchi toutes les étapes de réalisation. Le fait d'avoir produit ensemble quelque chose de concret les a grandement stimulés.

Enfin, à quelques reprises, l'animatrice a dû argumenter, discuter, essayer de faire valoir les côtés positifs de l'expérimentation pour stimuler les personnes moins intéressées, mais elle recevait chaque fois beaucoup d'aide des autres participants, qui faisaient preuve d'encouragement et de souplesse.

Les effets d'une telle expérience chez les participants ont été surtout de l'ordre de l'ouverture sur le monde et du goût de se renseigner et d'apprendre. L'animatrice a remarqué, lors de l'évaluation finale de la recherche, que plusieurs participants ont mentionné avoir acquis de nouvelles connaissances et avoir le goût de participer à d'autres projets. À son avis, le nombre de suggestions venant des participants concernant des questions de toutes sortes qu'ils aimeraient fouiller - telles que les habitudes de vie des gens de divers pays, leurs productions, les plantes et la nourriture - en témoigne

Les situations problématiques

Selon l'animatrice, le fait que les participants ne se soient pas engagés dans le projet volontairement a pu soulever certaines difficultés sous la forme de résistances ou d'insatisfactions, qui se sont manifestées principalement au moment de travailler en salle d'ordinateurs.

L'impossibilité de répondre à tous les besoins a également été vue comme un problème par l'animatrice. Mais elle a nuancé cette affirmation en disant qu'on pouvait vivre la même situation en atelier régulier. Bien qu'on tente souvent de le faire, on ne peut répondre à tous les besoins.

La troisième difficulté mentionnée concerne le peu de temps qu'elle pouvait consacrer à chacun, compte tenu de l'aide qu'elle apportait à ceux qui avaient le plus de difficultés à l'ordinateur ou en lecture. Sentir que certains participants devaient constamment attendre qu'elle se libère constituait pour elle une préoccupation supplémentaire.

Toutefois, l'animatrice a cité plusieurs points forts, dont les plus marquants concernent les participants. Voici à ce sujet ses propres mots:

Bien moi... ce que j'ai senti chez les participants, je sens que les gens sont fiers dans l'ensemble, ils sont fiers d'avoir participé à ce projet-là... ça leur a permis de réaliser des choses qu'ils n'avaient jamais faites par le passé.

Aussi le goût que les gens ont de continuer, ça c'est quelque chose que je trouve très positif il y avait plein de possibilités qu'ils entrevoyaient encore pour travailler avec ce logiciel-là...

Elle a aussi parlé des effets sur la stimulation provoqués par un nouvel outil d'apprentissage, un environnement pédagogique inhabituel et un cadre de lecture et d'écriture inusité. Le caractère novateur de l'expérience qu'ont vécue les participants a contribué à l'acquisition de connaissances générales et fonctionnelles. La méthode pédagogique qui privilégie l'alternance entre ateliers réguliers et ateliers en salle d'ordinateurs est aussi considérée par l'animatrice comme un point fort de l'expérimentation.

Les moyens mis à la disposition des participants par le Carrefour pour faciliter l'accès aux nouvelles technologies ont largement contribué à la réussite du projet: «On a quand même un milieu ici qui est assez ouvert... qui offre des possibilités au niveau informatique.»

Enfin, la volonté claire et bien nommée de mener ses interventions à l'intérieur d'un cadre d'alphabétisation populaire lui a permis de maintenir le cap. Elle considère avoir réussi à employer une approche axée sur le groupe et à favoriser le partage des connaissances et l'entraide. Elle a tenu compte des commentaires et des réactions des participants pour créer de nouvelles activités. À chacune des évaluations, elle a incité les participants à dire ce qu'ils pensaient et à nommer leurs insatisfactions pour faire avancer l'expérimentation vers du «mieux» et du «meilleur». Elle a fait davantage appel à la créativité des participants. Le fait que la situation favorisait la créativité et permettait, pour chaque personne, la mise en valeur et l'acquisition de connaissances et de compétences est également perçu par l'animatrice comme un point fort.

Les défis à relever

L'animatrice mentionne que l'attitude qu'elle doit adopter et maintenir est un des premiers défis à relever: «On doit être prêt à le faire, on doit être ouvert et on doit faire face à l'imprévu» Elle a utilisé plusieurs fois durant l'entrevue les mots adaptation et souplesse, pour bien faire comprendre l'attitude que doit avoir la formatrice qui décide de travailler avec des logiciels éducatifs.

Elle a mentionné le temps requis pour préparer adéquatement des scénarios, quel que soit le logiciel utilisé, et pour travailler sur des scénarios qui permettront aux participants d'accroître leur confiance en eux dans une nouvelle situation d'apprentissage.

Elle a également souligné l'importance de ne pas perdre de vue l'approche collective et de laisser place à la créativité quand on travaille avec un outil informatique. En effet, ce n'est pas une formation sur l'utilisation de l'ordinateur que l'on offre, mais l'accès à une nouvelle technologie qui ouvre d'autres possibilités d'apprentissage. Elle a mentionné les coûts en ordinateurs et en logiciels que pouvait représenter un tel projet.

... je pense qu'il y avait des conditions idéales pour la réalisation des scénarios... les gens pouvaient avoir accès chacun à un ordinateur. Qu'on ait un rétroprojecteur, qu'on ait des ordinateurs performants... qu'il y ait quelqu'un pour construire les scénarios et moi je voyais après ça à les animer, les présenter aux participants. Ce sont quand même des conditions idéales, en tout cas, qui favorisent, qui ont favorisé le bon déroulement... Pour moi ça été des conditions presque idéales.

Il est clair que l'expérience de la formatrice auprès des personnes en démarche d'alphabétisation lui a grandement servi au cours de l'expérimentation. Malgré les doutes et les inquiétudes manifestés au début, elle a su aborder la situation avec beaucoup d'assurance. Dès le départ, elle a su anticiper le contexte de travail et se poser des questions pertinentes. Cette façon de réagir lui a permis de prévoir certaines difficultés et d'élaborer des pistes de solution. Parallèlement, elle a su reconnaître et mettre à profit des éléments forts comme l'esprit d'entraide et la coopération. Ses préoccupations portaient avant tout sur les participants. Ses observations étaient justes et ses commentaires encourageants. Elle a montré une grande sensibilité ainsi qu'une grande capacité d'ouverture et d'adaptation. Elle était prête à questionner son rôle et à s'éloigner de ses repères habituels.

3.2.5 Discussion sur les résultats

Dans cette dernière section, nous présenterons une synthèse des discussions que nous avons eues à la suite de l'analyse des résultats de la deuxième expérimentation. L'équipe de recherche est unanime: certes, nous avons fait des découvertes, mais nous avons surtout eu l'occasion de confirmer et de réaffirmer le sens et l'orientation que nous donnions déjà à l'alphabétisation en matière de vision et de pratique. C'est en termes de nuances et de distinctions que nous vous parlerons de la place et du rôle du logiciel comme nouvel outil d'apprentissage, de la situation d'expérimentation comme espace de créativité, des grands thèmes qui nous ont guidées dans notre pratique d'alphabétisation populaire et du caractère particulier du temps dans ce contexte.

