Table des matières

Introduction

La collection «J'apprends!» comporte un «ensemble pédagogique d'alphabétisation et de francisation d'élèves adultes originaires du sud-est asiatique», composé de 16 cahiers d'exercices et d'activités, ainsi que d'une audiocassette pour les apprenants. À cela s'ajoute ce «Guide pédagogique» pour les formateurs.

Initialement, cet ensemble devait être destiné tout spécialement, sinon exclusivement, à des adultes originaires du sud-est asiatique. En fait, nous voulions offrir à ces apprenants des outils qui leur permettraient de contrecarrer les systèmes d'interférences linguistiques les empêchant de réaliser une bonne maîtrise de la langue française. Dans la conception et la réalisation des cahiers de la présente série, nous avons consulté des tableaux comparatifs très détaillés, mettant en opposition les principales langues du sud-est asiatique avec le français: les exercices et les activités que nous proposons en tiennent compte effectivement.

D'un autre côté, nous savons tous que les interférences linguistiques, tout en expliquant l'émergence d'un bon nombre d'erreurs (affectant principalement certains aspects phonétiques de la langue), ne permettent pas toujours de prédire l'ensemble des écarts avec exactitude: les élèves adultes commettent des erreurs inattendues ou restituent des énoncés exacts contre toute attente.

De plus, les élèves adultes, en provenance du sud-est asiatique, sont de moins en moins nombreux dans les groupes-classes d'alphabétisation-francisation.

Pour ces raisons nous avons décidé de concevoir des cahiers plus polyvalents, qui pourraient desservir toutes les clientèles possibles, quelle que soit leur origine linguistique. De toute façon, il se crée dans les groupes, au fur et à mesure que les élèves progressent dans la maîtrise et l'emploi du français, comme un «dialecte d'apprenants», un «dialecte de classe», qui comporte chez les membres du groupe une ressemblance sensible dans les performances et les écarts, toutes origines linguistiques confondues.

Mais, nous le répétons, même si nous n'avons pas cru bon de nous centrer exclusivement sur les besoins spécifiques d'apprenants en provenance du sud-est asiatique, nous nous sommes toutefois souciés, dans nos propositions d'exercices et d'activités, de répondre avant tout aux besoins particuliers de ces personnes, surtout en correction phonétique, en grammaire et en intégration culturelle.

Plusieurs formatrices et formateurs accusaient le manque d'outils didactiques adaptés pour les classes d'alphabétisation des immigrants. Il existe beaucoup de manuels, de grammaires, de cahiers d'exercices pour les classes de français langue seconde, mais trop peu de ce matériel se prête réellement à l'enseignement dans des classes d'immigrants analphabètes ou faiblement scolarisés. Cette série de 1 6 cahiers prétend combler cette lacune, bien que partiellement et de façon assez modeste.

Nous la proposons en priorité aux groupes d'apprentissage dont s'occupent les divers organismes volontaires d'éducation populaire - les OVEP - qui ne disposent pas de la même abondance d'outils ou d'appuis didactiques que les établissements des commissions scolaires et des COFI, car ils fonctionnent la plupart du temps sans conseillers pédagogiques, sans bibliothèques bien fournies de volumes, sans médiathèques aux multiples ressources.

Nous avons nommé cette série: «J'apprends!», pour refléter dans le titre même deux faits incontournables:

  1. la nécessité , mais aussi la chance d'acquérir la langue française pour tous les étrangers qui s'intègrent à la vie québécoise,
  2. et le désir ressenti par les nouveaux arrivants d'apprendre à parler, comprendre, lire et écrire la langue du pays.

Enfin, ces cahiers ont été créés pour des apprenants qui éprouvent des difficultés assez prononcées dans les activités d'apprentissage, n'ayant pas reçu de formation scolaire suffisamment poussée dans leur pays d'origine. Ces cahiers ne constituent pas une méthode, mais ils représentent néanmoins un ensemble d'outils d'appoint que formateurs et apprenants sauront apprécier.

