Il me fait plaisir de vous présenter Alphabétisation familiale - Modèle d'intervention. Ce modèle se veut un outil utile à l'élaboration d'un programme d'alphabétisation familiale. Bien que certains concepts présentés soient uniques à notre réalité régionale, d'autres sont adaptables et pourraient vous servir.
Organiser un programme d'alphabétisation familiale est un défi intéressant et important.
Nous vous remercions de l'intérêt porté à la lecture de ce document.
Normand Savoie
Directeur de l'ABC Communautaire
Ce document vous est livré à titre de référence. Il consiste à vous entretenir de l'expérience menée à notre centre d'alphabétisation, l'ABC Communautaire Péninsule du Niagara, situé à Welland, Ontario. Depuis 1988, les francophones ont bénéficié de plusieurs projets en alphabétisation de divers types. Et 1996 représente une première pour y coordonner un programme d'alphabétisation familiale.
Alors parlons-nous ici de «guide»ou de «modèle»? «Guide» sous-entend une base de raisonnement unique avec principes directeurs assez stricts; cette appellation suppose une marge de manœuvre à caractère restrictif, quelque peu rigide. Quant à «modèle», c'est ce qui nous est donné à titre de référence. Sans aucun doute, la lecture de cet ouvrage vous inspirera. Elle vous accordera alors la souplesse de modifier certaines modalités afin de les adapter aux besoins de votre milieu. Et là est le but de ce modèle d'intervention: favoriser votre consultation à la lumière du cheminement de notre réalisation.
Ceci étant classé, que nous réserve la suite? Nous définirons l'alphabétisation familiale. Nous vous situerons sur l'énoncé des besoins qui nous occupent. On vous affranchira des objectifs, de même que du plan adopté. Tout au cours de la description des modes d'application, quelques observations seront aussi incluses. La conclusion éclairera sur les résultats immédiats et ira d'une projection de ce que pourraient être les besoins futurs en alphabétisation familiale.
L'alphabétisation, on se le rappelle, consiste à apprendre à lire et à écrire. Et l'alphabétisation familiale consiste à alphabétiser les parents, plus spécifiquement. Par leur intermédiaire, les enfants peuvent bénéficier d'aide dans leurs devoirs. Ainsi, il est à souhaiter que ces enfants maintiendront intérêt et motivation à l'école. L'alphabétisation familiale est un très bon moyen utilisé afin de contrer le décrochage scolaire.
Pourquoi cette tangente en alphabétisation dans notre milieu? Au cours des dernières années, notre centre a reçu très souvent des demandes de service de ce genre. Et la compilation de ces demandes exprimées nous a permis de se rendre à l'évidence qu’un certain nombre de parents de la région se sentent et se disent incapables d'aider leurs enfants dans leur apprentissage scolaire parce qu’eux-mêmes sont sous-scolarisés ou trop faibles en lecture et/ou en écriture de la langue française. Certains se disent aussi complexés et frustrés dans leurs relations avec les professeurs de leurs enfants, ne se sentant pas à la hauteur de la situation.
Le besoin étant là, les objectifs poursuivis sont planifiés ainsi.
L'approche préconisée pour rejoindre la masse des parents, et ce de façon rapide, fut sans contredit par le truchement des écoles. C'est donc en ce sens que nous avons concerté nos efforts afin de recruter l'éventuelle clientèle. Pour ce faire, voici par étapes, le parcours réalisé.
Point 1
Affranchir les surintendants des écoles de langue française et obtenir leur accord pour présenter notre projet dans leurs écoles.
Point 2
Contacter les directeurs (trices) de onze (11) écoles de langue française, du niveau élémentaire et moyen. Tous et toutes se sont montrés enchantés de la possible réalisation d'un tel projet. Ils ont considéré que c'est une excellente façon d'apporter le stimulus nécessaire à l'enfant afin de l'encourager à mieux évoluer dans son processus d'apprentissage. Tous nous ont assurés de leur appui.
Point 3
Chacune des onze associations parents/enseignants fut rencontrée. Une conférence informa alors tous les membres de ces conseils d'administration du bien-fondé de notre intervention et des objectifs de notre plan de travail.
Point 4
La coordonnatrice prépare sa lettre d'invitation et la signe. Le message se lit comme suit:
Point 5
Le centre d'alphabétisation se charge de photocopier la lettre en mille quatre cents exemplaires. Soit le nombre représentant la population totale de familles où les enfants fréquentent les écoles de langue française, écoles sélectionnées, comme décrit à l'étape 2. Hypothétiquement, dans ces familles, on veut donner l'opportunité aux enfants de garder leur racine francophone.