La place et le rôle du logiciel

Commençons d'abord par l'outil d'apprentissage, le logiciel éducatif. Lors des discussions, il est ressorti clairement que si nous désirons faire un usage adéquat des logiciels éducatifs, nous devons tenir compte de trois aspects, soit la maîtrise de l'ordinateur par les participants, la forme et le contenu du logiciel ainsi que son potentiel sur le plan pédagogique. Il faut dès le départ distinguer la maîtrise de l'ordinateur du logiciel lui-même en ce qui a trait aux habiletés requises. En effet, il est essentiel que les participants aient d'abord accès à l'ordinateur, qu'ils aient pu exprimer ouvertement leurs sentiments face à l'utilisation éventuelle de ce dernier comme outil d'apprentissage et qu'ils aient eu l'occasion de le démystifier et surtout de se familiariser avec ses périphériques, de mémoriser certaines manipulations et d'acquérir des réflexes appropriés. En effet, l'usage du clavier et surtout la manipulation de la souris, essentiels à l'exploration d'un logiciel, devraient être maîtrisés par les participants avant de commencer le travail avec le logiciel lui-même. Les participants ayant une meilleure connaissance de l'ordinateur se sentiront plus sûrs d'eux-mêmes et conséquemment mieux disposés à entreprendre l'étape suivante.

En ce qui a trait à l'outil lui-même, les degrés de difficulté liés à l'exploration du logiciel, à son utilisation et à la réalisation des exercices devraient être compatibles avec les niveaux d'apprentissage. Le choix du logiciel est déterminant. Ce dernier devrait favoriser l'initiative, la découverte, la créativité, l'autonomie et la liberté et s'inscrire dans une approche de conscientisation. Le logiciel devrait toujours demeurer au service de l'approche pédagogique privilégiée par le groupe et la soutenir. Nous avons d'ailleurs remarqué qu'à maintes reprises au cours de l'expérimentation, nous avons pris un certain recul face aux outils pédagogiques, et ce, au profit de la démarche d'apprentissage.

La façon de travailler le logiciel ainsi que l'approche et la méthode ont beaucoup d'importance dans la réussite du projet. En effet, nous avons vite constaté à quel point il a été efficace d'alterner les ateliers réguliers avec les ateliers à l'ordinateur. Cette façon de faire permettait de livrer au groupe l'information nécessaire et de mieux comprendre la situation dans son ensemble. On le constate rapidement, l'utilisation de l'ordinateur en général et des logiciels en particulier fascine les participants et tend à capter fortement leur attention. Or cette façon de faire avait l'avantage de favoriser la mise en commun des difficultés et des bons coups, de mettre à profit les ressources de chaque personne et ainsi d'adopter une approche centrée sur le groupe. L'utilisation de scénarios conçus au fur et à mesure du déroulement de l'expérimentation, à partir des besoins et des idées exprimés par les participants, ajoutait beaucoup de souplesse à cette formule et permettait en tout temps de s'adapter au contenu et à la facture du logiciel. Cette formule a aussi permis d'éviter aux participants et à l'animatrice un trop grand dépaysement et une perte trop radicale des repères essentiels à l'apprentissage. On le sait, une situation trop ouverte et trop imprévisible peut produire des effets indésirables qui risquent de ralentir voire même de freiner les apprentissages.

L'expérimentation comme espace de création

L'intérêt majeur de la situation que nous avons vécue réside dans le fait que participants et animatrices étaient, pour une fois, sur un pied d'égalité dans une situation inconnue. En effet, il est rare, dans un contexte d'alphabétisation, que les formatrices se retrouvent dans des situations d'apprentissage comportant autant d'inconnues. Tous et toutes se sont sentis inquiets, déstabilisés, voire même parfois en état de perte de contrôle. Par définition, une expérimentation nous amène dans des territoires nouveaux, elle nous oblige à nous déstructurer pour laisser émerger des éléments nouveaux, elle force l'ouverture. Cette situation était pour nous d'autant plus forte qu'elle avait lieu dans un contexte totalement nouveau, celui des nouvelles technologies, et faisait appel à des habiletés que nous ne maîtrisions pas. Impossible d'anticiper ni nos réactions, ni celles des participants, impossible aussi de planifier avec autant d'exactitude le déroulement des ateliers.

Animer est déjà difficile en soi, mais le faire dans le cadre d'une expérimentation qui comporte autant de nouveautés et de défis du point de vue pédagogique est un exercice encore plus exigeant. Il faut que l'animatrice fasse preuve de souplesse, qu'elle sache s'adapter et qu'elle ait de la répartie encore plus que dans un atelier régulier, parce qu'elle doit allier à sa façon habituelle d'animer des nouvelles données inconnues qui peuvent agir sur les individus ou sur la dynamique de groupe. À mi-parcours de la recherche, on trouve, dans son journal de bord, cette réflexion sur son expérience:

Je suis ouverte aux changements, aux imprévus et je ne panique pas facilement. Il reste que de réaliser des activités à l'ordinateur avec des participants qui ne sont pas autonomes (soit en lecture, soit avec la manipulation technique) n'est pas de tout repos... (Journal de bord de la formatrice, janvier)

Comme nous l'avons déjà mentionné, notre recherche ne visait pas à mesurer l'acquisition de connaissances, mais plutôt à mettre en place les éléments nécessaires pour donner accès aux logiciels éducatifs à des adultes en démarche d'alphabétisation. À cause du caractère particulier des objectifs de la recherche, l'énergie et l'attention de l'animatrice et du groupe de participants ont délaissé l'objet d'apprentissage pour se centrer sur le processus. On ne se demandait plus ce qu'on apprenait, mais bien comment on apprenait, et à quelles conditions. Cette situation exceptionnelle a eu le grand avantage de nous offrir un miroir réfléchissant nos pratiques, nous permettant ainsi d'apprendre énormément sur notre façon d'exécuter notre travail quotidien.

Nous avons aussi mis crayons et papiers de côté pour faire place à un outil d'apprentissage complètement nouveau, ce qui a eu pour effet de briser davantage la dynamique qui trop souvent encore ramène les participants à leur vécu scolaire. Or nous savons que les souvenirs de l'école sont souvent accompagnés d'émotions douloureuses qui freinent l'apprentissage. L'expérimentation nous a permis de sortir complètement de nos référents habituels et de préciser ensemble le sens de notre travail.