Objectifs de la série

Les objectifs généraux que cette série propose aux apprenants adultes sont les suivants:

  1. développer la compréhension du français et la capacité de réagir en français dans les situations les plus courantes de la vie;
  2. apprendre à lire des écrits simples et utiles (des écrits «fonctionnels» ou «authentiques») et savoir écrire quelque peu, toujours en fonction de ces nécessités ou obligations occurrentes qu'imposent les relations avec le milieu dans la vie de tous les jours;
  3. comprendre et s'intégrer aux habitudes culturelles du pays d'accueil.

Cette approche explique le choix des thèmes et la proposition d'exercices dans chaque cahier.

Choix des thèmes

Nous avons privilégié l'approche «thématique» (ou «par thèmes de vie») dans la conception et la création des divers cahiers dont se compose cette série. Le thème de vie nous est apparu comme un contexte précieux qui suggère les notions et les actes de parole utiles dans les diverses situations dont il est tissé. Le thème est ainsi garant de l'attention de l'adulte et il assure ce côté «pratique» et concret des apprentissages, qui apparaissent ainsi immédiatement recapitalisables dans la vie: ce sont là des aspects auxquels l'adulte est particulièrement sensible. Le thème assure également une meilleure rétention des notions, des énoncés, des éléments culturels proposés.

En ouvrant très grand l'éventail des choix possibles, il était clair qu'on ne pouvait être exhaustif. Il fallait se limiter à un certain nombre de thèmes, même en maintenant une attitude «touche-à-tout», afin de réaliser une assez large couverture de situations et susciter un plus grand intérêt chez les apprenants.

Pour arrêter notre choix, nous avons questionné plusieurs formateurs, afin de mieux cibler les centres d'intérêts des élèves adultes. Les domaines et les thèmes ne couvrent pas seulement les menues situations de la vie courante, mais aussi la nature et les structures du milieu social d'accueil.

Voici le tableau des domaines et des thèmes retenus:

Domaines Thèmes de vie

a) Milieux de vie

1. S.I.A.R.I.
2. L'école des enfants

b) La santé

3. Les situations d'urgence
4. Les soins médicaux
5. La pharmacie

c) L'habitation

6. Le logement
7. La recherche d'un logement

d) La consommation

8. La nourriture
9. Les vêtements

e) La géographie

10. Les saisons

f) Le travail

11. Les emplois
12. La recherche d'emploi

g) Les services publics

13. Les transports; le téléphone
14. La banque; la poste; l'électricité

h) La politique

15. Le système politique au Canada
16. L'histoire d'un pays

Clientèle visée

Le type d'apprenants que nous avions en perspective dans l'élaboration des cahiers et des séquences d'activités d'apprentissage a été celui qui est le plus fréquent et le plus important numériquement dans les groupes d'alphabétisation dont on s'occupe dans les OVEP. Ainsi ces outils pédagogiques s'adressent principalement à:

  • des personnes analphabètes fonctionnelles, c'est-à-dire plus ou moins scolarisées dans leur langue maternelle, lecteurs ou au moins «faibles lecteurs» dans cette même langue d'origine, capables - comme on dit - de «tenir un crayon» et de recopier, sans trop de problèmes, les mots et les énoncés enseignés;
  • des personnes ayant déjà acquis certaines notions très générales ou minimales sur le fonctionnement d'une langue, sur l'emploi d'un alphabet et sur les techniques de lecture et d'écriture;
  • des personnes possédant aussi une compétence initiale en français: capables donc de suivre un enseignement adapté pour faux débutants, dans une approche très micrograduée.

Nous avons bon espoir que ces cahiers représentent un matériel d'appoint très intéressant pour l'ensemble des étudiants qui fréquentent des cours d'alphabétisation et de francisation (niveau débutants et intermédiaires).

Quant aux rares personnes complètement analphabètes, dont sont saupoudrés les groupes, nous sommes convaincus qu'elles ont besoin d'attentions plus particulières et sur mesure. L'enseignant

peut toujours adapter des éléments de ces cahiers pour l'analphabète allophone «profond» qu'il découvre ainsi parmi les autres étudiants de son groupe, mais il est contre-indiqué de lui proposer telles quelles les activités de ces cahiers. Nous suggérons plutôt, pour aider cet étudiant réellement illettré à réaliser ses premiers pas en lecture et écriture du français, de se servir des six cahiers de la Collection ABC, éditée par Beauchemin inc.