Il est important vous affranchir de la caractéristique du milieu à l'intérieur duquel se déroula notre projet. Ce milieu est principalement anglophone. Les gens sont baignés dans la culture anglaise. C'est pourquoi beaucoup de francophones d'origine tentent de garder leur racine. Les moyens empruntés, pour ce faire, sont de privilégier le français parlé à la maison et d'inscrire les enfants dans les écoles de langue française.
Point 6
La direction de chaque école accepte de prendre la charge de la distribution des lettres. Chaque enfant recevra copie qu'il doit remettre à son/ses parent(s). Cette autre collaboration des écoles fut grandement appréciée.
Point 7
Les échos sont rapides. Moins de deux semaines s'écoulent depuis la distribution. Le résultat se concrétise par dix-sept (17) intérêts manifestés. Des mamans ont téléphoné et/ou se sont présentées en personne au centre d'alphabétisation.
Point 8
L'étape suivante consiste à l'entrevue préliminaire. Votre coordonnatrice aime bien jaser, non seulement pour connaître les attentes de son apprenante, mais aussi pour instaurer le climat de confiance nécessaire. En ce qui me concerne, après la conversation, je donne une courte dictée et je tiens à vérifier l'écrit, au moyen d'une courte composition. Bien sûr, ceci pour les personnes qui peuvent écrire. Pour les personnes complètement analphabètes, la partie théorique de dictée et de composition est omise il va sans dire. Et dans cette situation, le plan de travail avec ces personnes débutera avec l'alphabet, avant de suivre les étapes ultérieures. Personnellement, je préconise une forme d'évaluation de ce genre. Il faut reconnaître que bien d'autres formes d'évaluation sont aussi excellentes. Le principal, à mon avis, doit être une façon permettant de détecter les points forts d'une part et les points faibles d'autre part. Il importe de vérifier l'oral pour avoir idée de la discrimination auditive de l'apprenant(e). Tout ceci afin d'aider à mieux structurer le programme individualisé. Chaque apprenante a ainsi sa feuille de route personnelle où sont inscrites les étapes de son plan de travail avec annotations faites régulièrement.
Point 9
Des dix-sept entrevues menées, en découlent douze inscriptions. Les cinq personnes devant être refusées n'étaient pas francophones d'origine et à cause de cela il n'était pas du mandat de notre centre de les intégrer à nos ateliers. Dommage, mais on ne peut pas présentement animer, diriger des ateliers en français langue seconde; nous nous devons d'animer les ateliers en français, langue maternelle uniquement.
Peut-être êtes-vous intéressés à avoir un profil des douze mamans devenues apprenantes!
Point 10
Il est préparé tout en respectant les disponibilités des parents inscrits. Il est impératif de considérer ces disponibilités afin de respecter le besoin maintenant créé. Les situations à contourner sont les périodes de travail des parents. Soixante-dix pour-cent sont à l'emploi et de plus, avec des horaires différents. Facteur déterminant et influençant le fait qu’il fut assez difficile de former des groupes de travail de trois, quatre ou cinq personnes.
Deuxièmement, il y a aussi les activités parascolaires des enfants lesquelles greffent du temps, temps prioritaire aussi pour le bien de la famille. L'influence de ce facteur est directe car elle joue sur les fins d'après-midi ou les débuts de soirée lesquels, sans cela, les parents seraient disponibles.
Point 11
Finalement, toutes les considérations ayant été tenues pour compte, l'horaire est établi de façon à respecter les attentes et les besoins de tous. La majorité des ateliers dureront deux heures. Quatre mamans seront jumelées en équipes de deux. Les huit autres bénéficieront d'un atelier individuel.
La prestation des cours s'amorce. Chacune possède son programme d'activités. On révise depuis la base et ce pour toutes les apprenantes. Aux explications, s'enchaînent des exercices d'application. Des devoirs sont assignés aussi. Les apprenantes travaillent également aux ordinateurs. Plusieurs intéressants programmes sont à leur disposition. Homophonie et mots cachés, notamment, sont de ces programmes beaucoup aimés.
Le matériel autre qui est utilisé consiste en différents cahiers d'exercices reconnues. Pour l'enrichissement, nous avons à notre disposition différentes autres sources où on y trouve les exercices appropriés aux besoins de chacune.