Le sens que nous donnions à l'alphabétisation populaire

Avant d'entreprendre la deuxième expérimentation de la recherche, nous nous sommes attardées au sens de notre pratique et à la signification des termes qui la définissent. Nous nous sommes demandé ce que signifiait pour nous les caractéristiques d'une pratique d'alphabétisation populaire. Cet exercice nous a permis dès le départ de bien clarifier notre vision. Qu'est-ce qu'on entend à ce moment précis et dans ce contexte particulier par une pratique d'alphabétisation populaire? Nous estimons que cet exercice a sûrement été un des points forts de notre projet. En effet, une vision claire et partagée permet de donner une direction précise à un projet, de maintenir le cap, de comprendre les écarts et les déroutes afin de guider les interventions et d'évaluer la pertinence et l'impact de certains choix

Participants et animatrice ont su créer un contexte presque idéal favorisant nettement la participation de chaque personne à des degrés différents. Ils ont su installer un climat de confiance, favoriser le travail d'équipe et la mise à profit des habiletés et des connaissances de tous et ainsi faire l'apprentissage de la coopération et de la solidarité. Ils ont su créer un contexte où chaque personne pouvait définir son rôle et trouver sa place. Certes, les participants ont trouvé et pris leur place dans le contexte de l'expérimentation, ils y ont joué un rôle central, mais si nous levons un peu les yeux pour regarder l'ensemble de la démarche, nous sommes plus perplexes. Quelle a été la place des participants dans chacune des étapes du projet de recherche, et quels étaient pour eux les lieux de décision?

La décision de présenter un projet de recherche au bureau des technologies d'apprentissage a été prise par l'équipe du Carrefour, sans consulter les participants. Nous avons ensuite conçu et rédigé notre projet dans un délai extrêmement court. C'est d'ailleurs ainsi que nous procédons généralement pour les demandes de subvention. Pourtant, nous le savions, notre recherche nécessitait la pleine participation des participants. Dans le cadre d'une recherche-action participative, nous aurions dû au moins aller vérifier l'intérêt de nos participants pour un tel projet. Déjà, le manque de temps nous poussait à escamoter une étape importante en ce qui a trait à la place des participants dans le processus décisionnel.

De façon générale, on peut dire que pendant la première expérimentation, les participants ont été consultés et appelés à se prononcer régulièrement sur le processus en cours et à évaluer les différents aspects de leur expérience. Nous leur avons souvent demandé leur avis et nous en tenions compte. Nous étions dans un processus consultatif et nous demeurions dans le cadre du projet, tel qu'il avait été entendu avec le bailleur de fonds. Les participants aimaient leur expérience et s'y prêtaient volontiers.

La place des participants dans le processus décisionnel ne s'est posée de façon claire qu'au début de la deuxième année de notre projet. Lorsque que nous nous sommes penchées sur la définition de l'alphabétisation populaire qui devait guider notre pratique, nous avons réalisé que la question du processus décisionnel aurait un impact beaucoup plus grand au moment de la deuxième expérimentation. Au début de cette deuxième expérimentation, nous avons choisi de ne pas constituer un groupe composé de personnes volontaires et de travailler avec un groupe déjà existant. Nous voulions travailler avec un groupe relativement homogène, représentatif du niveau intermédiaire. Or dans le groupe intermédiaire du Carrefour, seulement quatre personnes sur neuf avaient préalablement manifesté l'envie de participer. Nous nous étions engagées sur cette voie en présumant que le reste du groupe serait aussi intéressé. Le manque de temps et l'enthousiasme des participants face à la première expérimentation ont tenu lieu de processus démocratique. Bien que manifestement intéressés par le projet, les participants n'avaient pas eu l'occasion de prendre part à un réel processus décisionnel. Nous suivions le courant de la première année sans trop nous questionner. Or, comme nous l'avons vu, certains participants auraient préféré avoir le choix. Nous avons vécu une situation un peu semblable au moment du choix des scénarios. Nous aurions pu intégrer les participants au processus en leur présentant, au départ, la banque de scénarios prévus et en discutant avec eux de la pertinence d'en choisir un plutôt qu'un autre.

Nous devons admettre que pour des raisons que nous invoquons souvent, notamment le manque de temps, les participants n'ont pas pris part aux décisions de façon formelle. Comme nous l'avons dit, ils étaient consultés régulièrement, et les nombreuses évaluations leur ont servi de plate-forme , ils pouvaient s'exprimer sur le déroulement de l'expérimentation, se prononcer sur le processus et ils étaient entendus.

Pour installer un réel processus de prise de décision, il aurait fallu procéder comme nous l'avons fait pour les grands thèmes, c'est-à-dire se pencher sur cette question et décider conjointement avec les participants quels seraient les lieux de décisions et comment on s'y prendrait pour décider. Il aurait fallu évaluer et assumer les risques et surtout consentir le temps nécessaire. Un réelle démocratie exige qu'on investisse beaucoup de temps en formation et en information. Dans ce contexte, il aurait fallu clarifier les priorités en matière de résultats et de processus. Si l'accent est mis sur le processus, nous investissons notre temps autrement que s'il est mis sur les résultats. Ce simple exercice peut dès le départ nous permettre de faire des choix et d'investir notre temps là où nous jugeons important de le faire. Il aurait aussi fallu décider des aspects de l'expérimentation sur lesquels les décisions porteraient et des personnes qui participeraient au projet, en plus de préciser jusqu'où nous étions prêtes à aller.

Fortes de notre expérience, nous pensons que nous nous engagerons désormais beaucoup plus à fond dans ce processus, car nous avons pu le constater de façon vive et concrète, la prise de décision est un des aspects fondamentaux d'une démarche vers l'autonomie; elle est donc incontournable en alphabétisation populaire.

Ce que prendre son temps peut vouloir dire

L'univers de la recherche crée un espace où la question du temps se vit de façon tout à fait particulière. La recherche nous force à ralentir pour regarder et voir, pour découvrir et laisser émerger, pour comprendre et expliquer Le temps devient non seulement nécessaire, mais essentiel à la conduite du projet. La recherche exige qu'on regarde de près, qu'on examine et qu'on s'éloigne aussi. Le temps devient un acteur principal, c'est lui qui dirige. En recherche, le temps se calcule autrement, et il en faut beaucoup pour permettre la transformation. La recherche nous force à ralentir, et chaque fois que nous nous pressons, nous le ressentons. Au cours de notre projet et plus particulièrement pendant les expérimentations, nous avons fait de l'alphabétisation au ralenti. Nous avons créé un espace où nous pouvions regarder de près, examiner minutieusement certains aspects de notre pratique et s'y attarder. Nous avons constaté que pour

réfléchir à nos pratiques et expérimenter des façons nouvelles de procéder, il était essentiel au départ d'y consacrer beaucoup de temps. Intégrer les logiciels éducatifs dans nos pratiques demande un temps de préparation considérable. Nous ne pouvons pas non plus faire l'économie de retours fréquents sur nos interventions et d'évaluations suivies de nos pratiques. Découvrir demande du temps, mais si nous laissons le temps à nos participants de trouver les chemins qui les amèneront à faire de nouveaux apprentissages, nous serons plus en mesure de retracer avec eux la route parcourue et de les guider adéquatement Comme nous venons de le voir, l'exercice de la démocratie exige lui aussi qu'on y accorde le temps nécessaire.