Comment utiliser les cahiers

Chaque cahier comporte quatre types d'activités:

[Voir l'image pleine grandeur] Livre ouvert

des exercices de lecture

[Voir l'image pleine grandeur] Crayon de plomb

des exercices d'écriture

[Voir l'image pleine grandeur] Casque d'écoute

des exercices d'écoute

[Voir l'image pleine grandeur] Audiocassette

des exercices de correction phonétique

[Voir l'image pleine grandeur] Calculatrice

des exercices de calcul

Les activités qui comportent de l'écoute, de la communication orale, des dialogues, de la lecture à haute voix, sont appuyées par des corpus oraux, contenus dans l'audiocassette d'accompagnement.

Dans les 16 cahiers, cinq symboles permettent d'identifier rapidement la nature de l'exercice ou de l'activité: l'image d'un livre ouvert indique les exercices de lecture; celle d'un crayon, des activités d'écriture; le casque d'écoute renvoie à des exercices de discrimination orale; l'image de l'audiocassette introduit des exercices de prononciation ou de correction phonétique et finalement la calculatrice suggère des exercices de calcul.

Nous n'avons pas jugé bon d'offrir un corrigé des exercices.

D'un autre côté, nous avons choisi le format en cahiers-fascicules, en pensant que cela signifierait éventuellement une possibilité d'économie et moins de gâchis: les élèves adultes abandonnent les cours d'alphabétisation et de francisation et on ne sait plus ce que deviennent les bouquins d'école; ou bien, s'ils sont persévérants, ils ont parfois besoin de reprendre des activités d'écriture, qu'ils ont plus ou moins complètement ratées; ils ne savent pas trop non plus comment utiliser convenablement les imprimés contenant les propositions d'exercices, mais ils «scribouillent» quand même sans trop savoir ce qu'ils combinent. Leur remettre dès le début un gros volume de devoirs et d'exercices peut aussi les décourager... Tandis que recevoir un nouveau fascicule au fur et à mesure qu'ils progressent dans la maîtrise de la langue et dans les techniques de lecture et d'écriture, semble constituer une approche plus sensible à ces principes de microgradation, qu'il faut respecter dans une bonne démarche de formation auprès d'élèves adultes peu scolarisés.

Les divers modèles d'exercices proposés

Les activités de lecture

Il s'agit de textes narratifs ou de dialogues, dont les protagonistes sont toujours des adultes immigrants, vivant au Québec.

Ce ne sont pas des textes «authentiques», dans le sens qu'ils ont été conçus et créés pour des fins didactiques, dans un style particulier, obéissant à certaines normes de simplification et se donnant comme but de proposer les premiers pas dans l'apprentissage du français à des élèves démunis sur le plan des habiletés scolaires.

Les énoncés sont composés de 7 à 9 mots. Ils se suivent par alinéa, évitant de produire des paragraphes - disons - «mur-à-mur». Ils ne comportent généralement qu'un seul complément circonstanciel. Les modes et les temps verbaux difficiles sont écartés, ainsi que certaines finesses de ponctuation. Au prix d'une redondance certaine, on évite également de trop utiliser les pronoms substituts. Les mots sont simples et on n'y retrouve pas d'expressions idiomatiques qui pourraient brouiller la compréhension du texte.

Les protagonistes immigrants, dans ces récits ou dialogues, sont placés face à des problèmes d'intégration des modes de vie du nouveau milieu, dans un contexte toujours positif. On ne moralise pas, on ne provoque pas de jugement ou d'évaluation des différences.

Ces textes de lecture sont repris dans l'audiocassette, de telle sorte que chaque élève peut les lire et relire, même à haute voix, tout en les écoutant. Ils sont toujours accompagnés d'exercices de compréhension et d'analyse en vue d'en dégager le sens: les adultes aiment comprendre ce qu'ils apprennent à lire ou à dire dans la nouvelle langue...