Aussi, les mamans furent encouragées à apporter bulletin scolaire, lettres de l'école, etc. pour qu'on les lise ensemble. Quelques mamans ont écrit (en bon français) dans leur cahier, les phrases qu’elles ont à rédiger le plus souvent au(x) professeur(s) de leur(s) enfant(s).
Des conseils furent donnés en suggérant la fabrication de cartes avec les sons (an, ou, un, etc.). Ces mamans parfois s'impatientaient. Elles avaient oublié le notion du jeu avec les plus jeunes.
Incroyable aussi le fait que les enfants manifestaient de l'intérêt à ce que maman faisait en atelier et ils tenaient à revoir les devoirs corrigés de maman. Mise au parfum de cela, en accord avec les mamans, escomptant l'effet stimulus, j'apposai des collants au bas des corrections des devoirs. Résultat: les enfants trouvaient «bonne» leur maman (et elles le furent vraiment). L'effet compétition fit son chemin et ils avaient bien hâte de se mériter un collant dont ils furent fiers et impatients de montrer à leur maman.
La prestation de nos cours fut majoritairement donnée au centre. Quoique, pour une apprenante, diverses façons ont été explorées. La flexibilité du service nous a permis de tenter le travail d'atelier à sa résidence. Le progrès n'étant pas manifeste c'est dans un local, prêté par la directrice de l'école que l'enfant fréquentait, que la prestation de service fut continuée.
Tout au cours de cette période du déroulement des activités du projet, était présent en mémoire le but poursuivi, soit aider l'enfant en passant par l'aide du parent. Lors de l'élaboration du plan, fut envisagée la possibilité de former des ateliers parents/enfants.
Cependant, les attentes des parents devant être respectées, nous avons dû laisser tomber cette approche. Pourquoi? L'interaction des raisons suivantes explique l'orientation choisie:
Voilà pourquoi nos mamans préférèrent de beaucoup avoir de l'aide, pour elles, personnellement. Ainsi, leur but de répondre à l'invitation consistait à revoir ou à apprendre les notions de leur français écrit et/ou oral. Avec une confiance en soi renouvelée, dans cet aspect des connaissances, elles se sont dites satisfaites de cheminer de cette façon, du moins présentement.
Les apprenantes se sont exprimées à la fin de leurs ateliers. Elles se sont dites enchantées de leur progrès. Comme coordonnatrice je peux moi aussi témoigner de leur intérêt constant, de l'assiduité aux ateliers, de la grands motivation. Le tout à en juger par l'application aux devoirs faits à la maison et ce en plus de toutes les autres activités de la famille. C'étaient des mamans très bien organisées et grandement déterminées. Pour tous ces efforts dont l'honneur leur revient, j'ai crû bon leur préparer un diplôme symbolique. Le domaine (français) n'est pas écrit, il n'y a aucun logo, mais c'est juste pour le plaisir. En voici une miniaturisation:
[Voir l'image pleine grandeur]
Ce fut lors d'un souper, dans une ambiance fort sympathique, que furent remis ces «diplômes».
Huit ou neuf manifestent le goût et l'intérêt de revenir, pour continuer de s'améliorer.
Avec le succès obtenu auprès de ces francophones, il serait très important avoir l'aide financière pour récidiver. Il serait dommage, pour le bien de la communauté, de les priver d'un service qui semble bien répondre à leurs attentes.
Et nous sommes d'avis que d'autres clients(es) pourraient être rejoints. En 1996, les ateliers ont desservi des gens dont la cellule familiale est dite structurée soit papa, maman, les enfants.
La direction de notre centre se fixe le mandat de garder l'œil ouvert de plus en plus car elle semble convaincue qu’on pourrait rejoindre d'autres catégories de gens telles les familles monoparentales ou autres, lesquelles ont peut-être peur d'être jugées en exprimant leurs besoins linguistiques. Il existe certes, dans notre milieu, des gens «silencieux» pour qui ce service répondrait à un besoin. Voilà qui dicte notre mandat, à court et à moyen terme, soit de développer tactiques ou approches pour rejoindre ces gens.
Éditeur
L'ABC Communautaire
Péninsule du Niagara
706, rue East Main
Welland (Ontario) L3B 3Y4
Téléphone: (905) 788-3711
Télécopieur: (905) 788-1685
Textes révisés
Normand Savoie
Traitement de texte
Nancy Bélanger
Lucie Huot
Mise en page
Lucie Huot
Auteure
Françoise Levesque
Projet subventionné conjointement par le Secrétariat national à l'alphabétisation et le Conseil ontarien de formation et d'adaptation de la main-d'œuvre.