Il faut apprendre à estimer la valeur du temps que nous consacrons à la poursuite de nos objectifs et se faire à l'idée qu'il est parfois profitable de ralentir Lorsque nous savons où nous allons, nous pouvons prendre notre temps sans jamais le perdre.

Conclusion

Le présent document fait état d'une recherche-action entreprise au Carrefour d'éducation populaire de Pointe Saint-Charles à l'automne 1999. Le Carrefour est un groupe d'éducation et d'alphabétisation populaire situé dans un des plus vieux quartiers ouvriers de Montréal. Pionnier en alphabétisation populaire, il œuvre dans ce quartier depuis plus de trente ans. Plus de 150 citoyens de Pointe Saint-Charles s'inscrivent annuellement aux diverses activités offertes par les secteurs action-participative, alphabétisation, art et artisanat et informatique. Les personnes inscrites participent activement au développement de leur centre et de leur communauté en s'investissant dans divers comités. La réflexion et l'action conscientisante sont au cœur des pratiques du Carrefour.

L'arrivée des nouvelles technologies a soulevé de nombreuses questions et a également provoqué des changements importants au sein du Carrefour. Le secteur alphabétisation a été un des premiers à être touché, et c'est en alphabétisation que les premiers ordinateurs ont été mis à la disposition des participants. L'enthousiasme de ces derniers était certes très stimulant, mais la route n'était pas pour autant sans embûches. Participants et formatrices exploraient ensemble de nouvelles pratiques liées à des outils que personne ne maîtrisait.

En 1999, les formatrices ont entrepris une recherche-action dans le but de rendre accessibles les logiciels éducatifs aux adultes inscrits dans une démarche d'alphabétisation populaire. La recherche, qui s'est déroulée sur deux ans, comportait deux expérimentations. Nous avions un objectif général, que nous venons de mentionner, et deux objectifs particuliers propres à chacune des expérimentations:

La première année, nous voulions déterminer quelles étaient les principales barrières liées à l'utilisation des logiciels par des adultes faiblement alphabétisés en observant les participants travailler individuellement et librement avec plusieurs logiciels. La deuxième année, nous voulions élaborer et expérimenter, dans le cadre d'une approche d'alphabétisation populaire, des scénarios d'apprentissage permettant de surmonter les difficultés préalablement déterminées.

Les faits saillants de la première expérimentation

Voyons les faits saillants qui ont marqué cette première année d'expérimentation.

Les comportements positifs face à la tâche

D'entrée de jeu, nous remarquons que le plaisir lié à la découverte, à l'ouverture au monde et à la nouveauté a un effet extrêmement stimulant chez nos participants. Ces derniers sont curieux et manifestent clairement leur goût d'apprendre. Les peurs que suscite l'informatique sont rapidement surmontées pour faire place à l'exploration. Certains participants découvrent qu'ils sont plus persévérants qu'ils ne croyaient; ils se concentrent plus facilement et plus longuement lorsqu'ils sont à l'ordinateur. Ils cherchent des solutions aux problèmes qu'ils rencontrent et font preuve de beaucoup d'autonomie.

Le fait de prendre conscience de leurs habiletés et de leurs forces, dans une nouvelle situation d'apprentissage, augmente la confiance et l'estime de soi des participants. Ils aiment partager leurs découvertes et leurs bons coups. Ils discutent, échangent des impressions et s'entraident. La coopération sera manifeste à toutes les étapes de l'expérimentation.

Les apprentissages liés à l'environnement informatique

Il va sans dire que l'expérimentation a permis aux participants d'améliorer leurs connaissances des composantes d'un ordinateur et de leur fonction Les nombreux échanges relatifs à leur expérience les ont incités à acquérir un nouveau vocabulaire et à utiliser les termes propres à l'informatique. Le désir de partager et de mieux comprendre les autres leur a fait réaliser l'importance d'utiliser les termes exacts. Ils ont également acquis beaucoup d'aisance dans les diverses manipulations qu'exigent l'utilisation de l'ordinateur et l'exploration d'un logiciel. Ils nous ont dit apprécier la richesse et la convivialité des logiciels. La beauté, la clarté des images et la taille des caractères captaient leur intérêt et stimulaient leur sens de l'observation. La liberté que procurait l'expérimentation était une source de plaisir associée à l'apprentissage. Enfin, pour tous, il est clair que l'ordinateur est un outil d'apprentissage polyvalent qu'il faut connaître.

Les moments plus difficiles

Le décodage des textes et des menus demeure une activité difficile et parfois même frustrante pour plusieurs participants. Certains ont de la difficulté à lire les textes qui apparaissent à l'écran, et quand ces derniers sont lus par un narrateur, ils le sont trop rapidement. Les participants ont aussi des difficultés à se familiariser avec la procédure et la marche à suivre, ce qui limite leur exploration du logiciel. Ils doivent trouver leur façon de procéder, acquérir une méthode qui leur soit propre. Ils ont besoin de s'exercer pour trouver leur chemin.

Certains participants se disent agacés par les dessins et les voix enfantines. Ils apprécient les logiciels qui sont signifiants pour eux. Les logiciels produits ailleurs comportent parfois certaines difficultés supplémentaires liées au vocabulaire et aux référents culturels.

Les bogues sont également un irritant important, puisque certaines personnes ayant perdu leur travail ont dû refaire complètement leurs exercices, plusieurs fois dans certains cas. On remarque que face aux difficultés, les participants sont soit passifs, soit très impulsifs.

Les faits saillants de la deuxième expérimentation

Voyons maintenant les faits saillants de cette deuxième expérimentation qui visait à rendre les logiciels accessibles aux adultes en démarche d'apprentissage dans un contexte d'alphabétisation populaire.

Une démarche d'alphabétisation populaire
Au début de la deuxième année de notre recherche, nous nous sommes penchées sur ce que signifiait pour nous une pratique d'alphabétisation populaire. Nous voulions mieux comprendre le sens des mots que nous utilisons pour la définir et nous entendre sur une compréhension commune. Nous avons retenu les caractéristiques suivantes:

  • Une approche collective
  • Une participation active de tous les acteurs
  • Le respect du rythme de chacun
  • L'entraide et la coopération
  • Une pédagogie ouverte
  • Une place importante des participants dans les prises de décisions
  • Un rôle différent de la formatrice

Nous voulions savoir si nous retrouvions une ou plusieurs de ces caractéristiques dans notre pratique d'utilisation des logiciels et comment elles se manifestaient. Voici donc ce que nous avons observé relativement à ces caractéristiques.