L'enseignant devra parfois reprendre certains textes ou dialogues pour les simplifier davantage, s'il voit qu'ils représentent une difficulté excessive pour l'un ou l'autre de ses élèves ou pour l'ensemble du groupe-classe.

Les dialogues se prêtent davantage à la mise en scène de jeux de rôles; les textes narratifs, au contraire, seront un bon point de départ pour des lectures à haute voix, pour des exercices de correction phonétique ou d'intonation, pour des activités de transcription, de dictée, de classification des termes... Ces textes sont offerts aux élèves et à l'enseignant pour qu'ils s'en servent, pour qu'ils les utilisent, les modifient, les étendent à d'autres situations ou mini-contextes, pour qu'ils en créent d'autres en suivant le modèle proposé...

Les expressions utiles

Par cette série d'activités on active l'appropriation des notions nécessaires pour communiquer dans une situation donnée. Délibérément, nous n'avons présenté que très peu de termes ou d'expressions synonymes. Nous nous sommes astreints à la forme la plus courante d'explicitation du concept ou de la notion.

Les activités proposées à ce titre, vont souvent de l'oral à l'écrit, ou, si l'on veut, de l'écoute du corpus oral à l'exercice écrit. Parfois on se fie à l'intuition de l'élève, en lui proposant une illustration à identifier ou à commenter en partant d'un choix d'expressions ou de notions.

Ces activités sont toujours orientées à la compréhension plus globale des éléments d'une situation donnée de communication, vécue ou à vivre.

L'enseignant pourra élaborer des activités ou des exercices de rappel pour effectuer périodiquement des retours sur les notions présentées, afin de vérifier si elles sont toujours en mémoire vive chez l'élève adulte.

L'enseignant est la personne qui est davantage en mesure de cerner les besoins des membres de son groupe-classe quant à l'apprentissage du vocabulaire. Nous lui fournissons des éléments de départ, sans doute insuffisants: c'est à lui de continuer en encourageant et en nourrissant la progression de ses élèves. Il pourra sélectionner d'autres termes à enseigner, d'autres expressions utiles. Il décidera du comment les regrouper pour fins d'enseignement, des moyens les plus efficaces pour faciliter l'accès à la saisie du sens des nouveaux mots qu'il propose. Il devra surtout trouver des suggestions pour que ses élèves apprennent à les exploiter et à les réemployer afin de s'en assurer la maîtrise et la compréhension au moment opportun. Nous rappelons toutefois à l'enseignant que les élèves adultes peu scolarisés ne peuvent réellement pas engranger trop de termes, trop de synonymes, trop d'expressions en peu de temps. Moins sont-ils habitués aux stratégies scolaires d'apprentissage et plus la banque de mots et d'expressions devra être restreinte, univoque, concrète et essentielle.

L'enseignant ajoutera aux exercices de nos cahiers l'utilisation d'objets et d'images, il exemplifiera par des gestes, des mimiques.

Comme nous dans la conception de ces cahiers, l'enseignant aussi, dans le choix d'activités supplémentaires pour développer la connaissance du lexique utile, doit se poser des questions comme:

  • est-ce que cette activité est motivante? amusante? pratique? pertinente?
  • est-ce que mes élèves la feront volontiers?
  • est-ce qu'elle leur permet de parler de ce qu'ils vivent ou ont vécu?
  • cette activité présente-t-elle un défi autre que linguistique?
  • est-ce qu'elle fait appel à des connaissances et à des habiletés autres que strictement linguistiques?

Les activités de correction phonétique

Nous sommes convaincus qu'il est important d'atteindre une certaine maîtrise passive et active de la phonologie et de l'intonation propres à la langue française, soit pour bien comprendre soit pour être bien compris lorsqu'on échange dans cette langue. Il est vrai qu'à ce chapitre il faut être particulièrement tolérant envers les nombreuses erreurs commises par des adultes dont la langue d'origine est tellement distante du français. Mais à chaque fois que l'écart phonétique empêche une mutuelle compréhension minimale, il ne faut pas tarder à proposer des correctifs. D'ailleurs les élèves adultes aiment et apprécient ces exercices phonétiques.