Relativement à l'approche pédagogique

Le choix du logiciel

Le choix du logiciel est un élément déterminant si on veut favoriser l'autonomie, l'initiative et la liberté. Tous sont unanimes, nous avons fait un bon choix à ce chapitre. Mon premier atlas est animé et coloré, il suscite la créativité et l'ouverture au monde en plus d'être compatible avec une approche conscientisante.

La formule choisie

L'alternance entre ateliers réguliers et ateliers avec ordinateur a certainement été un facteur de réussite important dans l'atteinte de notre objectif. En effet, elle permettait aux participants de connaître les tâches à accomplir à l'ordinateur. Ils pouvaient s'outiller adéquatement, poser des questions, échanger des commentaires et s'exercer. Le fait de pouvoir anticiper le travail à réaliser les rendait plus sûrs d'eux et augmentait considérablement leurs chances de réussite et leur satisfaction face au travail accompli. Les ateliers permettaient la mise en commun du travail.

La création de scénarios à partir des goûts et des besoins des participants rendait la formule plus souple et nous permettait de nous adapter en fonction des réactions et des commentaires des participants. Les scénarios favorisaient le travail collectif et nous permettaient de mettre le logiciel en veilleuse et de varier nos interventions.

Le rôle de l'animatrice

L'ensemble des observations convergent vers trois pôles: questionner, s'adapter aux besoins et aux imprévus et respecter le rythme de chaque personne.

Questionner les participants permettait de refaire avec eux le chemin parcouru, de retrouver les repères, de vérifier leur compréhension et d'évaluer la pertinence des moyens utilisés pour atteindre la destination. Les participants pouvaient prendre conscience des étapes qu'ils avaient franchies et participer activement à leur démarche d'apprentissage.

S'adapter, c'est faire preuve de souplesse et d'ouverture, saisir les moments clés et modifier, au besoin, le déroulement de l'atelier. C'est cesser d'avoir peur ou de se sentir menacé parce que momentanément, on n'a plus la pleine maîtrise de la situation. Au cours de l'expérimentation, l'animatrice a montré une grande capacité d'adaptation en permettant aux participants d'explorer, de faire des choix et de prendre leur place. L'ouverture de la formatrice augmente l'intérêt des participants et stimule la dynamique du groupe.

Pour les participants, le respect du rythme de chaque personne est un élément essentiel au bon fonctionnement d'un atelier et à la pleine participation de tous. Un rythme trop rapide est perçu comme un facteur d'exclusion. Instaurer et maintenir un déroulement bien équilibré, respectueux du rythme d'apprentissage des participants faisait manifestement partie des préoccupations de l'animatrice.

Relativement à la participation et à l'entraide

Nous avons relevé diverses manifestations simples et spontanées de participation et d'entraide

La participation

La pleine participation de chacun des membres du groupe est un des aspects importants de notre pratique. Selon nos observations, la participation s'est manifestée dans l'intérêt soutenu des participants, dans leur grande concentration, dans les gestes et les paroles qui enrichissent et stimulent la dynamique du groupe ainsi que dans les résistances et le refus plus catégorique de participer.

L'entraide

Les données révèlent clairement que l'entraide s'est manifestée de diverses façons à toutes les étapes de l'expérimentation, sous forme d'aide apportée par des participants à d'autres participants, d'encouragement et d'échanges.

L'ensemble des observations que nous avons faites au cours de la deuxième expérimentation nous permettent d'affirmer que nous pouvons, si nous fixons préalablement nos objectifs et si nous mettons en place les conditions nécessaires, surmonter les difficultés que pose l'utilisation des nouvelles technologies en alphabétisation populaire.

Manifestement, les participants aiment et apprécient travailler avec les logiciels éducatifs. La créativité, l'ouverture au monde et la fierté qu'ils tirent de leur expérience favorisent l'apprentissage. La nouveauté des outils et du contexte les incite à s'observer et à effectuer un travail de réflexion et d'analyse. Ils acquièrent de nouveaux réflexes. Les participants ont dit apprécier la souplesse de l'expérimentation. Ils aiment choisir les exercices et se tromper sans être jugés. Ils sont actifs et autonomes. La fascination, l'émerveillement, la curiosité et le plaisir stimulent le goût d'apprendre, et le sentiment d'avoir réussi génère l'envie d'aider les autres. Dans ce contexte presque idéal, soit l'exploration individuelle avec soutien, l'utilisation des logiciels semble très profitable sur le plan de l'apprentissage. L'accès au monde informatique en même temps que la plupart des citoyens crée un sentiment de confiance et de fierté générateur d'attitudes positives.

Nous avons constaté qu'au cours de leur exploration, les participants nous ont rapidement éloignées des difficultés en faisant ressortir les conditions favorables à l'apprentissage. De l'idée de concevoir des scénarios dans le but de surmonter les difficultés, nous sommes passées à celle de mettre en place les éléments favorables à l'apprentissage. Pendant cette deuxième expérimentation, nous allions guider l'exploration des participants et l'inscrire dans une démarche collective.

Au cours de la deuxième expérimentation, le rôle de la formatrice s'est vite présenté comme un élément clé de la situation. L'ouverture, la curiosité et la capacité d'adaptation sont absolument essentielles pour que l'expérimentation puisse avoir lieu. Participants et formatrices sont à égalité dans une situation inconnue. Tous se sentent déstabilisés, voire même parfois en perte de contrôle, et c'est souvent le rôle de la formatrice de maintenir l'équilibre tout en gardant la situation ouverte. Elle doit acquérir l'art de saisir les moments clés et d'en tirer profit. Une expérimentation nous entraîne nécessairement vers de nouveaux territoires, et il faut savoir laisser émerger des réalités parfois surprenantes.

Au cours de leur expérience, participants et animatrices ont su installer un climat de confiance et favoriser le travail d'équipe ainsi que la mise à profit des habiletés et des connaissances de tous, et faire ainsi ensemble l'apprentissage de la coopération et de la solidarité.

Nous considérons que le fait de s'être penchées sur notre pratique d'alphabétisation populaire et d'avoir élaboré une vision claire et partagée de certaines de ses caractéristiques est un des points forts de cette recherche. Cet exercice nous a permis de donner une direction précise à notre travail et par le fait même de mieux mesurer et comprendre les écarts.

Dans la pratique, quelques balises

À la question «le jeu en vaut-il la chandelle», nous répondons oui, sans hésitation aucune pour les participants, mais à certaines conditions pour les formatrices.

En effet, si nous voulons nous lancer dans un projet comme celui-ci, il faut pouvoir et vouloir y consacrer le temps requis. La conception de la démarche, le choix du logiciel, la préparation et l'évaluation des ateliers demandent, du moins les premières fois, un investissement de temps important dont on ne peut faire l'économie. Toutes et tous ont besoin de prendre leur temps.