La règle d'or que nous avons voulu respecter est la suivante:

  1. les exercices de correction phonétique seront brefs, fréquents et pertinents;
  2. ils joueront sur les notions apprises et porteront sur des énoncés et sur des expressions utiles;
  3. ils seront amusants, ludiques;
  4. ils feront appel au goût de découvrir par soi-même les oppositions et la juste articulation;
  5. ils seront intimement liés aux exercices de lecture et d'écoute des textes narratifs ou des dialogues, ainsi qu'aux séances de lecture à haute voix.

Il faut que la correction phonétique obéisse à de stricts principes de dosage, sans quoi elle se transforme vite en une torture pour l'intelligence de l'apprenant. Les exercices dans lesquels elle se concrétise ne doivent pas seulement être courts et cycliques, mais ils doivent être «sur mesure», pour les difficultés réelles, pour les difficultés observées. À cause de ce même principe, ils devront être simples pour des débutants, périodiques ou répétés comme dans une méthode à spirale. De plus, ils gagnent beaucoup en efficacité lorsqu'ils sont «motivés», c'est-à-dire lorsqu'ils consistent en activités ludiques, ou parce qu'ils répondent à une demande explicite des apprenants, ou parce qu'ils couvrent des actes de paroles et des énoncés fonctionnels.

Souvent l'adulte étranger n'entend pas le phonème du français, ne le discrimine pas, le réinterprète intérieurement en le remoulant dans des formants de sa langue maternelle. Les difficultés orales du français se résument essentiellement aux points suivants:

  1. ses voyelles «anormales», c'est-à-dire

[Voir l'image pleine grandeur] y et deux autres symboles


[Voir l'image pleine grandeur] r et deux autres symboles

consonnes que même les enfants français acquièrent tardivement;

  1. l'opposition «sourd-sonore», [p]-[b], [d]-[t], etc.- source de difficultés chez les asiatiques;
  2. la fermeture et l'ouverture des syllabes: [e] et [ε] problématique surtout chez les hispaniques;
  3. l'amuïssement de la voyelle /e/;
  4. l'intonation des groupes rythmiques de l'énoncé: en français, l'accent d'intensité retombe généralement sur la pénultième syllabe du groupe de souffle, ce qui contraste avec la chute mélodique propre aux langues monosyllabiques;
  5. la concaténation des mots sur l'axe de l'énoncé: certains sons semblent tout à fait disparaître, se transformer ou se contracter, selon certaines règles;
  6. les variétés de français et l'accent québécois;
  7. l'organisation de la pensée par la langue et l'expression des nuances temporelles, modales et aspectuelles, par toute cette panoplie de particules d'accompagnement, par le jeu des modes et des temps, des locutions verbales et des concordances entre phrases principales et subordonnées.

L'enseignant comprendra que, sans perdre de vue ces complications ou ces finesses de notre langue, nous avons tourné les coins très ronds et nous ne nous sommes limités qu'à des points de grammaire, de syntaxe et de phonétique très simples et fondamentaux. Nous lui suggérons de doser et de micrograduer constamment les contenus avec des élèves peu scolarisés. Voici, par contre, les éléments de phonétique et de grammaire que nous avons proposés dans cette série de cahiers.

Éléments de phonétique

Cahiers Éléments de phonétique

Le SIARI

Le son [é]

Les situations d'urgence

Les sons [l] et [r]

Les soins médicaux

Les sons [é] et [è]

L'habitation

Les sons [on] et [en]

Les vêtements

Les sons [p] et [b]

Les transports publics...

Les sons [an] et [on]

La banque...

Les sons [in], [en] et [on]

Les emplois

Les sons [é], [è] et [œ]

La recherche d'emploi

Les sons [oui], [ui] et [i]

Les saisons

Les sons [é], [è] et [eux]

Le système politique...

Les sons [in] et [en]

L'histoire d'un pays

Les sons [ou] et [u]

Comme on peut le constater, les éléments de phonétique traités dans les divers cahiers représentent des difficultés particulières pour des élèves adultes en provenance du sud-est asiatique, mais ils engendrent également des problèmes chez les hispaniques et les arabophones.

Nous n'avons pas touché tous les aspects de la correction phonétique et l'enseignant se chargera d'illustrer d'autres éléments, aussi importants que ceux couverts par les exercices de nos cahiers: à cette fin, il faudra qu'il puise dans ses ressources ou dans des manuels spécialisés. Nous espérons toutefois qu'il trouvera dans nos fascicules des modèles d'exercices et d'activités facilement transférables et qu'il y trouvera l'inspiration pour créer d'autres outils didactiques bien adaptés et sur mesure pour ses élèves.

Les points de grammaire

Les points de grammaire et de construction de l'énoncé ont été abordés sous plusieurs aspects complémentaires:

  1. la présentation de l'expression orale correcte dans des contextes de communication;
  2. l'énoncé de la règle de grammaire ou de syntaxe;
  3. la norme d'écriture;
  4. l'occurrence dans le texte français.

Voici le tableau des points de grammaire que nous avons illustrés:

Les cahiers Les points de grammaire

1. Le Siari

Le nom commun
Le nom propre
La lettre majuscule
L'abréviation

2. L'école des enfants

Les articles un, une, le et la

3. Les situations d'urgence

Le genre du nom: féminin et masculin
Les articles définis: le, la et l'
Les pronoms personnels: il et elle

4. Les soins médicaux

La phrase
Le verbe
Les signes de ponctuation: «.» et «?»
Le verbe avoir au présent

5. La pharmacie

La phrase négative
Le verbe à l'infinitif
Les groupes des verbes à l'infinitif

6. Le logement

Les articles indéfinis: un et une

7. La recherche d'un logement

Le nombre du nom: singulier et pluriel
La ponctuation: «,», «.» et «!»

8. La nourriture

Les articles: du, de la, des
L'abréviation
Le sujet dans la phrase

9. Les vêtements

Les prépositions à, de et en
Le complément dans la phrase
Le genre et le nombre des noms et des adj.
Les adjectifs de couleur

10. Les transports...

Le verbe être au présent
Le verbe au présent

11. La banque...

Le verbe aller au présent
Le verbe au futur proche

12. L'emploi

Le nom au féminin: é ée, er ère

Le nom au féminin: eur euse
La phrase simple
Le verbe au passé (imparfait)
L'adjectif qualificatif

13. La recherche d'emploi

Le verbe au passé (passé composé)
Le nom au féminin: teur trice
Le nom invariable

14. Les saisons

Le verbe faire au présent

15. Le système politique

La phrase: le sujet, le verbe et le complément

16. L'histoire d'un pays Le verbe dans la phrase
L'adjectif numéral, l'adjectif cardinal

Si on considère de près la distribution des points de grammaire, on peut facilement remarquer qu'ils sont abordés en fonction des objectifs de communication. Par exemple, les formes du féminin des noms sont principalement présentées lorsqu'il s'agit d'emploi et de recherche d'emploi, car c'est à ce moment-là qu'il faudra parler d'opérateur et d'opératrice, de serveur et de serveuse aux tables, de standardiste (inv.); ou encore les termes indiquant la couleur et les prépositions qui introduisent des spécifications concernant l'usage ou la matière des objets deviendront particulièrement de mise quand il faudra parler de consommation et de vêtement, car là l'élève sera appelé à identifier ou à nommer, par exemple, un manteau en laine de couleur beige, ou un poivron rouge.

La séquence des points de grammaire que nous avons ainsi illustrés constitue un mini-ensemble initial, un tout petit point de départ, sans doute trop limité et lacunaire. Comme toujours, l'enseignant responsable saura ajouter, compléter, insister, répéter et varier... jusqu'à s'assurer que l'essentiel des éléments incontournables de la grammaire française soit finalement acquis par ses élèves.