Pour faire un usage intéressant et profitable des logiciels, il faut tenir compte de trois aspects: la maîtrise de l'ordinateur par les participants, la forme et le contenu du logiciel ainsi que son potentiel sur le plan pédagogique. Les niveaux de difficulté liés à l'exploration du logiciel, à son utilisation et à la réalisation des exercices doivent correspondre aux niveaux d'apprentissage. Le logiciel devrait favoriser l'initiative, la découverte, la créativité et l'autonomie en plus d'être compatible avec une approche conscientisante.

La façon de travailler, la formule, devrait être souple, permettre aux participants de faire les acquis nécessaires au travail sur ordinateur et favoriser le travail collectif.

Les objectifs d'apprentissage doivent être clairs. Visons-nous une plus grande maîtrise de l'ordinateur? Avons-nous des objectifs notionnels? Lesquels? L'accent est-il mis sur la découverte? Sur le processus? Sur l'acquisition de connaissances nouvelles?

Installer une nouvelle pratique demande de s'y attarder, de se questionner et de sans cesse s'adapter et s'ajuster. Par contre, il est fort intéressant de constater les gains rapides que font les participants dans une situation où l'utilisation du papier et du crayon, qui ramène inévitablement au vécu scolaire, est reléguée au second rang au profit d'un outil associé à la société d'aujourd'hui.

La recherche-action est un processus exigeant puisqu'il repose sur la participation de chacun des membres La contribution de chaque personne est essentielle à la réussite du projet. Chacun a un rôle et des tâches précis, mais tous évoluent ensemble à l'intérieur de la démarche. À chaque étape de la recherche, nous comprenions davantage le processus dans lequel nous nous étions engagées. Au cours des deux dernières années, nous avons beaucoup appris sur la recherche, sur nos pratiques, sur nous-mêmes. Nous avons vécu des moments uniques avec les participants. Depuis, ces derniers ont maintes fois manifesté leur envie de poursuivre le travail sur ordinateur et surtout d'expérimenter de nouvelles façon d'apprendre et d'entreprendre de nouveaux projets. Certes, nous désirons tous poursuivre notre travail d'alphabétisation en utilisant les nouvelles technologies et pousser la réflexion, mais ce que nous voulons surtout, c'est d'avoir encore le courage d'introduire l'expérimentation au cœur de nos pratiques en osant pousser la réflexion, déconstruire et inventer.

Bibliographie

Bouffard, Johanne. L'ABC des logiciels, un répertoire pour mieux s'y retrouver!, tome 2, Montréal, Carrefour de Pointe Saint-Charles, 1999, 130 p.

Coulombe, Isabelle, et Sylvie Roy. Guide méthodologique de recherche pour le milieu de l'alphabétisation, Québec, gouvernement du Québec, ministère de l'Éducation, 2000, 75 p.

Lefebvre, Françoise. Approches et méthodes... Un visa pour l'alphapop, Montréal, Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec, 1990, 23 p.

Pilon, Sylvie. L'ABC des logiciels, un répertoire pour mieux s'y retrouver!, tome 1, Montréal, Carrefour d'éducation populaire, 1997, 106 p.

Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec. Le Monde alphabétique, vol. 5, Montréal, RGPAQ, 1993, 68 p.

Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec. Le Monde alphabétique, vol. 8, Montréal, RGPAQ, 1996, 80 p.

Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec. La pédagogie au RGPAQ, Montréal, RGPAQ, 1991, 98 p.

Annexes

1. Liste des logiciels utilisés au cours de la première expérimentation

Titre Thème Niveau

Les bases du français

français

intermédiaire
avancé

Juste pour lire

français

débutant
intermédiaire

Kids Works

français

débutant

R'Alpha

français

débutant
intermédiaire

Orthographe plus

français

intermédiaire

20 sur 20 en orthographe

français

intermédiaire
avancé

Le sac à mots

français

débutant
intermédiaire

Atout clic CE2

français

avancé

Voyage interactif au pays de la lecture

Voyage interactif au pays des maths

mathématique

débutant
intermédiaire
avancé

Math Monde

mathématique

intermédiaire
avancé

Mathémagique

mathématique

débutant
intermédiaire

Mon premier atlas super Génial Nathan

outil de référence

débutant
intermédiaire
avancé

Encyclopédie de la nature Larousse

encyclopédie

intermédiaire

2. Atlas super génial de Nathan

Scénarios d'apprentissage possibles:

1- Reconnaître et identifier: Continent - pays - provinces - capitales - villes

  • Reconnaître la morphologie et l'emplacement de chacun des continents.
  • Identifier les points cardinaux.
  • Identifier les océans (faire le lien avec le matériel du Biodôme).
  • Placer le tout sur une carte (genre puzzle avec velcro).
  • Ajouter graduellement le nom des pays au bon endroit, la capitale, etc.

Alterner du logiciel au matériel en carton et au globe terrestre.

2- Connaître les points cardinaux et se déplacer dans l'espace

  • Situer les points cardinaux.
  • Se déplacer dans le jeu " La chasse au trésor ".
  • Faire le parallèle avec les déplacements dans la ville, en métro ou en autobus.
    (Ex.: Est de la ville = vers le Stade olympique (nombre de stations, etc.).

3- S'initier à la recherche

  • Dresser un parcours dans lequel les apprenants auront à se déplacer dans le logiciel
    (pour consolider les acquis).
    Écris le nom du pays au sud du Canada (choix de réponses possibles...).
    Où est la pyramide X? (avec photo au besoin).
  • Lire une carte postale, déterminer sa provenance.
  • Trouver la définition d'un mot (à partir des hyperliens).

4- Établir un itinéraire de voyage

  • Se documenter sur un pays en particulier (en groupe ou individuellement).
  • Consulter divers ouvrages (journaux - livres de bibliothèque - Internet).
  • Écrire ou lire en atelier sur le sujet.
  • Remplir une demande de passeport (pour le groupe avancé - sans la déposer).
  • Lire un extrait de carnet de voyage ou relater les exploits d'un aventurier comme Bernard Voyer, Saint-Exupéry.

5- Cuisiner des mets internationaux

  • S'informer sur les coutumes alimentaires d'un pays cible.
  • Découvrir de nouvelles épices, etc.
  • Chercher une recette - l'écrire et la cuisiner ensemble.
  • Constituer un livre de recettes?
  • Échanger des opinions sur l'alimentation et ses enjeux. Les pays riches versus les pays pauvres, les OGM, etc.

6- Faire le point sur l'actualité internationale

  • Savoir ce qui se passe dans le monde. Où est-ce que ça se passe?
  • Distinguer information et désinformation...

On peut également faire des liens avec la Marche mondiale des femmes.