Nous nous sommes préoccupés de développer l'aspect «écriture» de ces règles. Pour plusieurs parmi les élèves de nos groupes, écrire sans faute est sans doute moins important que de bien dire et de bien se faire comprendre, car dans la vie de tous les jours les habiletés à l'oral sont davantage interpellées que celles relatives à l'écrit. Néanmoins, si on fait de la «francisation-alphabétisation», il faut aussi initier les élèves à la lecture et à l'écriture du français: cela aide et renforce les acquis proprement oraux de compréhension et d'expression, sans dire que plusieurs situations de communication exigent l'utilisation du code écrit: par exemple, il faut savoir lire un formulaire ou une lettre de la directrice de l'école et, de plus, il faut savoir compiler le questionnaire et répondre éventuellement à cette même lettre.

Au risque de nous répéter, nous sommes tout à fait conscients que nos cahiers ne constituent qu'une goutte d'eau, un petit point de départ, un modèle modeste d'approche... Il faut continuer, élargir l'éventail, ajouter d'autre éléments, d'autres essais, d'autres cahiers, car le travail de récupération de ces adultes allophones peu scolarisés est un travail énorme, un travail d'équipe, une tâche à laquelle nous, formateurs d'adultes, devons tous contribuer.

Contenus culturels

Les contenus culturels des 16 cahiers sont avant tout empreints de «quotidienneté», ils sont substantiellement liés à la vie ordinaire de tous les jours d'une famille d'immigrants: ces gens vont au centre d'entraide de leur communauté culturelle; ils ont des enfants à l'école du quartier; ils «magasinent» comme tout le monde pour se nourrir et s'habiller; ils doivent régler des problèmes de santé, acheter des médicaments, lire des prescriptions; ils vont comme nous à l'hôpital, à la pharmacie, au bureau de postes, à la banque; ils empruntent les moyens de transports; ils cherchent un emploi... et quoi encore?

Mais tout cela se déroule pour eux dans un nouveau milieu, différent de celui qu'ils ont quitté en immigrant: langue différente, habitudes différentes, réseaux de relations et de réactions différentes - tout a tellement changé autour d'eux!

Ces cahiers veulent surtout leur offrir un coup de pouce amical, pour qu'ils comprennent et se familiarisent avec le nouveau milieu. Par le choix des thèmes, par les textes et les dialogues, par les allusions, les termes et les expressions utiles proposées, au fil de chaque page, c'est une introduction au menu quotidien de la vie d'immigrant qu'il leur est suggérée. Par expérience, nous savons que cela est très apprécié par ces adultes.

L'enseignant averti mettra beaucoup d'attention et de soin pour que ces aspects du message d'intégration soient bien perçus, bien compris. Il faudra aussi que l'enseignant sache en profiter pour ouvrir à ses élèves adultes un précieux espace de parole, car ils ont sûrement une quantité de choses sur le cœur et une grande envie de se vider sur tous ces propos. Ces échanges vont contribuer à imprimer davantage les contenus et les objectifs thématiques.

Nous rappelons à l'enseignant que son travail pourrait être fortement appuyé par des programmes d'échanges avec des citoyens québécois, par des programmes de jumelage, comme cela se produit dans certains centres et dans quelques services d'éducation des adultes.

À ces thèmes issus de la vie de tous les jours, nous avons ajouté dans les deux derniers cahiers des propos plus englobants et plus vastes, relatifs à la société canadienne et québécoise dans toute son ampleur historique et politique. Cela est plutôt nouveau, mais très important pour ces étrangers qui plongent dans un pays saisi par une profonde reprise de conscience quant à ses structures confédératives, à son histoire passée et à son avenir.

La masse des immigrants d'aujourd'hui, tant par leur intuition ou par leur compréhension de la politique contemporaine canadienne que par le discours porté sur ces réalités au sein de leur communauté culturelle, réalise l'importance de ces enjeux et elle est consciente de la force d'impact de la présence des communautés culturelles.

Les immigrants considèrent Montréal comme «leur» ville et, même s'ils acceptent de se franciser, ils aimeraient jouir davantage d'un certain droit d'interférence, proportionnel à la dimension démographique et au pouvoir économique que les diverses enclaves ethniques représentent sur le territoire métropolitain. Il faut que le pays, son histoire et sa structure politique leur soient expliqués sans passion, sans parti pris, car, en effet, ils veulent savoir et ils veulent agir conséquemment, selon les droits acquis et selon leur conscience. Cette volonté de s'affirmer, aux allures parfois hésitantes et timides, se manifeste assez clairement dans la course à l'obtention de la citoyenneté canadienne.