7- Connaître les grandes puissances mondiales (le G8)

  • Quels pays gouvernent le monde? Qui sont les riches et puissants?
  • Peut-on déjà s'en faire une idée juste à se promener dans le logiciel?
  • Comprendre les enjeux de la mondialisation des marchés - les manifestations...

8- Découvrir les écosystèmes et se préoccuper de l'environnement

  • Découvrir la faune et la flore à l'aide du livre d'autocollants.
  • Lire les textes en atelier en groupe, puis à l'aide du logiciel.
  • Compléter avec le matériel du Biodôme.
  • Aller visiter le Biodôme au frais de BTA.

9- Observer, discriminer, comparer, écouter, etç,

  • Apprendre à s'auto-corriger. Donner une dictée, puis inviter les participants à trouver le sujet dans le logiciel (ex. le kangourou) afin de corriger leur texte.
  • Écouter les vidéos (océans, espace, etc.) et répondre par vrai ou faux.
  • Taper ou chercher dans l'index le nom de quelques animaux, lire le texte et trouver la réponse à des questions préparées à l'avance.
    (ex.: Compléter: L'élan est un cervidé. On peut faire vrai ou faux aussi).
  • Discriminer les sons. Identifier l'instrument de musique qui joue la mélodie à votre passage aux États-Unis. Quel bruit entend-on au Pôle nord?
  • Comparer les distances. Combien de temps faut-il pour traverser en voiture les trois pays suivants?
  • Décrire une image. Écris le nom de tout ce que tu vois à l'écran (image fixe). Écris une phrase qui décrit X. Observe et trouve dans la liste suivante ce qui n'apparaît pas à l'écran (ex.: Un intrus dans une liste de dix mots).
  • Associer les pays au bon continent et vérifier ses réponses à l'aide de l'index (lire les textes correspondants à chaque pays).
  • Associer un drapeau au pays en s'aidant de la liste des pays (affiche dans la chambre). Ex.: On cible la lettre A. On copie le dessin du drapeau de l'Angola et on demande aux participants d'inscrire le nom du pays dessous Pour les niveaux plus avancés, on peut leur demander des questions plus complexes, p. ex.: dans un de ces pays, on parle espagnol. Lequel? On peut demander aux participants de placer une série de pays par ordre alphabétique et de se corriger en vérifiant dans la liste. On peut aussi faire des jeux style Alphaludo.
    Ex.: Élimine tous les pays de plus de sept lettres, etc., jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un.

3. Mon journal de bord

[Voir l'image pleine grandeur] Mon journal de bord.

4. Questions pour bilan des points cardinaux

Sur l'outil:

  1. Avec ce que vous connaissez à date, comment trouvez-vous le logiciel Mon premier atlas?
  2. Avez-vous plus de facilité à travailler avec ce logiciel?
  3. Avez-vous le goût de continuer à vous servir du logiciel pour apprendre?

Sur l'animation:

  1. Trouvez-vous que je vous laisse assez de place pour intervenir dans mon animation?
  2. Est-ce que j'ai répondu aux besoins que vous avez exprimés durant le scénario?
  3. Trouvez-vous que je vous aide trop ou pas assez? Est-ce que je vous laisse assez de temps pour lire, pour trouver une réponse, pour faire un exercice?

Sur la dynamique:

  1. Trouvez-vous qu'il y avait une bonne dynamique dans le groupe?
  2. Dans ce scénario, y a-t-il eu assez de place pour le groupe ou était-ce trop individuel?
  3. Si vous voyez que l'intérêt baisse dans une activité, avez-vous assez de place pour le dire?

Sur le scénario:
Il y a eu six rencontres sur les points cardinaux: trois en atelier régulier et trois à l'ordinateur.

  1. Avez-vous trouvé que c'était trop long ou trop court?
  2. Avez-vous appris des choses?
  3. Trouvez-vous que vous avez avancé dans votre lecture et dans votre écriture?
  4. Pensez-vous que la recherche à laquelle vous participez va dans le sens de vos objectifs d'apprentissage?

Les scénarios

  1. Des trois scénarios (points cardinaux, animaux, je voyage et j'écris), lequel avez-vous préféré et pourquoi?
  2. Lequel avez-vous aimé le moins et pourquoi?
  3. Avez-vous appris? Donnez des exemples de connaissances que vous avez acquises.

La recherche

  1. Est-ce que vous trouvez intéressant d'apprendre à lire et à écrire avec un ordinateur et un logiciel éducatif?
  2. Qu'avez-vous le plus aimé dans la recherche?
  3. Qu'avez-vous le moins aimé?
  4. Auriez-vous préféré qu'on vous laisse le choix de faire partie ou non de cette recherche?
  5. Si l'année prochaine, vous aviez le choix entre un atelier régulier ou un atelier avec Mon premier atlas, mais avec de nouveaux scénarios, que choisiriez-vous?

Vous en tant que collaborateur

  1. Avons-nous respecté votre façon d'apprendre? Si oui, dites-nous en quoi. Si non, donnez-nous un exemple.
  2. Parlez-nous de la place qu'on vous a laissée pour dire votre opinion ou pour exprimer des besoins.
  3. Selon vous, cette recherche a-t-elle permis assez d'échanges entre vous, comme dans un atelier régulier?
  4. Selon vous, la recherche a-t-elle changé l'animation de la formatrice?
  5. Quelles sont vos recommandations en ce qui a trait aux suites à donner à cette recherche?

5. Les scénarios

Titre du scénario Description

Initiation

À partir d'un rétroprojecteur, connaître le logiciel

• But visé

• apprendre à manipuler la souris
• apprendre à se servir du clavier
• se familiariser avec les fonctions du logiciel

• Activités pédagogiques

• découverte de chacune des icônes du logiciel
• série d'exercices de manipulation de la souris
• pratique d'ouverture des icônes
• découverte des fonctions (narration, informations, index, etc.)
• pratique d'écriture par le clavier (remplir le passeport du logiciel)

• Résultats attendus

• que les participants se sentent à l'aise devant un ordinateur (écran, souris, clavier)
• qu'ils s'habituent avec le logiciel
• qu'ils reconnaissent les icônes et leurs fonctions

Les points cardinaux

S'orienter à partir de la carte du monde du logiciel et de cartes géographiques variées

• But visé

• connaître les points cardinaux
• localiser des endroits en se servant des points cardinaux
• lire différentes cartes et mieux s'y retrouver

• Activités pédagogiques

• exercices de familiarisation avec la carte du logiciel
• situer les points cardinaux
• jeu du logiciel: chasse au trésor
• exercices variés sur la notion des points cardinaux: vrai ou faux, choisir la bonne réponse, compléter les phrases, etc. (atelier et salle d'ordinateurs)
• pratique des directions avec une carte du Canada, du Québec et de Montréal
• exercices à l'extérieur: lire une carte touristique, se servir d'une boussole
• lire la carte du quartier et y situer les organismes populaires

• Résultats attendus

• que les participants puissent mieux s'orienter
• qu'ils repèrent où ils sont sur une carte
• qu'ils situent un endroit par rapport à un autre
• qu'ils augmentent leur capacité de lecture et d'écriture

Les animaux du monde

À partir du logiciel et de documents, choisir un animal, faire une recherche, la présenter au groupe et réaliser un montage

• But visé

• chercher de l'information
• trier cette information
• réaliser une production

• Activités pédagogiques

• découverte des animaux dans le logiciel, lecture sur ces animaux
• feuilleter des revues et des livres pour choisir son animal
• recherche d'information précise sur l'animal choisi
• échange en groupe d'information plus précise sur l'animal (habitat, nourriture, etc.)
• réalisation d'un montage (photos, textes, dessins) sur l'animal

• Résultats attendus

• que les participants réalisent une création
• qu'ils maintiennent un intérêt suivi sur un sujet précis
• qu'ils partagent leurs connaissances avec d'autres
• qu'ils améliorent leur capacité de lecture et d'écriture

Je voyage et j'écris

À partir de la découverte de pays, trouver celui qui nous convient, partir en voyage et écrire une carte postale

• But visé

• discriminer les notions de continents, océans, pays, villes, etc.
• connaître des pays et mieux les situer
• découvrir des sites célèbres

• Activités pédagogiques

• exercices sur les continents, les pays, les océans et les villes
• exercices «à quel pays appartient ce drapeau»
• mot-mystère sur les pays et sur les villes
• recherche d'actualités sur des pays et partage d'information
• noms des habitants de certains pays, masculin-féminin
• exercice de recherche «dans quel pays trouve-t-on ce lieu célèbre»
• recherche libre: choisir le pays dans lequel je voyagerai
• écriture d'une carte postale

• Résultats attendus

• que les participants connaissent mieux d'autres pays
• qu'ils augmentent leur intérêt pour ce qui se passe ailleurs
• qu'ils augmentent leur capacité de lecture et d'écriture

Remerciements

Nous tenons à remercier tous ceux et celles qui ont rendu ce projet possible:

  • D'abord les participants pour leur courage et leur ténacité.
    Gérald Allaire, Claude Aubin, Chantal Bélanger, John Doyle, Laurette Fleurant, Carole Helpin, Ronald Laguë, Marie-Yves Lemy, Lise Loiselle, Serge Manier, Anita Prescott, Michèle Rivest, Lise Robert, Henriette Robertson
  • Toute l'équipe du Carrefour et plus particulièrement Malika Alouache, Jocelyne Drolet et Alcide Godin
  • Johanne Bouffard pour avoir cru si fortement que les logiciels éducatifs pouvaient devenir un outil d'apprentissage.
  • Marcelle Dubé pour avoir si généreusement partagé avec nous son expertise et pour nous avoir guidées au cours de notre exploration.

Crédits

Agentes de recherche pour la première année
Claire Boyer
Johanne Bouffard

Agentes de recherche pour la deuxième année
Michèle David
Claire Boyer

Encadrement et supervision du processus de recherche et collaboration à la rédaction
Marcelle Dubé

Rédaction du compte rendu de la première expérimentation
Claire Boyer
Johanne Bouffard

Rédaction du compte rendu de la deuxième expérimentation
Michèle David

Rédaction du rapport de recherche
Élise De Coster

Consultante en API (actualisation du potentiel intellectuel)
Carole Doré

Transcription des verbatims
Colette Delisle

Révision
Isabelle Chagnon

Page couverture
Johanne Bouffard

Collaboration à la discussion sur les résultats
Johanne Bouffard
Claire Boyer
Michèle David
Élise De Coster
Jocelyne Drolet
Marcelle Dubé

Coordination du projet
Élise De Coster

Cette recherche a été réalisée grâce au Bureau des technologies d'apprentissage de Développement des ressources humaines Canada

Carrefour d'éducation populaire de Pointe Saint-Charles
Montréal, 2002


  • 1 Sylvie Pilon, L'ABC des logiciels, un répertoire pour mieux s'y retrouver, tome 1, Montréal, Carrefour d'éducation populaire de Pointe Saint-Charles, 1997, 106 p.
  • 2 Johanne Bouffard, L'ABC des logiciels, un répertoire pour mieux s'y retrouver, tome 2, Montréal, Carrefour d'éducation populaire de Pointe Saint-Charles, 1999, 130 p.
  • 3 Isabelle Coulombe et Sylvie Roy, Guide méthodologique de recherche pour le milieu de l'alphabétisation, Montréal, gouvernement du Québec, ministère de l'Éducation, 2000.
  • 4 Sylvie Pilon, L'ABC des logiciels, un répertoire pour mieux s'y retrouver, tome 1, Montréal, Carrefour de Pointe Saint-Charles, 1997, p. 2.
  • 5 Pour consulter les logiciels avec lesquels les participants ont travaillé, voir l'annexe 1.
  • 6 Regroupement des groupes populaires en alphabétisation, La pédagogie au RGPAQ. Montréal, RGPAQ, 1991, p. 57.
  • 7 Philosophe, éducateur et militant, Paolo Freire est né au Brésil en 1921.
  • 8 Françoise Lefebvre, Approches et méthodes... Un visa pour l'alpha pop, Montréal, RGPAQ, 1990, p. 13.
  • 9 Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec, La pédagogie au RGPAQ, Montréal, RGPAQ, 1991, p. 59.
  • 10 Marie-Hélène Deshaies et Micheline Séguin, «Par où passe la vie démocratique en alphabétisation populaire», Le Monde alphabétique, vol. 8, RGPAQ, 1996, p. 39.
  • 11 Marie-Hélène Deshaies et Micheline Séguin, «Par où passe la vie démocratique en alphabétisation populaire», Le Monde alphabétique, vol. 8, RGPAQ, 1996, p. 39.
  • 12 Linda Maziade, «Atout-Lire, 10 ans d'alphabétisation populaire», Le Monde alphabétique, vol. 5, RGPAQ, 1993, p. 5.
  • 13 Linda Maziade. «Atout-Lire, 10 ans d'alphabétisation populaire», Le Monde alphabétique, vol. 5, RGPAQ, 1993, p. 4.
  • 14 Description tirée de L'ABC des logiciels, un répertoire pour mieux s'y retrouver, tome 2, Montréal, Carrefour d'éducation populaire de Pointe Saint-Charles, p. 115.
  • 15 Voir le tableau des activités pédagogiques en annexe.
  • 16 Nous faisons ici référence à la banque de scénarios élaborée à la fin de la première année de la recherche.
  • 17 Voir le tableau des activités pédagogiques en annexe.
  • 18 Voir le tableau des activités pédagogiques en annexe.