Nous comprenons très bien que c'est assez délicat de toucher à la politique: c'est parfois comme une danse sur des œufs; l'enseignant est obligé de faire preuve de grande sagesse et de détachement quand il élabore des contenus explosifs ou fortement émotifs. Nous sommes toutefois convaincus qu'il y a effectivement moyen de les aborder de façon positive, objective et intéressante, dans la mesure où on ne demandera pas à ces nouveaux venus de renoncer ou d'oublier leur histoire, leur tradition culturelle, mais juste de bien comprendre celle des populations qui ont créé ce pays.

Intégration des immigrants

La francisation des immigrants n'a d'autre but que cette intégration harmonieuse à la société d'accueil, intégration qui, sans effacer les différences culturelles, peut conduire à un réel sentiment d'appartenance au nouveau pays. La qualité de l'appropriation de la langue d'ici est une garantie d'insertion réussie, de trajectoire ascendante dans ce mouvement d'intégration. Tout ce que nous pouvons réaliser dans ce sens est un élément très important et très apprécié par nos élèves. L'enseignant qui entre dans sa salle de classe et ferme la porte derrière lui pour entreprendre sa journée d'enseignement de la langue française auprès de son groupe, accomplit un geste dont la portée le dépasse: en fait, il contribue à la formation du Québécois de demain, presque comme dans un engagement «missionnaire».

Nous sommes souvent confrontés avec des immigrants récemment arrivés: ils sont en plein choc culturel et psychologiquement ils ne sont pas tout à fait arrivés: ils sont encore «là-bas», dans leur monde à eux...

Ou, alors, ils se débattent dans les premières affres du déracinement-enracinement, dans la pauvreté des débuts, dans l'impossibilité de trouver un emploi...

Viennent-ils de zones de guerre, de pays bouleversés par la misère et par des luttes de pouvoir parfois meurtrières? Le climat serein de nos classes, la démarche d'apprentissage et la reconnaissance personnelle dont nous les entourons leur redonneront confiance. Grâce à nous, ils cesseront sans doute de se considérer comme des métèques venus d'ailleurs et d'en-bas, comme des êtres importuns qui ne sont jamais à leur place nulle part. Au contraire, qu'ils sachent qu'ils peuvent ouvrir dans ce coin d'Amérique des avenues prometteuses pour eux, pour leurs enfants et sans doute aussi pour la société qui les accueille. Il faut absolument que nos élèves ressentent ces appels à l'intégration et au changement de façon positive et soient conscients des effets bénéfiques de ces ferments psychologiques et sociaux à la fois, qui vont les regénérer en un certain sens et en faire des «hommes nouveaux».

Approche fonctionnelle

En terminant, nous désirons souligner que notre intention était de demeurer fidèle à cette approche fonctionnelle et communicative dans l'enseignement du français langue seconde.

L'originalité de notre démarche consistait à consolider dans une même approche trois lignes méthodologiques, soit:

  • apprendre à communiquer dans les situations courantes de la vie, en s'appropriant les actes de parole et les notions orales indispensables, afin de comprendre et d'être compris dans nos interréactions (francisation);
  • apprendre à lire et à écrire le français, en commençant par tout ce qui est immédiatement utile et incontournable dans la vie et les relations de tous les jours, mais aussi en s'appropriant l'essentiel des normes grammaticales et orthographiques du français (alphabétisation);
  • intégrer les nouvelles manières de vivre propres à la société d'accueil, jusqu'à développer un sentiment de réelle appartenance - qui ne pourra toutefois empêcher l'individu de sauvegarder certaines de ses propres valeurs qu'il juge non négociables et qu'il garde jalousement ancrées dans le noyau dur des replis identitaires de sa conscience (intégration).

Selon nous et selon un grand nombre d'intervenants dans ce domaine de l'éducation des adultes, c'est ainsi que doit se faire l'alphabétisation des immigrants allophones au Québec.